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7 mars 1764, Cendre-Terre

Déjà deux jours depuis la chasse à la licorne. Dans sa cabine, Demens avait étudié de plus près les différents éléments récupérés, complétant les notes qu’il avait prises lorsqu’il avait dépecé le cadavre. Cependant, il n’était pas dans son atelier, aussi avait-il déjà fait le tour de tout ce qu’il pouvait observer sans outils spécialisés. À chaque, comme c’était le cas depuis son retour au sein de la Confrérie, il communiquait mentalement avec l’Homonculus pour s’informer de sa situation sur Calastin. Mais il était encore trop tôt pour le faire aujourd’hui. Ce qu’il pouvait faire en revanche, c’était d’aller visiter les divers marchands de la ville afin de voir s’ils avaient des ingrédients dignes d’intérêts. Normalement, l’alchimiste donnait une liste à des pirates qui venaient dans le coin et les remboursaient d’une manière ou d’une autre, mais cela rendait parfois difficile l’obtention d’ingrédients bien spécifiques, car une liste ne remplaçait pas l’expertise.

Le Cafard quitta donc le Maelstrom et s’engagea dans les rues de l’impressionnante ville, observant d’un œil attentif l’architecture des lieux. Certains résidents le regardaient un peu de travers, probablement parce qu’ils entendaient son cœur battre, mais tous savaient qu’il était avec les invités d’Aldaron et donc personne ne s’en prenait à lui. Sans surprise, c’est chez l’apothicaire de la cité qu’il trouva le plus de choses utiles, notamment des graines de plusieurs plantes indigènes de l’île qui allaient trouver leur raison d’être dans les serres magiques que Demens avait commencé à mettre en place dans son nouvel atelier d’Althaïa. Il fut même en mesure de convaincre l’apothicaire de lui vendre pratiquement tout son stock de sève de bosquet tueur, un ingrédient aussi dangereux que rare puisque ce n’était à ce moment-ci de l’année qu’il était possible d’en récolter, alors que les plantes sanquinaires se réveillaient.

Ce n’est que lorsque le savant retournait lentement vers le port qu’on l’accosta, au détour d’une rue peu occupée.

- Monsieur Thôrmyr? lui dit un homme chauve à l’allure on ne peut plus banale.

Il ne s’agissait pas d’un visage que lui ou l’Homonculus avait déjà croisé, pourtant il utilisait sa fausse identité.

- Oui, c’est moi.

- L’un de vos récents clients m’envoie pour vous demander s’il serait possible de vous rencontrer. Êtes-vous disponible demain soir?

- Oui.

- Bien. Il vous attendra à la taverne du centre-ville. Vous le reconnaitrez, compléta l’inconnu avant de s’éclipser.

8 mars 1764, Cendre-Terre

Alors que la nuit tombait, le Cafard quitta à nouveau le Maelstrom afin de se rendre au lieu de rendez-vous. En discutant avec l’Homonculus, il en était venu à la conclusion que le client en question devait en être un qui venait des environs de Ipsë Rosea, puisque c’était le dernier lieu majeur où était allé le Sosie. Comme tous les autres bâtiments, la taverne présentait une remarquable architecture, bien loin des bicoques en bois grinçant qu’on trouvait ailleurs dans l’archipel, mais l’alchimiste se contentait ici aussi d’observer le tout d’un œil purement savant.

En entrant, il eut droit à quelques regards désintéressés, à l’exception d’un. L’inconnu avait eu raison en disant que le client serait reconnaissable : Ilhan Avente lui-même était présent, quoiqu’encapuchonné et installé un peu à l’écart. Refermant la porte derrières lui, Demens alla rejoindre le diplomate à sa table, se contentant de le fixer en silence en guise de salutation. À coup sûr, on l’avait vu à bord du Maelstrom, aussi sa couverture lui était inutile, de même que les salutations superflues qu’il lui aurait adressées dans un autre contexte.

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Thôrmyr. Nul autre que l’alchimiste, ici présent, à Névrast. Si Ilhan avait été fort préoccupé et avait guetté le retour de l’expédition partie combattre la licorne, il n’avait pas perdu sons sens de l’observation pour autant. Et apercevoir Thôrmyr l’Errmite, ici, à Nevrast, au sein même de cette expédition, n’avait pas manqué de l’interpeler. D’autant plus au vu des informations qu’il avait réussi, laborieusement, à recueillir au fil du temps sur lui.

Il avait appris que Béatrice, une corsaire de l'Empire, avait apporté à Thôrmyr des bouts d'Ékinnopyre à la demande de Nolan en décembre 1762… puis qu’une entrevue avec l’ancien empereur sélénien avait ensuite eu lieu en mars 1763. Peu de temps après, Thôrmyr intégrait le Bureau d’Étude Botanique. Mais dès qu’il avait appris cette entrevue, Ilhan n’avait eu de cesse de penser que Thôrmyr cachait quelque chose… et que ce nom n’était peut-être pas, sans doute pas, sa véritable identité. L’Empire leur avait-il envoyé un espion ? Cela était fort possible. Et cela ne jouait pas en faveur de l’ancien empereur, censé travailler main dans la main avec l’Alliance contre les fléaux sévissant à Cordont afin de rétablir un semblant de confiance. Comme quoi, faites confiance à un Kohan et il vous frappait dans le dos…

Toutefois, l’althaïen n’avait pas voulu sauter de suite aux conclusions, qui auraient pu être erronées, par des informations tronquées ou incomplètes. Il avait donc demandé à ce qu’on creuse la question Thôrmyr plus encore. Qu’on retrouve son passé, qu’on suive ses faits et gestes, autant que faire ce pouvait… mais l’individu était rusé et intelligent et cela s’était avéré plus difficile que prévu. Ilhan n’avait cependant pas pu s’empêcher de se demander si le coursier qu’ils avaient aperçu filer pour délivrer un message à un membre du bureau n’était pas en lien justement avec ce Thôrmyr. Coursier qu’ils n’avaient pas réussi à attraper. Ni le message d’ailleurs. Ils n'avaient pas non plus trouver l'identité du membre du bureau possiblement impliqué.

