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descriptionVoltige en haute mer [PV Kaiikathal] EmptyVoltige en haute mer [PV Kaiikathal]

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¤ Les lois de la confrérie ¤

15 mars an 1764 du troisième âge

L’elfe sombre sifflotait, légèrement en appui contre le bastingage bâbord du Maelstrom, l’air marin de la mer mêlé à celui en provenance du désert de Keet-Tiamat faisait virevolter ses cheveux attachés en une simple queue-de-cheval à l’arrière de son crâne. Une main posée nonchalamment sur le bois de son navire, l’autre tenant un livre ouvert, l’elfe sombre laissait son regard parcourir les lignes de mots à l’encre noire qui apparaissaient par magie sur la surface blanche des feuilles de papier. Un sourire amusé venait étirer ses lèvres, révélant quelque peu sa dentition ciselée qui participait à sa renommée.

¤ Treize avril 1764 : a fendu le crâne d’un homme à l’aide d’une bouteille de rhum, celle-là même dont il accusait l’homme de lui avoir volé. Quatorze avril 1764 : a battu un graärh privé de sa liberté à l’aide d’une chaise pour avoir mal exécuté son travail forcé. Quinze avril 1764 : a attaché quatre hommes, membres de son équipage, contre leur volonté en vue de … . ¤

L’elfe sombre referma le livre avant que celui-ci n’ait le temps de finir d’inscrire en son sein les intentions du gredin. Oh certes, cela ne changerait rien à l’inéluctabilité de l’inscription des mauvaises actions de Nathaniel dans ce registre. Où avait-il fait l’acquisition de cet étrange artefact déjà ? Probablement auprès d’un étrange marchand de Caladon. Quoi qu’il en soit, il lui était bien impossible de s’en débarrasser maintenant. Mais souhaitait-il s’en débarrasser pour autant ? Non, il trouvait ce registre magique de ces méfaits fort amusant. Il n’avait pas à avoir honte de ce qui y était inscrit, bien au contraire. Mais mieux valait que jamais ceci ne tombe entre les mains d’un juge. En fait, mieux valait que Nathaniel ne soit jamais conduit devant la justice.

« Capitaine, je vous jure, tout ceci n’est pas nécessaire, nous avons bien retenu la leçon. »

« Oui capitaine, il a raison, on ne recommencera jamais. »

Un troisième homme s’apprêta à parler à son tour, mais le gredin lui envoya son livre en travers de la figure. Poussant un soupire, le roi de la confrérie vint s’étirer et s’en alla récupérer le carnet au sol.

« La loi de la confrérie est la même pour tous. Mais comme vous avez la chance de faire partie de l’équipage royal, je peux me permettre quelques transgressions. Pour autant, cela ne signifie pas que vous ne devez pas être puni. Votre petite sauterie a mis le feu à la taverne de la fille du capitaine et toute atteinte à la propriété de la confrérie est réprimée par la servitude ou la mort. Aujourd’hui, je vous donne une chance d’échapper à ce funeste destin … pour peu que la chance soit de votre côté. »

Un des membres de l’équipage du gredin, libre celui-ci, arriva avec de grandes perches de bois au sommet desquelles se trouvait une cible.

« Allez, qu’on en finisse rapidement. Accrochez cela aux chaloupes, attachez-les ensuite aux perches et mettez tout cela à l’eau. »

Sans attendre, les marins de la confrérie s’exécutèrent. Dans un premier temps, ils vinrent accrocher solidement les perches au milieu de cinq barques. Ceci fait, ils vinrent ficeler les prisonniers à aux perches. Cinq chaloupes, cinq perches avec cible, et cinq malfrats. Que cherchait à faire l’elfe sombre avec cela ? Oh c’était très simple. Ces idiots allaient avoir l’insigne honneur de participer à l’entrainement qu’il réservait pour sa douce Kaiikathal. Cinq cibles bougeant au gré des vagues et du courant et une cracheuse de feu à la visée incertaine. Il n’y avait pas besoin d’en dire plus.

Sous les suppliques des prisonniers qui se voyaient déjà rôtir sous le feu d’un dragon, l’elfe sombre se retira, s’en allant vers le centre du Maelstrom. Une fois au niveau de l’écoutille principale, il vint l’ouvrir. Kaiikathal ne pouvait accéder à l’intérieur du navire, et en sortir, que par là à présent. Il faut dire qu’elle avait bien grandi en une année. Très bientôt, celle-ci ne pourrait plus que se tenir sur le pont du navire. L’écoutille grande ouverte, l’elfe sombre se dirigea vers les escaliers pour descendre dans les profondeurs de ce géant des mers qu’était son quatre-mâts. C’est alors qu’un tangage inhabituel se produisit. Celui-ci fut rapidement suivi d’un cri d’un macaque et d’un sifflement furieux que Nathaniel ne connaissait que trop bien. Se hâtant d’arriver au niveau de la cale, le roi de la confrérie trouva une Nhäggini dressée entre un Fabuis provocateur et une Kaiikathal furibonde, tentant d’empêcher la plus grande de fondre sur le plus petit. Qu’est-ce qui avait bien pu se passer encore ?

« Qu’est-ce qui se passe ici ? Vous pouvez vous disputer autant que vous voulez à terre, mais abstenez-vous-en mer. »

descriptionVoltige en haute mer [PV Kaiikathal] EmptyRe: Voltige en haute mer [PV Kaiikathal]

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Quelque chose lui chatouillait le dos. Elle ouvrit un œil assoupi, darda son regard sur le trésor sur lequel elle s’était endormie en voulant séparer les pièces des bijoux : rien à signaler. Déterminée à poursuivre sa sieste, elle referma aussitôt les yeux pour replonger dans une somnolence bercée par le roulis du navire sur les eaux.

À peine se laissait-elle happer par le sommeil que la sensation revint de plus belle et la fit frissonner de tout son long. Agacée de sentir les nerfs de son échine s’agiter sans qu’elle puisse le contrôler, la dragonne se redressa brutalement en position assise, faisant dégringoler quelques piécettes du petit tas qu’elle avait sorti pour l’occasion.

Quelque chose de chaud, doux et poilu glissa alors le long de ses écailles et la sensation même lui fit avoir un déclic, car ce n’était pas la première fois qu’elle en faisait l’expérience. La rage lui sauta à la gorge comme un loup et sa proie et elle bondit sur ses quatre pattes avec la même virulence, l’écume aux lippes et le regard fou.

“Tu vas payer, petit rat sournois que tu es !”

Fabius, une pièce en main, était déjà en train de sautiller sur le plancher du navire. Il parvint à saisir les cordages marins suspendus ça-et-là et se balança de prise en prise en poussant quelques cris horripilants. Kaiikathal se jeta à ses trousses et renversa la moitié du tas d’or, ruinant deux heures de tri acharnées qui l’avaient occupée au point de l’endormir, ce qui ne fit qu’attiser sa malveillance.

Le fruit de son travail ne fut pas le seul à être saccagé : l’endroit étant de plus en plus étroit, elle devait jouer des coudes, des ailes et de la queue quitte à renverser tout ce qui se trouvait sur son passage. Alors qu’elle rattrapait le criminel, elle jeta son encolure en avant et ses mâchoires se refermèrent sur le vide, tout près du petit singe qui émit un hurlement d’effroi. Elle s’apprêtait à le saisir quand une masse sombre et sinueuse se dressa en rempart entre elle et le fuyard. Nhäggini lui siffla au visage ce qui semblait être un avertissement.

“Ôte-toi de mon chemin si tu ne veux pas finir comme lui !” gronda la Marche-Tempête.


“Qu’est-ce qui se passe ici ? Vous pouvez vous disputer autant que vous voulez à terre, mais abstenez-vous en mer.”

Kaiikathal dévoila des crocs ivoires qui n’aspiraient qu’à se refermer sur les os de Fabius.

