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descriptionTerre de Cendres [Funérailles d'Achroma] EmptyTerre de Cendres [Funérailles d'Achroma]

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    15 avril – fin de journée



    Le silence. Aldaron n’entendait même plus les remous de l’océan. La Vagabonde avait plongé sous l’eau pour couvrir plus rapidement le trajet jusque Nevrast. Qu’adviendrait-il ensuite ? Ils s’étaient préparés à beaucoup d’éventualités, même à celle-ci et pourtant ? Il ne savait même plus ce qu’il avait à faire. Son esprit refusait de passer au-delà de la mort d’Achroma. Cela ne pouvait pas être vrai, n’est-ce pas ? S’il avait serré son fils dans ses bras, le besoin de solitude s’était ensuite fait sentir. Il s’était retiré, pour réfléchir, avancer et souffler aussi. Il était assez fort pour ne pas pleurer devant ce peuple qui s’était tourné vers lui. Il avait donné des consignes, des ordres, au moins pour leur faire croire qu’il savait où il allait. Mais en vérité ? La vérité était ici, dans la cabine du capitaine qu’il occupait avec la dépouille de son aimé. Ses poings étaient serrés sur ses vêtements ensanglantés. Et il y avait ce silence.

    Cela bourdonnait à ses oreilles, quelque chose de sourd qui l’isolait du reste du monde. On avait assené un coup violent sur la tête du défunt vampire. C’était à peine s’il pouvait reconnaître encore son visage. Son corps était éventré, brisé. On n’avait pas lésiné sur la hargne de la frappe. Il pouvait presque en sentir la haine viscérale, le rejet qu’Aldaron n’avait jamais réussi à comprendre. L’un de ses poings s’ouvrit, ne laissant derrière lui qu’une main tremblante aux doigts cendrés et émaciés qui effleuraient les plaies béantes. Il appelait la magie pour rendre à son amour une dignité, en refermant les blessures. La main remontait au cœur qu’une traitre épée avait transpercé, mais plutôt que de faire disparaître la déchirure, l’ast plongea ses doigts fins à l’intérieur. C’était froid, et visqueux, mais cela ne l’effrayait pas. Il referma sa main sur le cœur mutilé et le retira lentement du corps où il avait été posé, il y a quelques années, par la dragonne millénaire Skade.

    Les chairs et artères auxquelles il était attaché cédèrent rapidement, ne pouvant lutter contre la main écarlate d’un vampire. Les mires verdoyantes de l’antique observaient le muscle écailleux, un leg qui reviendrait à Verith. Il ignorait si le Colérique avait été avisé par sa mère du don qu’elle avait fait à Achroma. Probablement que la mémoire draconique lui avait soufflé. Dans tous les cas, l’Ast ne se sentait pas légitime à garder cet artefact éteint, essoufflé. Il enveloppa le cœur avec minutie dans un châle délicat, brodé des armoiries des Elusis avant de déposer le tout dans un coffret de bois. Il le remettrait à Vaea. L’inquisiteur le remettrait à Verith, le vampire n’en doutait pas. Il ferma délicatement le couvercle, qu’il n’entendit qu’à peine. C’était comme s’il était devenu sourd.

    Il posa ses mains sur sa poitrine et referma, ici encore, sa plaie magiquement. Ses dextres remontaient et venaient prendre son visage en coupe. Un spasme de douleur secoua son corps. Ses muscles se raidirent, pour ne plus défaillir à nouveau. Il n’avait pas le droit de tomber, il n’avait pas le droit de faiblir. La magie restaura ce visage adoré et ses lèvres scellées aux siennes offraient un adieu. Un sanglot s’échappa de sa gorge alors que son nez tombait dans le cou du défunt, les mains à plat sur la table où reposait Achroma. Il avala sa peine, avec difficulté, promesse de ne pas recommencer. Il était plus fort que cela : il ne faiblirait pas. Alors pour tenir et pour orienter le flux puissant de ses émotions, il laissait la colère gronder et croître en lui, comme un orage terrible qui se préparait. Les cendres qu’il avait laissées dans son sillage ne lui suffisaient pas. La mort qu’il avait semée ne l’apaisait pas. Il voulait plus.

    Il voulait les réduire entièrement en poussière. Il voulait éradiquer cette peuplade ingrate. Tous traîtres, ignorants et cupides qu’ils étaient ! Il voulait leur anéantissement. Il voulait qu’on les oublie à jamais. Il était parti avec une armée nouvelle. Il allait la forger, l’entrainer… Et il reviendrait. Il leur ferait payer, et probablement prendrait-il le temps de les scarifier progressivement. Il creuserait le sillon de ses griffes sur ces terres, il les brûlerait et les regarderait hurler comme son cœur hurlait, en ce jour, dans l’intimité. Il ne pouvait pas accuser les humains publiquement. On ne ferait que leur dire que c’était eux les monstres, car ils étaient ce sauvage peuple de la nuit. Ce ne pouvait être qu’eux. Ils ne pouvaient pas souffrir et s’ils dépérissaient, c’était bien fait pour eux. On verrait dans cette bataille que des bêtes assoiffées de sang, de pouvoir et de conquête qui avaient voulu s’en prendre au si innocent royaume humain, et qui avaient été repoussées et punies. On ne verrait jamais un peuple à l’agonie qui avait tenté de faire la paix, une année durant, avant de livrer une dernière bataille pour leur survie. On ne verrait jamais la plaie que le peuple humain leur avait à nouveau infligée, la manière dont ils les acculaient et les obligeaient à attaquer de nouveau, pour vivre. Pour survivre.

    On ne verrait jamais cela. Leur vision si binaire aurait tôt fait de déclarer, sans surprise, qui étaient les gentils et qui étaient les méchants. La trahison lui brûlait le cœur, l’ingratitude de ce peuple le mettait tellement en colère. Des amis, de la famille… Il n’en était rien. Tout cela n’était que foutaise, de la poudre aux yeux en laquelle il avait accepté de croire. Alors il les brûlerait.  Il les soumettrait. Il les réduirait en esclavage. Il les remettrait à la place insignifiante qu’ils méritaient. Car ils n’étaient rien. Rien que des inconscients, des orgueilleux et des traîtres. Est-ce que cela suffirait ? Arriverait-il seulement à calmer les pulsions meurtrières qui couvaient en lui ? Arriverait-il à se rassasier de cette Faim vengeresse ? Il en doutait, sans pour autant parvenir à renoncer à ce projet. L’injustice ne pouvait triompher. Il comprenait les pirates. Au premier vol commis pour survivre, ils étaient étiquetés. On s’éloignait d’eux, on les rejetait. Et quand il fallait se nourrir et survivre, que leur restait-il d’autres comme choix, que de succomber à celui qu’on leur imposait pour leur erreur ? Quand on tombait, il ne fallait pas compter sur ces donneurs de leçons pour se lever. Il comprenait pourquoi des personnes comme Nathaniel avaient fini par aimer faire mal. Pour ceux qui étaient rejetés, il n’y avait que cette option. Il n’y avait que ce chemin d’épouvante. Vampires, pirates. Ils n’étaient pas si différents.

    Il déshabilla le défunt pour le laver du sang qui maculait sa peau et ses cheveux. Chaque geste était d’une lenteur douloureuse et pourtant, une part de son être avait besoin de ce travail pour lui dire adieu. Il le vêtit de beaux atours, comme Achroma en avait l’habitude, avec les emblèmes argentés de leur clan meurtri. Il retira l’Alliance du Premier. Cet héritage lui avait fait profondément du mal : il avait senti la vie de Firindal être arrachée. Puis l’abandon d’Orfraie. Il avait senti comme dans son propre corps les armes qu’on avait plantées dans les chairs de Cynoë. Il avait senti la bataille de Nolan et son agonie, avant qu’Achroma, par le pouvoir du cœur de Skade, n’altère son Lien. Leur venin avait fait renaître Ivanyr, et sa survie avait été assurée par la puissance de la dragonne millénaire. Et il avait senti le massacre d’Achroma. Il sentait la déchirure de Kaalys, en plus de sa propre peine et… C’était trop. Il n’en pouvait plus. Il ne supportait plus tout cela. Il était même certain que le tarenth qui l’avait forgée ne l’avait pas fait pour sentir la déchéance peser sur ses épaules de la sorte. L’ast était épuisé de sentir sa puissance. Il l’abandonnait. Il passa l’Alliance au doigt d’Achroma, la rendant à son propriétaire légitime.

    Il ne pourrait pas protéger les dragonniers et dragons Liés. Leur massacré était en marche et il avait échoué à l’arrêter. Il avait échoué à sauver son propre époux. Achroma savait que cela aurait pu arriver. Il le savait depuis qu’Aldaron lui avait fait part de la volonté de Claudius. Beaucoup diraient que c’était un mal nécessaire, Aldaron saurait faire le pont pour imposer la place de son peuple sans rebuter. Mais lui, il ne voyait que son aimé trépassé. Aldaron prit place sur une chaise, près de la table où reposait son ancien inséparable. Il prit sa main, la serra, l’embrassa. Il ne pouvait pas être faible. Il n’avait pas le droit de pleurer.



    03 mai 1764, soir



    Le blizzard avait soufflé toute la journée. Ce ne fut qu’en fin d’après-midi que le calme était retombé. Cela leur avait laissé assez de temps pour monter le bûcher et déposer le corps d’Achroma dessus. La foule s’était massée autour. C’était donc vrai, le Prince Noir avait été défait. Cela avait suscité peine colère… Et opportunisme. Beaucoup voyait cette mort comme une place à prendre, une place qu’Aldaron avait revendiqué à Sélénia même, condamnant celle qui prétendait s’appeler ‘mère de la nuit’ et son clan à un bannissement sommaire. Tous ne l’avaient pas accepté. Ils étaient arrivés dans la nuit et déjà, on avait fait savoir à Aldaron que des groupuscules se formaient. Les vampires étaient des vampires, il ne pouvait pas lui en vouloir. Sans nul doute aurait-il à mettre à mort ses opposants s’il voulait asseoir sa place sur ce trône macabre.

    Pour l’heure, néanmoins, tout un chacun, à la vue du corps d’Achroma, se confirmait que le Prince Noir était bel et bien tombé. La page pourrait se tourner. Ce n’était d’ailleurs pas la seule nouvelle qui était annoncée. Le visage blême de Victoria Kohan, portant les emblèmes de la lignée Elusis, avouait la récente renaissance de l’ancienne Reine des humains. Elle se tenait aux côtés d’Ivanyr, lui-même ancien Roi. La ligne d’Aldaron était clairement tracée : il éradiquait la lignée Kohan et il avait brûlé la noblesse. Les têtes dirigeantes étaient toutes tombées et rejoignaient le clan Elusis. Toutes. Même celle que le monde ne connaissait pas, celle qu’il avait caché, avec l’aide d’Autone et d’Ilhan. Car l’adolescente qu’il avait mordue, avec Achroma, s’était révélée porteuse d’un héritier, qui lui-même avait connu le venin d’Aldaron et du Prince Noir. Il aurait pu réclamer cet enfant comme sien, puisqu’il l’avait indirectement mordu… Mais cela aurait été le reconnaître comme Kohan. C’était d’ailleurs pour la même raison qu’il n’avait pu le laisser à Elizabeth, en plus de l’éloigner du danger que représentait la nouvelle-née. La Faim était souvent dévastatrice.

    Il l’avait confié à son père biologique qui, par bonheur, était marié à une femme qui attendait un enfant saînur. Le concours de circonstances avait été trop beau pour qu’ils n’en profitent pas, dissimulant alors au monde, cet héritier Kohan, le Roi légitime de Sélénia. Ilhan en prendrait soin, il en était certain. Autone également. Et son anonymat assurerait sa survie.

    L’ast leva la main pour caresser les écailles noir de Kaalys, dont il devinait sans peine l’immense déchirure. Il était accompagné de sa fille, Shyven et sans surprise, Nahui se tenait près de sa ‘dragonne sucrée’. Le saurien d’obsidienne gonfla son poitrail et souffla un feu dense qui enflammé le bûcher du défunt. Le regard d’Aldaron commença à se perdre dans les flammes. Les humains avaient l’habitude de prononcer quelques mots en l’honneur des morts. Lui n’avait rien à dire. Tout l’amour qu’il avait éprouvé pour cet homme ne regardait pas la foule. Il la gardait en lui, comme beaucoup de choses, ces dernières semaines. Il ne disait rien depuis plusieurs jours, si ce n’était des ordres fermes. Son visage était d’une neutralité frappante et son corps se tenait droit, sans trembler, sans courber sous le poids de la peine. Il ne tomberait pas. Il ne faiblirait pas. Sa tête était haute, comme un roi, et ses lèvres scellée dans un mutisme respectueux. Plus il regardait les flammes et plus y revoyait la lettre de condoléances reçue des Havremont, qu’il avait brûlée sans plus de cérémonie. Ils avaient été ses amis. Aujourd’hui, ils étaient une famille qui applaudissait et soutenait l’assassin de son bien aimé. Quelle hypocrisie. Mais il en avait l’habitude, avec les humains. Tout ça n’était bon qu’à brûler.

