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05 mai

Shyven était intrigué.

Intrigué par les derniers événements qui secouaient l’archipel, et par les dernières visions qui étaient venues à elle. Il y a quelques jours de cela, elle savait qu’une période de grand trouble avait secoué l’archipel : d’abord la mort d’Achroma, qui avait laissé une trace certaine au sein de la vie de la jeune dragonne, car la perte d’un dragonnier respectable n’était jamais une bonne nouvelle, surtout quand son dragon lié était le père de la dragonne.

Kaalys allait de ce fait mourir à petit feu, mais là n’était qu’une simple partie du tableau : elle avait eu vent de violents conflits entre bipèdes sur Calastin, mais aussi à Néthéril, ou les Couronnes de Cendres avaient frappé le Domaine Baptistrel.

Une part belle laissée au Chaos donc, qui avait laissée le Tribunal Vivant songeuse : Shyven avait depuis médité, essayant de trouver des réponses à sa question principale : Pourquoi est-ce que la Balance avait décidé d’infliger de tels supplices au monde ?

La dragonne d’opale savait que parfois, certaines questions que l’on se posait sur cet univers, ne pouvait avoir de réponses précises, mais elle cherchait au moins des pistes pour mieux veiller sur lui. Car si elle avait à coeur de faire respecter l’Ordre, elle devait aussi savoir quand manier le Chaos à bon escient, afin de faire en sorte que l’équilibre qu’elle gardait ne soit jamais brisé.

De ses méditations, il ne ressortit rien de bien concret, sauf le visage d’un elfe qu’elle avait déjà rencontré une fois maintenant, et dont elle avait tout de suite senti le plein potentiel. Nathaniel Eärandil. Shyven ne savait pas vraiment pourquoi, mais il semblait que la Balance l’ammenait maintes fois vers lui, par des visions plus ou moins claires.

Bien sûr, après quelques instants de vie partagés avec les bipèdes, Shyven savait à quoi s’en tenir avec cet homme-là. Elle connaissait les on-dit, et les rumeurs à son sujet. Mais elle connaissait surtout ce qu’elle avait vu et entendu. Nathaniel était peut être connu comme un scélérat chez les bipèdes, et se donnait volontiers cette image là par ailleurs, mais il avait été choisi pour être dragonnier.

Il avait été choisi, et s’était montré assez amical avec la dragonne dans un premier temps, et avait même eu un brin de causette intéressant avec elle. Avec les dernières visions qu’elle avait eu, Shyven partait donc du principe que ce pirate était en vérité bien plus que ce qu’il ne le montrait vraiment.

Encore fallait-il que la dragonne ne le perce à jour, mais pour cela elle avait sa petite idée sur la question.

Par une heureuse coïncidence, Nathaniel avait été convié aux funérailles d’Achroma, qui venaient tout juste de s’achever. Si l’ambiance avait été assez délétère lors de celles-ci, Aldaron affirmant notamment sa position de Prince Noir au sein de son peuple, Shyven y avait surtout été pour soutenir son père et Nahui, deux dragons qui avaient été profondément touchés par la perte du dragonnier.

Elle avait néanmoins gardé un œil sur le pirate, et les autres, pendant la cérémonie, assistant encore une fois à un choc entre Ordre et Chaos. Une fois les tensions terminées, elle laissa passer quelques heures, avant de venir de ses propres ailes, rencontrer le pirate.

Comme l’on pouvait s’y attendre, Nathaniel avait amarré son grand “nid-flottant”, comme l’appelait affectueusement Kaiikathal, au port de la nouvellement nommée ville de Cendre-Terre.

Elle n’eut donc pas le moindre mal à trouver là deux pirates de passage, qui la regardèrent d’un air un peu interloqué, la voyant approcher d’un pas décidé vers le navire. Shyven dressa la tête, avant de leur adresser la parole. Elle n’avait certainement pas besoin d’eux pour atteindre son but, mais pour éviter des frasques quelconques, à la vue des combats qui venaient de se passer il y a peine quelques heures, elle se décida à leur parler :

“Messieurs, pourriez-vous dire à votre Roi que je souhaite lui parler ? Dites-lui que cela vient de l’amie rose de Kaiikathal. Le Tribunal Vivant souhaite prendre rendez-vous avec le Chaos.”

Une fois cette mystérieuse invitation adressée, Shyen eut un petit sourire avant de regarder sa griffe attachée à sa patte avant : il était temps de voir si la Balance ne s’était pas trompée.

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¤ Célébration ¤

« Aujourd’hui, bandes de misérables forbans, nous levons notre verre en l’honneur d’un ami. Vous allez faire couler l’alcool à flots pour pleurer et célébrer avec moi le trépas d’un camarade de jeu. Un homme aussi grand que moi pour jouer au jeu de tous les risques et de tous les profits. Celui qui fait s’élever et tomber des nations tout entières. Maintenant, buvez ! Si j’en vois un seul qui n’est pas saoul, je le jette par-dessus bord ! »

Des cris de joie résonnèrent en et autour du Maelstrom alors que les pirates de la confrérie commencèrent à lever leurs chopes de pour s’imbiber au maximum d’alcool, alors que la musique commençait à investir le lieu, de même que les pas de danse des femmes et des hommes. L’alcool était le meilleur moyen pour célébrer un moment de joie, mais également pour noyer sa tristesse. Nathaniel célébrait la vie d’un homme qu’il estimait et pleurait sa mort. En ce jour, l’elfe sombre n’avait pas uniquement perdu un allié, il avait aussi perdu un compagnon de jeu. Peut-être était-ce cela qui le minait le plus. Avoir perdu un individu avec lequel il pouvait s’amuser, avec lequel il pouvait faire les quatre cents coups à grande échelle. Mais le gredin ne noyait pas uniquement son propre chagrin. Il noyait aussi celui d’Aldaron qui en plus d’avoir perdu un amant avait lui aussi perdu un compagnon de jeu. Face à la table, une chaise était désormais vide. Oh certes, il y avait toujours Aldaron et Nathaniel s’en réjouissait, mais jouer à trois n’a pas la même saveur que jouer à deux.  Il y aurait-il un jour une personne pour les rejoindre, Aldaron et lui ? Cela il en doutait. Des hommes de leurs trempes, il n’y en avait que très peu.

La nuit progressait, de même que les festivités. Bientôt, le besoin pour l’elfe sombre de retrouver seul se fit sentir. Il ordonna à certains de ces hommes de faire évacuer dans le calme le pont du Maelstrom. Bien qu’il souhaitait se retrouver seul, il n’avait pas pour autant l’envie de gâcher la fête ou d’y mettre fin. Que tout le monde célèbre cet instant jusqu’au lever du jour !

Titubant quelque peu, l’elfe sombre se dirigea vers le gaillard arrière. Fredonnant une chanson, il passa à côté du gouvernail qu’il vint effleurer du bout de ses doigts avant de venir se poser contre le bastingage. Ses yeux vinrent se poser sur la ville de Nevrast. Au moins, il n’avait pas tout perdu. Aldaron allait prendre la succession d’Achroma. Les vampires allaient demeurer les alliés de la confrérie. Nathaniel ne pouvait s’empêcher de se demander, quel visage le maitre du marché noir allait donner à son peuple. Marcherait-il dans les traces de son amant, ou au contraire emprunterait-il sa propre voie ? Le gredin avait hâte de le découvrir. Quelle tournure allait prendre le jeu à présent ? Quand est-ce que le sang et l’or couleraient à nouveau à flots ? Quand les émotions le griseraient-elles à nouveau ? Le roi de la confrérie en voulait plus, toujours plus. Il était tel un enfant insatiable.

