Nyn-Tiamat - 16 Février 1764
La préparation pour son voyage avait été difficile car l’hésitation était grande, pour ne pas dire réelle. Il avait étudié les animaux à chaque moment libre, à chaque volume croisant sa route. La moindre miette de connaissance qu’il pouvait trouver et grappiller, il s’en emparait avec l’avidité d’un assoiffé en plein désert. Pour autant, s’il se savait théoriquement prêt pour affronter l’épreuve qu’il s’était fixé, il savait également qu’il risquait sa peau.
Outre le climat peu clément de l’île, il devait compter sur les multiples dangers auxquels il allait devoir faire face. Et c’était sans compter la difficulté de l’épreuve en elle-même. Nyn-Tiamat était la terre mère pour bien des créatures géantes et dangereuses, l’environnement ne permettait pas l’erreur et il devait contourner l’une des zones les plus dangereuses de Tiamaranta, à savoir la forêt de Licorok.
La tâche s’était révélée ardue étant donné que la forêt avait gagné du terrain au point de se tenir presque aux portes de la cité, mais l’elfe y était parvenu en se montrant plus prudent que d’ordinaire. Habituellement, la présence d’un danger avait tendance à le rendre curieux et, plutôt que de le rendre prudent, le poussait généralement à s’y confronter. Pour l’heure, cependant, Aldaron avait été très clair sur les dangers et sur l’interdiction réelle d’y mettre les pieds. Et papa, connaissant Sorel après avoir vécu Morneflamme à ses côtés, avait su se montrer convainquant. Bien évidemment, les circonstances de la prison étaient également bien différentes de celles auxquelles Sorel faisait face actuellement et il avait aussi un but bien défini. Il n’avait pas de temps à perdre avec sa curiosité et sa défiance habituelle. Peut-être plus tard, cependant...
Pour l’heure, l’elfe montait un cheval emprunté aux écuries de son père et s’était mit en route pour la toundra de Nyn-Névrast. Il s’était renseigné au préalable et il savait que les animaux qui l’intéressaient étaient susceptibles de s’y trouver. Les montagnes étaient à éviter car les individus les plus vieux et les plus puissants - et par conséquent ceux plus à même de lui résister - s’y trouvaient. Du moins s’il devait en croire les dires à la fois des habitants et des bouquins qu’il avait consulté.
Il s’était renseigné… pourtant il était seul dans la toundra enneigée. Les pistes de rhinocéros laineux étaient bien présentes mais il n’en avait aperçu aucun jusqu’à présent. Il n’ignorait pas que sa recherche ne porterait pas ses fruits immédiatement, qu’il lui faudrait être patient, mais il n’échappa pas à la déception pour autant.
Il chercherait le temps qu’il faudrait.
Outre le climat peu clément de l’île, il devait compter sur les multiples dangers auxquels il allait devoir faire face. Et c’était sans compter la difficulté de l’épreuve en elle-même. Nyn-Tiamat était la terre mère pour bien des créatures géantes et dangereuses, l’environnement ne permettait pas l’erreur et il devait contourner l’une des zones les plus dangereuses de Tiamaranta, à savoir la forêt de Licorok.
La tâche s’était révélée ardue étant donné que la forêt avait gagné du terrain au point de se tenir presque aux portes de la cité, mais l’elfe y était parvenu en se montrant plus prudent que d’ordinaire. Habituellement, la présence d’un danger avait tendance à le rendre curieux et, plutôt que de le rendre prudent, le poussait généralement à s’y confronter. Pour l’heure, cependant, Aldaron avait été très clair sur les dangers et sur l’interdiction réelle d’y mettre les pieds. Et papa, connaissant Sorel après avoir vécu Morneflamme à ses côtés, avait su se montrer convainquant. Bien évidemment, les circonstances de la prison étaient également bien différentes de celles auxquelles Sorel faisait face actuellement et il avait aussi un but bien défini. Il n’avait pas de temps à perdre avec sa curiosité et sa défiance habituelle. Peut-être plus tard, cependant...
Pour l’heure, l’elfe montait un cheval emprunté aux écuries de son père et s’était mit en route pour la toundra de Nyn-Névrast. Il s’était renseigné au préalable et il savait que les animaux qui l’intéressaient étaient susceptibles de s’y trouver. Les montagnes étaient à éviter car les individus les plus vieux et les plus puissants - et par conséquent ceux plus à même de lui résister - s’y trouvaient. Du moins s’il devait en croire les dires à la fois des habitants et des bouquins qu’il avait consulté.
