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20 février 1764

Voilà quelques jours qu’elle se sentait mieux, bien qu’encore fatiguée, Autone pouvait sentir qu’elle ne payait plus le prix qu’Opixiâtre lui exigeait pour avoir ramené l’enfant à la vie. Il y avait à nouveau des journées où elle se sentait capable de rester éveillée plus longtemps, où elle avait plus d’attention. Et pour les journées où elle se sentait capable de s’extirper du sommeil, Autone avait demandé à Ilhan si elle pouvait parcourir ses livres, pour se distraire. Ce devait être la première fois depuis des années qu’elle ne pouvait occuper chaque minute de son temps libre à un travail ou un autre. Ces longs temps de silence, où seul son esprit conversait, avaient bénéficiés des leçons de méditations d’Ilhan, ainsi que des livres qu’Autone avait pu lui emprunter à ce sujet. La petite dame avait profité de ses moments d’éveils pour explorer une bibliothèque encore inconnue, comme on explore une nouvelle terre. La collection littéraire d’Ilhan rendait la petite dame enthousiaste, elle parvenait dans ces ouvrages à s’ancrer dans le présent et à oublier de nombreuses sources d’angoisses. Sa plus grande inquiétude était la présence clandestine de Luna en Caladon, alors qu’un dragon venait d’être tué. Et alors que Calastin était en crise, elle n’était pas à Caladon pour prendre ses fonctions de trésorière et d’éventail blanc.

Il lui semblait tellement absurde de broder et coudre sa robe de mariage quand on avait besoin d’elle en sa cité, qui lui semblait loin. La couture laissait un grand espace mental dans lequel les pensées, les peurs s’enfilaient. Lire, c’était forcer son esprit à fuir toutes ses craintes. L’évitement n’était pas la solution, mais il était mieux que l’ennui.
Ce matin-là, elle s’était éveillée pleine d’appréhension, elle avait tenté de chasser la petite voix qui lui murmurait des doutes à l’oreille. Et refusant de remettre en question sa décision à nouveau la veille du mariage, elle avait choisi un livre Althaïen, avait attrapé de quoi écrire et avait décidé de tenter d’appliquer les apprentissages d’Ilhan en tentant de traduire quelques phrases aléatoirement. Son encrier posé sur une table de chevet, la petite dame usait un livre comme surface pour une feuille de parchemin sur laquelle elle s’exerçait. À côté de ses jambes allongées était posé le livre ouvert où elle pigeait ses phrases. Elle ne parvenait pas toujours à trouver ou à se souvenir de tous les mots, ayant commencé à apprendre cette langue récemment. La petite dame écrivait donc quelques phrases incomplètes et des notes plus ou moins ordonnées. Mais Autone croyait que l’apprentissage se faisait dans les essais et surtout, dans les erreurs.

Quand la porte cogna, Autone fit une tache d’encre sur le papier, le réservoir de la plume gâchant une lettre. Elle posa la plume près de l’encrier et répondit un « Oui, vous pouvez entrer. » en refermant le livre avant de poser les deux ouvrages sur une pile considérable de leurs semblables sur la table de chevet. Une légère surprise passa sur le visage de la petite dame quand elle vit le fils d’Aldaron ouvrir la porte. Elle restât immobile quelques secondes, le regardant bêtement sans rien dire. Elle ne parvint même pas à prononcer une salutation immédiatement, les lèvres entrouvertes dans une mine de ne pas savoir où se placer. Cette vision horrible qu’elle avait eût de lui, l’une des premières, envahissait son esprit qui se paralysait. La petite dame sentit sa poitrine se serrer et voulût prévenir le Chante terre de ne pas tenter de lire son chant nom, qu’il se ferait forcément mal ou alors qu’il revivrait peut-être ce moment de détresse, mais elle ne savait en réalité pas vraiment comment tout cela fonctionnait. Sentant une onde de terreur sur le point de monter à ses lèvres, Autone baissa les yeux sur l’animal peu commun qui accompagnait le jeune elfe. Elle sentit soudain une vague de puissance frapper son esprit lié, quand une corneille aux yeux clairs sortit de la cheminée, volant à toute vitesse dans la chambre, elle frappa un mur avant de faire un autre tour de la chambre pour enfin atterrir brusquement sur les cuisses d’Autone. Songeant qu’un si grand chat allait peut-être tenter de manger un oiseau, Autone entoura Opixiâtre de ses mains protectrices et posa un dernier regard sur le Serval avant de sentir ses paupières se fermer toutes seules. Semblant sur le point de perdre conscience, Autone restât immobile et droite lorsque, paupières clauses, elle acceptait une vision que son guide lui emmenait.

Lorsqu’enfin, elle émergea, Autone ouvrit brusquement les yeux et prit une grande inspiration, qui ne fût pas pour autant bruyante. Elle expirât doucement par la bouche en cherchant le calme, répétant de grandes respirations en laissant la tristesse s’échapper dans quelques larmes. La petite dame caressa l’ancien Gaïd sous une plume, elle se coucha alors, profitant des cuisses d’Autone comme coussin.