L’elfe à la chevelure d’écume leva haut son verre au-dessus du vide.

« À toi, Achroma, que les aléas de la partie auront emporté. Puisse la prochaine être aussi excitante. Puisse la prochaine ne pas m’arracher un camarade de jeu. »

Puis, le gredin vint incliner sa chope afin de commencer à verser dans la mer en contrebas son contenu telle une offrande.

***

Pendant ce temps, plus bas sur le port, une petite dragonne avançait au milieu des pirates festifs et finit par s’adresser à deux d’entre eux.

« Messieurs, pourriez-vous dire à votre Roi que je souhaite lui parler ? Dites-lui que cela vient de l’amie rose de Kaiikathal. Le Tribunal Vivant souhaite prendre rendez-vous avec le Chaos. »

L’un d’eux reconnut immédiatement la petite dragonne. Pour cause, il faisait partie des hommes l’ayant repêché avec Kaiikathal il y a plusieurs mois de cela.

« Oh mais …hic … je te reconnais toi. Tu es étais dans l’eau en train de barboter avec la petite marche … burp … tempête quand on vous a repêché. »

« Le … le … le capitaine il n’est pas là … hip … il … il … il est là-haut. »

Le deuxième pirate pointa le pont du Maëlstrom.

« Il a … hic … demandé à tout le monde d’évacuer le pont. Je n’ai pas … burp … très envie de lui désobéir. C’est un coup à ce qu’il nous fasse … hip … passer par-dessus bord. »

« Ah ah ah et rond comme tu es … burp … tu vas couler à pic. »

Les deux forbans furent pris de rire incontrôlé. Ils titubèrent et s’appuyèrent l’un contre l’autre pour ne pas tomber.

« En revanche il … il … il n’a rien dit … hip … sur les dragons. »

« Par … burp … par contre il a dit qu’il jetterait par-dessus bord quiconque ne serait pas saoul. »

« Eeeeeeeh … hip … mais c’est vrai ça. On ne peut pas l’envoyer … burp … voir le capitaine dans cet état. »

L’un des pirates manqua de s’écrouler au sol et posa devant la dragonne sa chope encore pleine d’alcool.

« Tu … tu … tu crois qu’on peut lui donner ça ? »

« Bah … hip … c’est un dragon. Ça ne peut pas lui faire plus de mal qu’à nous. »

Le second pirate sembla avoir un moment d’hésitation, à moins que cela ne soit les derniers neurones lui restant qui s’éteignaient.

« C’est vrai … tu … tu … tu as raison. Allez ! Cul-sec ! Cul-sec ! Cul-sec ! Cul-sec ! »

***

L’elfe sombre redressa son verre avant que tout l’alcool ne tombe dans la mer et porta le restant à ses lèvres afin de pouvoir l’avaler. Il frappa ensuite le bastingage de sa chope avant de commencer à se retourner en entendant du bruit sur le pont.

« Je pensais avoir dit que je souhaitais que le pont soit désert.

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Après la demande de la dragonne, Shyven découvrit que les deux hommes qu’elle avait en face d’elle étaient pour le moins assez déroutés :

« Oh mais …hic … je te reconnais toi. Tu es étais dans l’eau en train de barboter avec la petite marche … burp … tempête quand on vous a repêché. »

« Le … le … le capitaine il n’est pas là … hip … il … il … il est là-haut. »

Shyven inclina sa tête vers la droite en direction du premier. Effectivement, maintenant qu’il le disait, elle se souvenait de cette aventure qu’elle avait eu ce jour-ci avec la liée du Roi des Pirates. Cela avait été particulièrement amusant, et bien que les bipèdes étaient partagés au sujet des pirates, elle en restait de son point de vue satisfaite.

La dragonne eut un petit regard et un sourire malicieux quand elle vit les deux causés entre eux. Bien que l’Opale ne connaissait pas vraiment personellement l’état second que pouvait provoquer notamment une consommation excessive d’alcool sur les humains, elle eut quelques souvenirs qui remontaient de sa mémoire draconique pour faire le rapprochement sur ce qui se passait ici.

Amusant donc. Elle retint cependant une information de la discussion des deux loubards : Nathaniel avait demandé à tout le monde d’évacuer le pont. Vraiment ? Lui qui était pourtant constamment entouré, et vivant constamment sur son navire avec son équipage, il avait choisi pour cette nuit de rester seul ? Lui qui semblait tant appréciée sa fonction de Roi, et la mise en scène qui allait avec ?

Bizarre. Shyven savait qu’il était proche de Lié-tout-chaud, mais au point de vouloir congédier sa Cour ? Cela dit, les deux étaient dragonniers. Shyven pensa au fait que même si deux dragons se détestaient, si l’un venait à mourir, cela causerait toujours une douleur chez l’autre. Il n’y avait qu’à voir la réaction de son grand-père à la mort de Cynoë et Firindal. Verith n’aimait pas les liés, et pourtant, face à Mort, il les pleuraient d’égal à égal. Shyven se demanda si la nature du Lien pouvait provoquer aussi ce genre de sentiments pour les autres dragonniers existants en ce monde.

Sortant de son instant de réflexion, elle revint à la conversation avec les deux pirates qui semblaient particulièrement motivés à la faire boire de ce qu’il y avait dans leur chope. L’un des deux tituba vers elle, et il posa sa boisson en face d’elle, presque en tombant au sol :

« Tu … tu … tu crois qu’on peut lui donner ça ? »

« Bah … hip … c’est un dragon. Ça ne peut pas lui faire plus de mal qu’à nous. »

« C’est vrai … tu … tu … tu as raison. Allez ! Cul-sec ! Cul-sec ! Cul-sec ! Cul-sec ! »

La Petite Opale eut un petit sourire en regardant les deux commencer à entonner leur petite chanson. Elle renifla ce qui se trouva dans la choppe, et son instinct (couplé à quelques souvenirs de ses plus ou moins lointains ancêtres) lui fit savoir que cette boisson était bonne, mais qu’il ne fallait mieux pas en abuser, au risque de se trouver dans le même état qu’eux.

Jugeant sa consistance suffisante pour assimiler une chope, Shyven lappa très rapidement le contenu de celle-ci, laissant pantois les deux pirates :

“C’est … Qu’elle a … Hips… Une bonne descente … La bougre !”

L’autre regarda dans le blanc des yeux son camarade, avant d’applaudir très fort de ses deux mains, avant de commencer à chantonner :

“Elle est des nôôôtreuuuh ! Elle a bu son verre comme les autreeuuuuh !!! Et glou et glou et glou !!!”

Bon, si Shyven comprenait l’intention de la chansonnette, il fallait bien avouer que la chansonnette ressemblait plus à ce stade à des cris qu’un véritable air. Elle tâcha cependant de remercier les deux comparses :

“Merci Messieurs pour le partage de votre boisson ! Sur ce, si vous voulez bien m’excuser, je vais m’entretenir avec votre Roi.”

