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Caladon, Demeure de la Monarque
1er août 1764, l'heure de la folie




Que d’événements en un mois à peine… Tout semblait se bousculer dans leur vie. Encore. Car ce n’était pas la première fois que les événements se précipitaient ainsi. Ils connaissaient cette rengaine, l’avaient entendue tant de fois, encore, et encore, et encore… Mais il devait avouer que les épreuves avaient tendance à éroder la falaise de leur volonté. Parfois, lorsque tout dormait… non il ne s’asseyait pas plein de joie. Au contraire, il contemplait la lune le coeur en effroi. Certes, son visage restait impassible, certes il restait là, debout, faisant face, roc tangible. Mais il ne pouvait renier la peur qui souvent lui nouait les entrailles. D’avoir vu sa femme sur le point de mourir, encore, par sa faute, pour ensuite la voir renaitre à la fois elle-même et tout autre… et exulter de joie à ses retrouvailles. De voir son enfant, un deuxième, une petite fille, pousser son premier cri, et chanter la symphonie d'un nouveau temps... Puis d’avoir fait face à une quatrième Couronne... D’avoir vu les elfes chuter et perdre leur orgueil sans vergogne… Oui, tant et tant de choses. Et peur restait là, ancrée en lui. Mais loin de le faire reculer, elle lui donnait la force d’avancer. De continuer, de jour comme de nuit.

Heureusement dans cette tempête effrénée, il y avait quelques éléments pour les faire palpiter de joie. Toute sa maisonnée avait enfin rejoint Caladon, dès que juin avait sonné son glas. Juillet naissait tout juste que tous se regroupaient dans la petite maisonnée d’Autone. Bien trop petite encore pour tout ce petit monde… mais ce n’était que temporaire. Heureusement, bien vite ils eurent l’aide de leur presque-frère, songea-t-il en observant le beau manoir qu’il leur avait construit. Le domaine de la Monarque était splendide et simple à la fois, à l’image même de la maitresse de maison. Assez grand, enfin, pour que tous puissent prendre leur aise sans se marcher sur les pieds. Il faut dire qu’il avait amené avec lui une sacrée troupe, presque tous althaïens ou de souche althaïenne. La partie qui leur était consacrée s’était bien vite transformée d’ailleurs en galerie d’art par certains côtés. Oui, c’était là un bel ouvrage, qui donnait au coeur force et courage. C’était là leur maison, leur demeure, leur domaine, où ils pouvaient se ressourcer, après toutes ces épreuves et ces temps peu amènes.

Belethar allait l'aider aussi à construire le haras. Et bientôt, dans les semaines qui viendraient, ce serait le tour du bâtiment du Conseil des mages à Cordont, très certainement. Si tant est que les devoirs de gardien de son presque-frère lui permettent de leur accorder encore quelques instants. Gardien… son presque-frère. Non pas qu’il eût douté de ses capacités. Mais il n’aurait jamais cru voir de nouveau le Domaine changer de gardien de son vivant. Du moins en comptant en temps humain. Et encore moins voir le Domaine sujet à tant d’esclandres… Quoiqu’il en soit, il était fier et heureux pour Belethar, même si cette lourde charge devait peser sur ses épaules. C’était là la consécration de tous ses efforts, de tout son dur labeur. Rares avaient été les gardiens du Domaine à être humain… Et Belethar venait de prouver que cette race en était tout à fait digne et capable. Un petit espoir pour ce peuple déchu ? Ilhan l’avait, pour sa part, totalement perdu. Selon lui les êtres comme Belethar restaient au final l’exception. Mais ce simple signe montrait que quelques-uns méritaient d’être sauvés, méritaient eux aussi d’être élus.

D’ailleurs, parlant d’élu… le bruit de pas derrière lui le tira de ses songes. Alors qu’il se tenait dans le jardin, en cette tombée de jour, à cette heure entre chien et loup, à contempler sa nouvelle maison. Il se tourna alors vers le nouvel arrivé qui franchissait la grande baie pour le rejoindre. Ilhan lui accorda alors un sourire sans retenu, et lui ouvrit les bras. Même si son presque-frère semblait plus distant par certains aspects, il savait encore ce que ces gestes, ces signes, signifiaient. Fraternité, amitié. Une force en eux innée. Et quand Belethar arriva à sa hauteur, il lui donna l’accolade, mesurant sa maigre force dans cette fraternelle embrassade, puis, après quelques secondes à profiter de cette chaleur, à écouter les battements de ce coeur, il s’écarta et ses orbes sombres plongèrent dans les doubles pupilles de son presque-frère.

Je ne te remercierais jamais assez, fit-il alors, en montrant d’un large signe de main la grande demeure. Elle est splendide. Avec ces petites touches d’Althaïa que tu as su apporter tout en respectant les symboles de Caladon et de notre Monarque…

Son regard revint se darder sur l’homme à ses côtés.

Mais je suppose que tu n’es pas venu pour que je te remercie une énième fois. Même si tu sais que je ne saurais m’arrêter.

Il lui accorda un autre sourire taquin. Oh oui, Belethar allait sans doute entendre ses remerciements, encore et encore, et encore…

L’heure de notre petite aventure a-t-elle sonné ?

Petite aventure était un lourd euphémisme. Se rendre dans le plan astral… voilà ni plus ni moins quel était leur fou projet. Ilhan y avait songé depuis quelque temps, quand il avait découvert et compris l’étendue des capacités de sa fidèle amie Olöréa. Pas seulement voyager dans l’espace qui leur était familier… mais aussi dans d’autres mondes et bien d’autres contrées. Il en avait eu la vive compréhension quand elle lui avait ramené quelques objets étranges, qui n’avaient jamais existé dans leur monde. Et quand Shyven lui avait ensuite parlé de vouloir en apprendre plus, à la fois sur l’objet qu’elle avait trouvé, objet aux pouvoirs étranges et déroutants, et sur le lien… Puis quand Naal lui avait parlé d’une certaine créature apparemment liée au dragon rouge… et à l’ancien Tyran Blanc… De nombreux dangers qu’ils avaient cru, fous qu’ils étaient, définitivement derrière eux, n’étaient peut-être pas morts comme ils le croyaient. Et peut-être pouvaient-ils revenir. L’idée de se rendre dans le plan astral avait alors lentement, mais sûrement germé dans son esprit ancré de folies. Voir ce qu’il en était des chimères, ce qu’elles étaient devenues. Voir si elles risquaient, elles aussi, de revenir. Voir si elles étaient disparues, ou simplement sévèrement touchées… Voir, peut-être, le rôle réel que le lien jouait pour faire le pont entre le monde des chimères, si tant est qu’elles soient toujours là et d’attaque, et le leur… Voir, comprendre, rapporter des informations cruciales pour leur possible devenir. Des informations qui leur permettraient peut-être de se préparer, et non plus seulement de se défendre, d’agir et non plus de réagir.

