Le guerrier Graärh connu sous le nom d’Asolraahn heurta un tonneau de plein fouet. Une lame brilla dans le coin de son regard et le géant opalin eut tout juste le temps de rouler en biais pour que celle-ci ne l’ouvre pas en deux comme un goret. Un grand homme émergea de l’ombre, suivi d’un autre. Il révéla la lame brillante en un couteau rouillé et bien peu élégant, mais dont l’usage ne faisait aucun doute.
-Je t’ai trouvé, saleté de chat. Je vais te crever ! s’exclama-t-il.
Asolraahn se releva en scrutant les yeux cruels de ses adversaires et sa colère explosa, froide et sauvage.
-La seule chose que tu as trouvé mon garçon, répondit-il, c’est ton cadavre.
Il rugit. Son bâton pas à la portée de sa patte, il usa de la seule arme qui lui restait. Ses griffes jaillirent dans un mouvement fluide et arrachèrent la gorge du pirate en face de lui. L’autre homme brandit son couteau et se rua sur lui ; Il porta son attaque au niveau du buste d’Asolraahn, un estoc qu’il crut capable de toucher son cœur. Et il aurait eu raison car son arme avait été faite dans un acier d’exception. On sentait dans son chant sinistre toute la volonté de son forgeron d’y insuffler une quête de mort, même auprès d’un puissant guerrier. Il aurait fallu pourtant que l’humain soit plus rapide. Ce ne fut pas le cas. Le géant opalin se déplaça sur la droite d’un coup de patte, comme un tigre déchaîné. Il leva son bras gauche pour bloquer le poigner de son agresseur, et le tordit affreusement. Son bras droit agrippa l’épaule de l’homme et, d’une torsion brutale, il porta tout son poids sur le bras qui tenait le couteau, le brisant à la hauteur du coude. Le pirate poussa un hurlement à faire pâlir un spectre et lâcha son arme. Asolraahn le libéra pour le cueillir d’un crochet sec dans les côtes. Puis, il l’attrapa par ses cheveux gras et tira sa tête vers l’arrière pour toiser son visage terrorisé.
-Où est-il ? Où est le bracelet que les tiens m’ont volé ?! gronda le géant opalin.
Mais l’homme était flasque entre ses pattes. Il ne bougeait plus. Asolraahn avait frappé trop fort pour lui. Parfois, le Graärh oubliait qu’il n’avait ni affaire à des créatures surnaturelles, ni à ses congénères. Il laissa tomber le corps et essuya sa patte sur un mur. Le silence retomba et le félin s’engouffra à grandes enjambées dans l’allée. Il se fondit rapidement dans les ténèbres. A présent, les cris des ses autres poursuivants étaient lointains, mais il savait qu’il ne les avait pas semé. Pouvait-il seulement le faire dans cette ville labyrinthique où le chemin à prendre était plus fastidieux à percevoir que de la cendre sur un tas de poudre. Il déboucha ainsi sur un dédale d’allées rectangulaires, parfois tordu par un détour sombre et fit une pause. Il y avait de nombreuses portes ; Il en compta huit de chaque côté du passage.
-Prenez à gauche ! On pourra pas le louper par la gauche ! entendit-il derrière lui.
La lune vorace brillait en recouvrant les ténèbres de la voûte céleste. Son poil opalin allait se voir facilement de loin, aussi reprit-il sa course en suivant une avenue au hasard avant de s’adosser à un mur. Là, dans l’ombre, enveloppé dans sa fine cape roséenne, il était plus dur à identifier. Asolraahn prit une longue inspiration, feula en ouvrant grand la gueule pour lutter contre l’excitation du combat. Distraitement, sa griffe caressa la bandoulière normalement attachée à son dos où aurait dû se trouver son bâton. Il feula prestement. Il avait laissé son arme chez Kavalys, pensant qu’il pourrait passer une journée dehors sans regarder derrière son dos. Cela avait été une erreur. Depuis ses petites frasques avec le bouffeur d’agrume à quelques mètres de son Maëlstrom, les pirates n’avaient eu de cesse de le pourchasser dans les quartiers du port de Nevrast. Depuis le départ du sombre cuirassé, le géant opalin avait cru être en relative sécurité.
