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6 Mai

“Hissez la Grand Voile ! Direction Néthéril !”

Claudius s’appuya sur le bastingage du navire Impérial sur lequel il avait embarqué : aussitôt avait-il terminé ses quelques affaires en cours dans l’Empire, qu’il se devait de s’absenter. Bien qu’il n’aimait pas trop cela, il savait qu’à présent que le pays était géré par une administration composée par ses soins, celui-ci était plus en sécurité qu’il ne l’avait été pendant ces cinq dernières années.

Le Havremont découvrait peu à peu la vie de chef d’état, et ce que cela incombait au-delà des mots et des images d’épinal que l’on s’imaginait pour la chose. Il connaissait évidemment la vie publique et ce que cela incombait, mais ce qui différenciait peut-être Claudius de toute la caste qui gouvernait l’Empire jusqu’à lors, était que lui était peut être noble, mais avant tout un soldat. De ce fait, il avait accordé moins de temps à la politique, les négociations, le protocole, et toutes ces choses-là qui englobaient la vie politique d’un noble sélénien de la Cour.

Alors quand son administration lui avait conseillé de se rendre à Néthéril dans le but de rencontrer des Graärh de la légion des “Vat’Aan’Ruda”, la réaction du Havremont s’était fait en demi-teinte : non pas qu’il soit particulièrement casanier, mais il estimait que son pays avait besoin de lui, et qu’il existait des personnes probablement mieux qualifiées pour aller à la rencontre de cette race d’humains-bêtes, dont le Havremont ne connaissait pas grand chose, sauf ce qu’on avait bien voulu lui dire à leur sujet.

Néanmoins, avec plus d’explications il comprit le point qui nécessitait sa présence plutôt que celle d’un autre. Delimar, qui était désormais une cité alliée de l’Empire, avait déjà commencé des rapprochements avec cette légion, et il semblerait que le peuple félin avait bien des intérêts communs avec ceux de l’Empire Sélénien. Eux aussi étaient en guerre contre les pirates, et contre l’esclavage de leur race d’une façon générale (chose qui n’existait plus depuis un certain temps maintenant au sein de l’Empire), ils étaient un peuple très centré sur l’Honneur et le Mérite, valeurs que Claudius partagaient, et avaient connu de nombreux conflits qui avaient fait souffrir leurs races, ce à quoi le Havremont était obligé de compatir. On lui avait également rapporté qu’il était prévu que l’Impératrice Victoria aille également vers un rapprochement, si celle-ci avait eu le temps de le faire.

Alors pour toutes ces raisons, Claudius avait finalement décidé de monter à bord de ce bâteau, et se rendre lui-même à Netheril. Il ne savait pas trop à quoi s’attendre, sur cette île que l’on disait sauvage et emplie de dangers, mais la perspective d’y trouver des alliés supplémentaires pour soutenir son projet de renaissance de l’Empire ne pouvait que le satisfaire.

Ainsi, lui et quelques hommes et femmes avaient été choisis pour composer une délégation diplomatique, chargée de quelques produits typiques de Selenia, et d’autres choses encore pour partir à la rencontre de cette légion. Claudius qui ne savait pratiquement rien de ce peuple, allait profiter de la présence d’un émissaire de Delimar, cité qui fut l’artisane de cette rencontre, pour se renseigner sur leurs vies, et leurs protocoles d’une façon générale.

Lui qui n’avait plus quitté son pays depuis l’arrivée des peuples sur l’Archipel, se sentit un brin nostalgique en voyant s’éloigner les ruines de Portus Regius encore fumante de la bataille des cendres. Cette vie allait être différente de celle qu’il avait connu jusqu’à présent, cela était certain.

12 Mai 1764

Les vents avaient été favorables avec le navire impérial, qui était arrivé quelque temps avant l’horaire prévu. Une chance pour Claudius, qui n’avait pas vraiment le pied marin. S’il comprenait l’importance ces jours-ci d’avoir une flotte fonctionnelle, dans l’armée, il avait toujours préféré se battre sur la terre ferme plutôt que sur un navire. La terre était plus stable, moins imprévisible,  et surtout, on ne risquait pas d’y tomber malade pour un oui ou pour un non !

Mais tout ceci était fort heureusement terminé, l’équipage avait pu poser le pied sur la terre de Netheril, et partir en exploration vers leur destination. Le Havremont s’était vêtu modestement, prenant compte de la chaleur des lieux pour pouvoir s’y mouvoir et survivre facilement, mais avait tout de même tenu à rappeler qu’il était le chef de cette petite troupe. Vêtu d’un chemisier et d’un pantalon et de bottes renforcées par des petits embouts en acier, il avait toutefois troqué son armure en os de dragons pour une protection plus légère : un ensemble de mailles très fine, qui passait sur tout le corps, teinté en blanc, ajouté d’une cape pourpre par dessus.

Le tout rappelait les toges traditionnelles que certains citoyens portaient parfois dans l’Empire, mais conçue d’une façon plus fonctionnelle pour les déplacements de longue durée, et pour la nécessité de protection que demandait le Havremont.

La petite troupe marcha comme cela un certain temps, découvrant la fameuse savane de Stymphale et les paysages idylliques qui la composait, avant de s’arrêter.

Là, l’émissaire s’arrêta, et se tourna vers la délégation avant de dire :

“Nous allons bivouaquer ici. Des représentants de la légion sont censés nous rejoindre en ces lieux.”

La petite troupe s’arrêta alors un instant, échangeant les uns avec les autres. Le Futur Empereur quant à lui, vaqua à ses quelques occupations et s’approcha de l’Emissaire : si on lui avait dit qu’il allait rencontrer cette fameuse “légion”, il ne savait pas encore qui il allait rencontrer avec exactitude. L’occasion était donc opportune de demander quelques précisions, le temps que ce clan poilu se manifeste …

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Le rapace traçait des cercles concentriques au-dessus de la savane. La ligne noire de sa silhouette filait gracieusement à travers un ciel bleu outremer, que seul son compagnon le soleil contrastait de son cœur d’or. Le géant opalin observait ce spectacle d’un œil perçant, tâchant de deviner une altération notable dans la direction de son vol princier. N’en voyant aucune, il s’en désintéressa rapidement pour revenir au Graärh qui attendait nerveusement devant lui. Il était encadré par deux légionnaires qui regardaient fixement devant eux. Leurs yeux étaient rivés sur le blason de la légion, orné dans le bois sombre du wigwam derrière Asolraahn.

Le Graärh se passait une langue râpeuse sur ses coussinets. Il n’était pas grand et le fait de voir l’écrasante stature du Tribyoon ne le mettait manifestement pas à l’aise. Asolraahn ne lui donnait aucune raison d’être rassuré ; il était debout, son bâton Tarama Tish à la main, tendu vers le ciel comme un sceptre d’auguste monarque :

-Ainsi donc Dro’vissa, dit Asolraahn, ta quête s’est soldée par un franc succès. Tu as vaincu le smilodon qui terrorisait les plaines du vent.

Il s’assit profondément dans son siège en bois d’acajou, dont les traverses supérieures et médianes étaient serties d’ivoire, et le dossier, bardé d’un bois de moabi sombre et élégant orné de motifs Garal. La moitié n’avait aucun sens pour lui, mais il s’en moquait bien, car le siège lui plaisait beaucoup. Il scruta ensuite avec intérêt le Graärh agenouillé devant lui.
Dro’vissa continuait à regarder le tapis et choisissait ses mots avec soin. Il était le sixième Ashuud à se présenter au camp pour être réhabilité en tant que guerrier dans la légion ; les quatre premiers étaient venus en prétendant avoir tué le smilodon, mais avait menti ; quant au cinquième il avait été empalé après que la preuve avait été fourni de sa propre lâcheté. Dro’vissa était bien résolu à ne pas être le prochain.

-Géant opalin,… Tribyoon,  fit-il fermement après une pause, j’assure de ma parole que j’ai accompli la tâche qui m’a été confiée. Je suis allé dans les plaines et j’ai traqué la bête trois jours durant. Finalement, au prix d’une terrible blessure, je l’ai vaincue et ai offert sa vie aux Esprits-liés. J’ai ensuite donné sa peau et sa chair aux Guépards Célestes pour nourrir leur tribu.

-La parole d’un Ashuud ne vaut rien. As-tu une preuve de tes actes ?

-J’ai apporté avec moi une preuve, Tribyoon. Un croc du smilodon enragé.

Dro’vissa présenta sans un tremblement un croc qui était ensanglanté à sa base. Asolraahn ne lui jeta pas un seul regard. Ses yeux restaient fixés sur ceux du Graärh, ne trahissant aucune émotion. Arrivait donc ainsi l’heure du jugement. Asolraahn détestait cela et il se prêtait au jeu de mauvaise grâce. C’était le lot de tous les guerriers : on se savait adroit à jouer d’une arme en temps de guerre, moins à jouer de sa langue en temps de paix. Il était bien différent de réfléchir au cas de Dro’vissa que de se battre dans un duel à mort contre un adversaire. Bien sûr le géant opalin pouvait le croire, car il avait ici la preuve irréfutable qu’un smilodon était mort et que cet Ashuud avait risqué sa vie pour sauver celle des siens. Ou alors il pouvait songer que le croc venait d’un cadavre déjà froid, que Dro’vissa l’avait récupéré sur le corps d’un smilodon frappé par la maladie ou par la vieillesse et qu’il avait ensuite peigné la girafe jusqu’à l’audience. Comment choisir ? De l’avis d’Asolraahn, aucun Garal digne de ce nom ne ferait une chose aussi déshonorante. Ce n’était pas un comportement de shikaree. Mais ces derniers jours, il avait vu des Graärh combattre dans les rangs des pirates et tuer leurs propres parents. Les temps changeaient.

Cependant, par-dessus tout, il manquait cruellement de guerriers à leur légion.

-En ce cas, que les Esprits-liés te saluent car tu es un brave, répondit-il finalement. Puisqu’ainsi tu as honoré de vivres la tribu des Guépards Célestes, je te redonne ton nom. Tu aideras les nôtres à reconstruire des abris pour notre peuple et ses petits. Va.

Dro’vissa s’inclina avec une excitation toute nouvelle. Il se releva et sortit du camp, accompagné des deux légionnaires. Alors seulement, le géant opalin remarqua que le rapace venait de changer de direction. Enfin, il était temps. Son vol se stabilisa, ralentit à mesure que le faucon s’approchait de son siège pour se poser sur le montant. De son bec, il lissa rapidement son plumage, fit un bond léger pour se poser sur le sable et se métamorphosa en un Graärh à l’apparence svelte et au pelage grisonnant. Il déclara avec la solennité posée des messagers :

-Les humains sont arrivés. Ils se trouvent à OonchaPahaad, la longue colline au Nord. Ils vous attendent, Tribyoon.

Asolraahn acquiesça pensivement. Il couvait un regard sur les trois autres sièges des conseillers de la légion. Chacun d’eux était vide. Tarakiin Shaana était partie vers la côte nord de Néthéril pour y bâtir des avant-postes surveillant la mer, il y a une semaine de cela. Morivva Zabari avait rejoint sa tribu pour préparer un exode général jusqu’à la légion, afin de renforcer leur cité encore en construction et offrir de nouveaux bâtisseurs pour construire les défenses. Sa’riba Affrahna, quant à elle, était toujours dans la région, traquant les dernières cellules pirates qui survivaient tant bien que mal sur l’île. En apprenant que des hommes originaires de Khokhattaan venaient nouer de nouveaux liens avec la légion, elle avait quitté le camp de Vat’Aan’Ruda d’humeur furibonde.

Le géant opalin serait seul, cette fois, pour discuter alliance. Hélas, voilà un domaine qui ne le mettait pas à l’aise, loin de là, d’autant plus avec ce que cet évènement entraînait autour de lui.

Évidemment, l’arrivée des humains de Sélénia et Delimar avait fait grand bruit. Le peuple de Vat’Aan’Ruda avait réagi de différentes façons à cette nouvelle : un mélange de curiosité, de colère, d’espoir et de méfiance avait ébranlé les félins du désert et titillé leurs réflexions. Asolraahn devinait l’origine de leur ressentiment. Pendant la guerre qui avait secoué Néthéril ces derniers mois, une grande partie des clans se trouvant en périphérie de la Savane de Stymphale avait subi l’assaut des pirates de plein fouet. Des villages entiers avaient été chassés comme du bétail, affaiblissant la légion, rognant ses propres défenses. C’était les étrangers de l’archipel qui étaient responsables de ce massacre ; des bipèdes sans poils, des humains pour la plupart, surgissant de navires noirs pour poser le pied sur l’archipel et les anéantir. Chaque jour, des réfugiés étaient venus au camp de la légion pour témoigner de leur vilénie. Ils n’avaient pas d’identité, pas de noms, ni d’intention. Et ce n’était pas la faute à leur manque de curiosité. Aucun humain n’avait pris grande peine à se présenter à eux. Lorsque le géant opalin était nayaak du temps de Vat’Em’Medonis, c’était la même chose chez les clans vampiriques, bien que le conflit ait pu trouver une fin plus paisible. De ce fait, pour le commun des Garal, un Sélénien n’était pas différent d’un pirate. Il s’agissait de la même race conquérante avec du sang sur les pattes. Parce qu’ils étaient leur exacte opposé, sans doute étaient-ils ceux envers lesquels les Garal avaient le plus d’animosité. Il était donc tout autant difficile d’admettre qu’ils avaient besoin d’alliés et devaient pour cela chercher du côté des peuples du Nord.