Oui, folie que tout cela. Et pourtant rien n’ébranlait sa foi. Au début il avait songé à en parler à Naal, mais son amant était assez pris avec tous les changements à Delimar et l’Oracle était très demandé. Sans compter qu’il s’agissait du lien et qu’il ne savait pas comment réagirait Naal à ce qu’ils pourraient découvrir. Il avait parlé alors de cette idée à Belethar qui avait rapidement offert de l’aider et de venir avec lui dans cette sombre affaire.

L’althaïen lui avait alors dit de le rejoindre quand il se sentirait prêt. Serait ce soir le grand saut vers l’inconnu et vers ce monde peut-être sans après ?

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Les journées de Belethar se suivaient et ne se ressemblaient pas.

Le Domaine Baptiste était dans une phase de changements et de questionnement. Par extension de son quotidien, Belethar avait pour habitude de voir le Domaine comme une famille. Si l’analogie était facile, elle n’était pas si mauvaise : les décisions avaient pour habitude de se prendre collégialement, il y avait un “chef” qui veillait sur l’ensemble des siens, l’on apprenait des aînés … Et en soi, la vie de famille était d’ordinaire sympathique, si chacun s’entendait bien ensemble. Mais la vérité, c’est que tout ne pouvait bien se passer, constamment.

Et si l’organisation interne du Domaine avait été en paix relative depuis l’arrivée sur Tiamaranta probablement par nécessité d’affronter les nouveaux dangers de ce monde, ce qui par ailleurs en avait épuisé son ami et rival de presque-toujours Valmys, à présent que la situation s’était à nouveau pacifié, et les plaies à peu près pansées, les situations problématiques refaisaient surface.

Et par “situations problématiques”, il était notamment question de l’implication de Kehlvehan dans la protection du domaine lors des attaques que le domaine avait essuyé dernièrement, et surtout de l’assassinat de son ancien fils, dont les rumeurs disaient qu’il l’avait commandité lui même. Les débats avaient été houleux, au conseil des Cawr, à l’égard de l’ancien maître de Belethar. Mais tous s’étaient enfin arrêtés sur le fait que cela n’était en rien compatible avec les idéologies du Domaine.

Ainsi, Belethar s’était retrouvé nouveau Gardien : élève de Kehlvehan, qui restait malgré tout reconnu comme un Cawr de talent, le choix avait été vite vu par le Conseil, en l’absence d’autres personnes qui auraient pu faire peser la balance des choses. L’Espérancieux avait accepté assez naturellement, cette fonction ne changeant pas radicalement son quotidien de chef de famille. Il avait acquis une certaine habitude dans ce genre de questionnements.

Mais quant à savoir ce que lui en pensait réellement ? Belethar ne savait pas trop. Tout s’était enchaîné très vite pour lui, qui s’était retrouvé intimement lié à Néant, et à peine avait-il eu le temps de faire connaissance avec sa nouvelle condition, qui était réellement différente de celle d’un simple Enwr, qu’on lui demandait d’assumer les responsabilités de Gardien.

Ce n’était pas une idée qui lui déplaisait, très loin de là, sinon il n’aurait pas accepté. Mais il avait besoin de prendre du recul. Alors pour tasser tout ça, et se donner quelques temps pour pouvoir se faire à sa nouvelle personne, et à ses nouvelles fonctions, il était retourné chez lui, en Caladon. Particulièrement, dernièrement, il avait décidé de passer tout son temps chez son presque-frère Ilhan, avec qui il était à nouveau proche géographiquement.

Son presque-frère avait toujours eu les bons mots, et la bonne vision des choses quand il était en proie au doute, et de plus il lui avait promis un cadeau de mariage d’exception. Autone et Ilhan, en tant que nouveau couple royal de Caladon, se devaient d’avoir un manoir royal, et plus généralement, un espace d’exception, faisant reluire toute la beauté de Caladon aux alentours. Alors l’Espérancieux avait pris commande au couple, qui lui avait donné des indications, et Belethar s’était donné tout le mal du monde pour faire quelque chose à leur image.

Et alors qu’il revenait voir son œuvre, mais aussi Ilhan qui l’attendait pour une occasion bien particulière, il pouvait constater à nouveau l’enthousiasme de l’Althaïen, qui tendit ses bras pour une accolade que Belethar accepta avec joie. Lui qui avait été touché par Néant, et dont la voix et l’attitude paraissait de fait un peu plus distante avec tout à chacun dernièrement, appréciait toujours sincèrement la chaleur humaine. Et voir son Presque-Frère ainsi heureux lui donnait du baume au cœur. Il lui restait encore du travail, mais c’était déjà une réelle satisfaction.

“Tu sais que je ferais tout pour que toi et ta famille viviez en paix, et en de bonnes conditions.” Répondit calmement Belethar avant d’adresser un petit clin d’oeil à son presque-frère. “Je suis heureux qu’elle te plaise. C’est une belle bâtisse, que tu mérites plus que tout autre homme.”

Belethar donna une petite tape sur l’épaule à Ilhan, qui en vint directement à l’autre sujet qui allait les préoccuper aujourd’hui. Et quel autre sujet. Si L’Espérancieux avait toujours été voyageur, pour ne pas dire explorateur, en apprendre plus sur le plan astral était quelque chose qu’il n’avait jamais fait, et ne penserait jamais faire de son vivant.

