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3 mai 1764, soir

Autone était à genoux devant une bassine d’eau lorsqu’elle reprit conscience. Elle ne se souvenait plus d’avoir marché jusque dans ses appartements, ou de s’être penchée pour nettoyer son visage. Elle s’arrêtât devant ses mains tâchées de sang, de longues secondes sans parvenir à bouger ou à détourner le visage. Puis une nausée monumentale lui montât au cœur et elle courut vers le sceau qui lui permit de rejeter son dernier repas. Frénétiquement elle rinçât sa bouche avec une solution forte d’herbes, recracha le sang qui s’y était logé en combattant la nausée qui remontait. La petite dame se concentra sur sa respiration en marchant à nouveau vers la bassine d’eau, puis rinçât ses lèvres.

Où était Ilhan? Était-elle partie sans l’attendre? Il lui semblait que tous étaient en sécurité au dernier souvenir qui surgissait à son esprit. Mais il serait sous le choc lui aussi, il fallait qu’elle s’assure qu’il n’était pas seul. Et Sorel, et Aldaron, où étaient-ils? Comment allaient-ils? Autone se sentit perdre le contrôle de son esprit qui bourdonnait d’un millier d’inquiétudes distinctes. Elle ne réalisa pas, cependant, sa respiration qui s’était accélérée. Ses mains s’accrochaient à son visage, alors qu’elle tentait de trouver une ancre pour la ramener à la réalité. Mais il ne lui était renvoyé que le reflet de son visage dans l’eau carmine, Elle pouvait laver le sang de ses mains, mais elle ne pouvait pas l’effacer. Il reviendrait toujours à l’eau, puis à la terre. Et toutes ces personnes qu’elle voulait protéger, ils n’étayent ni sous son ombre, ni sous son aile. Autone entendit cogner à la porte. Elle aurait voulu répondre à voix haute, mais sa gorge refusait d’émettre quelque son. Elle se relevât pour aller ouvrir, pâle, l’air un peu vidée. Aldaron? Son cœur s’emballa, était-ce la peur ou la colère de ne pas parvenir à seulement prononcer une formule de politesse? Autone abandonna l’idée de parler et prit la main du prince noir en fermant les yeux. Elle prit une grande respiration, refermant les paupières. Aldaron était là, donc les choses étaient un peu plus sous contrôle. Persévérer était un peu plus possible. Elle avait perdu Achroma en craignant perdre Aldaron, et parce qu’elle n’était parvenue à le prioriser, avant ses propres craintes. Tous ces gens qui étaient sa famille, les perdrait-elle, si elle ne pouvait tous les porter sur son dos?

Comment pouvait-elle revenir dans le monde des humains après cela? Il n’y aurait plus jamais de normal. Elle avait peur de perdre Aldaron parce que quand tout était un désastre, lui gardait la tête haute, et une poigne de fer sur la situation. Et que si elle ne pouvait plus se fier là-dessus, elle ne savait pas comment continuer. Mais n’était-ce pas trop, de lui laisser représenter cela?

« J’ai peur. »
Parvint-elle à murmurer. De lui, d’elle-même. De ne jamais être sortie de morte flamme. « Je ne sais pas si je ne suis jamais vraiment sortie du volcan. »

Elle ne savait pas combien il l’avait changé, et s’il n’avait pas gagné. Vraorg, était-il trop tard pour ne pas devenir le monstre qu’il avait fait d’elle?

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    Le silence, après le vacarme des armes, des cris et du feu, était assourdissant. Le regard d’un vert froid du Prince Noir avait parcouru la foule dans une expression à en glacer le sang. Il était dragonnier et il était Ast, il sentait beaucoup de choses dans le cœur de cette assemblée. Il sentait la peur comme l’admiration. La détresse comme l’exaltation. Il sentait l’espoir, la dévotion. Il sentait la révolte dont il tranchait les tête. Il sentait la loyauté. Il les sentait tous. Il ne se dérobait pas à ses fonctions, et lorsqu’il se retira dans ses quartiers, il n’y eut personne pour protester. Une hermine était venue se loger dans son giron, en soutien, couvrant les minutes de silence qu’il passa à recentrer ses idées. La peine inondait son cœur mais ne le contrôlait. Il gardait la tête froide, parce qu’il était un dirigeant et qu’il avait appris à le faire. Le chemin parcouru jusqu’ici n’avait pas été de tout repos, mais lorsqu’il regardait derrière, lui voyait surtout un homme qui avait laissé dans son sillage beaucoup de morts. Son frère et sa sœur Triade. Ses souvenirs. Et Achroma par deux fois. Que lui restait-il si ce n’était la famille qu’il s’était construite par adoption, autant que dans le forge brûlante de Morneflamme ?

    C’était à cette pensée qu’il songea à Autone. Il ne lui fallu pas longtemps pour la retrouver. Il connaissait le son que produisait le battement de son cœur. Il l’aurait reconnu d’entre mille battant à tout rompre. Il sentait sa détresse. Il pouvait la comprendre, lui-même n’était pas bien certain de se reconnaître. Il était à mis chemin entre l’elfe et la bête qu’il fut à Morneflamme. Il avait cessé de lutter, dusse-t-il en choquer plus d’un. Il était cet entre-deux qui lui ressemblait tant. Il n’était ni la brute dénuée de sentiments, ni l’elfe de parfaite vertu. Il était lui, tourmenté, agité et pourtant serein face à cette dualité qu’il acceptait. Il avait renoncé à lutter contre lui-même. Morneflamme faisait partie de lui, qu’il ne veuille ou non, qu’il le réfute ou non. Et son horreur avait imprégné son être. Il se trouvait enfin un équilibre, avait-il perdu Autone pour cela ? Lorsqu’il traversa la grand place de sang et de cendres couvertes, il savait que les regards le suivaient. On s’affairait à entasser les corps et à nettoyer le bucher d’Achroma. Ses cendres étaient mises dans une urne savamment décorée. Et bientôt, la nuit serait éclairée des bûchers des traitres, en exemple pour officialiser son règne.