Les deux regardèrent partir la jeune dragonne, puis bien vite celle-ci se trouva seule sur le grand bateau qui était amarré là. Il y avait ici une atmosphère spéciale ici : pour un lieu d’ordinaire si animé, et comptant un grand nombre de personnes à bord, le voir à ce point désert au point d’entendre le vent fouetter les cordes et les voiles repliés sur elles-mêmes … C’était vraiment étrange. Pouvant attiser la peur même : si Shyven n’avait pas été une fière dragonne sûre d’elle, elle aurait sûrement ressenti des frissons en d’autres circonstances.

Bien vite, elle arriva sur le pont principal, et là elle vit d’abord la silhouette d’un elfe titubant, qu’elle aurait pu reconnaître entre mille. Son interlocuteur du jour était là, marchant comme il le pouvait sur son bateau à terre. Sans doute celui-ci aurait-il été plus à l’aise si le navire était en mouvement, pensa Shyven.

« Je pensais avoir dit que je souhaitais que le pont soit désert. »

L’invectiva t-on. Shyven eut alors un petit sourire, arrêtant ses pas, avant de sauter sur le bastingage, de déployer ses ailes, et de rejoindre le roi des pirates en volant. Elle s’arrêta alors en face de lui, agitant doucement ses ailes pour faire du sur place :

“Mais pourtant, Roi des Pirates, votre pont est désert.” fit Shyven d’un petit air malicieux.

Elle pencha sa tête sur la droite, avant de commencer la conversation :

“Vous êtes triste, Nathaniel ?”

Elle laissa le silence s’installer un instant, avant de reprendre :

“Moi, je le suis. Nous avons tous beaucoup perdu aujourd’hui.”

Shyven ne s’étendit pas plus sur la question, se doutant bien que le Roi des Pirates n’était pas aussi pour “faire du social”, et l’écouter pleurer son père, et après tout elle n’était pas venu pour ça. Mais il était important qu’ils partent sur un pied d’égalité dans cette conversation.

“Nous avons à parler, Roi des Pirates, c’est la raison de ma visite. Désolée de vous déranger dans votre beuverie solitaire.”

Se contenta de faire Shyven, sans plus de cérémonie. Elle décrivit un petit rond dans le ciel, avant de s’installer avec deux pattes sur un morceau de bastingage, prêt de Nathaniel.

“Vous êtes un puissant de ce monde. Vous avez eu l’immense honneur d’être choisi par l’une des nôtres, et de partager le Lien avec elle. Alors nous parlerons en tant que tels.”

L’Opale inclina sa tête vers le Pirate : le message était-il bien reçu ? Shyven allait avoir besoin de toutes les capacités de Nathaniel, bien qu’il soit probablement dans un état second.

“Connaissez-vous l’Ordre et le Chaos, Nathaniel ?”

Une question bien simple, mais qui pouvait sembler bien vaste, spécialement pour quelqu’un dans un état second. Mais Shyven continua :

”Deux forces inexorables régis par une Balance, dont ma mission est de veiller sur elle, afin que notre monde ne plonge pas dans un déséquilibre préjudiciable. Certains d’entre vous interprètent ces notions à travers nos Déesses et Dieu. Je préfère cette appellation, car les Divins nous ont abandonné. Mais au contraire, l’Ordre et le Chaos veillent, et agissent en permanence sur notre monde.”

Des Empires se créaient, des dragons mouraient, des personnes étaient tantôt réduits en esclavages, tantôt libérés, des Couronnes de Cendres ressurgissaient du passé pour dominer le monde … En bref, le monde était en mouvement perpétuel.

“Cela doit vous sembler bien obscur, encore plus en ces circonstances. Mais je viens à la partie qui vous concerne. Vous n’êtes pas sans savoir que de nombreux événements secouent l’archipel. La mort d’Achroma n’en étant qu’un parmi d’autres, bien que je vous accorde que celui-ci ne soit pas anodin. Et au milieu de tout ceci, lors de mes rêves et méditations, quand je songeais au Chaos, une tête me revenait souvent : la vôtre.”

Shyven posa un bref silence, le temps que le pirate assimile ces informations, et trouve peut-être quelques paroles. Puis elle reprit finalement :

“Je ne puis croire que vous êtes seulement ce Roi outrancier, barbare et sans vergogne qu’une bonne partie des bipèdes pensent de vous. Vous êtes un  Lié. Vous ne le seriez pas si vous valiez la même chose que les deux pirates qui m’ont enjoint à boire dans leur chopine. Avec tout le respect que j’ai pour vos hommes qui m’ont gentiment accueilli bien sûr. Alors en bref, aidez moi à comprendre. Vous semblez avoir une relation particulière avec le Chaos : Pourquoi ?”

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¤ Lumière et Ombre, Ordre et Chaos ¤

Nathaniel connaissait le Maelstrom. Il connaissait chaque morceau de bois, chaque bout de tissu, chaque cordage. Il entendait sa voix, il entendait son chant au travers de chacun des grincements de bois, du sifflement de ses voiles. Son navire était son domaine et son domaine était son complice. Aussi lorsqu’il entendit les presque inaudibles grincements et cliquetis du pont sous le poids et les griffes de la dragonne, l’elfe sombre sut qu’il n’était plus seul. Une solitude qu’il avait pourtant demandée à pour faire le deuil d’un partenaire de crime, en quelque sorte. Un moment pour lui rendre un hommage peut-être plus intime. Un instant qui fut toutefois dérangé. Le timbre de voix du roi de la confrérie trahissait sans difficulté son agacement. Et c’est entendant une réponse résonner à l’intérieur de son crâne qu’il se retourna. Se présentait à lui une petite dragonne rose dont il avait déjà croisé la route. Cette dernière avait bondi en donnant un petit coup d’aile, venant quitter le pont pour rejoindre le bastingage sur lequel elle se déplaçait à présent en équilibre tel un chat sur le rebord d’un mur. Nathaniel souffla légèrement du nez, amusé par la petite Shyven qui se décidait à jouer au plus malin en prenant l’elfe sombre au mot dans un sens un peu trop littéral.

« Vous êtes triste, Nathaniel ? Moi, je le suis. Nous avons tous beaucoup perdu aujourd’hui. »

Triste ? Bien sûr qu’il l’était. Une personne avec qui il était en affaires venait de mourir, une personne qu’il appréciait en plus. Donc en plus d’une peine plus personnelle venait s’ajouter la peine issue d’une perte de bénéfice futur.

« Perdre une personne avec qui on est en affaires est rarement chose plaisante … à moins que l’on provoque soi-même sa chute d’une façon plus ou moins directe pour en tirer un bénéfice. Ce qui n’était pas le cas. Bien que nous fussions différents, Achroma était de la même trempe que moi. Il voyait grand, il voyait loin. Avec mon aide, il aurait pu accomplir de grandes choses. Avec son aide, j’aurais pu accomplir de grandes choses. Des choses que l’on ne peut accomplir seul, qu’importe le nombre de personnes que l’on a sous ses ordres. Un peu comme un partenaire de crime. Quelqu’un qui aurait pu être mon égal. »

Des actions qui impactent tellement de vie qu’elles impactent l’histoire du monde. Des actions qui changent les choses à tout jamais. L’elfe sombre se redressa et titubant un peu il se dirigea vers l’avant du gaillard arrière où reposait un petit tonneau. Il mit sa chope sous un robinet dont il tourna la vis pour libérer le contenu et remplir son récipient. Il vint le refermer une fois le verre plein.