Et pourtant, Ilhan lui avait assuré que son nouveau chat, était capable de telles prouesses. Un talent qui n’était pas tombé dans l’oreille d’un sourd, et voilà quelque temps déjà que les deux frères préparaient ce petit voyage aux caractéristiques bien particulières. Un voyage qui avait essentiellement pour but de se renseigner, d’en apprendre plus sur le monde qui les entouraient, et de mieux connaître les êtres surnaturels auxquels ils avaient fait face jusqu’à lors.

Un objectif plein de promesses donc, auquel Belethar avait répondu sans plus d’hésitations que cela. Il y avait longtemps qu’il n’avait plus fait les quatre cents coups avec son presque-frère. Belethar hocha la tête en guise d’affirmation, quand Ilhan lui demanda s’il était prêt.

Cette expédition était peut-être dangereuse, mais Belethar sourit quand Ilhan lui tendit la main, qu’il prit avec joie. Avec lui à ses côtés, l’Espérancieux savait qu’il ne pouvait rien lui arriver. Et la réciproque était vraie. Deux frères, deux fauves. Ou plutôt trois. Car aussitôt que Belethar avait pris la main de l’Althaïen, Oloreä sortit sa petite tête de la sacoche d’Ilhan, et concentra son pouvoir pour qu’il s’active.

Avec ses sens de Baptistrel, Belethar sentit la Trame se courber, et puis il se sentit comme … Partir. Le voyage avait commencé. La sensation ne choqua presque pas le Baptistrel de Néant, qui se trouva finalement assez en confiance, car dans son élément. Il ferma les yeux un court instant, trouvant l’occasion bonne pour improviser une petite méditation, en donnant l’énergie à Ilhan, à qui il tenait fermement la main, car il était après tout le Relai qui permettait tout cela.

Belethar rouvrit les yeux seulement quand ses paupières captèrent à nouveau de la lumière …

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Du haut des immenses remparts gris, s'élevant presque jusqu'au ciel, servant d'enceinte protectrice au domaine des dieux défunts, on pouvait apercevoir un vaste territoire surréaliste comme on ne pouvait en voir dans le monde mortel. Le territoire enclavant le domaine divin était lui-même enclavé par les terres brumeuses. Ces terres ne pouvaient être manquées puisque leur frontière était délimitée par une brume opaque s'élevant du sol jusqu'aux cieux. Lieu de danger et de mystère, s'y perdre était aussi assuré que de s'y faire posséder par l'une des nombreuses créatures spirituelles arpentant ce monde. Les chimères, renvoyées en ce lieu et privées de corps errent toujours sur le plan astral, attendant la venue d'inconscient.

Plaines d'herbes violettes, forêts d'arbres biscornus à l'écorce et aux feuilles de couleurs chatoyantes composent le territoire enclavant de domaine divin. Ce lieu aux allures féériques où une couche de brume dissimule le sol à hauteur des chevilles est dominé par le même silence angoissant caractérisant ce monde. Aucune faune en ce lieu, ni aucun bruit, en dehors de celui du vent et du sifflement des chimères téméraires arpentant également ce lieu. Mais depuis quelque temps, un vrombissement étrange perturbe la relative quiétude de ce territoire enchanteur.

"Mh ... là il n'y'a rien ... là non plus ... essayons plus loin."

Un étrange bâton entre les pinces, une créature faite de métal traversait une plaine sans la moindre peur, marquant des poses à intervalles réguliers et agitant son étrange objet vers le ciel. Cette dernière semblait se diriger en direction des hautes murailles s'élevant par-delà une épaisse forêt.

***

Plus loin, par-delà cette même forêt et au-delà des murs, un dragon rouge se tenait de toute sa stature au croisement de route menant à d'immenses édifices. Certains des bâtiments et leurs environs proches étaient marqués par un état de délabrement plus ou moins avancé. Toutefois, sur les huit larges édifices dont tous se voyaient rattacher une cour, un seul était en ruine. L'état des constructions ne semblait pour autant ne pas être la préoccupation de la bête ailée à écailles qui était visiblement contrarié.

"Dwëmmer a encore perdu la lisière magique."

"Ce n'est pourtant pas bien compliqué, elle doit être déréglée, il faut dire qu'elle n'est plus très jeune, en plus d'être le fruit du travail des chats miteux sous ta protection."

Le regard colérique de Verith vint se poser sur la créature au trait d'un bipède albinos qui se tenait assis devant lui.

"Ou peut-être que si tu étais aussi intelligent que tu le prétends, nous n'aurions aucun mal à contrôler le dispositif."

"Mon intellect est irréprochable. Ce n'est en revanche pas le cas de tes idées saugrenues et de la création des dieux."

"Utiliser le bouclier protecteur entourant le domaine divin pour faire griller les chimères n'est pas une idée saugrenue. Edwyn lui-même s'en est servi lors de notre première venue en ce monde."

"Certes, mais mon défunt lié a projeté les chimères contre et non pas l'inverse. Un bouclier protecteur n'est pas une arme."

"Je ne pensais pas que tu manquais autant d'imagination."

"Je ne manque pas d'imagination, les dieux en revanche oui. Ils n'ont pas conçu cette barrière comme une arme, mais uniquement comme un moyen de défense."

"Elle est encore active, il suffit juste de voir où elle s'étend et de recommencer."

"Pour ça encore faudrait-il que ton araignée domestique fasse preuve d'une certaine utilité."

***

"Mh ... là il n'y'a rien ... là il n'y a rien ... et ... là non plus."

Dwëmmer avait poursuivi sa route, infatigable qu'elle était. Ayant pénétré dans la forêt dont la frondaison rappelait un paysage automnal, ses pattes articulées de métal prenaient grand soin d'éviter les nombreuses racines dépassant du sol, mais masquer sous la brume promettant une forte belle chute à quiconque ne prenait pas la précaution de rester vigilant sur ses pas.

Concentrée sur sa tâche, l'araignée mécanique s'immobilisa quelques instants lorsque l'étrange bâton qu'elle tenait entre ses pinces se mit à vibrer sous l'effet de la magie. Cette dernière laissa échapper quelques mots de contentement dans la trame, pensant avoir trouvé une piste. S'arrêtant au milieu de deux arbres sur sa route, elle tendit son bâton vers le premier.

"Non, c'est pas ça."

Puis elle tendit son bâton vers le deuxième.

"Non plus, sans intérêt. Quelques parasites doivent créer des interférences."

