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21 avril 1674

Sélénia se remettait à peine de l’attaque qu’elle avait subi mais l’agitation fébrile et paniquée qui l’avait habitée depuis le 15 commençait doucement à se calmer. Sorel ne s’était pas immédiatement mêlé aux habitants. Si la plupart étaient soulagés de résider dans l’un des rares quartiers laissés principalement indemnes par l’attaque des vampires, certains, pas aveugles, n’avaient pas manqué de remarquer que l’un des quartiers en question n’était autre que celui où vivait Sorel. L’elfe était connu et apprécié, une personnalité trop solaire pour être ignorée, trop joviale et presque enfantine pour passer inaperçue. Pour autant, cela n’empêchait pas les murmures et les remarques acerbes, l’inimitié à l’encontre d’Aldaron - son père adoptif, à la grande connaissance de tous - avait connu des hauts et des bas.
La plus grande menace avait été durant et juste après l’attaque, bien entendu, et, pas fou, Sorel était resté chez lui pendant ce temps-là, calfeutré dans sa maison en espérant que tout irait bien. Sa boutique avait souffert quelques assauts mais c’était à peu près tout ce qu’il pouvait regretter. Rien n’avait été volé mais il allait devoir faire réparer fenêtres et porte. Il était assez reconnaissant d’avoir laissé Faron à l’extérieur de la ville, dans une zone sécurisée où il savait que le fenrisulfr saurait se nourrir sans pour autant mettre qui que ce soit en danger. L’elfe allait cependant devoir s’assurer de pouvoir garder un contact avec lui pour s’assurer de son bien-être mais aussi et surtout qu’il ne commette pas d’impair pouvant conduire à des problèmes dont l’elfe se passerait bien.

A l’heure actuelle, cependant, les troubles n’étaient plus si majoritaires même s’il devait rester prudent et continuer de s’assurer qu’il ne risquait pas gros en s’aventurant trop loin et au milieu des mauvaises personnes. L’animosité était réelle et ceux qui le connaissaient et qui l’appréciaient étaient nombreux mais il n’en demeurait pas moins qu’il n’était pas prêt à parier sur leur aide si d'aventure il devait se trouver en mauvaise posture.
Il n’avait pas l’intention de se plaindre, l’ire populaire était justifiée et il avait joué une part importante dans ce qui s’était déroulé à Sélénia. Il ne s’était peut-être juste pas attendu à ce que le peuple ne paie un prix aussi gros, à ce que toute la situation prenne une tournure aussi dramatique. Sorel avait beau avoir réalisé pas mal d’opérations par le passé, celle-ci avait eu une ampleur rarement atteinte et avait été une des rares qu’il pouvait presque considérer comme un fiasco.
Il comptait une soeur dans sa famille, désormais. Liv était encore en vie. Aldaron également. Mais Achroma ne pouvait pas en dire autant et Sélénia payait un prix plus gros encore que de voir son économie minée par le marché noir. C’aurait pu être pire, mais les choses auraient pu mieux se terminer également, bien mieux.

Ses yeux verts cherchèrent ceux, mordorés, de son compagnon du moment et il esquissa un petit sourire en coin, un peu mal assuré. Le souffle de l’animal lui caressa la joue et l’elfe leva une main pour effleurer du pouce la joue veloutée, appréciant le poids léger que la créature appuya contre sa paume. Il n’y avait rien de tel que le contact avec un animal pour adoucir la vie et rendre les épreuves plus faciles à surmonter, moins noires.

« Tu te comporteras bien, hm ? » dit-il à voix basse tout en tendant un morceau de maïs qui, comme depuis qu’il avait acquis l’animal, rencontra un franc succès. « Moui, j’ai pas trop de doute sur le sujet. »

Après tout, le caractère était différent de celui de Järn ou d’Ombrenuit. Il savait pouvoir se faire confiance pour gérer un comportement difficile et, après avoir rencontré Liv, n’avait pas trop eu de doutes quant à la capacité du jeune vampire d’y faire face. Il ne connaissait pas suffisamment le maître destiné de l’animal pour en dire autant, même s’il savait que l’animal en question pouvait dévoiler des trésors de détermination également.
Un sourire en coin étira les lèvres de Sorel tandis qu’il attrapait le licol doux qu’il avait installé sur la tête de l’animal et se dirigea vers la petite allée qui bordait sa boutique et qui donnait accès à la rue. L’elfe était l’heureux détenteur d’une cour à l’arrière suffisante pour pouvoir accueillir une petite écurie - seulement deux stalles - et de quoi s’occuper d’un grand animal. Certainement la raison pour laquelle il devait régulièrement emmener Järn en promenade ou laisser l’animal se dépenser en toute liberté à l’extérieur des remparts de la ville.

Alors qu’il débouchait sur la rue, l’elfe jeta un regard aux alentours, avec prudence. Il avait repéré les quelques visages familiers qui indiquaient généralement un mauvais présage et d’éventuelles conséquences fâcheuses mais aucun d’entre eux ne se trouvaient à proximité. Ils venaient de moins en moins souvent, probablement fatigués de leurs tentatives, la rancœur et la haine s’apaisant au profit d’autres sentiments, parfois pas meilleurs pour autant.
Pour autant, c’est un autre visage familier qu’il repéra et qui se dirigeait manifestement dans sa direction, le regard de l’homme croisant rapidement le sien. Incapable de retenir sa réaction, Sorel écarquilla les yeux et jeta immédiatement un regard par-dessus son épaule à la bête, toujours masquée par les murs de l’allée qui débouchait sur la rue. Lui-même n’avait pas grand chose d’engagé dans la rue, incertain qu’il était de sa propre sécurité, les murs de son allée masquant partiellement son corps, ne laissant dépasser que la partie supérieure de sa poitrine et sa tête rousse qui, clairement, devait détonner.

Incertain de l’attitude à adopter, il fit un pas en avant, s’engageant définitivement dans la rue mais gardant la bête masquée derrière le mur, son bras tendu pour la garder à proximité sans pour autant la dévoiler entièrement. L’elfe fit un petit coucou de la main, celle-ci encombrée par Tor’Shorot mais il parvint néanmoins à étirer quelques doigts pour réaliser une salutation acceptable. L’expression de Sorel était à mi-chemin entre la culpabilité et sa bonne humeur habituelle.

« Monsieur Claudius, » l’elfe sursauta en cillant rapidement, « Havremont. Majesté ? » ajouta-t-il en dernier recours, confus et désespéré de s’adresser correctement à son interlocuteur.

Où était son éloquence lorsqu’il avait besoin d’elle, par les esprits !

« J’étais justement en route pour venir vous voir, si c’était possible, » ajouta-t-il avec un sourire incertain.

Il ignorait trop encore à quoi s’attendre. Si Claudius de Havremont en personne se déplaçait pour venir le voir, Sorel ne voyait pas trop comment les choses pouvaient être en sa faveur. L’elfe s’était attendu à une visite, à un moment ou à un autre, qu’il s’agisse de gardes venus le chercher pour l’emmener de grès ou de force ou d’une missive l’invitant à se rendre aux restes fumants du château. Il ne s’était pas attendu à ce que l’homme vienne lui-même lui rendre visite.

Spoiler :

descriptionNervures d'or [Claudius] EmptyRe: Nervures d'or [Claudius]

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Le Havremont était un homme occupé, depuis la fin de la bataille des Cendres. A peine quelques jours s’étaient écoulés depuis la défaite des vampires, que déjà il était encore une fois homme de la situation sur tous les plans. Au grand désarroi de sa femme qui lui avait dit maintes fois “Tu ne vois même plus tes enfants grandir, Claudius !”.

Mais si la vie de famille était importante, et manquait à Claudius qui n’avait évidemment pas vu Julius et son petit Arturius depuis un certain temps, l’Empire l’était encore plus. Et surtout maintenant où il allait devenir Empereur.

Véritable concordat de circonstances, cette ascension fulgurante, si elle avait évidemment fini par être planifiée, ne s’était pas avérée évidente de suite pour le Maître de Guerre, qui aurait souhaité de base simplement que l’on change les choses. Mais il fallait dire que même s’ils s’étaient causé bien des torts et s’en causeraient surement d’autres, Aldaron Elusis avait joué un rôle certain dans la prise de pouvoir de Claudius.

Il n’avait pas commenté la vampirisation de Nolan Kohan puis de Victoria, mais s’était là la première porte qui avait été ouverte : et pour être honnête, Le Havremont n’était pas contre cette décision. Aldaron est un être avec bien des défauts, mais il est au moins un bon père de famille, et prend soin des siens, tout comme Claudius. S’ils les avaient soutenus en bon soldat, le futur Empereur n’avait jamais pu encadrer les “mioches” de Korentin Kohan. Et il n’était pas sûr que le peuple les auraient soutenus encore longtemps, au rythme des révoltes.

Alors, la vampirisation de la frère et de la soeur paraissait comme une bonne porte de sortie pour Le Havremont : un moyen de finir en douceur des règnes plus que discutables. Tout en leur offrant une seconde chance, et une nouvelle vie au sein du Royaume Vampirique.

En vérité, Claudius s’était surpris à penser ces derniers jours qu’il aurait sans doute pu comploter avec Aldaron en ce sens. Son ami aurait assouvi son besoin, presque pathologique à ce stade, de paternité, tandis que le Havremont aurait récupéré l’Empire, et tout était bien qui finissait bien.

Mais l’Elusis n’était pas n’importe quel type de vampire. C’était un vampire rancunier.  Peu enclin à tourner la page, et construire des choses nouvelles, comme les vampires Dalis par exemple. Alors rajoutez une tête de mule à leur tête tel que Achroma Seithvelj, et vous obtenez un cocktail qui ne pouvait pas bien finir. Le besoin pathologique de conquête, de lumière, et de puissance de ce dernier avait fini par avoir raison de la patience de Claudius.

“Vous m’entendez Achroma ? Jusqu’aux confins de la terre !”

Le Havremont eut un petit sourire malicieux. Sans doute que quand il avait dénoncé publiquement le vampire, il ne s’attendait pas à ce qu’il vienne se donner la mort sur ses terres. C’était fort aimable de sa part : au moins il n’avait pas eu à mobiliser la flotte Sélénienne et des armées sur une trop longue durée.

S’était évidemment un pari extrêmement dangereux que de jurer vouloir mettre la tête sur une pique à un être d’une telle puissance, mais un pari qui s’était avéré gagnant, avec beaucoup de préparation.

Mais voilà, le point noir dans cette histoire, c’est que Achroma Seithvelj était le Mari, Inséparable qui plus est, de Aldaron. Aboutissant à la situation présente : Claudius avait sacrifié une amitié séculaire pour sauvegarder son pays, et son peuple.

Si là n’était pas la définition de l’engagement, alors le Havremont ne savait plus quoi dire.

Toutefois, à présent que Aldaron était Prince Noir, et en voudrait évidemment à Claudius pour l’éternité (comment il aurait pu en être autrement ?) … Il fallait trouver des compromis, et des moyens de reprendre contact sans se jeter la vaisselle à la figure justement comme un vieux couple, ou pire, de se déclarer dans une guerre totale.

C’est donc dans cette volonté de faire un premier pas que Claudius se rendait à l’échoppe de Sorel Gallenröd. Car au-delà d’être un marmot elfique doué en affaire, le Havremont savait qu’il était potentiellement la personne qui pourrait plus le conseiller dans cette situation : attaché à l’Empire, mais aussi à sa famille d’adoption, les Elusis, il était peut-être bon de quémander les lumières de sa personne.

Toutefois il allait devoir la jouer fine. Claudius le savait mieux que personne : bien qu’il avait passé un bon coup de balai pour cette fois, si Aldaron avait décidé de quelque chose, il pouvait avoir des yeux et des oreilles partout. Prudence était donc tout de même de mise, car chacun pouvait être un complice derrière un joli sourire.

Par les Huit, qu’il détestait avoir comme adversaire Aldaron. Il était peut être encore plus pernicieux que son sournois de mari, qui n’était pas déjà une mince affaire.

Le Havremont leva la tête, et eut l’heureuse coïncidence (!) de tomber juste devant Sorel, qui semble t-il était en balade. Claudius pencha la tête. Celui-ci semblait légèrement encombré, et il n’aurait su ce qui dépassait légèrement de lui : comme des bois ? Sorel serait-il un spirite de la saïga ? Quoi qu’il en soit, le jeune elfe se détacha les doigts d’un bâton avec lequel il semblait peu à l’aise, avant de lui dire :

“Monsieur Claudius, Havremont. Majesté ? J’étais justement en route pour venir vous voir, si c’était possible.”