« Nous avons à parler, Roi des Pirates, c’est la raison de ma visite. Désolée de vous déranger dans votre beuverie solitaire. »

« Parlez ? Et parlez de quoi ? Je doute que ce soit le moment de parler de quoi que ce soit. Dans ce genre de moment, on se contente de boire, encore et encore jusqu’à s’effondrer et se réveiller le lendemain après-midi en ayant oublié tout ce qui s’était passé la vielle. »

Titubant légèrement tout en venant porter la chope à ses lèvres pour ingurgiter le liquide alcoolisé, Nathaniel revint s’appuyer sur le bastingage avant d’être rapidement rejoint par Shyven.

« Vous êtes un puissant de ce monde. Vous avez eu l’immense honneur d’être choisi par l’une des nôtres, et de partager le Lien avec elle. Alors nous parlerons en tant que tels. »

« Eh bien, que de sérieux tout d’un coup. Je ne sais pas ce que vous avez l’intention de me demander, jeune dragonne, mais sachez que depuis que je suis roi, mes tarifs ont fortement augmenté. »

L’elfe sombre vint lentement se retourner en direction de la dragonne rose, appuyant son avant gauche sur le rebord du navire afin de se soutenir.

« Connaissez-vous l’Ordre et le Chaos, Nathaniel ? »

Le gredin à la chevelure d’écume ne put s’empêcher de hausser un sourcil. Qu’allait bien pouvoir lui raconter la jeune Shyven ? Et surtout, était-il suffisamment saoul pour pouvoir assumer la discussion qui se profilait devant lui.

« Deux forces inexorables régies par une Balance, dont ma mission est de veiller sur elle, afin que notre monde ne plonge pas dans un déséquilibre préjudiciable. Certains d’entre vous interprètent ces notions à travers nos Déesses et Dieu. Je préfère cette appellation, car les Divins nous ont abandonnés. Mais au contraire, l’Ordre et le Chaos veillent, et agissent en permanence sur notre monde. »

Sans la moindre once d’hésitation, l’Eärendil vint porter sa chope à ses lèvres afin d’ingurgiter une nouvelle gorgée de boisson alcoolisée. Qu’est-ce que lui chantait la dragonnette ? Et surtout où voulait-elle venir ? Oh le gredin n’était pas étranger au concept d’ordre et de chaos, même s’il lui préférait celui de la lumière et de l’ombre. Le monde ayant sa part d’ombre et sa part de lumière. L’un ne pouvant exister sans l’autre. Une dépendance forte qui se révélait être une véritable symbiose. Si la lumière est forte, l’ombre l’est aussi. Si l’une s’attaque à l’autre, alors les deux finiront par s’affaiblir.

« Cela doit vous sembler bien obscur, encore plus en ces circonstances. Mais je viens à la partie qui vous concerne. Vous n’êtes pas sans savoir que de nombreux événements secouent l’archipel. La mort d’Achroma n’en étant qu’un parmi d’autres, bien que je vous accorde que celui-ci ne soit pas anodin. Et au milieu de tout ceci, lors de mes rêves et méditations, quand je songeais au Chaos, une tête me revenait souvent : la vôtre. »

Oh, l’elfe sombre avait entendu des rumeurs, il avait lu les rapports de ses espions. Le monde bougeait en permanence, chacun avait ses propres plans et par moments les plans de chacun s’entrechoquaient créant alors de grands bouleversements. L’attaque de Sélénia en était une preuve. Les Séléniens avaient leurs plans, les pirates et les vampires avaient les leurs. Achroma était mort, mais le royaume Sélénien en sortait terriblement affaibli. L’équilibre et le rapport des forces avaient en quelque sorte changé. Nathaniel ne put toutefois s’empêcher de ricaner.

« Si quelqu’un m’avait dit un jour que je hanterais les pensées d’une dragonne, je ne l’aurais pas cru et l’aurais probablement fait enfermer. »

« Je ne puis croire que vous êtes seulement ce Roi outrancier, barbare et sans vergogne qu’une bonne partie des bipèdes pensent de vous. Vous êtes un Lié. Vous ne le seriez pas si vous valiez la même chose que les deux pirates qui m’ont enjoint à boire dans leur chopine. Avec tout le respect que j’ai pour vos hommes qui m’ont gentiment accueilli bien sûr. Alors en bref, aidez-moi à comprendre. Vous semblez avoir une relation particulière avec le Chaos : Pourquoi ? »

Le regard et le sourire de l’elfe sombre changèrent soudainement, semblant devenir plus malicieux alors qu’il portait une nouvelle fois sa chope à ses lèvres.

« Il est préférable que l’on croit que je sois un roi outrancier, barbare et sans vergogne, particulièrement mes ennemis. Ce n’est pas totalement faux d’ailleurs, chaque personnage qu’une personne joue recèle une part de vérité. Je suis un comédien. Cela me permet de tromper aisément mes adversaires afin de mieux sortir victorieux. Mais si j’en suis là aujourd’hui petite, ce n’est pas grâce à mes talents de comédien. Il ne s’agit que d’un moyen de parvenir à mes fins. »

Nathaniel vint poser sa chope sur le bastingage et la fit glisser jusque devant Shyven, tout en tenant la poignée afin d'éviter qu’elle ne tombe.

« La vie est cruelle et sans pitié, petite dragonne. Je le sais mieux que quiconque pour l’avoir subi et l’avoir fait subir. Si j’en suis là aujourd’hui, c’est parce que j’ai compris cela, parce que j’ai compris les règles du jeu, parce que je ne désire pas perdre, je veux gagner, vaincre, posséder. C’est ainsi qu’on lutte pour notre survie, car la vie est injuste par nature. Que l’on provienne de l’ombre ou de la lumière, notre survie se fait nécessairement au détriment celles des autres. La différence c’est que pour ceux issus de l’ombre du monde et des sociétés, comme moi, nos méthodes sont plus violentes, car nous ne sommes pas hypocrites, ou moins. »

L’elfe sombre vint poser son regard sur la ville de Nevrast. L’espace d’un instant, il se revoyait parcourir les ruelles d’Elena la Robuste, fuyant la garde alors qu’il venait de voler les bourses des passants.

« Si comme tu le penses je suis un artisan du Chaos, peut-être est-ce parce que ma survie se fait nécessairement au détriment de ceux vivants dans le camp de l’Ordre. Je vole, je viol, je tue et pire encore. Ce n’est pas comme si elle m’avait laissé le choix. »

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Shyven eut un petit sourire à ses babines draconiques au fur et à mesure que la conversation commençait à se délier. Quoi qu’on en dise, Nathaniel semblait touché. Qui eut cru que la mort d’Achroma aurait eu un tel retentissement sur leur monde, à tel point qu’à présent même le Prince des Mensonges semblait honnête.

Définitivement, ce monde allait de surprise en surprise. Mais c’est aussi ce qu’y faisait son intérêt, selon la dragonne qui décrivit quelques cercles dans le ciel, avant de répondre à Nathaniel :

“Craignez vous Aldaron, Roi des Pirates ?”

Une question qui pouvait sembler anodine, mais si le forban regrettait Achroma, au-delà de relations amicales et politiques que les deux devaient entretenir, Shyven estima qu’il y avait peut-être une raison sous-jacente à tout ceci.

“Il n’est pas si mal, vous savez. Venez plus souvent le voir avec Kaiikathal à l’avenir, je suis sûr qu’il vous sera très amical.”