    Dans l’assistance, on trouvait la famille Elusis, plus ou moins officielle. Voronwë se tenait à l'abri du froid sous la cape que lui partageait Celëborn. Luna, ou Florence comme elle s’y cachait, était avec Autone. Sorel gardait un œil sur les jumeaux. Un serval miaula sa peine aux pieds de Valmys. Un humain avec un nez proéminent devait probablement espionner ce qui se passait à Nevrast pour le compte de Havremont. A moins qu’il ne s’agisse d’une Araignée mal camouflée ? Le Roi de la Confrérie renouait son alliance en partageant ces funérailles. La foule était silencieuse… Mais cela ne durerait qu’un temps. Aldaron le laissait s’écouler, perdu dans sa contemplation des flammes. Ils finiraient bien par se montrer, ceux qui voulaient revendiquer le trône à sa place. Et il les tuerait.

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Le crépitement du feu emplissait l’espace, dans le silence surnaturel de la foule amassée. Même les quelques respirations et battements de cœurs se faisaient ténus, perdus dans la masse de corps silencieux. Le regard de Liv était fixé sur le brasier. Il avait quitté Sélénia en proie aux flammes et, après avoir traversé la mer, était accueilli par un bûcher. Il y avait là-dedans une sorte d’ironie. Comme un cycle de Mort, peut-être pas éternel, mais certainement pas terminé. Un signe, peut-être, que le monde avait encore un sens, malgré l’impression qu’il en avait, malgré la déchirure béante dans son cœur inerte, malgré le silence qui lui vrillait les oreilles.

Il serra la main de sa sœur, qu’il tenait dans la sienne depuis le début de la cérémonie, comme pour s’ancrer dans la réalité. Oui, le monde avait encore un sens. Elle en était la preuve. Même s’il la découvrait tout juste, elle qui s’éveillait à peine, pour assister aux funérailles d’un père qu’elle n’avait pas connu. Il savait déjà qu’elle serait, qu’elle était, tout pour lui. Ils étaient liés par tant de choses, dont, ironiquement, l’Esprit qui avait lié leurs pères par le passé. Et il ferait tout, absolument tout pour la protéger. Il avait échoué à protéger leur père, mais il ne faillirait pas deux fois.

Son regard se détacha des flammes pour se poser un instant sur sa sœur, un regard teinté de douleur, mais aussi de soutien et de détermination. Puis son regard glissa, à travers la foule, sur les autres membres de sa famille. Eux aussi, il les protégerait. Ils étaient tous là ; ceux qu’il connaissait déjà, et ceux qu’il n’avait pas encore rencontré. Ces gens qu’il aurait dû être heureux de revoir ou de découvrir, enfin réunis pour la première fois, mais pour quelle occasion…

Pis il arriva à son père, celui qui était encore en vie. Sous sa douleur et le deuil qu’il traversait tant bien que mal, sans trop savoir comment, il s’inquiétait pour lui, pour qui ce devait encore bien pire. Il s’était renfermé, plus taciturne encore que d’ordinaire. Liv aurait voulu l’aider, le soutenir d’une façon ou d’une autre, mais il ne savait pas comment l’atteindre. Alors il se contentait d’être… là. Présent, sans pour autant se montrer envahissant, du moins l’espérait-il. Lui rappelant simplement qu’il était à ses côtés, s’il le désirait.

À la vérité, il doutait de pouvoir faire bien plus. En réalité, il se concentrait sur les autres pour ne pas penser à comment se gérer lui-même, et la tempête de sentiments qui s’agitaient en lui. La colère, tout d’abord, avait été brûlante. Incontrôlable. La Vagabonde en avait quelque peu fait les frais, mais le navire était fort heureusement assez robuste pour supporter les éclats de rage du jeune vampire. Et puis les choses s’étaient précipitées. Le voyage avait été… mouvementé. L’imprévu s’était invité, et l’attention de Liv s’y était entièrement consacrée, remisant la colère dans un coin pour se concentrer sur le présent.

Elle n’avait pas disparu pour autant. Elle ne disparaîtrait probablement pas tant que les assassins de son père vivraient. Mais elle s’était faite plus discrète, il avait réussi à la tenir en laisse. Dans une certaine mesure. Elle couvait, juste sous la surface, mais balayée par d’autres sentiments tout aussi violents. La douleur. La réalisation. La perte. Et tout lui revenait en pleine force à cet instant, se mélangeait, menaçant de l’emporter. C’était trop pour lui. La colère était plus facile. Plus familière. Plus… cathartique, peut-être. Il la comprenait, savait la laisser sortir, la retenir aussi quand il le fallait. Oui, il préférait la colère.

Ce qui ne tombait peut-être pas si mal. Son regard glissa sur d’autres visages. Des membres du Clan, mais pas de sa famille. Certains ne cachaient aucunement leur hostilité au nouveau Prince Noir autoproclamé. Pour l’instant, le recueillement était de mise. Mais bientôt, les défis seraient lancés. CendreLune ne serait pas le seul à les relever. Il s’y était préparé, l’attendait même. Il ne pouvait pas, pour l’heure, venger le père qu’il avait perdu, mais il pouvait protéger celui qu’il lui restait. Le temps de la rétribution viendrait pour les assassins. En attendant, il aurait bientôt de quoi satisfaire sa colère.

descriptionTerre de Cendres [Funérailles d'Achroma] EmptyRe: Terre de Cendres [Funérailles d'Achroma]

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Retour vers le passé


Nevrast 03 mai 1764, début de l’après-midi.

Tobold des Mangroves se regarde dans la glace. Son faux nez est en place. L’appendice se voit et on ne remarque que lui. Il est amovible, en quelques secondes.
Sur la paillasse de la chambre miteuse, se trouve un superbe costume noir flamboyant, qu’il mettra dans quelques heures, ainsi que ce chapeau avec une plume sombre. Il a acheté ces vêtements chez plusieurs fripiers de la ville et à travailler à modifier ce déguisement. Il peut retirer des éléments qui le transformerons en un autre vêtement différents, en quelques instant en cas de problèmes. Il y a laissé ses dernières pièces d’or, ce n’est pas un problème, car de toute façon Savinien de Cyrano ne devrait plus exister au petit matin.

Notre homme repense à l’enchainement des faits qui l’on conduit ici.

Nétheryl quelques temps plus tôt, date indéterminée.


Tobold était en train de construire un radeau après son naufrage, sur la côte nord de Nétheryl quand par chance, il avait été recueilli par un petit caboteur, le Eckmühl, qui avait besoin de faire de l’eau. Sa réserve de ce précieux liquide avait croupie, et ils avaient envoyé un canot à terre pour refaire le plein de se produit vital. On l’avait recueilli et employé comme simple cabier tribordais et envoyer aussitôt dans la hune pour l’entretien du gréement du navire.

La destination n’avait pas d’importance pour le pirate, car il savait qu’une fois arrivé dans un port quelconque il disparaitrait rapidement. La confrérie avait des gentils correspondants partout et Tobold savait comment les retrouver.

Nyn-Tiamat était la prochaine étape du caboteur, pourquoi pas ! Mais arrivé dans ce port, une surprise attendait le bonhomme. Un nom resurgissait de son passé, Achroma et avec lui la bataille de l’Aube rouge.
Ce n’est pas qu’il le connaissait personnellement, il l’avait vu, lui avait-il parlé ? De Mangroves ne s’en souvenait plus. Mais avec lui d’autre nom ressurgissait……… Le Dragon d’Emeraude, la Princesse, et tant d’autre, de la bataille, il ne savait pas trop ce qui s’était passé s’étant retrouvé rapidement à l’infirmerie.

Nevrast 03 mai 1764, milieux d'après midi


Maintenant que le nez était installé, il ajusta la fausse moustache et la barbichette. Venir au bucher funéraire était-il une bonne idée, et avec ce costume ? Il devait venir pour une dernière pensée du souvenir. Il savait qu’en cherchant à se dissimulé dans l’ombre il risquait plus à se faire repérer, qu’au milieux de la lumière.
Peut-être qu’il pourrait apprendre des informations et rencontrer des gens intéressants ! Il était temps de mettre la perruque………. Elle lui avait couté un bras, mais cela n’était pas grave, il savait comment se faire rembourser……… Il avait encore un bras pour couper une bouse, pas plus !

Nevrast 03 mai 1764, soir


Savinien de Cyrano se recueillait devant le bucher, les mains tenant son grand chapeau. Parvenir jusque-là ne lui avait poser aucune difficulté. Notre homme ne connaissait personne. Il ne s’était pas dans les premiers rangs, mais il commençait doucement à se rapprocher, à regarder ce qui se passait autour de lui.

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Achroma, elle n’avait jamais eu de réponse à cette lettre. L’avait-il seulement reçu? Une partie d’elle n’avait pas envie de vérifier, il n’y avait que de la honte et du chagrin dans la vérité qui l’attendait. Probablement qu’il l’avait lu, probablement qu’il ne voulait plus lui parler. Pouvait-elle réellement l’appeler son fils après tout cela? Il avait choisi sa famille, puis il l’avait rejeté. N’était-elle pas une intrue dans cette assemblée de vampires et de pirates. Les Elusis qui lui avaient voués leur loyauté. Et elle, humaine jusqu’au bout des ongles, détestée par Achroma, que faisait-elle devant son bûcher à tempérer sa rage et ses larmes?

Elle avait attrapé la main de Sorel lorsqu’elle avait aperçu Nathaniel, l’avait serré pour ne pas prendre sa dague à la place. Elle avait évité de le regarder, le roi des pirates, avait gardé la tête haute. En temps normal, elle l’aurait probablement attaqué, téméraire qu’elle était. Mais elle ne voulait manquer de respect au bûcher, ou mettre en danger sa grossesse. Si elle avait eu un peu de force, elle aurait probablement fait mal à Sorel en lui serrant la main si fort. Mais elle se contentait d’user de sa force d’esprit pour empêcher le hurlement qui grondait en son ventre.

La petite dame s’approcha silencieusement d’Aldaron, jusqu’à s’arrêter à ses côtés. Elle lui en parlerait plus tard, mais elle devait lui dire. Autone reflétait la colère d’Aldaron en observant le feu monter au ciel. Ils avaient tué son fils. Elle aurait fait la même chose. Elle aurait tout brûlé, elle aussi.

« Tu as tous les droits d’être en colère. Tu peux me chasser, si tu souhaite être seul. »
murmura-t-elle, la tête haute. « N’ignore pas ta peur, Cendrelune. Je sais où tu es. Au début, l’on veut demeurer droit, ne pas plier, se fendre. J’ai dis à Ivanyr un jour qu’il n’y avait aucune faiblesse à ses larmes, au torrent de ce qu’il ressentait. »

Elle laissa ses larmes couler sans rien y faire, sans plier, sans baisser la tête, sans perdre le rythme de sa respiration. Ses joues étaient rouges de colère, ses joues mouillées, mais elle était en contrôle.

« Il y a un courage immense à affronter tout cela tête baissée. C’est enrageant, mais il n’y a qu’un chemin au deuil, et c’est au travers. Tu as un poids immense sur les épaules. Mais n’oublie pas ma promesse. Ta famille est prête à marcher avec toi, mais le premier pas t’appartient. »

La Falkire prit une grande inspiration, qu’elle relâcha lentement.
« Puis-je tenir ta main? »

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Liz vivait ce jour comme si elle se trouvait en dehors de son propre corps, observant ce qui l’entourait avec détachement mais sans indifférence pour autant. Son incuriosité, cependant, n’était pas exempte d’une acuité acérée tandis qu’elle observait ce qui l’entourait, les actions et les réactions, les comportements et les attitudes. Elle qui n’avait ouvert les yeux que depuis trop peu de temps, se retrouvait au milieu d’une foule d’inconnus, une assemblée d’étrangers au milieu de laquelle seuls deux visages lui semblaient familiers et rassurants. Son Père et son Inséparable.
Elle n’avait pas connu Achroma, son poison circulait encore dans son esprit, détruisant celle qu’elle avait été, lorsqu’il lui fut arraché. Un inconnu connu qui manquait à son existence, une présence qui aurait dû l’accompagner et l’aider à marcher dans ses pas qui lui faisait défaut.

Prévenue de la cérémonie, elle s’était habillée de fins atouts, une froide apathie l’engourdissant, uniquement troublée par la conscience pratique qu’elle se devait d’être prête. Instinctivement, cette mort et cette cérémonie lui donnaient l’impression de se trouver au milieu de loups affamés prêts à la déchirer. Elle se tenait sur une base incertaine et tremblante, de l’issue des funérailles dépendait sa vie et celle de Liv, mais aussi celle d’Aldaron. Les autres… les autres étaient des figures sans nom et sans histoire auxquelles elle ne pouvait pas s’accrocher, elle s’y accrocherait plus tard, si l’histoire qui s’apprêtait à s’écrire sous ses yeux lui permettait. Et peut-être pas, ce n’était pas comme si elle avait le moindre intérêt pour eux.
De l’acier dans les yeux et dans sa posture, Liz avait très vite retrouvé son frère et inséparable, le tenant par la main. Un geste qui lui était plus naturel que respirer, puisqu’elle n’en avait plus besoin mais que Liv, lui, était vital. Ses orbes bleues revenaient souvent à lui, l’observant, apprenant ses actions et ses réactions et pleurant sa peine.

Elle avait à peine vécu et elle se trouvait déjà au milieu d’étrangers, à douter de sa survie et à surveiller pour protéger. Si les loups avaient les crocs dénudés, elle savait encore masquer les siens mais elle n’aurait aucune hésitation à les teinter de rouge si nécessaires.
Là, à tenir la grande menotte de Liv dont les longs doigts forts faisaient presque disparaître les siens, Liz s’efforçait de rester immobile. Ces funérailles étaient une épreuve, pas seulement pour son père qui aurait bientôt à faire face aux prétendants mais également pour elle. Saurait-elle se défendre ? Les défendre ? Mais là n’étaient que des questionnements, d’éventuels doutes, l’épreuve était ailleurs.

