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descriptionLe secret des esprits [Aldaron Elusis] EmptyLe secret des esprits [Aldaron Elusis]

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¤ Rendez-vous ¤

7 mars an 1764 du troisième âge

La fin de cette aventure dans le bois Licorok avait été pour le moins … étonnante ? Qui se serait attendu à avoir derrière les mystérieuses et sanguinaires licornes un arbre magique ? Un arbre qui soulevait plus de questions qu’il n’apportait de réponses en réalité. Qui était-il ? D’où venait-il ? Pourquoi était-il ? Le végétal se proclamait gardien du cœur du rêve. Un titre que le gredin aurait au premier abord cru métaphorique jusqu’à son entrevue avec Demens. L’alchimiste était venu lui révéler avoir pu observer quelque chose entre les racines de l’arbre, semblant fait de chair et palpitant de manière rythmée. Nathaniel aurait pu penser qu’il s’agissait d’un simple cadavre, dans la mesure où l’arbre-songe leur avait révélé un charnier autour son tronc. Mais la mention de la palpitation avait permis d’écarter cette hypothèse de son esprit. Et si ce fameux cœur du rêve existait réellement ? Voilà une information forte intéressante. Mais sur l’heure, le gredin préférait la taire. Tout d’abord parce qu’il estimait que l’accord passé avec l’arbre-songe servait au mieux leurs intérêts, surtout les siens, du moins pour le moment. Ensuite parce que ni lui ni  le clan Elusis n’avait le temps de traiter le sujet. Les Elusis semblaient avoir des projets à Sélénia, tandis que le roi de la confrérie avait des projets à Néthéril. Ce dernier projet avait par ailleurs déjà débuté.

L’elfe sombre n’est pas le genre d’homme à se laisser marcher sur les pieds, ou laisser quelqu’un chier dans son jardin, sans réagir. Et c’est exactement ce qu’avaient fait les graärh en attaquant Athgalan. Certes, du point de vue des pirates tous s’étaient plus ou moins bien passés durant la bataille, si bien qu’il était possible de considérer qu’ils étaient les vainqueurs de cette dernière, mais aux yeux de Nathaniel les choses étaient un peu différentes. Effectivement, il en était sorti victorieux, mais à quel prix ? Combattre les graärh avait couté des ressources, des ressources que le forban forbe aurait préféré utiliser autrement. Mais ce qui était fait, était fait. Il n’est pas possible de revenir dans le passé pour changer la situation actuellement. La situation présente s’imposait à eux et il ne tenait qu’à chacun d’en tirer le maximum de profit. Ce que comptait bien entendu faire Nathaniel.

La défaite des graärh à Athgalan et les conséquences de cette dernière étaient le plus gros bénéfice que les pirates avaient obtenu lors de la bataille. La chef de la légion avait été tuée et les félins avaient pu contempler l’horreur dont la confrérie était capable. Les hommes de son fils Teotl, infiltrés dans les rangs de l’armée graärh durant la bataille, lui avaient rapporté l’état général de la légion Vat’Aan’Ruda. Avec la perte de la Kamda Aaleeshaan, plus la défaite et les morts, la cohésion des tribus en avait pris un coup. C’est cette faille que le gredin se devait d’exploiter. Un ennemi désuni est un ennemi faible. Diviser les tribus diviserait la force de son opposant et lui permettrait de remporter une victoire écrasante.

Dans un premier temps, l’elfe sombre devait faire face à l’obstacle principal qui sonnerait le glas de son avantage s’il venait à se concrétiser : la nomination d’une nouvelle Aaleeshaan. L’esclavage des félins lui avait permis d’en apprendre beaucoup sur ce peuple. Le mode de nomination de leur chef, aussi intéressant soit-il, était long et fragile. Long, car il fallait que les prétendantes accomplissent une quête. Fragile, car les prétendantes étaient seules dans l’accomplissement de leurs quêtes respectives, et encore si elles y parvenaient. Le plan d’action de Nathaniel était donc des plus simples. Il devait mettre à profit le temps qui lui était offert pour entretenir la division au sein des tribus, mais aussi pour les affaiblir ou les faire disparaitre les unes après les autres. La bataille d’Athgalan avait fait la démonstration que la confrérie ne possédait pas une grande force terrestre. Aussi n’avait-elle d’autres choix que de combattre des adversaires possédant une faible force de combat. Une tribu était donc accessible pour la confrérie. L’elfe sombre devrait frapper, violemment et rapidement, pour éliminer autant de tribus qu’il pouvait, car en faisant de la sorte il affaiblirait la légion en elle-même.

Toutefois, les graärh n’étaient pas complètement stupides, ils comprendraient assez vite que leur division représente une faiblesse létale. Tôt ou tard, ils finiraient par se réunir de nouveau et dès lors l’espoir d’une victoire écrasante s’envolerait pour la confrérie. Les félins se réfugieraient surement à l’intérieur des terres, loin des côtes et donc des navires pirates. C’est alors à ce moment que la deuxième faiblesse  du mode de nomination de l’Aaleeshaan serait exploitée. Les prétendantes seraient seules, isolées, loin de tout. Les tuer ne poserait donc pas de difficulté. Aucune d’entre elles ne devrait donc revenir. Les tribus seraient alors certes rassemblées, mais sans un chef unique pour les unir, pour les coordonner. Dans cette configuration, il y aurait autant de dirigeants qu’il y a de tribus, tous possédant une autorité similaire. Cette multitude entraverait la prise de décision, ralentirait les actions graärh. Il suffirait alors d’user un peu de manipulation, voir même de corruption ou de marchandage, pour installer un climat de défiance, monter les tribus les unes contre les autres. Une fois affaiblit de l’intérieur, la confrérie serait en mesure de lancer un ultime assaut, un assaut décisif pour mettre fin à la légion de Néthéril et assurer la suprématie pirate sur la région.

Le plan machiavélique du gredin était d’ailleurs déjà en cours d’exécution. Durant tout le mois de février, la confrérie avait harcelé les tribus désunies. D’ici une semaine, Nathaniel se déplacerait en personne pour prendre en charge le reste de l’opération jusqu’au coup de grâce. Il aurait bien supervisé de lui-même l’opération du début jusqu’à la fin, mais Nevrast l’avait appelé à ses obligations diplomatiques. C’est bien parce qu’il pouvait compter sur son fils Teotl qu’il était encore présent dans la ville vampirique et ne l’avait pas quittée à peine le mal de la licorne envolé. Cela donnait néanmoins l’occasion à l’elfe sombre de profiter davantage de l’hospitalité de ses hôtes vampiriques.

Nathaniel était sur le parvis d’un des bâtiments principaux de Nevrast, où siégeait le nouveau prince noir. Face à lui se tenait un jeune renard au pelage aussi blanc que la neige qui recouvrait le sol. L’elfe sombre s’amusait à lui apprendre les rudiments de tout canidé bien dressé. Le forban était dans l’attente d’Aldaron. Il lui avait envoyé un messager il y a quelque temps déjà, lui demandant de le rejoindre à une heure précise, indiquant pouvoir l’aider d’un problème apparu récemment sans en ajouter plus. L’Eärendil avait remarqué, grâce à l’ornithorynque copié, la disparition d’un des esprits protecteurs du vampire. L’elfe était curieux dans savoir plus quant à l’origine de ce phénomène, mais il se disait également qu’il pourrait l’aider à arranger ce fait. Le roi de la confrérie ayant acquis une vaste connaissance dans le domaine des esprits-liés.

descriptionLe secret des esprits [Aldaron Elusis] EmptyRe: Le secret des esprits [Aldaron Elusis]

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    Sous les rayons d’une soleil levant, la perle du cœur, qu’Aldaron faisait glisser entre ses doigts, avait une lueur sombre où le mauve se mêlait à des arabesques de vert et de blanc. Quelque chose avait changé, entre eux, depuis la forêt. Depuis qu’ils avaient eux à se séparer de leur commun esprit-lié. Ils avaient pensé que leur amour serait toujours là, malgré tout… Mais il avait, pour l’Ast, ce goût fade d’un met délicieux qui avait perdu sa saveur. Avaient-ils vexé l’esprit-lié de l’Inséparable ? Ou leur amour n’avait-il fait que reposer indéfiniment sur le pouvoir du totem sur leur vie. Et dès lors qu’il n’était plus là, les routes qu’il avait contorsionnées pour qu’elle se rejoignent reprenaient leur place. La magie disparaissait et il ne restait que des cendres. Un amour toujours là mais qui avait des allures décadentes. Jadis, il l’aurait suivi jusque dans la mort… Et maintenant ?

    Il aurait beau se mentir à lui-même en affirmant mordicus qu’il ne tiendrait pas, la vérité avait quelque chose de tragique : il tiendrait, il survivrait. Cette réalisation le perturbait. Il l’aimait… Mais plus jusqu’à la mort et pour un inséparable tel que lui, c’était… Comme une trahison envers leur amour. Comme si jusqu’alors, il n’avait pas eu le droit de lui survivre. Devait-il y voir un mauvais présage ? Il avait tranché des têtes pour son clan, leur famille, et il allait mener une guerre contre Sélénia. Mais défait de l’aveuglement de son amour inconditionnelle, il redevenait l’Aldaron pragmatique qu’il était en d’autres circonstances. Il remettait tout en perspective et ne se trouvait plus aussi certain de ses choix. Le message qu’on lui porta le tira de ses pensées morose. Une invitation de Nathaniel. Un sourire en coin, un souffle par le nez. Tiens donc, que lui voulait son roi ?