La défense de la cité des wigwams avait permis de sauver ce qui restait de Vat’Aan’Ruda, et voir les ailes du Colérique se ployer au-dessus d’eux pour les protéger avait éveillé les cendres de leur flamme guerrière. Mais la légion n’était pas tirée d’affaire pour autant. De cette rencontre, se déciderait sans doute l’avenir de leur peuple.

À un tel stade de conséquence, on ne parlait plus de nervosité. Tout cela était fini.

Car la méfiance envers les bipèdes était ancrée dans le cœur des Garal. Asolraahn n’escomptait pas obtenir beaucoup de soutien. C’était là le cœur du problème, et il sentait que le conseil des Aaleeshaans ne s’en mêlerait pas. Tout reposait sur lui, comme qui dirait. En dépit du fait que les relations entre Délimar et Vat’Aan’Ruda se soient toujours bien entretenues, en vérité avant qu’il soit devenu Tribyoon, c’était lui qu’on envoyait en tant qu’émissaire. Asolraahn était déterminé à aider Vat’Aan’Ruda. Il vivait pour la légion, pas pour le pouvoir. Mais pouvait-il concilier les deux afin de bâtir une alliance avec ces hommes ? Seul le temps le lui dirait.

Le géant opalin se leva de son siège et prit son bâton.

* * *

Le voyage dura une heure tout au plus. Asolraahn ne s’en plaignit pas. Il était un Trand et de ce fait n’appréciait que peu les voyages dans la Savane brûlante. Il y avait là suffisamment de chaleur pour enflammer sa toison opaline et lui faire regretter l’inlandsis de Paadshaïl. Mais le Tribyoon avait fait un effort : Il s’était brossé le poil avec mesure pour qu’il n’apparaisse point délavé et rustre, et avait pris un bain. Il ne ressemblait certes plus à un Ashuud encrassé par des mois de pérégrinations et de batailles, quoiqu’il n’ait pas tant déprécié cette période de sa vie !

Les membres de la délégation Garal étaient quant à eux des légionnaires au pas agile, qui avaient l’habitude des grands chemins et de la marche. Ils avaient été soigneusement choisis par le géant opalin pour l’accompagner. Asolraahn n’avait pas souhaité faire prendre de risques à des kisaan qui ne sauraient se défendre. Seul Reynagane Shäa les suivait en tant que guérisseuse. Elle et Nyana Valthana, une shikaree récemment enrôlée dans la légion, ne traînaient jamais l’une à l’écart de l’autre et Asolraahn sentait l’énergie que déployait leur lien. Il avait appris que ce dernier s’était bâti dans la douleur et le sang et qu’elles étaient toutes deux originaires des cités de Khokhattaan. Il lui avait ainsi paru utile de quérir leur aide pour ces négociations. À cette exception près, il n’avait pris que des guerriers sensibles au fait de ne montrer aucune faiblesse de la légion durant cette rencontre.

Certains d’entre eux néanmoins portaient des coffres remplis de cadeaux ; des harpes, des flûtes, des pots en céramique ainsi que des draps en satin ou en soie. Deux autres n’étaient armés que d’épées courtes et portaient des oriflammes au blason de Vat’Aan’Ruda, un œil ruisselant tel une larme sous les rayons du soleil.  

Il était vrai qu’à une certaine époque, les relations entre Sélénia et la légion Vat’Aan’Ruda avaient belle allure. Depuis lors, une guerre avait frappé Khokhattaan et leur reine Victoria n’était plus, tandis que leur légion avait eu ses propres affres avec les hommes. Pourtant, Asolraahn savait d’expérience que ces derniers n’étaient pas tous sevrés à la subtilité et à la ruse. C’était la première fois qu’un dirigeant des royaumes du Nord était autorisé à venir sur la terre des Garal et il souhaitait ardemment que ce ne soit pas la dernière.

Ils furent accueillis sur la Longue Colline par le glapissement d’un rapace dans le ciel. Un talus d’arbustes gris-vert les entourait, trop petit pour cacher une embuscade et trop grand pour que des yeux indiscrets ne les observent. Là, une dizaine de silhouettes attendait debout au loin : Les séléniens. Lorsque les légionnaires approchèrent, beaucoup de tête se tournèrent dans leur direction.

Le géant opalin ordonna d’un geste la halte de ses guerriers. Nul besoin de venir en groupe armé pour déclencher de désagréables hostilités. Asolraahn choisit uniquement de prendre Nyana Valthana et Reynagane Shäa avec lui, puis il s’avança lentement en tenant son bâton comme du plus formidable des appuis. Un homme l’attendait, qui fut rapidement rejoint par ce qu’il lui sembla être le chef de cette assemblée ; ils portaient une armure légère tout de blanc teintée et une cape rouge comme le sang qui lui descendait jusqu’aux bottes. Il leva la tête et Asolraahn vit un large visage bien découpé, avec une solide mâchoire. Ses yeux l’observaient avec la dureté du métal, enfoncés sous des sourcils sombres ; c’était les yeux de quelqu’un de puissant :

-Nous sommes des étrangers dans votre bivouac, dit le félin dans leur langue, en levant les bras en signe d’accueil. Nous venons souhaiter la bienvenue à ceux qui parlent en ami.

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Sous le ciel obscur, se teintant doucement d'un rouge flamboyant, Néthéril était endormi. Les créatures peuplant cette terre s'éveillaient doucement, au fil des minutes qui passe, créant de nouveau la vie sur ce territoire dévasté par le sang. Les grains de poussière voltigent au gré du vent, s'entrechoquent, pour mieux se disperser, le chant du vent s'élève doucement, créant une douce mélodie surnaturel, un son des plus merveilleux, un son qui m'avait tant manqué...

Mon corps navigue depuis quelques heures, marchant dans la poussière qui s'accroche à ma pelisse nordique. Mon regard se balade sur l'horizon, emprisonnant ses images à tout jamais dans ma mémoire. J'avais profité de ce moment de répit, alors que tous les esprits étaient endormis pour retrouver un moment de liberté... Les muscles de mon corps ont été plus que sollicité, loin de ma demeure, loin de ma famille, j'avais rejoint une tanière isolé. La curiosité, mais aussi le désire de victoire, m'avait poussé à traverser une partie du territoire, pour affronter, la bête qui m'avait défié par le passé...

La sueur s'était engouffrée dans mon pelage, durant un simple instant, où mon regard, c'était posé sur la créature, l'univers tomba bien bas. Il n'y avait plus qu'elle et moi, alors que nous nous affrontions dans un duel de regard. Mon coeur battait lentement, très lentement, chacun de mes membres étaient encrés dans le sol, mes muscles en alerte. J'attendais... Ni moi, ni elle ne bougea d'un millimètre, mon pelage se gonfla, mon torse se bomba, je refusais de perdre une fois de plus...

Alors que le soleil prenait de l'ampleur dans le ciel, éteignant une à une toute les étoiles qui rayonnait quelques minutes plus tôt. Nos deux visages, dévoilèrent leur véritable couleur au fil des secondes. Des grognements sourds se font entendre, puis lorsque nos ombres disparaissent, la terre se met à trembler sous la puissance de nos pattes, la poussière s'envole doucement, nous dissimulant complètement.

Dans le feu de l'action, quelques cris sortent de ma gueule, alors que ses crocs et ses griffes pénétrèrent doucement ma chair, je n'hésite pas une seule seconde à tenter de lui faire mal, forçant sur mes pattes arrières pour donner une impulsion, plaquant contre le sol la bête sombre. A chaque rencontre, le sang coulait, il giclait, abreuvant le sable de Néthéril... Malgré la douleur, je restais debout, à la défier, comme elle me défiait. Sans baisser le regard, nos deux corps se séparent après une quinzaine de minutes de souffrance. La respiration lourde, j'incline comme à chaque fois la tête devant la bête, pour cette énième victoire...

Malgré ma défaite, je ressortais à chaque fois un peu plus forte de cette rencontre, augmentant mes réflexes, ainsi que ma force physique... J'avais pris cette rencontre, qui se faisait de plus en plus souvent, comme un défi, un entraînement à surmonter... Par moments, j'avais même l'impression que cela nous rapprochait, qu'il y avait une sorte d'alchimie dans nos échanges, en dehors du fait que nos deux sangs, ainsi que notre salive se soit mélangé, il y avait un, je ne sais quoi... Car à chaque rencontre, à chaque fois que l'astre jaune réduit au néant nos ombres, c'était notre signal... Nous avions créé cette routine particulière que j'appréciais...

Retournant auprès de ma tribu, dans une course de détente, je parviens à rejoindre un endroit où me nettoyer de toute cette crasse, l'eau qui était au début incolore, devint progressivement un mélange entre le bronze et le rubis. Secouant le poil, la douce chaleur grandissant s'occupait de faire sécher mon pelage particulier. Plaçant brièvement quelques bandes sur les diverses plaies que je venais tout juste de recevoir.

Mon corps se dirigea naturellement vers l'antre de Rey, ma petite perle dorée qui m'avait annoncé quelques jours plus tôt son désir de quitter le territoire... Une faible tension régnait entre nous, car ma manière, de penser était bien plus radicale que la sienne... Mais aujourd'hui, était notre dernier voyage ensemble...

Le grand Tribyoon, avait été demandé pour discuter avec des sans poils provenant d'un territoire sur lequel, où nous étions de passage, lors de notre fuite de Caladon. Durant le voyage qui dura une heure, le grand blanc, c'était vêtue pour représenter dignement notre peuple. Rey était la seule femelle qui n'avait pas réintégré la légion pouvant nous accompagner à cette rencontre... J'aurais préféré du contraire, mais si c'était là pour elle, le moyen de prouver sa valeur pour rester près de moi, alors, je n'avais d'autre choix que d'accepter...

Nous avions parcouru les derniers mètres seulement tous les trois, et le grand Tribyoon s'exprima le premier. Pour ma part, je n'avais pas grand chose à dire, saluant cet autre peuple à notre manière. J'observais ceux qui étaient en face de nous, même si certain sans poil, possédant le nom d'humain, pouvait se montrer généreux avec notre race, je ne pouvais m'empêcher de rester méfiante face à cette rencontre sortant de l'ordinaire... Je restais proche de ma moitié, la plaçant légèrement derrière moi par sécurité.

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Coeur vaillant qui sombre dans les ténèbres. Rêve incertain et sourde venue. Ou bien encore clameur des vents et incomprise des temps.

Je m'attelais à ne laisser plus rien ici, tout du moins à la vue de tous, tandis que les paroles de cette chanson sortais de ma gueule sans que je ne sache trop pourquoi. Elle m'étais revenue depuis quelques jours déjà. Si je n'étais qu'une petite Gräarhonne la première fois que je l'avais entendu, je comprenais mieux son sens aujourd'hui.

Je m'arrêtais derrière mes dernières tâches, le regard balayant ce petit coin que j'appréciais malgré le reste. Tout le reste à vrai dire. Cette envie de partir chercher des réponses au sujet des Couronnes était, je pensais, une idée des plus incroyables ! Enrichissante, excitante, avec de l'angoisse caché là dessous mais aussi un moyen de prouver que moi aussi, j'étais capable de faire des choses pour les autres. Et puis, les jours qui avaient suivis ce terrible dialogue avec Nyana, j'avais mûrement réfléchis. Quel ironie de vouloir quitter Néthéril après avoir tant espérer y retourner ! Et pourtant, toutes mes réflexions s'étaient terminé sur une même conclusion. Si je partais, ce n'était pas seulement pour les autres Gräarhs. Non, c'était surtout pour moi. Je n'avais pas souvenir que les Gräarhs de Néthéril avait changé à ce point. Où était-ce moi ? Oui sans aucun doute. Non, les Gräarhs étaient toujours les mêmes, la force, l'honneur, et où est-ce que tout ceci les avaient mené ? Il n'y avait pas un jour où je n'avais pas au moins un souvenir des guerres entre nos propres peuples, alors que je n'étais qu'une toute jeune Kisaan. Ma propre espèce s'enlisait dans un tourbillon se noirceur. Peut-être y avait t'il un nouveau petit espoir avec quelques félins qui semblaient avoir des idées neuves ? Au par les Esprits je l'espérais.

Je tournais ainsi vivement mon regard sur mon gros sac de voyage maintenant plein. Et une douleur invisible cogna mon cœur en repensant à Nyana qui n'avait pas supporté la nouvelle. J'avais essayé de la comprendre, j'avais essayé de culpabiliser, mais je n'y arrivais même plus. Si je souhaitais changé, devenir plus forte peut-être, qu'étais-je en train de devenir ?
Serrant la mâchoire, je calmais le flux de pensées et j'essayais simplement d’attraper la détermination et ma curiosité palpable au sujet des Gräarhs de l'ancien temps. Ils se trompaient, même Nyana se trompait. Je n'avais pas perdu un honneur, je n'avais pas non plus à en récupérer. Cette légion ne souhaitais pas m'y voir parmi elle, pourquoi me voudrait-elle plus tard ?