L’épreuve circulait dans l’air, au milieu des effluves appétissants de sang chaud et de cœurs battants. Il y avait des humains et des elfes au milieu de ces vampires. L’un des elfes était son propre frère, Sorel, et elle se mordrait elle-même avant de lui faire le moindre mal mais les autres… les autres avaient le statut de proies et ils se tenaient si près. Si près qu’elle pouvait presque sentir la texture délicieuse de leur peau sous sa langue, pouvait presque imaginer la sensation exaltante de la chair cédant sous la pression de ses crocs suivi par le goût enivrant du sang qui ne ferait que galvaniser ses instincts prédateurs.
Elle frémit, serrant les dents et les mâchoires, et fit un pas de côté pour se rapprocher davantage de Liv, puisant dans sa présence pour assurer sa résistance. Ses crocs lui faisaient mal. Un souffrance qui ne saurait être soulagé que par l’act même de les plonger dans un cou, volontaire ou non, et d'assouvir sa Faim qui, semblerait-il, ne connaissait pas de limite. Une mer d’étrangers et elle doutait qu’elle puisse s’arrêter si elle devait perdre tout contrôle et s’attaquer au premier qui aurait le malheur de se trouver à sa portée.

La dernière née des Elusis inspira à fond puis cessa simplement de respirer, elle qui n’avait de toutes façons pas besoin d’oxygène pour vivre n’avait pas besoin de s’encombrer de cette torture constante. La chaleur, cependant… et ses oreilles… peu importait le sens, il y avait une indication de ce bétail à portée de crocs.
Et il y en avait une, non loin, qui portait deux cœurs et la saveur d’une double victoire. Renonçant à la solution facile de ne plus respirer, puisqu’elle n’offrait qu’un maigre répit, Liz darda un regard noir vers l’humaine à la crinière de feu, ses yeux bleus assombris par une faim dévorante et une colère sourde. Non loin, le bûcher funéraire projetait une chaleur écrasante, éclaboussant les lieux d’une luminosité qui couvrait la foule d’ombres et de lumières. La chaleur léchait sa peau, aurait presque pu la distraire de celle, enivrante des proies qui l’entourait mais elle n’offrait qu’une pâle imitation.

Elle ne pouvait même pas se permettre de faire son deuil, d’avoir son attention toute entière dédiée à son Père qui partait littéralement en cendres sous ses yeux. Elle s’accrochait à cette main qui tenait la sienne comme une perdue en mer, assaillie qu’elle était par les odeurs et la conscience qu’il n’y avait autour d’elle que de potentiels ennemis et des proies dont le sang formait un chant ensorcelant. Elle était assaillie et la seule preuve de sa lutte se trouvait dans la ligne tendue à craquer de son corps, dans la tension vibrante qui raidissait ses épaules et sa nuque. Son regard d’une intensité brûlante restait résolument rivé aux flammes qui brûlaient haut.

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La paume de main d’Autone était chaude contre la sienne, un contraste bienvenu avec l’air glacial de Névrast. L’elfe avait choisi sa place un peu au hasard, évoluant comme dans un mauvais rêve dont l’ampleur peinait à l’atteindre. Il y avait tant de gens qui avaient répondu présent et une partie d’entre eux ne l’avait pas fait uniquement pour des raisons honorables. Peut-être Sorel était-il trop habitué à la présence des humains et à leur façon de fonctionner. Autone, Liv, Liz, Ilhan, autant de visages familiers vers lesquels il s’était instinctivement dirigé... et à en juger par les doigts serrés autour des siens, une décision sage.
Il n’y avait pas si longtemps que ça, il était en présence d’une foule bien plus joyeuse, célébrant le mariage d’Ilhan et d’Autone… et voici que quelques mois à peine, ils se retrouvaient pour de bien plus sombres raisons. Il resserra ses doigts autour de ceux de la jeune femme, caressant machinalement le dos de sa main pour lui apporter un soutien dont il avait bien besoin également.

Il n’avait peut-être pas partagé la même relation avec Achroma que celle qu’il avait avec Aldaron, mais le mage lui avait tout de même offert conseils et enseignements lorsque l’elfe lui en avait fait la demande. Achroma n’avait peut-être jamais été tout à fait un père, mais il avait été un proche et un professeur que Sorel avait beaucoup respecté. Penser que le vampire millénaire avait perdu la vie à quelques quartiers de là où Sorel se tenait, savourant gâteaux et chocolat chaud, lui infligeait une peine avec laquelle il ne savait que faire. Il avait souffert des pertes par le passé, peut-être pas autant que d’autres, mais assez pour avoir appris la leçon. Celle-ci, en revanche, ne touchait pas que lui. Il savait, en toute logique et en faisant preuve de rationalité, que même s’il avait été dans les rues ce jour-là, pour venir en aide à Achroma, il n’aurait rien pu faire pour le sauver. Et Aldaron n’aurait pas perdu qu’Achroma ce jour-là. Pour autant, cette conscience n’allégeait en rien sa peine et ses remords, lesquels étaient nombreux ces derniers temps.

La chaleur du bûcher ne parvenait en rien à le réchauffer tandis que son regard restait fixé là où le corps d’Achroma se trouvait, léché par les flammes, consumé par l’un de ces éléments qu’il avait l’habitude de contrôler à loisir.
Il se sentait étrangement seul et vulnérable au milieu de la foule, conscient que la situation n’allait probablement pas tarder à s’éloigner du recueillement pour se diriger à grand pas vers l’affrontement. Il n’osait pas imaginer comment se sentait Aldaron, le poids et la pression sans parler de la peine qui devait l’accabler, la conscience qu’il ne pourrait pas dire au revoir à celui qui fut son Inséparable en paix sans devoir ensuite assurer le rôle qu’il avait certainement choisi d’endosser.
Le regard de l’elfe quitta le bûcher pour regarder son père qui se tenait prêt d’un trio de dragons. Il ignorait comment tout allait se dérouler, plus encore dans quelle mesure il pourrait y participer avec ses maigres compétences. Il n’avait vraiment pas l’étoffe d’un combattant, peu importait la matière, mais ça ne l’empêcherait pas d’intervenir afin de venir en aide à son père s’il le pouvait. Le jeune elfe quitta son père du regard pour chercher une autre présence.

Le fenrisulfr se tenait en retrait, à bonne distance de la foule, une ombre menaçante que sa fourrure blanche trahissait dans l’obscurité. L’animal n’avait pas encore atteint sa taille adulte, son apparence appartenant davantage à celle dégingandée des adolescents en pleine croissance mais sa gueule massive, elle, ne laissait aucun doute quant à la menace qu’il pouvait représenter. Pour l’heure, Sorel lui avait ordonné de rester à distance et l’animal gardait un œil attentif sur son maître tout en observant les alentours d’un regard acéré.
Le regard de l’elfe, lui, revint sur les deux silhouettes qui se tenaient devant lui. Liv et Liz. Si Liv avait eu l’occasion de connaître son père, la peine n’en était que plus grande pour lui. Liz, en revanche, n’aurait la chance de connaître que l’un de ses deux parents. Il veillerait sur eux, songea-t-il avec un bref coup d'œil vers Aldaron. Son père n’aurait pas à s’inquiéter de ce sujet, si ce devait être le cas.
La poigne d’Autone sur ses doigts s’était faite d’acier mais l’elfe ne brancha pas, caressant doucement la peau de la jeune femme pour lui apporter le réconfort qu’il pouvait, du mieux qu’il pouvait. Dans un silence occupé par le rugissement des flammes. Elle finit par s’éloigner, cependant, relâchant sa main pour aller s’adresser à Aldaron. Sorel espérait seulement qu’elle pourrait l’atteindre de ses mots et lui offrir une once de paix, de soutien et de confort.

Aldaron aurait certainement besoin de chacun d’entre eux, d’une manière ou d’une autre.

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    Dans le sifflement du vent, la parole d’Autone tira Aldaron de sa contemplation des flammes. Il posa un regard sur elle, puis sur ses enfants, avant de revenir sur la petite rousse. Il prit sa main dans la sienne. Il n’y avait ni peine ni détresse dans son geste. La dextre ne tremblait pas. Elle n’était pas moite. Elle était au contraire ferme et protectrice. Il serra doucement ses doigts, non pas de douleur, mais pour lui transmettre combien il resterait droit et fort. Il était ce leader-là, cette figure qui ne ployait pas. Il n’avait pas besoin de pleurer, pas besoin de s’effondrer. Cela le desservirait. Il n’était pas un homme. Il était un Prince Noir. Il n’avait pas le droit d’être faible ou il perdrait pouvoir et famille. Il ne pouvait pas se le permettre, pas maintenant que son époux avait été sacrifié à cette fin. Il le savait. Il savait que cette mort était inéluctable et Achroma l’avait également su. L’Ast ne pouvait pas déshonorer son héritage. La peine était là. Mais il ne tomberait pas.

    « Je suis en colère, oui. » répondit-il d’une voix grave et pourtant monotone, ne trahissant rien de la rage qui grondait dans son ventre. A quoi cela lui aurait servi ? Il la nourrissait et se nourrissait d’elle mais il n’avait pas besoin de la rendre visible en ce moment. « Et je comprends ce que tu veux dire mais… Je l’ai déjà pleuré, il y a plusieurs années. » Ce n’était pas la première fois qu’il voyait ce bûcher. « Il est revenu parce qu’il avait une mission et il l’a achevée. Je suis fier de lui, de ce qu’il a accompli, pour les vampires… Et pour moi. Je n’honorerai pas son sacrifice en le pleurant. » Un sacrifice, oui, il osait l’appeler ainsi. La mort d’Achroma avait été une fin nécessaire et bien qu’il aurait voulu l’éviter, tout mari qu’il était, son esprit de dragonnier s’était élevé au-delà des considérations terre à terre pour embrasser des buts bien plus désintéressés. Et Achroma également. Lorsque les menaces sur la vie de son époux furent formulées par Claudius, il n’y eut que deux fins pour se dessiner : la mort d’Achroma ou la guerre perpétuelle.

    Le dragonnier s’était déjà sacrifié jadis, pour libérer Skade. Aujourd’hui il avait perdu la vie pour que le peuple vampirique arrive à sortir la tête de tout ce marasme. Il avait concentré et incarné les haines. Il avait fait des choix nécessaires. Et il partait. « Le peuple de la nuit n’est pas un peuple qui avance avec de la tendresse et de l’amour. » Il ajouta pour corriger : [color:24e7=#blanchedalmond]« Cela ne nous empêche pas d’en éprouver, bien sûr. Cela n’est pas notre moteur. » Pouvait-elle comprendre ? Elle, l’humaine ? Pouvait-elle comprendre que les vampires étaient noyés dans la douleur et la violence, fruit d’une malédiction macabre. Ils étaient condamnés. « Nous brûlons. » De colère et de haine. Ils brûlaient par la Faim. « Nous brûlons… » répéta-t-il, comme s’il s’agissait d’une évidence qu’il se murmurait doucement.

    Il lâcha délicatement la main qu’il protégeait de la sienne et avança vers le bûcher. Là où il aurait dû s’arrêter, il continua d’avancer, grimpant au sein des flammes près de son époux. Il sentait la chaleur, il la devinait intense, mais sa chair ne se consumait pas. Il s’agenouillait près de la dépouille à moitié dévorée par les flammes et il prenait sa main, peut-être par habitude. Il la serrait si fort, les yeux clos. Il se souvenait du combat contre la perle du Néant, à Aigue-Royale. Il lui avait atterri dessus, projeté par l’un des appendice qu’il avait mordu à pleine dents, en désespoir de cause. Il se souvenait de Vanaël, de comment leur histoire avait débuté. Il ne s’y était pas attendu, mais il avait été subjugué par le charisme de l’Aîné, l’ami du Roi Kohan qu’il servait. Il avait bravé sa peur pour aller, avec lui, à l’aventure, risquant sa propre vie au profit de nobles causes. Déjà il avait poursuivi des buts désintéressés, c’était Achroma Seithvelj qui lui avait montré. Jusque dans les entrailles de la terre, jusque Morneflamme, il n’avait pas démordu de ses nouveaux idéaux.

    Et lorsqu’ils furent libérés de leur entraves, il l’avait retrouvé une ultime fois, aussi brisé que lui, avant de la bataille contre le Tyran ne s’engage. Il l’avait pleuré à ce moment-là. Il avait regretté sa perte comme si on lui avait arraché le cœur. Avait-il été inséparable dès cet instant ? Il l’ignorait mais il avait souffert de son absence, des années durant, alors que l’amertume lui avait fait regarder le monde, et en particulier les Kohans, tout autrement. La vie jusqu’à son retour n’avait été qu’ombre et lumière forcée. Il l’avait retrouvé. L’elfe qu’il fut en avait même fait un arrêt cardiaque de le revoir en chair et en os. Le graärh qui accompagnait Ivanyr Senior l’avait aidé à ne pas trépasser aussi bêtement. Ils s’étaient retrouvés, s’étaient accroché, écorchés, puis soignés. Ils étaient unis, ils s’étaient mariés. Ils avaient fondé une famille, un clan, une unité. Ils avaient fait des choix, beaucoup les en blâmaient et Achroma avait supporté pour lui, le poids de toutes les hostilités, là où Aldaron avait continué de briller.