    Mais Cendre-Terre n’était qu’une partie du projet. Une armée d’un millier de nouveau-nés arriveraient bientôt par la mer et par-delà l’océan, il y avait Caladon à reprendre un main, après une très coûteuse déception. Elle vint ouvrir la porte, cette petite femme rousse, se retrouvant face à un homme couronné de noir et au regard perça au travers de l’âme. Elle prit sa main, il la serra. En dépit de ce qu’on aurait pensé, la peau du vampire était chaude, grâce à l’artefact qui se trouvait à son cou et qui donnait l’impression aux autres qu’il vivait. Sa poigne était franche, pleine d’une assurance qui le caractérisait tant. Lui l’homme charismatique, même lorsqu’il serrait une main dans la sienne, il donnait le sentiment d’une force rassurante. Elle avait peur ? Oui, il le sentait. Il ne se sentit pas même courage du plaisir qu’il ressentait à terrifier quelqu’un. Probablement parce que si on le craignait, on ne viendrait pas l’attaquer. Comme dans Morneflamme. Etrange comme elle évoquait le volcan, alors, comme s’ils avaient pensé à la même chose.

    Il était entré dans la pièce et avait fermé la porte derrière lui, dans un mouvement naturel et presque invisible. Les mains de la petite rousse étaient humides. A en juger par la bassine, elle se nettoyait du sang qu’elle avait été obligée d’avoir à nouveau sur les dextres. « Autone. » Sa voix était source, grave. Il aurait voulu lui dire de se calmer mais il n’avait pas besoin de lui dire. « Viens t’assoir. » Car il fallait qu’elle s’apaise. Il la conduisit sur un sofa et prit place près d’elle, sans avoir lâché sa main. Il se tenait droit, sans jamais perdre d’une posture régalienne apprise au fil des siècles. Il n’y avait bien qu’à Morneflamme qu’il l’avait abandonnée. Du reste, son port était altier à chaque instant. Cela ne changeait pas aujourd’hui et la couronne noir posée sur ses cheveux blancs ne faisait qu’accentuer cette droiture. « Nous serons toujours dans le volcan. » commença-t-il d’une voix qui mesurait le poids de ses mots. « A la fois dedans et dehors. Jamais l’un sans l’autre. Il y aura toujours une part de nous prisonnière de Morneflamme. Et une part de nous qui est libre. »

    Il la darda de son regard d’émeraude, jaugeant de l’impact de ses paroles au fur et à mesure. « Je suis à l’étroit, dans ce monde. Je ne trouve pas ma place chez les gentils défenseurs de la paix et je ne trouve pas ma place chez les cruels bellicistes, tout en trouvant ma place chez les défenseurs de la paix et chez les bellicistes, tu vois ? A la fois… A la fois dehors et dedans, ce volcan. » Il caressait doucement ses doigts. Il ne lui demandait pas d’approuver, seulement de comprendre qu’il était insatisfait lorsqu’il plaçait la paix au-dessus de tout, ou la guerre au-dessus de tout. Il était à la croisée des chemins, chaotique, touchant tantôt à l’un et tantôt à l’autre, dans ce même but d’équilibre qu’il avait toujours recherché. « Je suis le chaos. » Il posa sur elle un regard perplexe. Cela ne signifiait pas qu’il était le mal. Le chaos n’était pas l’opposé du bien, mais de l’ordre. Il était le genre de personne à ne pas suivre ce qui est gravé ancestralement, dans le marbre. « Tu es l’épouse d’un homme formidable, dont tu attends l’enfant. Je ne te demanderai pas de me suivre si tu ressens le besoin de te consacrer à ta famille. » Il ne consacrait pas assez de temps à la sienne. « Ou si tu as peur de moi. »

    N’était-ce pas le plus important ? « J’ai besoin de toi. Mais j’ai d’avantage besoin que tu ne trembles plus, dusses-tu trouver une place loin de moi. »

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Son nom résonna avec un peu plus de calme. Autone suivit le vampire, rassurée de sa présence, de son autorité. C’était tout petit, mais qu’il prenne une décision pour elle lui donnait l’impression d’avoir moins de poids sur les épaules. Demeurant droite, elle baissait les yeux, se concentrant sur sa respiration. Et les mots qui suivirent firent battre son cœur plus rapidement dans la détresse qui la saisit. Pourtant elle restât immobile, sinon ses yeux qui se relevaient vers ceux du nouveau prince, à la recherche d’une ancre pour sa peau qui pâlissait. Elle ne pouvait pas l’accepter, elle ne pouvait pas cesser de se battre. Sinon toutes les années de débat derrière elle étaient inutiles, iraient au néant sans porter fruit. Une grimace de douleur dans son regard, Autone s’accrocha au regard d’Aldaron, pour ne pas céder à la panique.