La petite dame retourna son attention vers Valmys, se forçant à se recentrer sur sa respiration pour ne pas revoir les images qui pourraient la faire couler dans la panique. « Bonjour… » souffla-t-elle en gloussant. « Voilà toute une scène que nous avons pour une première conversation. Valmys, c’est bien cela? » Autone essuya ses quelques larmes, qui finalement n’avaient pas débordées. Elle était heureuse d’avoir pu affronter cela avec calme. Offrant un sourire maternel au garçon, elle remarqua ses oreilles d’hermine et se retint de s’en attendrir visiblement, craignant que le Chanteterre ne s’en offusque.« Je crois que mon guide a voulu me montrer quelque chose vous concernant. »

commença-t-elle en regardant Opixiâtre, caressant son petit front. « Mais je ne sais pas pourquoi. Et je ne crois pas que vous ai pas vu… pas cette fois ci. » Fronçant les sourcils elle avait marmonné les derniers mots. « Mais quelque chose de vous était là. » Une impression, un instinct peut-être. Ça n'avait rien de rationnel. Elle jeta un regard interrogatif sur Servalwïr. « Et quelque chose de lui aussi. » La petite dame releva la tête pour regarder l’hermine. Elle avait l’intention de lui parler de cette vision, elle voulait seulement reprendre ses esprits un peu avant de replonger. La petite dame songea à son dernier rêve avec Dawan, à ses mots sur Valmys, affirmant qu'il avait vu le mariage de Luna par les yeux de ce Chanteterre. Peut-être pourrait-elle lui demander si tout cela était vrai? Mais alors, raviverait-elle un deuil inutilement?

« Pourquoi êtes-vous venu cogner à ma porte? Y-avait-il quelque chose dont vous vouliez me parler ? »


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C’était une personne très particulière qu’Ilhan devait lui présenter et cela n’avait que convaincu davantage le jeune baptistrel à venir en aide à son frère, non sans le charrier en toute amitié au passage. La vérité était que Valmys était très heureux de savoir son frère en bonne compagnie, heureux de savoir qu’il pansait doucement ses plaies. Il avait grand hâte de rencontrer cette personne qui avait su lui ravir ses craintes et lui offrir de nouvelles inquiétudes bien plus adaptées au coeur d’un bipède. Seule ombre au tableau : une crainte instinctive habitait Valmys, qu’il peinait à faire taire. C’était stupide, c’était malvenu. Il ne pouvait s’empêcher d’avoir peur pour cette jeune femme, peur de sa souffrance, y projetant celle à laquelle il avait échappé par sa nature.

Mieux valait s’efforcer de ne pas y penser. Mieux valait jouer à faire sourire ou rougir son frère, car c’étaient là de bien belles choses. Valmys était arrivé la veille, prêt à offrir ses services de créateur de portails… Après une sieste. Les longues distances étaient toujours aussi épuisantes. Cela paraissait ne pas déplaire à Servalwir, qui y gagnait le droit à un long câlin paresseux. Deïa, en revanche, était davantage peinée de ne pas avoir davantage d’occasion de dépenser son énergie en compagnie de son protégé.

De lui-même, Valmys avait proposé de soigner la jeune femme tant évoquée, ravi d’avoir une occasion de mettre un visage sur un nom sans que cela soit de façon pompeuse et officielle. Cela allait assurément coûter une fortune à Ilhan, mais ce n’était pas là son souci. Tous deux savaient qu’ils n’avaient qu’à faire leur plus doux regard à leur père pour obtenir une fortune dont nul ne voyait la limite. De plus, n’aurait-il pas été ingrat de ne pas profiter de cette chance unique qu’il avait d’enfin découvrir Délimar sous la forme qui était sienne, sans avoir à craindre quelque courroux d’un Brise-Sort zélé ? La cité ne manquait pas d’intérêt, s’enrichissant des multiples cultures qui la composaient. Les forces de Glacern protégeaient Lyssiens et Almaréens sans les écraser, laissant au regard avisé tout le loisir de retrouver l’empreinte de ce qu’il aurait pu croire perdu. Une heureuse découverte que sa forme d’hermine, trop préoccupée par son devoir, ne lui avait permise. Par ailleurs, la maisonnée d’Ilhan lui parut plus petite qu’en son souvenir.

Ce fut après s’être alourdi le ventre d’un petit déjeuner censé lui apporter moult forces que Valmys se rendit auprès de sa belle-soeur. Coiffé avec le peigne d’Al Main, vêtu d’une tenue plus confortable que jolie, il s’était saisi de son psaltérion par précaution plus que par réelle nécessité, n’ayant point en tête d’utiliser quelque art baptistral pour un cas qui pouvait se contenter d’une magie beaucoup moins risquée. Sa ménagerie sur ses talons, il s’efforça d’effacer de son visage le sourire joueur qui était naturellement venu sur ses lèvres en présence d’Ilhan.