    Et maintenant ? Il brûlait. Son âme brûlait d’un inséparable tronqué qui, à jamais, l’abandonnait. Le bûcher s’intensifia avec une virulence telle que cela en coupa le souffle de tous, par manque d’oxygène que le feu appelait à lui, dévoreur et d’une puissance surréaliste. Les flammes avaient pris un rouge carmin, immense, brûlant la peau des spectateurs un bref instant, un moment intense. La vivacité du flambeau cautérisait les plaies de l’âme et séchait les larmes. Cet homme n’était plus. Le feu dévora tout le bois et le corps, en quelques secondes seulement. La neige fondait jusque sur les toits des chaumières tant la chaleur était inattendue. Et puis tout s’arrêta. Lors le bûcher fut calciné, lorsqu’il n’y eut plus rien à brûler, cela s’apaisa soudainement et s’éteignit. Il ne restait que quelques braises fumantes sous un charbon noir de jais. La suit salissait le visage et les cheveux du veuf agenouillé dans les cendres de son époux. Il referma les poings sur cette poudreuse grisonnante, absorbé qu’il était, ailleurs.

    Des cendres, se forma une couronne aux pointes noires. Elle pulsait d’une magie rarement égalée. Il avait senti cette puissance dans l’Alliance du Premier… Une Alliance qu’il avait rendue à son époux et qui n’était plus là. Alors l’Ast savait ce qu’elle était devenue. Il se leva, laissant à la vue de tous cette couronne qui lui revenait et que d’autres refuseraient de lui laisser. La neige tomba sur Nevrast. Mais l’œil observateur verrait la cendre du bûcher qui retombait, recouvrant les terres de son Royaume meurtri.

    Il rejoignit sa fille, Elizabeth et croisa son regard alors qu’il remettait silencieusement la légendaire couronne entre ses mains. Tiendrait-elle le coup ? Avec le sang du combat, resterait-elle sage ? Il le faudrait. Elle était une Elusis, et elle devrait se montrer à la hauteur. Il leva une main pleine de suit et n’osa pas caressa la peau immaculée de sa joue. « Garde-la moi, ma fille. » Indirectement il lui ordonnait de ne pas combattre alors qu’il levait les yeux vers Ivanyr, lui accordant le contraire d’un signe de tête approbateur. Son fils lui, pourrait se battre. Bien que nouveau-né, il avait plus de maîtrise de lui-même que victoria et ne succomberait pas à ses instincts trop facilement. « Tu devrais te mettre à l’abri. » fit-il à l’attention d’Autone dont la grossesse n’était pas un gage de victoire en pareille situation. On lui apporta sa blanche épée qu’il dégaina sans attendre, se tournant alors vers un opposant vampirique qui lui refusait le trône.

    Il trouvait que l’attachement d’Aldaron à sa famille était une faiblesse. Tout comme avoir laissé vivre Claudius de Havremont était une faiblesse. L’affront de la mort d’Achroma n’avait pas été lavé. La traitrise de Toryné n’avait pas été payée par le sang. La retraite des vampires de Sélénia avait été une honte. Tout ne semblait d’échec à ses yeux, lorsqu’il s’agissait d’Aldaron. Etait-ce de l’orgueil ou de la folie ? Cela n’aurait plus aucune importance lorsqu’il aurait la tête tranché.

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Lorsqu’Autone s’approcha pour glisser quelques mots à CendreLune, Liv lâcha la main de sa sœur, qui s’était serrée contre lui, pour passer son bras autour des épaules de la nouvelle-née. Un geste qui visait autant à lui apporter réconfort et soutien, qu’à s’assurer de pouvoir la retenir si toutefois elle perdait le contrôle d’elle-même. Il avait conscience de ce qu’elle endurait, s’il avait désormais appris à mieux se maîtriser, ses propres premiers jours étaient assez proches pour qu’il se souvienne avec un peu trop de clarté des sensations et des pulsions que la Faim pouvait causer. Et encore avait-il eu le privilège de les passer principalement entouré d’autres vampires, il se rappelait néanmoins avoir été à deux doigts de croquer Sorel…

Si le sujet n’était pas foncièrement joyeux, la brève distraction était pourtant étrangement bienvenue, accordant à Liv de penser à autre chose qu’à ce qui jouait devant lui, à sa colère et aux regrets qu’il ressassait, fût-ce pour un bref instant. Il y revint bien vite cependant, tandis que son père grimpait à son tour sur le bûcher. Le jeune vampire pencha légèrement la tête sur le côté, comme il le faisait parfois, mais cette fois dénué de la curiosité qui l’habitait d’ordinaire ; il observait simplement, le regard vide, comme s’il n’était pas tout à fait là.

Il avait cependant toujours le bras autour de sa sœur, lui pressant légèrement l’épaule de temps en temps, comme si elle était la dernière chose qui l’ancrait dans la réalité. Et peut-être n’était-ce pas tout à fait faux. Il l’avait déjà remarqué, depuis qu’elle s’était éveillée, et même avant, depuis que l’Inséparable s’était posé sur eux, malgré les sombres événements et son humeur tiraillée par la violence de ses émotions, la simple de présence de Liz était un réconfort. Elle ne suffisait certes pas à chasser la peine et la colère — rien, sans doute, ne le pourrait — mais elle l’apaisait au moins un peu, rendait les ténèbres un peu moins sombres, l’horreur un peu plus supportable.

Il ne s’en détacha, maintenant toutefois le contact entre eux en reprenant sa main, que lorsque le feu s’éteignit et que leur père revint vers eux, couvert de cendres et portant la couronne née du brasier. Il lâcha finalement la main de Liz pour qu’elle ait toute liberté de recevoir la précieuse charge que le Prince Noir lui confiait, tout en couvant ce dernier d’un regard interrogateur. Il s’était préparé au combat, il voulait se battre, tant pour assister et protéger son père que pour évacuer la rage qui brûlait dans ses veines, mais pour autant c’était une question qu’il n’avait pas posée, et il n’irait pas contre la volonté de son père, quoi qu’il lui en coûte. Fort heureusement, il n’eut pas à se demander comment il pourrait se contenir en restant simple spectateur : le nouveau Prince Noir lui offrit son approbation d’un simple signe de tête, auquel il répondu d’un rictus carnassier dévoilant ses crocs.

Il ne dégaina cependant pas immédiatement Brise d’Argent. Tout d’abord, il se tourna vers Liz, levant une main pour effleurer son visage avec douceur.

« Reste à l’écart. Pars si les choses dégénèrent un peu trop. Je te retrouverai après. »

Il aurait aimé ajouter que tout allait bien se passer, mais il ne pouvait pas en être sûr. Ce bûcher, la raison même des duels à venir, était la preuve que l’issue d’un combat n’était jamais assurée… Pourtant, son regard et le sourire qu’il adressa à sa sœur étaient confiants. S’il ne pouvait certes pas affirmer quelle serait la conclusion des affrontements, il était fermement à ne pas mourir ici et maintenant. C’était tout simplement hors de question. Ne serait-ce que pour Liz.

Il se détourna, et trouva des yeux le reste de sa famille un peu à l’écart, parvenant à capter le regard d’Ilhan alors qu’il activait le glyphe de communication de sa boucle d’oreille pour s’adresser à lui.

« Tu devrais aller te mettre à l’abri avec Sorel et ta femme. On ne sait jamais… Faites attention à vous. »

Enfin, il dégaina Brise d’Argent, alors que le frappas du métal indiquait que le premier combat du Prince Noir avait débuté. Un vampire portant une hache s’avança vers lui, souriant d’un air suffisant et teinté de mépris. Liv ne s’en formalisa pas. Il n’était, après tout, qu’un nouveau-né à peine éveillé, qui n’avait rien accompli ou si peu. Qui avait laissé mourir son père presque sous ses yeux. À peine un échauffement pour s’occuper en attendant le vrai combat. Très bien. Qu’il le sous-estime, le combat n’en serait que plus vite terminé.

La hache fendit l’air d’un mouvement grossier, que Liv esquiva sans difficulté. La lame de l’épée sifflait déjà. La hache tomba au sol dans un bruit sourd, la main qui la tenait toujours fermement accrochée au manche. Le vampire eut le temps d’afficher un air surpris avant qu’un autre mouvement fluide de Brise d’Argent ne fasse rouler sa tête au sol. Liv tenait de son père, après tout.

Il prit le temps de voir rapidement comment se déroulait le combat de CendreLune avant de chercher du regard un nouvel opposant. S’il avait respiré, il n’aurait même pas été essoufflé. Les regards qui se posaient sur lui avaient quelque peu changé. Le chiot pouvait mordre, en fin de compte. Un intérêt nouveau dans le regard de certains. Celui qui s’avança, l’épée au clair, affichait autant d’assurance mais moins de mépris que le premier. Il semblait… amusé par la performance à laquelle il venait d’assister. Lui ne ferait pas l’erreur de le croire inoffensif. Cette fois, Liv aurait droit à un vrai combat. À nouveau, un rictus carnassier dévoila ses crocs.

Les passes d’armes s’échangèrent, le métal frappant le métal, les regards prédateurs cherchant une faille, une ouverture. Son adversaire avait manifestement davantage d’expérience — des siècles, sans aucun doute. Mais Liv avait pour lui sa rage et sa détermination. Il sentait la présence de sa sœur à proximité. Il entendait, sans s’en laisser distraire, les bruits du combat de son père. Il sentait l’Inséparable et le Chien qui le soutenaient. La Lune lui prêtait sa force, à travers Brise d’Argent. Il ne faillirait pas. Pas cette fois.

Il se défendait dignement, mais il avait conscience de ne pas avoir l’avantage, et de ne pas réussir à le prendre malgré ses efforts. Manifestement l’autre le sentait aussi, mais il ne poussait pas sa chance, ne voulant sans doute pas commettre la même erreur que son prédécesseur. Patiemment, il attendait son heure, gardant le contrôle du combat en attendant le moment d’y mettre fin. Finalement, il parvint à placer une feinte qui laissa une ouverture dans la défense de Liv. Il n’aurait pas le temps de repositionner sa lame pour pouvoir parer le coup qui allait arriver, ils le savaient tous les deux. Mais le jeune vampire n’avait pas encore dit son dernier mot.

D’une pensée, il fit apparaître Foudracier, jusqu’alors invisible dans son fourreau, dans sa main libre, juste à temps pour dévier l’épée qui s’apprêtait à pénétrer dans son flanc. La lame mordit tout de même sa chair, mais seulement superficiellement. En revanche, la lame de tempête autant que la surprise ne manquèrent pas de faire leur petit effet, qui se trouva brièvement incapable d’en détacher les yeux. Ça ne dura qu’un instant, à peine un battement de cœur, mais ce fut suffisant pour que Liv en tire parti. Son adversaire avait repris ses esprits, mais trop tard désormais pour empêcher Brise d’Argent de le transpercer de part en part.

Deux adversaires au sol. Il y en aurait d’autres, sans l’ombre d’un doute, avant la fin de la nuit. Il ne vengeait certes pas la mort de son père, mais sa rage semblait s’en contenter. L’adrénaline et l’excitation du combat lui faisaient du bien. Mais il veillait aussi à garder le contrôle. Il ne se laissait oublier à aucun moment pourquoi il se battait. Pourquoi il ne pouvait pas perdre. Pour sa famille. Pour son père. Pour son Prince Noir.

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Rite funéraire


Savinien de Cyrano avançait tranquillement dans la foule et remarquait que l'ambiance n'était pas à la fête, un rien et tout pouvait dégénérer d'un instant à un autre.

Les gens étaient nerveux, et leurs armes pas des jouets. Notre homme se mit sur la ligne du partage des eaux, un endroit ou si on n’apprenait rien, on pouvait observer beaucoup.

Comme personne ne venait le voir, il n'apprenait rien. Cela n'avait pas d'importance, pour le moment.
Il n'y avait qu'à regarder ou se plaçaient les gens pour savoir dans quelques camps ils se trouvaient.

Le costume sombre de Savinien lui permet d'évoluer, sans qu'on le remarque trop. Il se rapprochât de ce qui allait être un duel funéraire, il le voyait à la gestuelle des gens, leurs mains prêtes à pendre la garde de leurs armes, au regards furieux qu'ils lançaient à leurs adversaires, au faites qu'ils faisaient évacuer des lieux, à certaines personnes, pour les protéger.

Le plus dure pour Cyrano était de ne pas être sur la ligne de front. Il était un piètre combattant, cela il le savait et cela ne le dérangeait, pas mais en plus la belle épée qui pendait à son cotée, n'était qu'un élément de décor, en carton-pâte. Il ne pouvait se défendre.

Et soudain, cela commença, un combat avait lieu, et des noms étaient lancées, ainsi que des paris.

Il recula pour ne pas prendre un coup, et observa, il entendait des patronymes, qu'il apprenait par cœur pour pouvoir les retranscrire plus tard et ne perdait pas une miette de ce qui se passait. Il y avait ceux qui se battait mais aussi ceux qui évoluaient derrière, ceux qui permettaient ce spectacle, et tiraient les ficelles. Ceux-là aussi intéressait notre homme.

Cyrano se recula et se mit à la recherche d'une bonne âme, prête à lui commenter tout ce cirque.

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Les événements s’enchainaient à vitesse folle, toujours et encore, les bousculant dans leur valse tourbillonnante, sans même leur laisser le temps de reprendre leur souffle. À peine remontaient-ils à la surface de ces eaux agitées, qu’une autre vague déferlait sur eux, tout aussi rageuse et déchainée. Après la bataille au Domaine, qui avait été fort éprouvante, en particulier pour sa femme enceinte de leur fils immaculé, ils avaient appris celle ayant dévasté Sélénia. Et surtout l’enlèvement de la Reine, sa vampirisation, la mort brusque et déconcertante du millénaire… et l’inattendue nouvelle d’un deuxième enfant pour Ilhan. Nul temps de se remettre du choc de ces nouvelles. Ils partaient déjà en direction de Nyn-Tiamat, vite rejoints par la Vagabonde qui les enleva pour rejoindre Nevrast… tout en deuil digne et solennel suite à la perte de leur Prince Noir.

