9 mai 1764 - Caladon
Bâtie au sud de l’île de Calastin, la cité portuaire de Caladon s'étend de jour en jour. Ouvrant son œil sur l'océan et sur l'ensemble du trafic dont elle est l’un des phares commerciaux de l’archipel de Tiamaranta, la ville se développe quotidiennement. De plus en plus de monde, attiré par la douceur de vivre et son commerce florissant, pose pavillon à Caladon.
Son air vivifiant charrie les embruns salés qui parfument les saisons et agrémentent les senteurs des arbres, accrochés à la roche et à la terre sableuse. Le vent souffle ici mais il chasse les nuages et offre une exposition ensoleillée régulière pour le plus grand bonheur de chacun. Un ciel dégagé particulièrement apprécié des marins pour se repérer de nuit comme de jour, en suivant les étoiles notamment … mais aussi pour pêcher certaines espèces misent en confiance par la luminosité pour remonter près de la surface. Les âmes sont généralement enthousiasmées par la cote sauvage, les flots et ces immenses bâtiments tout de voiles parées, les couleurs chatoyantes de ses façades et de ses habitations qui affichent à la fois richesse et misère 'touchante'. L'amabilité de tous les commerçants est assez singulière ; pour certains elle est très - trop - franche pour être honnête... mais le voyageur garde généralement un bon souvenir de son passage.
Ici, l'humanité est tournée vers la mer. Et face à cette dernière, elle se sait humble.
La ville est un mélange ethnique plutôt intéressant... En se promenant dans les rues on y voit un brassage permanent, une richesse en soit et une forme d'ouverture aux autres.
La demi saison est surement le plus agréable pour y vivre. En été, les odeurs de poissons sont parfois difficiles à supporter pour certains... tout comme la population assommée par les températures pouvant être élevées dans des ruelles étroites et escarpées, usées par le sel. L'hiver ? L'hiver... c'est encore une autre affaire. Mais ce matin printanier est assez clément. Il annonce une belle journée !
Il est 6h, Caladon s’éveille
Si le fraicheur fait blanchir les toits et les ombres persistantes, le soleil qui se lève dissipe rapidement la brume et baigne la cité dans une ambiance dorée. Sur le port, l'humidité recouvre les quilles d’amarrages, les chaînes et les cordes. Les vaisseaux brillent d’une luminosité scintillante, appuyée par le reflet des premiers rayons. Le pavé, légèrement glissant, peut offrir quelques glissages si on s’y méprend.
Si à cette heure encore matinale la plupart des volets sont encore fermés, c’est déjà l’effervescence sur le port. De grands navires de pêche rentrent d’une nuit en mer, apportant leur lot de merveilles. Les eaux voisines sont riches en mammifères marins, poissons et crustacés en tout genre. Des marins rompus à l’exercice déchargent les cargaisons à même les chariots prévus à cet effet, aidés par de jeunes apprentis. Une belle école de la vie où ces derniers poussent les lourds chariots vers les entrepôts à proximité, avant que les marchandises soient triées.
La communauté des pêcheurs de Caladon est forte. Ici, de nombreuses familles vivent des produits de la mer et l’activité portuaire mobilise bon nombre de citoyens, les lyssiens en première ligne. Qu’ils soient marchands, pêcheurs, marins, armateurs, réparateurs de voile ou de filet, ferrailleurs ou menuisiers … ils bénéficient tous de l’ouverture de la cité vers la mer et vers l’Archipel tout entier, l'activité se développant grandement de jour en jour. Si cette activité est facile à observer sur les quais, elle se matérialise en un point central où l’on peut rapidement en prendre la température : le marché.
Situé dans le quartier intérieur de la ville, sur une grande place ouverte, carrefour de plusieurs artères et en partie protégé par une halle construite à cette effet. Avec le temps, les nombreux étals ont largement dépassé en nombre la capacité d’accueil de la halle où les plus anciens et importants marchands bénéficient d’un accès privilégié.
L’énergie au rendez-vous
En cette matinée, les aller-venues sont incessants sur la place du Marché et il devient déjà difficile de se frayer un chemin correctement. Les étals se garnissent des produits en tout genre, de l'arrivage du port aux senteurs variées. Un mélange d’odeurs couplé à celui des premières buches de la matinée, brulées dans les cheminées avoisinantes … Si la cité était silencieuse il y a quelques minutes, la voix des marchands commence à se faire entendre, comme le bruit des nombreux chariots de marchandises.