Ce combat qu’elle avait mené toutes ces années, n’était-il que contre sa nature?

« Je ne peux pas… » Murmura-t-elle dans ses lèvres tremblantes. « Je ne peux pas sans toi. » Et elle releva ses mains tremblantes, ironiquement démonstratives du discours du prince. « Je ne peux pas cesser de trembler. Je ne peux pas vivre sans avoir peur, je ne sais même pas ce que ça fait de ne pas avoir peur. Il n’y a que lorsque je cours vers la mort qu’elle m’abandonne. »

Puis fermant les paupières elle reprit les mains d’Aldaron, les serra dans les siennes, et son tremblement cessât après un instant. « Je déteste te délester ce poids. Mais je ne peux pas être loin de toi. Je peux vivre la distance, mais j’ai besoin de ton amitié. J’ai besoin d’œuvrer avec toi. »

L’ordre, le chaos. Elle ne savait pas où elle se rangeait, il y avait tout cela à l’intérieur d’elle, et le combat se faisait éreintant. « Je ne sais plus combien d’hommes j’ai tué de sang-froid. La première femme que j’ai tuée m’a hanté pendant des mois. Et maintenant, je suis incapable d’avoir des remords. Je ne pense même plus avant de poignarder. J’ai peur de la bête, pas du monstre. Ce n’est pas naturel. »

« Je veux vous protéger. Sorel, toi, Florence, Valmys, Ilhan, mes enfants, les Falkire, Eleonnora. Ivanyr, j’aurais voulu le porter sur mon dos. J’aurais voulu le garder à l’abris. Que nulle d’entre vous ne ressente la peur, la peine, n’ait faim ou froid. Mais je ne peux pas. Ilhan a probablement besoin de moi, en ce moment, mais je ne suis pas près de lui. Ton mari est décédé, et j’ai la tête trop en brouillard pour tenter de t’offrir réconfort. J’avais la tête trop en brouillard et j’ai perdu Achroma. »

Et elle craignait que ce brouillard lui prenne tous ceux qu'elle tentait de protéger. « Que signifie tu, quand tu parle de te suivre?» Une partie d'elle savait qu'il lui demanderait de rejoindre la nuit, un jour, mais se mentait à elle même. Autone ignorait l'ampleur des plans d'Aldaron. Elle ne savait pas non plus où elle voulait se trouver, dans l'immédiat. Entre la grossesse, Ilhan et le deuil, elle avait plus ou moins envie de reprendre une vie normale.

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    Il savait que ses mots n’étaient pas faciles à avaler, il n’était pas même certain de dire seulement la vérité. En existait-il seulement une ? Une qui puisse être dite ? Le vampire en doutait : beaucoup n’aimaient pas voir la vérité en face. Ils avaient été démolis. Chaque jour ils reposaient les briques de leur maison, mais au fond d’eux, ils le savaient : qu’importe l’enduit qu’ils mettaient, les fissures pouvaient revenir à chaque instant. Ils pouvaient mettre des rideaux, enjoliver leur monde pour avoir l’impression que tout n’était pas perdu. La vérité, c’était qu’il y avait toujours des fissures et personne ne le disait. C’était un secret, un tabou. Ils n’étaient pas brisés pour autant. Il y avait même des jours où ils oubliaient la fissure. D’autres où ils ne voyaient qu’elle. Il était à ces jours-là. Ces jours où mêmes les yeux fermés, il la voyait. Il avait perdu son mari et portait son royaume à bout de bras. N’était-ce pas normal ? Il n’était pas brisé pour autant. Ebranlé, oui. Il était même possible qu’il n’ait plus de toit au-dessus de la tête, mais il avait des briques et la volonté, alors, il reconstruirait.

    Il caressait ses doigts avec douceur, écoutant la tendresse de ses mots, l’attachement, la détresse. Les mains d’Autone avaient fini par cesser de trembler là où ses mots avouaient une culpabilité qui n’avait pas lieu d’être. Alors, lorsqu’elle l’interrogea sur ses plans, il n’y répondit pas immédiatement. Il se contenta de la regarder, de longues secondes, pesant encore en son for intérieur les opportunités qu’il avait devant lui. « Je vais prendre Caladon. Soit je le fais avec diplomatie, soit je le fais par la force. Tu es ma voie de diplomatie. » Il s’arrêta, un instant, avant de reprendre, sur le précédent sujet : « Ivanyr s’est suicidé, Autone. » Il serra doucement ses mains. « Il savait parfaitement ce qu’il faisait. Nous le savions. Nous… » Il ferma les yeux : « Nous n’étions plus des Inséparables. Nous avions rompu notre lien, pour que je lui survive. Il portait le cœur de Skade et par lui, il essayait de modifier le Lien qu’il avait avec Kaalys. Pour l’épargner. Pour nous épargner. Il n’a réalisé que trop tard l’ampleur de ces engagements dans ce monde qu’il était en train de changer. Il s’est fait beaucoup d’ennemis. »

    Il rouvrit les yeux et posa son regard triste et désolé sur Autone : « S’il n’était pas mort, nous serions en train de préparer une défense désespérée, ici, à Nevrast. Claudius de Havremont avait juré sa mort. » Il pinça ses lèvres, contrit : « A l’heure qu’il est, à Sélénia, ils se félicitent de leur victoire et ils acclament un meurtrier et un tueur de dragon pour Empereur… » Il serra les dents : « Un homme que j’ai laissé vivre. Parce que je peux le contrôler. » Claudius ne déclarerait pas la guerre aux vampires avec Aldaron à leur tête. C’était une évidence à laquelle Achroma et lui étaient arrivés. « Achroma Seithvelj, vampire millénaire, mage d’exception et dragonnier, tué par l’admirable Empereur humain… Il n’y a que les Séléniens pour croire à cette supercherie grossière. Par orgueil, sûrement. Et même si c’était préparé… Même si tout était orchestré, cela ne rend pas sa perte moins douloureuse. » Pas moins pénible. Mais il avancerait. Il lui survivrait, à nouveau.