Ilhan n’aurait su dire quel sentiment le tiraillait le plus alors qu’ils étaient devant le grand bûcher funéraire du défunt Prince Noir. Battaient en son coeur peine et compassion pour son père alors endeuillé, éploré, suite au décès de son époux… Il était passé lui-même par ces instants et connaissait le vide que l’autre laissait. Un vide sans doute bien cruel pour un ancien inséparable… Même si la joie d’être père, encore, d’un deuxième enfant, lui qui n’aurait jamais cru l’être de nouveau après la perte, terrible et dévastatrice, de son tout premier vingt ans auparavant, le taraudait toujours tout au fond de lui, joie que la vision de Liz ne faisait que lui rappeler, s’insinuait aussi en lui une peur sans nom, un terrible effroi même, face à ce que son père allait devoir traverser. Face aux épreuves, imminentes, qu’il allait devoir affronter, ne serait-ce que pour maintenir son titre, lui qui venait de se proclamer nouveau Prince Noir. Ilhan n’avait certes pas appartenu à ce peuple, lui qui avait sans doute eu une des vies de vampires les plus courtes qui soient, mais il connaissait bien leurs mœurs. Les prétendants aux titres, ou tout du moins les opposants au clan Elusis, n’allaient pas manquer de montrer les crocs. Appréhension et inquiétude le rongeaient alors aussi pour sa femme à cette pensée. Il aurait aimé lui éviter de telles épreuves, encore.

Un soudain mouvement à ses côtés le sortit alors de ses sombres pensées. Autone s’avançait vers Aldaron, en doux réconfort. Lui-même n’osa pas un tel geste. Il n’avait pas la douceur maternelle de sa femme, et préféra leur laisser ce moment intime. Il resta donc en silence en arrière. Couvant de son regard ces deux personnes si chères à son coeur. Comme s’il cherchait à leur témoigner, dans l’ombre et le silence, l’amour qu’il ne parvenait pas toujours à exprimer. Puis soudain Aldaron se détacha et monta sur le bûcher. Nulle peur ne troublait ses traits altiers. Nul sentiment suicidaire non plus, Ilhan le sentait. Le feu semblait son ami intime, presque son nouvel amant. À voir son père embrasser le grand brasier presque amoureusement, on aurait pu croire à une nouvelle union devant le ciel étoilé, avec la lune pour témoin du couronnement de son enfant. Et c’était presque le cas, constata-t-il en un fin sourire, quand il aperçut Aldaron sortir du bûcher… une couronne à la main. Une couronne qui palpitait alors de magie, manquant de peu de raviver ce goût si particulier qu’il aimait tant. Si les vampires étaient voraces de sang, lui l’était parfois de magie. Il dut alors faire appel à toute sa maitrise pour ne pas céder à cet appel d’une autre faim.

Heureusement pour lui, il fut vite distrait de cette tentation par les ombres non loin qui s’agitaient. Il entendit les consignes d’Aldaron à Liz et Autone. Oui, se mettre à l’abri serait sage. Il préférerait éviter que sa femme se retrouve encore en plein coeur d’un combat. Liv d’ailleurs l’enjoignait à faire de même en compagnie de Sorel. Il hocha la tête en direction de son frère, et prit délicatement la main de sa femme pour l’attirer avec lui vers l’arrière. Repli au palais des Elusis, où ils y seraient en relative sécurité. Du moins protégés. D’un rapide signe de tête, il invita Sorel à faire de même.

Ils n’avaient toutefois fait que quelques mètres, que déjà un petit groupe leur barrait le chemin. Ilhan tenta alors de tourner sur sa gauche, mais de même des vampires les attendaient… à droite tout autant… Le petit trio n’eut d’autre choix que de rebrousser chemin, à reculons. Les forçant presque à rejoindre la nouvelle arène improvisée où ferraillait le plus gros des combats. Ilhan stoppa le mouvement alors qu’ils n’étaient plus qu’à quelques mètres. Et brava du regard l’individu qui déjà avançait sur eux.

Forcément, ils étaient des cibles faciles pour les vampires. Ils étaient possiblement les maillons faibles du clan Elusis. Ils pensaient sûrement ne faire d’eux qu’une bouchée, pour pavaner devant le nouveau Prince Noir avec leur corps… Ou non, mieux, songea aussitôt Ilhan avec un frisson glacé, ils escomptaient sans doute les prendre en otage pour mieux forcer le nouveau Prince Noir à céder le trône. Appuyer sur son soi-disant point faible, sur sa famille, sur ses pans les plus chétifs, pour mieux le faire ployer… Et cette pensée impulsa soudain une envie viscérale de colère enragée. Ses orbes noirs pulsèrent alors d’étoiles d’or, de bien mauvais présage pour celui qu’il fusillait ainsi du regard.

Vous retournez dans les jambes de votre père ou amie, ricana le vampire en montrant les crocs, tout en laissant son regard dériver sur eux trois.

Et en sortant sa lame au clair. Ilhan sortit alors son feutonerre et le brandit de sa main gauche. Certes, c’était sa main malhabile, contaminée par la magie de Vaea. Tout juste bonne à tenir le feutonerre et encore. Mais il ne comptait pas tirer. Il n’était pas assez bon tireur et préférait éviter une pyrolite perdue. Il préférait également garder sa main valide pour parer un autre coup éventuel, sait-on jamais. Il se contenta donc de braquer le vampire et activa juste terreur. Le vampire se pétrifia et finalement décampa. Un autre suivit. Au moins ces deux-là verraient leur réputation à jamais ternie… mis en déroute par un petit althaïen. Ilhan sourit d’un rictus carnassier. Même sans croc, son sourire se fit féroce. Sourire qui se transforma en soudain rictus de douleur.

Une douleur lointaine, mais pulsante, l’irradiait brusquement dans sa main gauche. Elle remonta son bras, insidieusement, et l'obligea alors à lâcher son arme. Il aperçut alors un poignard planté dans sa paume. Nul sang. Sa main morte ne saignait plus. Ne ressentait presque plus. Fort heureusement. Car cette seule vision suffisait à inspirer un profond dégoût à l’althaïen.

Regarder sa main toutefois fut l’erreur de trop. Il se sentit soudain happé par la gorge par une poigne de fer. Sa main valide vint enserrer la poigne et ses orbes sombres étoilés s’ancrèrent dans les yeux clairs haineux de son vis-à-vis. Un vampire au sourire torve, mais au visage enjôleur, qui le dépassait d’une bonne tête. Du coin de l’oeil il aperçut un mouvement vers Sorel et Autone. Un vampire avançait vers chacun d’eux. Sans doute sa femme serait-elle venue à son secours, hardie qu’elle était, mais elle était soudain aux prises avec un vampire elle-même. Ilhan ne put en voir plus, car il se sentit soulevé par la poigne et se pieds battirent misérablement dans l’air. Il commençait à sentir sa gorge irradier de douleur comme écrasée, le sang pulsait à ses tempes et ses poumons suffoquaient peu à peu. Le monde tournoyait dangereusement autour de lui, devenait brumeux. Ses yeux se brouillèrent et perlèrent de larmes traitresses. Il entendit vaguement un ricanement, des ferraillements…

Sa femme, songea-t-il. Sa femme, aux prises avec un vampire. Il ne pouvait… Il devait… Il fit appel alors à la force mentale qu’il lui restait, alors qu’il était aux portes de l’asphyxie, et se força à l’immobilité, autant que faire se peut. Autant pour duper son adversaire que pour se concentrer. Ce qu’il allait s’apprêter à faire allait lui demander beaucoup de concentration. Il lança alors toute son énergie, toute sa rage et sa hargne, malgré son apparence de lente agonie, vers son bâton. Mais l’asphyxie le gagnait trop pour qu’il parvienne à cette manœuvre… et contre toute attente, ce fut ses filaments qui le sauvèrent. Ses traîtres filaments, qui d’ordinaire sortaient au plus mauvais moment, trahissant ses émois sans honte aucune, apparurent de nouveau. Ils se mirent à pulser d’énergie, comme aspirant la magie à eux, et vinrent projeter cette puissante décharge d’énergie pure sur l’agresseur. Aussitôt la poigne se desserra et libéra Ilhan, qui tomba lamentablement à terre. Il suffoqua un court instant et releva les yeux vers le vampire, lui aussi à terre. Déjà toutefois ce dernier se relevait.

C’était maintenant ou jamais songea Ilhan. Il se redressa alors à son tour, quelque peu vacillant, tout en toussant dans un râle rauque qui lui déchirait la gorge, alors que l'air salvateur lui brûlait les poumons. Cette fois, il parvint à mobiliser assez de force mentale vers son bâton. Bâton qui apparut soudain aux yeux de tous, juste au-dessus de lui dans son dos. Son agresseur, de nouveau debout, ricana à cette vue.

Penses-tu réellement pouvoir m’atteindre avec ce bout de bois ?

Ilhan sourit pour toute réponse. Puis en un mouvement mental, propulsa le bâton juste sous la gorge du vampire. Si celui-ci fut étonné un court moment, rapidement ses crocs se dévoilèrent de nouveau dans un sourire torve et moqueur. D’une main, il tenta de pousser le bâton au loin. En vain. Ilhan y mettait toute sa force mentale… Et si sa force physique était de pacotille, son mental, lui, était d’acier quand il le voulait. Il poussa plus fort, si fort que le bâton força presque le vampire à reculer. Le sourire torve perdit de son éclat et les crocs devinrent soudain moins mordants.

Un simple bout de bois ? susurra Ilhan du bout des lèvres, bien trop concentré sur ce qu’il faisait.

Et la gorge bien trop douloureuse pour parler plus fort.

Ses filaments étaient toujours sortis et palpitaient dans l’air, valsant dans son dos tel des ailes d’or déployées. Son regard n’était plus qu’un ciel sombre constellé d’une myriade d’étoiles dorées où brûlait la colère. On menaçait les siens. Et d’une impulsion brutale, le bâton se scinda en deux et révéla deux lames. Deux lames qui rapidement ne furent plus qu’énergie pure, brillant de mille feux alors que le glyphe s’activait… Du sang noir perla du cou du vampire, mais il avait encore toujours sa tête sur les épaules. Une invite muette à décamper comme les deux autres et à abandonner. Une invite muette qui fut apparemment ignorée. Le sourire torve revint en force tandis que le vampire attrapa sa propre lame, sans doute en vue de repousser celles d’Ilhan, tout en essayant de reculer. Mais les lames suivaient le vampire ne se décollant pas de son cou tant qu'il n'aurait pas tourné les talons définitivement. Le vampire semblait déterminé toutefois à ne pas céder. Ilhan allait devoir décider. Il n'avait d’autre choix. Et sa femme près de lui était toujours aux prises avec un autre… il devait agir, en finir, maintenant. Il devait… il devait…

La lame de son assaillant crépita alors qu’elle approchait de ses deux lames. Il devait en finir. Il devait le faire. Il devait, lui aussi, protéger les siens. Une autre impulsion et les deux lames se croisèrent et filèrent à travers le cou du vampire. Un court instant... une lueur fugace de pure terreur et de surprise dans les yeux clairs de sa victime... puis le bruit mat de sa tête tombant au sol, et un jet noir souillant le visage de l’althaïen. La tête roula au sol, avant que le corps ne tombât à son tour, les pieds s’agitant dans une rapide danse macabre. Le bâton revint dans la main valide d’Ilhan, redevenu bâton et non plus deux lames, son bois légèrement tacheté de mouchetures noires ensanglantées.

Choqué de son propre geste, Ilhan mit un petit temps à revenir à la réalité. Le bruit des fers se croisant commençait à se raréfier. Aussitôt la pensée de sa femme revint à lui, ainsi que de Sorel, et il tourna la tête dans leur direction. Mais Autone n’était pas femme à se laisser faire, elle savait se battre, contrairement à lui… Quant à Sorel...

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Tenir la main d’Aldaron lui était suffisant, pour l’instant. Pour croire qu’il comprenait ne pas être seul. Elle, ne pouvait pas comprendre. Elle n’aimait pas le voir marcher vers le bûcher. Elle n’aimait pas cette image qu’elle avait craint plus d’une fois. Perdre Ivanyr, perdre Aldaron. Autone ne savait pas si elle pouvait vivre sans le révéré. Elle ne savait plus si elle pouvait vivre avec lui. Il était illusoire de s’imaginer que rien n’avait changé. Aldaron n’était plus Triade tel qu’elle l’avait rencontré. Il était difficile de se reconnaître, quand la guerre faisait d’eux des figures d’argile.

Elle retourna auprès de son mari et de sa famille, les yeux vidés. Combien en perdrait-elle? Et quand ce serait son tour, qui serait là pour faire voir à Aldaron par ses yeux d’humaine?

Autone observa la suite des évènements de manière détachée. Elle sentait que ce moment avait quelque chose d’historique, pourtant elle se sentait spectatrice d’elle-même, distante de son corps, et s’observait en train d’assister à la scène. Elle oublia de noter où partaient Luna et Valmys, se demandant pourtant où ils étaient, la petite dame n’arriva pas à tourner la tête pour les chercher alors qu’elle marchait auprès de son mari. Elle suivit les deux hommes, n’attendant que d’être à l’abris, au chaud.