    L’Ast alla passer du temps avec Ivanyr Junior : s’il y avait bien une chose qui parvenait à tirer son cœur hors de la peine et du doute, c’étaient bien ses enfants chéris. Eduquer Liv était un plaisir de chaque jour tant son enfant veillait à rendre fiers ses pères. Il n’avait pas besoin de feindre sa joie ou son bonheur, il peinait même à afficher la réserve régalienne à laquelle il tenait, en termes d’image. A l’heure convenu, il se rendit sur le parvis du palais de justice et la silhouette du forban, massive, se dessina en contraste avec un renard blanc comme neige. « Un pirate sur le parvis du palais de justice : je vois que tu n’as pas perdu ton sens de l’humour… » La félicitation était sincère, il poursuivit : « … Après tout ce temps. Je finissais par croire que tu préférais définitivement Achroma. » Le reproche, lui, n’était qu’à moitié sincère. Il avait des notes joueuses : il comprenait parfaitement que parler affaire avec un amnésique n’aurait pas été très productif.

    Le regard du vampire coula sur renard : « Tu es venu me proposer d’adopter des animaux pour pallier mon problème d’adoption compulsive ? » railla-t-il pour connaître la raison des mots sibyllins qui caractérisaient l’invitation reçue.

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¤ Les Esprits ¤

Un geste de la main, suivi d’un ordre clair et simple.

« Coucher. »

Puis un mouvement de la main sur le côté faisant passer la direction de la paume du sol vers le ciel, accompagné d’une nouvelle injonction.

« Roule. »

Le canidé hésita un peu, tournant légèrement la tête sur le côté. Lorsque l’elfe répéta le mouvement et l’opération, l’animal s’exécuta finalement. Nathaniel enchaina alors avec un léger mouvement de paume vers le haut.

« Assis. »

Le renard polaire se redressa légèrement, venant s’asseoir sur ses pattes arrière, tandis que le gredin enchaina en venant tendre sa main devant lui. L’animal n’eut cette fois-ci pas besoin d’ordre et sembla comprendre puisqu’il vint poser l’une de ses pattes dans la paume de son nouveau maitre. L’elfe sombre souri et recula sa main avant de se dresser pour ensuite lever une nouvelle fois sa main, cette fois paume vers lui et doigt en direction du ciel.

« Fais-le beau. »

Une fois encore l’animal sembla avoir du mal à comprendre, mais finit par s’exécuter après une troisième répétition du geste et de l’ordre. Le canidé se dressa alors sur ses pattes arrière, sautillant légèrement pour garder son équilibre. Le manège prit néanmoins fin avec l’arrivée d’Aldaron. Le pirate délaissa alors le renard pour venir concentrer son attention sur le vampire.

« Un pirate sur le parvis de justice : je vois que tu n’as pas perdu ton sens de l’humour … »

Un franc sourire éclaira les lèvres du gredin, révélant ses dents ciselées alors qu’il se contenta de hausser les épaules et de répondre sur un ton tant amusé que moqueur.

« Je cultive l’art d’être toujours là où ne m’attend pas. Cela permet de surprendre les autres. Mais il est vrai que ma simple tenue devant ce lieu est si symbolique qu’elle pourrait à elle seule constituer un élément d’un spectacle comique. »

L’elfe sombre leva les yeux, observant l’endroit où il se tenait. Les vampires ayant un palais de justice, cela restait étrange dans l’esprit du gredin. C’est comme si les pirates avaient eux aussi un tel bâtiment. Pour autant, il en comprenant la nécessité, tant chez le peuple de la nuit que chez les forbans. Rendre la justice, ou du moins une certaine forme de justice, s’avérait nécessaire pour conserver un minimum d’ordre.

« Après tout ce temps. Je finissais par croire que tu préférais définitivement Achroma. »

Nathaniel sourit une nouvelle fois, et lançant un regard charmeur en direction du vampire, en profitant par la même occasion pour laisser la magie du lion transparaitre dans sa voix.

« Serait-ce une pointe de jalousie que je crois percevoir ? Achroma a ce petit goût de nouveauté qui attire tout navigateur qui se respecte, mais toi et moi, c’est bien différent de lui et moi. Nous deux nous connaissons déjà, avons déjà eu l’occasion de nous côtoyer par le passé. En dépit de mes aventures en mer, je finis toujours par revenir au port. »

L’elfe sombre fit un petit clin d’œil au vampire cendré avant de lâcher un léger rire, stoppant par la même occasion les effets de son esprit-lié.

« Pallier ? Non, je ne pense pas que cela y pallierait. Bien au contraire, cela ne ferait que renforcer cette addiction à l’adoption. Tu sais je m’y connais en addiction. C’est après tout un moyen de se faire de l’argent sur le dos de pauvres hères. Et, ça peut paraitre étrange venant de moi, mais il faudrait que tu vois un spécialiste pour parler de ce problème. Malheureusement, je suis spécialiste en bien des domaines, mais pas celui-là. La seule chose de bien que je fais pour les enfants c’est de les abandonner, leur donnant ainsi une vie sans doute bien meilleure que celle à laquelle ils seraient destinés si je les gardais. »

L’elfe sombre se baissa alors, venant attraper le jeune renard par la peau du cou, avant de le soulever et venir les mettre dans les mains d’Aldaron.

« En revanche, je suis spécialiste dans bien d’autres domaines. Et je pourrais bien te venir en aide pour l’un d’entre eux. Si tu acceptes bien entendu. »

La main du gredin effleura celle du vampire lorsqu’il lui remit le canidé.

« J’ai remarqué dans la forêt quelque chose de fort étrange peu après notre rencontre avec cet arbre … tout aussi … bizarre. J’ai voulu m’en assurer plus tard et je viens finalement d’en avoir confirmation à l’instant. Je suis dans l’incapacité de copier l’inséparable auquel tu es lié, je dirais même plus, à chaque instant qui passe, ton lien avec cet esprit-lié s’amenuise. Grâce aux graärh, j’en ai énormément appris sur les esprit-liés ces dernières années que du temps où j’étais sur Ambarhùna. Je pense donc pouvoir faire quelque chose à ce sujet. J’ignore s’il est possible de réparer ton lien avec l’inséparable, mais il était peut-être possible de remplacer ce lien défectueux par un autre. Je l’ai fait assez récemment pour quelqu’un d’autre. »

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    De la jalousie ? C’était ce qu’Aldaron feignait, mais probablement n’était-ce pas qu’une feinte. Achroma, nouveau Prince Noir, focalisait beaucoup d’attention et si l’elfe avait beaucoup apprécié l’ombre après les horreurs de Morneflamme, le vampire peinait à rester pleinement à cette place. Elle était confortable, mais pour un temps. Il avait envie de s’approcher de ces têtes qui dirigeaient le monde et le façonnaient sous leur égide. L’elfe à la chevelure d’écume l’intriguait par sa décadence et son absence de code de l’honneur. S’il refusait personnellement à abandonner ses valeurs, il n’en demeurait pas moins vrai que les règles obtuses des Hommes n’étaient pas complètement compatibles avec sa propre perception du monde. Le charme du Lion titillait des sens que l’Inséparable n’éteignait plus.

    « Tu risques de trouver un port vide et délabré. Ce genre de choses, ça s’entretient ou cela perd de l’intérêt. »

    Nevrast en était l’image même. Avant que le Marché Noir ne mette son nez dedans, les bicoques n’avaient pas fière allure. L’intérêt porté à cette nouvelle capitale avait poussé la Triade à l’entretenir. Il avait racheté des terres pour combler une partie de la dette vampirique puis il avait aménagé ces terres qui lui appartenaient. Il avait peuplé ces demeures ou leur avait donné une utilité publique. Ce centre d’intérêt portait ses fruits. S’il l’avait laissé à l’abandon en attendant qu’il évolue tout seul, qu’aurait-il retrouvé ? Les mêmes bicoques, sinon pire ? Il ne pouvait nier que Nathaniel l’avait laissé évoluer entre de bonnes mains. Achroma veillait sur lui à la fois comme un amant et comme un guide. Mais il n’était pas Nathaniel. Il n’était pas le roi que l’Ast était sensé servir. Il était un tout autre monarque avec d’autres valeurs bien à lui.

    L’Ast croisa les bras et dut assez rapidement les rouvrir lorsqu’il se retrouva avec le renard polaire en leur sein. Les yeux surpris, il observait l’animal dans le fond de ses mires, trouvant en lui un regard tout aussi interrogateur que celui de l’Ast. Qu’était-il sensé faire avec ce truc poilu ? Il cligna des yeux et tâcha de créer un minimum de lien en quelques caresses mais l’animal grogna, obligeant le vampire à simplement… Le tenir, bien trop intrigué par ce que le Roi de la Confrérie lui proposait. L’aider ? Et quelle était sa spécialité au juste ? Le charme ? Aldaron était d’ores et déjà bien assez à l’aise sur le sujet. La filouterie ? Il n’était pas certain qu’Achroma ne lui vole pas dans les plumes si Nathaniel dévergondait son Piou.

    Le vampire détourna le regard lorsque le pirate aborda la question de l’Inséparable disparu. Il évitait d’en parler, bien qu’il n’en ait guère honte. Ils avaient pris cette décision ensemble, dans un but bien précis, en plus de calmer l’Arbre-Songe.