    « Achroma a toujours été persuadé que son sacrifice n’était qu’une perte acceptable. La première fois, comme la seconde. Pourvu que cela serve un but plus grand. Et… En vérité, il était fatigué. Une âme à la dérive, brisée par le Tyran Blanc, ramenée contre sa volonté d’entre les morts… Cela ne survit pas. Il était déjà mort, Autone, il n’y avait rien que tu puisses porter. Tout comme il n’y a rien, chez moi, que tu puisses porter, bien que ce soit pour d’autres raisons. Je suis un survivant. S’il y avait un endroit où j’aurais dû mourir, c’est à Morneflamme. Et si je n’y suis pas mort, si je n’ai pas renoncé, alors cela n’arrivera pas maintenant. Pas demain. » Il leva une main pour effleurer la joue d’Autone : « Je n’ai pas peur de porter ces poids. Je le ferai. » Ce ne serait pas tout les jours facile, il serait forcément rongé de part et d’autre… mais il continuerait de regarder la fissure et de la cacher aux autres.

    « Eleonnora a annoncé vouloir rejoindre l’Empire. Elle espère ainsi échapper au Marché Noir. Elle ne supporte pas mon emprise. C’est toi qui avais raison, lorsque tu m’as défendu de la nommer à ma succession. Jusqu’alors, le Conseil majoritaire lui cédait tout, à ma demande. Mais nous allons rentrer à Caladon, toi et moi, et porter au Conseil un avis de destitution de la Bourgmestre. Puis te faire élire. Je quitterai ensuite le Conseil. Ilhan te sera sûrement d’une aide précieuse. » Cela faisait beaucoup d’un seul coup, non ? « Tu es l’une des rares personnes en qui j’ai encore confiance, Autone. Je ne peux pas laisser Caladon échapper à mon contrôle, c’est la clé de voûte du Marché Noir. Soit elle devient l’incarnation de la dernière liberté, quand Délimar pliera le genou… Soit j’en fait un fief vassal au Royaume Vampirique. » Car sa poigne serait de fer.

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Oui, cela faisait beaucoup, d’un seul coup. Mais à quoi s’attendre? Il s’agissait d’Aldaron, il avait toujours lancé la poudre au feu de cette manière. L’arc en ciel d’émotions par laquelle elle passa pendant qu’il lui parlait se transforma en une intensité convaincue lors de ses derniers mots. Prendre Caladon. Autone, au bout de ses doigts, sentait la tentation brûlante de changer entièrement de cap. Rejoindre les Elusis, prendre Caladon de force. Puis d’une grande respiration, sans quitter Aldaron des yeux, elle laissa partir ce fantasme destructeur. Elle aurait pu éclater de rire, de larmes ou de panique, à ce moment. Qu’importe, si tout cela l’habitait. L’ironie, la terreur, la force, le désir de pouvoir. Et si elle devenait comme Eleonnora? N’était-elle pas déjà complètement folle?
À la place, elle restât droite, et muette, de longues secondes en gardant ses yeux dans ceux d’Aldaron. Elle ne pouvait pas lui laisser ce fardeau-là, mais il était son ancre.

« Confiance… »
Murmura-t-elle enfin. « Je ne sais pas si je peux. Tu m’as demandé si j’étais à la hauteur, près de la rivière, et je ne sais pas. Je n’ai pas confiance. Et je ne veux pas être bourgmestre, être une marionnette pour les conseillers. Je ne peux pas mettre fin prématurément à tout le travail que j’ai fait en tant que conseillère. Perdre mon progrès sur mes projets. Je ne sais pas si je ne vais pas juste devenir comme Eleonora. Et je ne peux pas laisser Caladon tomber au mains de l’empire. Mais je ne sais pas comment être une politicienne… »

Elle ne voulait pas être vampire, et elle ne voulait pas être humaine. Autone comprenait soudainement bien pourquoi Ilhan avait dans le passé tout plaqué pour aller tranquillement élever ses chèvres. Elle poussa un long soupir et calma la panique qui l’avait prise. « Et si Délimar… Ça signifie qu’Ilhan… » Elle ne savait pas, s’il la suivrait. Puis secouant la tête en signe de négation, Autone se redressa, comme si elle reprenait doucement le contrôle. « Non, je ne peux pas laisser Caladon à l’empire. Caladon est à nous, au marché noir. Et je ne serai pas un pantin. Je refuse d’être contrôlée par le conseil. Je veux, je vais conserver mon pouvoir décisionnel. »

Et Ivanyr n’allait pas mourir en vain, pour que l’empire récupère toute les parcelles de territoire de l’archipel. « Et je refuse de te laisser seul. Je m’en fiche, d’être trop humaine. Personne ne peut-être complètement seul avec le poids que tu portes. »  