Quand ils s’arrêtèrent et reculèrent. Elle aurait voulu réagir immédiatement, dégainer ses armes, protéger Sorel et Ilhan. Mais ses mains refusaient de se poser sur ses dagues. Ses lèvres refusaient de s’ouvrir. Si elle criait, elle risquait de distraire Aldaron, ou l’un de ses proches. De nuire à leur combat. Mais ce n’était pas une question de stratégie. Elle n’arrivait plus à réagir. Autone voyait son mari avoir mal et ne parvenait pas à s’approcher pour l’aider.

Il lui semblât qu’elle avait manqué un instant. Quelques secondes peut-être. Tout ce qu’elle voyait était ce vampire qui avait ses bras. Ses oreilles bourdonnaient des fers qui se croisaient, d’Ilhan qui étouffait. Et peut-être était-ce cela qui la ramena dans son corps, ou le vampire qui s’approchait trop de son cou. Le rossignol se mit à se débattre, jusqu’à en avoir mal aux poignets, parce qu’elle n’avait aucune force. Et voyant du coin de l’œil Ilhan suffoquer elle eût envie de hurler. Mais sa voix n’était toujours pas revenue. Pour éviter les coups de pieds et de genoux d’Autone, le vampire la tacla au sol, et s’assied sur ses jambes.

Elle ne pouvait plus voir que le ciel blanc et sentait les crocs de l’inconnu près de son cou. Autone prit une grande respiration. Elle n’avait pas le temps de penser à un sort. Elle ne pouvait pas se téléporter là où elle ne pouvait pas voir. Alors elle détendit ses épaules, cessa ses mouvements, ses tentatives de se défaire. Le vampire s’arrêta un instant en constatant qu’elle se laissait faire, puis lorsqu’il se pencha à nouveau pour prendre sa bouchée, c’est elle qui tendit le cou pour mordre le sien, et lui arracher un morceau de peau qu’elle cracha dans le même mouvement. La poigne du vampire se desserra suffisamment pour qu’Autone libère l’une de ses mains. Elle appela Givre du soir à sa poigne. Et alors que le vampire tentait de rattraper sa main armée, elle se dépêcha de planter dans son aisselle, cible parfaitement exposée. Puis elle retira sa dague et la planta dans la gorge de sa cible. Elle le poignarda plusieurs fois, visant aussi ses jambes et ses mains, pour l’immobiliser de ses toiles d’araignées. Son autre main libérée, Autone donna vie à un feu dans sa paume, et poussa le vampire pour s’en libérer. Les vêtements du vampire prirent feu. Peut-être s’en débarrasserait-il, dans la neige? Elle le laissa se débattre avec les flammes et attrapa sa deuxième dague. La petite femme chercha des yeux Sorel et Ilhan en se relevant.

Elle voyait le dos du vampire qui affrontait Sorel. Et de Printemps étrange passait par sa main l’impulsion de frapper là où la dague savait qu’il faisait mal. Avec la précision que le glyphe lui accordait, Autone poignarda le vampire dans la colonne vertébrale, là où un humain aurait de fortes chances de demeurer paralysé. Elle ne savait pas comment les vampires fonctionnaient, mais l’effet serait au moins temporaire, avec de la chance. Parlant de chance, la garde qui aurait dû être présente dès le départ, arrivait enfin pour les aider. Ilhan, Sorel et Autone pourraient se mettre à l’abris. Et alors seulement alors pourraient-ils voir à leurs blessures.

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Le début des hostilités ne mit pas longtemps à se déclarer, à croire que la sortie d’Aldaron des flammes, comme s’il s’agissait d’une banalité comme une autre, avait ouvert les vannes qui retenaient encore les belligérants. Sorel observa les événements avec effarement, la couronne de cendres, noire et garnie de pointes sombres, fut passée à sa petite soeur avec l’instruction de la surveiller et de la protéger le temps que durent les affrontements et l’elfe, levant les yeux sur le visage de Liz, comprit le but de la manoeuvre.
La jeune vampire avait déjà les jointures blanchies tant elle serrait les doigts sur la couronne qu’on venait de lui confier, son regard fixe assombris par une faim dévorante. Elle qui venait de se réveiller, elle risquait probablement d’attaquer aveuglément si d'aventure elle devait se jeter dans la mêlée, blessant indistinctement alliés et ennemis.
Pour l’heure, cependant, c’était probablement son propre avenir qui devait l’intéresser. La garde vampirique s’était déjà resserrée autour de la jeune Elusis tandis que Liv s’éloignait avec l’approbation d’Aldaron pour participer aux festivités sanglantes qui, nul doute, étaient sur le point de commencer. A l’instar du combat que livrait déjà le Prince Noir contre son premier adversaire. Soudainement perdu, hésitant quant à se joindre à la mêlée tout en ayant parfaitement conscience que ses compétences en matière de combat étaient nulles, dans le meilleur des cas, et qu’il risquait surtout d’être un fardeau plus qu’autre chose. Il n’offrirait pas aux ennemis d’Aldaron un moyen de faire pression sur son père.

Se rapprochant d’Autone et d’Ilhan qui rebroussaient déjà chemin vers la demeure familiale, Sorel remarqua qu’un groupe de vampires leur faisait déjà barrage, leur coupant toute retraite et les forçant à se rapprocher de la mêlée qui faisait rage.
Le jeune elfe jeta un regard par dessus son épaule pour constater que Liv se débrouillait comme un chef, marchant fièrement dans les pas de son père et qu’il se trouvait également trop loin pour leur venir en aide. Et bien sûr, Sorel n’avait pas pensé à emmener Tor’Shorot avec lui. Un jour, il penserait à se créer un baudrier ou quelque chose pour pouvoir emmener le bâton partout avec lui sans avoir à le tenir constamment. Pour l’heure, cependant, il en était réduit à devoir se servir de la magie en espérant pouvoir tenir ses adversaires à bonne distance.
Ilhan était déjà aux prises avec son propre adversaire tandis que derrière le vampire qui s’était d’emblée dirigé vers lui, se trouvait Autone, affalée sur le sol glacé de Nevrast, à la merci du prédateur qui l’avait choisie pour victime. Et devant lui, une vampire qui avait ce petit sourire en coin que Sorel avait appris à reconnaître. La peur se referma sur sa gorge tandis que la colère lui brûlait la poitrine et il fronça les sourcils, s’immobilisant lorsqu’il réalisa qu’il avait commencé à reculer malgré lui.

« Petit elfe se serait-il perdu au pays des chasseurs, hm ? » roucoula-t-elle, ses longs cheveux châtains encadrant son beau visage pâle. « Tu crois que papa va venir te sauver ? » elle jeta un regard par-dessus l’épaule de sa proie, son expression se faisant faussement inquiète et presque peinée pour lui. « Il a l’air un peu occupé pour ça, tu crois pas ? »

Sorel esquissa un rictus mauvais, sa lèvre se retroussant en une expression méprisante et mauvaise :

« Il n’a pas de temps à perdre avec une vampire sans valeur, » siffla-t-il.

Il ignorait s’il serait en mesure de s’occuper d’elle et de la mettre à mal, mais il essaierait. Mais d’abord… derrière elle, Autone surgit, l’expression fermée et lui enfonça une dague dans le dos, immobilisant la prédatrice pour une seconde. C’est alors que quelque chose effleura son esprit, quelque chose de dur et de violent, quelque chose de prédateur et d’infiniment dangereux. Avant qu’il ne puisse tourner la tête sur le côté, soudain conscient d’où ce contact pouvait provenir, un éclair massif et blanc passa devant lui, emportant la vampire paralysée avec lui. Il y eut le bruit sinistre d’os brisés et le son mouillé de chairs déchirées et un objet rond couvert de long cheveux châtains roula aux pieds de l’elfe. Là, sur le sol désormais couvert de cendre et de neige fondue se tenait Faronlyss, le fenrisulfr une masse d’instincts à peine contrôlés… et désormais à la portée de Sorel.

L’elfe n’était pas seul et s’il n’était pas un bon combattant, Faron était un chasseur né.

Se concentrant sur la chevalière Chanteloup, il indiqua du doigt la forme folle et enflammée qui s’éloignait d’eux, un hurlement perçant émanant de sa gorge. Silencieux, le regard neutre et froid, l’elfe observa son compagnon s’élancer sans hésitation pour mettre fin aux souffrances du vampire. Au travers du lien créé par la chevalière lui parvenait la satisfaction bestiale du prédateur dans la mise à mort, l’absence frappante de pitié mais le plaisir brutal de mettre à mort. Ce n’était pas sa langue qui baignait dans le sang mais c’était comme s’il pouvait en sentir le goût gagner sa bouche.
Il retint un haut le coeur, dirigeant implacablement le prédateur vers ses prochaines victimes. Dessinant d’une autre main une silhouette approximative d’un loup tout en activant l’autre glyphe de sa chevalière, Sorel se retrouva bientôt entouré d’un loup constitué de cendre tandis qu’un autre émergeait de l’anneau pour le protéger.
L’elfe s’approcha d’Autone mais son pied rencontra quelque chose qui roula quelque peu, attirant son regard. Son expression se fit dégoûtée et son estomac se rebella à nouveau mais il ne pouvait décidément pas passer à côté d’une petite remarque que la malheureuse n’entendrait jamais.

« Et je n’avais pas de temps à perdre avec toi non plus, il semblerait. »

Il rejoignit Autone, lui attrapant le bras tout en l'entrainant vers Ilhan, les deux loups les talonnant de près, leurs silhouettes restant à proximité, surveillant, protégeant, prêts à défendre.
Non loin de là, le carnage de Faronlyss attendait sa prochaine victime désignée par Sorel, sa fourrure blanche maculée de rouge et du gris des cendres qui continuaient de tomber doucement sur Nevrast.

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Ce jour était un grand jour, durant la matinée, des personnes étaient venu en nombre pour assisté à la fin d’un être particulier. J’avais rencontré l’une de ces personnes ce matin, une rencontre fort intéressante, qui m’a permise de faire un peu d’exercice et de me vider la tête. Chose que j’avais besoin pour mon devoir de se soir.

En rentrant chez moi, je me suis équipée, comme on l’avait appris, lors des grandes batailles, pour faire honneur à notre tribu ainsi qu’à notre sang. Mais cette fois, c’était pour une autre tâche, je ne connaissais pas vraiment les coutumes de ce peuple, c’était tout nouveau pour moi, mais j’accomplissais mon devoir sans broncher, et sans aucune hésitation. Je suis sortis de mon antre, le regard vide et l’esprit aiguisé comme mes flèches.

Le soir venue, alors que le groupe c’était réunis vers l’endroit où se déroulait la cérémonie. J’avais grimpé sur un toit, me mettant en hauteur, observant tout ceux qui était présent, gardant un œil bienveillant sur ceux que je devais protéger, mais aussi, à mon nouveau maître… Le visage caché sous une capuche sombre, mon regard se posa sur chaque être vivant, très bientôt, le sang coulera, pour faire renaître une nouveau souffle...

Prenant mon arc entre les pattes, je restais à l’affut de la moindre chose suspecte. C’était mon devoir… On m’avait offert une seconde vie, un second souffle et je devais protéger ce sang, jusqu’à mon dernier soupire… Je ne prenais pas encore conscience, qu’un jour, mon âme sombrera doucement, ce n’était que le début, et les choses deviendront bien pire avec le temps…

Voyant que mon Seigneur avait pris les armes, je savais que je ne devais pas m’en mêler, enfin pas pour le moment, mais il suffisait d’un signe, d’un mot pour que je laisse la corde m’échapper les doigts… Personne n’avait le droit de leur faire du mal, de les défier… Sa place était écrite depuis la nuit des temps, gravé dans la pierre, et mon camp choisis sans aucune difficulté…

Le poil gonflé, les oreilles plaquées vers l’arrière, je gardais un œil, j’étais prête. Mon protégé, l’un de mes protégés était en danger… Il s’en sortait très bien, mais mon côté protecteur prenait le dessus et des grognements sortit de ma gueule. Armant mon arc, pointant la flèche sur le prochain qui osera faire du mal à cet enfant dont j’étais la gardienne, finira avec un trou dans la cervelle…

Mes oreilles m’indiquèrent une seconde menace lancée sur le groupe de la personne que j’avais rencontré quelques heures plus tôt qui avait failli me rendre aveugle avec sa manière d’imiter l’art de combat de mon espèce… Il a fallu l’aider un peu, et je constatais, qu’il n’était toujours pas très doué, mais cela était normal, il faut du temps pour apprendre… Je voulais voir comment il allait s’en sortir, en gardant la même flèche, prête à se planter dans la cervelle de chaque individu, mais les choses finirent bien de leur côté, bien que rien ne soit terminé…

La tension montait de seconde en seconde, il était temps pour moi, de prouver qui j’étais, et quel était ma voie… Un rugissement retentit de mon perchoir a oiseau, me redressant pour bander l’arc, le froid n’existait plus, je n’entendais plus rien… Il n’y avait plus que moi, et ma cible… Le calme avait repris sa place dans mon corps, les battements de mon cœur se faisait plus faible… Plus rien n’avait d’importance, mis à part le score qui s’affichera sur mon tableau de chasse...