La Toile n’avait donc en rien agi, gardant simplement un œil sur l’individu, tant que faire ce pouvait. Notant chaque information glanée sur lui. Le fait qu’il fut de l’exploration des souterrains de Calastin en novembre, par exemple, mais sans aucun élément en particulier pouvant l’incriminer… Sa présence lors des événements de Cyrène, son comportement des plus pragmatiques alors, sans pour autant que cela ne soit réellement incriminant non plus, au vu de ce qu’on lui avait rapporté sur l’individu : un savant passionné par son art, qu’il maitrisait de hautes volées, et un esprit pragmatique hors pair. Si Ilhan avait tenté de garder un œil sur lui quand Thôrmyr les avait quittés vers la délégation caladonienne, il n’avait eu aucune preuve rapportant des agissements étranges. Certes, il avait appris ensuite que la délégation caladonienne avait reçu des lettres cherchant à l’accuser, lui, Ilhan Avente, des lettres qui n’étaient nulle autre que ses échanges épistolaires avec Balthazar Emerloch. Des lettres tout juste reçues par la délégation. Il avait vite compris, quand il avait su l’identité du mandataire de tout ce complot, à savoir nul autre qu’Aldaron Elusis, que cet événement avait sans doute eu pour but de l’écarter du danger, lui si prompt à fouiller là où il ne devrait pas. Il avait également fait le rapprochement entre le moment où Thôrmyr les avait quittés et le moment où la délégation avait reçu ces lettres. Mais… là encore, aucune preuve formelle. Et le comportement de l’alchimiste avait été ensuite plutôt conciliant : il avait cherché, apparemment, à coopérer, comme avec ces portraits qu’il avait réalisés… ou cet onguent qu’il lui avait donné.

Un onguent qu’il s’était empressé de faire analyser par des experts almaréens et des maitres mages, pour s’assurer qu’aucun piège ni aucun poison ne s’y cachait. Mais.. non, il s’avérait bel et bien posséder les propriétés dont Thôrmyr lui avait parlé. Et le remède s’était même montré d’une efficacité redoutable, soulageant les ondes névralgiques qui parfois palpitaient de son poignet…

Ilhan avait donc gardé jusque-là ses doutes et ses questions pour lui. Il n’était pas du genre à divulguer une information dont il ne pouvait prouver la véracité. Sans compter, que l’alchimiste pouvait rester tout de même un atout. Il avait eu un rôle primordial dans l’avancée sur les Ekinoppyres. Ilhan ne rejetait pas l’idée qu’ils pourraient avoir besoin de lui pour les Couronnes aussi, un problème qui allait, là encore, au-delà de toute allégeance… Il savait que l’alchimiste avait été l’un des rares présents lors de l’expédition ayant vu la résurrection de Rog. L’homme en savait certainement beaucoup…

Thôrmyr. Une énigme vivante donc. De nombreux doutes, des suspicions insidieuses, mais aucune preuve formelle… jusque-là du moins. Dès qu’il l’avait aperçu au retour de l’expédition contre la licorne, Ilhan avait envoyé des araignées surveiller l’homme discrètement. Et enfin une réponse se dessinait. Une réponse qu’il avait redoutée. Pirate. Thôrmyr était au mieux en lien avec les pirates, au pire un pirate lui-même. En effet, une de ses araignées lui avait rapporté que l’ermite était resté un certain temps sur le bateau du forban nommé Nathaniel. Tout prenait sens. Tout se reliait. Et cette fois, il avait un semblant de preuve. La divulguerait-il ? Il n’en avait aucune idée. Il voulait avant toute chose rencontrer de nouveau l’homme lui-même. Se faire sa propre idée, à la lumière de ces révélations, et de cet écheveau qui enfin se dessinait. Il ne voulait pas non plus s’aliéner une possible clé pour l’avenir. Pas encore.

L’althaïen avait alors choisi une taverne cotée, un lieu public pour contrer tout mouvement d'hostilité, mais qui lui permettrait tout de même un semblant de confort, et où le brouhaha des conversations couvrirait leur conversation a minima en leur donnant le couvert du grand nombre. Il avait également choisi ce jour-là, ce soir-là, avec un soin particulier. Le 8 mars… Une date qu’il savait fatidique pour un certain Graärh qui fourbissait de sombres projets concernant le Maelström. Il avait eu vent de la folie qu’avait décidée Asolraahn, faisant fi des recommandations d’attendre qu’il lui avait données. S’il ne pouvait l’aider pleinement dans cette attaque, peut-être pouvait-il jouer quelque peu diversion, en attirant l'alchimiste à l'écart pour éviter les mauvaises surprises de sa part. Tout en jouant coup double : renouer contact avec lui, sous couvert des nouvelles de son onguent, et tenter d’en apprendre plus sur cet étrange individu...