“Il y a” feula-t-elle, et une gerbe d’étincelles fumantes vint ponctuer son courroux “que ta sale bête a cru pouvoir se servir dans mon trésor comme bon lui semble. Il y a” et elle se déplaça sur le côté, mais Nhäggini lui fit barrage en lui crachant au visage “que je vais ratatiner ton foutu ouistiti au fond de la cale si jamais je le reprends une seule fois à chiper ce qui ne lui appartient pas ! Et cette fois tu ne me feras pas obstacle !” s’exclama-t-elle à l’intention du serpent qui se balançait de gauche à droite, excédé.

Mais devant l’injonction ferme de Nathaniel, son regard croisa ses prunelles brun-chaud. Avec cet échange silencieux, elle sentit une bouffée d’indignation monter en elle. Qu’on la mette sur le même pied d’égalité que ce fourbe primate la mettait hors d’elle et la laissait toujours dans l’incompréhension la plus totale. Bon sang, elle était un dragon ! Elle pouvait le réduire en cendre à n’importe quel moment, Nathaniel le savait. Certes, il était vraisemblablement attaché à cette créature du démon. Mais rien de ce qui les unissait n’avait à voir avec eux ! Pourquoi s’attarder sur ce futile animal alors qu’il avait un dragon à bord ? N’était-elle pas assez de sa personne pour lui tenir compagnie ?

L’idée de lui être insuffisante étant loin de lui plaire, elle souffla un petit crachin de fumée noire qui s’éleva de ses naseaux. Elle sentit un nuage noir enfler en elle, qui menaçait d’obscurcir son jugement. Elle avait le droit à bien plus que cela !


“Très bien ! Puisque c’est ainsi, je m’en vais faire un tour. Et toi, petit singe… si tu refais un seul pas de travers, j’annulerai haut et court ton existence de ce monde.”

Le crissement de ses griffes sur le bois résonna comme une sombre promesse.

Elle les quitta donc, lui et ses animaux de compagnie, sans prendre congé. Elle repoussa brutalement le rabat de l’écoutille principale et sortit d’un pas rageur sur le pont où la plupart des voix s’étaient tues à son arrivée. Elle se souvenait des promesses vigoureuses de raids et de combats de Nathaniel, qui sonnaient désormais comme des semi-promesses. Elle n’était pas satisfaite ; pas satisfaite du tout. Elle voulait plus que côtoyer Fabius et Nhäggini à longueur de temps.

Ses pas la conduisirent au bord du bastingage où elle se pencha en avant, intriguée. Cinq prisonniers étaient fermement ficelés à ce qui ressemblaient à cinq cibles ingénieusement disposées sur des barques. Kaiikathal plissa les yeux, déconcertée - avant de sentir son cœur irradier de joie comme le soleil chassant les nuages de pluie.

“Qu’est-ce que c’est que ça ! Nathaniel, c’est pour moi ?”

Elle se dandina sur place, incapable de résister plus longtemps. Peut-être s’était-elle importée un peu trop vite, tout à l’heure…

descriptionVoltige en haute mer [PV Kaiikathal] EmptyRe: Voltige en haute mer [PV Kaiikathal]

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¤ Le jeu du roi ¤

Un tangage inhabituel vint perturber le mouvement de bascule naturel du Maelstrom sous l’effet de l’océan. L’elfe sombre, ne connaissant que trop bien la mer, ne pouvait que se douter que quelque chose n’allait pas. Un animal marin passant trop près d’eux ? Une créature ? Une tempête ? Un tsunami ? Non, ce n’était rien de tout cela et en même temps tout cela à la fois. La Marche-Tempête semblait en colère et le gredin n’allait pas tarder à en connaitre la cause puisqu’il se rendait à l’instant même à la cale. La voix de Nathaniel tonna, exhortant un retour au calme, alors que devant lui se dressait une scène pour le moins amusante. Fabius, qui s’était hâté de prendre de la hauteur, était accroché à une poutre à l’aide de sa queue et de ses pattes arrière, se laissant suspendre au-dessus du vide tout en raillant de loin la gardienne du trésor. De l’autre côté, Kaiikathal, les écailles hérissées, fusillait tour à tour de son regard draconique le macaque et son protecteur reptilien. Nhäggini se dressait entre les deux, à sa langue ondulant au vent se mêla à un sifflement réprobateur. La voix mentale de la dracène ne tarda pas à résonner dans l’esprit de son lié, y déversant toute son ire. Le regard de la Marche-Tempête ne tarda pas à se poser sur celui de l’elfe qui n’hésita pas à le soutenir avant de sourire.

« Une dragonne qui se met dans tous ses états pour un simple singe un brun larcineur. Il y a de quoi sourire. Au lieu de vouloir chercher à l’estourbir, tu devrais le remercier et l’en féliciter. Il t’entraine autant à améliorer ta vigilance qu’il s’entraine lui-même à tromper celle des plus grands. D’autant plus qu’il n’est pas improbable que l’une, sinon plusieurs, des nombreuses pièces composant ton lit soit le fruit d’un de ses larcins. »

Nathaniel fit signe à Fabius de venir à lui en tendant un bras. De denier se mit debout sur la poutre à laquelle il se suspendait et sautilla jusqu’en direction de son maitre avant de lui sauter dessus et de se poster sur son épaule.

« Aussi insupportable puisse-t-il te paraitre, il est un partenaire de crime. Au même titre que Nhäggini. Et s’ils le sont pour moi, alors ils le sont aussi pour toi, ma liée. Un jour, tu comprendras à quel point mon foutu ouistiti peut s’avérer d’une aide précieuse. »

La dragonne abyssale ne sembla pas apprécier la petite remontrance de son lié et, en prenant ombrage, décida de remonter vers le pont en sifflant quelques étincelles à l’adresse du macaque qui se dissimula derrière l’elfe sombre. Laissant la Marche-Tempête rejoindre la surface, le gredin vint adresser une caresse à Fabius tout en se dirigeant vers Nhäggini pour en faire de même.

« Elle comprendra un jour que tous ces petits jeux lui seront fort utiles. Lorsqu’il sera temps pour elle de m’accompagner dans mes œuvres, elle sera heureuse d’être à l’écoute du plus leste des pas.  Les dangers ne manquent pas. Que cela soit mes ennemis, ou les siens. Sur l’heure, je vous remercie en son nom. À présent, aller donc vous reposez. »

Fabius sauta de l’épaule du gredin et s’en alla, suivit peu de temps après de la graärh maudite qui s’en alla s’enrouler autour d’une poutre pour faire un petit somme. Soupirant légèrement, l’elfe sombre s’en alla retourner sur le pont où, il n’en doutait pas, se trouvait Kaiikathal. Là-haut, il retrouva sa liée observant par-dessus le bastingage le petit manège préparé par le roi de la confrérie.

« Qu’est-ce que c’est que ça ! Nathaniel, c’est pour moi ? »

La joie et l’excitation transpiraient des paroles mentales de sa liée, mais le dragonnier n’avait pas besoin de cela pour le voir, puisque sa perle abyssale se trémoussait d’impatience.

« Oui, Kaiikathal, c’est pour toi. C’est un petit jeu que j’ai élaboré pour toi. Vois ceci comme une étape avant de venir un jour avec moi en mission. »

L’elfe sombre désigna les barques au loin de la main.

« Ne fais pas attention aux hommes de l’équipage attachés sur les barques. Ils ont fait des bêtises, du coup je me dois de les punir. Leur participation à cet entrainement sera leur expiation. Voilà ce que je te propose. Essaye avec ton souffle d’atteindre les cibles au sommet des poteaux que j’ai dressés sur les barques. Fais-le depuis le pont du Maelstrom. Ensuite, si tu t’en sors bien, essaye depuis les airs. »

Nathaniel s’approcha du bastingage, posant une main dessus, puis posa l’autre sur les écailles d’une des pattes de Kaiikathal. L’exercice ne serait peut-être pas aussi simple qu’il en avait l’air. En effet, les cibles étaient en mouvement du fait du ballotement des vagues. Mais si sa liée n’y parvenait pas, il consentirait à lui donner quelques conseils. Certes, il ne s’y connaissait pas en crachat de feu de dragon, mais en tire avec une dague oui. Cela devait être plus moins la même chose, à deux trois écailles près.

descriptionVoltige en haute mer [PV Kaiikathal] EmptyRe: Voltige en haute mer [PV Kaiikathal]

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Un jeu. Mission.
Elle n’avait pas besoin de plus pour comprendre l’enjeu de ce plan échafaudé à la dernière minute. L’objectif était de convaincre Nathaniel qu’elle avait les capacités nécessaires pour l’accompagner lors de ses missions ; de chacune de ses missions.
Elle n’avait pas encore passé l’âge de jouer et comptait remporter ce défi haut la griffe.