Dwëmmer reprit sans attendre sa route avant de s'arrêter après quelques pas pour venir reporter son intérêt vers les deux arbres sources de ces interférences parasites. Elle remarqua alors qu'il ne s'agissait pas de deux arbres, mais de deux bipèdes. Faisant un léger bond en arrière, elle leva instinctivement deux de ses pattes en l'air tout en se mettant sur la pointe des autres afin de se grandir et braqua les inconnus de son bâton.

"Ah! Plus un geste où je vous purge de ces noyaux de commandes dont vous avez pris possession et je vide la corbeille!"

Voyant que son coup de bluff, constituant pourtant une menace parfaitement valable, ne fonctionna pas pour une raison inconnue, Dwëmmer jeta son bâton au visage de celui dont les doubles pupilles trahissaient indéniablement une possession et s'enfuit en courant entre les arbres tout en claquant des pinces.

"Lié! Les chimères nous attaquent!"

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Les paroles de son presque-frère lui faisaient chaud au coeur, malgré l’apparente froideur de sa voix. Vivre en paix… Le pouvaient-ils seulement ? Le pourraient-ils ? Longtemps Autone et Ilhan avaient été de ceux à défendre la paix. Mais pour autant, ils ne se faisaient nulle illusion. La paix ne semblait pas faites pour eux, pas pour leur peuple qui n’avait eu de cesse de se faire déchirer que ce soit par des cataclysmes déitiques ou magiques, que ce soit par des mélomanes ayant répondu à l’aphrodisiaque du pouvoir ou que ce soit simplement par des querelles intestines de territoire. Mais tous deux souhaitaient tenter d’apporter aux leurs effectivement quelques brins de paix, d’accalmie du moins, de stabilité si possible, pour pouvoir se reconstruire un tant soit peu.

Ilhan se contenta de sourire à la réponse de son presque-frère, savourant leur accolade. Lui qui antan aimait peu les contacts physiques trop prononcés, avait appris à les apprécier, que Néant bénisse Naal. Et Autone aussi. Tous deux avaient su lui redonner confiance en ces contacts humains et en la chaleur qu’ils apportaient.

Mais l’heure de l’aventure avait sonné. Et rien qu’à cette idée, il en frissonnait. Le voyage fut court, mais intense, et Ilhan en savoura, comme à chaque fois, la belle magie. Certes, il ne se laissa pas aller à la tentation d’y goûter, même si l’envie restait bien présente. Et quand enfin la magie d’Olöréa s’apaisa et qu’ils arrivèrent en ces lieux, le premier geste d’Ilhan fut de remercier sa compagne d’une petite caresse, un discret ronronnement fatigué lui répondant. Olöréa devait maintenant se reposer, et Ilhan la laissa se lover plus confortablement au fond de sa sacoche sans fond.

Puis, seulement quand il fut rassuré quant à l’état d’Olorëa, Ilhan releva les yeux et observa l’étrange environnement qui les accueillait. Ils semblaient avoir atterri dans une forêt déroutante, qui chantait l’automne, malgré ses couleurs surréalistes de violacés chatoyants et sa brume ouatée qui leur chatouillait les chevilles. Les arbres aux silhouettes déformées et presque mystiques tendaient leurs branches griffues vers eux, comme voulant les happer, fantômes d’outre-monde aux allures voraces. Silence sans vie semblait seul leur répondre. L’althaïen hésitait alors entre émerveillement et appréhension, tant cette forêt aux allures magnifiques contenait des notes angoissantes. Angoisse renforcée par un sifflement se faisant entendre au loin. Un sifflement qu’Ilhan reconnut finalement comme devant être celui des chimères. Tel ce sifflement qui avait déjà résonné en son esprit, quand les chimères qui avaient tenté de le posséder l’avaient quitté… Cette fois, un frisson glacé courut le long de son échine et manqua le figer en statue de glace.

Était-ce réellement une bonne idée ? Oui. Et non. Mais ce voyage était nécessaire. Utile du moins. S’ils ne les apercevaient pas, rien qu’à entendre ce sifflement, ils pouvaient déjà avoir la confirmation que, malheureusement, les chimères existaient encore et erraient dans ce monde. Elles semblaient de nouveau y être enfermées, mais pour combien de temps ? Pourraient-ils alors trouver comment elles restaient enfermées en ce lieu, et surtout quel rôle le lien jouait-il pour les délivrer potentiellement de leur prison ? Et les chimères étaient-elles loin ? Allaient-elles les attaquer ? Pour tout avouer, l’althaïen se demandait pourquoi ils n’en voyaient pas autour d’eux, alors que si les chimères régnaient en ces lieux… Sans doute auraient-ils dû déjà être menacés ? Ilhan jeta un regard sombre empli de lourds questionnements et d’une certaine crainte vers son presque-frère, à qui il serra la main en un geste fugace.

Elles ne sont sans doute pas loin, chuchota-t-il à l’adresse de Belethar.

Inutiles de préciser qui était ce "elles".

Restons prudents.

Mots de précaution sans doute bien superflus. Tous leurs sens étaient déjà aux aguets. Puis, en un geste silencieux, il l’enjoignit à avancer. Toutefois ils n’avaient pas fait un pas, qu'un vrombissement se mit à résonner non loin, faisant vibrer l’air de ces dysharmonies. Et soudain, une créature de métal apparut devant eux, un étrange bâton dans les pinces. Aussitôt, cette image raviva le souvenir de leur rencontre avec la quatrième Couronne. Différente par de nombreux aspects, cette créature lui rappelait tout de même fortement les créations métalliques animées qu’ils avaient pu rencontrer dans les sous-sols de Calastin et dans la forge antique Graärh. En était-elle issue ?