En tout cas, de l’expérience que Shyven avec le vampire, ce qu’elle pouvait dire, c’est qu’il mettait un point d’honneur à respecter les dragons, et leur accorder une place de choix dans son royaume. Ce qui était déjà bien plus de considérations que n’importe quel autre bipède qu’elle avait croisé sur Calastin, à l’exception faite de quelques-uns, comme Paoele ou Ilhan.

Une considération qui leur était due, et probablement que cela aiderait Nathaniel à se faire respecter si les relations entre ces deux-là étaient encore dans l’expectative : eux deux n’étaient pas n’importe qui, ils partageaient le Lien.

Une fois ceci dit, Shyven se recentra sur l’essentiel de cette conversation, qui n’était pas le nouveau Prince Noir, mais bien le Prince qui se dressait en face d’elle. Ce qui amusa la dragonne, c’est que l’elfe avait des considérations bien matérialistes : “mon tarif a augmenté”, “je veux posséder”, “je vole” … Sans doute ne comprenait-il pas encore ce dont il était question exactement, mais Shyven allait le mettre sur la voie, petit à petit. L’idée ferait son bout de chemin.

Il apporta cependant un terreau plus qu’intéressant quand le Pirate se mis à évoquer son rôle, son “Personnage”, et ses multiples identités qu’il se donnait. Il ne s’en rendait sûrement pas compte, mais il touchait là quelque chose qui intéressa l’Opale, qui vit ses yeux rouges briller d’une flamme caractéristique à sa race.

“Tout ceci n’est qu’une mascarade, n’est-ce pas Nathaniel ? J’ai déjà entendu ça quelque part. Beaucoup vous ont dit ou vous diront que vos actions ont passé la ligne rouge, mais la vérité, c’est que ce concept même de ligne n’existe pas.”

La dragonne eut un nouveau petit sourire. Oui, définitivement, si telle était sa pensée, elle ne s’était pas trompé quant à ses visions. Nathaniel était bien de ces émissaires du Chaos qui lui faudrait. Peut-être même qu’elle n’en trouverait pas de meilleurs.

“A ce que je comprends, la vie n’est donc qu’une lutte pour la survie pour vous. Soit. C’est une façon de voir les choses. Et cela explique aussi vos considérations matérielles. Autant vous prévenir de suite : vous n’aurez pas d’argent de mes griffes. Je viens pour vous, Nathaniel. Pas pour les affaires, pas pour vos hommes, pour vous.

La dragonne se savait certainement très énigmatique depuis le début de cet entretien, mais elle se plaisait à entretenir cette image : il fallait que les bipèdes se sentent face à un esprit supérieur, quitte à ce qu’elle parle trop en énigmes, et que l’autre fasse plus d’efforts pour la comprendre. Conscient cependant de la personnalité qui se trouva en face d’elle, elle en vint rapidement au fait :

“Je comprends pourquoi vos sujets vous aiment. Vous leur ressemblez, et vous devez même les comprendre mieux que personne. Vous avez même probablement partager leur histoire. Mais pourtant vous êtes Roi, vous plus qu’un autre. Peut-être parce que vous avez été plus fort, plus malin, plus riche ou bien d’autres choses que vous autres bipèdes mettez en valeur. Mais le Destin vous a choisi à cette occasion, ainsi qu’à une autre, quand cet œuf de dragon a éclos pour vous.”

Shyven pris une petite pause, avant de lever la patte sur laquelle se tenait la Scala OrdenKaos, qui pulsait de la magie tant est si bien que si la dragonne l’avait jeté à l’eau, elle était sûr qu’elle aurait avalé le Maelström en un rien de temps.

“Et aujourd’hui vous occupez mes pensées, et vous faites réagir avec une grande puissance cet artefact vieux de plusieurs millénaires. Plutôt cocasse, pour un simple comédien, n’est-ce pas ? -Elle marqua une courte pause avant de reprendre la parole- Vous me parliez tout à l’heure du fait qu’Achroma vous aurait propulsé tout là haut, à faire des choses que l’on ne pouvait pas faire peu importe le nombre de personnes à ses ordres …”

Shyven repris un peu d’envol, avant de se dresser face à Nathaniel, de toute son envergure, dans les airs :

“Si là était le concours d’un vampire à vos activités, alors imaginez ce que pourrait donner celui d’un dragon, du Tribunal Vivant en personne.”

La dragonne s’arrêta là encore un instant, le temps que le pirate digère l’information, puis elle apporta des précisions à ses paroles :

“J’ai comme mission d’être la gardienne de la Balance qui régit ce monde. En tant que telle, je désire que vous soyez mon Émissaire du Chaos, Nathaniel. Si votre survie se fait au détriment de l’Ordre, alors je veux que vous soyez cette personne qui le combat farouchement, et qui répondra à mes appels si la Balance en a besoin. Ni plus ni moins. Que vous deveniez ce que vous représentez, si j’ose dire. les choses ainsi.”

Shyven se posa sur la rambarde du grand bâteau à quai, et termina par quelques mots :

“Voyez-vous, je suis de ceux qui pensent que votre place n’est plus à la survie, Roi des Pirates. Vous êtes un comédien, alors entendez ces mots : je veux que plus que jamais, vous incarniez cette étincelle dans une forêt luxuriante, qui soit véritablement craint de tous les dirigeants sans partages, qui soit le Mirage dans un désert d’un Ordre aride et implacable, que vous soyez la Voix des Sans-Voix. Vous n’avez besoin de personne pour avoir le monde à vos pieds. Juste d’un petit coup de pouce d’une puissance supérieure.”

Elle adressa un petit clin d'œil à l’elfe, avant de laisser son esprit seul dans le silence de ses pensées.

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¤ Pourparlers ¤


« Craignez-vous Aldaron, Roi des Pirates ? »

Un sourire apparu sur les lèvres de Nathaniel suivit d’un petit ricanement.

« Le craindre ? Non, car il n’est pas mon ennemi. Le respecter, très certainement. Oh ne vous inquiétez pas, je connais Aldaron, depuis longtemps même. Nous avons déjà travaillé ensemble par le passé. Cela fut fructueux, autant pour lui que pour moi. Je n’étais pas encore roi à l’époque. Seulement un brigand, un contrebandier. Contrairement à aujourd’hui, je n’étais qu’une petite frappe, un caillou dans la chaussure des bonnes gens … aujourd’hui je suis la dague plantée dans leur œil. Aldaron prendra très certainement la place d’Achroma. Je lui apporterais mon soutien. Ce que j’ai dit au sujet d’Achroma est valable pour lui. Je ne doute pas qu’une collaboration avec le royaume vampirique avec Aldaron à sa tête sera fructueuse pour la confrérie et pour moi-même. Mais ce dernier possède une chose qu’Achroma n’avait pas, une chose qui est aussi bien un avantage qu’un défaut. Aldaron est un marchand. Il veut ce qu’il y a de meilleur et il le veut au prix le plus bas. Lors de nos futures négociations, je risque de ne pas être autant gagnant que j’aurais pu l’être avec Achroma. »

Aldaron était dur en affaires et Nathaniel avait tendance à perdre patience avec ceux qui sont durs en affaires. Et quand il perd patience, il utilise des méthodes peu recommandables … des méthodes que l’on préfère ne pas utiliser si on veut rester allié avec la personne en face de soi. La discussion entre le pirate et la dragonne poursuivit, dérivant lentement vers un autre sujet, celui de l’ordre et du chaos. Où souhaitait en venir la rose ?