    « Ivanyr et moi ne voulons pas renouer avec cet Esprit-Lié. Nous n’avons pas fait que satisfaire les demande de l’Arbre-Songe, afin qu’il s’apaise. Havremont tient rancune à mon époux et promet de venir le chercher jusque Nevrast s’il le faut. Je doute que… Quelle que soit sa force au combat, il ne soit capable de le tuer vraiment mais… »

    Il y avait ce ‘mais’ qui subsistait. Autone lui avait souligné : aussi puissants puissent-ils être, ils n’étaient pas immortels. Que deviendraient leurs enfants ? Leur clan ? Le Royaume vampirique ? S’ils tombaient tous les deux, ils laissaient tout cela entre les mains d’un destin fort cruel pour ceux qui portaient le nom d’Elusis ou de vampire.

    « Ce que nous laisserions derrière nous n’est pas arrivé à maturité. Ils n’ont pas d’avenir tracé, pas de certitudes ni… L’Inséparable est injuste pour tous ceux qui ne sont pas nous deux. Nous ne pouvions pas avoir cet égoïsme, plus maintenant. Il y a trop de choses en jeu. »

    Ses lèvres se pinçaient. Des choses qui les dépassaient. Qu’en serait-il si deux dragons Liés mourraient d’un coup ? Le monde magique saignait bien assez de la perte de Firindal et Cynoe. Le renard sembla avoir abandonné sa méfiance en s’installant confortablement dans les bras de son porteur improvisé.

    « J’espère que nous n’avons pas vexé les Esprits-Liés pour autant. S’il existe un moyen de renouer avec eux, comment faut-il s’y prendre ? »

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¤ Pauvre âme en perdition ¤

« Tu risques de trouver un port vide et délabré. Ce genre de choses, ça s’entretient ou cela perd de l’intérêt. »

L’elfe sombre haussa un sourcil. Oh si, il y avait une pointe de jalousie là-dedans, peut-être même plus. Était-il en train de lui faire une leçon morale ? Ou une leçon tout court sur la manière de tenir ses affaires ? Et ses relations ? Le pirate et le vampire n’avaient pas la même vision des choses. Pour autant le roi de la confrérie ne se risquerait pas à dire que son interlocuteur avait tort de tenir un tel discours. Au contraire. Ils avaient simplement chacun leur méthode. L’elfe sombre est telle la marée pour un port, il est telles les saisons pour la nature. Il s’en va pour mieux permettre aux navires de quitter et de revenir au port. Il s’en va pour mieux permettre à la nature de s’endormir et de renaitre. Il s’en va pour mieux revenir les bras chargés de trésors. Nathaniel est un personnage disposant du sens de la mise en scène, un personnage affriolant. Chacun de ses départs, chacun de ses retours est soigneusement travaillé. Les cérémonies ou fêtes entourant ces évènements n’ont pas que pour but de forger son icône, elles ont aussi vocation à impacter l’opinion publique et l’ordre public des habitants de la confrérie. La vie de criminel n’est pas une vie paisible. Elle est pleine de doute et de douleur. C’est pourquoi les rares instants de joie sont aussi importants. C’est pourquoi ils doivent être aussi marquants. Car ils permettent d’oublier, d’effacer, de compenser toutes les difficultés. Certes, certains pessimistes diront que cela revient à se bercer d’illusions, qu’il s’agit d’un mode de vie en dent-de-scie, incertain, mais celui-ci permet de vivre pleinement chaque instant et avec une grande intensité. Le sujet dériva toutefois assez rapidement sur le problème d’esprit que rencontrait Aldaron.

Le vampire partagea sa volonté de ne pas renouer avec l’inséparable. Soit, il suffirait simplement de défaire le lien définitivement et d’en nouer un nouveau. Même quand bien même cela ne semblait pas insurmontable, la tâche resterait assez complexe. C’est toujours la même histoire en matière de magie et de force qui nous dépasse. L’elfe sombre agita la main devant le nez du vampire pour en chasser l’air, mais semblant plus désireux de dissiper les sombres idées assaillant l’esprit du maitre du marché noir.

« Chasse donc ces craintes de ton esprit. Tu n’as pas besoin de les ressasser ou de te torturer avec. C’est la guerre. Elles seront toujours et à jamais présentes, tant que ton ennemi respire encore. »

Nathaniel colla ses mains l’une à l’autre avant de les séparer en les caressant l’une l’autre. Apparut alors dans le creux de celle de gauche une petite cuillère d’ivoire qu’il vint saisir de deux de ses doigts.

« Vois cette petite cuillère. S’inquiète-t-elle d’avoir froid lorsqu’elle sera plongée dans un délice glacer ? S’inquiète-t-elle d’avoir chaud lorsqu’elle sera plongée dans un potage brulant ? Non, bien sûr que non. Car elle a conscience que ces risques font partie intégrante du jeu, aussi l’accepte-t-elle ce qui peut risquer de se produire sans se torturer l’esprit. »

L’elfe vint jouer avec l’ustensile en la faisant glisser entre ses doigts.

« Soit comme cette petite cuillère. Et une fois que cela serait fait, une fois que la peur et le doute face au risque auront disparu, tu pourras jouer plus efficacement pour ne pas perdre la partie … ou alors le moins possible. »

L’Eärendil vint user de ses pouvoirs pour désagréger sa création qui se transforma petit à petit en poussière, s’envolant au vent.

« Mais, si tu t’inquiètes tellement de ce que vous pourriez laisser derrière si Achroma et toi veniez à mourir alors soit rassurer, je veillerais à m’en occuper personnellement et à prendre votre relève. »

Un sourire éclaira le visage du gredin, ayant parfaitement conscience que cette proposition n’était pas forcément la plus rassurante qui soit.

« Ou alors, sers en toi comme motivation supplémentaire pour ne pas flancher. »

Nathaniel offrit un clin d’œil à Aldaron avant de lever sa main et faire tourner son poignet pour ensuite pointer une direction d’un bout d’un doigt, avant de faire signe de le suivre.

« Les Esprits sont des êtres à part. Ils prennent rarement parti. Car ils sont les protecteurs de la création de nos divins cadavérés. Et donc nos protecteurs. Les graärhs, contrairement à ce qu’ils peuvent bien croire, n’en ont pas le monopole. Aussi, si vous les aviez vexés, je doute fort que ton lien avec le saumon se porte aussi bien. La magie de cet arbre étrange, et votre volonté commune à Achroma et toi y sont forcément pour quelque chose. »

Après plusieurs minutes, l’elfe sombre conduisit le vampire vers une maison que le gredin avait investie en prévision de cet instant. Une forte chaleur se dégagea d’un âtre central venant réchauffer l’atmosphère intérieure. Quelques torches aux murs apportaient une luminosité supplémentaire. Une sculpture en ivoire ressemblant à un petit arbre blanc, rappelant le symbole des Elusis se trouvait à côté de l’entrée. Enroulé à l’une des branches un serpent au corps épais se reposait. Il ouvrit les yeux en voyant entrer deux individus, sifflant à leur encontre.

« Nous y voilà. Il faut vraiment être un vampire pour pouvoir vivre dans des contrées si glaciales. »

L’elfe sombre s’approcha de l’âtre, mais le dépassa rapidement, pour venir se saisir d’un chaudron qu’il souleva pour venir placer au-dessus des flammes. Nhäggini, pendant ce temps, avait étendu le cou en direction de l’individu accompagnant l’Eärendil, semblant l’observer sous toutes les coutures. Observant l’intérêt de la créature maudite pour le vampire, le gredin se dirigea vers elle, tendant la main.

« Aldaron, laisse-moi te présenter Nhäggini. Je t’ai dit tout à l’heure avoir aidé quelqu’un d’autre dans un cas un peu similaire au tien. Je parlais d’elle. Bouillonnante de rage et de colère à l’encontre des esprits et de leurs serviteurs. Une pauvre âme infortune, en mal d’un lien qui lui avait été ôté. »

Un siffle réprobateur s’échappa de la bête qui se mit à s’enrouler autour du bras tendu par Nathaniel.

« Et qui a tenté à maintes reprises de me tuer, me jalousant. »

Un nouveau sifflement s’échappa de l’animal, semblant amuser de ce fait. Le serpent poursuivant son chemin pour affermir sa prise sur son nouveau perchoir. L’elfe s’en alla se rapprocher du vampire, le museau de Nhäggini venant apparaitre derrière l’épaule du gredin pour s’étendre en direction du maitre du marché noir.

« Heureusement pour toi et surtout pour moi, nous n’avons plus rien à craindre d’elle désormais. Alors, qu’est-ce que tu en penses, Nhäggini ? »

L’animal siffla à nouveau, semblant communiqué avec le gredin.

« Nous allons forcer la main aux esprits. Mais tout d’abord en faisons disparaitre pour de bon les bribes de ton lien passé. »

Le gredin s’éloigna pour s’en aller se saisir d’un sceau. Il se dirigea ensuite vers la fenêtre qu’il ouvrit brièvement. Doucement il vint briser les stalagmites que glace avait pu former au-dessus de la fenêtre, venant les déposer dans le récipient jusqu’à le remplir à moitié. Une fois l’office fait, il ferma la fenêtre vint vider le contenu dans le chaudron pour faire fondre la glace et ainsi obtenir l’eau nécessaire à la base de ses futures préparations. La glace ne tarda pas à fondre et un léger bouillonnement se fit entendre. Se saisissant d’un verre et d’une louche, il vint remplir ce dernier avec l’eau présente dans le chaudron avant de retourner vers l’atelier. Là-bas, il se saisit d’un flacon contenant un fluide d’une couleur d’un orange-jaunâtre. Il en versa deux gouttes dans le verre avant de touiller pour bien le diluer. La mixture prête, il se tourna vers Aldaron, posant le breuvage sur une table, puis, venant porter sa main à l’intérieur de son manteau, il sortit un flasque qu’il posa également sur la table.