Porteraient-ils cette couronne ensemble? Les Elusis? Les cendres d’Ivanyr, comme un drapeau toujours levé. « Mais si tu veux me faire élire, je dois gagner légitimement. Te souviens-tu, quand tu m’as dit que tu ne voulais pas devenir un tyran? Je ne peux pas me laisser glisser, parce que je sais ce dont je suis capable. Je n’ai plus peur de tuer. Et j’ai besoin d’Ilhan pour sa tempérance, mais j’ai peur de le lui dire… »

Elle avait peur d’avoir besoin de ses proches. Car au moment où Ivanyr avait eu besoin d’elle, elle avait eu trop besoin de lui pour l’aider. Il était parti, et il ne pourrait jamais la pardonner, maintenant. «Peux tu m'apprendre? Comment diriger? Sans se perdre, sans briser. »

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    Il la sentait, la panique. Il sentait aussi l’incertitude. Elle devait faire son chemin et Aldaron ne serait que le spectateur de son avancée. Il aurait voulu la prendre dans ses bras, lui dire qu’il était là, pour elle, pour eux. Il aurait embrassé ses cheveux pour lui signifier son affection, et il aurait attendu qu’elle se calme. Il n’avait jamais vraiment su s’il pouvait la toucher pour tout cela. Il l’aurait voulu, tout comme il veillait à ne pas la perturber davantage. Alors ses mires d’émeraudes veillaient sur elle, comme un ami ou comme un père. Comme un frère ? Il ne savait comment la considérer. Elle était spéciale, dans sa vie. Unique à sa manière. Elle n’avait pas besoin d’être forte pour le porter. Elle n’avait pas besoin de le soutenir pour qu’il aille mieux. Sa présence arrivait à lui suffire. Il avait les idées claires avec elle. Il savait où il devait aller. Il savait trouver la voie de la diplomatie plutôt que de prendre les armes. Il n’avait qu’à la regarder. Elle serait une femme brillante dans la vie d’Ilhan, tout comme elle l’était dans la sienne. Elle n’avait pas confiance en elle alors qu’elle brillait de mille feux, comme un phare par une nuit obscure.

    A sa dernière question, il acquiesça doucement de la tête, sans la quitter des yeux. Il n’y avait pas de lire, pour apprendre à gouverner. L’on pouvait lire toute une bibliothèque et rester inculte en la matière. La théorie n’apprenait pas à diriger. « Je te donnerai des conseils, chaque fois que tu me le demanderas. » Car il ne s’imposerait pas. Il avait serré la bride avec Eleonnora parce qu’elle était jeune et que sa fougue aurait fini par la perdre. Au final, elle s’était étranglée avec la bride. Autone n’était pas le même spécimen. Loin de là. « Et Ilhan aussi saura se montrer avisé, à tes côtés. Tu n’auras pas besoin de lui demander pour qu’il soit près de toi. Nous savions que ce jour viendrait, lui et moi. Un jour où il devrait faire un choix. Il viendra, parce que c’est ici qu’est sa maison. » Son regard glissa sur le ventre rond de la jeune femme. « Avec toi. Et votre enfant. Vous êtes son avenir, et Caladon aussi. » Malgré la tristesse, un fin sourire naissait sur ses lèvres, avant de mourir. Il avait toujours souhaité le meilleur pour Ilhan et Autone… Ces deux-là, ensemble, feraient des merveilles.

    « J’ai beaucoup d’alliés, Autone. J’aurais pu choisir n’importe qui, pour Caladon. Mais toi… Toi tu es la Liberté. Le peuple t’élira et je n’aurai pas besoin de t’aider, parce que tu incarnes la liberté. Révoque le conseil, prends les pleins pouvoirs et agis pour ce rêve de liberté. Nous pouvons glisser, à n’importe quel moment… Mais nous ne le faisons pas, toi et moi, parce que nous sommes imbrisés. Nous avons déjà entrouvert la porte de la folie, nous savons ce qu’il y a de l’autre côté. Si nous ne l’avons pas franchie à Morneflamme, alors nous ne la franchirons jamais, Autone. Même si nous avons le sentiment de la voir si souvent. » Il tendit une main pour effleurer à peine sa joue : « Tu es bien plus capable que tu ne le penses. Tu es bien plus forte que tu le crois. Tu es bien plus brillante que tu ne te l’accorderas jamais à te dire. C’est pour cela que tu n’es pas seule. Et que tu ne le seras jamais. » Il resta silencieux, un instant, jaugeant de ses propres pensées avant de les exprimer.

    « Un jour, tu seras ma fille. Et tu brilleras pour l’éternité. » Comme chacun des joyaux de sa famille. « Tu es à la hauteur. Si tu crois en moi, alors crois en toi. » Il lâcha doucement sa joue, du bout de ses doigts. « Tu devrais prendre du repos. Nous allons devoir partir rapidement, dès que tu seras en état et que j’aurais tout mis en règles ici. Nahui nous emmènera. »

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Elle aurait voulu pouvoir lire la théorie, c’est ainsi qu’elle fonctionnait. Elle lisait tout ce qu’elle pouvait, ne se lançait que lorsqu’elle était prête. Et Autone n’était pas prête, pas maintenant, à gouverner. Comment Aldaron pouvait-il sembler si confiant? N’avait-il pas eu la même confiance en Eleonnora? Il pourrait très bien se tromper, encore une fois, être aveuglé par son affection.