Il s’était renseigné… pourtant il était seul dans la toundra enneigée. Les pistes de rhinocéros laineux étaient bien présentes mais il n’en avait aperçu aucun jusqu’à présent. Il n’ignorait pas que sa recherche ne porterait pas ses fruits immédiatement, qu’il lui faudrait être patient, mais il n’échappa pas à la déception pour autant.
Il chercherait le temps qu’il faudrait.
Toundra de Nyn-Névrast - 18 Février 1764
La chasse aux indices s’était révélé fructueuse… après ce qui avait semblé être une véritable éternité. Camper dans la toundra inhospitalière de Nyn-Tiamat s’était révélé être une expérience particulière et intéressante. Bien que légèrement froide, si Sorel devait être honnête. Il ne regrettait pas d’avoir emmené une fourrure chaude en plus du reste. Peu désireux de s’en défaire, d’ailleurs, il avait celle-ci drapée en travers de ses épaules pour conserver le peu de chaleur qu’il avait réussi à maintenir durant la nuit.
Il avait déambulé au hasard des empreintes qu’il avait trouvées depuis son levé - très tôt ce matin là, faisant suivre sa monture jusqu’à ce qu’un nouveau set ne le fasse s’immobiliser.
Son idée originale avait été de suivre les troupeaux de rhinocéros laineux, sachant qu’il arrivait parfois à sa cible de s’y attaquer, une idée qu’il avait mise en pratique sans grand succès. Jusqu’à présent.
Mettant pied à terre, Sorel s’accroupit pour étudier ce qu’il avait sous les yeux. Une meute de Fenrisùlfr était passée, assez longtemps pour que les empreintes commencent à s’effacer, mais assez récemment pour que même Sorel, pourtant un pisteur peu aguerri, soit en mesure de les repérer.
Etudiant la direction approximative empruntée par la meute, Sorel guida sa monture jusqu’à un arbre esseulé. Il attacha les rênes au tronc tout en s’assurant que si le hongre devait tirer trop fort - en cas d’affolement - le noeud puisse se défaire. Toutes les montures de l’écurie étaient entraînées pour rentrer en cas de problème et il avait toute confiance en la capacité de l’animal à rentrer à la maison s’il devait se détacher. Cependant, peu désireux de risquer la vie de son seul moyen de retour à la maison, l’elfe dessina une forme approximative dans l’air et lui insuffla la vie. La créature, complexe, était en mesure de surveiller mais également de défendre en cas de nécessité. Juste assez pour gagner un temps suffisant pour permettre à la monture de s’échapper si des prédateurs venaient à la menacer.
« Protège le cheval. Si tu vois qu’il est attaqué, défend-le et permet-lui de se sauver. Il doit rester en vie. »
La créature se hissa sans attendre sur la selle de l’animal et s’y installa, ses grandes oreilles lui permettant de capter l’arrivée de n’importe quelle créature ou prédateur. Ses pattes avant dotées de longs doigts lui permettraient certainement de dénouer le noeud plus rapidement qu’en laissant le cheval se défaire de lui-même à force de pression. C’était idéal.
Sorel hocha la tête, satisfait, puis prépara un sac sommaire, se parant uniquement du plus grand nécessaire afin de voyager léger. Resserrant sa fourrure autour de lui pour repousser le froid, il abandonna son cheval et sa création pour s’élancer à la poursuite des fenrisùlfrs dont il avait découvert les traces.
Il trouva un amas désordonnés d’empreintes appartenant manifestement à un troupeau de rhinocéros laineux, le chaos qui régnait indiquait clairement une fuite après avoir repéré la meute de prédateurs.
Prudent, Sorel tendit l’oreille tout en poursuivant sa chasse. Il y avait de fortes chances pour que troupeau et meutes aient disparus depuis belle lurette, il était pas mal en retard, mais il n’était pas à l’abri d’un retardataire ou d’un oublié. Un rhinocéros laineux, aux abois, pourrait lui faire toutes les misères du monde avant que Sorel ne parvienne à l’apaiser. Il ne trouva rien jusqu’à ce qu’un grondement soudain ne le fasse s’immobiliser.