Il n’eut guère le temps de lui poser la question, qu’elle tendit son bâton, arme ?, sur eux. Comme les.. sondant ? l’un après l’autre. Des parasites créant des interférences ? À ces mots, quelque peu insultants songea-t-il à part lui, Ilhan haussa un sourcil, marquant par ce simple geste toute sa dédaigneuse surprise. La créature s’apprêtait à reprendre son chemin en les ignorant royalement quand elle reporta son attention sur eux… Pas pour le plus grand bien toutefois, alors que brusquement elle les menaça de son outil. Oui, au vu de son vocabulaire, il devait s’agir d’une création Graärh du même acabit que celle d’Udyog. Noyaux de commandes, vider la corbeille… Seules les forges du Graärh auraient pu porter de tels mots. Mais par tous les dieux, que signifiait tout ceci exactement ? Même si la menace était assez claire en soi "ne bougez pas ou j’attaque". Toutefois, cette créature lui semblait bien peu menaçante alors, oui bien faible menace comparée à celle des chimères qui sifflaient non loin. Et l’althaïen ne répondit alors que par un autre haussement de sourcil, sans toutefois bouger d’un iota. Restant sur le qui-vive.

Quand soudain le bâton vola sur Belethar. Ilhan dans un geste réflexe créa un mur de force de pure énergie devant eux et le bâton s’y percuta de plein fouet avant de se faire expulser plus loin. Ilhan se tourna alors vers Belethar, qui semblait lui aussi avoir agi par réflexe et s’enquit d’une voix faussement tranquille :

Tout va bien ?

Puis, il ajouta d’une voix taquine :

Chimère alors ?

Et un léger rire, à la fois amusé et nerveux, lui échappa. Puis, reprenant rapidement son sérieux :

Méfions-nous. Elle a semblé appeler un… lié ?

Pourtant elle n'avait en rien l'apparence d'un dragon ou d'un bipède. Et à sa connaissance... seuls les dragons et les bipèdes pouvaient se lier, non ?

Elle n’est en tout cas apparemment pas seule. Sans compter les chimères qui rôdent. Son lié est-il justement l’une d’entre elles ? Non… J’en doute.

Ilhan réfléchissait tout haut, posant ses questions autant à Belethar qu’à lui-même. Puis il s’approcha de l’outil qu'avait porté la créature et qui gisait non loin, et l’examina avec attention. Quand il fut assuré qu’aucune blessure ne l’attendait au tournant, il s’en saisit pour mieux l’observer. Son œil achoppa alors, dans la direction vers laquelle était partie la créature, de hautes murailles. Était-ce… Serait-ce… la cité des Dieux dont certains contes en chantaient les légendes ?

Il les montra alors du doigt à son presque-frère.

Y allons-nous ? Peut-être les réponses à nos questions ont-elles des chances d’y être… Cela ou… peut-être autre chose. Même si nous devrions rester sur nos gardes, si jamais ce... "lié" est là bas aussi.

Et en tout cas, cette direction les éloignerait des sifflements menaçants...

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Belethar cligna donc des yeux quand ils arrivèrent dans le monde astral, lui-même surpris par ce qu’il vit : loin de l’idée de ce qu’il s’en faisait, la forêt ne ressemblait à aucune autre forêt que le baptistrel avait explorée jusqu’à présent. Les arbres étaient hétéroclites, les couleurs principalement violettes, et de la brume était partout au sol, comme s’ils avaient perdu leurs pieds pour flotter en lévitation dans cet environnement surnaturel.

Définitivement, une myriade de sentiments traversa Belethar : il avait l’impression de se retrouver dans une de ces peintures féeriques que faisaient certains de ses collègues ou élèves au Domaine, tant les paysages lui paraissaient surprenants … Ou alors à l’intérieur d’un coucher de soleil, car à y réfléchir plus longtemps, s’ils existaient des mondes à explorer au sein des nuages, Belethar imaginait totalement ceci … Ou bien, cela ressemblait également à peu près à ce que disaient certains élèves et collègues baptistrels un peu trop insouciants quand ils mangeaient des champignons “trouveurs d’insipirations”, qui les conduisaient toujours à être dans des états … Particuliers.

Comme pour mettre fin à ses premières découvertes chatoyantes, aux sonorités calmes et qui étaient venues jouer dans les oreilles de Belethar la mélodie de la curiosité, une seconde impression nettement plus agressive au son cette fois-ci nettement plus singulier empli les oreilles de Belethar. Un sifflement bien connu, qu’il reconnaîtrait entre milles sans même avoir son don d’oreille absolue. Le cri des Chimères, qui semblait venir de nulle part et partout à la fois.

Son presque-frère le regarda d’un air grave, et lui témoigna de son inquiétude. En réponse à cela, Belethar empoigna sa main, et traça silencieusement avec son pouce des traits invisibles dans la paume d’Ilhan, pouvant s’apparenter aux sensations que cela faisait de se faire tatouer par Néant. Belethar n’était pas un homme réellement très très pieu comme l’était Naal, mais dû à sa nouvelle condition, l’Espérancieux avait quelques rapports … Particuliers avec le Dieu Unique. Il était de ceux qui comprenaient le Vide, et qui sauraient trouver un chemin auprès de lui. Aussi, Belethar n’eut pas besoin d’en dire plus pour expliquer son geste. Même si Ilhan était à nouveau perdu et en proie à la possession d’une Chimère, son esprit au milieu d’une terre de désolation, Belethar stimulait sa foi pour qu’il reprenne espoir, et lui fit un témoignage muet qu’il serait là pour le protéger, quoi qu’il en coûte.

Ainsi débuta l’exploration, mais bien vite un autre son vint perturber l’exploration, qui prit la forme d’un grand vrombissement qui provoqua de légers acouphènes dans la tête de Belethar. L’Espérancieux baissa sa tête et fit une grimace : il sentait la Trame se tordre de lui d’une façon très peu naturelle, et il n’aimait pas ça. Il ferma brièvement les yeux, et là vint à eux une petite araignée de métal toute jaune, qui ressemblait fortement à une de ces machines que son presque-frère et lui avaient croisé dans les souterrains de Calastin …

Belethar fronça les sourcils, curieux, et baissa sa tête pour l’observer de plus près. Mais l’araignée semblait en mission : elle agitait un bâton sur chaque arbre, et bientôt elle passa vers Ilhan et le baptistrel de néant.

Quand elle s’approcha d’elle, Belethar tenta une approche, peu farouche avec les formes de vies étranges :

“Bonjour gentille créature ! Peut-être pourrais-tu nous orienter, sommes-nous bi…”

Le baptistrel n’eut pas le temps de finir sa phrase, que déjà l’araignée parti, émettant un constat de sa voix mécanique :

“Non plus, sans intérêt. Quelques parasites doivent créer des interférences”

Belethar pencha la tête vers la droite, jetant un regard d’incompréhension vers son presque-frère : il n’avait pas été si désagréable que cela pourtant ? Mais il constata qu’Ilhan était dans la même incompréhension que lui.