« On pourrait s’attendre à que ça en est le goût puisque ça ressemble à de la pisse de vache, mais malheureusement celui-ci est bien pire. Un conseil, bois-le cul sec. Puis rinces-toi la bouche avec ma liqueur personnellement d’Athgalan, mais surtout n’avale, crache là. Si on le dilue plus, le venin du mange-esprit risque de ne plus faire effet. Après l’avoir ingurgité, tu ne devrais plus du tout sentir ton lien avec l’inséparable. Celui du saumon sera légèrement engourdi, mais toujours bien présent. »

L’elfe sombre s’en retourna vers une petite étagère. Il attrapa un ciseau, trois poupées de chiffon et une besace. Revenant vers la table il posa les objets, poussant le ciseau en direction d’Aldaron.

« Je vais avoir besoin d’une mèche de cheveux, et ne sois pas radin. Cela sera nécessaire au rituel. »

Non loin du ciseau se trouvaient trois poupées, toutes se ressemblaient plus ou moins et toutes représentaient, de manière assez abstraite, le maitre du marché noir. Si les coutures étaient parfaites, les détails, eux, laissaient présages qu’il y avait encore du chemin à faire. À moins que cela ne soit le travail d’un artiste incompris.

Ouvrant finalement la besace, l’elfe sombre jeta dans le chaudron de la poudre obtenue d’un minéral broyé, un mélange de champignon et d’herbe aux propriétés hallucinogènes et enfin une épice. Une forte odeur agressive commença à se dégager du chaudron, puisqu’il vint verser le contenu d’une nouvelle fiole obtenu après pression du cortex de pieuvre-énergie. Au contact de cette dernière substance, de la fumée bleuâtre commença à se former au fond du chaudron, montant petit à petit en même temps que les vapeurs qui s’en dégageaient.

« Je sais que ça fait longtemps que depuis que tu … es bien passé de vie à trépas … du moins en quelque sorte, la mort étant assez subjective chez les vampires … bref, il va falloir que tu laisses les vapeurs t’imprégner. Inhale donc sans retenue. Le poison et les vapeurs vont remodeler le réceptacle que tu es afin de permettre d’ouvrir ton corps à un nouveau lien. Une fois cette première étape faite. J’invoquerais les esprits, quitte à leur forcer la main s’il le faut. »

S’apprêta à recevoir la mèche de cheveux d’Aldaron. Le gredin se tint prêt à couper la mèche en trois pour en répartir les morceaux au sein des poupées. La première serait jetée dans le chaudron en offrande aux esprits, elle servirait également d’appât, car elle représenterait le signal d’un réceptacle vide. La deuxième s’unirait au saumon pour préserver le premier lien préexistant. Et la troisième servirait à représenter le lien avec le nouvel esprit … ou alors à le capturer de force si nécessaire.

descriptionLe secret des esprits [Aldaron Elusis] EmptyRe: Le secret des esprits [Aldaron Elusis]

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    La vampire à la peau cendrée recula légèrement la tête lorsque Nathaniel agita sa main devant son visage, comme pour en chasser des choses invisibles et… « Une cuillère ? » fit-il en arquant un sourcil face à sa comparaison.  Il lui demandait d’être comme une cuillère ? L’ivoire de ses canines perça l’ouverture de ses lèvres lorsqu’il ne put réprimer un sourire. Il lui demandait d’être une cuillère, c’était du Nathaniel tout craché. Il pouffa un bref rire, en secouant la tête de gauche à droite : « Fort bien, je serai une cuillère, votre Altesse. » railla-t-il, bien qu’il eût compris le sens profond ce que Nathaniel essayait de lui expliquer. Il ressemblait à ces vieux sages qui donnaient des conseils en faisant des métaphores sorties de derrière les fagots. Une cuillère ! Tout de même ! Il avait fallu la sortir celle-là !

    « Je ne vais pas flancher, alors. » rétorqua-t-il, soulignant là tout ce qu’il pensait de ce rapiat qui viendrait piller leur dépouille. Il souhaitait bon courage à cet elfe, pour prendre le contrôle d’une meute de vampires ou encore du Marché Noir. S’ils se ressemblaient, avec les pirates, sur pas mal de points, ils en avaient de nombreux autres qui les opposaient radicalement. La majorité des vampires n’avait, par exemple, pas la moindre envie de faire du mal à d’autres peuplades pour en tirer profit. C’était leur agonie qui les poussait à attaquer pour survivre, rien de plus. Il suivit le geste de la main qui pointa dans une direction et marcha le Roi de la Confrérie, suivi, à quelques dizaines de mètres derrière eux, de sa garde personnelle. Nathaniel entrait dans le vif du sujet et il n’avait pas tort. S’il avait vexé les esprits, le saumon lui ferait sérieusement la tête, ou l’aurait abandonné, or, il sentait toujours sa présence.  

    De ce fait l’acte réalisé par l’Arbre-Songe, et auquel les deux Elusis avaient consenti, n’était réprouvé par les Esprits-Liés. Il savait que les graärh avaient pour habitude de diminuer leur lien avec un esprit-lié, s’ils ne s’en montraient pas dignes ou fort peu honorables, mais de là rompre complétement ce lien ? Jamais. Leur acte n’était fait que pour prouver leur valeur et leur mérite, pas pour se priver définitivement d’eux. Or, c’était bel et bien ce qu’avait fait arbre, cela allait bien plus loin que ce que faisaient les indigènes de l’archipel. Cela venait rajouter une couche de questions sur toutes cette qu’il se posait sur cette entité affamée.

    La maisonnée était chauffée et bien que cela ne changea rien à son propre cas, Nathaniel, lui, s’y trouvait plus à l’aise. Le regard du vampire se posa sur le serpent, près de l’entrée, tenant toujours le renard dans ses bras. Il l’écarta du reptile lorsque celui-ci sembla s’intéresser à lui. Non pas qu’il s’était attaché à cette boule de poils blanche, mais il commençait à s’y faire et n’avait pas envie qu’elle serve de repas. Il en avait encore beaucoup des bestioles le gredin ? Il arqua un sourcil à la présentation que fit Nathaniel : « Un animal peut avoir un esprit-lié ? » C’était nouveau ça. A moins que… « Oh… Vous n’êtes pas un animal. » Comme Valmys, elle devait pouvoir se transformer à souhait. Lorsque le serpent s’approcha de lui, ses sens prédateurs s’affermirent en réponse et ses crocs saillants furent une menace silence envers cette créature si elle s’approchait trop de lui.

    Fort heureusement, Nathaniel se mit en mouvement, éloignant par la même occasion le serpent. L’Ast déposa le renard sur un fauteuil, approchant de la table où le roi de la Confrérie venait de poser un verre et trois poupée qui lui ressemblaient : « Je ne savais pas que tu faisais une fixette sur moi à ce point… » railla-t-il en prenant l’une des effigies entre ses mains. Il n’était lui-même pas assez habile pour ce travail minutieux. Il reposa la poupée et saisit le ciseau. Il écarta une longue mèche blanche de cheveux, épaisse d’un demi-centimètre. Il en coupa l’extrémité sur dix centimètres et posa la mèche sur une première poupée. Il réitéra l’opération deux fois pour les autres effigies avant de reposer les ciseaux sur la table. Il prit le verre et le vida d’une traite, non sans grimacer en reposant le verre. La dernière fois qu’il avait goûté quelque chose d’aussi hideux, c’était sûrement à Morneflamme. Le saumon sembla moindrement l’affecter, si bel et si bien qu’il se disait que l’inséparable devait être complétement muet. Il posa ses deux mains sur le linteau de bois de la cheminée, respirant les vapeurs qui se dégageaient du chaudron, forçant une respiration d’ordinaire inutile à opérer.

    S’il avait confiance en Nathaniel ? Beaucoup diraient qu’il avait tord de le faire. Aldaron, lui, était persuadé qu’il n’en jouerait pas car il n’avait aucun intérêt à cela. Il était venu l’aider et pour cela l’Ast lui en était reconnaissant. Cela valait bien une confiance. Il ferma les yeux pour se laisser emporter et pour ouvrir son esprit davantage, il emprunta le Chemin de Transe qu’il connaissait par cœur. Il eut l’impression de quitter son corps, d’être plus léger. Pourtant tout son être était encore debout, appuyé devant l’âtre de la cheminée, les yeux fermés. Et même avec les paupières closes, il avait l’impression de voir. C’était un tout autre monde. Il n’était pas à Nevrast, du moins, pas exactement. Il y avait un grand arbre, aux racines noueuses, blanches et rouges. Ses branches couvraient le ciel : il reconnut l’Arbre-Songe.