Ce ne fut, apparemment, pas de trop. Malgré toute sa neutralité, il sentit bien que son arrivée déclencha quelque chose… Pour le moins imprévu. Il avait pris tout le soin de porter le bijou d’oreille offert par Ilhan, afin de se protéger de la douleur d’une jambe cassée. Ce qu’il entendait là n’avait rien à voir avec ce genre de douleur. Le baptistrel faisait toujours de son mieux pour ne pas écouter en profondeur les chants-noms des autres personnes. Néanmoins, à l’image d’une foule de conversations, il était des instants où il était fort complexe de ne pas entendre certaines bribes de mots. Le silence et l’immobilité n’aidaient pas. Était-ce de la crainte qu’il entendait là ? Une peur bienveillante, certes, mais si intense ! On ne lui avait jamais joué cette scène-là. C’était qu’habituellement, avec ses petites oreilles d’hermine, il ressemblait plutôt à une peluche un peu spéciale. Étaient-ce ses veinules ? Avait-il quelque chose sur lui qui rappelait de biens sombres idées à cette jeune femme ? Et par les Huit, qu’elle était petite ! Elle aussi était une peluche sous forme bipède. En temps normal, Valmys se serait sans doute offert le croustillant d’une réflexion sur la taille d’Ilhan au sein de Délimar, et le choix d’une aussi petite jeune femme. Dans l’immédiat, il commençait, lui aussi, à avoir peur, et à ne pas savoir où se mettre. Son regard passa sur ses propres habits, ses mains, sans trouver de quoi il en retournait.

La scène fut interrompue par l’arrivée fracassante d’une envolée de plumes dont les notes puissantes hantées de mort vinrent saisir Valmys. L’animal en lui-même n’avait aucune volonté de nuire, mais le Cawr savait que, parfois, cela ne suffisait pas. Son instinct le poussa à préparer ses mains en un geste-clef pour se protéger, sans l’activer. Lorsque l’oiseau se posa enfin sur les genoux d’Autone, semblant alors s’apaiser, le jeune Chanteterre cessa son geste, pour le remplacer par un signe envers les prédateurs qui l’accompagnaient, pour qu’ils restreignent leurs instincts. Autant il savait Deïa sage, autant Servalwir était plus… Joueur ? De ce genre de jeux cruels dont raffolaient les félins.

L’étrange couple que formaient la petite femme et l’oiseau sombre offraient un spectacle pour le moins unique. Valmys resta donc planté là, sur le pas de la porte qu’il venait de fermer, à observer dans un silence respectueux, médusé, la mélodie qui émanait du corbeau aux trois flèches, pour sa protégée uniquement. Les ténèbres avaient leur propre beauté, loin d’être incomprise de ceux qui vivaient par les arts.
À nouveau ses muscles se raidirent lorsque sa patiente émergea de la chanson qui lui avait été offerte. Finalement, nulle urgence. Uniquement des émotions, fortes, juste assez fortes pour déconcerter le jeune maître lui-même, car il sentait bien que quelque chose était tourné vers lui. De tout ce silence, toute cette incongruité, il avait perdu ses mots. Mal à l’aise, ne sachant que faire de ses mains, il répondit vaguement aux premières question d’Autone par un signe de tête affirmatif ainsi qu’un vif mouvement d’oreille quand il perçut, encore une fois, qu’elles captaient l’attention et la tendresse.

Bien des questions lui venaient sur ces visions. À ses côtés, Servalwir aussi paraissait bien curieux. Ils avaient néanmoins une priorité - en tout cas, Valmys avait cette priorité. S’humectant les lèvres, comme pour se souvenir de la juste façon de les utiliser, le Chanteterre expliqua donc, d’une voix qui laissait transparaître son trouble :

“- Je viens pour soigner votre jambe, si cela ne vous ennuie pas. Ce sera un soin magique. Cela n’implique aucun contact, n’ayez pas de crainte à ce sujet.”

Quand il eut obtenu l’accord en question, Valmys s’approcha donc, un peu, timidement, craignant intimement de blesser la jeune femme. Sa main se tendit vers la jambe en question, sans même avoir besoin qu’elle lui soit désignée. Son énergie vint jusqu’au bout de ses doigts, se diffuser dans la chair de la jeune femme, pousser ses cellules à accélérer sa guérison. Cela prit peu de temps, dû sans doute faire à Autone l’effet de picotements de magie à l’intérieur de sa chair. Mais une jambe cassée… Par les temps qui venaient, c’était là une blessure bien triviale, qui n’offrit aucune résistance au baptistrel. Son expression était restée neutre, confiante, durant tout le processus. Quand il fut certain que tout était réparé, solidifié, il s’écarta à nouveau.

“- Ce devrait être bon !” fit-il, avec un léger sourire en coin qui se voulait encourageant. Il laissa un peu de temps à Autone, avant de demander, plus sage : “Je m’en excuse, mais… Vos visions m’intéressent, voudriez-vous me les conter ? Vous en avez déjà eu d’autres, avec moi ? Et… Avec lui ?” Tout en lui indiquait qu’il refusait de la brusquer. De la main, il avait désigné Servalwir. Il avait toujours su que son serval était spécial, mais… Quelque chose de eux deux, en même temps ? Autone savait-elle pourquoi Servalwir avait fait de Valmys son élu ?