A vrai dire, il y eut bien une réaction de l’araignée, mais celle-ci se fit avec quelques secondes de retard, comme s’ils devaient patienter pour avoir droit à son attention. Elle revint sur ses pas, traînant ses petites pattes vers eux. Une fois qu’elle fut revenue vers eux Belethar fit :

“Ah ! Donc, brave créature, je disais, sauriez-vous où…”

Mais là encore, c’était peine perdue, car aussitôt que Belethar plaça deux ou trois mots, celle-ci l'interrompit au quasi tac-o-tac :

“Ah ! Plus un geste où je vous purge de ces noyaux de commandes dont vous avez pris possession et je vide la corbeille !"

Belethar qui ne bougeait pas de toute façon, resta coi, et après un silence de quelques secondes, l’araignée jeta son outil à la tête du baptistrel. L’Espérancieux cligna des yeux, et s’apprêta à riposter. Néanmoins, son presque-frère fut plus rapide : aussitôt que l’araignée avait son geste, qu’un mur de force qui renvoya le bâton au loin vint le protéger. Puis l’araignée fuya, scandant à son “Lié” que les chimères attaquaient.

Le baptistrel du Néant eut un petit rire nerveux qui lui monta. Il fit à Ilhan, qui plaisanta avec lui au sujet de cet événement :

“J’ai peut-être les mêmes affinités que Eird, mais je n’en ai pas encore les plumes !”

La petite troupe déjà un peu plus amusée repris route, et Belethar hocha la tête quand Ilhan disait qu’il fallait rester prudent. Quand vinrent les questions de son presque-frère, l’Espérancieux fit un petit clin d’œil, et lui répondit :

“Crois-moi que si dragon il y a, je pense que nous en saurons rapidement informer.” fit-il, en soulevant sa main dans laquelle se trouvait Pupillam nichée dans un de ses doigts. Sa bague avait en effet une certaine … Connexion avec les dragons, dû à l’antique passé des Espérancieux.

Le Baptistrel suivit de près Ilhan, qui alla récupérer le bâton que la créature avait laissé là, avant de se tourner vers les hautes murailles et de lui poser la grande question : devaient-ils aller explorer ce lieu qui semblait leur tendre les bras, malgré cette ambiance sordide qui régnait en ces lieux.

Belethar eut un regard coquin vers son presque-frère et lui répondit, de sa voix atone :

« Tu sais, je n’ai jamais dit non à une exploration. Nous sommes venus là pour ça, non ? Ne t’inquiète pas, nous ferons attention. Je suis là pour te protéger, mon presque-frère … Et inversement. »

Le baptistrel eut un petit sourire. Il avait ajouté les deux derniers mots de sa phrase pour plaisanter au sujet de ce qui venait d’arriver. Il avança ensuite d’un pas décidé vers cette cité. Ils durent marcher quelques minutes, mais pas beaucoup plus : les distances semblaient comme artificielles dans l’esprit de Belethar, au sein de cet endroit. Ils passèrent le gigantesque mur d’enceinte par une porte qui s’ouvrit une fois qu’ils furent devant … Cela fit cligner des yeux à L’Espérancieux mais cela ne l’étonna pas plus que cela.

Ils découvrirent ainsi une cité entre ruines et bâtiments élaborés laissés à l’abandon aux couleurs multiples. Belethar la regarda, intéressé. Il se demanda ce qui avait pu arriver pour que la cité se retrouva dans cet état, et surtout qui avait bien pu être l’architecte qui avait conçu tout cela : était-ce les Déesses, son Dieu, ou bien des Esprits-liés ? Toutes les édifices avaient une forme de très grande maison, et étaient installées dans des endroits si particuliers, que Belethar ne pouvait croire au fait que d’autres personnes que les Divins auraient pu construire de telles bâtisses. Que ce soit au milieu de falaises abruptes, de collines, ou d’un lac, chacune des édifices avait sa signature particulière … Non sans rappeler le symbolisme des déesses et de son dieu. Les endroits semblaient chargés d’histoires, et si Belethar eut envie de tous les visiter, il n’en fit rien pour l’instant.

Parmi toutes ces édifices qui étaient à l’intérieur de ce gigantesque mur d’enceinte, que Belethar voyait lui aussi comme une vraie prouesse architecturale, des ruines situées un peu à l’écart attirèrent l’attention de Belethar … Mais aussi celle de sa bague, qui se mit doucement à vibrer. Interpellé, L’Espérancieux désigna le bâtiment d’un doigt, et fit à son Presque-frère :

« Mon instinct me dit que nous devrions entrer ici. »

Alliant gestes et paroles, Belethar s’y dirigea, et à sa grande surprise, il y régnait une grande quiétude. Comme si tout avait été détruit il y a fort longtemps, à l’inverse des autres bâtiments qui semblaient peu à peu tomber à l’abandon … L’Espérancieux passa quelques morceaux de pierres, disposées un peu partout, puis finit par se trouver devant … Un tas de bric-à-brac étrange, moult objets magiques ou pas étaient posés là en vrac, comme si celui qui avait posé ça là n’avait pas eu la patience d’aller plus loin.

Belethar se fia à nouveau sa bague qui semblait réagir quant à ce tas, vibrant plus ou moins fort en fonction de ce qu’il touchait. Puis … il la pointa vers un objet parmi les autres, qui était délicatement posé sur un piédestal. L’Espérancieux observa l’objet un instant, et le pris dans sa main : c’était un disque de métal étrange, noir comme la nuit mais ayant sur sa surface des formes argentées rappelant les tatouages qu’il avait sur son bras. A son contact, Belethar se sentait comme … Stimulé. Dans ce monde où un silence terne régnait, cet objet jouait de douces notes créatrices dans les oreilles du baptistrel aguerri qu’était Belethar. Quand il passa sa main dessus, il pouvait presque voir ses tatouages bouger … Comme s’ils dansaient au rythme du son pur que produisait le passage délicat de la main de l’Espérancieux.