Ainsi donc le concept de ligne n’existait pas ? Mais où n’existait-elle pas ? À l’état naturel sans nul doute. Le concept de ligne à ne pas franchir avait été inventé par les bipèdes, par la société, le plus souvent caractérisée par la loi et la morale. En retirant ces éléments de l’équation, effectivement, le concept de ligne ne pouvait ne pas exister. C’était toutefois étrange d’entendre cela d’un dragon. Et si jamais, il prenait l’envie à Nathaniel de tuer des dragons, viendrait-elle lui dire que le concept de ligne à ne pas franchir n’existait pas ?

Écoutant toujours Shyven l’elfe sombre vint porter une nouvelle fois sa chope à ses lèvres. Il fit quelques bulles dans sa boisson quand cette dernière lui fit mention qu’il n’était pas question d’argent. Mince, voilà qui rendait la chose un peu moins intéressante soudainement. L’elfe sombre était un pirate, il ne faisait pas dans le bénévolat. Cette dernière devait donc bien avoir quelque chose à lui offrir si jamais elle le voulait lui.

Le concept de destin, quelque chose d’assez malvenu quand on parlait à un pirate. Dire à un homme épris de liberté que toutes ses actions, que toute sa vie était écrite à l’avance et qu’il ne faisait que suivre, que subir sans jamais avoir le moindre impact. C’était un coup à le mettre en rogne. Le regard du forban glissa vers le petit objet que tenait la dragonne entre ses mains. Était-ce cela qu’elle souhaitait lui offrir en guise de paiement ? Pourquoi pas. Ça avait l’air ancien, mais ce qui est ancien a généralement de la valeur.

« Et aujourd’hui vous occupez mes pensées, et vous faites réagir avec une grande puissance cet artefact vieux de plusieurs millénaires. Plutôt cocasse, pour un simple comédien, n’est-ce pas ? »

« C’est sans nul doute mon charme naturel. »

Essuyant la mousse sur ses lèvres, le gredin laissa son interlocutrice poursuivre. Alors qu’il allait prendre à nouveau une gorgée, Nathaniel vint arquer un sourcil. Le soutien d’un dragon ? Du Tribunal Vivant en personne ? Elle souhaitait le soutenir ? Lui ? Le forban avait déjà une dragonne liée, pouvait-il en avoir deux ? Mh … était-ce une si bonne idée que cela ? Kaiikathal ne risquerait-elle pas par devenir jalouse ? Après tout, quand un homme couche avec une femme autre que la sienne, la première devient verte de jalousie envers la seconde. Cette règle pouvait peut-être s’appliquer aux dragons. L’elfe sombre n’était pas sûr, ni assez ivre, pour se dire que risquer la colère d’une dragonne était la bonne chose à faire.

« Eh bien, vous avez effectivement l’art de choisir ce qu’il y a de mieux. Je suis, sans me vanter au vu de mes récents exploits, maitre dans l’art de semer le désordre. Qui d’autre que moi peut entrer dans le palais de son ennemi et pousser les nobles à se battre contre la garde ? Qui d’autre que moi peut, face à un régiment, amenez ses soldats qui se sont entrainés ensemble, ont combattu ensemble, qui se sont protégé mutuellement à se battre entre eux ? Semer le Chaos, inspirer la crainte et chier dans les bottes des puissants de ce monde, c’est ce que je fais tous les jours. »

Le regard du gredin se posa sur la dragonne qui venait de se poser à nouveau sur la rambarde du Maelstrom.

« Être un Émissaire du chaos ? Ou même un Élu du Chaos ? Voilà une douce mélodie à mes oreilles. Cependant, si la proposition est tentante, je n’ai pas pour habitude de signer quoi que ce soit sans connaitre les clauses du contrat. À vrai dire, c’est plutôt moi qui fais signer aux autres des contrats douteux en faisant en sorte de ne pas leur en révéler tout le contenu. »

Une étincelle de sérieux apparut dans les pupilles de Nathaniel, légèrement voilée par un début d’ivresse.

« L’ordre, le chaos. À bien vous entendre, vous seriez celle qui jugerait de son équilibre et de son déséquilibre. Soit. Qu’est-ce qui pourrait un jour justifier mon intervention suite à votre appel ? Me direz-vous un jour : Nathaniel, j’ai besoin que tu tues, captures, voles telle ou telle personne ? Nathaniel, j’ai besoin que tu rentres en guerre contre tel ou tel empire ? Si d’aventure, le chaos devait être source de déséquilibre ? Viendrez-vous me voir pour m’arrêter ? Où m’enverrez-vous votre émissaire de l’ordre ? Dans le deuxième cas, j’espère que vous trouverez quelqu’un à ma hauteur. Enfin, quel coup de pouce, ou devrais-je dire de griffe, cette soi-disant puissante supérieure pourrait me donner ? Descendrez-vous en piqué depuis les cieux pour bruler la flotte de mes ennemis ? Me tirerez-vous d’affaire le jour où je finirais en prison ou sur le gibier de potence ? »

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Shyven fut amusée de constater le rapport que Nathaniel avait avec le nouveau Prince Noir. Encore des questions d’argent, bien sûr. Ce peuple n’avait définitivement que cela à la bouche.

La dragonne d’opale était songeuse. Peut-être devrait-elle un jour sortir quelque chose de ses trésors personnels si cela faisait tant plaisir que cela à Nathaniel. Mais pour l’heure la discussion suivit son cours, et plus le temps passa, et plus la dragonne se demanda si le Pirate comprenait vraiment ce dont il était question à travers ses pensées.

Mais après tout elle se souvint que les bipèdes, et particulièrement ceux-à-oreilles-effilées pouvaient prendre plus de temps à comprendre certaines choses. Encore plus quand ceux-ci étaient sous l’emprise de substances altérant leurs sens.

Ce n’était pas grave. Shyven avait tout le temps du monde, et si d'aventure elle était dans les environs, l’opale aurait volontiers discuter avec Kaiikathal le temps que Nathaniel lui donne une réponse appropriée.

Cependant, mauvaise langue qu’elle était, aussitôt qu’elle eut fini, le Tribunal Vivant eu droit à une réponse en bonne et due forme, ce qui la surprit quelque peu. Comme quoi, il était vrai que le Roi des Pirates cachait bien son jeu. Il se vanta d'abord d’être effectivement le meilleur, et étala là quelques faits d’armes. Là, vinrent danser dans les mires rouges de Shyven des petites flammes, et elle fut pris d’un certain sentiment d’excitation. Voilà exactement ce qu’elle était venue chercher, en arrivant sur ce bâteau à cette heure-ci de la soirée, et elle était contente que le forban soit sur la même longueur d’ondes qu’elle.

Cependant, celui-ci avait encore quelques questions et remarques, cela était bien normal. Shyven l’écouta d’une oreille attentive :

“ Être un Émissaire du chaos ? Ou même un Élu du Chaos ? Voilà une douce mélodie à mes oreilles. Cependant, si la proposition est tentante, je n’ai pas pour habitude de signer quoi que ce soit sans connaitre les clauses du contrat. À vrai dire, c’est plutôt moi qui fais signer aux autres des contrats douteux en faisant en sorte de ne pas leur en révéler tout le contenu.”

Elle sourit avant d’ajouter brièvement :

“Il ne s’agira pas d’un simple contrat Nathaniel. Mais de bien plus que ça. Vous serez aux côtés de puissances supérieures, pour faire régner un Équilibre parfait dans notre monde.”