Mon souhait de vouloir rejoindre Calastin s'était un peu plus dessiné lorsque j'avais entendu parler de la venu d'un très haut dignitaire de Sélénia. Je connaissais la capitale lorsque je me trouvais encore à Caladon, mais de ce que j'avais appris depuis mon retour du Domaine Baptistrale, c'était que bien des choses c'était passé en même temps sur Calastin. Un Empire semblait avoir prit naissance, certains parlé de renaissance, tandis que j'essayais simplement de comprendre la différence entre le avant et le maintenant. Dans tout les cas, c'était une première, me semblait-il, qu'un empereur en personne viennent parlementer et s'intéresser même de près à Vat'Aan'Ruda'.

Là encore, j'étais curieuse,. Inquiète, bien sûr ! On ne change pas une personne en un jour. Mais aussi intéressée. Très intéressé par ce que pouvait apporter l'Empire à ces Gräarhs. Enfin un air nouveau et libérateure avec aussi la venu de ce Tribyoon du nom de Asolraahn ? Encore une fois je l'espérais.

Mon soulagement avait bien évidemment était de mise d'ailleurs lorsque le géant Gräarh à la grosse crinière avait accepté ma venue pour aller rencontrer cet empereur. Encore à ce moment là, Nyana devait en être pour quelque chose, elle qui était remontée en flèche avec son cœur ardent. Le temps où nous étions si proche me paraissait si loin que je me forçais de ne pas y penser. Au risque de chuter sans jamais pouvoir me relever.
Je voyais donc en Asolraahr un profond respect, lui qui ne s'arrêtait pas au fait d'être Ashudd ou non. Lui qui n'avait pas oublié son passé a contrario de tant d'autres.

Le sac sur le dos, les oreilles plaquaient contre mon crâne, j'avais donc suivis le groupe en retrait. Voir Nyana du coin de l'oeil me fendait le cœur, mais je ne disais rien. J'avais choisit de prendre mes affaires, au cas où, en priant les Esprits pour que cet Empire, si l'on pouvait appeler cela ainsi, accepte bien de prendre une Gräarh sans importance à bord. J'avais bien évidemment imaginé un refus sur ce sujet là. Ce qui étais sûr, c'est que je quittais la Légion aujourd'hui, j'avais toujours des amis au Domaine Baptistrale pour m'accueillir le temps de trouver une solution. Cette simple pensée me réchauffait alors un peu le cœur.

Une heure passa, à me demander ce qu'était toutes ces égratignures sur le pelage de ma so...Nyana. À m'imaginer la suite où encore à penser à ce bon vieux ragoût que j'avais enfin réussi à préparer la veille. Puis des ombres se dessinèrent dans les ondes de chaleur.

Enfin, des hommes qui n'étaient que des dessins furent bientôt face à eux. Mon cœur avait faillit manquer un battement lorsque le Tribyoon lui fit signe d'avancer avec Nyana pour se placer de part et d'autre de lui. J'avais osé un sourire à la gräarh que j'aimais encore si fort. Puis mes pupilles se plongèrent dans cet inconnu. Je souriais, essayait de paraître avenante, comme je l'étais en réalité, avec l'appréhension un peu plus retenue qu'autrefois. Le passage des Couronnes et d'autres événements commençaient à m'entraîner sérieusement sur cette voix.

Je portais ainsi une attention particulière à un homme qui se détachait du reste du groupe alors que la voix puissante d'Asolraahn s'élevait.

Le Tribyoon avait prévu nombre présent pour cette entrevue, moi-même, j'en avais un qui pouvait être des plus ridicule au possible. Mais, après tout, mon nom était Reynagane Shäa non ? Il fallait simplement attendre encore un peu pour voir le comportement de cet empereur. Dans tout les cas, mon présent n'était pas des plus discret vu que c'était la seule petite plante qui dépassait d'une de mes sacoches avant.

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L’attente ne fut pas très longue pour Claudius ainsi que toute la délégation impériale venue à la rencontre de la Légion Graärh. Le temps pour le nouvel Empereur d’assimiler les quelques spécificités de la région  : l’émissaire Delimarien les accompagnant semblait tout à fait au courant des derniers changements qui avaient eu lieu au sein de la légion Vat’Aan’Ruda, aussi il pouvait tout à fait abreuver Claudius d’information, qui ne connaissait pas grand chose du système Graärh.

L’Émissaire se montra assez exhaustif, et lui enseigna le système de fonctionnement de la Légion : là il s’agissait de mettre un point d’orgue sur l’honneur partout dans leur système, mais également que cette légion de Néthéril avait une forme de pouvoir particulière. Habituellement rôdé à un système matriarcal, en l’absence de reine, cette légion faisait exception en ayant à sa tête un conseil tribal.

Ainsi aujourd’hui, Claudius allait rencontrer quelques personnalités notables de la tribu, dont un conseiller : Asolraahn, un fier combattant dont l’émissaire ne tarissait pas d’éloges “mais le mieux, ce sera quand vous le verrez par vous-même” lui avait-il finalement intimé. L’Empereur lui avait intimé un petit sourire, avant d’attendre avec les autres.

Bientôt, il vit un petit groupe de félins sur deux pattes apparaître dans la savane : se devait être les fameux graärh. Claudius les observa de loin avec une attention particulière : il trouva cela amusant que malgré les combats communs qu’ils menaient, et depuis le temps qu’il était sur l’archipel, le Havremont n’en rencontrait que maintenant.

Ils semblaient tous mené par un très grand félin blanc, bien plus grand que les autres, et probablement plus grand que Claudius lui-même. Il avait aisément le gabarit des Glaçernois, en plus … Velu. Là, un cri de rapace se fit attendre au même moment, et puis le meneur de troupe s’approcha.

“Le Tribyoon Asolraahn, Votre Majesté Impériale”

Lui intima doucement l’émissaire, qui semblait lui aussi admiratif. Quant à lui, Le Havremont regarda avec intérêt le petit groupe de trois s’approcher : Asolraahn, et deux femelles donc. Bien que leur apparence féline était troublante au premier abord, Claudius décela rapidement chez les trois une démarche fière et déterminée. A défaut de s’être vraiment parlé, le langage corporel parlait pour eux : ils semblaient tous trois avoir été pétris par l’honneur et la fierté. Voilà un terrain d’entente pour ces quatre là.

Le Havremont attendit encore un peu, et se fit finalement une image définitive de ces trois là : Asolraahn était indéniablement le plus impressionnant, avec ses trois mètres de hauteur et sa très grande perche rouge (qui rappelait à Claudius de mauvais souvenirs passés en compagnie du dragon de l’Ire), cependant, l’Empereur eut aussi un regard sur les deux femelles derrière lui : l’une au pelage sombre, et aux marques multiples, comme si elle avait été marqué à jamais par la guerre, et l’autre au pelage clair et tacheté par des couleurs plus sombres, avec un pétillement dans les yeux assez distinctif.

Finalement, ce fut Asolraahn qui s'exprimait en la langue des humains, facilitant le dialogue entre les deux personnes :  

“Nous sommes des étrangers dans votre bivouac, nous venons souhaiter la bienvenue à ceux qui parlent en ami.”

Claudius leva la tête (fait rarissime venant de quelqu’un qui avait plutôt à la baisser pendant toute sa vie, sous peine de se prendre des dangereux objets comme des lustres ou des haut de portes), et fit un grand sourire au conseiller qui venait de l’accueillir à bras ouverts. Le Havremont tendit la main pour que les deux puissent avoir une poignée digne de ce nom, avant de réciter les quelques mots en langue graärh que l’émissaire lui avait appris pendant la traversée :

”Je … Nous … Hmm … Sommes ravis de vous … Rencontrer, Tribyoon Asolraahn. Je suis Claudius de Havremont … Empe… Empereur de Selenia.”

Le Havremont eut un petit sourire. Oh il savait bien qu’il devait sans doute être inexact et avoir un accent à couper au couteau, mais qu’importe. Il avait au moins fait l’effort de parler autre chose que le commun. Et pour quelqu’un d’aussi fier de son pays et de sa langue que Claudius, cela représentait déjà un gros effort.

Il reprit sur un discours en commun cette fois-ci :

“Votre réputation vous précède. Les échos de vos combats ainsi que ceux de votre légion ont traversé les mers pour parvenir jusqu’en Sélénia. C’est un honneur d’être reçu par votre légion aujourd’hui. Nous avons apporté de modestes présents pour vous pour célébrer ce grand jour. J’espère que ceux-ci vous plaieront.”

Là, Claudius n’eut qu’à claquer d’un doigt, et de suite la délégation se rapprocha, avec les bras chargés. Le Havremont expliqua ce que les paquetages contenaient : essentiellement des grands sacs de vêtements séléniens typiques, pensés et conçus pour un peuple plus félin cela allait sans dire, mais aussi un grand marteau à deux mains que l’Empereur tendit à Asolraahn :

“L’on m’a dit que vous maniez les armes contondantes avec une grande habileté. Nous avons cela en commun, Tribyoon. Bien que votre bâton soit plus qu’impresionnant, je souhaite vous octroyer en ce jour mon grand marteau de guerre personnel. Il s’agit d’un des meilleurs Redresseurs de Torts de l’Empire. Il m’a accompagné dans de nombreuses batailles, et j’espère qu’il vous sera utile à vous aussi.”

Claudius eut un petit regard vers l’arme, avant de la tendre vers Asolraahn. Le Havremont avait beaucoup de possessions personnelles en tant que noble, mais comme tout soldats, ce qui le rendait le plus fier était ses armes et ses armures. Alors quand il faisait don de l’une d’entre elles, c’était signe d’une grande marque de confiance.

Une fois que le protocole fut respecté, il ouvrit son regard, et porta son attention sur les deux autres félines, plus petites et discrètes, mais que le Havremont ne perdait pas du regard depuis le début.

“Je crois que je n’ai hélas pas eu l’occasion de vous connaître. Néanmoins je ne serais que très honoré de connaître vos histoires à toutes deux. Notre peuple a beaucoup à apprendre du vôtre”

Fit sobrement Claudius, invitant les siens à approcher. L’Empire avait autrefois brillé pour son immensité et son ouverture aux cultures d’autrui. Il était temps que cela soit à nouveau le cas, après des années à souffrir.

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L’homme tendit la patte dans sa direction. Le géant opalin se raidit, mais il ne s’agissait pas d’une posture défensive car il avait senti dans l’air la sérénité de son geste. Ce qui l’avait fait réagir ainsi n’était ni plus ni moins qu’un souvenir fugace de ses dernières pérégrinations. Il se remémora une frégate sur les flots, un large bâtiment de bois humide et de toile, couvert de cordées de secours et des balustrades pour ne pas glisser car le mouvement entêtant du navire en avait fait tomber plus d’un par le fond. Sur le pont, les marins s’encanaillaient à propos du vent et de sa vitesse. Ils étaient liés à ce navire, traversés du même fluide, de la même eau invisible et vive qui gonfle la voile de leur demeure mobile. Le félin en avait rencontré plusieurs, n’avait discuté véritablement avec aucun d’entre eux. Parfois, ils avaient exécuté ce même geste qu’Asolraahn ne pouvait comprendre alors, avant de deviner bien plus tard à quelle forme de salut il correspondait : De leurs propres mots, on « se serrait la pogne ».

On avait tous droit à une seconde chance semble-t-il.

Asolraahn tendit sa patte et serra la main du dirigeant. Il jugea qu’il avait plutôt bien répondu aux exigences de cette coutume, quoiqu’il prît garde à ce que ses griffes n’importunent pas la chair de son interlocuteur.

Puis l’homme prit la parole, se présenta comme Claudius de Havremont. L’effort de parler dans leur langue fut grandement apprécié et le félin entendit des murmures d’approbation derrière lui. Il était vrai que malgré un accent à hacher au couteau, il était étrange et même amusant d’entendre des paroles Graärhs de la bouche d’un humain. En cela, le Tribyoon tiqua à la fonction impériale qu’il décrivit. Le mot empereur existait dans leur langue mais il n’avait pas de sens car les légions n’avaient pas de tels systèmes politiques. Néanmoins, Asolraahn supposa qu’il avait en face de lui ce qui se rapprochait le plus de l’Aaleeshaan de Sélénia, et bien que cela soit inhabituel de voir un mâle endosser une telle responsabilité, il sut qu’il devait présenter ses respects les plus grands.

Il y eut encore de nombreuses formules protocolaires, l’émissaire sélénien prit également la parole dans un accent plus travaillé et cependant mécanique. L’empereur, comme il se faisait appeler, présenta de nombreux cadeaux et Asolraahn répondit en silence en présentant les siens également, que quelques Garal affichèrent ostensiblement en les sortant de grands coffres. Mais il eut alors droit à sa propre marque d’attention, car Claudius lui offrit personnellement un grand marteau formé d’un bloc poli, au manche incurvé et à la garde agréable. Le géant opalin eut un regard sévère sur l’arme. Happé par le processus général de ces bienveillances entre leurs deux peuples, il aurait été impoli de refuser un tel présent. Toutefois, en tenant de sa patte l’impressionnant outil de guerre, le géant opalin se demanda avec beaucoup de curiosité et d’inquiétude comment les séléniens pouvaient être autant au courant de leur situation et jusqu’à quelle frontière leurs connaissances sur eux s’effondraient.

