Mi-Avril
La bataille avait été rude, mais le peuple sélénien qui avait agi comme un seul homme en cette nuit du 15 avril, l’Empire avait triomphé, comme cela avait été maintes fois le cas quand on se dressait contre lui au cours de son histoire.
Tout le peuple s’était soulevé contre la tyrannie, mettant de côté leurs vies, femmes et enfants, pour défendre tout ce qui leur était de plus cher : la nation. En cette terrible journée de bataille des cendres où l’ennemi étaient venus les cueillir à domicile, ils avaient repoussé l’envahisseur.
L’effort de quelques uns avait suffit à pulvériser les plans de deux vampires dragonniers séculaires.
Claudius sourit. Il dirait que tout Sélénia avait été résistant. L’histoire était écrite par les vainqueurs, et quand bien même Aldaron avait détruit le fruit de colossaux efforts architecturaux, et corrompu tous les citoyens qui pouvaient l’être, il s’était confronté à un mur trop grand pour lui cette fois-ci.
Si l’on avait laissé Selenia pour morte, ne restant que des cendres derrière l’Ast, le Havremont allait lui apprendre que la flamme de l’espoir ne pouvait être éteinte, et surtout que le futur de cet archipel ne se ferait pas sans l’Empire.
Ils s’étaient débarrassés pour un petit bout de temps de ses détracteurs, il fallait à présent envisager le futur, et le construire rapidement. Car on ne les attendrait pas. En vérité, après cette victoire décisive, un tout autre sentiment se mettait à trotter dans la tête du nouvel Empereur.
La crainte d’une vengeance, d’une attaque éclair avec plus de vampires, plus de soldats des ténèbres venus de tous horizons, qui viendrait définitivement détruire l’Empire qui restait malgré tout très faible.
Alors pour pallier ce problème, Claudius avait décidé de faire ce qu’il avait su très bien faire ces derniers jours : s’entourer, confirmer ses liens avec des alliés potentiels, et envisager l’avenir ensemble. Si le rôle d’Empereur lui revenait, et que jamais il ne toucherait à cette position sacrée, le Havremont comptait valoriser ceux qu’il avait aidés, et allait de ce fait effectuer quelques nominations pour ces jours prochains.
Ces alliés seraient autant de défenses à passer pour les ennemis de l’Empire, Claudius n’allait donc pas lésiné sur la question. En cette période d’après-bataille, le Havremont était cependant resté aux abords de la capitale, les visites à l’étranger attendraient au moins un peu.
Faisant lui-même partie des quelques sans domiciles fixes de la région, Claudius avait choisi contre toute attente de s’installer dans un camp militaire construit à la hâte avec d’autres citoyens qui recevait du soutien de l’armée. Le message que renvoyait cette action était certes politisé, mais d’un autre côté, par son passé militaire, le Havremont était pétri d’une réelle simplicité forgée par son parcours où il avait pu côtoyer des personnes de tous horizons. En tant qu’Empereur, il souhaitait que cette simplicité reste le maître mot.
Alors il s’était installé dans une tente, et depuis il y pilotait les affaires courantes de l’Empire. Le balai des personnes qui rentraient et sortaient de cet édifice sommaire n’avait pas arrêté depuis un certain temps, et déjà la solidarité de tout un chacun était en marche.
Le peuple retirait les gravats de la Majestueuse progressivement, sauvait toutes les possessions matérielles qui pouvaient l’être, partageait les maigres rations de nourritures … Un tel élan ne s’était plus remarqué depuis au moins l’exode de l’ancien continent, et faisait chaud au non-cœur de Claudius. Comme quoi, il ne s’était pas battu pour rien.
Le Havremont était penché sur un plan de son territoire, la mine pensive, quand on vint le sortir de sa profonde réflexion :
“Votre Majesté Impériale, Dame Dalis est là.”
Claudius releva la tête et eut un petit sourire. De tous ses alliés, il avait commencé par les plus proches. Et malgré leurs rivalités passées, et sa réputation sulfureuse, celle qui se faisait appeler la Mère de la Nuit s’était révélée être un de ses premiers soutiens, sans aucune faille depuis qu’ils avaient parlé ensemble du complot visant une mort du Parangon Elusis. C’était donc tout naturellement qu’il avait décidé de la convoquer aujourd’hui, pour la récompenser mais aussi pour lui parler.
“Faites la entrer je vous prie.”
Fit l’Empereur simplement, avant de se relever de sa chaise. Il était temps d’imaginer encore plus concrètement le futur de l’Empire.