Ilhan était venu en avance, préférant s’assurer qu’aucun piège ne lui serait tendu. Il avait été kidnappé une fois, il escomptait bien ne pas l’être une deuxième. Ses araignées guettaient aussi. Dans l’ombre à l’extérieur, mais aussi dans quelques coins reculés de la taverne, là où elles pourraient avoir un œil sur lui. Il s’était donc installé. Bien entendu, certains l’avaient reconnu et son entrée avait fait courir quelques murmures, mais bien vite tous étaient retournés à leur conversation quand il l’avait vu simplement s’installer. Et passer commande de la meilleure boisson et de quelques mets. Pour deux personnes. Il n’avait pas défait sa cape pour autant et gardait son visage recouvert de sa capuche… Ce qui n’empêcha nullement Thôrmyr de le reconnaître. Un fin observateur que cet alchimiste. Un trait typique d’un espion, un trait qu’Ilhan ne pouvait qu’approuver.

Aucun mot ne fut échangé encore, alors que Thôrmyr prenait place devant lui. Gardant tout d’abord le même silence, Ilhan rabaissa sa capuche, dévoilant pleinement son visage. Quelques regards se tournèrent vers eux, mais ne s’attardèrent guère, au vu de leur silence. Chacun semblait s’observer longuement et se détailler du regard. D’un simple geste, l’althaïen invita l’homme à se servir de la boisson qu’il avait commandée, ainsi que des quelques accompagnements à grignoter.

J’espère que ce vin sera à votre convenance, fit-il enfin en guise de salutations. Je suis heureux que vous ayez accepté mon invitation... cher Thôrmyr…

Il laissa ses accents chantants trainer sur ce dernier mot. Tous deux savaient. Tous deux savaient qu’il savait que ce nom n’était qu’imposture. Tous deux savaient aussi sans doute qu’il ne savait pas encore vraiment son véritable nom toutefois… Même si la Toile ne tarderait guère à le trouver. Il l’espérait du moins.

Puis, en gestes lents, afin de bien montrer qu'il n'avait aucune intention négative, il sortit le pot d'onguent que l'alchimiste lui avait donné, il y a quelques semaines. Un pot presque vide.

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Que faisait là ce diplomate? Les réponses à cette question n’étaient pas si nombreuses, à bien y songer. Peut-être observait-il Demens de loin, depuis que l’onguent lui avait été remis à Cyrène, voire même avant. Que savait-il de plus à son sujet? Et pourquoi s’adresser à lui ici, avec Nathaniel dans les parages? Le Roi l’avait bien torturé quelques temps auparavant, l’alchimiste pouvait toujours faire savoir qu’Ilhan Avente se trouvait ici. Peut-être aussi tout ceci tenait du pur hasard, une suite d’événements qui avaient mené à leur rencontre dans cette taverne.

Le conseiller abaissa sa capuche, sans pour autant émettre le moindre mot, rendant plutôt à Demens son regard. C’était un regard plein d’intelligence et d’un savoir qui différait de celui de l’homme de science, un savoir qui lui échappait bien souvent, lié d’abord et avait tout aux interactions sociales. Et à présent qu’il lui était possible d’observer le Délimarien, il reconnaissait les traits typiques de l’ethnie Althaïenne, ce qui concordait tout à fait avec la position politique de l’homme. Althaïa, une cité située
au sud d’Ambarhùna, pratiquement collée sur la frontière de l’ancien Royaume Elfique, connu pour son goût de la haute éducation. Ce Ilhan en était un cas typique, et à coup sûr l’un des rares à avoir survécu aux attaques des Chimères. Après tout, que vaut une culture riche et un savoir poussé lorsque cela est fait au prix d’aptitudes martiales moindres?

Mais pour l’heure, ces informations s’avéraient peu utiles, aussi Demens se remémora ces détails sans aller plus loin dans sa réflexion. Son hôte l’invita d’un geste à profiter de la nourriture et des breuvages qui étaient sur la table. Pouvait-il chercher à l’empoisonner ainsi? Peu importe, le Cafard était à même de le protéger si c’était le cas. Et s’il cherchait simplement à l’impressionner, ou encore à l’acheter en faisant miroiter ce qui était considéré par la plupart comme une meilleure qualité de vie, c’était bien mal le connaître.

Enfin, Ilhan s’exprima, faisant comprendre sans le dire qu’il savait bien que Thôrmyr était une fausse identité, une annonce des plus superflues vu le contexte. Lentement, il sortit un pot que l’alchimiste reconnu immédiatement. L’avait-il vraiment intercepté pour cette unique raison? Sûrement pas, mais puisque le sujet était à présent – littéralement – sur la table, ce serait là celui de leur conversation, sinon à tout le moins le début.

- J’en ai encore en ma possession, si c’est ce que vous désirez.

S’informer du traitement lui était inutile, il savait que cet onguent fonctionnait et bien que le cas d’Ilhan eût été particulier, le pot presque vide parlait de lui-même.

À peu près au même instant, un autre client entra dans la taverne, probablement un client habitué des lieux, un banal Vampire parmi tant d’autres. Ce qui était moins banal était ce courant d’air un peu plus froid qu’à l’habitude qui arrivait de l’extérieur, qui garda la porte entrouverte un peu plus longtemps. Le courant d’air, invisible mais chargé d’une énergie bien particulière, traversa la pièce comme l’aurait fait un félin, se faufiler sous les tables et les chaises, jusqu’à atteindre le spirite du Cafard.