Accroupi au milieu de la neige dérangée et irrégulière, l’elfe tendit l’oreille, attentif sans pour autant se raidir. Il devait rester le plus calme et le plus posé possible afin de ne transmettre aucune alarme. Les grondements poursuivirent, un lent roulement sourd, avertissement à peine masqué et lui donnant tout loisir de repérer l’emplacement de la menace.
Se frottant les doigts avec le pouce, Sorel inspira avant d’expirer longuement, relâchant toute forme de tension avant d’oser se redresser légèrement.
Quelques mètres devant de la lisière de la forêt de Licorok, devant Sorel et dissimulé derrière un amas rocheux, se trouvait un fenrisùlfr. L’animal était ramassé sur lui-même, la tête basse et la menace roulant de sa gorge. Son regard sauvage était rivé sur l’elfe, imperturbable, guettant le moindre de ses gestes avec une attention prédatrice. Pourtant, alors que Sorel était là, devant lui, l’animal ne bougea pas et ne fit pas mine d’attaquer ni de prendre la fuite. Sa meute n’était nul part en vue, introuvable, pourtant ils étaient connus pour évoluer ensemble à tout moment mais celui-ci était esseulé et immobile.
Epuisé, réalisa le dresseur avec un froncement de sourcils. Il était venu pour rencontrer cette espèce, s’y confronter et voir s’il était en mesure de s’en approcher sans finir déchiqueté et mis en pièce par les animaux sauvages. Il ne s’attendait pas à pouvoir faire face à un individu seul. L’individu en question, cependant, représentait manifestement un danger plus qu’un autre étant donné sa condition et, surtout, les circonstances.
Perplexe, le mage contourna légèrement, sourd aux grondements qui s’accentuaient à mesure qu’il se déplaçait, inattentif au regard insistant qui le suivait et l’épiait sans manquer un seul de ses mouvements. C’est alors qu’il commençait à avoir vue sur le flanc de l’animal que Sorel remarqua la raison de son immobilité.
Refermé non pas sur une seule de ses pattes mais sur deux, se trouvaient des pièges vicieux. Les mâchoires mécaniques faites d’acier s’enfonçaient profondément dans le membre, teintant d’écarlate la fourrure blanche striée de bleu. Une colère sourde se referma sur le ventre de l’elfe et il darda sur les machines un regard noir tandis qu’une moue dégoûtée tordait ses traits.
Révulsé, l’elfe se défit de son lourd manteau et de son sac qu’il abandonna en tas sur le sol, la fourrure épaisse rejoignit les autres jusqu’à ce qu’il se tienne en simple tunique dans le froid glacial de Nyn-Tiamat. Frottant ses mains l’une contre l’autre, Sorel les appliqua contre sa poitrine et laissa la magie du feu s’insinuer dans ses membres et lui tenir chaud malgré les basses températures. Inspirant à nouveau, il modifia sa posture jusqu’à ce qu’il apparaisse moins menaçant mais pas faible pour autant, offrant une apparence sûre mais pas dangereuse pour autant. Il n’était ni proie, ni prédateur, se convainquit-il, et il devait apparaître de la sorte. Son instinct de bipède lui donnait envie de lever les mains pour montrer qu’il ne voulait aucun mal à l’animal mais ses connaissances l’avertissaient du contraire. C’était au contraire une agression, une justification d’attaque, qu’il donnerait s’il devait commettre une telle erreure. Forçant par conséquent son corps à se plier à sa volonté, il posa son regard sur la bête :
« Je ne suis pas là pour te faire du mal, » dit-il d’une voix posée, usant du glyphe apposé sur sa chevalière pour communiquer ses intentions au fenrisùlfr.
Les grondements s’amenuisèrent progressivement mais au pas suivant de l’elfe dans sa direction, la menace reprit de plus belle. Peu importait combien il avait l’intention de l’aider, la créature était en danger et le savait. Elle devait se défendre, l’instinct était plus fort que toute la raison que Sorel pouvait souhaiter lui apporter avec ses beaux mots. Soupirant, il se résigna à employer des moyens plus basiques et s’assit à même la neige, espérant avoir suffisamment d’énergie pour sustenter le sort qui le maintenait chaud suffisamment longtemps. Il le ferait le temps qu’il faudrait.