Le Havremont inclina la tête, avant de répondre à Sorel :

“L’étiquette voudrait que l’on m’appelle “Votre Majesté Impériale” …” Il haussa les épaules, avant de reprendre : “Mais je ne suis point encore officiellement Empereur des Hommes, alors vous pouvez m’appeler Claudius. ou Monsieur de Havremont, si cela vous est difficile”.

Si Claudius appréciait ses titres, et les appellations particulières, lui-même n’était pas un grand sachant de l’étiquette, et s’en servait encore moins en toute circonstance. En vérité, il aimait qu’on lui rappelle quand cela avait un sens. Il était important de rappeler à ses soldats qui était le Maître, par exemple. Ou à son peuple qui était l’Empereur.

Mais Sorel n’était pas vraiment un membre du peuple comme les autres.

“J’imagine que cela ne vous surprendra guère si je vous dis que j’avais la même intention de mon côté” Fit Claudius en propos préliminaires : “Nous avons des choses à nous dire, jeune homme.” Annonça t-il gravement.

Il eut un regard amusé au dessus du front du fils d’Aldaron avant de lui lancer :

“Mais avant que nous commençions notre conversation, puis-je vous demander ce que ce sont ces bois qui dépassent du mur ? Êtes vous un genre de spirite de la saïga, ou quelque chose de ce style ? Peut-être devrais-je vous laisser l’honneur de m’apprendre ce que vous aviez à me dire, d’ailleurs ... ”

descriptionNervures d'or [Claudius] EmptyRe: Nervures d'or [Claudius]

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Sorel n’était pas bien grand pour un elfe, se situait plutôt dans une moyenne confortable - une connaissance qu’il avait acquise lorsqu’il avait pris le temps d’étudier sa propre race, peu après avoir été récupéré par Aldaron. Depuis, il n’avait plus été aussi surpris de dépasser les humains en taille et avait fini par s’en accommoder comme d’une autre norme. Pour autant, les humains à le dépasser n’étaient pas inexistants et Claudius de Havremont lui rendait la pareille, le regardant depuis ses deux mètres avec toute la prestance de sa large carrure. Dire qu’il était impressionnant commençait à peine à effleurer la réalité mais Sorel lui sourit néanmoins, un peu incertain quant à la conduite à adopter. Ces derniers jours n’avaient pas été des plus reposants ni des plus sécuritaires compte tenu de sa filiation avec Aldaron Elusis, grand responsable de la misère qui s’était abattue sur Sélénia.
Si se rapprocher volontairement du nouveau dirigeant de Sélénia pour lui confier une monture était une chose, le voir arriver de lui-même en était une autre. La première dénotait une intention de la part de Sorel, la seconde, en revanche, pouvait bien signifier que l’elfe allait se prendre le proverbial pied aux fesses et se faire bouter hors de la ville. Tant qu’il lui laissait le temps de récupérer ses affaires et ses animaux - et qu’allait-il faire d’un cerf en plus s’il était refusé ? - avant de partir, et de s’assurer que les autres seraient en sécurité, il pouvait bien s’y plier sans rechigner. Il comprendrait la décision de l’Empereur - d’autant que ce ne serait pas sans raisons, qu’elles soient passées ou présentes.

La pensée lui serra l’estomac mais Sorel parvint à garder un visage parfaitement lisse, son expression toujours aussi contrite tandis qu’il attendait la réponse du grand homme. Celle-ci ne se fit pas attendre et, laissant son visage exprimer sa brève incrédulité, Sorel ne put retenir un bref sourire :

« Il n’y a point de difficulté à vous appeler par votre titre, mais je dois avouer qu’il est long... » Il ajouta un petit geste de la main, comme pour repousser le fait que le titre ne soit pas encore officiel, fronçant légèrement les sourcils tout en inclinant la tête sur le côté : « Officiel ou non, vous êtes ce que vous êtes. »

Dans sa tête, cependant, l’elfe était occupé à trouver des alternatives au titre à rallonge. VMI lui semblait pas mal sympathique, avec un petit côté amical certainement pourvu par le “MI” final. Il jeta un coup d'œil à Claudius avant de déterminer qu’il s’agissait probablement d’une erreur d’imaginer pouvoir s’en servir mais il nota dans un recoin de peut-être en parler à Avara. Même si la jeune femme avait installé une distance certaine entre eux depuis quelques temps, il se demanda si le petit partage lui arracherait un sourire ou l’une de ces discussions qu’ils pouvaient avoir lorsque l’o
Il se demanda un instant si l’homme avait une préférence. Sorel n’aimait que très peu se servir du “vous”, la distance certaine que ce simple mot pouvait mettre entre les gens lui était souvent désagréable. Il s’en servait à l’occasion, spécifiquement lorsqu’il s’adressait aux gens qu’il n’appréciait guère ou ceux qu’il ne connaissait pas - par respect. Claudius, en l’occurrence, se trouvait incapable d’entrer dans la moindre catégorie. L’elfe ne pouvait décemment pas dire qu’il s’entendait bien avec l’humain, ni ne le considérait comme un proche - ce statut appartenait définitivement à Avara, cependant - mais il ne le détestait pas pour autant. Peut-être quelques brûlants sentiments concernant la mort du dragon du précédent empereur et quelques choix douteux mais dans l’ensemble, il ne pouvait pas placer Claudius dans la catégorie de ceux qu’il n’aimait pas. La distance était également utile, étant donné la position qu’occupait Sorel et celle que tenait Claudius. D’autant qu’elle était nécessaire par respect.
Se secouant la tête pour se sortir de ces considérations qui n’avaient absolument aucun lieu d’être. Si Claudius souhaitait être adressé différemment, il saurait en faire la demande comme le grand monsieur qu’il était. Il n’avait pas expressément demandé à Sorel de l’appeler Claudius ou Monsieur de Havremont, l’avait même fait vaguement en insinuant que l’elfe puisse avoir une difficulté à user de son nom… le jeune renard eut une idée et retint un bref sourire mais son regard s’illumina d’un éclat joueur.

Reprenant une once de sérieux au ton grave de l’humain, cependant, il hocha la tête mais fut rapidement déconcerté lorsque le regard de Claudius se réchauffa d’une expression amusée, laissant Sorel perplexe. Il n’était pas tout à fait habitué à le voir ainsi et il devait avouer que l’expression lui allait bien. Son air bourru qui lui donnait l’apparence d’un marteau de guerre en acier fondait légèrement pour un côté plus doux que l’elfe se risquerait presque à comparer à du chocolat. La remarque de l’Empereur arracha un rire surpris à Sorel tandis qu’il levait les yeux vers lesdits bois, son expression ouverte et honnête dans son amusement.
Il secoua la tête, sans cesser de sourire, son visage éclairé tandis qu’il reculait d’un pas. Sorel n’eut guère à tirer sur les rênes qu’il tenait d’une main, l’animal suivit docilement, sa silhouette puissante et élégante se détachant nettement tandis que l’elfe l’attirait plus franchement dans la rue pour permettre à Claudius de l’admirer et de le détailler du regard en toute liberté. Sans quitter le cerf du regard, son expression abandonnant toute malice et toute gravité au profit de quelque chose d’infiniment plus doux et enfantin, avec cette simplicité ouverte qu’il ne réservait qu’aux animaux :

« C’est marrant, la façon dont vous avez posé la question tout en me proposant de parler de ce qui m’amenait à venir à votre encontre, » commença-t-il tout en levant la main vers le nez velouté du cerf. L’animal renâcla brièvement, redressant la tête ornée de lourds bois qu’on aurait dit faits d’or, avant de laisser l’elfe le toucher. « Puisque c’était la raison de ma venue. »

Sorel avait très honnêtement une aisance presque naturelle avec les gens, il les aimait à bien des égards, appréciait de les découvrir. Pour autant, il ne se sentait jamais plus en sécurité que lorsqu’il était en présence d’animaux, aussi fut-il difficile pour lui de quitter le cerf du regard pour le poser sur Claudius.

« Il est de notoriété publique que vous êtes lié à l’Esprit du Cerf. Il se trouve que je suis en contact avec bien des éleveurs et que l’un d’entre eux a récemment vu celui-ci naître dans son élevage. » L’elfe haussa les épaules et poursuivit tranquillement : « Il ne pouvait pas en faire grand chose, les éléments aussi particuliers ne sont généralement pas très appréciés dans les lignées alors je l’ai récupéré. J’ai déjà une monture, cependant, et je me suis dis que vous seriez certainement le plus à même d’en prendre soin à la mesure de ce qu’il mérite. »

Il était difficile d’avoir le moindre poids face à un Empereur, surtout depuis sa position précaire, mais Sorel se redressa et poursuivit sérieusement :

« Si vous n’en voulez pas, je comprendrais et je préférerais si vous pouviez me le dire directement, » dit-il avec respect quoique fermement. « Le bien-être des animaux me tient à cœur, d’autant plus lorsque je suis celui qui les confie à quelqu’un d’autre. »

Il fronça les sourcils, l’air frustré avec lui-même, et se dandina d’un pied sur l’autre, baissant brièvement les yeux sur le sol pavé de la cité avant de les relever vers Claudius.

« J’ai juste pensé qu’il vous correspondait plutôt bien. »

descriptionNervures d'or [Claudius] EmptyRe: Nervures d'or [Claudius]

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“Il n’y a point de difficulté à vous appeler par votre titre, mais je dois avouer qu’il est long…”

Le Havremont haussa un sourcil. Il trouvait ce titre long ? Claudius ne put s’empêcher de sourire un brin, avant de rajouter :

“Certes. Vous n’avez pas le loisir de m’appeler Père comme vous le faites avec Son Altesse le Prince Noir. Vous n’êtes pas un privilégié, ici.”

Claudius eut un petit rire. Une référence à Aldaron qui avait tourné le dos par amour au Havremont lors de la Bataille des Cendres. Il tint ensuite à rebondir sur la deuxième remarque du jeune elfe :

“Vous avez raison. Alors souvenez-vous de moi en tant qu’Empereur, quand vous m'adressez la parole. Peu importe le titre que vous utilisiez.”

Claudius eut un regard un brin autoritaire, mais il laissa couler sa remarque par la suite. Plus qu’une véritable remontrance, Le Havremont savait surtout que le jeune elfe était encore jeune à l’échelle de sa race. Il n’avait probablement pas conscience de ce qu’il disait, c’était normal. Après tout lui aussi était jeune et impétueux à son âge. Et contrairement à avec Aldaron, eux deux n’étaient pas encore dans une position où le futur Empereur pouvait lui accorder une totale confiance.

Il se détendit néanmoins, quand il fut question des bois qui dépassaient légèrement du mur.

« C’est marrant, la façon dont vous avez posé la question tout en me proposant de parler de ce qui m’amenait à venir à votre encontre, Puisque c’était la raison de ma venue. »

Claudius eut un petit sourire en voyant les bois dépassés et la tête du grand cerf se détailler de plus en plus dans son champ de vision.

“Le maître des bêtes, n’est-ce pas ?” fit l’Empereur qui avait eu vent de ce sobriquet que l’on donnait parfois à Sorel. Il écouta par la suite avec respect le petit exposé du fils d’Aldaron :

« Il est de notoriété publique que vous êtes lié à l’Esprit du Cerf. Il se trouve que je suis en contact avec bien des éleveurs et que l’un d’entre eux a récemment vu celui-ci naître dans son élevage.Il ne pouvait pas en faire grand chose, les éléments aussi particuliers ne sont généralement pas très appréciés dans les lignées alors je l’ai récupéré. J’ai déjà une monture, cependant, et je me suis dis que vous seriez certainement le plus à même d’en prendre soin à la mesure de ce qu’il mérite. »

Claudius frotta sa barbe, pensif, alors qu’il étudia avec attention la monture, tout en écoutant l'avertissement de l’elfe rouquin. Le Havremont passa tour à tour son regard sur l’elfe, puis sur le cerf, son regard attendri changeant d’expression en quelque chose de plus dur. Il était évident que l’on ne pouvait pas accepter impunément un cadeau d’un potentiel ennemi déclaré. Spécialement dans un contexte si particulier où l’Empire était fragile et avait besoin plus que jamais d’un temps pour panser ses blessures. La menace de la contre-attaque n’était jamais bien loin, et le Havremont travaillait d’arrache-pied si cela devait arriver.