“Ne fais pas attention aux hommes de l’équipage, cela veut dire que si l’un d’eux meurt, ce n’est pas trop grave ?” mais à en constater l’expression de son Lié, Kaiikathal devina qu’il valait mieux ne pas trop écorcher la main d’œuvre même fautive ; en plus, si elle en carbonisait un, cela risquait de passer pour une erreur de calcul de sa part et reviendrait à prouver qu’elle n’était pas assez mature pour se tenir à ses côtés au cours des prochains raids.

Ceci était donc à éviter, et elle se le nota bien dans la tête.

Pendant que son cher Lié terminait ses explications, la dragonne se pencha fièrement en avant, pareille à une tête de proue en milieu de bastingage (proue qui dans la vie de tous les jours lui causait bien des soucis, car elle ne comprenait pas pourquoi Nathaniel ne l’avait pas encore faite changer pour qu’elle soit à son effigie).

Kaiikathal ne l’écoutait plus : elle promena son regard alentour, notant la force du vent, suffisante pour modifier la trajectoire des flammes. Elle se fit violence pour ne pas se jeter par-dessus les flots. N’en aurait-il tenu qu’à elle, la dragonne se serait propulsée bille en tête sur les cinq cibles en ouvrant le feu à qui mieux mieux, mais ç’aurait été passer pour une écervelée ; et autant elle se fichait de ce que pouvait bien penser l’équipage du Maeltström, qui de toute façon aurait applaudi, qu’elle réussisse ou qu’elle échoue... autant elle devait en mettre plein la vue à Nathaniel et lui prouver qu’elle était plus que capable de toucher ses cibles en plein dans le mille : elle devait l’accomplir avec classe et brio si elle tenait à l’éblouir par autre chose que sa crête dorée, qui parfois reflétait les rayons du soleil si fort qu’elle faisait plisser les yeux des matelots.

L’idée qu’elle échoue à ce test lui déplaisait souverainement, mais c’était une arrière-pensée courant bien loin derrière un égo surdimensionné à la solidité indéboulonnable, qui lui donnait plus de confiance qu’à un bœuf écervelé mû par l’adversité et chargeant son adversaire sans réfléchir. Car oui, elle était un peu née de cette trempe-là.

“Très bien. Pose-toi et admire.”

La dragonne recula comme pour prendre son élan avant de s’envoler, même il n’en fut rien. Ses entrailles grondèrent, et une suite d’éructations singulières s’échappèrent de son œsophage secoué de spasmes. Quelques étincelles jaillirent de sa gueule et provoquèrent un mouvement commun de recul au sein de l’équipage (tous sauf Nathaniel, que pas même l’arrivée soudaine d’une météorite n’aurait fait flancher).
Les gens gardaient un œil sur le manège du Roi des pirates et de sa terrible Liée. Kaiikathal le remarqua, et cela ne fit qu’attiser le feu de joie qui dansait déjà dans sa gorge : elle aimait les voir ainsi, se comporter comme des hommes en sursis jusqu’à leur mort du fait de sa présence et de son tempérament impulsif et tapageur. Elle était presque leur reine - Consort, du moins.

Ni une, ni deux, elle poussa un cri triomphal qui retentit jusque dans les ravines profondes de l’océan, décrocha ses mâchoires garnies de dents jeunes et encore sublimement blanches et bien conservées, et elle ouvrit le feu.

La première salve fut accueillie dans un silence complexe. La dragonne avait à peine touché la cible la plus proche : seulement l’un des côtés était à peine noirci, mais cela avait suffit à terroriser le jeune homme ligoté en-dessous : le pauvre tremblait de tous ses membres et à en juger par la tache sombre qui recouvrait son pantalon miteux, il s’était uriné dessus.

Mortifiée par ce cuisant échec, la dragonne se tourna vers Nathaniel, les yeux grands ouverts d’étonnement. Derrière, les marins savaient mieux que de rire de ce raté et continuèrent leur train-train comme si de rien n’était.
Mais bien sûr, qu’ils avaient vu.
Kaiikathal serra les dents ; il lui fallut maîtriser sa colère, et c’est les muscles frémissant et le regard bouillant d’une mixture de honte et de rancoeur injustifiée qu’elle se tourna, lentement, vers les pirates : car la dragonne était connue pour vite perdre son sang froid, qu’elle seule ou un autre soit la source de sa frustration, et seul Nathaniel était capable de la maîtriser dans ces moments fragiles.

Kaiikathal tourna le dos aux marmonnements des hommes de Nathaniel pour fixer la surface ondoyante de l’eau, la tête basse. Elle ne pouvait pas se ruer sur les cibles : elle pouvait difficilement contester l’autorité de son Lié, lequel ne faisait que renforcer la perception qu’elle avait de son devoir. Et pourtant, tous ses sentiments se révoltaient à l’idée de se réfugier derrière la distinction honorifique dont son espèce la gratifiait.

Le problème était qu’elle voulait faire les choses trop vite, et on le lui avait reproché à bien des égards. Voilà que maintenant elle se retrouvait confrontée à sa propre impatience et cela lui jouait des tours. Elle comprit l’ampleur du labeur qu’on lui demandait, et que son plus gros défi serait de dompter son propre entêtement pour n’en devenir que meilleure.

Elle voulait se jeter dans le ciel, foncer sur les cibles et cracher du feu sur une courte portée pour ensuite les déchiqueter. C’était ça, sa façon de tuer, et comme ça qu’elle viserait les cibles s’il ne lui avait donné aucune indication supplémentaire. C’était ça, qu’elle voulait lui montrer : qu’elle était guerrière, déterminée et impitoyable. Elle plongea son regard dans ses yeux et y trouva, comme toujours, une puissante source de motivation. Ses muscles se relachèrent et son ouïe fine perçut les soupirs de soulagements des pirates, qui s’étaient attendus à se faire sauter dessus sur un coup de tête de la dragonne. Elle ricana d’un air lunatique.

Elle scruta les cibles un long moment cette fois, assez pour que les hommes derrière se lassent d’attendre sa prochaine action et croient qu’elle était simplement en train d’échanger mentalement avec Nathaniel. Ce n’était pas le cas : peut-être ce-dernier trouvait-il un amusement dans l’effort de concentration inhabituel de sa Liée, mais elle ne trouvait pas ça drôle du tout. Plus qu’une question de devoir, c’était une nécessité absolue qui ne trouverait réconfort que dans la réussite. Il fallait qu’elle y arrive, et le plus tôt possible serait le mieux pour elle comme pour lui.

“Je réessaye” déclara-t-elle d’un ton plus froid que le plancher océanique de Nyn-Tiamat en plein hiver.

Elle inspira plus fort et les parois de sa gorge se rétrécirent : de cette façon, le jet serait peut-être un peu moins large, mais elle gagnerait en précision et surtout en portée. Sa gueule trembla sous l’effet de la chaleur excitante, et elle dirigea ses flammes sur la cible en face d’elle, celle qu’elle venait de manquer juste avant.

Les langues de feu vinrent quasiment lécher le centre de la cible. Kaiikathal ne força pas sur ce premier essai pour éviter que la chaloupe ne prenne feu, et le pauvre bougre avec. Il criait et crachait en se tortillant comme un vermisseau, incapable d’utiliser ses bras et ses jambes attachés pour piquer une tête et s’enfuir loin de son sort. Dommage pour lui, il n’avait qu’à s’être montré plus discipliné.