Belethar, complètement absorbé par cette découverte, pris cet objet qu’il devina comme un instrument, et commença à tapoter dessus doucement, comme il le ferait pour une percussion. Un son tout à fait clair et cristallin en sorti : c’était étrange. Contrairement aux notes basses, pour battre le rythme que produisait un tambour classique … Celui-ci semblait plus fin, aigu, et surtout, il s’en dégageait une impression de pureté sans pareil : comme si Belethar tenait une petite partie de l’essence de la création à l’état brut, comme le dictait les préceptes de Néant, entre ces mains.

Après avoir joué trois ou quatre notes, Belethar sursauta : quel sot il était, à jouer comme cela et à briser le silence religieux de cet endroit, il allait attirer l’attention sur eux !

Le Baptistrel secoua sa tête de droite à gauche, et garda l’objet entre ses mains. Il fit à son presque-frère qui l’avait suivi, confus :

« Je … Je suis désolé. Je ne sais pas ce qu’il m’a pris. Je n’ai jamais entendu de telles sonorités… Alors j’ai joué … Et puis voilà. »

Tâchant de reprendre contenance, Belethar montra à nouveau sa bague à Ilhan, et lui fit :

« En tout cas, je crois qu’il y a bien un dragon ici … Je ne pourrais pas croire que ma bague m’aurait guidé à cet instrument sans sa bénédiction qui veille sur notre famille … Mais tu sais … Selon la légende … Ce ne sont pas les dragons liés qui nous protègent … Mais bien les dragons libres. »

Belethar avala sa salive. Il ne restait pas de nombreux dragons libres vivants, sur leur plan de l’existence. Alors, à quoi allaient-ils être confrontés … ?

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« Liés ! Les Chimères nous attaquent ! »

Le rouge leva le museau en entendant les mots de Dwëmmer résonner dans son esprit. Comment ça les chimères attaquaient ? Comment le pouvaient-elles seulement ? La barrière était toujours en activité, il leur était impossible de la franchir sans une enveloppe physique. Et une enveloppe physique c’est justement ce qui leur manquait. Sans attendre, l’enfant de l’orage usa de sa magie, l’araignée mécanique s’engouffra dans le morceau d’ombre qu’il avait attaché à elle. L’artefact graärh apparut un instant plus tard aux côtés du rouge.

« Soit plus clair Dwëmmer. Comment le pourraient-elles ? Elles ne peuvent franchir la barrière sans corps. »

« Elle est détraquée. Elle a surement dû se cogner à un arbre. »

« Mes capteurs fonctionnent et me permettent d’éviter tout obstacle comme de reconnaitre mon environnement ! Un corps justement elles en ont ! J’ai vu deux humains alors que je cherchais la frontière de la barrière que nous avons perdue à cause de ses indications imprécises ! »

Dwëmmer pointa de la mandibule Ther’Zhi qui se tenait justement près d’elle.

« Des bipèdes ? Vraiment ? Comment pourraient-ils arriver jusqu’ici ? Ils en sont incapables. »

« Exactement. Ils en sont incapables. Mais je préfère éviter de prendre un risque et vérifier. A l’inverse de toi, Dwëmmer a ma confiance. »

L’araignée mécanique prit une posture fière et hautaine à l’adresse du legs du Tyran.

« Soit. Je vous laisse à vos divagations. »

L’albinos disparut en jetant un regard mauvais à l’adresse de la création graärh.

« Je vais aller vérifier. Toi, surveille-le. »

Dwëmmer opina du chef et prit la direction des ruines du palais de Néant alors que Verith étendait ses ailes pour prendre son envol en direction de hauteurs du mur d’enceinte. De là-haut il verrait bien si les chimères attaquent ou non.

*** Quelques minutes plus tard ***

Dwëmmer se tenait non loin de Ther’Zhi, lui-même adossé à un pilier en ruine tenant encore debout par miracle.

« Verith ne trouvera pas de Chimères. Tu lui fais perdre du temps. »

« Je sais ce que j’ai vu. Il me fait confiance. »

« Je sais bien. Je comptais justement dessus. »

Un sourire malicieux apparut sur les lèvres du Tyran qui fit basculer le pilier, ce dernier venant s’effondrer sur l’araignée mécanique avant qu’elle ne puisse réagir.

« Tu aurais dû vérifier la porte au lieu de me suivre. »

Cette gênante bestiole temporairement neutralisée, il était à présent temps pour l’albinos de s’occuper de ces deux fameux visiteurs du plan astral tant que le regard du rouge était braqué ailleurs. Sans plus attendre, il prit la direction du palais de Néant.

*** Plus tard au palais de Néant ***

L’albinos arriva d’un pas aérien à l’entrée de l’enceinte de la résidence en ruine de celui dont il avait volé le cœur. Il serait cependant plus correct de dire qu’il s’agissait de sa résidence maintenant. Devenu un dieu, le cœur de Néant trônant fièrement au sommet de sa collection, ce lieu lui revenait de droit. Le sourire aux lèvres à l’idée de voir cette même collection s’agrandir, celui-ci commença cependant à étioler en entendant un son familier. Il ne pouvait y avoir de doute, entre mille il saurait reconnaitre l’instrument duquel provenaient ces notes, quand bien même l’actuel musicien n’égalait pas son talent.

Entre les ruines, deux silhouettes finirent par apparaitre aux yeux du Tyran. Ce dernier revêtirait bien entendu une apparence différente pour les deux jeunes hommes. Une femme rousse pour le premier (Autone). Une femme à la chevelure aussi sombre que la nuit pour l’autre (Danalieth). Ther’Zhi n’eut aucun mal à reconnaitre l’individu qui tenait entre ses mains Xacuetz. Bon, il ne le connaissait pas personnellement, mais il reconnaissait ce qu’il était : un baptistrel. Et pas des moindres puisqu’il était lié à un élément bien singulier : le néant. Voilà qui promettait d’être intéressant. Ther’Zhi claqua des mains, le bruit venant résonner bruyamment dans les ruines du palais de Néant.

« Bienvenu ! Appréciez-vous la visite ? Contempler l’orgueil déchu de divinité décadente est un spectacle unique auquel seuls de rares privilégiés peuvent assister. »

Ther’Zhi s’approchait lentement en direction des deux hommes, les mains en évidence.