Toutefois ... En apprenant que le jeune rouquin était resté sur ses terres, Claudius avait fait le maximum pour protéger l’échoppe de Sorel d’une vendetta armée de ses soldats qui voulaient éliminer de près ou de loin les restants de proche d’Aldaron, et donc du Marché Noir, qui trainaient encore dans les rues. Pourquoi ?

Eh bien déjà pour ne pas craindre les foudres du nouveau Prince Noir, et spécialement de son dragon de cent mètres qui représentait une menace suffisante bien que Naal du Néant aurait suffit à faire détaler n’importe quel dragon à son nid. Mais aussi parce qu’il avait envie d’essayer quelque chose. La force de l’habitude était quelque chose de très puissant, cela Claudius le savait pour l’avoir vécu. Souvent les hommes appréciaient leur cadre confortable de vie, chose qui se vérifiait d’autant plus avec les elfes. Ce peuple était connu pour aimer leur petit confort et leurs habitudes.

Sorel avait décidé d’habiter à Sélénia probablement plus par intérêt pour son père qu”autre chose, encore que Claudius n’en savait rien. Et malgré la grande dévastation qui avait secoué la capitale il était resté. Cela dénotait deux choses : soit l’elfe était profondément suicidaire ou inconscient, soit l’elfe avait des raisons de rester. Des raisons, comme un cercle d’amis, une échoppe, en bref, une vie. Ou bien des directives de son père.

En tous les cas, l'occasion était trop belle pour que le Havremont ne tente pas au moins d’en faire quelque chose. Il ne comptait pas voler son fils à son ami et rival Aldaron, loin de là. Il comptait simplement essayer d’en faire quelque chose d’autre.

Alors après ce laps de temps à réfléchir, il eut finalement un sourire à la destination de Sorel, avant de lui dire :

“Eh bien je n’ai encore jamais monté de Cerf, ni même n’ait eu l’occasion de m’en occuper d’un véritable, mais on ne peut nier qu’il m’aura protégé pendant longtemps.” fit Claudius, avant de donner une petite tape sur l’épaule à Sorel : “J’accepterai de m’en occuper, vous pouvez être sûr qu’il sera bien traité dans les écuries impériales. J’attends tout de fois de vous que vous me donniez tous les secrets pour bien élever un animal de la sorte, car il est fort à parier que mes palefreniers n’ont jamais eu à élever quelque chose de la sorte.”

Pour sûr que cela serait à présent le cerf le mieux traité de l’Empire. Claudius inspira ensuite, avant de faire :

“Mais revenons à nos moutons, si vous le voulez bien.”

Le Havremont eut un nouveau petit sourire, avant de faire :

“Je serai bref en vérité. Vous savez ce qui s’est passé ici, vous y avez assisté ici, comme tout le monde. Bien que miraculeusement - Et Claudius insista bien sur ce mot - vous ne vous êtes pas retrouver sans domicile fixe du jour au lendemain. Vous savez qui est l’instigateur de cette bataille.”

En l'occurrence, Achroma Elusis, feu-son père. Rien de tout cela ne se serait jamais produit si ce dangereux mégalomaniaque, pervers manipulateur, s’était mêlé de ses propres affaires et n’avait pas mis ses sales pattes sur l’Empire, retournant un des meilleurs amis de Claudius contre lui.

“Votre présence dérange certains de mes proches soutiens. Mais nous sommes dans une situation épineuse où je ne peux rien faire de radical, et vous non plus.” Le Havremont s’arrêta un instant passa une nouvelle fois une main dans sa barbe, avant de dire : “En vérité, je n’ai pas envie de faire quelque chose, car j’ai espoir qu’au fond de moi, vous n’êtes pas autant impliqué que certains le pensent.”

Et autant dire que les rumeurs allaient bon train sur le Marché Noir. Claudius y ayant participé à son échelle en son temps savait de quoi il était question. Mais aussi ce qui était totalement du flan, et des accusations véritables. Le Havremont inspira légèrement :

“Et je dois bien l’admettre, je ne vous déteste pas. Vient ma question : je ne veux pas faire de votre vie un calvaire, et votre délicate attention me conforte dans la position de penser que vous non plus, vous ne me voulez pas de mal. Alors tout simplement, que voulez-vous, Sorel ?”

descriptionNervures d'or [Claudius] EmptyRe: Nervures d'or [Claudius]

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La mention, par l’empereur en personne, de son titre, fit légèrement baisser le nez au jeune elfe, qu’il frotta de son index, partagé entre fierté et embarras. C’était un surnom qu’on commençait doucement à lui donner, ici et là, mais qui lui plaisait. Il ne se considérait pas exactement comme un maître à proprement parler mais il appréciait la reconnaissance qui allait avec. Surtout lorsque cela lui permettait d’être consulté sur certains sujets, d’autant plus quand ces mêmes consultations évitaient à des créatures d’être maltraitées ou se voir recevoir un traitement inadapté ce qui reviendrait à la première option.
Il ne manqua pas l’air songeur de l’humain et Sorel attendit patiemment, ses doigts sur le nez doux du cervidé, appréciant sa présence qui, à l’instar des autres animaux, lui donnait un aplomb qu’il n’aurait peut-être pas eu, seul. C’était comme si la présence du cerf s’ajoutait à la sienne, lui offrant un soutien qu’il ne trouvait que rarement en la présence des autres bipèdes.
Bien qu’être présent sous l’air dur et sévère du grand humain représentait une tâche peu évidente pour lui, Sorel resta parfaitement immobile et en vint même à apprécier le temps de réflexion de Claudius. Une acceptation rapide aurait été appréciée, bien entendu, mais le voir réfléchir et considérer l’option l’était tout autant. Cela dénotait une réflexion réelle, l’empereur pesait le pour et le contre et, qu’il le prenne ou non, sa décision serait réfléchie et faite en toute connaissance de cause. Accepter un animal était une chose, en prendre soin et s’en montrer responsable en était une autre. On pouvait en dire long sur une personne en regardant comment elle s’occupait de ceux qui dépendaient d’elle, à commencer par ses animaux.

Lorsque l’empereur finit par prendre la parole, Sorel ne put retenir un son amusé qui passa par son nez. Pas encore monté de cerf ? Avec un regard vers le grand animal et une pensée pour son mode de déplacement bondissant. Son sourire en coin, pas méchant mais définitivement malicieux, se dirigea vers Claudius tandis qu’il hochait la tête d’un air entendu. Effectivement, cela requérerait quelques ajustements de la part du grand guerrier, mais peut-être que sa carrure large et puissante lui serait utile. Ou tout l’inverse, cela dépendrait certainement de l’adaptabilité de l’humain.
A la demande d’instructions, l’elfe sursauta comme piqué par un insecte et se mit à fouiller dans les poches de sa cape noire puis dans celles de son pantalon avant de se rappeler où il avait placé ce dont il avait besoin. Il les retrouva à cachés dans une large poche à l’intérieur de la doublure de sa cape mais Claudius poursuivit et il abandonna les carnets pour le moment, se concentrant plutôt sur l’allure soudain sérieuse du grand bonhomme.

D’ordinaire parfaitement capable de cacher ses émotions, le jeune elfe décida de n’en rien faire et laissa son nez se froncer et sa bouche se tordre légèrement comme un enfant placé dans une situation difficile. Son regard passa sur la rue particulièrement épargnée par les feux et les dévastations qui avaient ravagé Sélénia. Il était clair que cet état de fait ne passerait pas inaperçu.
Il ignorait trop à quoi s’attendre et une forme d’angoisse commençait doucement à se loger dans son estomac, une larve glaciale qui s’enroulait sur elle-même juste sous son sternum. Allait-il se faire jeter dehors comme il l’avait envisagé ? Ses pensées immédiates allèrent vers Tania et sa famille, se demandant si elle accepterait de quitter Sélénia avec lui pour aller… Il ignorait où. Rejoindre Nyn-Tiamat lui conviendrait certainement mais il savait pour autant qu’il ne s’y plairait pas tant que cela. Pas pour y vivre tous les jours, à minima, même si cela signifiait pouvoir étudier les licornes, les fenrisulfrs, les rhinocéros laineux, les shibis, s’il en avait la chance, peut-être approcher les renards des glaces qui se trouvaient dans ces plaines glacées et ces montagnes qui ne pardonnaient pas l’erreur.
Il la voyait mal abandonner tout ce qu’elle connaissait pour un travail qu’il ne pourrait probablement pas continuer au milieu des vampires, il doutait franchement que leur esprit pratique et analytique se laisserait autant appâter par ses curiosités. D’autant qu’une infime partie de lui-même ne tenait pas à se retrouver entouré de vampires. Il avait une ferme confiance en son père, une confiance qu’il qualifierait sans hésiter d’aveugle. Mais s’il ne voyait aucun inconvénient à rester assis au milieu d’une meute de loups, il avait quelques réticences à en faire de même avec des vampires sur une période de temps indéfinie. Le seul avantage était qu’il était un elfe et que, par conséquent, son sang n’avait pas autant d’intérêt que celui d’un humain. Tania et sa famille, en revanche, ne pourraient pas en dire autant.

L’absence d’option radicale, cependant, fit relever le nez au jeune elfe. Le “mais” était aussi surprenant qu’espéré. Pour autant, il ignorait que faire des paroles même de l’empereur humain. Y avait-il quelque chose à comprendre dans le fait qu’il ne pouvait agir ? Avait-il envie ? Cette impossibilité de pouvoir agir à sa guise le frustrerait-elle ?
Plus important encore, pensait-il réellement que Sorel puisse - et veuille - agir ? Il serra involontairement les mâchoires, songeant au décès de son père, à la peine innommable que cela avait infligé à Aldaron et à la possibilité que, s’ils n’avaient pas perdu leur esprit-lié de l’inséparable, il aurait pu perdre ses deux parents. Sans parler de la perte tragique d’un dragon dans la manœuvre. Le rouquin baissa le nez.
Il avait nettement un pied près de son père mais l’autre était également ancré sur la terre de Sélénia. Les torts étaient partagés, le dénouement certainement inévitable à moins d’avoir eu l’intervention d’un troisième parti en guise de médiateur.  
Sorel ne chercha pas à se retenir ni à masquer ses réactions, ses épaules se relâchant visiblement à l’aveu de l’empereur, qu’il n’avait pas envie de faire quelque chose, pour commencer. Et Détect’argent n’avait pas réagi à l’arrivée de Claudius, ce qui ne faisait que confirmer ses propos et entériner leur véracité, apaisant quelque peu ses inquiétudes. La question, cependant, le prit de cours.