    Un petit garçon, aux longs cheveux bruns, qu’il reconnut comme étant lui-même, enfant, avançait vers l’arbre en trottinant, venant l’interpeller en elfique : « Däddhy ? ». Ok ! Cette fois-ci, il en avait trop pris. Ou Nathaniel avait un peu trop chargé le chaudron en hallucinogènes. Ou il ne savait quoi d’autre. L’arbre gronda, l’enfant disparut dans le tronc. L’ast approcha pour voir où il était passé, et, discernant un trou tel un terrier, il en conclut que son mini-lui était parti se cacher là. Avançant à son tour, il s’agenouilla et observa à l’intérieur, n’y trouvant qu’obscurité. « Aldaron ? » Il était vraiment en train de s’appeler lui-même ? Il fallait croire que oui et n’ayant pas de réponse, il finit par se mettre à plat ventre et à ramper à l’intérieur du terrier. Il ne trouvait pas l’enfant et avait la nette impression qu’il s’enfonçait dans les entrailles de la terre. Il s’arrêta, voulu reculer, mais cela semblait s’être obstrué derrière lui, au fur et à mesure de sa progression. Il ne pouvait qu’avancer et lorsqu’il le fit… Il se mit soudain à chuter.

    La descente était vertigineuse et interminable. Il ne voyait pas le fond de là où il tombait. Y en avait-il seulement un ? Autour de lui, des images défilaient, tel des tableaux affichés sur des murs invisibles. Elles représentaient différents moment de sa vie, des instants joyeux et d’autres, plus terribles. Bientôt, il toucha le sol, s’écroulant à terre sans pour autant avoir mal. Il entendait une voix : Nathaniel ? Il devait parler à côté de son corps.

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¤ Pauvre âme en perdition II ¤

À sa manière, le forban tentait de conseiller le maitre du marché noir. Trop d'inquiétudes et de questions tourmentaient ce pauvre être, en tout cas bien trop pour l'elfe sombre qui n'était pas de ceux à autant se torturer l'esprit. Bien trop pour un pirate qui n'était pas non plus de ceux à se tracasser avec des questions qui n'avaient à ses yeux pas lieu d'être. Bien trop pour un être qui se reposait bien souvent sur son talent inné pour l'improvisation. L'oreille du vampire fut touchée par les propos du gredin, qui pour une fois n'était pas du fiel empoisonné visant à embrumer les raisonnements de son interlocuteur, mieux encore il semblait comprendre la portée des paroles de ce dernier et sembla accepter de suivre ses recommandations comme le ferait le client d'un médecin. Nathaniel vint se frotter les mains, autant pour se les réchauffer que par contentement d'avoir pu donner à autrui un bon conseil et d'avoir été écouté. Il ne put toutefois s'empêcher de sourire à la réponse d'Aldaron quant au sort que réservait l'elfe sombre aux affaires des deux amants si ceux-ci venaient à trépasser. Oui, le forban était tel un vautour et il n'en avait pas honte. Après tout il acceptait pleinement ce qu'il était : un pirate. Et il le portait même en étendard, en fierté. Et c'est en emportant cette fierté qu'il se dirigea avec son capitaine de contrebandier en direction du bâtiment où il avait installé une partie de son matériel le temps de son séjour à Nevrast.

Au grand plaisir de Nathaniel, Naghïni se montra coopérative et accepta d'aider l'elfe sombre. C'était la moindre des choses que cette dernière pouvait faire après avoir tenté tant de fois de l'occire et qu'il ait accepté de lui venir en aide en dépit de cela.

« Un animal peut avoir un esprit lié? Oh ... vous n'êtes pas un animal. »

« Ce monde regorge de mystère, Aldaron. Et je ne serais pas étonné de voir un jour un animal avec un esprit lié. Mais tu as vu juste, Naghïni n'est pas un animal ... même si sa forme peut le laisser penser. Malheureusement, voilà un maléfice qui surpasse et de loin mes humbles compétences magiques. »

S'il avait pu venir en aide à cette dernière au sujet de son absence d'esprit lié, l'elfe sombre était malheureusement bien démuni face à la malédiction qui frappait la graärh ensorcelée. Le sort qui la liait à cette condition physique était fort complexe, mais aussi ancien. Était-il seulement possible de le lever? Surtout après tant d'années? Le forban était fort dubitatif.

« Je ne savais pas que tu faisais une fixette sur moi à ce point ... »

L'elfe sombre, taquin, brisa l'espace d'un instant le professionnalisme qu'il affichait depuis son entrée dans la pièce, pour lancer un sourire charmeur et un regard lubrique à destination de son interlocuteur.

« Oh, mais je fais une fixette sur ceux qui sont dignes de mon ... attention. »

Le masque du professionnalisme revint au galop et le pirate poursuivit ses explications et ses préparations. Aldaron se plia aux désidératas de Nathaniel, venant lui offrir quelques mèches de cheveux. Après avoir eu fini le breuvage empoisonné visant à fragiliser le lien avec l’esprits-liés et achevé la mixture psychotrope, l'elfe à la chevelure d'écume s'en retourna auprès des poupées pour parachever le rituel. Gardant un œil sur le vampire qui ingurgitait son millésime au tue-esprit, le roi de la confrérie vint se saisir d'une première poupée et d'une première mèche de cheveux. Ouvrant l'abdomen non cousu, le pirate vint de ses doigts habillent nouer les poils capillaires au bois composant le squelette de l'effigie, avant de venir coudre pour fermer le tout en murmurant quelques incantations magiques elfique. Le dragonnier venait de lier cette poupée au saumon de son patient. Le docteur Eärendil s'empressa par ailleurs de venir copier l'esprit lié ainsi relié à l'aide de sa boucle d’oreille. Le pouvoir du poisson lui serait certainement utile si négociation il devait y avoir lieu avec les protecteurs de la création des déesses.

Voyant le maitre du marché entrer en transe, le gredin abandonna ses poupées pour venir l'aider à se mettre au sol. Mieux valait pour lui qu'il ne reste pas debout, cela permettrait d'éviter une éventuelle chute en raison de la désorientation. Après s'être assuré que son patient soit en sécurité, le chirurgien des esprits pouvait enfin opérer. Venant se saisir d'une deuxième poupée, il noua une nouvelle mèche de cheveux et s'approcha du chaudron.

« Esprits! Protecteurs de la création, entendez l'appel de votre humble serviteur. Je me présente devant vous avec une âme infortune dont le sceau de votre présence bienveillante à son égard a été perturbé. Laissez-moi vous guider jusqu'à lui pour que votre grâce l'inonde une nouvelle fois. »

L'elfe sombre vint jeter une racine dans le chaudron qui se mit soudainement à bouillir de plus belle, une fumée violine commençant à grimper le long de sa paroi interne. L'espace d'un instant, les éclats de la trame devinrent visibles dans la pièce, l'illuminant de leur dorure pailletée. Levant enfin la deuxième effigie à l'image d'Aldaron, l'elfe sombre laissa son énergie magique la parcourir, venant payer un tribut. La fumée commença à déborder du chaudron tandis que des filins de magie en jaillirent, venant s'élever dans l'air et rôdant autour de la poupée, venant en absorber la psyché.

« Voyez-le, sans masque, sans duperie. Lisez son esprit mis à nu. Comprenez le trouble qui l'habite. Lequel compatira à son malheur. Tendez-lui votre main charitable et il vous honorera. »

Bientôt, des formes floues semblèrent commencer à se dessiner dans la trame, comme si quelque chose répondait aux paroles du forban. Était-ce une nageoire? Était-ce une patte? Était-ce une palme? Est-ce un bec? Était-ce une aile?

descriptionLe secret des esprits [Aldaron Elusis] EmptyRe: Le secret des esprits [Aldaron Elusis]

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    Il s’agissait bien de la voix de Nathaniel. Il la reconnaissait. D’ordinaire, depuis sa renaissance, il identifiait le forban par son battement de cœur. Chaque personne en avait un différent, il ne pouvait pas se tromper. Mais là, en ce monde que sa psyché créait de toutes pièces, embarquée par la folie des hallucinogènes, il n’y avait pas ce battement singulier. Pour autant, il était certain qu’il s’agissait de la voix de Nathaniel, invoquant les esprits et les invitant à se pencher sur la Triade au lien brisé. S’il avait cru comprendre que le roi de la confrérie s’était tourné d’avantage vers les esprits-liés que la magie, il avait, en cet instant, la confirmation sincère que le sujet avait fait plus que lui avoir effleuré la pensée. Il semblait agir comme un dévot. Avait-il appris des graärh qu’il réduisait en esclavage ? Peut-être bien, oui. Cela était particulièrement glauque, mais cela allait comme un gant au pirate.

    Le silence retombait après l’invocation, et une douce lumière violine sembla baigner l’endroit. Le sol était couvert d’un tapis d’un vert profond. L’ast se redressa, cherchant du regard quelque chose qui ne viendrait peut-être jamais. Esprit-lié ? Il n’y en avait aucun qui se manifeste à sa vue. Et si il n’avait pas droit à ce lien ? Lui, l’ingrat qui avait accepté qu’on le lui rompe ? Voilà une deuxième fois qu’il revenait à pareille pensée. C’était que l’appréhension le rongeait encore, plein de culpabilité qu’il était. S’il savait que perdre l’Inséparable était une nécessité, il pouvait aisément comprendre que les Esprits-Liés décident de le punir ou de lui refuser protection. Il se leva, observant les alentours. « Tranchez-lui la tête ! » Il sursauta, d’où cela venait-il ? Il chercha ses armes, pour se défendre de cet ordre qu’il songeait être lancé contre lui, et dégaina la blanche épée qui était sienne. On s’élança vers lui, il trancha une tête. Celle-ci roula au sol avant de devenir une tasse de thé (le service de la grand-mère Leweïnra). Est-ce que tout ceci avait un sens ? Absolument pas. Etait-ce alors une mise à l’épreuve ? Ou tout simplement le délire d’un vampire qui en avait trop pris ?