En son for intérieur, Demens senti un changement s’opérer, une sensation qu’il n’avait connue qu’une fois, mais qui était resté gravé dans sa psyché, lorsque le Cafard c’était lié à lui. Soudainement, il savait d’instinct que le Léopard des neiges l’avait à son tour choisi, lui octroyant le cadeau du froid. Et à voir le regard d’Ilhan, celui-ci avait perçu quelque chose également.

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S’il désirait de nouveau de l’onguent ? Il n’était pas forcément venu pour cela. Il n’était pas venu pour réclamer quoi que ce soit, mais plus pour une entrevue qu’il espérait riche en informations. Ce qui valait le plus cher pour lui, Tisseur, n’était ni l’or ni un quelconque remède, mais les informations. Le savoir. Un savoir certes différent de celui tout scientifique que devait rechercher l’homme en face de lui. Pour autant, voilà peut-être un point commun entre eux : l’amour du savoir. Ce savoir avait beau être de nature différente, ils semblaient tous deux appâtés par ce pouvoir-là plus que tout autre…

Toutefois, il n’allait pas non plus cracher sur l’opportunité de renouveler un stock bien mis à mal de ce remède fort efficace. Il pourrait certes s’en passer. Les douleurs n’étaient pas si extrêmes qu’il lui soit impossible de passer outre. Mais l’onguent lui épargnait au moins cette fatigue-là, lui permettant de concentrer ses ressources mentales sur tout autre chose, de bien plus grand intérêt, que celui de lutter contre la douleur.

Il s’apprêtait à répondre, quand ils furent interrompus par une visite… Fort impromptue. Un vent glacial s’infiltra soudain dans la salle pour se diriger droit sur l’alchimiste. Nulle science en cet instant, mais pure magie… magie des Esprits-Liés. Son ornithorynque vibra une fois encore de cette énergie si particulière et frétilla à cette énième rencontre. Combien de fois avait-il assisté à de tels liens ? Il devait avouer que cela faisait un certain nombre, au point qu’il ne les avait plus comptés…

Léopard des Neiges. Voilà qui était inattendu. Mais assez approprié aussi. La glace seyait bien à cet homme si impavide, dénué de toute expression, ou presque, où seule brillait une vive intelligence dans son regard cristallin. Oui, le léopard lui allait comme une seconde peau, il pouvait le lui concéder. Un terrible prédateur capable de se camoufler dans son élément, contrôlant une glace aussi polaire que son mental d’acier…

L’althaïen ne put cacher alors un sourire appréciateur, tout en hochant la tête, indiquant avoir été témoin de cet événement. Sur le moment, nul mot ne résonna entre eux, comme si chacun laissait cet instant de grâce chanter ses solennelles notes. Même pour un non croyant, ce lien avait son importance. Puis, quand l’esprit éthéré sembla se dissoudre dans l’air, même si toujours présent dans le coeur de son nouveau spirite, Ilhan reprit enfin la parole.

Félicitations pour votre nouvel allié. Je ne doute pas un seul instant qu’il vous sera d’une aide précieuse.

Il hésita un court instant, songeant à ce qu’il s’apprêtait à faire. Quelque chose qui lui inspirait une certaine réticence. Donner une telle bénédiction à un pirate, ou au moins à un de leurs comparses… Et pour autant, les Esprits-Liés choisissaient. Qui était-il pour critiquer leur décision et leur choix ultime ? Si son ornithorynque l’avait choisi, lui, entre tous, Esprit-Lié pourtant rare, c’était peut-être en partie pour le respect qu’il vouait à ses paires éthérés. S’il bénissait un spirite pour avoir eu l’honneur d’assister à son lien, il ne pouvait refuser cette bénédiction à un autre. Il ne lui revenait pas de choisir ceux qu’il pouvait bénir et ceux qu’il pouvait priver de cet honneur. Pas quand un Esprit-Lié les avait jugés pourtant dignes d’eux… Un lourd soupir lui échappa alors, avant qu’il n’ajoute, faisant vibrer ses accents de la Romantique :

Vous voilà béni par mon ornithorynque. Votre nouveau lien sera, autant que faire se peut du moins, protégé.

Et il activa son glyphe qui lui permettait d’apposer une telle protection, permanente, sur le lien entre l’homme et son Léopard des Neiges.

Puis, reportant son regard sur le pot, qu’il attrapa de sa main vigile et qu’il fit tourner d’un air faussement songeur, il répondit enfin à l’offre précédente :

Je n’étais pas venu spécifiquement pour vous en redemander. Je pensais essentiellement à vous faire part de son résultat. Mais si vous le proposez, il serait impoli de refuser…

Il ne demanda pas le prix, et se contenta de sortir une petite bourse de pièces d’or à la place.

Cela devrait couvrir vos frais… je l’espère…

Mais il pensait ne pas se tromper sur la somme. Peut-être l’avoir même surestimée. Il escomptait aussi que l’homme en face de lui ne soit pas doté de la même cupidité que ses compères pirates. Il était même presque sûr que l’or ne l’intéressait en rien, quand bien même il n’en avait encore aucune preuve. Mais l’ardeur et l’efficacité avec laquelle il avait travaillé au Bureau d’Études Botaniques avaient révélé, pour Ilhan, un attachement à la connaissance, aux découvertes, aux avancées scientifiques, plus qu’en la richesse matérielle proprement dite. S’était-il trompé ?