Là, elle vit une étincelle apparaître dans le regard de Nathaniel, qui fit ensuite :

“L’ordre, le chaos. À bien vous entendre, vous seriez celle qui jugerait de son équilibre et de son déséquilibre. Soit. Qu’est-ce qui pourrait un jour justifier mon intervention suite à votre appel ? Me direz-vous un jour : Nathaniel, j’ai besoin que tu tues, captures, voles telle ou telle personne ? Nathaniel, j’ai besoin que tu rentres en guerre contre tel ou tel empire ? Si d’aventure, le chaos devait être source de déséquilibre ? Viendrez-vous me voir pour m’arrêter ? Où m’enverrez-vous votre émissaire de l’ordre ? Dans le deuxième cas, j’espère que vous trouverez quelqu’un à ma hauteur. Enfin, quel coup de pouce, ou devrais-je dire de griffe, cette soi-disant puissante supérieure pourrait me donner ? Descendrez-vous en piqué depuis les cieux pour bruler la flotte de mes ennemis ? Me tirerez-vous d’affaire le jour où je finirais en prison ou sur le gibier de potence ?”

Shyven arqua sa tête sur la droite, avant de répondre au Roi des Pirates :

“Vous commencez à comprendre, et en vérité vous apportez déjà une partie des réponses dans vos questions. L’Ordre et le Chaos sont une balance compliquée à maintenir en place, et effectivement, vous agirez comme un régulateur. En tant qu’émissaire du Chaos, il pourra arriver que je vous donne certaines tâches particulières, comme ce que vous venez de définir : faire disparaître quelqu’un ou quelque chose, tuer en mon nom, ou bien d’autres choses encore. L’idée étant de rappeler à ceux qui veulent se prendre pour ce qu’ils ne sont pas, que le Chaos les rattrape toujours. Alors oui, il faudra parfois se salir les mains. Mais je n’ai aucune inquiétude vous concernant.”

Shyven eut un petit sourire malicieux à Nathaniel : la dragonne se doutait que le pirate devait être très opérationnel en la matière.

“Mais là n’est pas tout. Vous ne serez pas qu’un simple sbire auquel je me contente de vous donner des ordres. Vous valez mieux que ça. Il pourra arriver, si la situation se présente, que je vous informe d’un problème, et que vous réfléchissiez par vos propres moyens pour le résoudre. Vous aurez également un rôle très important de Yeux et d’Oreilles, là où je ne peux me rendre. Si vous acceptez, vous serez un envoyé de la Balance, et dès lors un observateur très important qui aura comme mission de veiller à ce que notre monde ne retombe pas dans les dérives qu’il a connu par le passé.”

Elle s’arrêta un instant. Shyven voulait s’assurer que Nathaniel comprenne tout ce dont il était question. Pour cette dernière mission d’observation, Shyven jugea Nathaniel comme suffisamment expérimenté et âgé pour comprendre ce à quoi elle faisait allusion : la tentative de domination du Tyran Blanc, ou bien les conquêtes almaréennes … Les exemples étaient nombreux de ceux voulant imposer leur propre ordre des choses.

“N’essayez cependant pas de me dûper. Vous n’y gagnerez pas grand chose, si ce n’est de me rendre mécontente. Si je ne possède pas encore d’yeux et d’oreilles partout en ce monde, je sais mieux que personne juger les gens.”

Shyven eut un petit regard inquisiteur sur le Roi des Pirates, puis elle eut un petit sourire malicieux. Elle savait que Nathaniel était capable de telles choses, pour autant elle n’insista pas plus sur la question. Peut-être était-ce de la naïveté, mais elle se sentait suffisamment en confiance pour qu’il comprenne bien tout ce à quoi l’opale faisait allusion.

“Si d’aventure le chaos était source de déséquilibre, alors je rétablirais la balance des pouvoirs comme bon me semble. Mais dès lors que vous respectez ce que je vous ai dit jusqu’à lors, vous pourrez vous estimer hors de danger. Il n’est pas improbable que vous trouviez quelques petites épines sur votre chemin, mais je suis sûr que vous ne sentirez pas la différence.”

La dragonne libre fit un petit clin d’oeil au forban, avant d’ajouter :

“La vie est un éternel combat, cruelle et sans pitié, comme vous l’avez si bien dit. Je ne voudrais pas dénaturer vos raisons d’être. Disons que si vous acceptiez, vous seriez peut-être plus apte à comprendre pourquoi certaines choses vous arrivent.”

Shyven agita un peu ses ailes, et leva sa griffe sur laquelle était juchée Scalla OrdenKaos, pour la mettre bien en face des yeux de Nathaniel. Celle-ci pulsait d’une forte aura magique qui imprégna l’air :

“Ce que je vous propose comme coup de griffe, serait bien plus que de simples aides matérielles, Nathaniel. La Balance est très puissante. Vous défierez les lois de l’Espace. Vous pourrez communiquer avec moi quelque soit la distance, je pourrais me téléporter jusqu’à vous, et inversement. Mais là n’est pas tout. Je pourrais vous bénir de bons présages, ce qui par exemple aura pour effet de vous trouver sur le chemin d’une tribu ou d’une ville à piller en cas de longue disette … En ma présence, vous pourrez également être surpris de certaines choses : peut-être trouverez vous plus facilement une solution à vos problèmes, ou pourriez vous par miracle vous sortir ou être gagnant d’une bataille épineuse …”

Shyven eut un petit sourire, avant de terminer :

“En somme, vous naviguerez sur les mers du destin, et tant que vous avez ma bénédiction, vous pourrez les courber à votre volonté en semant le Chaos.”

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¤ Marque du Chaos ¤

Appuyé sur la rambarde de son bâtiment, l’elfe sombre s’efforçait de lutter contre les effets de l’alcool. Il se devait de garder un minimum de lucidité, car cette conversation en demandait. Mais au vu de ses aspects, il lui fallait aussi être alcoolisé. Toutes les discussions importantes se doivent d’être accompagnées d’un subtil mélange de lucidité et d’alcool. Nathaniel jugeait les paroles de Shyven. Avait-il vraiment envie de se lancer dans une telle entreprise ? Non, la question était : comment cette entreprise pouvait lui être bénéfique. À première vue, ce que lui annonçait la rose ne variait en rien de ces activités quotidiennes ou bien de ces projets futurs. Semer le chaos et grandir dessus, voilà ce qu’il faisait, voilà ce que faisait la confrérie. Après tout, si elle en était là aujourd’hui c’est bien grâce à toutes ses mauvaises actions.

« Si vous acceptez, vous serez un envoyé de la Balance, et dès lors un observateur très important qui aura comme mission de veiller à ce que notre monde ne retombe pas dans les dérives qu’il a connues par le passé. »

Sur ces mots, le gredin porta à nouveau son breuvage à ses lèvres.

« Oh, je crois que je commence à comprendre. Vous ne voulez pas seulement que je sème le désordre. Vous souhaitez instrumentaliser le Chaos autant que l’Ordre pour définir la Balance. Une Balance qui vous correspondrait. Réguler le Chaos et l’Ordre pour réguler le Balance et donc le monde, pour éviter l’émergence de ce qu’il y a de pire autant venant de l’un que de l’autre … ces fameuses dérives. »

Shyven avait sonné à la bonne porte. L’elfe sombre était peut-être un vecteur du Chaos, mais avec lui au moins on pouvait négocier.