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Autone haussa un peu les sourcils. Il venait soigner sa jambe? Ici, à Délimar? Elle songea cependant que le baptistrel avait probablement déjà discuté avec Ilhan pour arranger cela, puisqu’il ne semblait pas avoir la moindre incertitude. La petite dame hocha la tête en appuyant ses mains sur le lit pour se redresser un peu. Opixiatre vient se poser sur l’épaule d’Autone, se cacher sous ses cheveux. Elle écarta une petite couverture de laine qui cachait le bas de son corps, et releva un peu sa robe pour révéler la jambe attelée. Il y avait eu une espèce de fierté de vouloir prouver aux Délimariens qu’elle pouvait guérir, sans magie, tout comme eux. Mais l’idée de ne pas avoir l’embarras de sa jambe attelée pendant son mariage la délesterait de beaucoup d’inquiétudes, alors elle n’avait pas envie de refuser. La petite dame remarqua le malaise du garçon, qui osait à peine s’approcher, elle culpabilisa de sa réaction à sa rencontre. Puis observant avec attention la trame, elle tentât de prendre note du sort, en se demandant comment elle allait bien expliquer cette vision, qui était déjà mystérieuse pour elle.

Valmys eût terminé bien rapidement et de quelques clignements presque incrédules, Autone eût quelques secondes d’hésitation silencieuse. Même étant familière avec la magie, après une longue période à en être privée, elle avait toujours un temps d’adaptation. Puis, après avoir passé plusieurs semaines à guérir naturellement une blessure, c’était un peu étrange d’en être débarrassé d’un moment à l’autre. Autone se pencha vers l’avant pour défaire l’attelage, remua un peu sa cheville, qu’elle osa enfin tourner et plia doucement le genou. Puis elle se leva, prestement, et retomba par en arrière sur le lit en un gloussement. Depuis combien de temps n’avait-elle pas marché normalement? Elle ne pouvait pas non plus bondir sur ses pieds comme elle avait tenté de le faire. La conseillère posa doucement ses pieds au sol avant de se relever et de faire quelques pas. Puis elle fit un tour, et remonta un regard et un sourire reconnaissant sur l’immaculé.

« Merci. »
lui dit-elle, résistant à l’envie de sautiller sur sa jambe toute neuve. Et son sourire, si sincère qu’il était, s’éteint quand il lui demanda, tout poliment, à propos de ses visions. Autone pâlit un peu, et s’assied sur le lit, les jambes croisées. « Je crois que vous devriez vous asseoir. » Puis elle replia les genoux pour prendre ses jambes contre elle. Inconsciemment, elle ressentait le besoin de se protéger de ces souvenirs. « Vous étiez ma première vision, après la bataille contre les chimères. La magie était débalancée et j’ai vu beaucoup de choses, dans un ordre un peu chaotique. J’ai aussi vu Dawan, cette nuit-là. Sa mort, puis…j’ai l’impression qu’il est atterri dans ma vision et dans mon rêve, il m’a dit que vous étiez son élève. Il m’a donné le courage de continuer d’avancer dans le brouillard de la corneille, mais c’était difficile, pendant plusieurs semaines, de perdre le contrôle souvent, de voir des morceaux de la vie d’autres personnes, des souvenirs qui ne m’appartiennent pas. Je me sens intrue, alors je suis désolé, de vous avoir vu, même si je n’y peux rien. » Les lèvres tremblantes, Autone releva ses ambres sur les yeux du jeune immaculé. Il y avait beaucoup de choses qui se mêlaient dans son regard. Son empathie, sa détresse, son impuissance, mais aussi une bienveillance. Ce qu’elle aurait donné pour être là, pour égorger ces pirates et sauver Valmys.

« Et je suis désolé de ne pas…parvenir à dire sans filtre ce que j’ai vu ce soir-là. J’aurais aimé être réellement là, j’aurais aimé vous défendre. Et que vous obteniez ou non justice, j’espère que vous parviendrez à guérir de ce qu’on vous a fait. »


Elle ferma les yeux, prenant une grande respiration pour s’empêcher de paniquer, de plonger dans la peur. Autone demeurait convaincue que chaque vision avait une raison, même si parfois tout était emmêlé, détourné. Elle avait pu aider Aldaron à retrouver ses souvenirs en voyant Ilhan. Et la corneille s’était obstiné à lui montrer le conseiller quelques fois. C’était peut-être son honnêteté qui avait commencé à tisser le lien entre les deux promis. Il suffisait d’être patient, de faire confiance au labyrinthe pour s’y retrouver, parfois bien plus tard. Mais la violence de ces visions avait réveillé des souvenirs confus de son arrivée à Gloria. La terre s’était ouverte, là où elle avait enterré les mémoires cachées dans l’alcool et dans les herbes assommantes.