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Les félicitations que l’Althaïen lui accorda vinrent confirmer qu’il était parfaitement conscient de ce qui venait de se produire. À n’en pas douter, un spirite de l’Ornithorynque, sinon quelque chose qui en émulait les capacités. Et à bien y songer, Demens supposa que la statuette qu’utilisait Nathaniel était probablement issue d’Ilhan et avait été confectionnée lorsqu’il était entre les mains du Roi.

- Vous voilà béni par mon ornithorynque. Votre nouveau lien sera, autant que faire se peut du moins, protégé.

Et voilà qu’il confirmait son lien en toute ouverture, lui qui avait subi de terrible sévices. Il se tenait là, entament la discussion comme si de rien n’était, y allait même d’une protection magique pour son tout nouvel Esprit-Lié. En temps normal, un individu lambda dans la même situation aurait préféré rester à l’écart, afin de ne pas se faire remarquer. Une réaction de défense, ni plus ni moins. Le simple fait que cet échange-ci avait lieu laissait sous-entendre que la raison de leur rencontre était d’une grande importance pour le Délimarien, du moins en toute logique.

Mais plutôt que d’aller droit au but, il répondit à l’offre de l’Alchimiste, sortant une petite bourse afin de payer cette nouvelle dose d’onguent. Glissant la main dans sa sacoche magique, le Cafard ressorti aussitôt un pot pratiquement identique à celui que possédait déjà Ilhan et prit la bourse sans même regarder son contenu. Ce n’était pas comme s’il était en mal d’argent, d’autant plus qu’il n’en avait pas nécessairement besoin depuis son retour dans la Confrérie.

Nathaniel l’avait remercié pour ses services en lui offrant un nouvel atelier, ou plutôt en lui laissant choisir son nouvel atelier en même temps que d’autres lieux d’importances étaient établis au sein de la nouvelle Althaïa. Venant du gredin, il savait que c’était un gage de l’importance qu’il avait désormais à ses yeux et de la confiance qu’il lui accordait. Ce fil de pensée s’interrompit bientôt, n’amenant rien à la situation actuelle, situation qui semblait stagner à présent que l’onguent avait été vendu. Les deux hommes mangeaient en silence, mais l’hôte avait clairement laissé entendre qu’il l’avait fait venir pour autre chose.

- Que voulez-vous? laissa-t-il finalement tomber.

Il n’y avait aucune curiosité, ni d’impatience dans son ton. C’était essentiellement une perche pour repartir la conversation. Et si son interlocuteur restait évasif, tant pis pour lui. À ce point-ci, il devait savoir que Demens ne s’éparpillait pas en formules d’échange lorsqu’il parlait.

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Ce qu’il voulait ? Voilà une question directe, franche, sans ambages… et qui amenait pourtant en l’esprit althaïen maintes réponses. Certaines tout en tergiversations, tels les petits jeux de la Cour, aimant tourner autour du pot, faire mariner son vis-à-vis, faire durer le plaisir, pour mieux le faire languir ; certaines moins fourbes et moins chafouines, mais tout aussi mystiques, cherchant à faire comprendre plutôt que d’offrir les réponses sur un plateau. Oui, tout cela, et bien plus encore, lui venait en tête en réponses. Et un instant, un fin sourire amusé et taquin, de ce sourire énigmatique qui avait participé à sa réputation à la Cour des Kohan, s’esquissa sur ses lèvres, avant qu’il ne reprenne une gorgée.

Mais, si toutes ces réponses possibles l’amusaient en son for intérieur, et qu’il se délectait d’en tâter les possibles destins en son esprit, il savait qu’aucune ne conviendrait en ce lieu, et surtout en face d’un tel personnage. Car Thôrmyr, ou plutôt devrait-il dire Demens Torqueo, maintenant qu’il avait découvert son identité véritable (ou supposée véritable ? Allez savoir avec un tel maitre de la ruse), n’était pas du genre à tergiverser, comme le montrait si bien sa question directe. Et il serait même malvenu de jouer les jeux de courtisanerie ou autres flagorneries de nobliaux, cela ne ferait qu’agacer son interlocuteur. Pire même, cela risquait d’entacher la relation qu’ils pourraient essayer de nouer.

Car, même si cela ne l’enchantait guère, Ilhan était parfaitement lucide pour savoir que toutes informations étaient utiles, primordiales même, dans leur combat contre les Couronnes, et qu’en de telles luttes d’apparence désespérées, aucune alliance, même celle lui semblant la plus abjecte, comme celle avec les pirates et leur forban de roi, n’était à rejeter.

Ce fut donc d’une voix grave, de laquelle il chassa tout accent trompeur ou joueur, qu’il répondit, aussi directement que ce qu’on lui avait demandé :

Des informations.

Certes, ce n’était pas la seule raison et ce n’était guère encore précis. Et ce, parce que les informations qu’il cherchait étaient vastes et ne concernaient pas forcément qu’un seul domaine. En se contentant de dire cela, au moins il ne mentait pas. Oui, il cherchait des informations. Des informations sur Thôrmyr, en particulier, ainsi que sur les pirates… Mais surtout, surtout…

Des informations sur les Couronnes notamment. Je pense que vous savez que je sais certaines choses sur vous... Thôrmir.

Comme le fait que Thormir n'était sans doute pas sa véritable identité. Ou comme ses compétences d'alchimiste, bien évidemment, mais aussi sa probable appartenance aux pirates...

De même que vous connaissez sans aucun doute certaines choses sur moi.

