3 mai 1764, soir
Autone était à genoux devant une bassine d’eau lorsqu’elle reprit conscience. Elle ne se souvenait plus d’avoir marché jusque dans ses appartements, ou de s’être penchée pour nettoyer son visage. Elle s’arrêtât devant ses mains tâchées de sang, de longues secondes sans parvenir à bouger ou à détourner le visage. Puis une nausée monumentale lui montât au cœur et elle courut vers le sceau qui lui permit de rejeter son dernier repas. Frénétiquement elle rinçât sa bouche avec une solution forte d’herbes, recracha le sang qui s’y était logé en combattant la nausée qui remontait. La petite dame se concentra sur sa respiration en marchant à nouveau vers la bassine d’eau, puis rinçât ses lèvres.
Où était Ilhan? Était-elle partie sans l’attendre? Il lui semblait que tous étaient en sécurité au dernier souvenir qui surgissait à son esprit. Mais il serait sous le choc lui aussi, il fallait qu’elle s’assure qu’il n’était pas seul. Et Sorel, et Aldaron, où étaient-ils? Comment allaient-ils? Autone se sentit perdre le contrôle de son esprit qui bourdonnait d’un millier d’inquiétudes distinctes. Elle ne réalisa pas, cependant, sa respiration qui s’était accélérée. Ses mains s’accrochaient à son visage, alors qu’elle tentait de trouver une ancre pour la ramener à la réalité. Mais il ne lui était renvoyé que le reflet de son visage dans l’eau carmine, Elle pouvait laver le sang de ses mains, mais elle ne pouvait pas l’effacer. Il reviendrait toujours à l’eau, puis à la terre. Et toutes ces personnes qu’elle voulait protéger, ils n’étayent ni sous son ombre, ni sous son aile. Autone entendit cogner à la porte. Elle aurait voulu répondre à voix haute, mais sa gorge refusait d’émettre quelque son. Elle se relevât pour aller ouvrir, pâle, l’air un peu vidée. Aldaron? Son cœur s’emballa, était-ce la peur ou la colère de ne pas parvenir à seulement prononcer une formule de politesse? Autone abandonna l’idée de parler et prit la main du prince noir en fermant les yeux. Elle prit une grande respiration, refermant les paupières. Aldaron était là, donc les choses étaient un peu plus sous contrôle. Persévérer était un peu plus possible. Elle avait perdu Achroma en craignant perdre Aldaron, et parce qu’elle n’était parvenue à le prioriser, avant ses propres craintes. Tous ces gens qui étaient sa famille, les perdrait-elle, si elle ne pouvait tous les porter sur son dos?
Comment pouvait-elle revenir dans le monde des humains après cela? Il n’y aurait plus jamais de normal. Elle avait peur de perdre Aldaron parce que quand tout était un désastre, lui gardait la tête haute, et une poigne de fer sur la situation. Et que si elle ne pouvait plus se fier là-dessus, elle ne savait pas comment continuer. Mais n’était-ce pas trop, de lui laisser représenter cela?
« J’ai peur. » Parvint-elle à murmurer. De lui, d’elle-même. De ne jamais être sortie de morte flamme. « Je ne sais pas si je ne suis jamais vraiment sortie du volcan. »
Elle ne savait pas combien il l’avait changé, et s’il n’avait pas gagné. Vraorg, était-il trop tard pour ne pas devenir le monstre qu’il avait fait d’elle?