Asolraahn planta d’un grand geste son bâton dans la terre, sachant que nul ne saurait avoir la force de le lui reprendre et prit le marteau avec lui :

-En mon nom et au nom des Garal je vous remercie. Quant à votre cadeau, je le porterai avec fierté et en montrerai sa finesse car il s’agit d’un objet de splendide facture, bien que je n’ai nul tord à redresser sur cette île pour le moment.

C’était un fait que le guerrier qu’il était crut bon de soulever. Il n’était pas un Graärh très diplomate mais il lui semblait important de souligner que Vat’Aan’Ruda était ordonnée et répondait à des lois aussi strictes que n’importe quel autre peuple. En Néthéril, les Garal étaient honorés d’en respecter les termes, et bien rares étaient ceux qui s’éloignaient de la couleur du blason de la légion. Du reste, il poursuivit d’un filet de voix grave et profond :

-Je suis heureux d’apprendre que nos faits guerriers sont connus sur l’archipel. Peut-être en dissuaderont-ils certains de venir dans cette région pour nous en disputer la terre. Dans le cas contraire, nous la défendrons, mais notre sang est Graärh : avant d’être des guerriers, nous sommes d’abord un peuple qui a faim de paix.

Ce n’était pas très convaincant, d’autant plus lorsque ses paroles venaient d’un félin de plus de trois mètres équipé pour le combat. Le géant opalin n’était pas à l’aise pour ce genre de discours, tant dans l’apparence que dans le ton bourru et peu accoutumé à la conversation. Pourtant, il était sincère. La légion Vat’Aan’Ruda ne se battait que pour se défendre, était loin d’être une race conquérante, et son bâton ne servait qu’à protéger ; quant à tuer, ce n’était que lorsque nécessité faisait loi. Les pirates avaient pendant longtemps érodé ce comportement, mais cet état de fait existait toujours. En tout cas, Asolraahn l’espérait. Et il n’avait pas l’intention de vendre son bras armé, ou celui de ses légionnaires.

Il laissa ensuite l’empereur discuter librement avec les deux Graärhs, qu’il présenta comme Nyana Valthana et Reynagane Shäa, leur nom respectif qu’importe leur appartenance à la légion ou non. Il était étrangement certain que cette dernière s’en sortirait mieux que lui pour ce qui était des présentations. Après tout, les deux femelles avaient été fut un temps chez les bipèdes. Il en ignorait les tenants et aboutissants, sachant simplement qu’ils avaient forgé leur caractère dans un métal plus solide que le marteau appuyé sur son épaule. Finalement, les derniers shikaree perdirent les quelques traces de soupçons qu’ils nourrissaient encore et, avec l’accord du Tribyoon, se mêlèrent à la délégation. Lui-même n’hésita pas à s’entretenir avec l’émissaire Delimarien. Il ne put s’empêcher de lui demander sur combien de lieues s’était déroulé leur trajet, pour qu’il lui montre la superficie de leur royaume, celui des autres se trouvant sur Khokhattaan aussi, et évaluer les distances les séparant de Néthéril. Il nota cela dans un coin de son esprit, puis, se retournant vers l’empereur qui discutait toujours avec les deux sœurs, il déclara solennellement :

-J’ai bien peur de ne pas respecter votre long voyage en vous forçant à rester debout dans ce sombre talus. Je souhaite vous inviter dans la demeure du conseil à Vat’Aan’Ruda. Vous goûterez nos mets et apprécierez le vin du pays.

La délégation sortit ainsi du petit bois et prit la direction de la légion, s’ouvrant à Néthéril au grand jour.

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Sous le soleil de la savane, nous observons en silence… Mon regard se perd à travers le sable fin, la chaleur ardente qu’offrait l’astre jaune. Nous étions en face de bipède, c’est même créature qui m’avait maltraité, vendu pour obtenir des biens personnels. Etions nous de simple objet pour tous ? Le monde est si compliqué, alors qu’avant tout semblait plus simple… Si nous nous replongeons dans le passé, dans ces histoires qui fait vivre notre vision de l’univers, qui nous enfonce dans la terre pour soutenir chaque parole, chaque vérité qui nous rende plus forts. Je suis née pour mener ma partie à sa réussite, pour la défendre comme nous on enseignés nos prédécesseurs, ceux qui ont fait don de leur sang pour que nous puissent voir la lumière un jour de plus.

Je me sentais perdu entre mes ancêtres et le nouveau monde, car les temps changent, tout évolue et nous devons un jour ou l’autre relâcher la corde qui nous encre dans le sol pour voir ce que le ciel peut nous offrir… Peut-être pour la première fois depuis tant d’années, ceux qui ne portent pas de fourrure, tente d’apprendre notre culture, de découvrir en nous autre chose qu’un bien meuble… Dois-je offrir ma confiance ? Dois-je évoluer dans cette nouvelle ère ? Je ne saurais pas le dire, je ne sais plus vraiment ce que je dois penser, car tout est allé très vite et l’histoire semblait m’embarquer dans une aventure bien plus grande que je ne l’aurais cru…

Destinée, es-tu écrite ? Mes croyances qui ne sont pas aussi profondes que ceux que j’appelais sœur me font douter de tout… Qui dois-je écouter ? Mon cœur ou ma raison ? Pourquoi me poses-tu ce dilemme ? Moi qui pars le passé ne désirais qu’une chose, rapporter assez de nourriture pour faire survivre mon clan. Mais aujourd’hui, tout est différent, je me bats pour mon peuple, pour que les nouveaux nés puissent grandir en sécurité, pour qu’ils puissent avoir un lendemain, un nouveau levé de soleil sur lequel poser leur prunelle et honorer à leur tour tous ces héros qui peuplent notre ciel étoilé.

Durant un cours instant, mon regard s’est perdu dans ses pensées, durant le moment, où l’homme sans poil sur le crâne avait offert un présent des plus généreux à celui qui veillait sur nous en l’absence de dominante. Peu à peu, notre peuple retrouvait une stabilité, elle était encore fragile, mais chaque pensée se dirigeait vers le grand blanc…

Doucement, mon regard passa sur ce géant de nacre, puis retourna vers le bipède sans poil lorsqu’il s’adressa à nous deux, simple Graärh de seconde zone. Les oreilles vers l’avant, j’étais légèrement hésitante au début, quelques souvenirs douloureux étaient revenus dans mon esprit, puis s’estompèrent doucement. Toute ma confiance se dirigeait vers le Tribyoon, s’il lui faisait confiance, alors je ne pouvais que faire de même, enfin…Presque…

M’avançant légèrement vers le mâle dominant, les autres membres de la tribu c’était rapproché pour converser à leur tour, et apprendre plus sur ce peuple qui venait d’au-delà de l’océan.

« Bienvenue sur Néthéril, je me nomme Nyana et voici Reynagane. Nous avons accompagné notre Tribyoon, car nous avons passé un certain temps avec votre espèce. J’espère que vous avez fait bon voyage. »

J’avais laissé la place à ma sœur, ne sachant pas vraiment quoi dire à ce grand mâle, qui par son aura semblait déjà plus imposant que les autres… Alors que mes pupilles l’observaient avec une grande attention, je ne parvenais plus à me décrocher de cet être qui semblait sortir de l’ordinaire… Il y avait quelque chose, une chose que je ne parvenais pas à décrire… Elle était présente chez les plus grands, une aura qui était digne d’un grand guerrier… Comment peut-on parler à un humain ? Notre vision des choses est bien différente, mais entre guerriers, entre deux individus qui vivent la même chose, parfois les mots ne sont pas nécessaires, et avec le regard, nous parvenons à communiquer… Il me manquait toujours des preuves, il me faudrait toujours un temps pour m’adapter, mais je pouvais sentir cette puissance qui se dégageait de cet être… C’était doux et en même temps si brut… Ceux vivant dans ce monde où le sang coule à flot, se déversant sur la terre, qui s’abreuve de ce fluide pour s’épanouir et honorer la mort de ceux qui se sont sacrifié pour leur patrie, nous ne pouvons que nous comprendre… La protection de ceux qu’on aime, est notre seule priorité, apportant un bien-être à notre communauté.

Je m’approche de nouveau, instinctivement, sans comprendre ce que mon corps faisait. Je me laissais guider par mes instincts primaires, posant ma large patte sur le torse de l’invité, laissant un faible ronronnement, suivis d’un regard dur, puis mon regard se baisse, inclinant par la suite la tête vers le sol. Je ne parvenais pas à trouver les mots à cet instant précis, peut-être que cela viendra plus tard…

Les paroles du grand blanc me réveillèrent de cette légère trans, quittant le ce contact physique pour prendre la direction de la cité de notre tribu. Je suivais fidèlement les miens, gardant du coin de l’œil ma sœur et l’homme sans poil qui attisait ma curiosité…

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Mon sourire glissait sur mon museau en écoutant l'Empereur de Sélénia se présenter tant bien que mal dans notre langue. Reprenant la langue commune pour faciliter son dialogue, je tournais un regard en biais vers les Gräarhs derrière nous qui n'avaient pas tous eu la « chance » d'apprendre correctement la langue des Hommes.

Les présents changèrent ainsi chacun de camp. Je reportais pour ma part une attention particulière vers l'Empereur qui offrait une magnifique arme à notre Tribyoon. Plissant les yeux, essayant de sonder les pensées du prénommé Claudius de Havremont. Il n'y avait ni dans ses paroles, ni dans son regard une fourberie naissante. Il était temps pour moi de baisser les barrières que j'essayais tant bien que mal de construire. La foi et la confiance étaient deux choses que je ne pouvais rejeter.

J'écoutais Asolraahn en remuant les moustaches d'amusement. Il appréciait grandement ce présent et c'était d'avantage de plaisir que ce premier échange se passe de la sorte. On pouvait sentir dans l'air un renouveau qui ne pouvait faire que du bien.
Les corps se mélangèrent et des dialogues firent leur apparition de part et d'autre de cette rencontre peu commune. J'avais dressé mes oreilles en écoutant les dernières paroles de l'Empereur à notre sujet à ma sœur de cœur et moi-même. Soudain crispée, je ressentais ce voile glaciale qu'il y avait encore entre elle et moi. Pourquoi tout ne pouvait-il pas être comme avant ?

Je saluais avec grâce l'Empereur Claudius de Havremont, une patte sur le cœur, tandis que Nyana entamait la conversation pour mon plus grand étonnement. Je lui jetais encore un dernier coup d'oeil, voyant à quel point... peut-être nous avions changer toute deux. Une petite voix me disait pourtant que si Nyana avait fait le premier pas, c'était bien qu'il y avait chez cet homme une aura honorable.

- Nos terres doivent assommer vos corps de sa chaleur, étiez-vous déjà venu sur Néthéril auparavant ? Demandais-je en plongeant mon regard perçant dans le sien.

Je gardais mon sourire et mes yeux brillants même si un voile plus sombre traversa une seconde mon regard.

- En effet, un certain temps avec les Hommes serait peu dire pour trois années d'esclavages à Caladon la Revenante, reprenais-je après les mots de Nyana. Si ma mémoire ne me joue pas des tours, Sélénia avait déjà abolie l'esclavage avant notre... départ de la cité. Et c'est bien là un détail que nous ne pouvons ignorer toute les deux. Le fait que vous preniez le temps de venir jusqu'ici est une preuve bien sincère et symbolique à nos yeux, grand Claudius de Havremont. Combien de temps son passé depuis le dernier échange ?

Longtemps. Des choses avaient, au dire de certain, déjà commencé à se mettre en place au temps de la reine Victoria mais jamais j'avais pu y prendre part avant ce jour. Je sentais ma timidité reprendre soudain le contrôle de mes actions et je me dépêchais donc d'enlever l'une de mes multiples bandoulières qui portait la petite plante feuillus tombant en cascade autour du tissu.

- Malgré tout les présents que vous avez reçu, je tenais personnellement à vous offrir cette paudha. Déclarai-je en tendant le sac vers l'Empereur. Se n'est pas grand chose à côté de tout ces coffres et ces merveilleux tissus mais la Zat ne pousse que sur Néthéril et est la plante la plus coriace que je puisse connaître. Elle survivra au température clémente de Sélénia et lorsqu'elle sera en fleur, le parfum qu'elle dégage  a pour vertus d'apaiser les esprits contrariés. Évitez simplement de dormir à côté d'elle la nuit, terminai-je en riant légèrement, l'oeil malicieux.

Le Tribyoon reprit alors la parole et je ne fut que curieuse d'entendre l'invitation d'Asolraahn dans la Légion. Là, peut-être que le fossé allait s'agrandir en revenant vers Vat'Aan'Ruda. Le conseil n'acceptez pas les Ashuddhs mais un regard vers le géant pâle et je réussissais à garder la confiance envers lui. Il savait ce qu'il faisait.

Il était temps de reprendre le chemin en sens inverse, avec l'idée qu'il faudrait quitter une deuxième fois la Légion si les Hommes acceptaient ma présence. Avant de penser à tout cela, il était grand temps de mettre au clair la venue de cet Empereur en ces terres.