Il était assis, le cul dans la neige qui commençait doucement à fondre à son contact, depuis bientôt une heure lorsque le fenrisùlfr, une femelle avait-il découvert, consenti à s’allonger dans la neige. Son regard mauvais toujours dirigé vers l’elfe mais moins à l’affût. Elle ouvrit la gueule sur une rangée de crocs ivoiriens et Sorel s’efforça de ne pas penser à ces mêmes crocs se refermant sur lui. Il s’approcha quelque peu, rampant dans la neige et s’immobilisant dès qu’elle se tendit, prête à se redresser.
Il lui fallut un certain temps, assez longtemps pour que le soleil commence à atteindre son zénith, avant qu’il ne se retrouve suffisamment proche pour sentir le souffle de l’animal lui balayer le visage. Elle le considérait, ses grands yeux sauvages fixés sur lui. L’animosité s’y était effacé au profit d’une prudence animale. La douleur et la fièvre s’y reflétaient également, ravivant la colère brûlante de l’elfe. Il tendit la main, paume ouverte, et la posa sur son genou. L’animal resta d’abord immobile mais après un certain temps, finit par tendre le coup jusqu’à ce que sa truffe n’effleure le bout des doigts tendus. La truffe était chaude et sèche au toucher et Sorel jeta un regard plus inquiet en direction du piège qui enserrait la patte avant de la bête.
Enhardi par son succès et plus impatient qu’autre chose de pouvoir délivrer la femelle, Sorel tendit la main vers la patte blessée. Il savait qu’une fois celle-ci libérée, il aurait à s’attaquer à la patte arrière qui était également retenue par un piège.
L’elfe avait à peine touché le métal froid du piège que la réaction s’avéra immédiate. Des mâchoires d’un autre genre d’acier se refermèrent sur sa main, lui arrachant un hurlement de douleur. La bête s’était redressée d’un coup sur ses pattes, la pression et le geste soudain faisant raisonner un craquement sac rapidement suivit d’un glapissement de douleur. La fenrisùlfr le relâcha soudainement, le laissant s’effondrer dans la neige tandis qu’elle s’agitait en tous sens. Roulé en boule et tenant son bras endolori contre sa poitrine, Sorel retint une soudaine envie de vomir, la nausée le saisissant à bras le corps.
Il tenta de s’éloigner légèrement afin de se placer hors de portée de la bête, rampant dans la neige glacée mais quelque chose de lourd le percuta entre les omoplates avec un grondement toutefois moins violent. La chose qui l’avait agressée rebondit contre son dos et l’elfe l’entendit se réceptionner dans la neige, identifiable par le doux craquement de cette dernière. Sorel se redressa juste à temps pour attraper de la main gauche un jeune fenrisùlfr par la peau du cou avant que celui-ci ne puisse se jeter à nouveau sur lui.
L’esprit embrumé par la douleur, l’elfe fixa le jeune animal sans le voir, sans parvenir à connecter les éléments, sans comprendre. Son bras droit reposait, inerte, dans son giron tandis que, de la gauche, il tenait l’animal à bout de bras. Il s’agitait, grondant et grognant, tentant de tout son être de se jeter sur Sorel pour lui faire payer un affront dont ce dernier n’avait aucune connaissance.
Non loin de là, de violents vomissements sortirent le mage de sa transe et il jeta un regard vers la femelle pour voir que celle-ci vomissait ses tripes dans la neige, les membres tremblants. Elle s’effondra dans la neige, la gueule ouverte sur un halètement épuisé entrecoupé de grondements menaçants. Elle fixait de nouveau Sorel avec animosité, sans doute parce qu’il tenait son petit, réalisa-t-il en clignant des yeux. I
Il avait désormais trop chaud, plus chaud que lorsqu’il avait utilisé un sort pour combattre le froid. Son front était couvert de sueur, les gouttes perlaient et s’écoulaient sur ses tempes. Il allait devoir s’occuper de son bras mais c’était pour plus tard. Usant du glyphe de sa chevalière, il apaisa en quelques mots le petit fenrisùlfr. Contrairement à sa mère, le jeune se montra particulièrement susceptible à la magie et s’apaisa rapidement, croyant sur parole les intentions honnêtes de l’elfe. Assis en tailleurs dans la neige, son bras maintenu immobile autant que possible, Sorel dessina une forme approximative en serrant les dents lorsque cela envoya des éclairs de douleur jusque dans le bout de ses doigts et de son épaule. Une nouvelle invocation fit son apparition et, à la demande de l’elfe, se dirigea rapidement vers la femelle. Celle-ci, épuisée, fit quelques tentatives de mordre et d’interrompre l’invocation mais chaque essai se solda d’un échec. Rapide et efficace, la petite invocation parvint à défaire le piège qui s’était refermé sur la patte avant de la bête avant de rapidement se déplacer vers celui qui emprisonnait la patte arrière.