    Baissant les yeux sur son épée, il constata qu’au lieu de sang, c’était de la la confiture qui glissait le long de la lame. Et il y avait une brioche. Thé, confiture, brioche, il était vraiment en train de… Préparer un petit déjeuner. Aldaron-enfant approcha, l’adulte s’agenouilla près de lui : « Je croyais t’avoir perdu. » Mais l’enfant haussa les épaules, prit de la brioche et commença à manger. « Tu t’en fiches complètement... » De faire tourner les autres en bourrique. A n’en pas douter, c’était bien lui, enfant, ça. Un bruissement d’aile. L’inséparable ? Il s’inquiéta, tant parce qu’il ne savait pas s’il pouvait lui faire face, que parce qu’il le fuyait. L’oiseau se posa toutefois sur l’épaule d’Aldaron-enfant, qui lui donna un bout de brioche à grignoter. Plus jeune, il avait plein de rêves et bien qu’il n’ait jamais été très fidèle, avant Achroma, il croyait en l’amour et toutes ces bonnes choses mielleuses. Il y avait eu, depuis, Morneflamme et la réalité de sa condition pour lui rappeler que cette innocence n’avait pas sa place quand on était la Triade et quand on était dragonnier au sein du peuple vampirique.

    « Je suis désolé... » murmura-t-il pour l’inséparable posé sur l’épaule de son mini-lui. La sincérité de ses mots perçait dans sa voix et un autre oiseau arriva, prenant mini-lui comme perçoir également. L’inséparable piailla quelque chose à son confrère à plumes… Mais même drogué, Aldaron n’avait pas la capacité de le comprendre. Il savait néanmoins que le second oiseau était un colibri. Muet, le vampire mirait l’apparition et d’autres vinrent également. Il y avait une centaine d’animaux dans la pièce à le regarder. La Triade avait l’habitude qu’on porte le regard sur lui… Mais là, tout de même, c’était des esprits-liés. Ou de simple animaux dans le rêves d’un drogué ? Que devait-il en penser ? Que la demande de Nathaniel aux Esprits-Liés de porter leur attention sur lui avait fonctionné ? Il faudrait qu’il lui raconte ça et le félicite ! Il était doué pour convoquer les esprits-liés ! Méthode de graärh, sûrement. A moins qu’il ne s’agisse de l’Arbre-Songe ?

    Il se sentait dévisagé, regardé de haut en bas, au travers de lui-même, percé à jour. Il avait beaucoup moins l’assurance que le saumon lui conférait d’ordinaire. Le vampire ouvrit les yeux, allongé au sol. « Nath… ? » appela-t-il, vaseux. Le visage aux dents pointues de Nathaniel apparut à sa vue, au dessus de lui. L’ast resta un instant à le regarder, déphasé, le pirate droit dans les yeux. Il contemplait le reflet vert qui nageait dans l’eau brune de ses prunelles : « Tu as de beaux yeux, tu sais ? » Un sourire s’étira sur ses lèvres, dévoilant des crocs blancs. Il se mit à rire doucement. Il venait vraiment de lui dire ça ? Il connaissait Nathaniel depuis sa plus tendre enfance. S’il désapprouvait certains de ses comportements, leurs routes s’étaient souvent longées, l’une contre l’autre. Il pouvait se permettre de lui dire cela, en toute complicité et plaisanterie. Lentement, il roula sur le côté et son regard se posa sur des bottes. Un invité ? Maintenant qu’il le réalisait, il entendait un cœur battre tout proche. « Anarore ? » Non pas ‘Ilhan’ mais le nom de son fils. Celui qu’il lui avait donné. Que faisait-il là ?

    Il se redressa, assis, tanguant et vacillant. Jaugeant de son état, il préféra ne pas se remettre sur pieds immédiatement. Il leva son regard encore embrumé sur l’althaïen. « Nathaniel est un allié de mon peuple, tu sais. Je ne craignais rien. » C’était sa façon de lui demander si c’était pour cette raison qu’il était ici. Sentait-il qu’il avait perdu son Inséparable ? Sentait-il l’autre oiseau qui était venu le trouver ? Il posa son regard sur le roi de la confrérie, un sourire en coin : « Un colibri… C’était un colibri. » Cela avait marché, il avait été élu par un nouvel esprit-lié. « Je ne sais pas d’où tu sortais ça… mais ça a fonctionné ! Tu es un génie. » Il tendit une main pour que Nathaniel l’attrape et l’aide à se relever. Le vampire vacilla une fois sur ses pieds, ne lâchant pas immédiatement la main qui le maintenait debout. « A moins que vous soyez devenus amis sans que je le sache, tout les deux... » Il ne doutait pas qu’Ilhan s’interrogerait sur le pourquoi il avait perdu son esprit-lié mais l’ast ne savait pas encore s’il voulait parler de l’Arbre-Songe à d’autres que ceux qui furent sur place pour le voir. Cet arbre pouvait être un atout pour son peuple… Et il ne savait pas encore de quel côté finirait son fils.

descriptionLe secret des esprits [Aldaron Elusis] EmptyRe: Le secret des esprits [Aldaron Elusis]

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L’aurore se levait et venait caresser son visage de ses pâles et timides rayons. L’aurore… dont il portait le nom. Un nouveau jour se levait. Était-il lui aussi un nouveau jour ? Parfois, souvent, il en doutait. Mais son père l’avait nommé ainsi. Les noms avaient leur importance et portaient en eux une réelle puissance. Il devait faire confiance en l’instinct d’un père pour trouver le nom qui convenait le mieux à son enfant.

Un nouveau jour donc, qui chassait la nuit, en ce cycle éternel, éternellement éconduite. Ilhan devait avouer avoir passé un sommeil bien plus serein que les précédents en cette île de glace. Il avait entendu parler de l’expédition dans la forêt de Licorok, qui apparemment semblait s’être soldée par un certain succès. Pour preuve des rêves plus calmes, sans cauchemar.

Son père avait refusé catégoriquement qu’il en soit. Cette fois, il avait promis d’obéir. Et quand il accordait une promesse, il la tenait toujours. Certes, ce n’était pas de gaité de coeur qu’il avait vu son père disparaître ainsi en direction de la forêt, et inquiétude avait rongé son âme, sans qu’il ne puisse fermer l’oeil tout du long, jusqu’à ce que son père et les siens reviennent, sains et saufs. Enfin aussi sains et saufs que possible, dirons-nous.  Un trouble semblait accaparer Cendrelune, sans qu’Ilhan ne parvienne à le saisir. Le sang avait encore maculé son épée avec férocité. Ilhan en avait été le témoin silencieux, réprimant au fond de lui l’envie de vomir aux têtes tranchées. Il aurait maintes fois préféré ne pas assister à tel spectacle, mais cela aurait été aussi se voiler la face. Ainsi était l’existence des vampires, tranchante et sanglante, déroutante et violente, mais c’était là aussi leur seul moyen d’avancer dans leur lente agonie imposée par les autres peuples aveuglés.

S’il avait pu avoir la joie de revoir son père revenir de la forêt plus ou moins indemne, il n’avait pu que s’en réjouir de loin, sans pouvoir profiter de sa présence en tête à tête. Son père avait fort à faire. Et devait aussi être fort éprouvé. Ilhan s’était donc contenté de l’accueillir d’un doux sourire et d’un regard teinté de chaleur filiale pudique quand ils avaient croisé le regard, sans oser le déranger plus avant. Bien que son coeur cognait sourdement d’envie de l’étreindre en un cocon de tendresse aimante. Ilhan n’avait pas manqué en tout cas de sentir le lien manquant avec son Esprit-Lié de l’inséparable. Il avait soigneusement évité Achroma tout le long de son séjour et n’avait pu vérifier s’il en était de même concernant l’époux de son père, mais il y avait fort à parier que oui. Que s’était-il donc passé pour que des liens si puissants soient ainsi rompus ?

Dardant les rayons du soleil qui tentaient de percer les froids nuages dans le ciel, Ilhan soupira et chassa ses pensées agitées. Sans doute n’aurait-il jamais cette réponse. Comme beaucoup d’autres questions qu’il se posait et qui semblaient sourdes à lui dévoiler leurs mystères. Le froid lui mordait les joues, pour autant il n’en ressentait que peu de gêne. Bénie soit sa nature de Sainnûr. Sans doute son moi humain serait-il déjà statufié de froid ! Il se permit de contempler encore la cité, du haut des marches du palais, sur lesquelles il se tenait, avant d’enfin reprendre sa route, en direction de la petite boulangerie que son frère lui avait montrée à son arrivée, ayant une petite envie de ses pâtisseries si délicieuses… Le palais n’en avait plus, lui avait-on dit. Épuisées. Sans doute avait-il un peu abusé de ces mets. Mais que voulez-vous… C’était là son petit penchant…

Une petite garde vampirique, attitrée par son père pour sa protection en cette cité austère, le suivait de près. Si le Tisseur avait déjà réussi à leur faire faux bond une fois, il devait avouer ne pas avoir l’intention de réitérer l’expérience. Il n’était pas assez suicidaire pour cela, pas encore assez du moins. Il savait être une cible parfaite pour les vampires. Outre la saveur de son sang que l’on pouvait convoiter, s’entend. Il était le fils d’Aldaron, pour les quelques-uns qui savaient, ou tout du moins un diplomate délimarien qui avait osé venir jusqu’ici pour les autres ignorants. Dans tous les cas, son front portait le nom de cible. Et de cible facile qui plus est. D’ailleurs son père n’avait pas lésiné sur le nombre de gardes.