Le sol brûlant balayait par l'air sec suivit nos pas durant tout le voyage de retour. Les hommes avaient de plus petites foulées que nous autres, mais je ne cachais pas ma surprise en les voyant tenir une allure plus que correct. Enfin, après un peu plus d'une heure de marche, les remparts de la Légion se dessinèrent dans les brumes de chaleur. Regrettable que je ne ressente pas plus de fierté en observant le cœur de mon peuple.

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Si Claudius était inquiet de son arrivée sur Néthéril, et de la potentielle répercussion que cela aurait pu avoir sur son Empire, l’hospitalité des Graärh fit mentir ces quelques ressentiments.

Le Havremont était par essence assez casanier, et mettait rarement le pied en dehors de son territoire, si ce n’est pour guerroyer. Aussi voyager en des seules fins diplomatiques le changeait un peu de ses habitudes, et il fallait bien le dire, était complètement nouveau pour lui et lui ouvrait des nouvelles lectures sur le monde qu’il habitait.

En l’occurence, il avait eu vent des quelques conseillers délimariens qu’il avait pu rencontrer que les Graärhs représentaient un enjeu crucial dans la mesure où ceux-ci étaient assez cordiaux, et étaient une force substantielle à prendre sous les ailes renaissantes de l’Empire.

Mais tout de même, le Havremont s’attendait à une contestation plus forte : sûrement que des préjugés quant à cette race était venu brouiller son esprit. Ou peut-être était-ce les ravages de la guerre qui avaient changé le comportement des Graärh, qu’il aurait estimé beaucoup plus … Territorial. La Guerre et la détresse changeait bien des comportements. Claudius n’avait qu’à se regarder lui-même pour comprendre cela, mais aussi bien d’autres personnes de son entourage.

Il était ainsi en face d’un peuple avenant et sympathique, appréciant les cadeaux faits par lui-même et la délégation. Fort bien. Le futur Empereur se sentait déjà un peu plus à l’aise, et détendit ses muscles quand le géant opalin l’invita à se rendre dans la demeure du Conseil. Chose qu’il accepta avec joie, et il suivit par la suite les Graärh les emmenant là-bas. Ils feraient connaissance en chemin.

A la remarque d’Asolraahn quant aux faits guerriers des Graärh, Claudius ne put s’empêcher une petite remarque :

“Au moins, nous avons cela en commun que d’être attaché à nos terres respectives, et de ne pas manquer de dire ce que nous pensons aux envahisseurs qui se croient plus malins que nous.”

L’Empereur se permit même un petit clin d'œil au Tribyoon : référence évidente à la situation de Sélénia, si les hommes félins et l’Empire n’avaient pas la même histoire, pourtant les deux factions portaient des stigmates équivalents.

Souvent, on retrouvait dans des ennemis de nos propres ennemis, des alliés inattendus. C’était d’ailleurs tout le pari diplomatique de cette visite plus ou moins impromptue à Néthéril. L’Empire tenait à retrouver un certain rayonnement au-delà de ses factions, alors il aurait été dommage de passer à côté d’un tel rapprochement.

Néanmoins, mis à part cette considération politique évidente, Le Havremont qui n’était finalement que très peu sorti de chez lui depuis l’arrivée des Humains sur Tiamaranta, voyait en cette visite l’occasion de s’ouvrir à d’autres cultures.

Si L’Impérial était naturellement très attaché à son foyer, il avait hérité d’une certaine vision universaliste où il pensait que des peuples avec plusieurs cultures pouvaient co-exister tant qu’ils étaient unis sous une seule et même bannière. Celle de l’Empire, en ce cas, cela allait sans dire.

C’était une certaine vision des choses, mais cela lui apportait une ouverture d’esprit suffisante pour par exemple, ne pas prendre peur quand la graärh qui se nommait Nyana s’approchait de lui pour entrer dans une espèce de rite de communion que Claudius ne comprit pas instantanément. Néanmoins, par ces gestes et son regard, qui n’étaient certes pas coutumiers chez les sans poils, Claudius compris de suite que la dénommée Nyana lui vouait un profond respect, chose qu’il chercha à respecter sans pour autant surréagir. Il baissa la tête de la même façon qu’elle l’avait fait, et lui adressa un regard entendu, accompagné d’un petit sourire.

Il se permit de lui répondre :

“Je suis enchanté de vous connaître Nyana. Je suis ravi de voir que votre Légion estime à sa juste valeur ceux qui ont déjà vécu quelque temps avec nous.”

Claudius laissa flotter la fin de sa phrase, comme s’il voulait ajouter quelque chose, mais se ravisa finalement. Il savait par ses informateurs de Délimar, et aussi parce qu’il était informé de façon plus générale sur l’état de son île et du monde, que la cohabitation entre Graärh et Bipèdes étaient en de très rares cas positifs ces jours-ci.

Le choix qu’avait fait Selenia de ne pas autoriser l’esclavage avait été longtemps peu respecté, par l’Alliance et les Pirates notamment. Bien que Délimar ait été un cas d’école sur la question en matière d’abolition, cela avait pris du temps. De ce fait, il y avait fort à parier que Nyana n’avait pas dû vivre des jours heureux en leur compagnie. Mais pour autant Claudius préféra se taire à ce sujet, plutôt que de prononcer une parole malvenue.

Il eut toutefois la confirmation, quand se fut au tour de la deuxième féline de s’exprimer. Elle fit mention de trois ans d’esclavage à Caladon, et relata un peu d’histoire et leur vision des choses quant aux territoires bipèdes et la condition des Graärh. Claudius ferma ses yeux un instant, avant de s’accorder un petit soupir et adressa un sincère regard compatissant à la Graärh tigrée :

“Je suis sincèrement désolé par ce que vous m’apprenez. Je n’ose à peine imaginer ce que cela fait d’être un jour esclave, alors trois ans … Nous autres de l’Empire, avons sincèrement à apprendre de votre résilience.”

Claudius voulut presque faire une accolade amicale à cette jeune graärh mais se ravisa finalement. Bien qu’il avait le contact facile, aller trop vite en besogne pouvait être mal perçu. Mais le Havremont compatissait sincèrement avec ceux qui n’avaient pas eu le loisir de se battre, ou pas suffisamment, contre ceux voulant asservir des peuples. Il reprit par la suite :

“Nous avons effectivement fait un point d’honneur à ne jamais tolérer l’esclavage sur nos terres. C’est une des valeurs fondamentales de notre pays, il est d’ailleurs un proverbe de l’Empire qui dit que jamais au grand jamais, un Homme ne devrait avoir à s’agenouiller devant un autre. Ceci, entre autres choses, a fait que nous avons connu bien des désaccords avec l’Alliance des Cités Libres, dont fait partie Caladon. Ils arguent et se vantent d’un système plus libre, et plus tolérant que le nôtre, mais ils feraient mieux de balayer devant leurs portes.”

Claudius eut un autre petit soupir. Il avait conscience que ces remarques politiques de sans poils n’intéressaient peut-être pas forcément les Graärh, mais il était question de clarifier sa position ici aussi. Il n’était pas seulement question d’une visite pour se faire bien voir, mais pour avoir une volonté de projet dans la durée. Ce que Le Havremont ne manqua pas de rappeler :

“Nos peuples sont restés loin depuis notre arrivée sur Tiamaranta, mais notre rapprochement avec Délimar l’Océanique dernièrement ainsi que les changements drastiques que notre pays a subi, nous a fait rendre compte de beaucoup de choses. Et notamment que nous devrions cultiver plus sérieusement ces pans communs de cultures que nos deux peuples ont.”

Claudius eut un petit sourire quand il vit la petite plante offerte par la Graärh tigrée, qu’il accepta évidemment avec joie. Il la prendrait dans ses mains pendant le reste du voyage jusqu’à l’arrivée des hommes dans l’enceinte de la Légion.

Il se servit d’ailleurs de cette plante afin de filer sa métaphore :

“Vous ne le savez peut-être pas, jeune graärh, mais notre peuple a une passion pour les jardins et les espaces verts qui composent nos maisonnées mais aussi nos villes. Alors laissez moi vous dire que nous ne venons pas uniquement pour recevoir des fleurs, bien que je ne manquerai pas de garder à celle-ci une place de choix dans nos jardins impériaux. Je souhaite que vous veniez voir sa floraison, voir peut-être que vous en plantiez vous-même. Que cet entrevue privilégiée nous serve à poser les bases d’une amitié qui sera riche pour nos deux peuples.”

L’Empereur leva les yeux au ciel, avant de terminer :

“Au-delà de faire face à nos ennemis que nous connaissons, c’est peut être vous qui allez pouvoir me répondre sur cette question. Comment nos deux peuples pourraient-ils mieux collaborer ensemble ? Demain, que souhaiteriez voir s’accomplir à Sélénia, pour vous ?”

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Ils émergèrent lentement du sous-bois avant de se regrouper pour descendre de la butte. Asolraahn avançait en tête de groupe, suivi de l’empereur, de Nyana et de Reynagane. Avant de sortir du talus, il avait expressément demandé à ses guerriers de rester derrière la délégation des bipèdes sur plusieurs toises, pour tracer du terrain sans trop de Graärh autour d’eux, histoire de les habituer tranquillement à la vue de leur peuple et leur faire découvrir la cité des wigwams. Ce n’était pas une attention envers le dirigeant sélénien qui avait l’air, il fallait le dire, en parfaite harmonie avec Néthéril et ses habitants. En revanche, il souhaitait être sûr de mettre à l’aise les autres membres de sa troupe pour éviter au mieux de la méfiance, au pire une discorde aux frontières du camp.

Il jeta un coup d’œil en direction de Claudius et écouta son discours avec intérêt. Les renseignements qu’il fournit sur la situation géopolitique de son île lui était déjà connu, grâce à sa rencontre avec Ilhan Avente au port de Nevrast. Néanmoins, il remarqua rapidement le ton désinvolte que l’empereur employait en mentionnant Caladon. Il vit des rides sautiller sur sa peau lorsqu’il leur fit part de leurs agissements. Il ne les appréciait guère, qu’ils soient esclavagistes ou non, et montrait une certaine animosité envers eux. Non, c’était même de l’hostilité. Etonnant comme certaines expressions perçaient la carapace de cet homme, s’incrustaient comme par enchantement, pour ressurgir à l’évocation de cette cité qui lui répugnait tant. Comme un fantôme creusant sa face.

Asolraahn ne pouvait rien en dire en réalité. Il n’avait guère d’estime pour la méthode de Caladon à diriger, qui permutait à leurs maux une soif dévorante de pouvoir et d’orgueil, au prix de la vie et de la liberté des Graärh qui peuplaient leur terre.

Mais dès lors que Caladon n’entrait plus dans la conversation, c’était autre chose. Le géant opalin demeurait silencieux ; ce n’eut pas bien été difficile en vérité, pensa-t-il, de se taire face à ce monologue débordant de passion que Claudius de Havremont n’hésita pas à poursuivre en l’absence d’opposition ou même de réaction ; Il s’étendit à loisir sur la politique entre les cités de son île, les arts et les jardins de son empire, son impatience à créer une grande amitié avec les Garal et les conséquences de cet acte et aussi sur les fruits de leur collaboration nouvelle.
Asolraahn approuva bien des points. Une chose était sûre : l’empereur savait comment captiver l’attention de son monde. Le géant opalin ne put que laisser passer le tumulte orageux de sa voix dans le duvet du vent qui les accompagnait.

La question de cette collaboration nouvelle ne cessait toutefois pas de tourner dans son esprit. Asolraahn devait avouer n’avoir jamais songé à ce que les peuples des bipèdes et le sien auraient à partager d’autres que leur puissance. Le géant opalin était avant tout un guerrier. Le monde qu’il avait vu de ses yeux lui avait fourni la preuve irréfutable que la légion seule ne pouvait survivre au milieu des clans vampiriques, des confréries pirates et des cités humaines. De son opinion, l’aspect militaire avait toujours eu une place primordiale dans le dialogue. Toute autre perspective entrait au second plan, d’autant plus que les légions n’étaient que peu ouvertes à l’expansion. Asolraahn ne voulait pas voir de Graärh s’exiler en masse sur Sélénia. Il valait mieux se contenter de cela pour le moment. La méfiance entre les Graärh et les humains était encore grande, et une seule rencontre, toute bénéfique soit-elle, ne permettrait pas d’améliorer drastiquement les relations entre l’empire et Vat’Aan’Ruda.

C’est avec cette réflexion qu’Asolraahn comprit son erreur : Il y avait bel et bien quelque chose bien au-dessus de l’union militaire entre la légion et les Havremont. Car cette méfiance vieille de plusieurs années entre leurs deux peuples devait être dissoute et peut-être était-elle en réalité l’aspect principal de cette rencontre :

-Admettons, dit-il soudain en réponse à l’empereur, que nos ennemis ne franchissent pas prochainement le col de leur île. Admettons que vampires et pirates attendent patiemment. En ce cas, apprenez que Vat’Aan’Ruda est un peuple libre et riche de culture. Nous avons longtemps vécu reclus sur cette île, avec pour seuls voisins les baptistrels à l’Est et les pirates dans les marais. Si les premiers se sont révélés des êtres plutôt discrets, les autres n’ont eu de cesse de faire des incursions sur nos terres, assiégeant des clans entiers, franchissant en force la Savane, pillant et tuant, en quête d’esclaves à ramener dans leur cité perfide. Ils ont insufflé une peur tenace dans le cœur de bien des garal. Mais plus que ça, ils y ont insufflé de la rancune pour toutes les pertes, pour les familles massacrées,… pour les pères qui ne retrouveront jamais leur graahron.