Mais Kaiikathal était satisfaite. Elle se tourna vers Nathaniel sans un mot, attendant ce qu’il avait à dire.

descriptionVoltige en haute mer [PV Kaiikathal] EmptyRe: Voltige en haute mer [PV Kaiikathal]

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¤ Le jeu du roi II ¤

« Ne fais pas attention aux hommes de l’équipage, cela veut dire que si l’un d’eux meurt, ce n’est pas trop grave ? »

À la réponse de sa liée, Nathaniel fit une légère moue mêlant doute et approbation. Oui, ce n’était pas trop grave si l’un d’entre eux venait à périr dans l’opération, car le bénéfice que tirerait Kaiikathal et son dragonnier de cet exercice serait supérieur à la perte d’un de ses hommes, mais quitte à choisir l’elfe ne pouvait s’empêcher de vouloir gagner sur tous les tableaux, avoir le beurre, l’argent du beurre et les fe … euh … le sourire de la crémière. Ou peut-être est-ce la vache ? Ou les deux ? Quoi qu’il en soit, son joyau abyssal avait compris l’intérêt de l’exercice et semblait décidé à se prêter sérieusement à ce dernier. Le gredin ne pouvait en être que plus fier et laissa tout le temps nécessaire à sa liée pour se préparer.

« Très bien. Pose-toi et admire. »

Nathaniel se recula légèrement, laissant l’espace nécessaire à sa liée et surtout pour ne pas lui donner l’impression de lui mettre la pression. Le gredin se doutait bien qu’elle n’aurait pas besoin de son intervention pour cela. Croisant les bras sur son torse, l’elfe sombre patienta, observant les mouvements, mais également les pensées de la dragonne du mieux qu’il pouvait. Kaiikathal sembla prendre un peu d’élan avant de se lancer en avant pour finalement s’immobiliser. Balançant son cou puissant vers l’avant, l’elfe sombre sentit la magie s’agiter aussi bien en lui que dans sa liée avant de voir la gueule de cette dernière se charger d’étincelle. Une langue de flamme malhabile fut tirée, venant frapper le flan d’une des cibles. Nathaniel ne tient pas compte de l’émoi de ses hommes qui voyaient un dragon à l’œuvre, préférait se concentrer sa liée qui visiblement criait victoire trop tôt.

Les plaintes des hommes sur les barques avaient cessé. La plupart venaient de se murer dans un silence profond ou quelques psalmodies par lesquelles ils invoquaient dieux et esprits de leur venir en aide. L’elfe sombre jugea qu’ils auraient mieux fait d’encourager Kaiikathal à réussir son coup à la prochaine fois plutôt que de prier. Celui dont la cible avait été touchée était pour sa part transi d’effroi. Trop longtemps la puissance du feu d’un dragon avait été oubliée et c’est cet effroi que l’elfe espérait voir un jour sur le visage de ses ennemis lorsque lui et sa liée iraient ensemble au combat.

Derrière Nathaniel, les hommes du Maelstrom ne pipaient mots. Le gredin sentait la colère de sa liée monter en elle. Elle n’avait pas réussi et ils l’avaient vue. Mais le capitaine à la chevelure d’écume tient à la rassurer.

¤ Ne te préoccupe pas d’eux et de ce qu’ils peuvent penser. Rares sont ceux parvenant à réussir du premier coup. Eux-mêmes le savent et ils auraient tort d’émettre quelques reproches. Des moqueries en revanche, pourquoi pas, mais nous sommes des pirates, il ne faut donc pas y avoir un mal. Une simple taquinerie. Concentres-toi et recommences quand tu es prête. ¤

Un silence vint s’abattre sur le pont, ne laissant là que le bruit du vent, de la houle et du bois qui craque. L’elfe sombre sentait toute la concentration que déployait sa Kaiikathal. Elle pouvait le faire, il lui fallait juste dompter son feu intérieur. Le regard de cette dernière finit par venir croiser le sien. Il pouvait sentir et comprendre le flot de pensées du joyau abyssal, même cela lui était complexe et douloureux. Un jour, elle aurait l’occasion de lui monter son don pour la violence, mais pas en cet instant. L’elfe sombre soutint le regard de la dragonne. Il était déterminé et l’exercice ne changerait pas aujourd’hui. De toute façon, ce n’était pas le meilleur endroit pour effectuer un exercice de nature à plaire à celle-ci. Et c’est cette détermination qu’il tenta de transmettre à Kaiikathal afin qu’elle y puise la force nécessaire pour surmonter cette épreuve qu’il lui imposait.

Après un long moment à observer les cibles en mouvement sur l’eau, la dragonne des profondeurs annonça son nouvel essai. Le gredin à la chevelure sourit et la gratifia d’une caresse mentale ainsi que d’encouragement. Elle pouvait y arriver. Après un ultime effort de concentration et d’habile contrôle de ses flammes, Kaiikathal cracha une nouvelle langue de flamme qui vint faire mouche en frappant le cœur de sa cible. Ses hommes qui, bien que silencieux, continuaient leurs tâches en regardant du coin de l’œil le petit manège vinrent s’esclaffer et féliciter la dragonne. L’elfe sombre, lui se contenta d’applaudir en affichant un sourire satisfait.

« Félicitation, Kaii. »

Nathaniel s’approcha du bastingage et vint faire naitre dans sa main une longue lance d’ivoire. Sans attendre, il visa la chaloupe dont la cible s’embrasait et jeta son arme qui vint se planter entre les jambes du prisonnier. Celui-ci vit là l’opportunité et surtout l’autorisation de tenter de s’évader pour échapper aux flammes et commença tant bien que mal à se contorsionner pour venir se saisir de la lance ou en approcher ses liens pour les couper. Le pirate finit par y parvenir en hurlant de douleur, car le feu l’avait rattrapé et plongea dans l’eau sans attendre pour s’éteindre avant de rejoindre avec grande difficulté le Maelstrom à la nage.

« Il semblerait que pour le moment, l’un d’entre eux ait la vie sauve. Mais qu’en sera-t-il pour les autres. Et si nous augmentions la difficulté, Kaiikathal ? Le jeu est le suivant ! Prends ton envol et tente d’atteindre une cible en tirant cette fois-ci une langue de flamme depuis un vol stationnaire. Ensuite, quand tu y seras parvenu, nous y mêlerons la vitesse ! Tu t’envoleras le plus haut possible avant de faire un piqué en direction de cible et tu tireras alors durant ta chute une langue de flamme sur les cibles. »

L’elfe à la chevelure d’écume fit un sourire un brin provocateur à sa liée, la mettant au défi de réussir son petit jeu.

descriptionVoltige en haute mer [PV Kaiikathal] EmptyRe: Voltige en haute mer [PV Kaiikathal]

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Kaiikathal contemplait le punis se contorsionner de douleur avec un plaisir non-dissimulé ; non pas parce qu’elle était sadique, et que cette vision sordide lui était émotionnellement satisfaisante, loin de là. Non, c’était juste sa réussite qui comptait. Le pauvre hère n’était qu’un malheureux détail dans toute cette histoire. De toute façon, il semblait tiré d'affaires.
Les quelques âmes généreuses qui se précipitèrent à sa rencontre furent hypocritement admonestées des propos colorés de leurs semblables demeurés sur le navire. Telle était la politique à bord de la Confrérie : railleries, faux-culs et mythomanes qui parlaient deux bouches, une belle brochette de brebis galeuses et quelques magnats empotés qui se détachaient du lot de tous ces soliveaux mus par le désir de l’or et du sang.
Un peu comme elle.

La dragonne des lagunes se tortilla sur elle-même, enroulant et déroulant les anneaux de sa queue avec frénésie sous le regard contenté de son Lié. Après moultes félicitations de sa part amplement méritées, qui laissait entrevoir l’espoir d’un avenir plus mouvementé et aventureux en sa compagnie, le gredin lui proposa un autre exercice.