« Vous étiez son fils. »


Souffla-t-elle, sentant confusément l’ancienne vie tant de l’immaculé que du Serval. Elle pouvait le déduire, en repensant à ses visions, en s’imprégnant de ce qu’elle ressentait de chacun d’eux.

« J’ai vu un petit elfe naître, et son père avoir de grandes attentes pour lui. L’on disait qu’il était sourd et muet…ou alors qu’il ne voulait pas parler, au grand malheur de son père.

Mais… Je peux sentir son amour pour son enfant. Et vous aussi, le saviez, vous pouviez ressentir son affection. »
Autone prit une grande respiration, ferma les yeux quelques secondes, revoyant les images.

« Lors d’une leçon de magie, vous sembliez ne pas être réceptif, alors il s’est mis en colère. Je crois qu’il y a eu un accident magique... C’est confus, mais les feuilles qui tombaient des arbres se sont fait tranchantes, vous ont transpercé. Il a tenté de vous sauver, en vain. »


« Il a pleuré, je peux sentir sa douleur. »
La petite dame versa une larme en ouvrant les yeux. [color=#C44C34]« Et après avoir rendu un dernier hommage à son fils, sa femme décida aussi de rendre son dernier souffle. »

Un moment, elle restât silencieuse, puis elle murmura son prénom en un sourire triste : « Brahimir. Vous avez caressé son visage avant de partir, serein. L'on pouvait lire le pardon dans vos yeux. »

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Un sourire attendri passa sur le visage de Valmys quand sa patiente essaya sa jambe libérée de toute douleur, ses os solidifiés, ses muscles encore faibles. Il y avait toujours un peu d’émotion à voir les esprits s’étonner des effets de la magie comme d’une réaction qui n’était pas naturelle. À croire que les autres mages ne finissaient pas leurs soins, ou ne les dispensaient pas autant. Le jeune Cawr avait déjà entendu dire qu’il montrait des facilités avec l’usage de la Trame. Il y croyait, un peu, mais peinait à concevoir que ce puisse être si difficile, voire inaccessible pour d’autres. Pouvait-il en être autrement, pour quelqu’un qui s’était nourri de magie, qui pouvait sans doute, sur un peu de volonté, respirer par la magie ? Il peinait à réaliser la torture que représentait une guérison sans l’aide de sorts.

Il reprit un air plus sage pour sa demande quant aux visions de sa patiente. Tout de curiosité, Valmys s’assit sur le lit à son tour, à une distance très respectueuse d’Autone, qui ne mentait pas sur ses intentions. Son regard l’interrogeait, perplexe : qu’est-ce qui pouvait bien valoir qu’il s’assoive ? Il en avait vu d’autres, était persuadé que rien ne pouvait le choquer au point de faire faillir ses jambes sous lui.
Le baptistrel s’essaya à un sourire rassurant, encourageant, pour celle que le monde avait tant éprouvée. La mention de Dawan tendait plutôt à le rassurer. À ses côtés, Autone était protégée des cauchemars, des peurs, de tout ce que l’âme possédait qui pouvait la blesser. Le Chanteciel s’attachait beaucoup à ce devoir qu’il s’était fait de protéger les rêves de chacun, comme si c’était là la raison de son étrange condition. Si malgré la présence de Celui-qui-chante-en-rêve Autone connaissait le trouble, ce devait être bien sérieux. Si elle évoquait le nombre de ses visions, Valmys commençait doucement à entrevoir ce qu’elle avait pu affronter. Cela prenait un esprits fort de s’exposer au monde dans son entièreté, jusqu’aux fragments que l’on tenait cachés aux yeux des mortels à dessein. Mais lui, le fils d’Aldaron, il n’avait rien de tout cela, rien qui ne puisse fragmenter la raison, non ?

Quand enfin, du bout des lèvres, Autone laissa transparaitre ce qu’elle avait vu, Valmys perdit quelques couleurs, ainsi que la confiance qu’il avait dans les capacités de ses jambes. Finalement, elle avait peut-être eu raison. L’esclave des marées détourna le regard, écarta les souvenirs qui menaçaient de revenir. Néanmoins, rien n’empêcha les émotions d’apparaître. Une douleur qui n’avait pas besoin de corps, une honte profonde, un dégoût de lui-même. Il avait cru être soigné parce qu’il était de nouveau capable de se tenir debout et parler avec d’autres bipèdes. La fracture restait présente.

Autone n’insista pas. Ce fut sans doute la meilleure idée qu’elle eut pu avoir. Valmys dut revenir sur terre pour comprendre ce dont il était question. Fermant les yeux, il laissa son imagination lui dessiner l’histoire de cette ancienne vie. Une vie où il avait eu des parents qui l’aimaient, malgré ses différences. Quelle ironie. Un rictus amer passa brièvement sur ses traits. L’histoire était brève, mais violente. Au moins aussi violente que les vibrations de douleur et de chagrin qui montaient crescendo au fur et à mesure qu’Autone parlait, ramenant le passé par la force des mots. Valmys tendit aveuglément une main. Ses doigts caressèrent bien une fourrure, mais c’était là celle de Deïa. Inquiète, la chienne s’était rapprochée de lui. Elle reçut donc moult grattouilles qui visaient surtout à l’apaiser, elle.