Mais quand il la rassurait, quand il lui soufflait sa valeur, elle voulait le croire. Et le regardant droit dans les yeux, elle laissait lire une lueur de surprise dans ses ambres. Puisqu’il s’agissait d’Aldaron, Autone ne sursauta pas à son contact, et trop occupée à boire ses mots. Puis son cœur flancha l’instant d’un battement quand elle l’entendit déposer un dernier explosif verbal. Sa fille. Dans sa droiture naturelle, sur ses épaules elle sentait fleurir un sentiment presqu’inconnu. La fierté. Elle n’avait jamais entendu, dirigés vers elle, ces mots prononcés avec fierté, ou bienveillance. Elle n’avait jamais entendu que déception dans ces syllabes maudites aux lèvres de son père. Sa fille. Son seul enfant, qui n’aurait jamais les bras de s’occuper de la ferme, jamais l’honneur d’un héritier. La défaite de sa femme et le symbole d’un nom qui mourrait.

Elle le sentait, rien que dans la manière dont il l’avait dit, que cela arriverait qu’elle le veuille ou non. À ce moment, cette idée était encore un bourgeon, comme les roses doivent passer des mois dans la glace pour parvenir à germer au printemps. Mais Aldaron venait de secouer sa fondation, d’ouvrir quelque chose qui était demeuré clos depuis longtemps. Il lui avait donné un aperçu, et Autone en voulait plus.

La petite dame sentit un vertige la prendre quand elle plongea dans cette réflexion qui la coinçait entre l’humanité et l’éternité. Mais aussi lorsqu’elle songea au nœud irrésolvable qu’était ses liens avec la famille Elusis. Mais Aldaron, n’avait-il pas agit en père, ou au moins en frère, avec elle depuis le début? Lorsque le prince noir lui somma de se reposer, Autone prit doucement sa main, un peu troublée. « Peux tu rester, encore un peu? » Oui, elle avait peur. Parce qu’elle s’était engouffrée dans le marché noir, parce qu’Aldaron parlait de ne jamais franchir la folie, mais qu’il avait brûlé tous les nobles de Selenia. Parce qu’elle se demandait ce que signifiait la folie pour lui, si ce n’était tout ce qui avait été brûlé. Et qu’à présent elle ne pouvait plus reculer, parce que son destin avait été choisi pour elle.

Autone était incapable de tracer son avenir loin d’Aldaron. Alors même si elle avait pu choisir, c’est son chemin qu’elle aurait pris. Mais était-ce un choix lorsqu’elle ne parvenait pas à seulement imaginer un autre chemin?
Il allait s’occuper de tout, puis ils allaient partir. Déjà. Autone coucha sa tête sur les genoux du prince noir. « Aldaron. Quand je vais donner naissance, si tu le peux, pourrais-tu être là? Parce que je vais probablement mourir. Et même si je vais revenir ensuite, j’ai besoin de toi, pour rester jusqu’à la fin, puis pour faire face à la roue. » Façon de parler. Elle n’allait pas se rendre jusqu’à la roue, même pas aux portes. Autone songea à Ivanyr, à comment elle lui avait dit qu’il lui donnait du courage. « Et parce qu’il ne faut pas qu’Ilhan me voie. » Non seulement parce qu’il avait déjà été suffisamment éprouvé par l’état de son dernier enfant, mais aussi parce que ça n’allait pas être beau. Tout était si nouveau avec Ilhan, elle voulait encore garder sa fierté, et éviter de le traumatiser par une vision d’elle qui baignait dans le sang. « Mais si tu es là, je pense que ça me fera moins peur. »

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Elle prit sa main, il s’arrêta. Un sourire naissait doucement dans le coin de ses lèvres, malgré sa propre douleur, son propre deuil, sa propre peine. Autone voulait qu’il reste, alors, il resterait, au moins le temps qu’elle se calme. Car il voyait la peur, dans ses yeux et sans qu’il n’ait besoin de ses dons d’Ast ou de télépathe pour le sentir. Il la laissa coucher sa tête sur ses genoux et posa une main sur sa taille, à un endroit qui ne puisse pas être déplacé ou malvenu. Son autre main effleurait la chevelure rousse, et son regard verdoyant se posait sur elle avec patience. Il n’avait jamais su comme la toucher ou la prendre dans ses bras, par crainte de l’effaroucher. Pourtant, elle n’avait jamais montré le moindre signe de rejet à son égard mais Aldaron pensait qu’il était mieux de la laisser venir et de lui répondre naturellement.

La demande l’étonna, au début, puis pas tant que cela. Autone et Aldaron s’étaient vus mutuellement dans le pire des états du monde. La voir dans une marre de sang était encore une vision très jolie, à ses yeux, en comparaison de tout ce qui avait pu se produire à Morneflamme. Il fouilla dans sa besace avec un calme mesuré et en sortit une boussole et une boite à musique. Il remonta le mécanisme de cette dernière et la posa sur la table pour la laisser jouer. Ses enchantements apportaient le calme et le repos à ceux qui l’entendaient. Elle avait été aussi d’une aide précieuse lorsqu’il lui avait fallu s’ancrer pour retrouver ses souvenirs. Puis il lui montra la boussole bien que celle-ci ne montrait pas le nord. Elle portait une dizaine d’aiguille, chacune représentant un membre de sa famille. Celle d’Autone était cuivrée et son prénom était gravé en lettres d’or. Les aiguilles pointaient magiquement dans les différents quartiers de la boussole, chacun indiquant un lieu ou un état. Les aiguilles portaient une perle sur leur extrémité, dont la couleur ressemblait sans le moindre doute à celle qu’on pouvait trouver sur la un nexus du cœur.