Il se sentit soudain bien seul et bien incapable de répondre. Il était maître des mines mais s’il avait envie de quelque chose c’était de calme et de paix, d’espace et de liberté pour pouvoir découvrir les animaux et les créatures en toute tranquillité. De pouvoir les élever, s’il le pouvait, sans avoir à craindre que le voisin n’appelle la garde ou ne finisse dévoré suite à un manque d’attention de la part de l’elfe.
Sorel jeta un regard autour d’eux avant qu’il ne revienne sur Claudius, il indiqua l’entrée de son échoppe d’un mouvement de tête :

« Peut-être pourrions-nous nous entretenir à l’intérieur, ce sera plus confortable. » Il leva les yeux vers le cerf qui le considérait placidement, calme et imperturbable. Le laissant là pour une seconde, sans s’inquiéter un instant qu’il puisse tenter de s’enfuir, l’elfe alla jusqu’à l’entrée de la boutique qu’il déverrouilla avant d’inviter le monarque à entrer d’un geste : « Je vous en prie, entrez. Il y a une arrière salle, derrière la boutique, de quoi vous installer confortablement le temps que je m’occupe de lui. » Ses yeux brillèrent soudain d’une malice sans méchanceté mais d’un amusement certain tandis qu’il indiquait le haut de la porte : « Vous ne devriez rien risquer à passer l’entrée mais prenez garde au linteau entre les salles, il y est plus bas. »

Il n’était pas aussi grand que Claudius, mais Sorel restait plus grand que la moyenne sélénienne et s’il avait l’habitude de se baisser dans son propre lieu de vie, ce n’était pas le cas de son invité inattendu.
Laissant au monarque le temps d’entrer et de s’installer, Sorel rejoignit la petite arrière cour qui lui avait fait choisir l’emplacement pour sa boutique pour y installer le cerf jusqu’à son départ. S’assurant que l’animal ne manquerait de rien et serait confortable, il finit par s’éloigner et par entrer par la porte arrière, retrouvant ainsi Claudius dans l’arrière boutique. Une partie était occupée par un bureau sur lequel étaient étalés différents bouquins, ceux-ci couvrant aussi bien le sujet de la faune tiamarantenne que de la magie.
Il s’esquiva rapidement vers un coin de la pièce pour préparer un feu et fouiller dans un placard pour préparer une assiette de petits gâteaux. Incapable de se retenir, l’elfe fourra l’un d’entre eux de sa bouche, la texture fondante et sucrée apaisant pour un instant la tension qui persistait. La personne qui se trouvait dans la pièce avec lui n’était pas n’importe qui, après tout. L’homme occupait par ailleurs beaucoup plus d’espace que ce à quoi Sorel était habitué, la large carrure du guerrier rendant presque ridicules les fauteuils de l’elfe et son petit salon bureau. Il déposa à l’attention de l’empereur l’assiette de gâteaux :

« Je peux vous proposer du chocolat chaud ou du thé, si vous préférez. » Il se demanda un instant si Claudius préférait l’eau, ou de l’alcool ou tout autre chose dont il ne disposait pas. « Oh, » se rappela-t-il soudain avec un léger sursaut : « j’ai aussi du café ou de l’eau. »

La question de Claudius, cependant, restait en suspend, occupant une grande partie de l’espace. Que voulait-il ? Il voulait que Faronlyss soit en sécurité et puisse vivre sans craindre d’être chassé par les bipèdes parce qu’il était effrayant. Il voulait la paix et le calme, il voulait de l’espace et s’occuper de ses animaux et des gens qu’il appréciait. Il voulait que cette même paie, cette même sécurité, puisse bénéficier à Snö, à Järn et aux rongeurs, à tous les animaux qu’il prendrait sous son aile. Sorel jeta un œil par la fenêtre qui donnait sur l’arrière cour où son étalon et le cerf se trouvaient actuellement, et certainement son chat baignant dans un rayon de soleil. Au-delà, cependant, il ne rencontra que murs hauts et bâtiments.
C’était peut-être une question qu’il se poserait plus souvent à l’avenir, du moins jusqu’à ce qu’il trouve une réponse qui puisse lui convenir, une réponse qui puisse lui offrir un sentiment de vérité. Le jeune elfe se redressa et répondit avec plus de certitude qu’il n’en ressentait :

« Je veux rester et continuer à vendre mes... » il ne put retenir un sourire, amusé par sa propre incapacité à décrire ce qu’il faisait exactement ici : « trucs. Faire mes recherches, mettre la main sur de nouveaux livres pour continuer à apprendre... » Il chercha le regard, poursuivant avec un rien moins d’assurance, conscient de l’ampleur de sa prochaine demande en plus de celle qu’il avait déjà formulée : « Et si d’aventure un lopin de terre venait à se libérer... » il haussa une épaule : « Il est possible que je prenne soin de beaucoup d’animaux et que je commence à manquer un petit peu d’espace. »

Il songea un instant à la sécurité. D’abord à celle des humains qui vivaient autour, surtout là où Faronlyss était concerné, mais ensuite sa résolution s’affermit lorsqu’il songea à celle des siens. S’il avait miraculeusement réchappé à un mauvais traitement de la part de ses proches voisins ou d’autres personnes, il se demanda combien de temps ses animaux pourraient prétendre la même chose. Ce n’était pas encore arrivé mais il suffirait d’une fois. Il ignorait l’ampleur de sa réaction si quelque chose de ce type devait arriver et préférait ne pas le savoir.

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Claudius se dérouilla les épaules, et accepta la proposition de Sorel qui voulait l’emmener dans son échoppe. Non sans un regard suspicieux sur l’intérieur, et évidemment la différente taille des meubles et l’agencement des pièces, pour ne pas prendre de proverbiaux coins de meubles sur des parties de son corps alors même qu’il n’en était pas consentant.

Au-delà de cette considération physique essentielle, il s’agissait aussi d’éviter les guet-apens. Même si le jeune elfe n’avait a priori pas l’air aussi antipathique que cela, dernièrement Claudius se méfiait par principe comme de la peste des personnes ayant trempé d’une manière ou d’une autre dans les affaires d’Aldaron.

Mais la délicate attention de Sorel de le prévenir sur les différents agencements de son échoppe, eut pour effet de le calmer, au moins un petit peu. D’expérience, Claudius savait que ce genre d’attitudes voulait bien plus en dire qu’elle ne l'énonçait réellement. Aussi, l’Empereur se sentit plus en confiance de ne pas atterrir dans un vulgaire piège bien ficelé.

Le Havremont eut ainsi droit à une petite visite privée de l’échoppe du jeune elfe, qui se termina dans une arrière boutique où était étalé là plusieurs ouvrages sur un bureau. Claudius les scruta de loin un instant, et songea au fait que s’il était le père de Sorel, il lui intimerait sûrement de ne rien laisser traîner et de ranger sa chambre. Mais il ne fit rien pour l’heure : il avait bien assez de ses propres enfants et petits-enfants pour se rajouter des inquiétudes sur les épaules. Là était quelque chose qui le différenciait d’Aldaron.

Claudius s’assit donc sur un des fauteuils du jeune elfe, prenant garde de ne pas le faire s’affaisser à cause d’un mouvement trop brusque. D’expérience là encore une fois, Le Havremont avait fini par connaître par coeur toutes les maladresses qu’il pouvait commettre chez quelqu’un, et s’efforçait de s’auto-contrôler sur toutes ces choses. L’inconvénient d’avoir un gabarit qui n’était pas dans la moyenne.

Appréciant une nouvelle fois l’attention des gâteaux, Claudius intima à Sorel que le thé était une très bonne idée quand il proposa des boissons. Le Havremont n’était pas un grand amateur de chocolat, un des secrets les mieux gardés de l’Empire. Inconnu même de sa femme, ce qui lui causerait de grands troubles si elle venait à la savoir.

Un instant de silence s’installa dans la pièce, puis Sorel apporta le thé à l’Empeur, ce-dernier le remercia naturellement, et enfin vint une réponse du jeune elfe aux dires de l’Empereur :

“Je veux rester et continuer à vendre mes… trucs. Faire mes recherches, mettre la main sur de nouveaux livres pour continuer à apprendre… Et si d’aventure un lopin de terre venait à se libérer… Il est possible que je prenne soin de beaucoup d’animaux et que je commence à manquer un petit peu d’espace.”

Claudius hocha la tête tout en se frottant sa longue barbe, s'enfonçant un peu dans le fauteuil du jeune elfe. Il était silencieux, muré dans une profonde réflexion. Les propos que lui tenaient le jeune elfe était pour le moins équivoque. Le Havremont n’était pas un grand psychologue, mais ce désir de rester, “continuer à vendre ses choses” comme il disait, et même considérer un lopin de terre, prouvait quelque chose.

Bien sûr, il ne savait toujours pas exactement à quel niveau de sincérité se tenait ce discours, mais quand bien même eût-il quelques doutes, il avait tout de même envie de parier sur son premier sentiment. Peut-être qu’à force d’habiter dans l’Empire, Sorel s’était fait à l’habitude que cela lui procurait, et que rejoindre son Père sur Nyn-Tiamat le bouleverserait. Mais en vivant dans l’Empire, le Havremont savait que l’influence du peuple finirait par se faire. Sorel serait-il donc l’exemple de convaincu par la puissance plus ou moins douce que Claudius cherchait tant ?

L’Empereur, après quelques instants de réflexion sortit de son silence :

“Cette échoppe est à vous. C’est votre propriété, vous avez payé pour l’avoir. Alors tant que vous ne cachez pas des cadavres ou vous ne faites pas quelque chose de légalement répréhensible, ce qui n’est pour l’heure pas le cas, alors nous n’avons aucune raison de vous la retirer.” Ou tout du moins, les forces chargées de démenteler les poches du Marché Noir encore présentes en Sélénia n’avaient encore rien trouvé à son égard. Mais cela, Claudius se garda bien de le lui dire. De toutes les façons, L’Empire était plus tranquille depuis la déconfiture des vampires. “Et la même réflexion s’applique concernant votre personne. Faites toutes les recherches, et menez toutes les aventures que vous voulez, tant que vous restez droit dans vos bottes.” Claudius eut un petit regard ferme un instant, mais l’expression de son visage s'adoucit rapidement.

“En revanche, pour ce qui est du lopin de terre …” Claudius laissa là une petite suspension dans l’air, se frottant la barbe encore un peu. Puis il reprit : “Je ne peux pas accéder à votre demande … Pour l’heure.” Le Havremont insista bien sur ces deux derniers mots, avant de se redresser sur son siège. Là, il allait commencer à développer ses conditions. “Comme je vous le disais, je n’ai rien de personnel contre vous. Mais vous n’êtes pour l’heure pas apprécié par mes conseillers, et certains de mes proches. La terre sur Sélénia, n’est pas quelque chose qu’on prend à la légère. Les titres, et les terres, sont des choses que l’on donnait aux Nobles dans le temps.” Claudius esquissa un petit sourire, conscient de l’état de la Noblesse sélénienne aujourd’hui, qui se résumait plus ou moins à sa propre famille, et un tas de cendres, et probablement d’autres miraculés disséminés ici et là dans l’Empire. “Ça n’est pas entièrement ma vision des choses, et depuis toujours j’estime que plutôt qu’un droit de sang avant tout, c’est surtout au mérite et à la valeur que doit s’octroyer des terres.” Là, il s’arrêta et le sourire de Claudius se fit plus visible. Si Sorel était aussi malin que son père adoptif, il avait sans doute compris ce que Claudius s’apprêtait à lui dire : “Alors, impressionnez-moi. Soyez proches des miens pour les bonnes raisons, rendez-vous utile, aidez l’Empire et les personnes y habitant, bref faites en sorte que votre nom résonne dans l’Empire, et arrive à mes oreilles, en bien...”

Claudius se redressa du fauteuil, avant d’ajouter :

“Si vous faites ce chemin là, alors je pourrais facilement vous consentir des choses. Mais si vous savez être là au bon moment quand une opportunité se présente, et si vous continuez dans la voie dans laquelle vous êtes, je n’ai aucune crainte sur le fait que vous serez un citoyen respecté de tous de l’Empire.”

Le Havremont haussa les sourcils, finalement un brin surpris par tout cela. Il laissa traîner un :

“J’avoue que je m’attendais peut-être à quelque chose d’autre venant de la part d’un fils d’Aldaron, mais si c’est ce que vous désirez vraiment, alors la balle est dans votre camp.”

Avant de se plonger un instant dans son thé pour y boire une longue gorgée, en attendant la réponse du jeune elfe.

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Le son régulier de grattement de la barbe sous les doigts rugueux de Claudius fit légèrement incliner la tête sur le côté au jeune elfe. Il se retint de lever la main pour caresser ses joues imberbes, se demandant la sensation qu’une barbe pouvait bien donner. Le poil de Faronlyss était épais et, suite aux traitements de Sorel, soyeux mais la fourrure restait néanmoins plus rude que celle de Snö, par exemple, qui était d’une douceur incomparable. Pour autant, à en juger par le son et par l’apparence des poils de l’humain, c’était indéniablement différent. Il avait vu des balais dont l’extrémité était constituée de multitudes de fines branches mais ce n’était pas la même chose non plus, peut-être à mi-chemin.
Il y avait certainement quelques protocoles, quelques règles, quelques trucs de bienséances qui indiquaient combien il serait offensant de demander à toucher la barbe de l’homme sur le point d’être intronisé empereur. Pour autant la curiosité ne le quitta pas, à peine amoindrie par la conscience qu’il s’agirait d’une grave erreur.
Sorel fourra la main gauche dans sa poche, attrapant une pièce qui s’y trouvait toujours et y passa la pulpe de son pouce, caressant la surface ornée, grattant de l’ongle les ondulations de la tranche. Il ne demanderait pas à Claudius, mais peut-être qu’un pauvre hère, dans la rue, finirait par en subir les conséquences et se verrait interrogé sur le sujet dans les prochains jours. Enfin, la journée n’était pas terminée pas plus que l’entretien, il avait toujours le temps de déraper et d’oublier toute contenance.