Bien que libre, la bête ne fit pas un geste pour se lever et prendre la fuite. Prenant son courage à deux mains, Sorel se redressa sur ses genoux en prenant appui sur sa main gauche, sifflant entre ses dents lorsque le mouvement remua son bras droit. Il s’approcha, constatant que la patte avant était en mauvais état, probablement parce qu’elle s’était violemment débattue, aggravant les dégâts déjà considérable.
Bien que fatigué, Sorel désigna la femelle de la main et, afin de peut-être faciliter les choses, prit le risque de la poser sur le museau de l’animal. Elle réagit à peine, dardant sur lui un regard mauvais mais épuisé. Il diffusa doucement son énergie, sollicitant la chair de l’animal. Sous les yeux de l’elfe, les plaies de la patte avant commencèrent à se refermer lentement. Il regarda sur la patte arrière et constata que la même chose se passait de ce côté là. C’était lent mais en cours et, rapidement, les plaies ne furent que de mauvais souvenirs. Le sang maculait toujours la superbe fourrure blanche mais au moins n’était-elle plus blessée. Pourtant il pouvait toujours sentir la magie drainer son énergie. Un craquement sec lui fit comprendre qu’elle avait probablement brisé un de ses propres os dans son agitation, certainement avant qu’elle ne brise les siens, songea-t-il avec un sourire de travers.
Constatant qu’elle refusait de se lever, probablement afin de récupérer, Sorel décida de s’installer près d’elle et d’attendre avec elle. Il se traîna jusqu’à ses affaires afin de les rapprocher et de s’enrouler dans la fourrure, conscient qu’il tremblait mais il n’aurait su dire si le choc ou le froid était responsable. Probablement une vicieuse combinaison des deux.
Après un certain temps et une fois que l’animosité se fit moins violente dans le regard de la femelle, Sorel s’installa à côté d’elle. Murmurant des mots rassurants tout en se servant du glyphe de sa chevalière, il lui caressa doucement la fourrure, grattant derrière les oreilles et souriant en constatant que cela semblait lui convenir. Dans son giron, le jeune vint se rouler en boule et s'endormit sans demander son reste. Il resterait jusqu’à ce qu’elle se lève et s’en aille.
Il resterait.
Il avait déambulé au hasard des empreintes qu’il avait trouvées depuis son levé - très tôt ce matin là, faisant suivre sa monture jusqu’à ce qu’un nouveau set ne le fasse s’immobiliser.
Son idée originale avait été de suivre les troupeaux de rhinocéros laineux, sachant qu’il arrivait parfois à sa cible de s’y attaquer, une idée qu’il avait mise en pratique sans grand succès. Jusqu’à présent.
Mettant pied à terre, Sorel s’accroupit pour étudier ce qu’il avait sous les yeux. Une meute de Fenrisùlfr était passée, assez longtemps pour que les empreintes commencent à s’effacer, mais assez récemment pour que même Sorel, pourtant un pisteur peu aguerri, soit en mesure de les repérer.
Etudiant la direction approximative empruntée par la meute, Sorel guida sa monture jusqu’à un arbre esseulé. Il attacha les rênes au tronc tout en s’assurant que si le hongre devait tirer trop fort - en cas d’affolement - le noeud puisse se défaire. Toutes les montures de l’écurie étaient entraînées pour rentrer en cas de problème et il avait toute confiance en la capacité de l’animal à rentrer à la maison s’il devait se détacher. Cependant, peu désireux de risquer la vie de son seul moyen de retour à la maison, l’elfe dessina une forme approximative dans l’air et lui insuffla la vie. La créature, complexe, était en mesure de surveiller mais également de défendre en cas de nécessité. Juste assez pour gagner un temps suffisant pour permettre à la monture de s’échapper si des prédateurs venaient à la menacer.