“Il semblerait que pour le moment, l’un d’entre eux ait la vie sauve. Mais qu’en sera-t-il pour les autres. Et si nous augmentions la difficulté, Kaiikathal ? Le jeu est le suivant ! Prends ton envol et tente d’atteindre une cible en tirant cette fois-ci une langue de flamme depuis un vol stationnaire. Ensuite, quand tu y seras parvenu, nous y mêlerons la vitesse ! Tu t’envoleras le plus haut possible avant de faire un piqué en direction de cible et tu tireras alors durant ta chute une langue de flamme sur les cibles.”

Il lui tendait cet exercice comme un valet tend un gigantesque plateau de fruits de mer à un roi opulent.

“En volant ? Pfah ! C’est un jeu d’enfant ! Je vais te montrer ce que je sais faire. Tu seras ébloui.”

À savoir ce qui était le plus éblouissant entre sa crête solaire ou cet égo surdimensionné digne d’un prince gâté pourri par son sang royal.

Kaiikathal prit de l’altitude sans plus attendre : l’avantage de la mer était que le vent y était presque toujours là, et elle n’avait qu’à écarter les membranes entre ses petits doigts crochus pour les sentir se gonfler d’air et la soulever du pont sans le moindre effort. C’est ce qu’elle fit, et avec classe, en soulevant une myriade de “Ouuuh !” et de “Ouaah !” sur son passage, ce qui fit son petit effet. Elle effectua un tour rapide du bâtiment, autant pour épater la galerie que tester la trajectoire principale des courants et ses petits caprices. Cette fois, pas question de se rater ! Elle n’avait droit qu’à une seule erreur et elle l’avait déjà gâchée. Mais elle se rassurait en se disant, peut-être un peu maladroitement, qu’elle avait déjà l’habitude d’utiliser son feu en l’air “pour rigoler” (son utilisation principale étant de brûler les goélands un peu trop téméraires - et croyez-là, ce n’était pas un sport très simple). En bref, elle était largement capable de réaliser cet exercice correctement, plus que sur le Maelström, où il fallait supporter le roulis du navire et les regards malvenus d’un peu trop près.

Elle finit par se stabiliser : faire du sur-place n’était pas chose aisée pour un dragon, même si les jeunes, comme elles, y parvenaient mieux que leurs aînés du fait de leur petite taille (si tant est qu’on puisse qualifier trois mètres de hauteur une petite taille) et n’avaient pas à faire supporter au ciel une masse aussi imposante. Mais Kaiikathal avait une petite facilité supplémentaire pour cette technique de vol : comme elle passait le plus clair de son temps à naviguer en mer au-dessus des mâts, elle s’était rapidement intéressée aux oiseaux de mer et à la façon dont ils s’y prenaient pour dompter toutes sortes de courants aériens, des plus hectiques aux plus doux, voire en leur absence totale (même si ce dernier cas était rare). Elle avait donc beaucoup appris, en particulier auprès de albatros, et s’était même essayée à leur phénoménale stratégie qui consistait à piquer en chute libre tout en repliant les ailes pour fendre la surface de l’eau et chasser sous la surface.

Force est de constater que Kaiikathal n’avait ni leur aérodynamisme, ni la morphologie nécessaire à une telle prouesse, elle s’était plusieurs fois lamentablement ramassée à peine un mètre sous les eaux. Mais elle persistait à penser que c’était possible, peut-être en avalant quelques cailloux pour lester son corps et mieux réussir le plongeon.

Quoi qu’il en soit, elle était confiante quand, une fois stabilisée, le premier jet de flamme jaillit de ses mâchoires en fondant en plein milieu de la cible. Ah, la chasse aux goélands avait payé ! Toutes ces heures passées à s’ennuyer en l’air à cramer ces imbéciles de volatiles n’avaient donc pas été perdues.
Maintenant, la deuxième partie de la tâche était un peu plus ardue. Il fallait qu’elle mélange plusieurs savoir-faire en même temps, or, accomplir plusieurs choses à la fois n’était pas sa tasse de thé et elle allait devoir se concentrer au maximum.

Elle remonta un peu plus haut, couverte de louanges de ses vaillants sujets (car elle était un peu une reine, dans son genre), ce qui conféra à ses gestes un peu plus d’assurance. Elle avisa les quatre cibles en repensant à la technique des albatros : elle n’avait pas à replier les ailes aussi drastiquement, sinon elle foncerait trop vite, mais les fermer à demi, voire un peu plus, semblait être une bonne idée. Tout était une question de dosage. Et pour le feu, elle n’aurait qu’à… euh… suivre son instinct.

Elle décida que réfléchir davantage lui causerait du tort et se laissa glisser. Cela commença doucement, et puis tout s’accéléra : elle réalisa un peu trop tard qu’elle aurait dû prendre plus de recul, car lorsqu’elle atteignait la bonne distance pour commencer à tout lâcher, la première cible se situait déjà presque en-dessus d’elle. Elle cracha la tête en bas, un peu trop près de son ventre : manœuvre risquée qui, même si elle s’en sortait sans problème ici, n’était certainement pas à reproduire sur le champ de bataille car bien trop imprudente : un retour de flamme pouvait lui blesser le thorax ou l’abdomen.

La dragonne misa sur la quantité : plus de flammes et un champ large, plus de cibles touchées, même si elle perdait en précision et en prestance. On eut plus l’impression qu’elle dégueulait un repas trop pimenté. La seconde cible, celle quittée par le matelot quelques instants plus tôt, fut entièrement carbonisée. La troisième, touchée sur le bord par une gerbe d’étincelle : on pouvait presque considérer que c’était un manqué. La quatrième et dernière fut un peu mieux réussie que toutes les autres.

Bilan : un échec cuisant, une réussite honorable, et une attaque en piquée à travailler. Ce n’était clairement pas parfait, mais ça pouvait aussi être pire. Elle crachota un peu et descendit sur le pont où l’on vint l’acclamer, mais Kaiikathal n’avait plus le temps pour son égo et sa fierté. Baignant dans l’effervescence, elle jeta un regard fou sur Nathaniel et l’attrapa avec la virilité d’un chasseur qui empoigne sa prise, en le secouant non-intentionnellement comme une vieille poupée. Elle le jucha n’importe comment sur son dos. Peut-être était-ce la sensation d’accomplissement ou la chaleur du feu qui pulsait encore en elle, mais elle se sentait furieusement bien et surtout, sentait le lien qui les unissait les rapprocher au point qu’ils ne fassent presque entièrement et littéralement un. Ses ouïes étaient devenues sourdes. Son cœur était un incendie de plaisir ardent.

“Bon ça suffit ! Maintenant c’est à toi de t’entraîner un peu ! Je te mets sur mon dos sans la selle et tu vas découvrir les joies de la virevolte. J’espère que tu n’as pas trop mangé lors de ton dernier repas car ça va secouer un petit peu. Accroche-toi aux épines qui sont près de ma crête.”

Et elle décolla à l’horizontal, sous les exclamations tonitruantes des pirates qui se voyaient déjà aller à l’assaut des villages avec cette machine de guerre redoutable.

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¤ Le jeu de la dragonne ¤

Un nouveau défi attendait la dragonne. Le feu d’un dragon était son meilleur atout après sa capacité à voler et Nathaniel avait bien l’intention d’entrainer Kaiikathal à maitriser ses dons si particuliers. Il lui fallait, à son sens, au moins maitriser ceux-ci si elle espérait un jour accompagné son lié en mission. Certes pour se rendre utile, ou du moins encore plus utile qu’elle ne peut déjà l’être, mais pas uniquement. Il arrive qu’en mission on se retrouve seul ou qu’on se retrouve laissé derrière, après tout tel est la dure loi du code des pirates, dans ces cas-là il faut être en mesure de se débrouiller seul. L’elfe sombre à la chevelure d’écume lui exposait donc son prochain défi et la réponse de la dragonne des lagons ne tarda pas.