Préparant le thé pour l’empereur et du chocolat chaud pour lui-même, il fouilla dans les petits pots en terre cuite qui encombraient une étagère et sélectionna un thé en particulier dont il versa les feuilles dans la théière. Une fois le liquide prêt, il l’amena au monarque :

« Si je ne me trompe pas, » commença-t-il doucement, « vous êtes originaire de Gloria. Il s’agit d’un thé qui était uniquement cultivé et produit là-bas. Il ne m’en reste pas beaucoup mais j’ose espérer que cela vous plaira. »

Il adressa un sourire à l’empereur à venir avant de revenir s’occuper de sa propre tasse de chocolat chaud, qu’il accommoda de quelques épices avant de s’installer dans le fauteuil en face de Claudius. Comme à son habitude, Sorel s’assit en tailleur dans le cuir usé et confortable de sa chaise préférée, loin d’une posture impeccable et en bonne et due forme. Il en avait oublié de retirer sa cape, réalisa-t-il, lorsque les bords des carnets lui rentrèrent dans les côtes. Le jeune elfe grimaça en se redressant, retira deux carnets des poches intérieures de sa cape et les posa sur la petite table et drapa la cape sur le dossier de son fauteuil. Il se réinstalla avec un soupir d’aise, entourant sa tasse de chocolat chaud de ses deux mains.
Il écouta avec attention la réponse de Claudius, conscient que la réflexion que le monarque avait pris avant de répondre indiquait une importance certaine. La mention de cadavre à cacher chez lui arracha un bref frémissement d’horreur à l’elfe. Nope, pas de cadavre chez lui. A moins que l’on puisse considérer d’éventuels vampires comme tels et, pour l’heure, ceux-ci n’étaient plus autorisés dans les environs, ce qui limitait nettement les possibilités. Il avait vu bien assez de morts pour le restant de son existence, la vie, cependant, n’avait pas fini de lui en montrer.

Il hocha la tête avec gratitude à l’autorisation de Claudius de conserver sa boutique, un poids invisible quittant ses épaules de l’elfe. La suite, cependant, lui fit froncer les sourcils, l’air confus, avant qu’il ne baisse les yeux sur ses chaussures.

Il portait effectivement des bottes mais il se voyait mal les porter autrement qu’avec les pieds droits dedans. La signification mit un petit temps avant de lui parvenir et il hocha soudain la tête dans un “ah, d’accord”, son hochement prenant une autre signification lorsqu’il approuva. C’était étrangement dérangeant de se retrouver dans cette position-là.
Compte tenu de ses activités, il n’était clairement pas aussi droit dans ses bottes que Claudius semblait le croire. L’autorisation de poursuivre ses recherches et de mener toutes les aventures qui lui plaisaient tant qu’il restait correct était agréable mais la culpabilité qui commençait doucement à lui tordre le ventre ajoutait une saveur amère à sa joie toute enfantine de recevoir cette acceptation.
Son sourire se fit timide au regard adouci de l’empereur et il sirota un peu de son chocolat chaud, attentif et respectueux. Une fois encore, l’elfe acquiesça, guère surpris par la réponse de Claudius. Il ne s’attendait pas tant à recevoir une réponse positive mais qui ne tentait rien n’avait rien. Il s’arrangerait pour trouver une autre solution, il avait l’habitude de se déb-... La précision de l’empereur halta ses réflexions et son attention se fit acérée tandis qu’il écoutait, toujours silencieux, les doigts toujours enroulés autour de sa tasse.
Snö fit son entrée, sautant sur le bureau où étaient étalés les bouquins du jeune elfe, le gros chat blanc se déplaçant élégamment sur la surface avant de s’étirer langoureusement. Il bondit du bureau sur le dossier du fauteuil de Sorel et s’y étala de tout son long, frottant brièvement son nez contre l’oreille pointue de son maître. Le félin posa enfin sa tête sur ses pattes avant et commença à ronronner, un son d’abord diffus qui gagna en intensité. Écoutant toujours attentivement, Sorel se rencogna un peu plus dans son fauteuil jusqu’à ce que sa nuque et l’arrière de sa tête n’entrent en contact avec la fourrure longue de son chat, tirant réconfort dans sa présence et son contact.

Si le regard de Sorel ne se fit pas instantanément calculateur, il se fit néanmoins intéressé et curieux. A l’image d’un jeune chiot curieux, il inclina la tête sur le côté, considérant Claudius sous un nouveau regard. L’homme était plus ouvert que dans son souvenir mais lui offrait également une opportunité alors même que, selon ses propres dires, bien des gens voyaient d’un mauvais œil la présence d’un enfant d’Aldaron dans la cité. Il ne savait trop qu’en penser.
Plusieurs entités se disputaient la première place. Entre l’enfant, désireux de plaire et d’être aimé, de prouver qu’il valait la peine, qu’il était intelligent et utile, le maître des mines reniflant l’éventualité d’un piège, une opportunité pratique de s’insinuer plus encore dans le coeur de l’empire pour offrir tant et plus à la Triade, aujourd’hui uniquement représenté par Aldaron. Mais il y avait également le Maître des Bêtes qui voyait là un moyen de protéger les siens, de s’épanouir en dehors des murs de pierre de la ville, de peut-être retrouver quelques racines avec son peuple en déployant le savoir-faire des elfes et créer, peut-être, un petit coin vert. Son regard dériva vers les pots de fleurs divers et variés qui occupaient un coin de son bureau. Certains ne contenaient que de la terre, apparemment vide et stérile, d’autres présentaient des fleurs et des plantes qu’il avait réussi à manipuler à sa volonté pour décrire des formes selon son envie du moment. Certaines tentatives étaient plus réussies que d’autres mais il pouvait certainement attester d’une nette progression. Il n’apprenait toujours pas très vite mais ce qu’il manquait et vitesse d’apprentissage, il le compensait en détermination et en assiduité.

Sorel mit un temps avant de se redresser, suivant le geste de Claudius qui avait quitté son fauteuil. Snö s’installe derechef en travers des épaules de l’elfe, sa pelisse blanche en contraste avec la crinière rousse et désordonnée de son maître. Sorel posa sa tasse de chocolat sur la table, récupérant les deux carnets qu’il tint contre sa poitrine tandis qu’il réfléchissait à la réponse de la dernière remarque de Claudius.
Il sembla hésiter, comme embarrassé ou gêné :

« Je me suis installé ici parce que j’ai grandi parmi les humains, » commença-t-il en guise d’explication avant de poursuivre avec un regard par en-dessous vers Claudius. « Je ne suis pas entièrement d’accord avec certaines des décisions de mon père. » Mal à l’aise, il fit mine de remettre ses vêtements en ordre, époussetant des grains imaginaires de sa tunique impeccable, tenant les carnets dans une main et évitant ainsi le regard de Claudius. « C’est pour ça que j’ai pris le nom Gallenröd et pas le sien. Mais... » il renifla un peu, comme pour se donner une contenance et releva la tête, planta son regard dans celui de l’empereur avec aplomb. « Il reste mon père, l’elfe qui m’a adopté sans jamais rien demander en retour, qui m’a offert affection, protection et instruction. Est-il envisageable que, malgré les récents événements, je sois autorisé à lui rendre visite occasionnellement ? » Ses lèvres tremblèrent avant de s’immobiliser, serrées fermement par le jeune elfe. « Je pense notamment aux possibles funérailles à venir, » acheva-t-il un rien plus bas.

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Claudius eut un petit sourire quand Sorel lui expliqua les origines du thé : Gloria, voilà un nom qu’il n’avait plus entendu depuis un certain temps. Un nom qui l’empreignait d’une nostalgie certaine, d’une époque un peu plus facile pour lui. La paix qui y régnait jadis était bien plus simple et rendait sa vie finalement très tranquille, surtout pour quelqu’un de sa caste, qui n’avait simplement qu’à faire son devoir pour avoir sa place dans l’échiquier familial.

Mais assurément que le Havremont ne serait pas devenu le même homme s’il n’avait pas connu les dix dernières années de l’histoire humaine. La scission du pouvoir Kohan, les guerres à répétition, l’exil sur Tiamaranta, la guerre civile, à nouveau des conflits entre races… Beaucoup de conflits avaient tourmenté son peuple. Peut-être étaient-ils trop tourmentés par ailleurs : si les personnes de la génération de Claudius avaient dû se battre pour survivre, le Havremont gardait un espoir qu’un jour, un enfant de l’Empire puisse grandir dans une situation de paix, comme ils l’avaient connu pendant très longtemps dans leur histoire.

C’était pour une de ces raisons que malgré sa détestation des vampires, il avait décidé de faire presque-table rase à la suite de la Bataille des Cendres. Il était question que l’Empire redevienne l’Empire, et que par le rayonnement de celui-ci, la paix règne à nouveau. Claudius but une gorgée de thé avec un demi-sourire : décidément, jamais une boisson n’avait eu un goût aussi … Philosophique qu’à présent.

Du reste, ses promesses eurent comme mérite d’obtenir l’attention de Sorel, qui semblait plus qu’à son écoute à présent : comme il l’avait dit, cela étonna l’Empereur, mais au moins il ne fut pas déçu. Peut-être qu’avoir pris ce temps pour aller parler à Sorel allait être très utile à Claudius pour les semaines à venir. Peut-être qu’il n’était pas si attaché à son père, finalement. C’est d’ailleurs l’impression qu’il en avait quand Sorel lui répondit :

“Je me suis installé ici parce que j’ai grandi parmi les humains. Je ne suis pas entièrement d’accord avec certaines des décisions de mon père. C’est pour ça que j’ai pris le nom Gallenröd et pas le sien.”

Alors comme ça Sorel serait le “mouton noir” de la famille Elusis ? Claudius se frotta la barbe, face à ce discours qui le laissa perplexe. Aldaron qui chérissait pourtant plus que tout ses enfants aurait-il pu à ce point en décevoir un ? Non. Il ne pouvait pas vraiment le croire. Il devait forcément y avoir, une nuance, un piège, quelque part. Et d’ailleurs …

“Mais …”

Aïe. Claudius eut un demi sourire en coin, se souvenant d’une des célèbres maximes de son père “Tout ce qui vient avant un Mais n’a pas de valeurs”. Il l’avait répété souvent, et pour cause : si Claudius ne croyait pas totalement en l’exactitude de ce proverbe, il avait au moins pour mérite de mettre en valeur une chose : on ne pouvait placer toute confiance en quelqu’un quand il utilisait des “mais” lors de discussions importantes.

“Il reste mon père, l’elfe qui m’a adopté sans jamais rien demander en retour, qui m’a offert affection, protection et instruction. Est-il envisageable que, malgré les récents événements, je sois autorisé à lui rendre visite occasionnellement ? Je pense notamment aux possibles funérailles à venir”

Claudius roula des yeux, laissa un moment de silence passé, toussa un peu, avant de donner sa réponse :

“Si vous estimez pouvoir être confortable en tant que citoyen de l’Empire dans ces terres de glaces, alors faites, Sorel. Vous ne transgressez pas avec les lois en faisant cela. Mais ne vous avisez pas d’amener un de ces vampires ici. Vous n’êtes pas sans savoir que la loi dispose uniquement du fait que les suivants d’Aldaron ne peuvent pas rentrer ici.”

Le Havremont insista bien sur cette dernière phrase : s’il permettait à ses citoyens d’encore entrer dans le cercle d’influence du Royaume Vampirique, il était hors de question qu’ils n’amènent encore plus de problèmes en amenant des êtres jugés indésirables dans ses terres.

Une fois ceci fait, l’Empereur finit sa tasse de thé, et passa une main dans une besace qu’il avait emmené avec lui. Il en tira une bourse, qui émanait de petites ondes magiques dans son cuir. Le Havremont regarda Sorel, avant de lui tendre la chose en question :

“J’avais dans l’idée de vous l’offrir plus tard, mais si vous partez loin, vous feriez mieux de prendre cela avec vous.”

Sans plus de cérémonie, Claudius attendit que le jeune elfe prenne la bourse, et expliqua ce qu’il y avait dedans :

“Nos confiseurs impériaux, ou du moins ce qu’il en reste, ont travaillé dur sur ma demande pour produire des friandises de qualité en un temps record, à l’image de cette nouvelle page qui se tourne pour l’Empire. Il s’agit des toutes premières dont nous disposons. Je me suis dit que vous avoir comme testeur pourrait nous donner un bon ressenti sur la question.”

Le Havremont fit un petit clin d’oeil à Sorel, avant de se lever de sa chaise -prenant toutefois garde à ne pas heurter un objet malencontreusement- :

“Je me suis dis que cette forme particulière de pièce d’or pourrait motiver la jeune génération à retrouver ces petites choses que nous avons perdues au fil des semaines. Même si contrairement à ces friandises, l’or n’est pas si facilement fabriquable.”