Parlant gardes… Pourquoi donc les gardes de son père, qu’il reconnaissait sans peine alors, étaient-ils postés devant cette petite maison ? Curiosité le piqua alors au vif. Un court instant, il songea que cela ne le regardait sans doute pas, et qu’il valait mieux passer son chemin… mais en éternel curieux qu’il était, il peina à y résister. Il attrapa alors sa pythie, comme pour lui demander s’il devait ou non s’inquiéter… et soudain le visage d’un pirate bien connu, et bien honni, apparut en son esprit, tandis que ses orbes sombres se floutaient d’un voile bleuté. Un visage qui se penchait sur son père alors allongé au sol ! La vision fut fugace, mais brutale. Aussitôt Ilhan s’arrêta. Les gardes pilèrent sur ses talons. Puis brusquement l'althaïen se dirigea vers la maison d’un pas déterminé. Certes sa pythie n’était pas toujours des plus fiables. Mais elle lui avait déjà soufflé plusieurs fois un avenir qui s’était bel et bien réalisé. Il était hors de questions qu’il laisse son père aux mains de ce forban sans rien faire, si tel était bien le cas !

Son père avait-il accepté un rendez-vous avec le forban dans cette maison ? Et serait alors tombé dans un piège ? Et pourquoi donc les gardes de son père ne réagissaient-ils pas ? Sans doute avaient-ils reçu l’ordre de ne pas intervenir… Mais tout de même, ne pouvaient-ils écouter l’appel du devoir ? Ne sentaient-ils donc pas le danger qui rôdait ? Mille questions tourbillonnant dans son esprit, Ilhan arriva devant la maisonnée, et fusilla les gardes de son père de ses perles de jais. Il avait en cet instant son regard le plus noir, le plus dur, d’acier forgé, et ses étoiles d’or brûlaient du feu vif de la détermination. Qu’ils le laissent entrer, ordonna-t-il d’une voix de prince, le port droit et noble, les traits altiers, sans même se rendre compte de la prestance que soudain il imposait aux autres. Seul comptait son père. Et d’intervenir à temps. Les gardes hésitèrent un court instant. Heureusement l’un d’eux connaissait son affiliation, et quand il insista, arguant qu'une urgence l'avait appelé en ces lieux, ils cédèrent.

Ilhan entra alors, ouvrant la porte en grand, sans pour autant la forcer. Elle n’était pas même fermée à clef ou par magie, pas une once de protection contre une quelconque intrusion. Voilà qui était bien singulier, pour un forban prêt à commettre quelque méfait… Chassant toutefois ce doute de son esprit, il sonda la pièce du regard. Et vit, comme dans sa vision, en une superposition exacte et différente à la fois, son père à terre, le visage du forban au-dessus de lui. Oui, comme dans sa vision.

Il fit quelques pas encore. Et entendit soudain un sifflement rageur dans un coin de la pièce, qui le stoppa un instant dans son avancée. Un serpent, gigantesque et magnifique, le dardait de ses fentes acérées. Un serpent… lié au Serval, à son plus grand étonnement. Pas de mouvement violent donc envers le pirate, si jamais le serval lui était lié. Voilà qui allait le contraindre à agir de façon plus sournoise et plus rusée...

« Tu as de beaux yeux, tu sais ? »

Ausstôt Ilhan retourna son attention sur son père toujours à terre. Diantre ! Avait-il bien entendu ? Son père venait-il bien de complimenter le malandrin ? Des beaux yeux ? Un rictus désabusé et dégoûté ourla ses fines lèvres, tandis que le souvenir du visage du pirate, et de ses yeux remplis de vice, se dessinant à lui à chaque réveil lors de son emprisonnement à Athgalan, lui revenait. Il inspira et se força au calme, même si en cet instant il sentait ses filaments le démanger. Ce n’était guère le moment. Pas avec le serval non loin.

Il vit soudain son père tenter de se redresser et son visage tout près de ses propres pieds.

« Anarore ? »

Ah ! Il n’avait au moins pas encore complètement perdu la raison.

En effet, je suis là, répondit-il d’une voix sourde et posée, qui était à l’exact opposé de ce qu’il ressentait au fond de lui.

Évidence qu'il énonçait, mais vu l'état de son père, sans doute était-il important d'expliciter ce qui était réel ou ne l'était pas. Il était assez bien placé pour savoir l'importance d'avoir parfois des points d'ancrage pour ne pas se perdre dans les limbes de son esprit, ou de recevoir des réponses du monde réel pour parvenir à y revenir.

« Nathaniel est un allié de mon peuple, tu sais. Je ne craignais rien. »

Oui, il s’en était douté, qu'une alliance les liait. Même s’il avait préféré fermer les yeux et ne jamais vérifier cette redoutable information. Quant à ne rien craindre...

Il devait faire appel à toute sa volonté pour ne pas céder à ses pulsions meurtrières. La vengeance est un plat qui se mange froid, disait-on. Mieux valait encore attendre. Son père ne semblait guère dans son état normal, mais nulle blessure ni souillure ne semblait l’outrager. C’était toujours cela. Était-il intervenu à temps ?

Il sentit soudain le nouveau lien de son père. Focalisé qu’il était sur le pirate et sur son inquiétude, puis sur la menace latente du serpent, il n’avait pas pris la peine d’écouter plus loin son ornithorynque. Mais il pouvait presque voir le bel oiseau éthéré voleter encore autour de son père. Son père était devenu un…

« Un colibri… C’était un colibri. »

Oui, voilà qui était étonnant. Fascinant aussi. Et rassurant. Son père avait recouvré un autre lien. Déjà d’ailleurs sa chevelure et sa peau prenaient des teintes chatoyantes, alors que l’astre solaire montait timidement dans le firmament.

« Je ne sais pas d’où tu sortais ça… mais ça a fonctionné ! Tu es un génie. »

Ilhan réprima une autre moue dégoûtée. Et à la main que son père tendit vers le pirate, il sentit son coeur cogner plus fort encore un court instant. Il réprima l’envie de l’aider et de le soutenir. Il parvint encore à refouler toute pulsion, à retenir tout mot malencontreux et surtout ses traitres filaments. Cela lui demandait toutefois une volonté de fer et une intense concentration. Ses traits se marquaient d'ailleurs d’une tension latente qu’il n’avait nulle intention de cacher.

« À moins que vous soyez devenus amis sans que je le sache, tous les deux... »

Nullement amis, non, susurra-t-il en réponse, la voix basse chantant dangereusement ses accents althaïens.

Lapidaire. Tant que seuls ses mots l'étaient, concernant le forban...

J’étais inquiet pour vous… Père.

Se disant, il lança un regard lourd, d'une nuit d’encre, sur le pirate, avant que ses orbes sombres ne se reposent sur son père. Des orbes sombres qui se réchauffèrent quelque peu et qui scintillèrent de nouveau légèrement.

Mais me voilà rassuré. Et heureux pour votre… nouveau lien.

Il s’approcha de son père, hésitant encore à le prendre dans ses bras ou à oser tout geste affectueux, surtout en présence du pirate. Il se contenta de poser son regard sur l’Ast, levant légèrement la tête pour se faire.

Je vous bénis de l’ornithorynque. Votre colibri sera protégé, autant que faire se peut.

Un autre regard lourd de sens vers le pirate. Une forte inspiration, avant de reporter sa pleine attention sur son père.

J’étais inquiet quand je vous ai vu revenir et que j’ai senti votre perte… Je suis dès lors heureux que vous ayez trouvé un autre allié fidèle à vos côtés.

Il tut ses questions, bien qu’elles brûlaient son esprit. Son père le connaissait assez bien pour deviner sa curiosité. Mais par respect pour Cendrelune, il les tut. Il revenait à son père de lui raconter cette histoire, un jour peut-être, si le coeur lui en disait.  

Et soudain, une petite boule de poils, qu’il avait cachée sous sa cape, lovée sur sa besace sur laquelle elle semblait bien accrochée, tant elle n’avait plus voulu le lâcher, sortit le museau. Pour aussitôt le cacher. Olorëa. Elle était apparue quelques jours à peine dans son lit. Visiblement il était absent trop longtemps à son goût. Il avait dû dégoter un peigne pour chat, puisque apparemment elle avait décidé de rester un peu. Se cachant toutefois savamment de tout le reste de la maisonnée, trop timide et effarouchée qu’elle fût.