« En volant ? Pfah ! C’est un jeu d’enfant ! Je vais te montrer ce que je sais faire. Tu seras ébloui. »

Un sourire taquin vint étirer les lèvres du dragonnier.

« Oh mais mon équipage et moi-même n’attendons que cela ! »

De la provocation ? Sans doute, mais cela aidait à se surpasser, en particulier quand on possède un égo aussi grand que celui d’un dragon. Le roi de la confrérie s’éloigna un peu pour laisser sa liée s’envoler sous les exclamations de l’équipage. Voir une telle créature s’envoler était toujours un spectacle. Une fois que celle-ci eut quitté le pont du Maelstrom, l’elfe sombre se dirigea vers le mat principal afin de monter au sommet de celui-ci, sur la vigie, pour assister au mieux au spectacle.

De là-haut, le dragonnier nota les mouvements de la dragonne, tentant de les apprendre, de les analyser. Cet exercice était aussi un exercice pour lui. Voir un dragon en action, plus que de vivre tous les jours avec lui, était une occasion à ne pas manquer, en particulier dans le cas de Nathaniel. L’invasion de Néthéril avait échoué à cause de l’intervention finale du dragon rouge. Tôt ou tard, cette situation pourrait se représenter. L’elfe sombre devait donc se préparer pour ce jour. Même s’il ne souhaitait pas particulièrement avoir à affronter un dragon et encore moins un de cette taille, il n’était pas du genre à apprécier qu’on lui marche sur les pieds et qu’on mette en échec ses plans.

Alors que la dragonne abyssale virevoltait dans les airs avant de se mettre en position, l’elfe depuis les hauteurs du Maelstrom commençait à ressentir d’étrange sensation. Pour autant, il ne remarqua pas immédiatement que ce phénomène se produisait depuis un petit moment déjà. L’odeur de la mer et surtout du sel dans le vent marin. Il lui semblait plus fort, plus présent. Pour autant, Nathaniel n’y avait pas fait si attention que cela. En effet, il était habitué et quand bien même l’odeur se faisait plus forte, il ne pensait pas un seul instant à mettre cela sur le compte d’un quelconque effet magique. Doucement, subtilement, insidieusement, discrètement, le lien entre lui et Kaiikathal se renforçait. Mais, manque de chance pour l’elfe sombre, sorti du domaine de la magie des esprit-liés, l’elfe sombre n’était pas très doué dans le domaine de la magie. Sans doute est-ce cette lacune qui l’empêcha de voir venir ce qui allait se produire.

Dans les airs, non loin du Maelstrom, Kaiikathal commença à se stabiliser puis à se concentrer. La dragonne semblait réaliser cet exercice avec une plus grande aisance que précédemment. La raison en était simple. Contrairement au mouvement du navire de son lié, là elle avait le contrôle. En un instant, de la gueule de la dragonne, un jet de flammes surgit pour venir atteindre la cible en son centre. L’elfe sombre écarquilla des yeux. Sa réaction ne fit pas tant suite à la réussite de sa liée que par la soudaine sensation de chaleur qui s’était emparée de sa gorge. Qu’est-ce que cela ? Il avait l’impression l’espace d’un instant qu’on lui avait incendié le gosier ! Le gredin vint poser sa main sur gorge, la palpant un peu, mais ne remarqua rien. La sensation s’évanouissant comme l’engourdissement d’une jambe lorsqu’on reste assis dessus trop longtemps. Perplexe, Nathaniel jugea qu’il était plus sage de descendre de son perchoir pour rejoindre le pont de son bâtiment. Tandis que la dragonne des lagons grimpait haut dans les cieux, l’elfe sombre lui se rapprochait du sol.

Après avoir atteint les sommets, la dragonne à la crête d’or amorça sa descente. Le souffle du vent contre sa peau sembla soudainement plus fort à l’elfe sombre. Que lui arrivait-il ? Avait-il mangé quelque chose d’avarié ? Impossible, Tish avait cuisiné pour lui. Avait-on tenté de l’empoisonner ? Impossible également. Une maladie alors ? Mais depuis quand les elfes tombaient-ils malades !?

« Que l’on m’apporte à boire. »

L’un des hommes du capitaine commença à se rapprocher de lui en lui tendant une gourde de peau. Kaiikathal, elle arrivait de plus en plus vite au niveau de sa cible, sa gueule se chargea de flamme. Au même moment, l’elfe sombre sentit une chaleur s’emparer de sa gorge et approcha le récipient de ses lèvres pour se mettre à boire. Il recracha toutefois rapidement le liquide au visage du pirate. De l’alcool ? Surtout pas ! Il avait la gorge en feu, cela serait comme mettre de l’huile sur le feu !

« Mais non, pas de l’alcool de l’eau ! Vite ! »

Nathaniel plissa des yeux alors que la sensation de chaleur se fit plus forte. Il ouvrit la bouche et aurait presque juré que des flammes auraient pu en jaillir, mais rien ne se produisit. Dans le même temps, les exclamations des pirates s’élevaient sur le pont du Maelstrom après que Kaiikathal ait ouvert le feu. Dans le même temps, la sensation de chaleur commença à s’étendre de sa gorge vers son torse. Quelle était cette sorcellerie ?! Le gredin arracha des mains la gourde d’eau qu’on lui présenta et la vida comme si sa vie en dépendait. Lentement, la sensation commença à s’apaiser. Mais il n’eut pas vraiment l’impression que cela soit dû à l’eau qu’il venait d’ingérer.

Le regard de l’elfe à la chevelure d’écume se tourna finalement vers les cibles. À entendre ses hommes brailler, l’exercice avait dû être spectaculaire. Toutes les cibles étaient en feu, ou presque du moins. La perte d’au moins un prisonnier semblait à déplorer.

« Libérez les autres avant qu’ils ne flambent totalement. »

Les matelots s’exécutèrent alors que Kaiikathal atterrissait à nouveau sur le Maelstrom. Le gredin commença à toussoter pour s’éclaircir la voix et chasser les désagréables sensations qui l’avaient frappé précédemment et s’apprêta à féliciter sa liée. Malheureusement, Nathaniel n’en eut pas l’occasion et se retrouva soulevé au-dessus du sol par une écailleuse bien trop entreprenante.

« Woaoaoa, Kaiikathal qu’est-ce que tu fais, repose-moi. »

L’elfe sombre se retrouva projeté dans les airs. Instinctivement il voulut porter une main au niveau de sa ceinture pour copier un esprit-lié lui permettant d’atterrir à sa guise, mais il se souvint qu’il ne portait pas de poupée sur lui. Un bruit sourd se produisit lorsqu’il atterrit sur le dos de la dragonne abyssale.

« Hey ! Qu’est-ce qui te prend ? »

« Bon ça suffit ! Maintenant c’est à toi de t’entraîner un peu ! Je te mets sur mon dos sans la selle et tu vas découvrir les joies de la virevolte. J’espère que tu n’as pas trop mangé lors de ton dernier repas, car ça va secouer un petit peu. Accroche-toi aux épines qui sont près de ma crête. »

La voix mentale de Kaiikathal couvrit la sienne alors que celle-ci commença à se remuer et surtout à déployer ses ailes.

« Tu n’y penses pas ? Je ne suis pas en état pour … »

L’elfe sombre n’eut pas le temps de finir sa phrase que déjà la dragonne à la crête d’or s’envola sous les exclamations et encouragements de l’équipage du Maelstrom à l’intention de leur capitaine. Voler ? Lui ? Dans les airs ? Sans être au bout d’une corde ? Ou sans se propulser ? Et puis quoi encore ?!

Instinctivement, le gredin vint s’accrocher aux épines dorsales de la dragonne telle une moule à son rocher. La chevelure d’écume du gredin commença à virevolter dans tous les sens sous les assauts du vent et l’elfe sombre put sentir le puissant souffle aérien contre sa peau. Cette sensation … elle lui était familière … ne l’avait-il pas senti avec autant d’intensité il y a quelques instants ? Qu’est-ce que c’était que cette histoire ? C’est comme s’il avait été plus haut dans les cieux sans pour autant y être puisqu’il était au sommet de la vigie et …

Oh.