A nouveau, il s’était trompé. Il observa les hauts bâtiments d’obsidienne. Comme il détestait ce lieu de pierre et de pavés, ses rassemblements bruyants et grouillants, ses chasseurs traîtres et la puanteur qui émanaient d’eux. Les icebergs près de Vat’Em’Medonis lui manquait, ainsi que les redoutables montagnes de Nin Daaruth, sous un ciel d’étoiles et d’esprit. Dans l’inlandsis de Nyn-Mereän, il était libre et pouvait aller où bon lui semblait. En comparaison, le nid des vampires était une prison qu’ils appelaient ville, un trou rempli d’air pollué et nauséabond. Asolraahn avait hâte de s’échapper de cette immondice.
Mais pas avant qu’il retrouve le bracelet de sa fille que les pirates venaient cruellement de lui voler.
Un rat vint se frotter contre sa patte mais le géant opalin ne bougea pas. Les chasseurs étaient proches et il voulait être sûr de les surprendre avant de se faire embrocher. Le félin eut un sursaut de dégoût. Les chasseurs… Ces lâches et voleurs ne méritaient pas une telle appréciation de leur compétence. Ils ne cherchaient pas à le combattre, mais à se divertir en le poursuivant dans les rues infestées de vermine pour l’égorger et récupérer ses biens.
Un bruit de course retentit. Asolraahn s’immobilisa. Quelle bande d’idiots. Ils s’étaient séparés, et le bonhomme était seul. Lorsqu’il passa, le félin bondit de sa cachette. L’homme d’apparence courtaude plongea à sa rencontre, mais le géant opalin lui envoya un poing en plein visage. Le pirate partit à la renverse et le félin se jeta sur lui. Un couteau luisit et traça une vilaine estafilade dans son pelage, ce qui lui valut un grondement de douleur et de colère. Sa gueule ensanglantée dévoila des crocs noirs comme l’encre :
-Commence pas à baragouiner, petit. Je ne vais pas te tuer. Tu vas délivrer un message à ton chef. Dis-lui que je suis blessé et qu’il aura sans doute une chance de me faire la peau s’il me retrouve à la Lune sanguine. C’est une taverne dans le quartier sud. Dis-lui bien que c’est le Géant opalin qui a parlé et qu’il a intérêt à ramener toute sa clique avec lui. La lune sanguine. Tu t’en souviendras ? Hoche-la tête si tu t’en sens le talent… bien. Alors ramasse ta dague et décampe d’ici. A moins que tu n’en redemandes ?
Le pirate se releva sans un mot de plus et fila dans le noir. Asolraahn jura dans sa langue féline. Sa blessure n’était pas bien grave, mais elle lui faisait un mal de Fenrisulfr.
Il lui fallait maintenant retourner à la taverne et en vitesse. Il savait qu’il prenait un gros risque, mais c’était là sa seule façon d’attirer les voleurs sur un terrain qu’il connaissait bien. Il ne pouvait pister chaque pirate dans le port pour retrouver le bracelet. Marchander avec eux était un piège en lui-même. Quant à laisser tomber le bracelet entre leurs mains, c’était hors de propos. Rien que d’y songer, le félin en eut la nausée. Il partit ainsi en direction du sud et déboucha finalement sur les quais. Ses poursuivants ne le suivirent pas.
Quand on la voyait de l’extérieur, La Lune sanguine ne semblait guère menaçante, ni même imposante. C’était une petite taverne, comme il en existait beaucoup : de taille moyenne, habilement plantée entre les bicoques, elle faisait partie de ces établissements modestes qui avaient réussi à profiter du regain de popularité de Nevrast pour s’offrir une clientèle ni intensive, ni timide.
Le géant opalin arriva d’une route qui faisait une enfourchure. Il se tenait le côté en serrant les crocs et ses yeux turquoise brillaient intensément en avisant la taverne. Il y avait du monde à l’entrée. Cela n’était pas étonnant. La devanture avait été rénovée, et depuis que les querelles vampiriques de Kavalys s’étaient atténuées par la mort de certains de ses rivaux, le vampire avait réussi à donner une nouvelle gloire à sa demeure.