Claudius eut un petit rire. Au fil des jours, l’Empereur avait appris à faire preuve de beaucoup d’autodérision. Il en fallait pour gouverner. Le Havremont accorda un regard à Sorel, avant de lui dire :

“Je transmettrai un mot à Aldaron, pour les funérailles, bien que j’imagine le sort qu’il va recevoir.” L’Empereur hésita un instant, avant d’ajouter d’un ton grave : “La guerre nous pousse à faire des choses terribles.”.

S’il regrettait la mort d’Achroma ? Pas vraiment. Mais il aurait aimé que cela épargne un de ses plus fidèles amis, et que cela ne lui vaille pas une rancœur sur quinze générations. Mais il devrait vivre avec cela à présent. Claudius leva les yeux vers le plafond, avant de changer de sujet :

“Quand nous reverrons-nous alors ?” fit il au jeune elfe, lui donnant une petite tappe sur l’épaule.

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[Désolé, y’a un peu de description d’appréciation intense de nourriture xD]

L’expression de Claudius fit rentrer la tête dans les épaules de l’elfe, s’attendant à se faire admonester voire jeté à la rue à coup de pied aux fesses pour faire bonne mesure. Lui qui flirtait un peu trop avec les limites, avait-il allègrement dépassé celle-ci ? La réponse de l’empereur ne se fit pas attendre mais si les mots étaient durs, ce qu’ils exprimaient ne l’était pas. Surpris, Sorel leva les yeux vers l’humain, un rien déboussolé.
Il n’avait rien à craindre dans ces terres de glaces. Les vampires n’oseraient probablement pas s’en prendre à lui et… eh bien, il avait un fenrisulfr qui serait bien trop content de planter ses crocs d’ivoires dans de la chair, même déjà morte, pour laisser passer une telle opportunité. Si l’elfe n’avait pas eu en tête de se trouver un garde du corps lorsqu’il avait récupéré le petit, il en avait assurément un désormais. Farouche, mortel et déterminé.



Peut-être qu’il ferait mieux d’aborder le sujet avec Claudius avant que les choses ne tournent mal. Pendant un instant, l’elfe se demanda si une nouvelle question, une nouvelle doléance, n’allait pas faire exploser l’empereur. Il ne flirtait plus avec les limites, il y dansait une gigue outrageante réalisa-t-il soudain.

Les lèvres serrées, conscient d’être un peu plus dans la mouise qu’il ne l’avait pensé, Sorel hocha sagement la tête. Lui qui était à moitié certain de se voir éjecté hors de l’empire, il n’avait pas pensé devoir faire accepter la présence du prédateur aux alentours, songeant que c’était un problème dont il s’occuperait s’il devait se présenter. Face au-dit souci, cependant, il n’avait soudain plus trop les tripes de s’en occuper. Pas alors qu’il en demandait déjà beaucoup.

« Je rentrerais seul ou en compagnie de personnes acceptées par l’empire, » dit-il avec un hochement de tête sérieux.

Malgré lui, placé face à un refus catégorique, l’esprit de l’elfe se lança dans une estimation presque naturelle des diverses options qui s’offraient à lui pour contourner l’interdiction. Il ne voyait pas qui pourrait bien vouloir venir avec lui, à l’exception de son frère Liv, mais ce dernier avait bien plus à faire au côté de leur père. Sans parler de Liz. Il y en avait d’autres, bien sûr, possiblement, mais il ne pouvait décemment pas leur trouver de raison pouvant motiver une visite à Sélénia. Pas après les récents événements. A moins que ce soit justement suite aux événements en question.
D’une manière ou d’une autre, il y avait peu de chance qu’il ait à rentrer accompagné d’une autre présence que celle de Faron. Pour autant, habitué à travailler en sous-marin en milieu hostile, à trouver des alternatives et à contourner les obstacles, il calculait déjà les alternatives, les marges d’erreurs, les éventuels dégâts collatéraux et les risques éventuels. Lorsqu’il s’en rendit compte, Sorel écrasa le processus et changea le chemin de ses pensées vers quelque chose d’autre.

Aidé par le changement de sujet de Claudius. Le jeune elfe tendit les mains vers la bourse en toile que lui tenait l’empereur, un brin hésitant. Il avait plus généralement l’habitude d’offrir des choses aux autres plutôt que l’inverse et il ne s’attendait pas le moins du monde à une telle attention de la part de Claudius de Havremont. Pris au dépourvu, il enroula ses doigts autour du petit objet en toile, son pouce caressant le textile pour en éprouver la texture. Elle lui plaisait, découvrit-il avec une satisfaction toute particulière.
Il écouta Claudius tout en piochant une piécette en chocolat de la petite bourse en toile. Le chocolat avait l’air délicieux, il avait cette teinte particulière de la fève parfaitement travaillée. Indubitablement, l’empereur avait su faire appel aux meilleurs. L’elfe renifla discrètement les parfums sucrés qui émanaient de la confiserie et sentit l’eau lui monter à la bouche. La voix grave de Claudius continuait de lui parvenir mais les mots prenaient quelques précieuses secondes supplémentaires pour être compris et interprétés. Toute l’attention de Sorel était orientée vers les chocolats dans lequel il croqua. Avec toute la précaution d’un connaisseur prêt à apprécier un met fin et délicat pour en faire durer le plaisir.

Sa menotte aux longs doigts fins porta la pièce en chocolat à ses lèvres qu’il referma dessus. Le chocolat fondit sur sa langue, s’étalant sur ses papilles tout en délivrant son contenu magique. Sorel émit un couinement à mi-chemin entre la surprise et le délice.
Au même moment, la main de Claudius entra en contact avec son épaule et Sorel sursauta, levant un regard brillant vers l’empereur. La moitié de la pièce en chocolat sortant de sa bouche, toujours tenue de sa main. Le caramel et la praline lui donnaient envie de fondre sur place et de juste ronronner de plaisir et de satisfaction. Un sourire béat étira ses lèvres et il hocha la tête avec enthousiasme avant de réaliser que la question n’était pas fermée et qu’une réponse positive ou négative n’était pas attendue.
S’ébrouant comme un chien qui aurait pris un coup de trop, l’elfe fronça les sourcils et avala le reste de sa piécette en chocolat sans pouvoir retenir une trille de joie.

« Quand vous voulez ! » s’exclama-t-il avec joie. « Surtout si vous en avez d’autres, des surprises comme ça, » marmonna-t-il en ouvrant la bourse en toile, jetant un regard à son contenu pour voir combien de friandises il pouvait espérer manger avant de consommer la dernière et pleurer toutes les larmes de son corps.

Il se racla la gorge et leva le nez vers Claudius, rangeant la bourse rapidement dans sa poche avant que Claudius ne change d’avis et ne lui demande de la lui rendre et tendit les deux carnets qu’il avait avec lui depuis le début de l’entrevue.

« A mon tour de vous donner quelque chose, » une fois les carnets entre les mains de l’empereur, Sorel tapota le premier du bout de l’index avant de le pointer vers l’humain. « Celui-ci est pour vous. Il devrait vous donner toutes les clés pour une relation confortable avec votre nouveau compagnon. Je me suis arrangé pour organiser par section selon votre intérêt, si vous voulez comprendre son comportement, sa biologie. J’ai également réalisé une esquisse de son caractère selon ce que j’ai pu observer depuis que je l’ai récupéré pour que vous sachiez à quoi vous attendre. » L’elfe se frotte le côté du nez, le regard posé sur les deux carnets avant de reprendre, les friandises toujours en tête mais désormais tout occupé à s’assurer que Claudius ait toutes les cartes en mains pour prendre soin du cerf. « Le deuxième est pour l’équipe en charge de vos écuries, il contient les différents soins et besoins, des trucs et astuces pour un entretien journalier. Bien évidemment, vous ou quiconque d’autre pouvez venir à tout moment en cas de besoin. »

Il recula d’un pas, comme pour donner de l’espace au géant humain, ou s’en donner à lui-même et leva les yeux vers Claudius avec un petit sourire. Le jeune elfe sentait son épaule le démanger, lui donnant envie de la frotter. C’était une rare expression de camaraderie, un contact dont il n’était pas à l’origine. Il était généralement celui qui demandait, celui qui initiait, mais pas cette fois. Sorel avait presque envie de lui demander de recommencer, apprécier la sensation à sa juste valeur plutôt qu’encore perdu dans ses délires gustatifs. Il cilla avant de pincer les lèvres d’un air coupable :

« Il y a bien un autre sujet délicat que j’aimerais aborder avec vous, si vous le permettez ? » Avec l’accord du monarque, Sorel hocha la tête, un mouvement rendu un rien saccadé par l’anxiété. « Serait-il possible d’envisager de ne pas attaquer un fenrisulfr si jamais vos gardes devaient en croiser un aux alentours de l’empire ? » Si son débit de parole était d’abord lent, il accéléra nettement comme pour empêcher Claudius de le couper avec un refus ou pour vider son sac d’un seul coup sans se donner le temps de dire une bêtise - ou au contraire en se donnant toute l’occasion de commettre un impair dans sa précipitation - ou de changer d’avis et de se taire sans en dire assez. « Il est possible que j’ai ramené un jeune lors de ma dernière visite chez mon père, il y a quelques temps, et qu’étant ce qu’il est, rester en ville est compliqué et du coup je le laisse en liberté dans la nature. Il est bien dressé ! » s’empressa-t-il d’ajouter en levant un regard affolé, presque désespéré, vers Claudius. « Il n’attaquera pas en premier et j’entretiens un contact aussi constant que possible avec lui pour m’assurer que tout va bien mais comme il est grand maintenant, je doute que sa présence restera inaperçue encore longtemps et je ne veux pas qu’un malheureux accident n’entraîne des blessés ou pire. »

Il aurait dû y penser avant, assurément, et gérer la situation différemment mais Sorel restait un adolescent et il avait espéré cacher les choses plus longtemps sans affronter la réalité. C’était un peu comme essayer de glisser un jouet cassé sous le tapis. Ou essayer de cacher le fenrisulfr sous son lit sans songer au jour où il serait trop grand pour l’y cacher et espérer qu’il ne soit pas remarqué. Comme un chat, la tête sous un coussin, l’arrière-train en évidence, persuadé d’être invisible et bien caché.
La pensée égoïste qu’il s’inquiétait plus pour Faron que pour lui-même lui traversa l’esprit mais il la repoussa. Il ne connaissait pas beaucoup de garde mais il en croisait parfois et pouvait en appeler certains par leur prénom. Il serait bien plus en colère et chagriné s’il devait arriver malheur au fenrisulfr mais il serait idiot de croire qu’il resterait indifférent aux conséquences humaines.

S’il n’avait pas été en présence de l’empereur, Sorel se serait certainement laissé glisser au sol dans un soupir, soudain épuisé par la tension mais il resta debout, aussi droit que possible avec les épaules légèrement voûtées. La pensée que Claudius pouvait décider d’abattre Faron lui traversa soudain l’esprit et il se figea, les yeux écarquillés d’effroi. Son sang se glaça dans ses veines et il attendit la sentence avec une angoisse croissante.

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Claudius eut un temps pour sourire en voyant toute la satisfaction que Sorel éprouvait en mangeant ses friandises : s’il ne disait rien, son visage et son langage corporel parlait aisément pour lui. Cela faisait sourire l’Empereur a plus d’un titre, car celui-ci voyait déjà le formidable outil de propagande que cela pouvait être.

Des pièces en chocolat à son effigie, voilà une arme bien innocente mais qui pouvait facilement aider la jeune génération à oublier très vite qui étaient les Kohans, et à leur faire comprendre subtilement qui était le vrai et unique souverain à présent. Il n’était pas question de les cacher, après tout Claudius les avaient servis pendant de longues années, mais il était surtout question d’établir sa dynastie comme des monarques légitimes. Oui, cela passerait indubitablement par une phrase de réécriture de l’histoire. Après tout, comme l’adage le disait, elle appartenait aux vainqueurs. Et Claudius avait précisément gagner cette guerre intestine dans l’Empire.

L’Empereur était donc satisfait de voir que comme il le pensait, cette solution avait de l’avenir. Bien sûr, il n’allait pas s’en arrêter à simplement cela, mais c’était encourageant.