Quelque chose venait de s’éclaircir dans l’esprit du roi de la confrérie.

Lentement, d’une main peu assurée, comme lorsqu’il avait pour la première fois volé une bourse à un passant sur une place de marché, l’elfe sombre s’accrocha à une autre épine puis vint bouger son corps tout en restant collé le plus possible aux écailles de sa liée de peur de s’envoler. Doucement, il se mit dans le même sens que cette dernière. Pourquoi ? Quelle idée saugrenue ? Grimper sur un dragon ? Lui n’était jamais grimpé à cheval ! Sa seule monture avait toujours été un navire, et Kaiikathal n’avait ni voile ni gouvernail ! Il domptait les eaux, pas les airs !

« Il faut que … blblblblbl »

Nathaniel ne put finir sa phrase, une bourrasque venant s’engouffrer sur ses lèvres les soulevant. Venant tenir d’une main ferme une épine, le gredin prit le risque de lâcher son autre main pour se couvrir la bouche avec.

« Il faut que je confirme quelque chose ! Crache à nouveau du feu pour moi. »

Kaiikathal sembla s’exécuter en crachant une petite gerbe de flammes et une fois de plus la gorge du pirate sembla s’embraser. Il venait de comprendre. Ce qu’il ressentait depuis tout à l’heure, ça ne venait pas de lui. Ça ne venait pas de ses sens.

« On est trop haut. Rapproches-toi de l’eau. Je ne suis déjà pas de plus à l’aise sur la terre ferme. »

descriptionVoltige en haute mer [PV Kaiikathal] EmptyRe: Voltige en haute mer [PV Kaiikathal]

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Les pensées de Nathaniel se déversaient en un flot incessant dans l’esprit de Kaiikathal avec la virulence d’un tsunami, de même que les sensations qu’il ressentait à l’instant et qui n’avait rien de plus extraordinaire que de la rigidité et une crispation qu’elle percevait aussi bien sur ses écailles et autour de sa crête que dans son propre cervelet.

"Détends-toi, ou tu vas finir par me donner la nausée de quelque chose que j’apprécie en temps ordinaire. Tu ne vas tout de même pas me donner le mal du ciel, ho ! Il ne manquerait plus que ça.”

Sacré Nathaniel ! Autant il faisait le chef en bas, avec ses sous-fifres, autant là, il n’en menait pas large. Il fallait dire qu’à plusieurs centaines de pieds en contrebas l’attendait une mort sur le coup s’il faisait une chute, car elle serait inévitablement fatale. Même l’eau risquait de lui claquer le corps et de lui ouvrir les entrailles, au vu de la vitesse qu’il prendrait s’il devait tomber. Ce qui n’arriverait pas : Kaiikathal y veillerait. “Une dragonne et son Lié perdent la vie dans un tragique accident aéronautique" : la dragonne voyait déjà le fait divers clamé par tous les crieurs publics dans toutes les villes de tout l’archipel. Quand bien même cela la rendrait célèbre, elle ne voulait pas le devenir en étant six pieds sous terre pour une tragédie aussi stupide.

Néanmoins, cela ne l’empêcha pas d’obéir à la demande de Nathaniel.

“Fais attention, ça va chauffer l’air autour de nous. Ici il fait froid, alors prépare-toi au choc thermique.”

Kaiikathal replia les ailes pour éviter que ses propres flammes ne la brûlent en plein vol, car elle ne maîtrisait pas encore totalement son crachat de feu (même si cela ne risquait pas de tarder, vu les longues journées qu’elle passait à s’entraîner sur les nuées de goélands. En continuant ainsi, elle risquait d’exterminer toute une espèce entière, les goélands étant des sujets d’expérimentation de prédilection.

“On est trop haut ! Rapproches-toi de l’eau. Je ne suis déjà pas de plus à l’aise sur la terre ferme.”

Kaiikathal leva les yeux vers le haut. “À vos ordres mon capitaine !” ironisa-t-elle, avant d’amorcer une descente plus douce que leur ascension de tout à l’heure, le but n’étant pas de dégoûter Nathaniel du vol à dos de dragon, mais bien de l’y habituer.

Comme quand elle avait craché ses flammes sous les directives de son Lié, la dragonne replia les ailes pour piquer vers le bas dans un angle décent - décent pour Nathaniel, en tous cas, sinon elle aurait foncé la tête en bas. Elle les déplia ensuite petit à petit tout en conservant l’axe qui leur permettait de se rapprocher de la surface de l’eau. En contrebas, les gredins, semblables à de petites fourmis qui commençaient un peu à grossir, lançaient des “Hooo !” et des “Haaa !” d’admiration, mais leur effet excitant commençait à la lasser et elle n’y prêtait plus attention : les questions d’égo chez Kaiikathal, c’était l’affaire de deux secondes quand il s’agissaient d’hominidés ou autres bipèdes peu recommandables (sauf le délicieux Nathaniel, et éventuellement le doux Aldaron). Ils perdirent de la hauteur en esquissant de larges spirales jusqu’à-ce que l'écume des flots se situe à une bonne dizaine de mètres sous eux.

“Là, c’est un peu mieux non… cela te convient-il mon cher ?”

Il lui semblait en tout cas que c’était une situation nettement plus acceptable pour le Roi des Pirates que de tournoyer et virevolter au milieu des nuages sans le moindre ménagement de la part de sa dragonne.

“Que veux-tu que je fasse maintenant, mon roi des océans ?” roucoula-t-elle dans l’esprit de son Lié. “Je te sens tout retourné. Est-ce notre montée au ciel qui te laisse dans un tel état ? Ou y a-t-il quelque chose d’autre qui te trouble, et que tu ne me communiques pas ?”

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¤ Le jeu de la dragonne II ¤

Les hauteurs célestes. Ce lieu réservé uniquement aux dragons. Qui eut cru que l’elfe sombre si serait un jour rend ? Certainement pas lui en tout cas. Le gredin était un homme de la mer ! Plus proche il en était, mieux il s’en portait. Et à l’inverse, plus loin il en était, moins bien il s’en portait. Aussi cette expérience de tant de premières fois, quand bien même elle pouvait être excitante, n’était pas pour le ragaillardir. Kaiikathal priait son lié de se détendre, mais c’était bien plus facile à dire qu’à faire. Les bipèdes n’étaient pas faits pour voler, sans quoi les déesses les auraient pourvus d’ailes comme les dragons. Et bien sûr, pour rendre les choses encore plus complexes, il y avait les étranges sensations que le forban ressentait. Il pensait en avoir saisi l’origine, mais il lui fallait encore s’en assurer. La confirmation de sa pensée ne tarda pas lorsque la dragonne expulsa une nouvelle gerbe de flammes et que l’Eärendil sentit sa gorge s’enflammer. Ce qu’il ressentait depuis le début ne provenait pas de ses sens, mais de ceux de Kaiikathal. Depuis quand un tel phénomène se produisait-il ? Était-ce dû au lien ? À la magie les liant l’un à l’autre ? Sans doute, il ne pouvait pas y avoir d’autres explications. Est-ce que cela se produisait aussi pour son joyau abyssal ? Il était fort à parier que oui, ou alors que ceci finirait par se produire. Oh non ! Il ne fallait pas que cela se produise dans « ces » moments-là. Comment serait-il en mesure de lui expliquer ? Déjà qu’il avait dû la chasser plus d’une fois l’esprit de cette dernière lorsqu’elle était venue à sa rencontre dans « ces » moments-là.