Asolraahn pénétra abruptement à l’intérieur, faisant fi des regards qu’on lui jetait. Ce soir manifestement, l’intérieur attirait moins de monde. Il vit beaucoup de tables désertes, et le peu de bougies allumées indiquait que la clientèle était composée en majorité de vampires plutôt que de marins. Pas besoin de lumière lorsqu’on le voyait dans le noir, quoique certains êtres de la nuit se prenait parfois d’affection pour de petites chandelles près de leur tablée.
Il tomba sur le tavernier Kavalys et ses babines se retroussèrent en un large sourire :
-Quelle agitation par ici ! C’est toujours comme ça, chez toi ?
-Sombre crétin ! s’exclama simplement Kavalys.
Devant le regard perplexe d’Asolraahn, le vampire lui demanda :
-As-tu perdu l’esprit ? Ou peut-être que les licornes t’ont finalement vraiment fait perdre la tête dans cette forêt, pour que tu sois allé défier des pirates de venir les combattre dans mon établissement ?
-Eh bien, tu as l’air déjà au courant de tout.
-A Nevrast, tout le monde est au courant de tout lorsqu’il s’agit de querelles, chaton, se défendit le tavernier.
Le géant opalin pouffa de rire, s’attirant l’attention de quelques clients :
-Le petit, murmura-t-il en prenant le vampire par les épaules, est-il en sécurité ?
-Il ne sera pas dans le coin quand tu risqueras ta vie. Pour un bracelet, Asolraahn. Un bracelet !
La mine du Graärh s’assombrit et sa truffe se rebiffa sous le coup de la colère. Il savait que son ami avait raison :
-Ce n’est pas n’importe quel bracelet. Je l’ai récupéré au cours d’un massacre sans nom des miens. Il est important pour moi.
-Je le sais. Est-ce que ça vaut la peine de mettre ton petit-fils en danger ? Si tu viens à mourir, quel charmant destin l’attend ?
–La solution me paraît donc très simple, tavernier. Il semblerait que je ne doive pas mourir.
Il se passa une main sur le museau, les coussinets tirés dans un air carnassier. Soudain, la porte de la taverne s’ouvrit brutalement. Le géant opalin se retourna, espérant ne pas se retrouver déjà nez-à-nez avec une horde de pirates.
-Je t’ai trouvé, saleté de chat. Je vais te crever ! s’exclama-t-il.
Asolraahn se releva en scrutant les yeux cruels de ses adversaires et sa colère explosa, froide et sauvage.
-La seule chose que tu as trouvé mon garçon, répondit-il, c’est ton cadavre.
Il rugit. Son bâton pas à la portée de sa patte, il usa de la seule arme qui lui restait. Ses griffes jaillirent dans un mouvement fluide et arrachèrent la gorge du pirate en face de lui. L’autre homme brandit son couteau et se rua sur lui ; Il porta son attaque au niveau du buste d’Asolraahn, un estoc qu’il crut capable de toucher son cœur. Et il aurait eu raison car son arme avait été faite dans un acier d’exception. On sentait dans son chant sinistre toute la volonté de son forgeron d’y insuffler une quête de mort, même auprès d’un puissant guerrier. Il aurait fallu pourtant que l’humain soit plus rapide. Ce ne fut pas le cas. Le géant opalin se déplaça sur la droite d’un coup de patte, comme un tigre déchaîné. Il leva son bras gauche pour bloquer le poigner de son agresseur, et le tordit affreusement. Son bras droit agrippa l’épaule de l’homme et, d’une torsion brutale, il porta tout son poids sur le bras qui tenait le couteau, le brisant à la hauteur du coude. Le pirate poussa un hurlement à faire pâlir un spectre et lâcha son arme. Asolraahn le libéra pour le cueillir d’un crochet sec dans les côtes. Puis, il l’attrapa par ses cheveux gras et tira sa tête vers l’arrière pour toiser son visage terrorisé.
-Où est-il ? Où est le bracelet que les tiens m’ont volé ?! gronda le géant opalin.