Le géant opalin se plongea dans le silence. Tandis qu’ils remontaient sur une colline, il observa en contrebas les camps Garal en pleine activité et les chasseurs qui partaient chercher de la nourriture pour le ragoût du dîner.

-Aujourd’hui, la légion a repoussé les pirates et la peur a peu à peu disparu, déclara-t-il enfin. Mais la rancune, elle, demeure. Mon peuple se méfie des gens qui sont venus par-delà la mer, Claudius de Havremont. À tord, je le crois. Mais il se méfie de ce que vous êtes et de ce que vous pouvez devenir. (Il se tourna vers l’empereur avec un sourire triste qui relevait difficilement ses coussinets) Et ils ne sont pas les seuls. Mes derniers voyages m’ont confirmé que ces mêmes comportements se retrouvent chez vous. Rares sont les humains à prêter l’oreille à nos rites et à notre histoire. La plupart ignore tout de nous et ne veulent rien savoir, quand ils ne cherchent pas simplement à acquérir la fourrure qui parsème notre chair. En cela réside notre plus grand combat car il sera long et âpre à remporter. Avant de mieux collaborer, peut-être devrons-nous d’abord mieux nous comprendre.

Le vent s’était réveillé sous sa forme primale, la plus douce toutefois : un zéphyr naissant, propice à des caresses de prime aurore bien que le jour soit haut et entier. Les Esprits-liés avaient conféré au ciel son tissu le plus bleu, à peine scintillant de quelques vapeurs nuageuses en direction du canyon. Rien de bien menaçant. Rien qui ne voila en vérité l’arrivée de leur troupe dans l’enceinte de la légion.

Lorsque les sentinelles ouvrirent les grandes portes, les tambours de la légion sonnèrent leur arrivée avec l’éclat d’un tonnerre grondant. Il n’y avait certes pas de meilleure entrée en matière sur les Garal qu’en arrivant sur la place principale de Vat’Aan’Ruda. Des wigwams de toutes les couleurs et ornés de tapisseries et de mosaïques les accueillirent dans la poussière sableuse de la savane. Là, des dizaines de Graärh vaquaient à leur occupation, en groupe ou seul et le bouillonnement de leur remue-ménage s’entendait à des lieues à la ronde.

-Voyez notre peuple sous son vrai jour, dit-il et cette fois il s’adressa à toute la délégation. Qu’il soit pour vous une agréable surprise. Bien que profondément meurtri par la guerre et les mois de douleur, la légion ressurgit de ses cendres par la bénédiction des Esprits. Notre unité fait notre force ainsi que la richesse de notre culture. Venez ! Nous vous montrerons bien des lieux de notre histoire si vous souhaitez les visiter et de grandes festivités viendront après.

Ils quittèrent la place et se dirigèrent vers la colline qui se dressait au-dessus des wigwams et qui était le territoire du conseil des trois tribus. Les étendards de la légion transperçaient le ciel Là, sur cette colline, Asolraahn se tourna vers l’empereur et inclina la tête avant de formuler une nouvelle suggestion :

-Comme je vous le disais, Vat’Aan’Ruda a faim de vie et de paix. Nous aussi sommes curieux de rencontrer les vôtres lors de futurs échanges. Je serais honoré d’en apprendre plus sur vos terres et de moi-même rendre compte de la gloire sélénienne.

Venir sans délégation donnerait toutefois une bien piètre image de leur légion. Le géant opalin eut soudain une idée pour renforcer sa troupe et eut un large sourire. Il posa une patte sur l’épaule de Nyana en déclarant fièrement :

-Et je suis certain que je ne serai pas le seul. Nyana est curieuse du monde et c'est une shikaaree à nul autre pareil. Elle m’accompagnera en tant qu’émissaire sur Khokhattaan.

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Le chemin du retour se fit au début dans un petit silence, pas complètement, car les Graärhs et humain échangeait entre eux. Notre troupe était légèrement plus à l'arrière, histoire qu'aucun de nous ne se sentent oppressé par l'autre espèce. C'était délicat pour beaucoup d'entre nous, car la méfiance était à son comble, même si je parvenais à dissiper quelques doutes que j'avais.

L'empereur s'exprima à coeur ouvert, on ne pouvait pas lui reprocher de ne pas être fidèle à ses principes et mâcher ses mots. Je l'écoutais d'une oreille attentive, restant proche du géant blanc, qui finit par prendre la parole, pour notre cause, ce que nous avions vécu et ce que nous ressentons au sujet des sans poils qui détruisent notre mode de vie. Par le passé, nous étions nombreux, et nous voilà presque décimés pour satisfaire des envies vicieuses.

« Sir Havremont, Reynagane vous a annoncé notre vie auprès de votre peuple sur une longue période. Mais depuis que je suis née, j'ai toujours éprouvé une profonde colère envers les humains, les elfes ainsi que les vampires. Comme la dit mon Tribyoon, beaucoup d'entre nous souffrent de cette colère, de cette peur que nous perdions encore quelqu'un. Nous avons toujours vécu simplement, nous contentant de ce que nous offre la nature. Nous sommes heureux avec cela. »

Je marquais une légère pause, car après avoir vécu comme un animal domestique, j'avais fini par comprendre que les sans poils avait toujours vécus avec des biens matériels et qu'ils leur en faut toujours plus pour avoir le sourire. Détruisant par la même occasion mère nature, pour l'asservir à son tour, créant ainsi des villes, des campagnes et des forêts. Ils ont cherché à devenir maître de leur destinée, oubliant que tout a un prix...

« Aujourd'hui, malgré ce sentiment, nous tentons d'élaborer une amitié entre nos deux peuples. Cela sera compliqué, même pour moi, mais si nous parvenons à mettre nos rancoeur de côté, je suis certaine que ce projet arrivera à son terme. Nous devons nous laisser le temps, apprenons à nous connaître, à nous accepter avec nos différences. »

Lorsque nous arrivâmes enfin sur notre territoire, accompagné par un son qui me fit battre le coeur. Un sourire traversa mon visage, il était si bon d'être chez sois, toutes ces odeurs, ces sons, cela faisait plusieurs mois que j'étais de retour, mais à chaque fois, ça faisait chaud au coeur.

Puis le grand blanc, posa sa patte sur mon épaule, curieuse de ce geste, la suite de ces propos me remplissait d'honneur. J'étais fière que le Tribyoon pense à moi pour l'accompagner dans ce futur déplacement, j'espérais être à la hauteur de ses attentes.

« Je serais heureuse de venir avec vous Tribyoon. »

Mon jumeau passa doucement pour me rejoindre, posant son front contre le mien pour me féliciter intérieurement. Je grandissais et il commençait à voir que mon expérience chez les humains m'avait rendu plus féroce qu'avant, mais aussi plus compréhensive. Je gravissais doucement les échelons.

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J'écoutais les paroles de chacun en avançant vers l'entrée de la Légion. Cet Empereur m'avait parlé avec franchise et honnêteté et tout me laissait maintenant à croire que l'humain avait de bonnes intentions quant à une bonne entente entre les deux peuples. L'idée de voir de mes propres yeux la petite pousse dans les jardins de l'Empire me firent ronronner tout doucement de plaisir.

Le doute. Je doutais depuis toujours. L'idée de quitter Néthéril était encore et toujours un doute de plus. Mais je ne laissais rien paraître. J'avais fait un choix, je le respecterai, même si...

Les tambours gravirent les chemins poussiéreux de la Légion tandis que nous nous dirigions vers la colline ou seul les plus grands de la tribu se réunissaient. J'avais malgré moi les poils légèrement dressés derrière ma nuque, heureusement que mon col cachait ce détail. Je n'avais rien à faire ici et bien que je faisais confiance à Asolraahn plus qu'à quiconque, il allait falloir que je reste prudente.

Un coup d'oeil vers Nyana et ses yeux pétillants sur notre Tribyoon et je laissais paraître un sourire malheureux. Partir ferait aussi du bien à la guerrière qu'elle était. Elle m'en voulait tellement mais avoir une Reynagane à côté de soit n'est pas chose facile. Au moins Nyana allait pouvoir trouver sa véritable place sans se préoccuper d'une Ashuddh qui ne viendrait que ternir une nouvelle réputation.  

Mieux valait se rassurer comme on le pouvait, non ?

J'avançais en restant proche tout en essayant tant bien que mal de réfléchir aux questions posés plus tôt de l'Empereur en faisant lien avec ce que Nyana et notre Tribyoon venait de dire.

- Les doutes sur une entente entre nos peuples ont été dit.

J'ignorais un soufflement que mon ouïe fine avait perçut avant de regarder le Havremont.

- Comment nos deux peuples pourraient-ils collaborer demandez-vous ? Comme l'on dit Nyana et vaah bhee vaah Tribyoon, nous avons tous des peurs et des aprioris néfastes les uns envers les autres. Peut-être devriez vous commencer par là.

Mes oreilles chauffèrent légèrement. Je ne m'étais pas inclus dedans par un choix simple. Certains Gräarhs seraient très réticent à s'allier à des humains. Il allait y avoir beaucoup de travail là-dessus, d'autant plus que le fléau de la piraterie était toujours présent. Bien que plus calme grâce à la protection du grand dragon rouge, il était toujours caché là, attendant dans l'ombre de pouvoir refaire le mal. Je poursuivit tout de même avec un sourire qui me qualifiait bien.

- La découverte et le savoir.

Je plaçais une patte sur mon cœur en regardant l'Empereur.

- Faire découvrir à votre peuple notre culture. Nous avons d'excellent artisans, des fabrications merveilleuses qui se perpétuent de génération en génération. Une alimentation, que certains qualifieraient de très banal, mais bien au contraire, riche et sans fins. Des façons de vivre et de pensées que votre peuple ne connaît certainement pas. Pour beaucoup, je pense encore... les Gräarhs sont dangereux. Qu'ils n'ont pas une réflexion bien développé et pire, nous ne sommes que des bêtes à dompter pour certains. Si votre peuple est prêt à apprendre de nous, alors tout ne peux que aller dans le bon sens. La langue gräarh est difficile, mais pas impossible. De la même façon, les Gräarhs de Néthéril ont énormément de chose à apprendre de votre façon de vivre.

Comment disait-on déjà ?

- « L'échange culturel est le chemin par lequel les âmes voyagent par-delà les frontières ».

Ou avais-je bien pu entendre cela ? Je réfléchissais une seconde en me rappelant avoir lu ces mots dans un livre au domaine Baptistral. Des mots vrais.

- Voir que les Gräarhs auraient la possibilité de vivre librement serait une chose merveilleuse. Je suis certaine que vous avez beaucoup à nous apporter et inversement. De nouveaux matériaux, des nouvelles façons de soigner et bien d'autres.

Je fermais ma gueule, ne sachant trop si je devais continuer sur ma lancé. Puis après un autre battement de cœur, je n'avais plus rien à perdre ici.

- Il est temps que les Gräarhs s'ouvrent eux-aussi au nouveau monde. Il est grand temps de s'adapter.

Cette fois-ci, je regardais les Gräarhs autour de moi avec un air assuré. J'étais soudainement fière. Chose qui ne m'arrivait jamais. S'adapter... Oui, ce que mon ethnie avait du mal à comprendre malheureusement. Mais avec le nouveau conseil et la simple venu de l'Empire jusqu'ici, je pouvais voir que les choses allaient enfin changer.

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Claudius entendit les remarques des trois graärh, et suivit gentiment le Tribyoon qui lui montra toute l’étendue de la Savane, et surtout le campement de la légion, qui ressemblait plus à une très grande ville en devenir. L’arrivée de la délégation de l’Empire se fit avec les honneurs, devant lesquels l’Empereur s’inclina avec respect, et prit le temps de saluer et échanger un mot ou deux avec les quelques curieux qui lui adressaient la parole, à grand renfort d’interprètes.

Mais des moins curieux, de ceux qui le dévisageaient, Claudius en vit aussi. Et comment leur en vouloir ? Comme le Havremont le savait très bien, le peuple gräarh avait été très longtemps des opprimés, et si même Sélénia s’était toujours vanté de ne jamais avoir badiner avec l’esclavage, il fallait dire ce qui était : l’attitude de certains n’avaient pas toujours été exemplaires avec cette race.

Les propres de la stigmatisation, de la haine envers l’autre, alors que contrairement à d’autres peuples qui eux étaient mauvais par natures, les Graärh n’avaient rien fait de mal; si ce n’est se trouver sur le chemin de personnes qui avaient besoin d’une main d’oeuvre à moindre coût.

Claudius soupira. Avec tout ceci, c’était vraiment très étonnant que les graärh ne se sentaient pas vraiment en assurance avec des sans-poils à leur côté. Mais, en vérité, les propositions que chacun faisait au fur et à mesure de la visite guidée par le grand Tribyoon, prenaient forme dans la tête de l’Empereur.