« Protège le cheval. Si tu vois qu’il est attaqué, défend-le et permet-lui de se sauver. Il doit rester en vie. »
La créature se hissa sans attendre sur la selle de l’animal et s’y installa, ses grandes oreilles lui permettant de capter l’arrivée de n’importe quelle créature ou prédateur. Ses pattes avant dotées de longs doigts lui permettraient certainement de dénouer le noeud plus rapidement qu’en laissant le cheval se défaire de lui-même à force de pression. C’était idéal.
Sorel hocha la tête, satisfait, puis prépara un sac sommaire, se parant uniquement du plus grand nécessaire afin de voyager léger. Resserrant sa fourrure autour de lui pour repousser le froid, il abandonna son cheval et sa création pour s’élancer à la poursuite des fenrisùlfrs dont il avait découvert les traces.
Il trouva un amas désordonnés d’empreintes appartenant manifestement à un troupeau de rhinocéros laineux, le chaos qui régnait indiquait clairement une fuite après avoir repéré la meute de prédateurs.
Prudent, Sorel tendit l’oreille tout en poursuivant sa chasse. Il y avait de fortes chances pour que troupeau et meutes aient disparus depuis belle lurette, il était pas mal en retard, mais il n’était pas à l’abri d’un retardataire ou d’un oublié. Un rhinocéros laineux, aux abois, pourrait lui faire toutes les misères du monde avant que Sorel ne parvienne à l’apaiser. Il ne trouva rien jusqu’à ce qu’un grondement soudain ne le fasse s’immobiliser.
Accroupi au milieu de la neige dérangée et irrégulière, l’elfe tendit l’oreille, attentif sans pour autant se raidir. Il devait rester le plus calme et le plus posé possible afin de ne transmettre aucune alarme. Les grondements poursuivirent, un lent roulement sourd, avertissement à peine masqué et lui donnant tout loisir de repérer l’emplacement de la menace.
Se frottant les doigts avec le pouce, Sorel inspira avant d’expirer longuement, relâchant toute forme de tension avant d’oser se redresser légèrement.
Quelques mètres devant de la lisière de la forêt de Licorok, devant Sorel et dissimulé derrière un amas rocheux, se trouvait un fenrisùlfr. L’animal était ramassé sur lui-même, la tête basse et la menace roulant de sa gorge. Son regard sauvage était rivé sur l’elfe, imperturbable, guettant le moindre de ses gestes avec une attention prédatrice. Pourtant, alors que Sorel était là, devant lui, l’animal ne bougea pas et ne fit pas mine d’attaquer ni de prendre la fuite. Sa meute n’était nul part en vue, introuvable, pourtant ils étaient connus pour évoluer ensemble à tout moment mais celui-ci était esseulé et immobile.
Epuisé, réalisa le dresseur avec un froncement de sourcils. Il était venu pour rencontrer cette espèce, s’y confronter et voir s’il était en mesure de s’en approcher sans finir déchiqueté et mis en pièce par les animaux sauvages. Il ne s’attendait pas à pouvoir faire face à un individu seul. L’individu en question, cependant, représentait manifestement un danger plus qu’un autre étant donné sa condition et, surtout, les circonstances.
Perplexe, le mage contourna légèrement, sourd aux grondements qui s’accentuaient à mesure qu’il se déplaçait, inattentif au regard insistant qui le suivait et l’épiait sans manquer un seul de ses mouvements. C’est alors qu’il commençait à avoir vue sur le flanc de l’animal que Sorel remarqua la raison de son immobilité.
Refermé non pas sur une seule de ses pattes mais sur deux, se trouvaient des pièges vicieux. Les mâchoires mécaniques faites d’acier s’enfonçaient profondément dans le membre, teintant d’écarlate la fourrure blanche striée de bleu. Une colère sourde se referma sur le ventre de l’elfe et il darda sur les machines un regard noir tandis qu’une moue dégoûtée tordait ses traits.