Mais l’homme était flasque entre ses pattes. Il ne bougeait plus. Asolraahn avait frappé trop fort pour lui. Parfois, le Graärh oubliait qu’il n’avait ni affaire à des créatures surnaturelles, ni à ses congénères. Il laissa tomber le corps et essuya sa patte sur un mur. Le silence retomba et le félin s’engouffra à grandes enjambées dans l’allée. Il se fondit rapidement dans les ténèbres. A présent, les cris des ses autres poursuivants étaient lointains, mais il savait qu’il ne les avait pas semé. Pouvait-il seulement le faire dans cette ville labyrinthique où le chemin à prendre était plus fastidieux à percevoir que de la cendre sur un tas de poudre. Il déboucha ainsi sur un dédale d’allées rectangulaires, parfois tordu par un détour sombre et fit une pause. Il y avait de nombreuses portes ; Il en compta huit de chaque côté du passage.
-Prenez à gauche ! On pourra pas le louper par la gauche ! entendit-il derrière lui.
La lune vorace brillait en recouvrant les ténèbres de la voûte céleste. Son poil opalin allait se voir facilement de loin, aussi reprit-il sa course en suivant une avenue au hasard avant de s’adosser à un mur. Là, dans l’ombre, enveloppé dans sa fine cape roséenne, il était plus dur à identifier. Asolraahn prit une longue inspiration, feula en ouvrant grand la gueule pour lutter contre l’excitation du combat. Distraitement, sa griffe caressa la bandoulière normalement attachée à son dos où aurait dû se trouver son bâton. Il feula prestement. Il avait laissé son arme chez Kavalys, pensant qu’il pourrait passer une journée dehors sans regarder derrière son dos. Cela avait été une erreur. Depuis ses petites frasques avec le bouffeur d’agrume à quelques mètres de son Maëlstrom, les pirates n’avaient eu de cesse de le pourchasser dans les quartiers du port de Nevrast. Depuis le départ du sombre cuirassé, le géant opalin avait cru être en relative sécurité.
A nouveau, il s’était trompé. Il observa les hauts bâtiments d’obsidienne. Comme il détestait ce lieu de pierre et de pavés, ses rassemblements bruyants et grouillants, ses chasseurs traîtres et la puanteur qui émanaient d’eux. Les icebergs près de Vat’Em’Medonis lui manquait, ainsi que les redoutables montagnes de Nin Daaruth, sous un ciel d’étoiles et d’esprit. Dans l’inlandsis de Nyn-Mereän, il était libre et pouvait aller où bon lui semblait. En comparaison, le nid des vampires était une prison qu’ils appelaient ville, un trou rempli d’air pollué et nauséabond. Asolraahn avait hâte de s’échapper de cette immondice.
Mais pas avant qu’il retrouve le bracelet de sa fille que les pirates venaient cruellement de lui voler.
Un rat vint se frotter contre sa patte mais le géant opalin ne bougea pas. Les chasseurs étaient proches et il voulait être sûr de les surprendre avant de se faire embrocher. Le félin eut un sursaut de dégoût. Les chasseurs… Ces lâches et voleurs ne méritaient pas une telle appréciation de leur compétence. Ils ne cherchaient pas à le combattre, mais à se divertir en le poursuivant dans les rues infestées de vermine pour l’égorger et récupérer ses biens.
Un bruit de course retentit. Asolraahn s’immobilisa. Quelle bande d’idiots. Ils s’étaient séparés, et le bonhomme était seul. Lorsqu’il passa, le félin bondit de sa cachette. L’homme d’apparence courtaude plongea à sa rencontre, mais le géant opalin lui envoya un poing en plein visage. Le pirate partit à la renverse et le félin se jeta sur lui. Un couteau luisit et traça une vilaine estafilade dans son pelage, ce qui lui valut un grondement de douleur et de colère. Sa gueule ensanglantée dévoila des crocs noirs comme l’encre :
-Commence pas à baragouiner, petit. Je ne vais pas te tuer. Tu vas délivrer un message à ton chef. Dis-lui que je suis blessé et qu’il aura sans doute une chance de me faire la peau s’il me retrouve à la Lune sanguine. C’est une taverne dans le quartier sud. Dis-lui bien que c’est le Géant opalin qui a parlé et qu’il a intérêt à ramener toute sa clique avec lui. La lune sanguine. Tu t’en souviendras ? Hoche-la tête si tu t’en sens le talent… bien. Alors ramasse ta dague et décampe d’ici. A moins que tu n’en redemandes ?