Le silence s’écoula en lents grains de sables, lorsqu’Autone se tut, ponctué par le bruit de la fourrure de Deïa, et quelques plaintes infiniment discrètes du serval. Valmys, lui, prenait le temps d’acquérir cette histoire pour ce qu’elle était, en comprendre les tenants, aboutissants, implications. Il ne tarda pas, néanmoins. Bien tôt, il se leva.

“- Mesdames, si vous l’acceptez, je pense avoir besoin d’aide pour consoler ce serval.”

Tout en calme, Valmys franchit les quelques pas qui le séparaient de son serval. Il s’agenouilla devant lui, ouvrit les bras, avant d’y blottir l’animal, son fragile corps protégé par le sien, chaud de vie et d’amour. Deïa se tourna vers eux, son regard tourné vers le serval, n’osant faire de même. Les doigts fins du musicien choyèrent le crâne de son félin, et son dos. Sa voix se fit plus douce, presque murmurée, toute de tendresse :

“- Ne pleure pas, doux serval. Ne me crains pas. Je t’ai pardonné, je te pardonne encore. C’était un accident. C’est du passé. Je suis heureux de t’avoir à mes côtés aujourd’hui. Tu es un serval exceptionnel. Et tu m’as aimé. Tu sais que je ne puis en dire autant de ceux qui m’ont enfanté.”

Sa tête s’était appuyée petit à petit contre lui. Il déposa quelques baisers sur le poil de son ami, celui qui avait été son père, murmurant encore quelques “c’est du passé” et autres “je t’aime”, ainsi qu’un ou deux “regarde comme tu es beau”, car il savait que ces mots-là faisaient toujours plaisir à son orgueilleux serval. Il continuait encore de le garder contre lui, contre son petit coeur battant tout le pardon du monde, quand ses paroles revinrent vers Autone, sa voix reprenant un ton plus enclin aux bipèdes, à une discussion pragmatique.

“- Je vous remercie de m’avoir conté tout ceci. Si cela peut vous intéresser, j’ai avec moi une flûte très spéciale, qui permet d’interroger un esprit-lié, une fois par mois. Je pourrais en jouer pour vous. Dites-moi juste l’esprit-lié qui vous intéresse et je lui demanderai de venir.”

Un savoir pour un savoir, n’était-ce pas là un échange tout à fait convenable ? Ou peut-être juste une façon de montrer sa reconnaissance. Valmys avait cru comprendre que bien des voies de la Corneille troublaient sa patiente… Mais peut-être préfèrerait-elle interroger d’autres esprits, davantage liés aux joies de la maternité ? Le choix était sien. De ce qui lui avait été dit, Autone était, quoi qu’il advienne, de ces êtres qui ne se laissaient pas faire par le destin, et dirigeaient ce dernier de leurs propres mains.
Il lui laissa le temps de réfléchir, continuant avec grande délicatesse de distribuer au serval toutes ces attentions qui témoignaient d’un amour par-delà l’identité.

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L’imbrisée esquissa un sourire lorsque le jeune elfe parla de réconforter l’animal. Elle ne se sentait pas vraiment la bienvenue, dans ce cocon d’amour, toujours un peu l’impression d’être une intruse où qu’elle atterrisse là où la corneille la menait. Pas que la tentation n’était pas là. Le félin était magnifique, et il était facile de vouloir enfouir ses mains dans cette fourrure. Le sourire s’éclipsa, elle ferma les yeux. Dawan lui manquait, elle aurait aimé qu’il soit là. Et elle en avait assez de voler entre les rivages de la mort et les fragments d’horreur. De tout ressentir, de se sentir toute petite dans la poigne de l’injustice et de l’horreur. Comment faisait-il, Naal? Et les autres?
Il y avait des années qu’elle s’était libérée de Gloria, mais cette première nuit dans le labyrinthe de la corneille lui laissait toujours le cœur au bord des lèvres. Parfois elle croyait les vaincre, ces vagues de terreur. Mais à quoi bon trancher l’eau d’une lame? La petite dame ouvrit les paupières et fixa le vide un instant, alors que Valmys réconfortait celui qui fût son père. Être voulu par ses parents. Était-ce une grande insécurité qui le guidait? Était-ce pour cela qu’Aldaron l’eût adopté?

« Vous n’avez pas à me donner quoi que ce soit en échange. Les bénédictions des esprits ne sont pas des transactions. »
La petite dame sourit un peu. « Aussi Caladonienne puis-je être. »

Il y avait bien une seule question qui lui brûlait les lèvres, depuis qu’elle était ici. Pourquoi les Almaréens l’avaient-ils chassé de Gloria? Or elle craignait la réponse plus que l’ignorance. Et son instinct lui murmurait qu’elle ne voulait pas voir la réponse.