« Je saurais quand tu mettras au monde ton enfant et je pourrais être là, avec toi, d’une manière ou d’une autre. » Qu’il soit physiquement là, qu’il la rejoigne à dos de dragon si elle n’était pas trop loin, ou qu’il ait à utiliser son sort du Passeur. « Lorsque tu arriveras vers le terme de ta grossesse, navigue vers les eaux du Royaume Vampirique, si tu le peux. Je te rejoindrai. » Le silence retomba, un instant, et son attention se focalisa sur la musique. La mélodie était claire et allégeait le poids qu’il avait sur les épaules. Il devait continuer d’avancer. C’était ce qu’Achroma aurait voulu. Il ferma les yeux. « Tu ne mourras pas, même si cela est difficile. » Car il ne doutait pas que pour une humaine, mettre au monde un immaculé serait une opération risquée. « Pas sous ma garde. » Il agirait toujours pour protéger les siens de la mort et Autone était de sa famille.

Les notes de musique déclenchaient encore quelques frisson et son esprit se focalisa sur la mémoire d’Autone. Il ne fouilla pas ses souvenirs mais il les sentait et il s’en imprégnait pour que le Colibri fasse son œuvre. Il cristallisa dans sa main, après plusieurs minutes de concentration et de magie, un rossignol de cendres. Si poudreux en apparence et pourtant si solide. Son regard était vif, d’un noir corbeau, tandis que quelques reflets cristallisés semblaient cuivrés, dans ses ailes déployées. « C’est ta mémoire, Autone. » La mémoire dont elle aurait besoin lorsqu’elle traverserait la nuit. Elle pourrait la consulter à sa guise. Ce ne serait pas comme ses propres souvenirs, ce serait comme si elle se regardait, par la vitre, vivre une existence humaine. « Souhaites-tu la conserver précieusement ? Ou… Veux-tu que je le fasse et que je te la donne… Au moment opportun ? »

De son autre main, il sortit de l’intérieur de son col, attaché au bout d’une chaîne, un médaillon contenant le chant-nom d’Aldaron. « C’est Achroma qui me l’avait fait pour que je puisse reprendre progressivement le contrôle de ma vie, après la morsure. Tes enfants auront besoin de toi. Et ton peuple aussi. » Ses lèvres se pincèrent avant qu’il n’ajoute : « Je peux aussi le détruire, si tu ne veux pas te souvenir. » Elle avait vécu des choses horribles alors il comprenait. Mais ces choses horribles les avaient soudé l’un à l’autre, d’une certaine manière.

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Une mélodie retentit d’une boîte à musique qu’Aldaron avait enclenché. Autone se laissa bercer, bien qu’elle eût une tête forte, qu’elle aurait peut-être été capable de se battre contre ce genre d’enchantement. Dans une autre situation, elle n’aurait pas aimé le geste. Mais là, maintenant, l’apaisement que la musique lui emmenait était trop la bienvenue pour qu’elle ne s’offense. C’est ce dont elle avait besoin, et la chaleur du réconfort fit comme un baume sur son cœur endeuillé. La culpabilité se calma, elle aussi, comme enterrée par la musique. Elle existait encore, elle ne prenait juste plus autant de place.

La petite dame observa la perle, au bout de son nom gravé. Ses lèvres tremblèrent, mais elle se contiens. Elle hocha la tête aux instructions du prince, puis se retint de soupirer. Il n’allait pas la laisser partir. Il semblait que tout était déjà tracé, ils le savaient, tous.

C’est pour cela qu’elle aurait voulu accoucher au domaine. Pour être entourée de guérisseurs. Mais maintenant, elle ne pouvait ni avoir l’aide de ces guérisseurs, ni son armée de sages-femmes. Elle ne faisait pas non plus confiance à Naal, bien que son mari n’aurait pas été opposé à demander son aide. Si ce n’était que d’Autone, beaucoup moins de personnes seraient au courant à propos de leur faux jumeaux. Leur secret était gardé par une poignée d’individus, beaucoup trop aux yeux d’Autone.

Le rossignol sentit son esprit touché. C’était vague, comme sensation, et peut-être était-ce sa confiance aveugle envers Aldaron, mais elle ne protestât pas. Et quand elle entendit Aldaron expliquer la nature de l’objet, elle se redressât, assise, pour mieux observer l’oiseau. Osant seulement regarder, d’abord, elle se laissât ensuite toucher, du bout des doigts. Cela lui faisait peur, et visiblement, mais à la fois, la fascinait. « Et les mémoires que j’ai perdues, y sont-elles? »

Autone ne savait pas comment elle allait réagir, lorsqu’il serait temps de revoir tout cela. Et en tant que vampire, dans le corps d’une bête, plus proche de l’animal que de l’humain, elle avait peur que ses tendances meurtrières s’enflamment.

Elle secoua la tête, en rappelant dans un murmure ce qu’elle savait « Le corps se souvient, ce serait une torture. Et je ne serai pas capable d’en juger. Je craindrai probablement que ce soit pire. Il faudra me dire…qu’avant de guérir, il faut avoir mal. Qu’il vaut mieux cautériser une plaie plutôt que de vivre l’infection. »

La petite dame posa ses mains autour de celles d’Aldaron, les refermant ensemble sur le rossignol de cendre, puis elle les emmena vers le cœur du prince. « Garde le. Il n’y a personne en qui j’ai confiance comme toi. » Elle ne craindrait jamais qu’il le perde. Autone sourit, un peu pensive. « Je sais déjà que je vais te donner du fil à retordre. J’espère que tu ne m’en voudras pas trop. »

Mais de ce qu’Autone avait entendu parler, les enfants d’Aldaron n’avaient rien de « faciles ». Il devait être habitué, maintenant.