Révulsé, l’elfe se défit de son lourd manteau et de son sac qu’il abandonna en tas sur le sol, la fourrure épaisse rejoignit les autres jusqu’à ce qu’il se tienne en simple tunique dans le froid glacial de Nyn-Tiamat. Frottant ses mains l’une contre l’autre, Sorel les appliqua contre sa poitrine et laissa la magie du feu s’insinuer dans ses membres et lui tenir chaud malgré les basses températures. Inspirant à nouveau, il modifia sa posture jusqu’à ce qu’il apparaisse moins menaçant mais pas faible pour autant, offrant une apparence sûre mais pas dangereuse pour autant. Il n’était ni proie, ni prédateur, se convainquit-il, et il devait apparaître de la sorte. Son instinct de bipède lui donnait envie de lever les mains pour montrer qu’il ne voulait aucun mal à l’animal mais ses connaissances l’avertissaient du contraire. C’était au contraire une agression, une justification d’attaque, qu’il donnerait s’il devait commettre une telle erreure. Forçant par conséquent son corps à se plier à sa volonté, il posa son regard sur la bête :
« Je ne suis pas là pour te faire du mal, » dit-il d’une voix posée, usant du glyphe apposé sur sa chevalière pour communiquer ses intentions au fenrisùlfr.
Les grondements s’amenuisèrent progressivement mais au pas suivant de l’elfe dans sa direction, la menace reprit de plus belle. Peu importait combien il avait l’intention de l’aider, la créature était en danger et le savait. Elle devait se défendre, l’instinct était plus fort que toute la raison que Sorel pouvait souhaiter lui apporter avec ses beaux mots. Soupirant, il se résigna à employer des moyens plus basiques et s’assit à même la neige, espérant avoir suffisamment d’énergie pour sustenter le sort qui le maintenait chaud suffisamment longtemps. Il le ferait le temps qu’il faudrait.
Il était assis, le cul dans la neige qui commençait doucement à fondre à son contact, depuis bientôt une heure lorsque le fenrisùlfr, une femelle avait-il découvert, consenti à s’allonger dans la neige. Son regard mauvais toujours dirigé vers l’elfe mais moins à l’affût. Elle ouvrit la gueule sur une rangée de crocs ivoiriens et Sorel s’efforça de ne pas penser à ces mêmes crocs se refermant sur lui. Il s’approcha quelque peu, rampant dans la neige et s’immobilisant dès qu’elle se tendit, prête à se redresser.
Il lui fallut un certain temps, assez longtemps pour que le soleil commence à atteindre son zénith, avant qu’il ne se retrouve suffisamment proche pour sentir le souffle de l’animal lui balayer le visage. Elle le considérait, ses grands yeux sauvages fixés sur lui. L’animosité s’y était effacé au profit d’une prudence animale. La douleur et la fièvre s’y reflétaient également, ravivant la colère brûlante de l’elfe. Il tendit la main, paume ouverte, et la posa sur son genou. L’animal resta d’abord immobile mais après un certain temps, finit par tendre le coup jusqu’à ce que sa truffe n’effleure le bout des doigts tendus. La truffe était chaude et sèche au toucher et Sorel jeta un regard plus inquiet en direction du piège qui enserrait la patte avant de la bête.
Enhardi par son succès et plus impatient qu’autre chose de pouvoir délivrer la femelle, Sorel tendit la main vers la patte blessée. Il savait qu’une fois celle-ci libérée, il aurait à s’attaquer à la patte arrière qui était également retenue par un piège.
L’elfe avait à peine touché le métal froid du piège que la réaction s’avéra immédiate. Des mâchoires d’un autre genre d’acier se refermèrent sur sa main, lui arrachant un hurlement de douleur. La bête s’était redressée d’un coup sur ses pattes, la pression et le geste soudain faisant raisonner un craquement sac rapidement suivit d’un glapissement de douleur. La fenrisùlfr le relâcha soudainement, le laissant s’effondrer dans la neige tandis qu’elle s’agitait en tous sens. Roulé en boule et tenant son bras endolori contre sa poitrine, Sorel retint une soudaine envie de vomir, la nausée le saisissant à bras le corps.
Il tenta de s’éloigner légèrement afin de se placer hors de portée de la bête, rampant dans la neige glacée mais quelque chose de lourd le percuta entre les omoplates avec un grondement toutefois moins violent. La chose qui l’avait agressée rebondit contre son dos et l’elfe l’entendit se réceptionner dans la neige, identifiable par le doux craquement de cette dernière. Sorel se redressa juste à temps pour attraper de la main gauche un jeune fenrisùlfr par la peau du cou avant que celui-ci ne puisse se jeter à nouveau sur lui.