Les Graärh voulaient lever les a priori sur l’Empire par des échanges culturels, la découverte, le savoir et bien d’autres choses encore. Claudius se frotta la barbe, pensif, mais resta pour autant attentif à ce que les félins disaient. En vérité une forme de collaboration commençait à prendre forme dans la tête du Havremont :

“Aujourd’hui c’est nous qui sommes venus à votre rencontre félins, mais comme je vous le disais tout à l’heure -fit-il en regardant Reynagane-, je souhaite que vous aussi vous découvriez aussi nos terres, et je suis heureux que vous partagiez ce sentiment, si prendre la mer ne vous fait pas peur. Nous pourrions acheminer des embarcations spécialement pour vous. Ce ne sont pas de ces choses là qui manquent par chez nous, vous savez ...”

En effet, que cela soit des navires de guerre affrétés par les délimariens, ou des navires de commerce plus classique, la flotte impériale n’était pas la plus puissante mais elle avait bien monté en force et en moyens depuis le fameux rapprochement avec l’Océanique. Le Havremont inspira, avant de reprendre :

“En vérité, je pense que nous pourrions établir comme un carrefour commun de cultures, dans ces environs. Vous désirez vous ouvrir au monde, et nous voudrions faire en sorte que cette rancœur soit peu à peu chassée. Je constate que vous bâtissez quelque chose de grandiose ici : projetez-vous d’accueillir du monde prochainement ?”

La question était posée là : si Claudius avait eu des vents par ses conseillers de quelques changements dans l’organisation de la légion, il était évidemment loin d’être au courant de tout, et peut-être était-ce l’occasion pour ses nouveaux amis d’élaborer un peu plus sur la question, et sur leurs organisations.

“En tous les cas, je vois une myriade de possibilités à travers ces constructions … Un petit comptoir de commerce, ou quelque chose dans ce goût là pourrait être une première porte d’entrée sans trop affoler vos foules.”

Claudius jeta un petit coup d’oeil à certains félins qui était affairé à leurs tâches :

“Quelque chose de petit, que nous pourrions construire ensemble, qui recevrait une délégation régulière … Et libre à nous d’imaginer des suites à ceci.”

L’Empereur se frotta la barbe, avec un petit sourire satisfait : oui, cela pourrait être une bonne idée, et partir sur un établissement progressif permettrait à la fois de satisfaire les exigences morales des graärh, et les finances de l’Empire qui étaient loins d’être au beau fixe en ce moment.

“Bien sûr, nous pourrions imaginer une réciproque : nous accueillons déjà toutes les races par chez nous, et serions ravis de voir quelques-uns de vos peuples venir par chez nous ...  Ou tout simplement, peut-être faire du troc, matériel ou pas.”

Un échange de biens et de cultures : voilà qui promettait quelque chose de sympathique, si toutefois l’idée plaisait à ses congénères félins. Mais si tant est que les discours auxquels il avait eu droit jusqu’à là étaient sincères, alors possiblement que l’idée plairait.

Le Havremont inspira quelque peu, laissant passer quelques instants pour regarder la ville et entendre les bruits environnants de la ville, de ce peuple en pleine construction. Des choses qui lui rappelait bien trop l’état actuel de sa nation pour ne pas qu’il l’évoque ici :

“J’entends que votre peuple a faim de paix, cependant je me dois de vous avertir, afin que nous restions sur cette même base de confiance … La paix est une notion relative par chez nous.”

Là, Claudius quitta sa peau d’Empereur pour passer un instant dans celle qui lui avait toujours collé à sa personne : celle du soldat, du maître de guerre.

“L’Empire tel que je le conçois, tel que nous le concevons, est un projet auquel je tiens vraiment. Mais qui fait également beaucoup de jaloux. Nous sommes en guerre, contre les pirates, mais aussi contre leurs alliés vampires. Le Prince Noir du peuple de la nuit a brûlé une partie de notre capitale, et le Roi des pirates et ses sbires sont strictement interdits de naviguer sur nos eaux. Nous les attaquons à vue.”

Si Claudius n’avait pas trop de problèmes à dire que ses soldats avaient ordre de tirer des charges de feutonnerres sur les embarcations pirates dès qu’ils en voyaient, la situation avec le peuple vampire était déjà un peu plus compliqué, car il imaginait très concrètement le fait que les graärh ne veuillent pas d’ennemis en plus dans leur vie.

“Bien que négocier une trêve avec les vampires et leurs alliés soient dans mon programme de ses prochains jours, à la vue de la situation dans laquelle nous sommes, je me dois de vous dire que cette alliance risque de ne pas être de tout repos, et surtout qu’elle ne soit pas bien vu de tous.”

Claudius employa ici un ton grave, car il ne voulait pas mentir : il désirait qu’ils aient tous les trois les cartes en main pour savoir dans quoi ils s’engageaient si ce projet aboutissait.

“Mais si ce rapprochement a bel et bien lieu, sachez que vous pourrez compter sur nous en toutes circonstances, chers amis. ll n’y aura pas de peuples laissés sur le côté dans ma nation. A la vie à la mort, ou rien.”

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La chambre du conseil tribal où Asolraahn les conduisit n’avait rien d’un bâtiment sénatorial. Elle se tenait à l’air libre, sous les traits tissés de bleu du ciel et aux yeux des Esprits. Elle se révélait sur une colline de sable sur laquelle se semait une dizaine de wigwams au toit relevé. Leur forme allongée bâtissait un rempart à la forme circulaire que nul n’avait le droit de franchir. Il s’agissait là d’un mur bien pauvre pour les oreilles indiscrètes. Dans les faits, rien n’empêchait un Graärh malintentionné ou un peu trop curieux de se rendre à la colline et d’écouter une séance. S’il prenait garde à ce que des shikaaree ne se trouvent pas dans son dos, il pouvait même s’approcher plus encore et observer le conseil. S’il se faisait attraper, il n’y avait même pas de réelle sentence appliquée car l’on ne considérait pas cela comme un crime dans son sens le plus littéral. La relation entre le conseil et le peuple de la légion se combinait de confiance mutuelle et de bienveillance partagée. Ce n’était qu’ainsi que les Garal avaient pu accepter, à tord ou à raison, d’abandonner pour un temps le deuil d’une Kamda Aaleeshaan et de laisser les rênes du pouvoir à plusieurs Graärh. Dont le géant opalin.

Toutefois, aujourd’hui était une journée particulièrement chargée en excitation, un peu trop au goût d’Asolraahn. Dès lors que la délégation sélénienne avait pénétré le premier niveau de la cité des wigwams, l’affluence s’était garnie comme une jarre plongée dans un étang. Des Garal avaient manifesté de la curiosité à la découverte de ces êtres venus du Nord et d’autres un mécontentement ferme et évident. Ça, c’était pour les réjouissances. Car une grande partie des Garal de feu la tribu des Chasseurs de Smilodons crurent bon de se joindre aux multiples rassemblements ; ils portaient sur eux des doigts tranchés à la ceinture ou des oreilles coupées enroulées sur des colliers dont la matière ne laissait que peu de doute quant à la provenance ; c’était des trophées des anciennes guerres contre les pirates ; des morceaux de gloire ; des choses du passé ; des symboles qu’Asolraahn n’aurait jamais voulu voir à l’arrivée de séléniens. Il nota dans un coin de son esprit de parler à leur cheffe, Sa’riba Affrahna, et de faire en sorte que plus jamais ce genre de choses ne vienne le couvrir d’une telle honte. Avec leur arrivée, on sentit un climat de tension jaillir dans quelques zones de la cité. Ça fleurait bon la maroquinerie de métal, l’acier huilé. Heureusement que les humains n’avaient pas un flair aussi bien développé que celui des Graärh.

Il se félicita également de l’efficacité de sa troupe car celle-ci fendit la foule et barra le passage aux incontinents des parlementaires. Personne ne put outrepasser le seuil de leurs silhouettes élancées, si bien que la délégation ne parut pas tenir compte de ces désagréments. En réalité, l’empereur se montra plutôt affable et tranquille, discutant avec les curieux qui venaient le trouver avec un cadeau ou une patte tendue. Reynagane Shäa ne manqua pas d’attirer son attention sur la diversité de leur culture et sur la richesse de ce qui faisait leur peuple. Quant à Nyana Valthana, elle sut parler avec son cœur et exprimer la difficulté inhérente aux Graärh de suivre le mouvement des autres peuples. Elle ne manqua pas d’ajouter combien il était important pour eux de réussir à vaincre l’animosité qui les séparait tous. Elles s’exprimèrent de bien belle façon et défendirent leur cause sans maladresse aucune. Asolraahn regretta de ne pas avoir plus de Graärh aussi diplomates qu’elles. Lui-même n’était pas des plus habiles lorsqu’il s’agissait de fendre la poire en deux. La grimpette jusqu’à la chambre du conseil parut donc se faire sans heurt. Mais le géant opalin n’était pas dupe par ce qu’il venait de contempler. Il prit les devants en discutant avec deux guerriers à ses côtés qui s’évaporèrent sans mot dire.

Et pour la première fois dans une séance du conseil tribal, trois longues rangées de phalangistes gardaient la colline de sable avec de longues lances à la pointe effilée. Cela aussi était un détail. Cela aussi, Asolraahn le remarqua, passa sous la truffe de la délégation. Il s’imagina très vite que dans le milieu singulier de la soupape politique, des controverses et des pourparlers qu’était le leur, ces évènements étaient monnaie courante.

Le géant opalin s’installa tranquillement sur son siège au conseil, ignorant délibérément les trois autres à nu et invita la délégation à faire de même. On apporta des tapis de laine et des coussins rembourrés puis on proposa des rafraîchissements. Soudain, Asolraahn décida que cette chambre ne convenait que bien peu à une rencontre qui se voulait amicale. Il y avait trop de protocoles pour lui. Il approcha l’un des sièges de conseiller, celui de Tarakiin Shaana en l’occurrence, et le proposa à l’empereur. Il avait bien l’intention de traiter d’égal à égal avec lui et si le conseil n’était pas au complet, et bien tant pis. Il ferait à sa façon. Il invita Nyana Valthana et Reynagane Shäa du regard. Sachant combien leur aide était précieuse, il voulait garder leur conseil à portée de pattes. Il posa le manche du Redresseur de Tord contre lui et écouta le Havremont avec intérêt. Projetaient-ils d’accueillir du monde dans les prochains jours ? La réponse ne se fit pas attendre et le géant opalin acquiesça avec gravité :

-Le temps où notre légion pouvait s’étendre sans inquiétude ni trouble hors de ses murs est révolu, admit-il. Nous ne nous en cachons pas, comme nos ennemis ne se priveront pas d’exploiter la moindre de nos faiblesses. Nous avons déjà vu comment quelques raids pouvaient mettre à feu et à sang toute la savane. Je compte faire en sorte que Vat’Aan’Ruda unisse toutes ses tribus au nom d’une bannière commune.

Un sourire embrasa ses coussinets noirs :

-Alors oui, on va accueillir du monde ici. Ce sera le plus grand exode que notre peuple ait jamais connu ! Et ce camp sera bientôt une véritable cité prête pour le monde de demain.

Il avait deviné que l’empereur avait de la suite dans les idées avec cette question. Il écouta donc sa proposition, laquelle ne manqua pas néanmoins de lui faire remuer les babines d’étonnement ; un signe qui ne traduit cette fois aucune réponse de sa part.

Des humains à Néthéril, hors du domaine Baptistral ? Et même plus que ça, dans le mur d’enceinte en tant qu’ambassade ? Le géant opalin devait peser le pour et le contre.

L’idée de ce comptoir était séduisante car elle concrétisait tout ce qu’Asolraahn désirait voir sur l’île ; plus d’échanges et plus d’entente entre Vat’Aan’Ruda et le monde extérieur. C’était leur porte d’entrée vers le Nouveau Monde et sans doute un moyen de raffermir la relation entre Sélénien et Garal que le géant opalin voulait voir harmonieuse au possible.
Dans le même temps, l’entreprise était ambitieuse. Il faudrait des efforts de la part de la légion tout comme de chacun des Graärh qui ne voyaient pas d’un très bon œil cette assemblée. Ambitieuse pouvait bien vite rimer avec périlleuse :

-Je n’ai aucune appréhension à ce sujet si ce n’est celle que j’ai déjà évoqué auparavant. Tout Tribyoon que je suis, je ne suis aussi qu’un guerrier. Je ne saurais dire si mon peuple est déjà prêt à offrir une place pour les vôtres au sein de cette terre.

Il fallait tirer des leçons du passé. Lorsque des sans-poils avaient débarqué sur les plages de Néthéril il y a de cela quelques années, les Garal s’étaient cachés la tête dans le sable. Peu à peu, ces sans-poils avaient conquis leurs terres petit à petit tandis qu’ils s’étaient repliés, toujours persuadés que leur frontière ne reculerait plus davantage, que les pirates n’iraient pas plus loin. Il fallait être plus intelligent que ces Garal-ci. S’ils ne pouvaient tolérer une nouvelle invasion, il fallait maintenant sortir la tête du sable, ne plus reculer devant les visiteurs mais au contraire aller au devant, pattes et coussinets levés, sans que le spectre de l’inconnu ne vole au-dessus d’eux.