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    Les mémoires perdues ? Il remua doucement la tête de gauche à droite en signe négatif. « Cela fait une copie de la mémoire telle qu’elle est, avec ses défaillances, ses corrections et parfois-même ses mensonges. Mais je crois qu’un regard extérieur, lucide, saura voir les incohérences que la mémoire tend à combler, pour se protéger. » La mémoire était quelque chose de fascinant, à la fois vérité et mensonge, souvenirs et légendes, qu’on enjolivait pour le bonheur d’un narrateur. L’inutile partait dans l’oubli, mais un inutile subjectif, où l’émotion tranchait comme une justice sans cécité. Le choix était partial et très évocateur. Oui, la mémoire était fascinante, alors voir cet état à mi-chemin entre la peu et l’admiration, dans les mires d’Autone… Il comprenait. Lui-même avait été longuement fasciné par le chant-nom que contenait le médaillon qu’Achroma lui avait transmis.

    Cette mémoire-là était d’une autre nature, quand elle était chantée par les baptistrels. Elle ne pouvait mentir et ne faisait que refléter la vérité et l’histoire, telle qu’elle avait été… Même si cela ne lui plaisait pas. Même s’il aurait voulu que l’histoire soit biaisée. C’était une mémoire différente qu’il offrait à Autone et une part de lui espérait qu’elle serait révélatrice de ce qu’elle fut en son for intérieur. Le suivrait-elle encore ? L’aimerait-elle encore une fois que le voile de la nuit tomberait ? Il avouait sans peine qu’il s’agissait d’une crainte qui le tenaillait, parce qu’il tenait à la petite rousse comme à ses prunelles : il avait perdu trop d’amis et de proches. Il avait essayé trop de trahisons et de déceptions. Il arriverait un jour où il n’aurait plus envie de continuer, s’il perdait à ce point les bribes d’affects qu’il portait avec sincérités à ceux qui l’abandonnaient pour la mort.

    Ses doigts se fermèrent sur l’oiseau de cendres cristallisées, dans un geste qui accompagnait les paroles d’Autone. Ses mots et sa confiance le touchaient au plus profond de son être. C’était probablement ceux qu’il avait le plus besoin d’entendre, en pareilles circonstances. Il aurait voulu hurler de rage et tout envoyer en l’air, mais il y avait ces mots, ces personnes, ces âmes qui se tournaient encore vers lui, en toute affection et en toute confiance. Il se sentait rassuré, auprès d’eux et certainement était-ce là la preuve qu’il était parfaitement à sa place. A se battre, tenir bon, à regarder l’avenir. Sa dernière réplique lui arracha même un fin sourire en coin. Allons bon, il était déjà assez gratiné en termes de fils à retordre de la part de ses enfants : un de plus ou un de moins ne ferait pas vraiment la différence.

    « Je devrais m’en sortir. Je crois. » Car il n’était pas bien certain de réussir ou d’être adéquat dans ses décisions. Valmys avait été son cobaye d’essaie et sa dernière bêtise en date avait été de se jeter dans un volcan pour ‘le calmer’ ! Sorel avait décidé adopter ni plus ni moins qu’un Fenrisulfr parce qu’un petit chien, ce n’était pas assez féroce ! Ilhan faisait copain-copain avec un tueur de dragon ! Liv et Liz n’avaient rien trouvé de mieux que de devenir Inséparables, histoire que si l’un meure, l’autre en fasse autant ! Celeborn s’était dit qu’étudier la Peste de Corail de près, au point de manquer d’en trépasser, c’était génial ! Voronwë était un toxicoman qu’il peinait à remettre sur le droit chemin ! Eleonnora était en train de vendre Caladon au meurtrier d’Achroma ! Et même le petit Circë avait rien trouvé de mieux récemment que de se mettre des perles dans le nez !

    En son for intérieur, il aimait malgré tout ces petits défauts. Même s’ils étaient compliqué à gérer, même si son cœur faisait des montagnes russes… Même si ça lui coûtait parfois un peu beaucoup cher. « Je tâcherai de faire de mon mieux. » Il apporta la main d’Autone près de ses lèvres pour y déposer un chaste baise main. A ces mots, elle avait accepté de devenir sa fille et il en était comblé. Elle serait, un jour ou l’autre, de sa famille. « Merci. » souffla-t-il.

    Lorsqu’il la quitta, un peu plus tard, il porta personnellement l’oiseau dans un coffre sécurisé. Puis on lui tendit ce qu’il restait des cendres d’Achroma, logées dans une urne funérailles métallique, gravé avec délicatesse. Il chevaucha Nahui et s’envola plus à l’est, serrant l’urne contre lui, avec une force émotionnelle. A quelques heures à cheval de Cendre-Terre, le sol trembla avec force lorsqu’Aldaron vint à s’unir à la trame et déploya la force magique d’exception que lui conférait la Couronne de son époux. La rage et sa dragonne lui conférait une force phénoménale. Il bâti un tumulus du haut duquel hurlait le vent.

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