En tant qu'Ilhan Avente, il était assez connu au sein de Calastin au moins. Mais sans doute savait-il aussi pour son identité de Tisseur…

Nous ne serions pas là, ni vous ni moi, si tel n’était pas le cas.

Inutile de lui cacher ce qu’il savait à ce sujet. S’ils devaient coopérer, autant partir sur des bases un tant soit peu tangibles.

Je sais notamment que vous avez été de l’expédition se rendant au Bayou. Cette fameuse expédition qui a vu une certaine… Couronne…

Il murmura ce dernier mot, sa voix presque couverte par le bruit ambiant. Même si en présence de vampires, cela était bien futile. Mais au moins les humains auraient peine à l’entendre.

Renaitre de ses cendres. Je pense aussi que nous savons tous les deux les enjeux qui nous attendent face à de tels adversaires. Nous ne pourrons y faire face que si tout Tiamarantien s’allie dans ce combat. Il en va de la survie de tous.

Pirates compris, pensa-t-il. Mais il était sans doute inutile de le préciser à l’alchimiste, l’intelligence de ce dernier était plus que vive pour comprendre ce genre de non-dits.

Ce disant, en attendant la réponse et la réaction de l’homme en face de lui, il lui resservit à boire.

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L’Althaïen avait le don de choisir les bons mots pour laisser entendre qu’il y avait toujours plus. Il désirait des informations sur les Couronnes, notamment. Notamment, avait-il dit. Et probablement qu’il voulait aussi savoir qui il était vraiment, lui qui avait prétendu se nommer Thôrmyr. Ce qui était étonnant, c’est comment Ilhan mentionnait l’expédition dans le marécage d’Athvamy, une expédition dont les détails devaient être connus un peu partout à ce point-ci. Pourtant, le nom de l’Alchimiste ne semblait pas avoir été conservé, mais à bien y penser ce n’était pas trop surprenant, il était un membre de la Confrérie parmi tant d’autres à ce moment, sa réputation n’avait pas encore été véritablement faite.

Un autre détail qui pouvait sembler étrange était le choix du lieu de discussion. À présent que Demens savait de quoi il était question, pourquoi avoir décidé d’une taverne où les individus présents étaient en mesure d’entendre le moindre mot échangé? D’autant plus que son interlocuteur semblait s’efforcer de ne pas parler trop fort, ce qui était futile en présence de Vampires.

~ La survie. ~

Un autre terme probablement choisi avec soin par le diplomate. Et une notion que le Cafard connaissait on ne peut mieux, ayant lui-même survécu à travers bien des situations. Mais la situation actuelle était différente. Il se souvenait de cette désagréable sensation, cette incapacité à penser efficacement, alors que son Esprit-Lié le poussait à fuir. Une fois Rog parti, il avait retrouvé le contrôle de sa volonté, mais depuis il se demandait si cette sensation de peur était la même que celle ressentie par autrui dans des situations quotidiennes.

- Son nom est Rog. Il a un pelage prune et utilise un crâne de Graärh comme une sorte de catalyseur magique. Il avait créé une vague de crânes qui nous avait repousser à l’extérieur en déchiquetant les individus sans protection. Un autre Graärh présent a pu nous protéger grâce à l’Hippopotame.

Tout en parlant, il sorti de sa sacoche papier et plume, dessinant la Couronne de manière sommaire.

- Un spirite du Cafard à la puissance exacerbée. Il a résisté à un poison qui aurait dû blesser ses poumons, de même qu’à l’attaque d’une ombre draconnique qui était la réplique de Verith de l’Ire. Un karapt était aussi présent. Il avait fourni une lance magique qui a également blessé Rog, mais malgré ses deux bras arrachés, il était encore en mesure d’agir.

Pour appuyer ses dires, il montra sur son dessin comment non seulement les bras, mais également une part du torse du grand félin manquaient.

- Il semblait avoir un certain contrôle du portail qui se trouvait sur place et s’est échappé par-là. J’ai pur retrouver l’un de ses bras et je l’ai étudié. Une fois retiré du corps, le membre n’a plus rien de particulier.

Puis, il dessina une carte approximative des marécages.

- Les décombres du mausolée se trouvent là. L’eau et la faune s’est infiltrée depuis, mais au fond se trouve toujours la salle où il était conservé dans un sarcophage.

Enfin, il reproduisit le sarcophage, incluant la marre de sang qui se trouvait sous celui-ci.

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S’il fut surpris que l’autre lui révèle les informations en sa possession sans se faire davantage prier, il n’en montra rien et en remercia les Dieux et les Esprits-Liés mentalement. Mais, à bien y songer, au regard de l’esprit pragmatique du scientifique, il n’y avait là rien d’étonnant. Thôrmyr, ou qu’importe son vrai nom, était quelqu’un de raison. Et, tout pirate qu’il pût être également, il était quelqu’un avec qui il était possible de travailler de concert, tant que tous gardaient la raison comme fil conducteur. Sans doute d’ailleurs n’était-il pirate que par pragmatisme, là encore, et non par pure conviction.

Quoiqu’il en soit, c’était là un point rassurant. Cela indiquait aussi que, tant qu’ils auraient des intérêts communs, il ne serait pas pris pour cible par l’individu. Il n’avait rien d’un sauvage ni d’un fou, même si sa science pouvait peut-être, comme il l’avait déjà vu chez certains, le pousser à des extrémités. Tant qu’il saurait leur trouver un terrain commun, il serait sans doute possible de travailler avec lui sans trop de crainte, en limitant les dangers en tout cas.