Lâchant la corde, cette dernière se planta dans le crâne d’une première proie, puis armant de nouveau mon arc, un second cadavre fit son apparition, tombant devant mon Maître. Je protégerais mon Prince et sa descendance, c’était une promesse que j’avais faite et que je tiendrais…Plus les cadavres s’empilaient, plus je me découvrais un plaisir naissait au sein de mes entrailles... c’était une sensation étrange, une sensation agréable... Un sentiment bien particulier, qui nous laisse un arrière goût très particulier, on ne le comprend pas tout de suite, cela vient avec le temps, une chose qu’on ne parvient plus à contrôler, qui ne demande qu’à croître encore et encore...

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    La lame blanche quitta son fourreau sans la moindre hésitation. La détermination brillait dans son regard dur lorsqu’il dégaina son arme de seconde main. Il ne comptait pas faire preuve de pitié à l’égard de ceux qui se rebellaient tout comme il savait que la réciproque était de mise. Il se retournait vers les assaillants, placés derrière leur meneur. Ses troupes se mettaient en position. Aldaron leur avait demandé de veiller sur ses enfants. Aussi, il n’était pas sans savoir qu’une garde se masserait auprès de sa chère fille et que d’autres veilleraient sur son valeureux fils. De près ou de loin. Nessraya les couvrait. Alors il prit le parti de faire abstraction d’eux. Il avait un duel qui ne tarderait pas à venir à sa rencontre et il devait se focaliser sur celui-ci pour rester en vie. Son regard se posa sur son rival. Haute stature, probablement un ancien glaçernois. Beaucoup de muscles là où Aldaron avait la rapidité, sa magie et ses esprits-liés pour lui. Et une dragonne qui n’hésiterait pas à déverser son feu sur ses ennemis. Cela était presque incroyable que certains aient la folie de vouloir l’affronter. L’Ast savait déjà comment cela allait se terminer. D’une manière ou d’une autre.

    D’un geste souple, il esquiva une première attaque maladroite et ne tarda pas à contre attaquer, tranchant dans un flanc dévoilé d’une manière inconsciente à un prédateur qui n’attendait que ce genre de faiblesse à exploiter. L’homme se plia de douleur et Aldaron repoussa de la botte cet ennemi mis à terre. Devait-il mourir pour cela ? S’il avait la sottise de se relever et de dresser une arme contre le prétendant au trône, alors oui, il mourrait. L’ast pouvait pardonner : il savait ce qu’un bon orateur pour faire à une foule, il n’usait que bien trop de ce don. Il saurait lire en eux l’embrigadement et ils les ramèneraient sur le droit chemin. Il tuerait les plus faibles, ceux qui risquaient de le trahir à nouveau. Il réunirait les autres mais pour l’heure, il devait trancher la tête de cette révolte. Il s’y connaissait assez bien en la matière. Avec une férocité toute vampirique, il s’élança sur un autre combattant et enfonça sa lame au travers de son abdomen après avoir éveillé le colibri qui lui offrait des compétences exceptionnelles. Il se sentait plus puissant, plus apte qu’à l’ordinaire et il n’avait fait que voler ce savoir-faire à l’homme qui menait cette révolte pour le pouvoir… Lui au contraire, devait se sentir profondément incompétent du vol de savoir-faire que l’Ast lui imposait. Avait-il peur maintenant ? Il avait tué déjà un de ses hommes mais sentait-il comme il s’était fait dépouiller comme Sélénia ?

    L’instinct maniait ses armes comme s’il en était le pantin. Son esprit s’était vidé pour se libérer de préoccupations : ne comptait que le combat et sa cible. Il avançait vers elle, pourquoi l’autre n’en faisait-il pas autant ? L’évidence lui vint rapidement : si d’autres le blessaient, l’Ast serait affaibli. Cela ne manqua pas. Le coup d’une garde au visage lui ouvrit la lèvre et le sonna. La lame d’une épée blessa son bras gauche. Pour autant, cela ne semblait pas affaiblir sa rage de combat. Il panserait ses plaies, mais ensuite. Il ne serait pas assez amoché lorsqu’il arriverait face à l’ancien glacernois. Il entendit Ilhan, Autone, Ivanyr. Il entendit les flèches siffler et le grondement d’un fenrisulfr. Il ne détourna pas le regard, même si son cœur de père en souffrait. L’odeur du sang le dégoutait et attisait sa violence. Ses coups se faisaient plus vifs, impatients… Et il n’était pas le seul. Ce n’était pas de l’imprudence : c’était dans leur nature. Les vampires étaient des guerriers. La cendre retombait en neige sur la ville : elle recouvrirait le sang.

    L’autre le dépassait d’une tête et Aldaron avait gardé la maigreur de ses carences à Morneflamme. Leur épées se croisèrent dans un choc une première fois et l’Ast vit dans les yeux de son adversaire qu’il avait compris que malgré sa carrure avantageuse, il ne gagnerait pas ce duel. Cela se sentait, au premier choc de l’acier, si l’autre allait être un adversaire terrible ou un victime facile. Par le vol du colibri, Aldaron apparaissait naturellement meilleur. Fers croisées, le métal crissait aux frottements, claquait aux coups. Les cris étaient souvent l’expression d’une blessure infligée. Le saumon lui offrait l’élégance et le charisme dans sa gestuelle, même lorsqu’il subissait un mauvais coup. Pour marquer sa place, il ne ferait pas durer cette mascarade. Une blessure lui fit lâcher sa lame blanche et sa seconde main était bien moins efficace, même portée dans sa main forte. Alors il la lâcha au sol avec une désinvolture qui apparaissait comme une provocation. L’autre, pour la superbe, n’aurait pas d’autre choix que de lâcher son arme également, au risque de passer pour un couard incapable d’en venir aux mains.

    Cela ne manqua pas. L’autre acceptait l’invitation du spirite du saumon : une terrible erreur. Aldaron était un négociateur qui ne baissait le prix que s’il était certain empocher plus à la fin et dans ce combat, il ne s’agissait pas seulement de tuer l’autre… Mais d’impressionner le peuple resté en arrière, spectateur de deux clans qui s’affrontaient pour le pouvoir. Et quoi de mieux, pour la gloire, qu’un combat à mains nues contre un ancien glacernois ? Aldaron semblait si frêle face à lui. Les carences de l’emprisonnement donnaient aux apparences l’illusion d’une défaite à venir, mais Aldaron avait quelque chose que son adversaire n’avait pas. Il avait l’ombre de Morneflamme, le feu brûlant d’un instinct de survie prêt à tout sacrifier pour rester en vie. L’autre prenait de l’assurance et c’était bon pour l’Ast : il ne serait que plus efficace de le désillusionner. Il se jaugèrent un instant avant d’entamer le combat. L’Elusis était vif, l’autre était puissant dans ses coups. S’il en esquivait beaucoup, ceux qu’ils se prenait lui faisaient un mal de chien. En témoignait le sang noir qui coulait de son nez. Projeté à terre, sur le dos, Aldaron se fit rapidement assaillir et n’avait pas la force pour repousser la masse glacernoise qui le surplombait.

    Un premier coup manqua de lui exploser la mâchoire et il parvint à frapper du genou assez fort pour trouver à se dégager. Il se leva, voulant emporter l’autre à terre, en vain. Il se prit un coup dans le plexus et sentit une côte se briser, alors qu’il atterrissait lourdement à terre. Il cracha du sang et ce fut là que les odieuses parois rocheuses de Morneflamme refirent surface dans son esprit, chargeant son regard d’une hargne bestiale qui le rendait méconnaissable… Excepté aux yeux de ceux qui l’avaient côtoyé dans la prison. L’instinct de survie luisait avec une force viscérale que rien ne pouvait le détruire. Il se releva douloureusement en cachant encore un sang noir. Il ne tarda pas à s’écarter pour reprendre ses esprits. L’autre chargeait déjà et une habile esquive l’échappa de sa trajectoire. D’un violent coup de pied, il poussa l’autre à plat ventre, qui, dans son élan, s’étala à terre. L’Ast bondit sur son dos, et avant que l’autre de parvienne à se redresser, Aldaron lui avait briser la nuque. Le corps s’écroula immédiatement et Aldaron ne perdit pas plus de temps : il posa un pied entre les omoplates de sa victime et lui arracha la tête du corps, à mains nues. Os brisés, il ne restait que des chaires sans vie, bien incapables de se défendre face à une force vampirique venue les pousser à l’extrême.

    Le sang noir s’écoula sur la neige blanche. Et lorsqu’il se releva en lâchant à terre la tête défaite de son corps, les combats cessèrent. « Suffit ! » Claqua-t-il comme un fouet contre le sol, d’une voix impériale et puissante. Les sbires de son adversaire lâchèrent leur armes, n’ayant plus de chef derrière lequel se ranger. Son regard se posa sur Ivanyr, en vie, puis sur Elizabeth, également en vie. Ilhan, Autone et Sorel n’avaient pas eu le temps d’aller bien loin, mais ce fut avec une fierté silencieuse qu’il constata les corps décapités aux pieds de ses enfants. De dignes Elusis. Il ramassa sa propre épée et observa la foule. Il y avait ses propres adeptes. Clan Elusis et Marché Noir. Il y avait des intrigués, prêts à l’écouter. Et il y avait ceux qui le regardaient avec dégoût. « Sois vous êtes des Elusis. » Affirma-t-il avec cette même voix qui portait fort. « Sois vous êtes des ennemis des Elusis. » Les deux optiques étaient simples, clairs. Il ne laisserait pas vivre ses ennemis : « Choisissez. » Ils étaient libres de leur destin. Soit ils marchaient droit, soit ils mourraient. Une large partie de son clan posa un genou à terre, le reconnaissant comme Prince Noir. Une partie des intrigués en firent autant. Il fit face à l’un des opposant. « A genou. » Un ordre simple mais lorsqu’Aldaron le vit s’apprêter à lui cracher au visage, il lui trancha la tête. Son corps s’écroula à terre. « Ou à plat ventre si vous préférez, je ne vais pas m'en formaliser… » fit-il entre ses dents, en toute ironie de la manière dont avait fini celui qui avait voulu l’humilier. « Je vous conseille d’être plus conciliants que votre camarade. » ajouta-t-il en coulant un regard sombre à ses ennemis. Certains d’entre eux ployèrent. D’autres refusaient : « Tuez-les. » ordonna-t-il aux siens et l’exécution ne tarda pas. Une flèche se planta dans l’un de ceux qui essayait de s’enfuir. Nessraya, à n’en pas douter. La féline était redoutable.

    « Je ne vous laisserai pas fuir. Je ne vous laisserai pas vivre. » clama-t-il au reste du peuple. « Je ne ferai plus cette erreur. » Toryné serait mort s’il n’avait pas fait cette erreur. En lieu et place de cela, il avait comploté et les avait trahis. « Il y a pire que les Séléniens. Pire que les peuples qui nous haïssent. Il s’agit de nous-même. La médiocrité d’Irina Faust a ouvert la porte aux contestations. Elle a laissé croire à son peuple qu’il pouvait choisir son dirigeant. Nous nous sommes divisés. Nous avons eu des intérêts divergents. Et nous sommes devenus notre pire ennemi. Je ne laisserai personne me contester. Je ne laisserai personne me désobéir. Le chaos en nous est puissant, tellement puissant qu’il est capable de nous détruire s’il n’est pas orienté dans une direction commune. Pendant des siècles nous avons terrorisés les elfes. Nous les avons contraints à fuir leur continent natal. Nous avons terrorisé les humains, nous sommes devenus les monstres qu’ils craignent dans le noir. Puis nous sommes arrivés ici et nous sommes aller lécher les bottes des indigènes graärh. Nous sommes allés lécher les bottes de Kohans ingrats. » Il pointa sa fille, feu Victoria, du doigt, qui tenait entre ses mains la couronne noire. Le symbole était grand alors.

    « Nous nous sommes laissé humilier, ruiner. Nous les avons laissés nous ôter notre identité pendant qu’ils s’enorgueillaient de faire de nous des petits chiens dociles. » Il expectora avec force : « Ce temps est révolu ! Ils nous craindront et nous respecteront ! Nous reprendrons notre place ! » Acclamations, des genoux qui se plient. Les réfractaires et les fuyards étaient éliminés. « Sois vous êtes des Elusis, soit vous êtes des ennemis des Elusis ! » Son regard se posa férocement sur Shâh Illmarïe. Avec Toryné, il était le dernier chef de clan. « Choisissez ! » Il choisit de s’agenouiller et tout son clan avec lui s’inclina, au soulagement silencieux d’Aldaron qui n’aurait pas de second combat à survivre. D’un signe de tête entendu, il accepta sa reddition, puis il leur tourna le dos, posant une main sur l’épaule d’Ivanyr, qu’il invitait à le suivre pour rejoindre sa sœur. Devant Elizabeth, il posa un genou à terre, sans cesser de la regarder droit dans les yeux. Il ne courbait pas l’échine, il ne s’inclinait pas. Il se mettait à hauteur pour être couronné ni plus ni moins par celle qui était, quelques semaines plus tôt, encore la Reine ingrate du Royaume Humain. Aujourd’hui, elle était une Elusis qui le rendait fier. Le symbole n’en était que plus fort.

descriptionTerre de Cendres [Funérailles d'Achroma] EmptyRe: Terre de Cendres [Funérailles d'Achroma]

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Les événements étaient confus, une succession de voix et de mouvements que la nouvelle-née avait abandonné tout espoir de suivre et de comprendre. Elle laisserait cette tâche à la Liz d’un peu plus tard, lorsqu’il n’y aurait pas tant de tentations, lorsqu’il n’y aurait pas tant de tension qu’elle avait l’impression que son corps allait se tordre spontanément pour ne plus en subir la pression. Elle n’en fit rien. Le dos droit, la tête haute et le regard rivé droit devant elle, Liz se servit de la présence de Liv pour garder un pied dans la réalité tandis que l’autre vacillait au bord d’un gouffre de violence et d’instincts.
Lorsqu’Aldaron approcha, sa démarche fière et certaine, Liz sentit une partie d’elle émerger de la brume et elle leva les yeux pour croiser ceux de son père. La tension dans ses muscles était telle qu’elle n’osait pas bouger de risque de se briser. Pourtant, lorsqu’il leva sa main couverte de suie noire et sale, n’osant approcher ses doigts de sa peau de porcelaine, Liz inclina d’elle-même la tête, pressant sa joue contre la paume de son père, fermant un instant les yeux. De la même façon qu’elle se nourrissait du contact de Liv pour rester saine, elle se nourrit du contact avec Aldaron, puisant force et sérénité dans ce bref contact. Il lui confia la couronne et Liz mit un instant avant de refermer ses doigts fins autour de l’objet.