L’esprit embrumé par la douleur, l’elfe fixa le jeune animal sans le voir, sans parvenir à connecter les éléments, sans comprendre. Son bras droit reposait, inerte, dans son giron tandis que, de la gauche, il tenait l’animal à bout de bras. Il s’agitait, grondant et grognant, tentant de tout son être de se jeter sur Sorel pour lui faire payer un affront dont ce dernier n’avait aucune connaissance.
Non loin de là, de violents vomissements sortirent le mage de sa transe et il jeta un regard vers la femelle pour voir que celle-ci vomissait ses tripes dans la neige, les membres tremblants. Elle s’effondra dans la neige, la gueule ouverte sur un halètement épuisé entrecoupé de grondements menaçants. Elle fixait de nouveau Sorel avec animosité, sans doute parce qu’il tenait son petit, réalisa-t-il en clignant des yeux. I
Il avait désormais trop chaud, plus chaud que lorsqu’il avait utilisé un sort pour combattre le froid. Son front était couvert de sueur, les gouttes perlaient et s’écoulaient sur ses tempes. Il allait devoir s’occuper de son bras mais c’était pour plus tard. Usant du glyphe de sa chevalière, il apaisa en quelques mots le petit fenrisùlfr. Contrairement à sa mère, le jeune se montra particulièrement susceptible à la magie et s’apaisa rapidement, croyant sur parole les intentions honnêtes de l’elfe. Assis en tailleurs dans la neige, son bras maintenu immobile autant que possible, Sorel dessina une forme approximative en serrant les dents lorsque cela envoya des éclairs de douleur jusque dans le bout de ses doigts et de son épaule. Une nouvelle invocation fit son apparition et, à la demande de l’elfe, se dirigea rapidement vers la femelle. Celle-ci, épuisée, fit quelques tentatives de mordre et d’interrompre l’invocation mais chaque essai se solda d’un échec. Rapide et efficace, la petite invocation parvint à défaire le piège qui s’était refermé sur la patte avant de la bête avant de rapidement se déplacer vers celui qui emprisonnait la patte arrière.
Bien que libre, la bête ne fit pas un geste pour se lever et prendre la fuite. Prenant son courage à deux mains, Sorel se redressa sur ses genoux en prenant appui sur sa main gauche, sifflant entre ses dents lorsque le mouvement remua son bras droit. Il s’approcha, constatant que la patte avant était en mauvais état, probablement parce qu’elle s’était violemment débattue, aggravant les dégâts déjà considérable.
Bien que fatigué, Sorel désigna la femelle de la main et, afin de peut-être faciliter les choses, prit le risque de la poser sur le museau de l’animal. Elle réagit à peine, dardant sur lui un regard mauvais mais épuisé. Il diffusa doucement son énergie, sollicitant la chair de l’animal. Sous les yeux de l’elfe, les plaies de la patte avant commencèrent à se refermer lentement. Il regarda sur la patte arrière et constata que la même chose se passait de ce côté là. C’était lent mais en cours et, rapidement, les plaies ne furent que de mauvais souvenirs. Le sang maculait toujours la superbe fourrure blanche mais au moins n’était-elle plus blessée. Pourtant il pouvait toujours sentir la magie drainer son énergie. Un craquement sec lui fit comprendre qu’elle avait probablement brisé un de ses propres os dans son agitation, certainement avant qu’elle ne brise les siens, songea-t-il avec un sourire de travers.
Constatant qu’elle refusait de se lever, probablement afin de récupérer, Sorel décida de s’installer près d’elle et d’attendre avec elle. Il se traîna jusqu’à ses affaires afin de les rapprocher et de s’enrouler dans la fourrure, conscient qu’il tremblait mais il n’aurait su dire si le choc ou le froid était responsable. Probablement une vicieuse combinaison des deux.
Après un certain temps et une fois que l’animosité se fit moins violente dans le regard de la femelle, Sorel s’installa à côté d’elle. Murmurant des mots rassurants tout en se servant du glyphe de sa chevalière, il lui caressa doucement la fourrure, grattant derrière les oreilles et souriant en constatant que cela semblait lui convenir. Dans son giron, le jeune vint se rouler en boule et s'endormit sans demander son reste. Il resterait jusqu’à ce qu’elle se lève et s’en aille.
Il resterait.