Aux informations qui défilaient, Ilhan acquiesça en silence et prit grand soin de les enregistrer mentalement avec soin. Certaines informations lui étaient déjà connues. Mais certains points lui apportaient des précisions non négligeables quant aux capacités de Rog. Une vague de crânes ? Voilà qui était intéressant. Sans doute une création de Rog : était-elle du même acabit que les karapts l’avaient été ? En tout cas, ces crânes, quoi qu’ils fussent, étaient toujours assujettis au contrôle total de Rog. Il observa, non sans noter les talents de dessinateur de l’alchimiste, le croquis qu’il lui esquissa. Au moins, lui qui n’avait encore jamais vu cette Couronne, il saurait à quoi s’attendre. Là encore il remercia d’un signe l’alchimiste.

Le Cafard. À puissance couronnesque… Cela leur compliquerait la tâche, encore une fois. Et le confortait de plus en plus dans son idée initiale qu’un des seuls moyens de défaire les Couronnes était, malheureusement, de couper leur lien avec leurs Esprits-Liés. Sauf si ces derniers s’y opposaient bien entendu. Mais sans cela, ils ne parviendraient jamais à vaincre les Couronnes. Une légère grimace lui échappa quand Thôrmyr lui montra sur le croquis les détails des blessures du Graärh.

Intéressant, répondit-il enfin quand l’alchimiste eut fini toutes ses explications. Le mausolée a-t-il été entièrement exploré ?

Cela était fort probable. Mais avait-il été exploré aussi par un mage ? Ilhan songea à son glyphe permettant de revoir le passé d’un lieu s’il en avait la date précise. Ce qui était le cas ici. Il mourrait alors d’envie de s’y rendre. De voir de ses propres yeux. De s’assurer qu’aucun indice n’avait été manqué. Serait-ce folie ? Possiblement. Mais a priori, la Couronne n’y était plus. Les marécages étaient dangereux, certes, mais s’ils ne s’éloignaient pas du mausolée, sans doute limitaient-ils les risques. Y aller avec le pirate ? Oui, ce pourrait être dangereux… mais Thôrmyr pourrait y voir aussi un intérêt scientifique. Sans compter que s’ils y allaient maintenant, Ilhan gagnait encore du temps pour une certaine opération. Là encore, il pouvait faire coup double. Mais tous pouvaient y trouver tout de même leur compte.

Je vous remercie de toutes ses informations. Je vous avoue que l’idée de me rendre à ce mausolée est fort tentante. Peut-être pourrions-nous y trouver des indices supplémentaires ? Peut-être vos talents d’alchimiste trouveraient quelque chose d’autre à examiner ? Cela vous dirait-il ?

Il était prêt à sortir une autre bourse d’argent pour convaincre le pirate, même s’il doutait que l’or soit un réel attrait pour lui.

Nous pourrions y être quasi de suite. J’ai… quelques moyens de voyager assez rapidement. Même si nous devrons ensuite rester quelques heures sur place le temps que… mon moyen de transport recouvre son énergie.

Se disant, il se leva, et invita d’un geste Thôrmyr à sortir, afin que son "moyen de transport", à savoir sa fidèle Oloréa cachée alors dans sa besace, les emmène jusqu’au dit mausolée. Elle saurait les y transporter avec assez de précision. Une fois dehors, il invita Thôrmyr à lui prendre le bras, en vue de la "téléportation" longue distance.



HJ : j'ai préféré te laisser faire l'arrivée là-bas, si cela te convient, vu que tu connais bien les lieux. Ainsi que la possibilité à Demens de dire non ou autre. Si souci, n'hésite pas^^

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- Oui, à maintes reprises, répondit Demens du même ton. Surtout pour trouver des richesses qui y auraient été cachées, mais aussi pour mieux comprendre qui était Rog.

Ilhan proposa alors à l’alchimiste d’aller visiter le mausolée maintenant, laissant entendre qu’il possédait une magie capable de l’amener jusque-là. À cette heure, quelques bêtes s’activaient dans les marais, et depuis que la cité perfide avait été abandonnée, il était certain qu’elles proliféraient comme elles le faisaient avant l’établissement des pirates et la mise en place d’un certain contrôle de la faune. Lui-même n’avait plus rien à tirer de l’ancienne prison, l’ayant revisité suffisamment de fois pour en explorer tous les recoins. D’un autre côté, dire non au diplomate pouvait peut-être mener à des problèmes plus tard. Quel genre? Peu importe. Aider l’Althaïen semblait l’option qui ouvrait le plus de portes.

- Vous dites qu’il faudra attendre quelques heures pour revenir. De combien de temps parle-t-on?

Vingt-quatre heures. Il savait que Nathaniel n’allait quitter tout de suite, aussi pouvait-il se permettre de s’absenter, mais de là à disparaitre? Le gredin ne serait pas inquiet, mais il considérait le savant comme un atout important dans son équipe et ce dernier se doutait bien qu’il tenterait de partir à sa recherche. Il fallait donc l’en aviser, à tout le moins pour qu’il sache que Demens était absent pour une bonne raison. Et s’il y avait une urgence, il avait toujours le zircon pour le contacter.

- Laissez-moi quelques minutes.