C’est cette énergie qui plaît à beaucoup à Zev, déjà à l’oeuvre depuis le lever du soleil. Un réveil rapide pour le jeune homme matinal de nature, appuyé de quelques étirements. Un brin de toilette, une giclée d’eau dans les yeux et quelques petites claques sur les joues pour se stimuler. Le petit-déj sera pris directement sur le marché où il gobera quelques morceaux d’un pain tiède farineux. Cape sur le dos, il ferme la porte de sa modeste gargote et file d’un pas décidé vers le marché, sifflotant l'air d’un joyeux chant entendu en taverne.
Comme à chaque jour, il coordonne le marché aux poissons et aide les marchands à respecter leur emplacement, sans trop empiéter sur le voisin. L’après-midi, il profite de la fermeture du marché pour discuter de l’activité poissonnière. Echange avec les pêcheurs, régulation des prix du marché, questions logistiques sur les entrepôts ou maintenance du port … il y a toujours un sujet à évoquer.
Et cette communauté se veut solidaire. Appelons les « marins » tous ceux qui vivent de l’activité maritime. Les « marins » savent combien ils doivent tout à la mer. Cette humilité se veut pragmatique et réaliste et c’est aussi une philosophie de vie. Le métier est dur, parfois précaire et les marins s’entraident. Beaucoup sont taiseux et vous diront « je préfère agir, à quoi bon parler ? ». Leur amitié ne sera pas facile mais elle sera sincère. Quoique l’alcool aidant, les barrières tombent plus facilement lors de soirées arrosées ... les tavernes sur le port en conviendront.
Souriant, Zev échange des gestes amicaux avec les marchands qu’il voit ce matin. Le métier lui permets de croiser bon nombre de personnes, presque tous les marchands pour ainsi dire. Si sa bienveillance est appréciée, c’est sa droiture dans la fonction qui lui amène le respect et la confiance des « marins ». Calepin en main, il surveille la concordance des emplacements et note méticuleusement chaque position. Il en profite pour glisser un petit mot de courtoisie ou d’humour à certains, n’hésitant pas à en chambrer d'autres, signe d’une complicité établie. Il constate également la quantité et qualité des produits présentés, l’activité se porte bien.
Hors ce tableau - changeant au gré des saisons mais persistant dans ses activités et l'esprit qui l’habite -, il y a toutefois une tension particulière qui règne dans la cité depuis quelques heures. La rumeur s’est répondue comme une traînée de poudre et ça fait causer sur les étals ! L'inquiétude est grandissante chez les caladoniens après les annonces faîtes de Délimar et de la Bougmestre de Caladon de se rapprocher de l'Empire Sélenien.
Une déclaration inattendue
Le rapprochement de l’Empire Sélenien viendrait remettre en cause l’Alliance des Cités Libres et la philosophie même à laquelle beaucoup de Caladoniens ont adhéré, les marins en premier. Les récentes déclarations de Délimar, port militaire par excellence et place forte de l’Alliance ont surpris et choqué beaucoup de monde. Mais c’est à Caladon que le virage prit étonne le plus encore. Par le positionnement publique récent envers l’Empire, la Bourgmestre Eleonnora Ostiz a pris tout le monde de court. Que ce soit sur le fond ou la forme, l’information est arrivée de façon totalement inattendue. La Guilde des marchands, à laquelle appartient Zev, est considérée en haut lieu. Elle n’a évidemment pas été consultée sur cette décision majeure alors qu’elle l’est régulièrement pour les sujets stratégiques liés à l’activité de la cité. Et il est opportun d’être aligné avec cette dernière pour une gouvernance maîtrisée. Il y a régulièrement des désaccords à l’origine de discussions épicées et cela est légitime. Mais cette fois, c'est inédit.
La Bourgmestre a-t-elle était influencée ? Quelle mouche a bien pu la piquer ? Etait-elle en pleine possession de ses moyens ? Zev est littéralement prit à parti par certains sur le marché :
- C’est pas croyable !
- Tu vas faire remonter notre mécontentement, hein !?
- On bloquera le port s’il le faut !
Le peuple de Caladon s'inquiète … et la journée ne fait que commencer.
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