« Parfois lorsque je veux…vraiment savoir, la corneille me montrera. Pas toujours. Mais j’en ai bien suffisamment vu pour aujourd’hui. Et parfois j’ai peur de ce que mes émotions peuvent créer…Il ne faut pas jouer avec le feu en n’importe quel temps et lieu. »


Autone soupira, puis décida de se lever et de s’étirer. « J’ai l’impression… d’être dangereuse pour vous. Je ne crois pas comprendre comment la magie baptistrelle fonctionne réellement. Mais je ne veux pas vous faire plus de mal en vous faisant entendre les mélodies d’une énième tragédie. »

La petite dame s’approcha d’un volet pour l’ouvrir, et laissa Opixiatre sortir. Puis elle se retourna en tentant un sourire encourageant. Sous les rayons du matin, ses yeux prenaient la teinte jaune de l’ambre raffinée.

« C’est une belle journée. Et je n’ai pas couru ou marché depuis longtemps. Voulez-vous venir marcher avec moi? Je vais d'abord vais passer par la salle d’eau. J’ai entendu des rumeurs élogieuses sur des bains de magnolia. »
Autone rit un peu avant de refermer les volets.

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Servalwyr




Il était particulièrement attentif, même si nonchalance était de mise. Le museau posé entre ses pattes avant, étendu de tout son long, les oreilles penchées en avant l’air de rien, son regard mi-clos observait son élu et tout signe nécessitant son attention. Il écoutait, et comprenait sans comprendre.

Il était alors endormi, errant dans le fin fond de sa conscience, ne lui permettant pas de comprendre totalement les sons que les deux bipèdes émettaient. Mais nul besoin de comprendre quand l’échange sembla devenir sérieux. Danger ? Son élu s’était assis, et si son sourire restait doux, il sentait parfaitement la tension latente. Elle crépitait dans l’air. Aussitôt il redressa les oreilles. Et quand il entendit le coeur palpitant de son élu, il redressa cette fois la tête, les oreilles en avant, le poil du dos se hérissant légèrement. Danger ? Tout son corps était prêt à réagir, attaquer au besoin. Son élu semblait troublé, perturbé, et cette fois lui aussi s’était réveillé et guettait de concert. Ils ne faisaient plus qu’un et étaient sur le qui-vive, prêts à défendre leur élu.

« Vous étiez son fils. »

Ces mots… Ces mots-là ils les comprirent. Il était là, parfaitement là, et les saisit pleinement. Entièrement. Douloureusement. C’était donc ça le trouble de son élu ? Cette fois, il baissa la tête, en un petit couinement discret, et la reposa mollement sur ses pattes avant, tout en baissant les oreilles. Ses orbes dorés ne quittaient pas son élu des yeux pour autant, mais se teintèrent d’un éclat triste comme si mille étoiles s’éteignaient en lui soudain.

Il entendit l’histoire. Lui aussi l'entendit. Une histoire qu’il connaissait. Une histoire qu’il avait vécue. Une histoire qui l’avait brisé. Mais surtout qui avait brisé l’enfant. Oui amour avait dansé en lui. Et peine aussi. Comme encore à cet instant. Il revoyait tout au fil des mots qui coulaient avec douleur et douceur tout à la fois. Et quand vint le moment fatidique, c’en fut trop pour le petit serval au coeur éprouvé. Il couina une nouvelle fois, et posa ses pattes avant sur son museau, tout en fermant ses perles d’or. Non il ne voulait plus voir. Il ne voulait pas voir le rejet de son élu, cela le briserait. Encore. Même si il l’avait mérité sans doute, lui devait-il perdre ce qui comptait le plus pour lui aussi ? Il était lui, lui était il, et pourtant ils étaient deux… Devaient-ils tout perdre tous deux ? Un autre couinement. Non, il ne voulait pas voir la perte de son élu. Il ne voulait pas voir la déception non plus. La peine et la douleur, l’abjection peut-être. Son coeur cogna fort en un tambour battant, et un léger tremblement secoua son petit corps. Il n’entendait plus rien, il ne voyait plus rien, que ce rouge carmin qui s’écoulait, de cette vie qu’il avait prise, être honni qu’il était. Il n’entendait plus rien, il ne voyait plus rien, que ces feuilles ensanglantées, et cette vie arrachée… Il n’entendait plus rien, il ne voyait plus rien...

Jusqu’à...

Jusqu’à ce que des bras chauds et affectueux enserrent son petit corps. Amour ruisselait alors de cette étreinte, tel un torrent déchainé que plus rien ne pouvait arrêter. Un torrent d’amour dans lequel il plongea avec abandon et qui calma quelque peu ses tremblements. Pardon.