« Croyez en l’Empire, et vous verrez que ce sac ne désemplira jamais. » fit-il, avec un petit clin d’œil envers le jeune elfe.

Pour la suite, le Havremont écouta attentivement les recommandations de l’elfe, et observa brièvement les carnets que celui-ci lui tendit. Bien que lui-même était un piètre dresseur, n’ayant jamais vraiment appris cette discipline simplement à cause du fait qu’il y avait toujours quelqu’un pour le faire à sa place, Claudius était toutefois suffisamment curieux pour le feuilleter brièvement, et se dire qu’il y reviendrait plus tard. Savoir comment pouvait se comporter une future monture ne pouvait qu’être bénéfique. Et quant au carnet pour ses éleveurs …

« Je vous remercie Sorel. Je suis sûr qu’ils apprécieront ces quelques indications à leurs justes valeurs …» Complimenta l’Impérial. Il est clair que pour une créature atypique comme celle-ci dans une écurie, il fallait avoir de quoi se renseigner sur la question « Quant à moi, poursuivi l’impérial, j’essaierai de prendre en compte vos indications à l’avenir, pour ne pas trop le brusquer. Je ne suis pas un mauvais cavalier, loin de là, mais j’avoue être un bien piètre dresseur. Je laisse ce travail-là à mes palefreniers généralement … Mais j’imagine qu’apprendre deux ou trois choses ne me fera pas de mal. A ce propos, lui-avez-vous donner un nom ? »

Claudius laissa la question en suspens, constatant que Sorel avait quelque chose d’autre à lui demander sur un « sujet délicat » … Le Havremont hocha la tête doucement, reprenant une mine plus sérieuse. Ces derniers jours, il n’avait pas une grande tolérance envers les « sujets délicats » … Et quand il découvrit le pot-aux-roses, et toute l’histoire que Soral lui conta, Claudius écarquilla les yeux, haussa un sourcil et demanda :

« Un … Quoi ? »

Le Havremont eut un regard pesant, sur un Sorel qui paraissait soudainement bien déconfit. Claudius soupira longuement, et se frotta la barbe. Vu sa tête, il ne pouvait avoir menti. Un Fenrisulfr dans son Empire. Voilà quelque chose qui ne pouvait avoir prévu. L’Empereur roula des yeux et eut d’abord quelques mots d’incompréhension :

« Mais … Pourquoi ? Et comment fait-il pour vivre aussi loin de son habitat naturel sans devenir fou ? Et qu’est-ce que … Vous êtes au courant que Calastin trouve ses principales ressources alimentaires dans l’élevage, bêtes d’élevage qui représentent autant de proie pour un animal sauvage comme un fenrisulfr … Et que l’Empire souffre de nombreux maux, et la famine en est un des premiers … Et … Oh et puis zut. »

Il soupira à nouveau et baissa la tête. S’il était chez lui, Le Havremont aurait probablement jeter quelque chose, par principe, mais il se contint pour l’heure. Le voilà avec un prédateur alpha sur son territoire, et Claudius ne pourrait plus y faire grand-chose. C’était frustrant. Mais après tout, l’Empereur avait appris à gérer le fait accompli. Après tout, c’était une grande spécialité de l’état de l’Empire dernièrement : chaque jour, il découvrait de nouvelles choses.

Il laissa un silence pesant pendant plusieurs secondes, se frottant la barbe d’une main, et tapotant des doigts son coude de l’autre. Claudius eut un autre long soupir. Il tâcha cependant de rester calme et de proposer une solution décente à son interlocuteur :

« Je reviens sur mes paroles. A l’avenir, ne revenez pas avec des vampires de Nyn-Tiamat et des créatures dangereuses, capable de menacer mon peuple et leurs troupeaux. » Prononça Claudius, l’air grave. Il laissa quelques secondes passées, le temps que le message passe, puis il reprit : « Concernant ce … Fenrisulfr … J’imagine que maintenant que le méfait est accompli, il est de toute façon trop tard pour vous dissuader et de vous faire la leçon. De plus, vous avez pour vous que personne n’a rien remarqué jusqu’à lors … »

Claudius eut un petit regard en coin vers le haut de la pièce dans laquelle ils se trouvèrent, comme cherchant ses mots pour sa solution, puis il reprit :

« Voilà ce que nous allons faire, Sorel. Je vous autorise à garder cet animal, parce que vous m’êtes sympathique, et que je connais très bien votre père. Mais j’ai besoin de votre confiance pour la suite, car cela ne viendra pas sans conditions. La première, et sans doute la plus importante, débrouillez-vous comme vous voulez, mais je ne veux pas qu’il approche, de près ou de loin, nos troupeaux. Il est hors de question que j’ai une révolte paysanne qui se déclenche car un fenrisulfr mange nos animaux. La deuxième, est que je ne veux absolument pas qu’il se reproduise de manière absolument incontrôlée, pour éviter toutes proliférations de l’espèce ici. Cela induit donc ce que je vous ai dis en premier lieu : pas d’autres bêtes dangereuses sur ces terres … » Claudius laissa une suspension dans sa phrase avant d’ajouter : « A moins que vous désiriez apporter vos savoirs de dresseur de bêtes sauvages à l’armée sélénienne. Dans ce cadre, alors pourquoi pas. Mais j’ai comme l’impression que l’utilisation de bêtes à des fins militaristes ne fasse pas partie de votre programme. Mais si toutefois vous y songiez, n’hésitez pas. ». L’Empereur pris sa respiration, avant d’exposer sa dernière condition : « La dernière chose, est que je ne veux pas de scènes de paniques dans l’Empire. Vous ne montrerez cette bête qu’à vos proches, ou en des cas très stricts où je vous aurai moi-même donné l’autorisation. De toutes les façons, du peu que je sache sur elles, je ne crois pas que l’exposer à la foule serait une très bonne idée pour son développement. Si jamais par mégarde, quelqu'un la voit, Vous pourrez dire que vous êtes autorisé à l’avoir grâce à un mandat de l’armée sélénienne. Je vous couvrirais. »

Claudius eut un regard un peu autoritaire envers Sorel, mais en vérité qui se rapprochait plus de celui d’un paternel qui grondait gentiment un enfant qui aurait fait une bêtise. Il était peut-être dur, mais si chez les vampires ou même les elfes, une telle créature aurait-pu parfaitement passé inaperçue, il n’en était pas de même chez les humains qui étaient bien plus fragiles. Le Havremont fit enfin :

« Cela ne m’amuse pas de vous faire la leçon, mais autant que vous soyez prévenus. S’il n’y a ne serait-ce qu’un incident, je ne tuerais pas votre bête, mais vous perdrez votre droit de séjour ici. Vous aurez tout le temps pour vous retourner, et en parler à votre paternel et à qui vous voulez, mais je ne pourrais pas vous accepter, vous et vos bêtes ici. Du moins, pas sans encadrement qui aille au-delà d’un simple usage domestique. »

Nouveau soupir du Havremont. Il était ferme, mais il espérait que Sorel comprendrait là ou il voulait en venir. La situation actuelle ne permettait pas que l’on fasse usage de bêtes sauvages dans l’Empire.

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Le compliment de Claudius le fit se dandiner d’un pied sur l’autre, ses joues s’assombrissant légèrement d’une teinte brune, signe de rougissement. Ses tâches de rousseur n’en ressortirent que davantage sur sa peau dorée d’elfe solaire. Il sourit, un poil timidement, et émit un léger soupir de soulagement aux paroles de l’empereur. Savoir que son compagnon à poil serait pris en charge avec l’attention qu’il méritait, avec respect et considération, dénoua une tension en lui et il se détendit finalement tout à fait sur ce sujet-là, rassuré. Il en était d’autres à aborder qui conservaient une tension dans ses épaules et sa nuque, dans ses mains nerveuses qui jouaient encore parfois avec la pièce qui se trouvait dans sa poche.
A la question de Claudius, Sorel secoua la tête :

« Nommer un compagnon est important, une responsabilité, » expliqua-t-il. « C’est une base solide sur laquelle on construit quelque chose, une relation, de la confiance. »

Il avait nommé Faronlyss non pas pour lui donner un but, une identité qu’il souhaitait lui voir endosser. L’animal l’était déjà, par sa simple nature. Il avait cependant endossé une lourde responsabilité, il prenait en charge son nouveau compagnon. Sorel, en donnant un nom à Faron, s’était désigné comme son maître, son protecteur et son compagnon, pour le meilleur et pour le pire. Il en allait de même pour ses trois patates.
En parlant des loups, d’ailleurs. Des grattements reconnaissables entre mille firent tiquer les oreilles de l’elfe. Trop légers pour être perçus par une ouïe humaine, il les entendit néanmoins s’aventurer non loin de là, se faufilant sous l’un des fauteuils près duquel Claudius se tenait, droit et fier, véritable armoire à glace au charisme écrasant. Sorel fit mine de ne pas réagir mais surveilla néanmoins la progression des deux rats qui rôdaient à l’ombre des meubles.

Il entama néanmoins une conversation plus délicate pour un sujet qui, au moins autant que le cerf sinon nettement plus, lui tenait à cœur. Claudius ne tonna pas, il ne cria pas ni ne rugit. Sorel ne s’en ratatina pas moins légèrement sur place. Un état de fait qui ne fit que s’accentuer à mesure que Claudius s’exprimait, listant différentes raisons pour lesquelles la présence de Faron n’était définitivement pas une bonne idée.

Sorel eut soudain envie de se frotter le visage d’une main et d’éclater de rire bien malgré lui.

Son père ravageait la ville à l’aide de son dragon, réalisait un véritable carnage immobilier et monétaire, détruisant château et maisons sans distinction, transformant une partie de la population en vampires avant de se tirer avec. Claudius l’ignorait mais Sorel avait pris part dans cette même catastrophe. Pourtant, et malgré toutes les bonnes raisons qu’il aurait pu avoir, l’empereur ne l’avait pas jeté dehors à coup de pieds aux fesses.
Ce qui allait y arriver, cependant, c’était la tendance suicidaire et inconsidérée de Sorel à ramener les animaux les plus improbables là où il ne devrait pas. C’était bien sa veine ! Ha ! Son père en rirait bien, probablement à s’en tenir les côtes s’il n’était pas un vampire avec les choses que cela impliquait. A chaque soupir exhalé par Claudius, Sorel sentait l’envie de détaler par les escaliers se cacher sous un plaid et fourrer son nez dans un coussin. A la place il resta parfaitement immobile, attendant avec une patience toute relative - par conséquent nerveuse et anxieuse - la décision de l’empereur. L’elfe pouvait bien dérouler une liste d’arguments en la faveur de Faron mais il préféra s’abstenir. L’humain prendrait sa décision et Sorel s’y plierait, même si Claudius n’avait pas conscience de l’ampleur de l’impact que le jeune elfe avait eu sur son empire, Sorel, lui, le savait. C’était un poids, parmi d’autres, qu’il porterait et continuerait à endosser. C’était ce qu’il savait faire.

Claudius aurait pu s’écrier, s’époumoner, peut-être même le frapper ou lancer une chasse au fenrisulfr pour éliminer cette menace à griffes et à crocs. Dans l’échelle des pires choses qu’il aurait pu faire, il choisit néanmoins celle à laquelle Sorel n’avait pas pensé. Le visage de l’elfe se décomposa à vue d'œil, le désespoir s’inscrivant en évidence sur son visage.

Il hocha la tête à mesure des paroles de Claudius, les épaules basses et l’oeil un peu brillant, les lèvres tremblantes.
Une expression qui se fit pleine d’espoir à la mention d’une possible condition pour, peut-être, pouvoir amener d’autres créatures si d’aventure il devait en croiser certaines qui lui étaient sympathiques. Pour les étudier, en prendre soin… Après tout, il n’était pas à l’abri de croiser un autre cas semblable à Faron. N’est-ce pas ? La condition en question, cependant, le fit déchanter presque aussi vite.

A la fin des explications de l’empereur, Sorel hocha lentement la tête.