Le pirate se releva sans un mot de plus et fila dans le noir. Asolraahn jura dans sa langue féline. Sa blessure n’était pas bien grave, mais elle lui faisait un mal de Fenrisulfr.
Il lui fallait maintenant retourner à la taverne et en vitesse. Il savait qu’il prenait un gros risque, mais c’était là sa seule façon d’attirer les voleurs sur un terrain qu’il connaissait bien. Il ne pouvait pister chaque pirate dans le port pour retrouver le bracelet. Marchander avec eux était un piège en lui-même. Quant à laisser tomber le bracelet entre leurs mains, c’était hors de propos. Rien que d’y songer, le félin en eut la nausée. Il partit ainsi en direction du sud et déboucha finalement sur les quais. Ses poursuivants ne le suivirent pas.
* * *
Quand on la voyait de l’extérieur, La Lune sanguine ne semblait guère menaçante, ni même imposante. C’était une petite taverne, comme il en existait beaucoup : de taille moyenne, habilement plantée entre les bicoques, elle faisait partie de ces établissements modestes qui avaient réussi à profiter du regain de popularité de Nevrast pour s’offrir une clientèle ni intensive, ni timide.
Le géant opalin arriva d’une route qui faisait une enfourchure. Il se tenait le côté en serrant les crocs et ses yeux turquoise brillaient intensément en avisant la taverne. Il y avait du monde à l’entrée. Cela n’était pas étonnant. La devanture avait été rénovée, et depuis que les querelles vampiriques de Kavalys s’étaient atténuées par la mort de certains de ses rivaux, le vampire avait réussi à donner une nouvelle gloire à sa demeure.
Asolraahn pénétra abruptement à l’intérieur, faisant fi des regards qu’on lui jetait. Ce soir manifestement, l’intérieur attirait moins de monde. Il vit beaucoup de tables désertes, et le peu de bougies allumées indiquait que la clientèle était composée en majorité de vampires plutôt que de marins. Pas besoin de lumière lorsqu’on le voyait dans le noir, quoique certains êtres de la nuit se prenait parfois d’affection pour de petites chandelles près de leur tablée.
Il tomba sur le tavernier Kavalys et ses babines se retroussèrent en un large sourire :
-Quelle agitation par ici ! C’est toujours comme ça, chez toi ?
-Sombre crétin ! s’exclama simplement Kavalys.
Devant le regard perplexe d’Asolraahn, le vampire lui demanda :
-As-tu perdu l’esprit ? Ou peut-être que les licornes t’ont finalement vraiment fait perdre la tête dans cette forêt, pour que tu sois allé défier des pirates de venir les combattre dans mon établissement ?
-Eh bien, tu as l’air déjà au courant de tout.
-A Nevrast, tout le monde est au courant de tout lorsqu’il s’agit de querelles, chaton, se défendit le tavernier.
Le géant opalin pouffa de rire, s’attirant l’attention de quelques clients :
-Le petit, murmura-t-il en prenant le vampire par les épaules, est-il en sécurité ?
-Il ne sera pas dans le coin quand tu risqueras ta vie. Pour un bracelet, Asolraahn. Un bracelet !
La mine du Graärh s’assombrit et sa truffe se rebiffa sous le coup de la colère. Il savait que son ami avait raison :
-Ce n’est pas n’importe quel bracelet. Je l’ai récupéré au cours d’un massacre sans nom des miens. Il est important pour moi.
-Je le sais. Est-ce que ça vaut la peine de mettre ton petit-fils en danger ? Si tu viens à mourir, quel charmant destin l’attend ?
–La solution me paraît donc très simple, tavernier. Il semblerait que je ne doive pas mourir.
Il se passa une main sur le museau, les coussinets tirés dans un air carnassier. Soudain, la porte de la taverne s’ouvrit brutalement. Le géant opalin se retourna, espérant ne pas se retrouver déjà nez-à-nez avec une horde de pirates.