Ce mot-là il comprenait. Pardon. Un accident ? Sans doute oui, mais il avait tué. Son fils. Tué son fils. Il couina encore sous l’assaut de ce lui et de cette douleur honnie. Mais son élu l’enserrait toujours et son chant de mots était un baume sur la culpabilité et la douleur qui le rongeaient. Il osa enfin relever ses yeux d’or qui pétillèrent d’un amour sans fin. Oh oui, il l’avait aimé. Son fils. Mais son élu aussi. Et il l’aimait encore. Et entendre soudain ce "je t’aime" lui envoya une onde de chaleur inespérée qui lui vrilla le coeur. Un doux ronronnement remplaça ses couinements. Pas de ce ronronnement paralysant, mais un ronronnement de contentement. Quand les mots je t’aime résonnèrent de nouveau, il donna un petit coup de tête pour caresser son élu et appuya son museau contre la joue de son aimé. Son chanteciel et chanteterre mêlé ne voulait pas l’abandonner.

Quand les mots "tu es beau" arrivèrent enfin à son cerveau, cette fois il se roula sur le dos, montra son ventre, signe d’une confiance évidente, lui qui montrait là un des endroits les plus vulnérables et faisait de lui une proie, tout en ronronnant de plus belle. Son museau ne cessait de donner de petits coups sur une des mains qui le caressaient.

S’il fut attristé que son élu reprenne ensuite un chant plus sérieux avec l’autre bipède, il n’en montra rien. Il se contentant alors de se redresser, sans pour autant lâcher son élu, sur lequel il venait de poser sa tête sur ses genoux, en un geste à la fois affectueux et possessif.


descriptionDes morceaux d'avant (Valmys)  EmptyRe: Des morceaux d'avant (Valmys)

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Nul ombrage n’était à prendre du refus d’Autone ; aussi Valmys n’en cilla guère. Ses mains, enfoncées dans la soyeuse fourrure de son ami, lui offraient de bien plus pertinents tracas de coeur. Sa tête s’était appuyée contre la sienne. Il avait tu ses mots d’encouragements pour un chant discret, apte à laisser les mots d’Autone prendre leur place, tout en portant ses voeux de paix au serval. Les couinements félins laissèrent place aux ronronnements, poussant Valmys à constater que son propre coeur s’était serré à la peine de son compagnon. Le serval avait-il, lui aussi, cette étrange impression d’une boucle laissée ouverte qui enfin trouvait son terme ? Une sensation des plus surprenantes, car n’appartenant pas à la même personne qui aujourd’hui était le Chanteterre. Pourtant, c’était bien là, au creux de sa poitrine, ainsi que dans le regard tendre et apaisé qu’il porta sur ce félin qui roulait sur le dos. Sa main vint caresser le ventre pelucheux de celui qui avait été son père. À quoi avaient-ils ressemblé, tous deux ? Où avaient-ils vécu ? Avaient-ils eu des habitudes, des rituels ? La voix d’Autone le sortit de ces songes.

Il y avait quelque aspect rassurant à entendre une Caladonienne murmurer sa piété. Aussi fut-il touché d’entendre que l’on s’inquiétait de lui faire mal. Depuis son serment, il avait l’impression que le monde se divisait en personnes qui malmenaient les baptistrels, et personnes qui craignaient tant de le blesser qu’ils n’osaient piper mot en leur présence. Bien des dispositions pour la solitude, au final. Valmys s’estimait heureux d’être bien entouré… Et bien équipé.
Ironiser sur le fait que le monde des bipèdes de façon générale était bien plus dangereux que les éventuelles histoires qu’Autone pouvait lui offrir n’aurait été qu’une piètre façon de remercier l’élue de la Corneille. De même, expliquer en quoi reposait le danger lié aux mensonges aurait pu apparaitre comme une façon vicieuse de forcer la main. Les lèvres de Valmys pâlirent le temps d’un sourire en coin, une lueur dans ses yeux témoignant de la présence de pensées qu’il taisait. Sans détacher son regard de la duveteuse nuit dans laquelle ses doigts s’enfonçaient, il avoua :

“- J’ai également entendu quelques bienfaits quant au magnolia. Si vous pensez n’avoir besoin d’aucune aide pour vos ablutions, je vais plutôt vous attendre ici.”

Une pointe de gêne hantait ses mots. Les corps nus n’étaient beaux que pour les soins. Hors des soins, ils sont les victimes des outrages, le moindre regard maculant de sang leur sacralité. Un rictus de douleur passa, comme une ombre, sur les traits de Valmys, sans même qu’il en eut conscience. Il continua aussitôt, comme pour rassurer Autone.

“- Je connais également quelques âmes qui seraient ravies d’une promenade.”

Ils étaient trois, à sa connaissance. Deïa, Servalwir et lui. Si la légendaire paresse de Servalwir pouvait le pousser à rester au lit, il savait également combien il tenait à rester sur ses talons. Deïa n’attendait qu’un signe pour se défouler les pattes. Lui-même ne disait pas non à une exploration de Délimar. Pouvoir profiter des lieux, dans toute son humanité, en toute légalité… Une occasion rare s’offrait à lui. Il ne comptait pas passer à côté.

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