« Faronlyss chasse par lui-même, » indiqua-t-il lentement. « Du reste, j’achète régulièrement de la viande pour le nourrir. » Il présenta la chevalière qu’il portait à la main et la tapota de l’index de son autre main. « Elle est glyphée de sorte à me permettre un contact mental avec lui, je peux ainsi communiquer avec lui et lui avec moi. » Il haussa une épaule, partagé entre la déception de se voir contraint et le soulagement de savoir Faron en sécurité tant qu’il ne commettait pas d’impairs. Sorel était beaucoup de choses, un vantard n’en faisait pas partie, pour autant il était relativement confiant de son contrôle sur le fenrisulfr. Il avait l’animal depuis sa plus tendre enfance, l’avait modelé très jeune pour l’orienter et le guider de la meilleure des façons. Il n’était pas un chien, loin s’en fallait, mais l’elfe avait orienté les pensées et les modes de fonctionnement de Faron pour convenir à une vie en contact avec les bipèdes… même si ce contact devait rester à distance autant que possible. A l’exception de Sorel, bien entendu. Se remémorant la seconde condition, l’elfe émit un souffle amusé et leva les yeux vers Claudius : « En faire accepter un n’était déjà pas une chose aisée, je n’avais pas l’intention d’aller fouiller les meutes pour trouver une femelle et entreprendre un élevage. »

L’idée était saugrenue et amusante. Il devait conserver une attention quasi constante avec Faronlyss afin de s’assurer que le prédateur ne soit pas occupé à quelque activité dangereuse ou répréhensible. S’il devait ajouter une deuxième à cela puis toute une portée, voire pire, Sorel préférait déjà faire ses valises et s'exiler sur une île déserte. S’il pouvait encore en trouver une qui puisse l’abriter.

Sorel hocha à nouveau la tête et incliné légèrement le buste dans un geste respectueux et reprit d’une voix plus assurée :

« Je vous remercie, Claudius de Havremont, pour votre compréhension et votre… pscht ! » siffla-t-il soudain.

Pendant qu’il était occupé à se ratatiner sur place et à avoir l’air d’un enfant qu’on aurait privé de dessert, Lina et Nathou s’était discrètement rapproché des bottes de l’empereur. Ils s’étaient concentrés, bien entendu, sur la plus proche du fauteuil sous lequel ils s’étaient réfugiés et étaient occupés  à essayer de chaparder une des parties métalliques brillantes de ses bottes. Au rappel de l’elfe, les rats émirent un petit son surpris et l’ouïe fine de Sorel capta leur rire tandis qu’ils sautaient de la chaussure de l’empereur pour gratouiller le sol à toute vitesse et retourner se cacher sous le fauteuil.

« Croyez-le ou non, il est plus facile de dompter un fenrisulfr que de garder ces deux-là à l'œil, » maugréa-t-il. « Toutes mes excuses, » ajouta-t-il avec un soupir, « pour ça et pour le reste. »

Sorel se redressa, carrant les épaules et inspirant avant de prendre la parole avec une fermeté toute relative. Il était clair qu’il était déterminé à prendre la parole mais il était tout aussi évident que la moindre réprimande allait le renvoyer dans ses pénates.

« Vous avez raison de croire que je ne participerais pas à l’utilisation d’animaux dans un cadre militaire, » son regard était résolument posé environ au niveau de l’épaule gauche de l’empereur plutôt que de le regarder dans les yeux. L’expression dure de Claudius l’impressionnait un peu, d’autant que Sorel avait nettement plus apprécié ses remerciements et sa tape sur l’épaule. « Je suis cependant prêt à partager mes connaissances et mes compétences en matière de la faune et de la flore, qu’elle soit locale ou des autres îles. » Il osa finalement croiser le regard de Claudius et ajouta plus bas. « Si vous avez le moindre usage de mes talents en la matière, je répondrais présent… » Il hésita un instant et poursuivit plus bas encore, plus rapidement aussi, les mains derrière le dos se triturant les doigts à l’abri du regard de Claudius : « Est-ce que cela pourrait, pourquoi pas, suffire à envisager, peut-être, de me laisser avoir d’autres compagnons éventuellement ? »

Il n’osait espérer. Sorel ferma la bouche dans un “clic” presque audible et attendit la réponse de l’empereur, tendu comme un arc.

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Claudius acquiesça quand il fut question du nom de sa future monture. Si Sorel ne l’avait point fait, alors le Havremont s’en chargerait de lui-même, et ce serait sans doute mieux ainsi. L’Empereur appréciait avoir le contrôle sur certaines choses, et ce qui lui servait à faire la guerre en faisait partie. Il eut un petit soupir, pensant à son ancienne armure de bataille qui avait été brisée par les carabistouilles de Nahui. Voilà ce qui se passait quand il perdait le contrôle.

Une fois qu’il fut question du fenrisulfr, le Havremont se repencha cependant bien vite sur la question, attendant les réactions du jeune elfe qui se trouva devant lui. Il expliqua en outre que Faronlyss “chassait par lui-même”, que Sorel lui achetait de la viande régulièrement, et qu’il était en mesure de rester en contact avec lui régulièrement. Ce à quoi Claudius répondit brièvement : “Tant qu’il ne chasse pas nos troupeaux d’élevage, ou qu’il ne prend pas le moindre passant pour nourriture, cela me va.”, appuyant vertement ses précédents propos.

La vérité c’est que l’art et la manière importait peu à l’Empereur. Il se fichait bien que le régime alimentaire de Fenrisulfr était exclusivement composé de viande d’écureuil chassé par lui-même, ou si Sorel pouvait faire danser une gigue à son fenrisulfr. Tout ce qui importait pour lui, et l’état de l’Empire, c’était que ses consignes soient respectées. Le pays sortait tout juste d’une crise sociale et économique sans précédent, il n’était point question qu’ils replongent pour une sombre affaire de Fenrisulfr, venant d’une personne apparentée à Aldaron protégée par l’Empereur. Surtout sachant qui avait causé cette crise majeure, à savoir le Prince noir lui même, et son mari mégalomane bien entendu.

Mais du reste, il trouva Sorel raisonnable. Si tant est que les promesses valaient encore quelque chose dans la famille d’adoption de l’elfe, il lui promis de ne pas ramener d’autres spécimens pour composer une meute sur Calastin. Le Havremont hocha la tête d’un air entendu. Voilà qui lui plaisait, il appuya son mouvement par un “fort bien”|/color] de sa voix grave si singulière.

Du reste, il écouta avec attention les remerciements du jeune elfe .. Et fut surpris de constater dans la même intervalle qu’il entendait des petits grattements venu de ses bottes … Précisément localisé sous le fauteuil. Le jeune elfe s’arrêta un instant dans sa phrase pour émettre un bruit qui fit s’arrêta les grincements. Claudius pris un air interloqué, et leva sa jambe pour observer qu’effectivement, des petites marques de griffe étaient présentes sur l’arrière brillant de ses bottes. Il baissa sa tête ensuite, observant deux rongeurs qui fuyaient loin de l’autre côté de la pièce, comme un enfant qu’on venait de prendre la main dans le sac. Claudius soupira brièvement eut un petit sourire quand le jeune elfe lui fit :

“Croyez-le ou non, il est plus facile de dompter un fenrisulfr que de garder ces deux-là à l'œil. Toutes mes excuses, pour ça et pour le reste.”


Claudius répondit : “Je m’y connais peu en dressage, mais vous savez ce que les gens disent : les animaux sont comme des enfant, ils demandent des responsabilités et une vigilance constante”. Le Havremont eut un petit rire, avant de dire au jeune elfe : “Si cette maxime était vraie en tout point de vue, il est fort à parier que vous seriez sans conteste un des spirites les plus puissants de cet archipel, vu comment ceux-ci interagissent avec les liens familiaux”. Claudius songea, un brin nostalgique de la naissance de son enfant, puis de son petit fils, à cette sensation qu’il avait senti ce jour-là : pour lui, il y avait peu de sensations plus satisfaisantes que la paternité, et de faire grandir une famille. En cela, ils se rejoignaient avec Aldaron, et c’était pourquoi Le Havremont respectait autant sa famille, malgré tout ce qu’ils avaient pu commettre contre l’Empire. Le meurtre d’Achroma le hanterait toute sa vie en ce sens, car si l’Empereur était persuadé que c’était la bonne décision à prendre, il ne pouvait s’empêcher à tout le mal qu’il avait causé en faisant s’éclater en mille morceaux une famille comme celle des Elusis en commettant cette action.

Mais c’était la seule bonne solution à prendre, si l’Empire voulait conserver son indépendance.

Le Havremont soupira et se tira de son regard brièvement perdu dans le vague pour revenir à ce que lui disait le jeune elfe :

“Vous avez raison de croire que je ne participerais pas à l’utilisation d’animaux dans un cadre militaire, je suis cependant prêt à partager mes connaissances et mes compétences en matière de la faune et de la flore, qu’elle soit locale ou des autres îles. Si vous avez le moindre usage de mes talents en la matière, je répondrais présent… Est-ce que cela pourrait, pourquoi pas, suffire à envisager, peut-être, de me laisser avoir d’autres compagnons éventuellement ?”

Claudius fit une mine un brin déçue, quand Sorel lui confirma qu’il n’avait pas envie que ses animaux soient utilisés dans un cadre militaire. Une meute de Fenrisulfr aurait facilement de quoi impressionner l’ennemi, surtout quand ceux-ci avaient des dragons à disposition. Mais il devait s’y attendre. Il paraissait évident que Sorel n’allait pas fournir des armes de dissuasion contre l’armée menée par son propre père. L’Empereur se permis d’ajouter cependant, sans grande conviction :

“Je respecte vos opinions actuelles. Mais … Gardez à l’esprit ce que l’armée peut vous apporter, Sorel. Sans former des meutes de guerre enragées, vous pourriez contribuer à l’innovation sur l’utilisation des animaux dans un cadre de défense. L’armée sélénienne aura toujours une place pour vous, et peut vous emmener à une brillante carrière.”

Était-ce de la propagande ? Oui, un peu. Mais Claudius prêchait sa paroisse : l’armée avait été factuellement très formatrice pour lui, et lui avait ouvert bien des portes, et surtout l’esprit, comparée à ce qu'étaient certains membres de sa famille. Il était du genre à être progressiste, et avait surtout rencontré bien plus de gens de milieux différents quand il avait pris ses fonctions, ce qui avait contribué à sa vision actuelle de la société sélénienne, qu’il estimait éclairée. Il ajouta ensuite d’une voix plus sérieuse :

“J’apprécie cependant votre engagement sur le partage de connaissances, et ne manquerait pas de m’en souvenir. Touchez en deux mots à ma nièce Avara, je suis sûr qu’elle appréciera avoir quelqu’un comme vous à ses côtés pour ce qu’elle entreprend pour l’Empire.” Claudius fit un petit clin d’oeil au jeune elfe. L’implication dans des projets sains, s’inscrivant dans le développement de son pays ne pourrait lui être que bénéfique. “Et concernant votre demande pour accueillir d’autres compagnons, je pense que nous nous sommes mal compris.” fit Claudius, donnant une autre petite tappe sur l’épaule du jeune elfe pour le rassurer :

“Il est de notoriété publique que le fenrisulfr a, a priori, un comportement dangereux, ou du moins peu compatible avec le mode de vie de notre société humaine. Je ne peux cependant vous en vouloir, dans la mesure où vous êtes un elfe, ayant comme famille principale des vampires, même si vous êtes installés ici. C’est ce genre d’animaux que je ne veux pas en liberté, même partielle, sur mes terres. Maintenant que le fenrisulfr est ici, cependant, je ne vais pas organiser une battue pour lui, surtout si vous m’affirmez qu’il est tout à fait sous contrôle.” Claudius s'interrompit et eut un petit soupir, avant d’ajouter : “Cependant, ce que je ne veux pas, c’est que cet animal soit vu comme un précédent, pour d’autres animaux dangereux que vous pourriez amener en plus, quitte à en perdre le contrôle un jour. Mais vous êtes suffisamment bienveillant, intelligent, sage, et surtout bien plus documenté que moi pour l’avoir compris tout seul. Du reste, vous pouvez accueillir autant d’animaux que vous voudrez, jeune elfe. Je ne vais pas priver le Maître de ses bêtes. Je ne vous chasse pas, pas plus que je ne chasse vos compagnons à poils ou à fourrure.” Fit-il en un clin d’oeil, rappelant son surnom au jeune elfe.

L’Empereur laissa un silence de quelques secondes s’installer, s’étira -veillant à ne pas heurter malencontreusement un meuble en déployant son corps de tout son long-, avant de dire :

“Si cela est compris, je pense que je ne vais pas vous déranger plus longtemps. J’ai fort à faire, en ces temps de reconstruction. Vous savez de toute façon où me trouver en cas de doutes. Je suis persuadé que nous nous reverrons bientôt.”

descriptionNervures d'or [Claudius] EmptyRe: Nervures d'or [Claudius]

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