Un rictus mauvais étira ses lèvres, dévoilant la pointe de ses crocs et des dents blanches. Elle ne voulait pas rester là, bête pot de fleur spectateur, tout juste bonne à décorer. Elle hocha la tête, les sourcils froncés et l’air de peu apprécier la situation mais s’y pliant néanmoins. Même si Liz n’appréciait guère de rester sur le banc de touche, elle avait cependant conscience qu’elle n’était pas un élément fiable. Ce qui ne faisait qu’alimenter sa colère et son ressentiment à rester plantée là comme une potiche.
Liv, cependant, elle ne s’attendait pas à son départ. Pendant un instant, son expression laissa transparaître un bref sentiment d’abandon ou de trahison, un savant mélange des deux, mais en un clin d'œil, Liz parvint à reprendre contrôle et son visage reprit une expression neutre.

Elle les laissa s’éloigner sans un mot, muette, les lèvres serrées. L’absence de Liv, bien qu’il reste dans son champ de vision, lui donna l’impression qu’une partie d’elle-même lui avait été arrachée et que l’équilibre lui manquait. Il avait agit comme une béquille pour l’accompagner dans la mer sombre du tourment qui l’assaillait depuis qu’ils étaient là.
Liz le laissa néanmoins s’éloigner avec un hochement de tête quelque peu saccadé, ses jointures blanchirent sur la couronne qu’elle serrait peut-être un peu trop fort, s’y accrochant dans l’espoir d’y retrouver le soutien qu’elle venait de perdre.
A peine Liv et Aldaron s’étaient-ils éloignés qu’un petit groupe de garde se referma autour d’elle. Ils laissèrent une distance de sécurité entre elle et eux, certainement au cas où elle perdrait le contrôle ou conserver une distance suffisante pour pouvoir se battre sans se gêner les uns les autres. Peut-être un peu des deux. Certainement, même. Elle ne leur accorda qu’un bref regard, ses yeux se portant derechef vers son frère, son Inséparable pour qui elle interviendrait, que tout aille au diable, si d’aventure il devait être en mauvaise posture.

Les affrontements ne tardèrent pas à éclater et Liz resta plantée là, le corps rigide et raide, tendu comme une corde mais loin d’être sur le point de rompre. Son visage, fermé et neutre, restait résolument tourné vers sa famille dont elle surveillait le bien être… Jusqu’à ce qu’un petit événement ne l’en détourne. Il y eut de l’agitation et les gardes qui l’entouraient se déplacèrent soudainement, leur rapidité et leur efficacité ne faisant aucun doute pour s’occuper des vampires renégats qui s’étaient manifestement mis en tête qu’attaquer la dernière Elusis était une excellente stratégie. Un premier cri retentit sur sa gauche et les affrontements se déplacèrent de peu, probablement pour passer au suivant. Une épée atterrit aux pieds de Liz. Dans le fracas ambiant des affrontements, les cris, la douleur, l’odeur délicieuse de sang et l’ambition qui saturait les environs, le son aurait dû passer inaperçu mais elle l’entendit plus clairement que d’autres.
Tandis que les gardes étaient occupés à repousser l’assaut, la vampire se pencha, refermant doucement ses doigts fins sur la poignée grossière de l’épée. Le poids la surprit. A voir la facilité déconcertante avec laquelle la plupart des gens maniaient ce bout de métal, elle ne s’était pas attendue à un tel poids. Non pas qu’elle soit lourde, sa force de vampire rendait l’objet presque léger, mais la différence n’en restait pas moins notable. Une couronne née des cendres dans la main, une épée dans l’autre, Liz se redressa en observant la lame sur laquelle les affrontements se reflétaient.

La nouvelle-née leva les yeux pour s’assurer que son frère et son père étaient toujours en état de se battre et non pas menacés d’une quelconque façon. Il était difficile, cependant, de se concentrer uniquement sur cela. L’odeur alléchante du sang encombrait l’air au point de ne laisser aucune place à quoique ce soit d’autre. Ses crocs lui faisaient mal, son corps lui donnait l’impression de brûler. L’immobilité était une torture incandescante mais chaque mouvement ne faisait que raviver le braiser qui enflammait ses muscles, car elle devait alors résister à l’envie d’en faire plus. Elle savait, avec une intime conviction, que si elle faisait le moindre pas en avant, il n’y avait rien qui pourrait l’arrêter, rien qui pourrait l’empêcher d’en faire un deuxième, puis un troisième, et d’aller où bon la Faim la mènerait. Si quoique ce soit de vivant passait à la portée de sa main, si quoique ce soit possédant une once de sang courant sous la surface de sa peau devait effleurer l’une de ses dextres, il n’y avait rien au monde qui l’empêcherait de s’en saisir et elle pouvait déjà une image vivide d’elle-même plantant ses crocs dans la chair, trop vive pour être arrêtée, trop affamée pour écouter.
Réduite à l’état de statue de pierre inexpressive, spectatrice de l’affrontement, elle laissa la chaleur à la fois étrangère et familière du soulagement et de la joie s’épanouir dans sa poitrine en assistant à la victoire de son frère. Le combat qui avait rage autour d’elle, cependant, n’en était pas fini et bientôt un corps s’étala à ses pieds dans un grognement de douleur. Un autre, plus loin, s’effondra dans un gargouillis qui s’acheva bien trop soudainement pour être naturel. Les yeux de Liz, cependant, tombèrent sur la forme prostrée à ses pieds qui faisait un effort colossal pour se redresser. Non loin, elle en avait conscience, un garde s’était tourné pour intervenir et éloigner la menace mais avant que le garde ne puisse s’approcher, la nouvelle-née mit à profit sa force brute et l’épée nouvellement acquise.

Il n’y eut aucune technique dans son geste, pas la moindre connaissance, elle qui n’avait jamais manié une telle arme. Pour autant, le geste, leste et définitif, presque gracieux, décrivit un arc de cercle mortel qui trancha sans effort l’espace exposé entre les épaules et la base du crâne du vampire. La force et le tranchant de l’épée palièrent à son manque de technique et la tête roula dans une gerbe de sang jusqu’aux pieds du garde venu à sa rescousse. Liz leva les yeux pour croiser les yeux noisettes d’une vampire en armure. Elles échangèrent un bref regard avant que la nouvelle-née ne se détourne, l’épée toujours à la main, le son régulier du sang gouttant de la lame couvrant presque le reste.
Au même moment, la rébellion était principalement matée et Aldaron triomphait à l’instar de ses alliés. Avec un sourire froid, le regard de Liz se posa sur le corps décapité à ses pieds tandis qu’elle murmurait pour elle-même :

« Soit vous êtes des Elusis, » susurra-t-elle, « soit vous êtes un ennemi des Elusis. »

Le discours, la mise au point d’Aldaron et la présence des gardes autour d’elle lui offrirent un fil auquel se cramponner et se rattacher, sans parler de Liv, non loin de là, dont l’existence même lui permettait de surmonter cette épreuve sans perdre la tête et oublier toute forme de contrôle.
Bientôt, Aldaron la rejoignit de sa démarche fière malgré ses blessures. La nouvelle-née baissa les yeux sur la couronne qui se trouvait entre ses mains, noires et pointues et elle comprit ce qui allait se passer.
Elle qui se sentait à bout de force après les trésors de résistance qu’elle avait employé pour résister à l’appel tentateur du sang et des ambitions qui noyaient les lieux, elle ignorait si elle en était capable. Se servant de la distance qui la séparait encore de son père et de son frère, Liz garda le regard fixé sur elle, le visage neutre, et s’enveloppa dans un manteau d’acier. Elle redressa les épaules de ce millième de centimètres, raidit le dos dans une posture fière et, tenant toujours l’épée d’une main et la couronne de l’autre, elle attendit patiemment l’arrivée de sa famille. Elle n’avait d’yeux que pour eux, le reste du monde pouvait bien brûler pour ce qu’elle en avait à faire, pour le peu d’intérêt qu’elle lui portait. L’exception allait peut-être aux quelques membres dont on lui avait parlé et qui faisaient partie de la famille, d’une manière ou d’une autre.

Aldaron s’agenouilla devant elle, le dos droit, la tête haute et le port altier, miroir de sa fille qui, elle, se tenait debout devant lui, le regard neutre plongé dans le sien. Resserrant ses doigts sur l’épée qu’elle tenait d’une main, la nouvelle-née la positionna à la verticale et la planta avec force dans le sol, la lame se logeant entre les pierres qui pavaient le sol. Doucement, tenant la couronne d’une main, elle glissa sa main libre dans les cheveux de son père, un geste doux comme pour replacer les mèches folles qui avaient été dérangées par son combat impitoyable. Il était hors de question qu’elle pose une couronne sur une chevelure désordonnée, peu importait que la couronne était encore couverte de cendre, c’était probablement même une représentation idéale et adaptée.
Son regard rivé dans celui de son père, elle leva la couronne au-dessus de la tête d’Aldaron et, alors qu’elle l’abaissait lentement elle prit la parole d’une voix forte et claire, se nourrissant de la présence de son père et de son frère pour conserver une voix égale.

« Soit vous êtes des Elusis, » clama-t-elle avec force, « soit vous êtes un ennemi des Elusis. » acheva-t-elle tandis que la couronne glissait doucement sur la chevelure claire de son père.

Elle en avait amorti l’arrivée en plaçant ses doigts sur les tempes et le côté de la tête d’Aldaron, une conscience inconnue lui indiquant qu’une couronne placée sans précaution pouvait être inconfortable voire douloureuse. Liz retira doucement ses mains aux longs doigts fins et elle haussa un sourcil à l’attention de son père :

« J’ignore encore beaucoup de chose, » commença-t-elle doucement, le regard rivé dans celui de son père, « mais j’ai entendu parler de ces couronnes de cendres qui terrorisent et harcèlent. » Elle ignorait tout à fait de ce dont il s’agissait, sinon quelques détails qu’elle avait grapillé ici et là, lorsque la Faim n’oblitérait pas tout sur son passage. L’attaque que le domaine des baptistrels avait essuyé restait régulièrement mentionnée, ici et là. Suffisamment souvent pour que la nouvelle-née puisse recueillir quelques petites miettes de connaissances. « Sous une pluie de cendre, ceint d’une couronne née des cendres, puisses-tu inspirer la terreur dans le cœur de nos ennemis et les harceler jusqu’à leur trépas, » acheva-t-elle la voix rauque avant de reculer d’un pas et permettre à son père de se redresser, à la vue de tous.

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Un parmi d'autre

Tout semblait confus maintenant. Mais dans le maelstrom du drame qui se jouait, un semblant d’ordre commentait à ce dessiner. Un camp victorieux se dessiner. Comme toujours dans ce genre de situation, on ne pouvait pas vraiment en connaître la raison de la victoire, quand la balance penchait d'un coté. Pour Tobold des Mangroves alias Savinien de Cyrano, il était temps de se transformer, avant que la situation ne se stabilise.

Les habits voyant que notre homme portait, disparurent rapidement déposé ça et là parmi les cadavres. Ce n'était point un cadeau, qu'il faisait aux dépouilles, car le Pirate, empruntait définitivement à des personnes du clan des vainqueurs, discrètement dans la cohue, ici une cape , plus loin une veste ensanglanté, et là un couvre-chef banale, tout cela le plus neutre possible. En un instant le nez proéminent disparut. Il était devenu méconnaissable, un membre du clan des vainqueurs parmi d'autre...... Si on ne regardait pas  trop prêt!

Un autre homme se glissait maintenant dans la foule, nul ne le remarquait vraiment dans la confusion qui régnait, il faisait partie du groupe, on ne le remarquait pas.  

Peut à peut la situation se figea. Tobold se tenait prêt un homme qui commentait à un mal voyant, ce qui se passait. Il enregistrait les noms qu'il captait à la volé, mais une voie ce fit entendre. Celle Aldaron Elusis, d’après le bavard.

Il semblait donc que ce clan était maître du terrain. La situation tournait maintenant à la mise à mort, avant de quitter discrètement la scène, pendant qu'il était encore temps, l'espion enregistra plusieurs faite, un archet Graärh , les noms  de Toryné et de Faust. Il reculait doucement avant de pouvoir se fondre dans les ombres. Les discours semblaient continuer, mais des Mangroves devait transcrire rapidement les quelques informations qu'il avait avant de les oublier.

Tobold se dirigeait vers l'auberge du Lotus Rose, une auberge tenue par un membre de la confrérie, en faisant attention de ne pas être suivit. Il se débarrassa de la veste, et du chapeau avant d'entrer dans la pièce commune.

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