Lorsqu’ils sortirent dehors, l’Humain retourna vers les quais, mais pas pour aller jusqu’au bateau. S’il s’adressait directement au Roi, celui-ci allait probablement l’interroger. Il alla plutôt dans une autre taverne, un peu plus miteuse celle-là, où quelques membres de l’équipage profitaient des loisirs qu’offraient la place. Il accosta celui qui semblait le plus en possession de ses moyens, l’avisa de son absence en lui promettant un rabais lors de sa prochaine commande alchimique, puis revint auprès du diplomate.

- Allons-y.

En touchant le bras de l’homme, l’érudit vit la réalité se tordre autour de lui, comme une peinture qui s’effaçait pour laisser place à une autre, à la différence que la nouvelle peinture dégageait une odeur bien familière, à tout le moins pour lui. Une pluie intense tombait, couvrant les bruits des créatures du coin. Devant le duo, les décombres d’une entrée autrefois robuste gisaient, la pierre lisse luisant sous la flamme qu’invoqua bientôt Demens dans ses mains.

- Soyez sur vos gardes, nous ne seront probablement pas seuls, dit-il simplement en commençant à descendre les marches sur lesquelles l’eau ruisselait.

La dernière fois que quelqu’un était venu ici, lui n’était pas là, mais on lui avait raconté qu’un mille-pattes géant avait élu domicile à l’intérieur. Il avait été tué, mais comme le lieu n’avait plus vraiment d’intérêt, personne n’avait pris la peine de s’assurer si la créature avait pondu des œufs afin de les détruire, aussi marchaient-ils peut-être droit dans un nid.

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Maintes fois exploré. Cela signifiait donc qu’il y avait peu de chances qu’il reste quoique ce soir à voir. Mais le Tisseur préférait voir par ses propres yeux, plutôt que de se fier à ce qu’on lui disait, méfiance soufflant son haleine fétide dans son esprit à chaque instant.

Il fut heureux alors de voir l’alchimiste accepter son invitation au voyage et lui accorda les quelques minutes demandées. Un court instant, le voyant aller vers les quais, un frisson glacé le rongea jusqu’aux os, inquiet de les voir se diriger peut-être en plein milieu des "festivités" qui devaient dès lors se jouer sur le Maelstrom. Il fut alors rassuré quand l’alchimiste bifurqua finalement vers une taverne. Sans doute pour laisser un message, prévenant de son absence. Quand l’érudit revint et lui donna le signal, l’althaïen lui offrit un simple signe de tête, et son bras pour le voyage.

Ce fut le clapotis saccadé d’une averse presque torrentielle qui les accueillit, ainsi que divers grognements, feulements, piétinements, au loin. Signe d’un lieu grouillant de vies. Et Ilhan préférait  sans doute ne pas les rencontrer. Il suivit l’alchimiste dans ce qui devait être une entrée, maintenant en ruine, et s’enfonça avec lui dans le mausolée, chassant la vile impression de s’enfermer eux-mêmes dans leur propre tombeau. Si hésitation manqua tatillonner son esprit, il la chassa bien vite. Il serait mal avisé d’avoir emmené ici, si loin de Cendre-Terre, l’érudit, pour finalement changer d’avis et rebrousser chemin. Il devait aller jusqu’au bout. Forgeant alors son esprit d’une volonté de fer, il descendit, suivant son guide. Et le remercia silencieusement de la lumière offerte par sa petite flamme. Aux conseils de rester sur ses gardes, il acquiesça en silence.

Il fut heureux toutefois de ne voir que quelques insectes rampants fuir à leur arrivée, sans autre accueil malvenu. Certes, des traces de pattes géantes jonchaient le sol poussiéreux et terreux, mais nulle trace de la bête qui était passée par là. Après s’être assurés tous deux qu’aucune créature dangereuse ne rôdait, Ilhan invoqua un mur de force à l’entrée principale et posa quelques pièges avec le sort de création d’énergie, afin qu’ils soient alertés en cas d’intrusion de visiteurs dangereux. Une fois les lieux un tant soit peu sécurisés, autant qu’ils puissent l’être toutefois, Ilhan se permit enfin d’observer avec attention cet étrange endroit de sépulture. Chaque chose présente reçut son attention minutieuse, parfois allant jusqu’à lancer un sort d’érudition, notamment, ou jusqu'à toucher certains objets ou morceaux tombés avec son glyphe de mémoire pour en tirer des bribes de leur passé.

Tout ce qu’il put observer concordait avec ce que lui avait révélé Thormir. Un bon point en soi. Certes, il ne pourrait dire que Thormir ne mentait pas, au moins par omission, mais dans ce qu’il lui avait dit, les informations se révélaient vraies.

Son inspection dura ainsi quelques heures avant que fatigue ne l’harasse. Pause avait sonné son heure. Ainsi que celle des conclusions.

Et c’est avec un sourire empreint d’un certain air conspirateur qu’il se tourna vers Thormir et lui souffla d’une voix basse et profonde aux murmures comploteurs :

Cette visite était des plus… intéressante, je vous en remercie. Je crois, cher Monsieur Thormir, que nous pourrions travailler ensemble…

Cet alchimiste avait su faire preuve de compétences hors pair, d’une maitrise de son art comme rares pouvaient s’en targuer, d’une discrétion incomparable, et… mine de rien d’une certaine honnêteté dans ce qu’il lui avait dit. Sans parler de confiance à part entière, une collaboration semblait tout de même envisageable.

Un de ces jours…

Oui, un de ces jours, sans doute reviendrait-il vers l’érudit pour lui proposer quelques petites expériences relevant du défi. Oui… Un de ces jours...

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