C’était pour cela qu’une telle rencontre avait eu lieu. Asolraahn en était conscient. Et aujourd’hui, il n’était plus temps de reculer :

-J’ai dit que nous ne commettrions pas la même erreur deux fois, dit-il enfin. Que nous ne pouvions nous permettre ni erreur ni méprise. Je tirerai les leçons du passé. Je rapporterai votre proposition au conseil. Il y a de bonnes chances pour qu’ils l’acceptent.

C’était vrai. En dépit de son puissant ressentiment, Sa’riba Affrahna ne comptait que pour une voix au conseil. Et le temps lui ferait peut-être entendre raison :

-En ce cas, moi-même je ne m’y opposerai pas. Vos gens seront les bienvenus tant qu’ils respecteront les lois apportées par les Esprits à notre légion et qu’ils respecteront nos us et coutumes. Pour plus de neutralité et de sûreté, je pense qu’il nous faudra le bâtir en bordure du camp. (Il montra des installations en plein essor au Nord du camp) Je crois pouvoir me dépatouiller avec quelques-uns de mes bâtisseurs. Ils ont le poil raide mais l’esprit adroit. Ce petit comptoir dont vous parlez, ils le créeront avec joie si c’est pour accueillir des hommes de votre trempe.

Il ne mentait pas en brossant le style de l’homme en face de lui. Seul ce genre de personne pouvait entreprendre un voyage au-delà de leur civilisation et venir s’installer au sein de la légion : ces humains devraient être aussi têtus et forts d’esprit que lui pour se faire une place en leur cité, qu’il y ait un comptoir pour les accueillir ou non. Il n’imaginait que trop bien l’arrivée dans cette délégation des éventuels opportunistes et resquilleurs qui y trouveraient place. Ces gens-là, ceux-là ne passeraient pas un bon séjour en ces murs. Non, certainement pas. Mais Asolraahn savait aussi qu’une telle entreprise aurait d’autres conséquences dans leur rapport avec l’Archipel. L’empereur ne s’en cachait pas, et il avait déjà un bon avis sur la question. La paix n’était qu’une porte à enfoncer pour être remplacée par la guerre. Se faire l’allié d’un empire entraînerait des répercussions sur leurs relations avec les autres peuples ; d’autant qu’il dut l’avouer, les séléniens ne se privaient pas d’ennemis. Quant à leur identité…

-Vous serez certainement heureux d’apprendre que tant que nos truffes seront épaulées de coussinets, pas un pirate n’aura le droit de poser le pied sur Néthéril. Que vous soyez notre allié ou pas n’y changera rien. Trop de mal a été fait à cause d’eux. Aucun Garal ne tolérera plus jamais leur présence ici. Cette décision est nulle et non avenue.

Pour les vampires, c’était différent. Bien que leurs liens aient toujours été brimbalés par bon nombre d’évènements regrettables, Graärh et vampires s’étaient toujours gardés d’un affrontement direct :

-Toute autre nation qui voudra se rapprocher de la nôtre sera la bienvenue, déclara-t-il finalement. C’est tout ce que je peux affirmer. Mais les vampires se jettent eux-mêmes dans la gueule du loup. Je sais de source sûre que leur Prince noir a des envies de conquêtes, de sombres projets pour bien des races et aussi pour la légion de Nyn-Tiamat.

La source étant une membre des Elusis, Asolraahn était certain de sa véracité et n’avait donc aucun à priori à révéler ce genre d’informations.

-Si une telle chose devait arriver, nous n’hésiterions pas à intervenir pour défendre nos frères du Nord.

Comme il était étrange de parler des Trands en de tels termes, tandis que lui-même avait autrefois arpenté la banquise et l’Inlandsis de Nyn-Mereän. Il ajouta aussi avec parcimonie :

-Toutefois, sachez une chose. Néthéril est une terre sauvage et un endroit dangereux. Nous ne sommes pas la seule menace qui compte dans la Savane. Vos hommes devront être conscients des risques qu’ils prennent en venant par chez nous.

C’était à propos. Car Asolraahn connaissait un être puissant aux écailles rubis sur Néthéril qui ne serait guère ravi de voir des habitants de Sélénia circuler en bon citoyen sur le sable fin de l’île. Il détourna le regard de l’empereur et lorgna Nyana Valthana et Reynagane Shäa :

–Vous m’avez aidé jusqu’ici par votre jugement sans faille, fit-il de but en blanc. Je n’ai pas de conseil pour recevoir qui que ce soit. Alors c’est de vos voix dont nous avons tous les deux besoin. (Il appuya son regard sur la Ashuud) Toi aussi, Reynagane. En ce jour, sois libre de parler. Dites-moi, que pensez-vous de cette idée de comptoir ?

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Notre arrivée fut de courte durée, certains félins était heureux et curieux, d'autre beaucoup moins. Il y aura toujours deux sortes de félin sur notre terre, tous seront là pour protéger notre peuple, mais la peur restera maître avec l'instinct de protection... L'évolution est une chose qui effraie, et en même temps logique... Nous avons toujours vécu avec nous-même, vivant simplement avec tout ce qu'il avait autour de nous. Ce lié à d'autres, peu nous rendre fortes, comme vulnérable...

La douleur ne s'oubliera jamais, nous vivrons tous avec les fragments du passé pour ne pas oublier qui nous étions et apprendre avec les leçons que le temps nous a offert... J'écoutais les propos de l'homme au visage barbu, ainsi que mon Tribyonn. Rey a toujours été des plus pacifistes, et veut que la paix règne en ce bas monde. Cependant, ce ne sont que des mirages d'enfant... Les lames transperceront a jamais les corps et lorsque nous croyons le mal éteint, une nouvelle flamme obscure naît de nouveau. Rien ne sera jamais terminé et les choses évolueront d'une manière ou d'une autre... Il est de notre devoir d'ouvrir les yeux face au monde, de se dévoiler pour mieux contre-attaquer... C'est ainsi que je vois les choses...

Mon regard se porte sur mon Tribyonn, celui que je suivrais jusqu'à la fin de ma vie, et même au-delà. Désirant que nous prenions la parole pour donner notre avis sur ce qui venait de se dire. Que dire de plus ? Mise à part la crainte de l'échec, la crainte de voir d'autres corps sombrer dans les bras de la mort... Nous avions tellement à perdre et c'est ce qui nous effraie tous...

« Faisons évoluer les choses doucement, certain son prêt, mais d'autre pas encore. Nous suivrons notre Tribyonn, nous lui faisons confiance. Cependant, la crainte demeura toujours, et certain seront contre cette avancée. Nous avons tellement, perdus, tellement pleurés les âmes qui nous ont quittées, qui nous ont été dérobé... Nous n'avons pas peur d'offrir notre vie, mas ce qui nous effrais, c'est que notre sécurité soit menacée. »

Marquant une légère pause dans mes paroles, cherchant les mots juste pour m'exprimer, ce n'est pas toujours évident de s'exprimer face à de tels personnages, provenant d'une noble famille, et qui ont toujours vécu en agissant pour le bien de leur peuple... Car aujourd'hui, ce que je dis sera pris en compte et pourrait avoir des conséquences dans le futur...

« Sir Havremont, vous nous considérez déjà comme des alliés, nous offrant une barrière supplémentaire pour ce qui nous est le plus cher. Malgré tout, moi qui fais partis des plus réticents à cette idée, je suis prête à vous offrir mon sang pour défendre cette cause. Nous devons penser à la génération future, celle qui n'a pas encore vu le jour, et mettre de côté cette haine. Notre dirigeante ne fait plus parti des nôtres, et chaque visage se dirige vers notre Tribyonn. Commençons doucement, pour que notre peuple, ainsi que le vôtre s'habitue, et puisse passer à travers la barrière de la langue et des cultures. »

Je laisse s'écouler quelques secondes, puis me redresse en mettant ma tête bien droite, le poitrail en avant, le temps était venu de se laisser guider par le changement, même s'il semble effrayant...

« Moi, Nyana Valthana, fille de Sylvir Winvyre et d'Aelua Yelphine, je vous promets que nous protégerons votre peuple, comme s'il faisait partis des nôtres. »

L'on m'avait toujours appris que l'honneur est une chose importante, et que le mettre en jeu, pouvais apporter un peu de sérénité à ceux qui avait foi en nous. C'est la seule chose que je pouvais faire et espérais que tout se passerait pour le mieux... Qui c'est que doit l'avenir sera fait ?

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Les langues se déliaient sous un soleil ardent. Deux peuples qui prônaient la différence et qui s'étaient réunis pour s'entendre et échanger. La Reynagane que j'étais écoutée les paroles de chacun avec concentration mais également une petite fierté qui grimpait au fur et à mesure que tout le monde s'écoutaient. Fierté de voir qu'enfin les choses étaient en train de changer. Fierté également de voir les Gräarhs, ou du moins certains, essayer de faire avancer ce peuple archaïque qui refusait de se laisser avancer dans l'air du temps. Oui, peut-être y avait-il encore à tirer de ce peuple là que j'avais l'intention de quitter pour un temps. C'était un brin d'espoir, une toute petite graine qui était en train d'être planter ici. Et rien que pour cela, j'y voyais déjà le grand arbre qui y pousserait bientôt.

Je prenais le soin de me faire discrète après avoir ouvertement ouvert ma gueule. L'Empereur se montrait à l'écoute et compréhensif. Je serais la première ravie de découvrir leur monde de l'autre côté du monde de l'esclavage, il faudrait cependant avant tout chose instaurer une confiance chez les Gräarhs qui avaient bien à y perdre si tout venait à mal tourner. Il n'y avait cela dit, pas besoin de s'alarmer maintenant car cet Havremont avait une aura qui dégageait une profonde sincérité.

Nyana fut la première à répondre à la demande de notre Tribyoon. Je réfléchissais quant à moi à la meilleure approche possible suite à l'idée émise par l'humain au trait doré. Un nouveau lieu sur ces terres pour les échanges de cultures étaient une merveilleuse idée. Mais alors que je me perdais dans mes réflexions, quelques simples mots me firent dresser les oreilles. Je regardais ma sœur de cœur, ou plutôt ce qu'il en restait à ce jour et je ne pouvais que sentir une baume sincère me réchauffer le cœur en entendant ses dires. Malgré tout ce qu'elle laissait paraître, Nyana pouvait changer, j'en étais persuadée. Et le simple fait qu'elle laisse ses phrases en suspend dans l'air me faisait gonfler le poitrail. Bizarrement, cela me donnait encore plus envie de partir en apprendre plus sur les Couronnes de Cendres et sur ce monde d'au-delà de la mer. Car en choisissant cette voix je plaçais en moi une certitude qu'un jour, nous nous retrouverions différentes mais bien plus forte ensemble qu'aujourd'hui.

Ce regain d'énergie me faisait presque sentir électrique. Si l'Empereur d'un autre monde pouvait être capable de faire réagir les miens tout comme Asolraahn faisait bouger les choses depuis son arrivé, rien ne serait plus jamais comme avant.

Il y avait sans doute un peu trop de bonheur en moi que l'on pouvait lire avec le simple mouvement de mes moustaches et du bout de ma queue mais c'était à moi de donner mon avis et il serait sans doute bien court. J'avais déjà émis la plupart des idées que j'avais et tout dans ce qui avait été déclaré jusqu'alors me remplissais d'un enthousiasme débordant mais contenue quand même. Ce n'était pas comme si je bondissais comme une furie.

Raclant ma gorge, je laissais filer un sourire en coin avant de saluer d'abord mon Tribyoon puis l'Empereur en personne.

- Cette idée me paraît être la meilleure chose qui soit pour débuter cet échange. Les débuts seront sans doute pas ce à quoi nous nous attendons entre nos deux peuples, mais avec un peu de temps, les histoires se partageront tout comme les conseils et légendes. Après tout, vous êtes arrivés dans cet archipel il y a quelques années déjà et nous ne savons absolument rien de votre monde d'avant.

Je me redressais en regardant avec intensité Havremont.

- Avec ce temps de passé, nous pourrions alors faire de même dans votre Empire. Et pourquoi pas ne pas créer des ambassades, si c'est bien cela le mot, enfin des bâtiments spécifiques à notre lien entre nos peuples sur nos deux territoires respectifs. Ainsi un représentant de chaque peuple pourra se charger avec une délégation, de quelques affaires sur le terrain de l'autre.

Je reculais d'un pas. Avant de poursuivre :

- Se ne sont que des idées parmi encore des centaines à exploiter. Mais si nous voulons faire les choses bien, je pense que quelques règles devront être instaurer histoire de savoir ou l'on va. Quoiqu'il en soit, nous donneront corps et âmes pour que cette alliance se traduise principalement par l'ouverture les uns envers les autres.

C'était une chose de donner son avis, c'était une autre de parler de cette façon avec un rang comme était le mien. J'espérais n'offenser personne mais à en regarder quelques uns, mieux valait m'intéresser à la beauté de la poussière sur le sol ; Oh qu'elle est belle la poussière.

Les échanges se poursuivirent. Beaucoup semblait plus curieux que réticent pour l'heure et c'était une bonne chose. Les Esprits seuls savent combien de temps la réunion se poursuivit mais l'idée de les rendre fière par nos actes de ce jour me réjouissais. Il faudrait écrire tout ce qu'il s'était passé aujourd'hui pour se souvenir. Se souvenir du jour ou deux mondes s'alliaient pour devenir plus fort et plus grand.

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