« N’essayez cependant pas de me duper. Vous n’y gagnerez pas grand-chose, si ce n’est de me rendre mécontente. Si je ne possède pas encore d’yeux et d’oreilles partout en ce monde, je sais mieux que personne juger les gens. »

Un sourire amusé vint poindre sur le faciès du gredin, répondant à celui de la dragonne. Ne pas la duper ? C’est comme demander à un pirate de ne pas pirater. Ou alors à un dragon de ne pas voler. Le Chaos est la moins fiable des forces et il est Nathaniel. Il est un égoïste. Il lui est impossible de promettre qu’il ne tenterait pas de la duper un jour ou l’autre. Après tout, il est une lame à double tranchant, si on décide de le manier, il faut être prêt à être blessé.

« Conclure un marché avec moi ne sera pas un long fleuve tranquille, autant que vous soyez au courant. Mais cela, vous devez vous en douter. Après tout, le Chaos n’est pas connu pour être une force disciplinée, soumise. »

Tous deux étaient à présent au fait des tenants et aboutissants du contrat et de leur relation à venir. Elle serait aussi fructueuse que tumultueuse. Mais il restait encore une chose à voir pour Nathaniel : quels avantages pourrait-il en tirer ? Soit personnellement, soit pour la Confrérie … quoique les deux se confondent maintenant qu’il en était le roi. Sans attendre, la dragonne rose vint lui confier les pouvoirs qu’un tel pacte pourrait apporter au gredin. Posant son regard sur l’étrange bijou que lui présentait la dragonne, l’elfe sombre tâcha de graver dans sa mémoire les éléments que lui confiait Shyven. Communication mentale et téléportation entre les deux concluants. Voilà qui pourrait s’avérer fort pratique, particulièrement pour en cas d’évacuation d’urgence. Du point de vue de la Confrérie, obtenir de bon présage, des solutions à des problèmes, ou même sortir victorieux de certaines batailles pourrait s’avérer fort utile.

« Voilà qui est fort intéressant. Soit, je pense en savoir assez sur les termes. Du coup, comment fait-on ? Dois ton signé dans l’ancre ? Le sang ? L’alcool peut-être ? »

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Le Roi des Forbans ne laissa pas durer le suspense très longtemps, mais au moins semblait-il comprendre rapidement les enjeux de la mission qui lui était confié : aider Shyven à accomplir sa mission, et faire en sorte que la Balance se maintienne toujours, quoi qu’il en coûte.

La dragonne acquiesça alors lentement quand le Pirate expliqua en ses termes le marché de l’Opale. Il comprenait vite, et même sous l’emprise de substances lui réduisant d’une manière substantielle son temps de cerveau. Comme quoi, Shyven avait vu juste : il n’était pas n’importe quel gredin, pas qu’un simple truand qui pillait, volait et tuait. Non, il était plus que cela, bien qu’il ne l’admetterait probablement jamais.

La dragonne fut satisfaite donc, et même quand celui-ci se permit une petite réflexion :

« Conclure un marché avec moi ne sera pas un long fleuve tranquille, autant que vous soyez au courant. Mais cela, vous devez vous en douter. Après tout, le Chaos n’est pas connu pour être une force disciplinée, soumise. »

L’Opale eut un petit sourire, avant de lui rétorquer une fois qu’elle eut terminée ses quelques explications :

« Je vous retourne cette remarque, Roi des Pirates. L’offre que je vous propose est loin de vous faire naviguer sur une mer d’huile. Mais je pars du principe qu’en choisissant le mode de vie qui est le vôtre, vous avez déjà fait tous les sacrifices nécessaires. De même que vous connaissez mieux que personne le tempérament Draconique : nous ne sommes pas des vulgaires animaux que vous pouvez vous contenter de dresser pour user de notre puissance. »

Shyven eut un petit rire mental, alors qu’elle prit à nouveau son envol pour décrire un rond dans le ciel, comme pour appuyer ses propos. Elle fit ensuite :

« Mais je ne me fais pas de soucis pour notre future collaboration si vous acceptez mon marché, Nathaniel. Mon instinct m’a fait part que vous étiez prédestiné à accomplir cette œuvre, alors ne me faites pas mentir. »

La Rosée fit un petit clin d’œil à Nathaniel, un signe bipède distinctif qu’elle avait appris à refaire depuis qu’elle en avait rencontré d’autres : parfois, montrer qu’un dragon était capable de descendre de son piédestal pour reproduire ce que certains êtres faisaient pouvait aider à se faire comprendre, se rendre plus sympathique.

Toutefois, Nathaniel n’en eut pas plus besoin que cela, quand après quelques instants de réflexion, le Pirate prononça son verdict :

« Voilà qui est fort intéressant. Soit, je pense en savoir assez sur les termes. Du coup, comment fait-on ? Dois ton signé dans l’ancre ? Le sang ? L’alcool peut-être ? »

Shyven eut alors un grand sourire, et dans ses yeux rouges, il était presque possible de voir une flamme dansée dans ses pupilles. C’était donc un marché tenu. L’Opale ne tarda pas à lui répondre, des fois que celui-ci change d’avis :

« J’avais simplement besoin de votre accord, que vous venez de me donner. Le reste appartient à moi-même, et à l’Histoire. »

La dragonne rose leva alors sa patte gauche, et ferma les yeux un instant. Là, la Scala OrdenKaos s’illumina brièvement, produisant un petit faisceau de lumière rosée qui illumina la partie du Maëlstrom sur laquelle ils se trouvaient. Puis Shyven déploya cette énergie mobilisée vers l’esprit de Nathaniel, le prenant dans une étreinte solide comme le ferait un bipède avec un autre pour faire une poignée de main. A ces gestes mentaux, vinrent se joindre la lumière qui passa de la griffe, jusqu’au corps de Nathaniel.

Après quelques secondes, cela était fait, et toute manifestation magique se dissipa. Shyven rouvrit les yeux, pour contempler son œuvre : Nathaniel était là, inchangé, à un détail près. Sur son corps émanait une réminiscence de lumière rose, qui disparaîtrait avec le temps, qui éclairait la Marque de la Dragonne : une Chaosphère Noire, apparente, avec ses huit flèches différentes.

Shyven eut un petit sourire amusé, puis elle expliqua ce qui vint de se passer :

« Notre marché est à présent conclu, Agent du Chaos. Il est d’ailleurs amusant de constater que le lien qui nous unit ait pris la forme d’une Chaosphère … Mais je trouve que ce symbole vous va finalement bien. Considérez que ces huit-flèches représentent le point de départ de notre collaboration. Se seront autant de façons pour vous de vous distinguer, et d’en apprendre un peu plus sur votre camp que vous défendrez. »

Shyven eut un petit hochement de tête entendu, avant de décoller à nouveau du Maëlstrom, et de déployer ses ailes. Son rôle ici était à présent terminé, il appartenait à Nathaniel de découvrir ces nouveaux pouvoirs à présent.

« Si vous me cherchez, vous savez comment m’appeler, Nathaniel. Et je n’hésiterais pas à en faire de même. »

Se contenta de dire Shyven, fière d’avoir obtenue cette nouvelle collaboration sans trop de problèmes à l’horizon. Elle bâta de l’aile deux ou trois fois, et s’éloigna progressivement du vaisseau pirate, laissant ceux présents faire le deuil de leur ancien allié.

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