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¤ Entre de bonnes mains ¤

Sous le regard et les paroles de l’elfe sombre, des volutes de fumée octarine s’élevant du chaudron s’échappèrent des filins de magie qui se mirent à danser dans la pièce, filant çà et là avant de revenir vers le gredin, passant le long de ses bras avant de s’arrêter au niveau de sa main et s’attarder sur l’objet qu’il tendait. Nathaniel put sentir l’énergie infusée dans la poupée être drainée tandis que certains des filins se rassemblaient pour prendre forme. Les incarnations d’esprit lié apparurent alors à ses yeux alors que la transe d’Aldaron commençait à s’agiter. Le forban dressa à nouveau l’effigie du vampire, venant la passer devant les formes, l’une d’elles disparut aussitôt, deux autres demeurèrent, semblant montrer un certain intérêt. Les esprits semblaient indécis, fallait-il leur forcer la main ? L’elfe sombre serait bien tenté de le faire, d’ailleurs c’est qu’il fit pour finir de décider celui qui lui semblait être le plus avenant. Il imbiba à nouveau de psyché la poupée et lorsque la forme totémique s’approcha pour s’en abreuver il en profita pour créer un lien. Il lui sembla un instant que l’être céleste se débattit, ne semblant pas apprécier la tactique entreprenante, avant de vite de raviser. Les filins vinrent tous se rassembler avant de venir envahir l’effigie. Puis très vite, les éclats de trames se dissipèrent, le calme revenant. Avait-il réussi ? L’Eärendil pensait que oui. Venant ranger la poupée dans sa poche, celle-ci venant rejoindre sa consœur, le forban vint se mettre à genoux à côté d’Aldaron. Il vint poser une main sur lui pour ressentir ses liens. Oui, il en sentait un nouveau. L’inséparable n’était plus, le colibri l’avait remplacé. Parfait, le rituel était accompli. Il était à présent temps de faire revenir la princesse endormie. Mais il fallait le faire en douceur, la transe du maitre du marché noir était profonde. Nathaniel fit germer au bout de son doigt une petite aiguille, puis se le pencha au-dessus le vampire. Il vint glisser une main sous ses vêtements, et commençant à le piquer lentement le long de ses hanches, remontant sur les côtes, poursuivant jusqu’à l’épaule, et s’arrêtant finalement au cou. Il cherchait à le faire revenir à l’aide de petits stimuli multiples et délicats. Bientôt, le dragonnier vampirique commença à émerger.

« Nath… ? »

« Vas-y doucement, tu reviens de loin. »

« Tu as de beaux yeux, tu sais ? »

Nathaniel haussa un sourcil. Son patient avait-il trop humé de vapeur ? Ce dernier ne tarda d’ailleurs pas à rire comme un enfant. Un sourire ne tarda pas à venir étirer les lèvres du gredin. En d’autres circonstances, il aurait probablement profité de la situation. Oui, en d’autres circonstances, car un invité imprévu venant de faire son apparition. Il pouvait entendre Naghïni siffler à son encontre. L’elfe sombre leva les yeux, jetant presque un regard noir à celui qui osait ainsi le déranger. Mais très rapidement c’est un large sourire provocateur qui déchira ses lèvres.

« Nathaniel est un allié de mon peuple, tu sais. Je ne craignais rien. »

Oh, avec Nathaniel il y avait toujours à craindre, mais dans l’immédiat effectivement, il n’y avait pas de raison de redouter ses actions.

« Un colibri… C’était un colibri. »

L’elfe sombre opina du chef. En effet, le voilà élut du colibri. L’inséparable, lui, s’en était allé pour toujours.

« Je ne sais pas d’où tu sortais ça… mais ça a fonctionné ! Tu es un génie. »

Le gredin aida le vampire à se redresser en veillant à ce qu’il ne s’écroulât pas. Il allait avoir besoin d’un petit moment pour que les effets stupéfiants des vapeurs se dissipent. Mais étant un vampire, il s’en remettrait sans doute plus rapidement qu’un humain.

« Je sais, je sais. Je m’étonne moi-même parfois. »

L’elfe répondit d’un ton moqueur et plein de fausse modestie.

« Les graärh peuvent nous apprendre plein de choses … pour peu qu’on sache comment les faire parler. »

Le regard du pirate se reporta vers Ilhan après cette phrase dissimulant une réalité bien sinistre.

« Nullement amis, non. »

L’Eärendil se retint de ricaner face aux menaces dissimulées dans le ton de l’Althaïen et qu’il savait à son adresse.

« Oh, comment peux-tu dire que cela après ce qu’on a vécu tous les deux. »

Le pirate se recula légèrement, laissant là Aldaron et son … fils ? Qu’est-ce que c’était que cette histoire encore ?

« Père ? »

Un soupir s’échappa du félon.

« Le combientième est-ce là ? Peut-être faudrait-il penser à les marquer, afin qu’on puisse distinguer ceux que tu n’as pas adop … pas encore adoptés de ceux que tu as adoptés. »

L’elfe sombre vint se saisir d’un flacon dont il vida quelques gouttes au-dessus du chaudron. Une réaction ne tarda pas à se faire et la fumée violine se dissipa alors que les propriétés de la mixture bouillonnante semblaient se neutraliser.

« J’étais inquiet quand je vous ai vu revenir et que j’ai senti votre perte… Je suis dès lors heureux que vous ayez trouvé un autre allié fidèle à vos côtés. »

« Inquiétude infondée. Aldaron est un grand garçon et avoir moi il sera toujours entre de bonnes mains. »

L’allusion était à peine dissimulée alors qu’il faisait un clin d’œil en direction des deux individus. Derrière eux, le gredin remarqua Naghini observer avec une certaine intensité l’immaculé. Nathaniel ouvrit un tiroir et en sortit un gros rat, mort bien entendu. Il siffla et le jeta sans attendre. La féline au corps de serpent leva le museau et goba l’animal en tendant le cou lorsqu’il arriva à sa portée.

« Ilhan, rapproches-toi un peu de moi. Ce que tu transportes avec toi semble avoir attisé l’appétit de Naghini. Évitons un accident qui pourrait être regrettable. »

descriptionLe secret des esprits [Aldaron Elusis] EmptyRe: Le secret des esprits [Aldaron Elusis]

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    Il lui fallut un instant pour replacer la raison pour laquelle il sentait de son fils une profonde animosité à l’égard de Nathaniel. Mais il était là, comme il le lui confirmait, malgré tout. Une part de lui était touché de son enfant affronte ses peurs, par inquiétude pour lui. Malgré les nations pour lesquelles ils œuvraient respectueusement, il existait toujours ce lien ténu qui les faisait courir l’un vers l’autre, qu’importe les dangers. Il s’était relevé en félicitant Nathaniel, qui, comme de façon assez prévisible, ne manqua pas de s’autocongratuler… Bien qu’Aldaron le trouva moins vantard qu’à l’ordinaire. Était-ce la présence d’lhan qui l’inhibait ? A en juger par la manière sans appel et même menaçante dont son fils infirmait la moindre liaison amicale entre lui et le forban, il n’y avait pas à douter qu’il lui faudrait séparer ces deux là promptement, avant que l’althaïen ne saute sur le pirate en voulant lui crever les yeux… Car bien évidement, Nathaniel sautait à pied joint dans la taquinerie de mauvais goût. Un mauvais goût qui lui ressemblait bien, pirate qu’il était, à ne pas rechiner faire du mal à autrui. Assurément y trouvait-il même du plaisir… Et Aldaron était particulièrement partagé sur ce point. Autant il préférait ne pas faire de mal aux vivants, en particulier ses proches, autant il y aurait bien certaines personnes qui lui auraient procuré du plaisir par la torture. Cette dualité chaotique le troublait.

    Il eut un sourire en coin lorsque Nathaniel évoqua sa maladive obsession pour l’agrandissent de sa famille. « Il s’agit de mon sixième. Et Nolan Kohan a été mon septième, ensuite. Cela peut paraître surprenant pour des elfes, mais les humains ont bien de familles avec une dizaine d’enfants. » Certes, la mortalité infantile frappait plus amplement que pour les elfes ou les vampires, mais c’était un détail : « Tu vois, j’en encore de la marge. Je compte me tourner vers des filles à l’avenir. Vraiment, les garçons, sont très aventureux… Un peu de douceur dans ce monde de brutes fera le plus grand bien à ma famille. » fit-il avec beaucoup de sérieux, visiblement encore sous l’emprise des drogues. C’est qu’Achroma et lui avaient beaucoup songé à Victoria Kohan et qu’Eleonora perdait un peu les pédales. Une remise des compteurs à zéros lui permettrait de les reforger à sa guise ? A l’invitation d’approcher de Nathaniel, Aldaron posa son véto, ne voulant pas que les tensions s’accroissent : « Cela ne sera pas utile, Ilhan et moi allons y aller ! » Voilà qui mettait un terme à tout cela : « Merci pour ton aide Nathaniel ! » Dans son élan, il prit en coupe dans ses mains le visage de Nathaniel et vint embrasser ses lèvres. Reculant, il se figea et cligna des yeux : « Waaaah… Je ne sais pas ce que c’est ta drogue, mais… »

    Il se détourna immédiatement en riant, passa un bras sur les épaules d’Ilhan et l’entraina illico presto dehors. Le froid hivernal rafraîchit son esprit progressivement, lorsqu’il se montrait soudain anormalement silencieux. Son regard, pensif, était rivé vers la forêt, alors qu’ils marchaient vers leur quartier général. Lorsque le silence se fit trop pesant, minute après minute, il finit par ajouter : « L’inséparable était aussi merveilleux qu’égoïste. Achroma est dans la ligne de mire de Sélénia. Si la flèche venait à le traverser… » La douleur était là, dans sa gorge, dans ses yeux. La vérité était là, mais il était incapable de la prononcer et il ne voulait pas qu’Ilhan la prononce. Inséparables et dragonniers feraient un terrible fracas. Il savait ce que cela impliquait. Le silence aussi savait. Et Ilhan également. Il n'y avait rien à dire.

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