Nathaniel soupira intérieurement et tâcha de chasser au mieux tout ceci de son esprit. Tout cela était un problème pour plus tard. Dans l’immédiat il avait un premier vol à gérer. Avant toute chose, il fallait reprendre le contrôle de la situation. L’elfe sombre demanda à la dragonne de perdre de l’altitude afin de se rapprocher de la mer. Cette dernière s’exécuta non sans se moquer de son lié. L’Eärendil put sentir son palpitant se calmer à mesure qu’il se rapprochait de l’eau. Bien, une bonne chose de faite. Il était certes toujours dans les airs, mais au moins son élément fétiche était à portée.

« Oui, c’est beaucoup mieux. Habituellement, je te regarde voler, je ne vole pas avec toi. Je suis un homme de la mer, tu te souviens ? »

L’elfe sombre se risqua à observer avec calme l’environnement autour de lui, ainsi que la posture adoptée par sa dragonne lors de son vol. Bien, tout ceci lui semblait stable.

« Toutes les premières fois, ne laisse jamais dans un état indifférent, Kaiikathal. Il est sûr que ce premier vol improvisé à dos de dragon ne me laisse pas de marbre. À dire vrai, je n’envisageais pas de le faire de sitôt. Tôt ou tard il aurait fallu que nous nous y mettions, mais je prévoyais que tu sois déjà en mesure de te débrouiller pleinement toute seule avant d’en arriver au stade du travail d’équipe à ce niveau. »

Le roi de la confrérie avait un plan pour l’évolution de la dragonne. L’exercice de ce jour au crachat de feu en faisant partie. Si le vol à deux en faisant également partie, il semblerait qu’au goût du gredin un bon nombre d’étapes aient été brûlées. Tant pis, il n’en prenait pas ombrage pour autant, après tous les choses ne se déroulent pas toujours comme on le prévoit.

« Tu as vu juste, il y a autre chose. Depuis un moment maintenant, je ressens des choses. Des choses qui ne proviennent pas de moi. Ma gorge qui s’embrase, le froid et le vent sifflant contre ma peau. J’ai l’impression de recevoir l’information en provenance de tes propres sens. C’est particulièrement déroutant. Heureusement que cela arrive maintenant et pas en situation de crise. »

Un petit soupir s’échappa de l’elfe.

« Bon. Tant que nous sommes là, autant essayer de tirer profit de la situation. »

Nathaniel se pencha légèrement en ayant, venant saisir fermement les épines de la dragonne.

« Reste près de l’eau. On va jouer au jeu du chat et de la souris. Tu seras la souris, je serais le chat. »

Puis, sans prévenir, l’elfe sombre usa du don de l’orque pour faire se mouvoir l’eau autour d’eux et tenter de se saisir de la dragonne.

descriptionVoltige en haute mer [PV Kaiikathal] EmptyRe: Voltige en haute mer [PV Kaiikathal]

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“Mais Nathaniel, tu n’es pas un homme, tu es un elfe. Un elfe de la mer, qui a bon dos : moi aussi je suis une dragonne de la mer, ce qui ne m’empêche pas de prendre d’assaut le ciel et de courir sur la terre ferme.”

Bisque de homard, crevette et langoustine ! Ce n'est pas parce qu’il n’a pas d’ailes qu’il échappera à son entraînement, lui non plus ! Notre apprentissage du Lien, il se fait à deux !

La rancœur succéda à l’excitation du vol. Nathaniel avait le don de tout ruiner, y compris les moments passés ensemble qu’aucun autre être en ce monde, si ce n’étaient les Liés, n’avait la chance d’expérimenter. Se faire rappeler de la sorte, en entendant dire de la propre bouche de son compagnon qu’elle brûlait les étapes plus vite qu’elle n’avait carbonisé ces cibles, sous-entendait qu’elle était trop juvénile pour se risquer à quoi que ce soit qui impliquait l’aventure, le danger et les massacres, soit tout ce qui lui faisait de plus en plus envie à mesure qu’elle grandissait. Son sang de dragonne millénaire qui faisait pourtant à peine la taille d’une grande barque se mit à bouillir fort, et elle ne s’en cacha pas. Son Lié savait très bien ressentir ses émotions, mais même si cela ne servait à rien, elle ne sut réprimer la pulsion qui se déchaînait en elle et la verbalisa - spirituellement - comme si cela allait avoir un effet libérateur.

“Qu’est-ce que tu entends par “me débrouiller pleinement toute seule” ? N’est-ce pas déjà le cas ? Je sais chasser, je sais voler, je peux cracher le feu et je dissuade à moi toute seule un bataillon d’humains entier. Il me semble que je sais me débrouiller toute seule, merci bien.”

Vexée, elle chercha à frôler la surface de la mer, comme si ses reflets céruléens sauraient, eux, la réconforter, l’encourager dans sa progression. Que signifiait-il par situation de crise ? N’avait-il donc pas confiance en leurs capacités ? Cela faisait plus d’une année qu’ils foulaient les terres de cet immense royaume ensemble. Elle n’avait plus rien à voir avec  la créature humide et chétive tout juste sortie de son œuf avec des siècles de solitude et de souffrance. Pourtant, à en croire Nathaniel, elle avait encore des morceaux de coquilles sur les joues. Elle en vint à se demander si non seulement son Lié mais également tous l’équipage, et même ceux qui croisaient sa route, pensaient la même chose. Je vaux bien plus que cela ! fulmina-t-elle en transperçant les mouettes qui survolaient le vaisseau du regard - signe que ces dernières n’allaient pas tarder à passer un sale quart d’heure.

Elle se laissa aller à sa contemplation des éclats miroitants générés par les mouvements huileux de la mer. Petit à petit, le bercement visuel eut un effet tranquillisant sur son corps et son esprit. Elle laissa couler ses instincts, son besoin de reconnaissance et d’avoir l’impression de servir à quelque chose d’utile. Ce laps de temps qui lui permit de retrouver une certaine sérénité fut bien calculé, Nathaniel n’y étant pas pour rien, car les crises existentielles de sa Liée lui étaient familières, et il avait appris, avec le temps, à les dompter.

Soudain, surgie de nulle part, une vague tout ce qu’il y avait de moins naturel bondit de son logement pour venir consciemment s’écraser sur la Marche-Tempête. Kaiikathal glapit et s’écarta de justesse d’un puissant battement d’ailes qui créa quelques remous sous sa silhouette. La non-surprise de Nathaniel la renseigna sur la nature de cet évènement ; elle se secoua, dévoila ses crocs dans une grimace emplie de défiance et s’élança en avant au lieu de chercher refuge dans les hauteurs comme n’importe quel être apte au vol l’aurait fait. Un nouvel exercice ? Parfait. C’était l’occasion de se donner à fond.

Tu vas voir ce que tu vas voir ! La dragonne esquiva une nouvelle attaque liquide, les vagues se faisant successivement plus larges, hautes et massives. Des gourdins d’écume se dressaient autour d’eux, fendus de jets d’eau qui fusaient de part et d’autre de ce couloir de mer. Kaiikathal s’amusa à faire exprès d’éviter certaines gerbes de justesse, uniquement dans le but de tremper Nathaniel. Elle le lui fit d’ailleurs mentalement comprendre.

“Puisque tu es “un homme de la mer”, ça ne doit pas trop te déranger si tu te prends quelques petites gouttes sur la figure !” s’exclama-t-elle en rugissant de malice.

Par quelques gouttes, elle entendait bien sûr lui coller quelques gifles d’eau de mer, rien que pour avoir sous-estimé ses capacités. De cette façon, il ferait le plein de sel et de bonnes manières façon “Kaiikathal”.

Le jeu se poursuivit quelques minutes supplémentaires durant lesquelles ils ne formèrent qu’une seule et même conscience : un sentiment exaltant sublimé par le spectacle aquatique qui animait les eaux autour du Maelström. Ce ballet dansant, Kaiikathal aurait aimé qu’il dure pour l’éternité. Mais toutes les bonnes choses ont une fin, et leur séance de voltige en haute-mer se termina sur un sublime bouquet final : l’harmonie de deux êtres unis par des liens plus forts que n’importe quel sentiment en ce monde.

Fin

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