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Oui, se protéger mutuellement. Comme ils l’avaient si souvent fait l’un envers l’autre, toutes ces années durant. Ilhan se contenta d’acquiescer en silence d’un simple signe de tête et le suivit dans la cité. Son coeur s’envola, enivré, face à cette majestueuse beauté, et ses sens althaïens s’émerveillèrent, exaltés, devant ces édifices d’un temps passé. Il n’osait toucher ce qu’il voyait, peinant à y croire pleinement, tel un rêve éveillé qui trompait leurs sens, à la fois par crainte et par respect. Il sentait l’essence divine pulser en ces lieux. L’essence des Dieux. L’essence de leurs grands frères, à eux, Sainnûrs ? Ces êtres aux veinules d’or, dont ils jouissaient de l’oeuvre dans toute sa magnificence en cet instant, leur offraient-ils là un ultime cadeau à lui, être aux veinules de cuivre, et à son presque-frère, comme leur montrant le chemin ?

Il laissa Belethar s’emparer de ce qui semblait au final un instrument, continuant quant à lui à admirer sans retenue ces lieux de magie qui lui ouvraient les bras. Il sentait la magie vibrer, la trame miroiter, plus que jamais il ne l’avait vue encore. Et il avait la folle envie de s’y laisser baigner, de flotter là, pour toujours et à jamais. De goûter ces mets tentateurs, sans aucune retenue. Pour autant, ils n’étaient qu’êtres éphémères en ces lieux d’éternité et n’étaient pas destinés à y rester. Et non, magie ne pouvait être dévorée par simple caprice et envie d'un petit Sainnûr affamé. Une autre mission les attendait, et un autre monde à lui les rappellerait. Une étrange lutte s’immisça alors en lui pour ne pas céder à l’enivrante tentation.

Ce fut presque dans un sursaut qu’il entendit soudain son presque-frère tirer un son, tel un cristal pur chantant sa mélodie, de l’étrange objet qu’il avait trouvé. Son coeur d'immaculé vibra de concert avec les quelques notes. Pure harmonie des sens. Qui ne fit que raviver la magie du lieu dans toute sa puissance.

Ce fut presque à regret que les notes cessèrent.

C’était de toute beauté, mon frère.

Au mot dragon, ses yeux se plissèrent. Protégés par les dragons libres, il voulait bien le croire. Et à ces quelques mots, il envoya une pensée fugace à Shyven, quand bien même elle ne pouvait l’entendre, dans ces mondes qui les séparaient. Shyven… Voilà bien un instant qu’il aurait aimé partager avec elle.

Soudain, un bruit sourd et mat, puissant, dont l’écho rugit non loin, le tira de ses pensées et mit totalement en alerte le petit althaïen. Qu’était-ce que cela ? Une attaque ? On aurait dit quelque chose chutant lourdement. Les bâtiments pouvaient-ils s’écrouler ? Ils étaient après tout en ruines et fort délabrés…

Méfions-nous, chuchota-t-il à l’adresse de Belethar.

À peine ces mots voletèrent-ils dans l’air, que des claquements de mains se firent entendre. Ilhan fit aussitôt volteface pour voir une silhouette se dessiner. Et quelle silhouette ! Sa femme ? Ici ? En ces lieux ? Il retint à temps le geste d'aller à sa rencontrer pour l'enlacer et s'inquiéter de sa présence. C'était un lieu dangereux, pourquoi l'avait-elle suivi ? Mais non, lui cria aussitôt ses sens et surtout sa pythie, lui permettant de s’ancrer dans le présent et de percer la funeste illusion, ce n'était pas sa femme ! Ce qui fut bien vite confirmé par les quelques mots prononcés. Jamais Autone n'aurait dit cela. Il dut toutefois faire appel à toute sa concentration et aux pouvoirs de sa pythie pour parvenir à voir la véritable apparence de l’être qui avançait vers eux. Il n’en perçut d’ailleurs pas les traits avec précision, seulement l’apparence, fugace, d’un bipède albinos. Albinos… Cela était rare. Peu commun. Et que venait faire un bipède en ces lieux ? Y appartenait-il ? Ou était-il un visiteur comme eux ? Et surtout, que leur voulait-il ?

Ilhan se laissa alors porter par les sens de Tela et perçut, vaguement, un nom qui souffla son haleine glacée dans son esprit. Le Tyran blanc ! Non… Non, pas le Tyran blanc. Pas tout à fait. Ce nom le traversa pour s’envoler comme il était venu et un autre se murmura. Ther’Zhi. Ther’Zhi ? Il ne connaissait pas de Ther’Zhi. En tout cas, la créature transpirait la magie. Elle en vibrait même. D'une puissante magie. Et ses pensées chuchotaient en écho lointain le nom du Tyran Blanc. Méfiance rugit alors ses droits et mit tous les sens de l’althaïen en alerte. D’un geste discret il signa le mot "Illusion", espérant que Belethar se rappellerait suffisamment les quelques notions de langue des signes qu’il lui avait montré pour comprendre ce mot. Bien que sans doute ses sens de Baptistrel devaient déjà révéler la véritable nature de l'être devant eux.

Voilà un accueil bien chaleureux qui éclaire plus encore notre journée, répondit alors Ilhan, d’une voix grave et profonde, non sans ironie.

Se disant, il offrit un sourire énigmatique à l’inconnu.

Je vous aurais bien tendu les bras pour vous serrer sur mon coeur et m’enivrer de votre présence en ces lieux avec nous… si seulement vous étiez vraiment ce que vous vouliez nous faire croire. Votre illusion est fort intéressante, mais comme toute illusion elle s’étiole plus vite que les fleurs au vent. Daigneriez-vous nous révéler votre véritable apparence ?

Un autre sourire, cette fois teinté d’une nuance moqueuse.

À moins que vous soyez si laid que vous n’osiez vous montrer à nous tel que vous êtes… Ther’Zhi ? Le Blanc vous siérait pourtant bien mieux que le roux, il me semble.  

Une chose lui semblait facile en tout cas à deviner. Qui que ce soit cette créature, elle avait beau se moquer de l’orgueil des Dieux défunts, elle en était pourvue tout autant, si ce n’est plus.

Et que nous vaut l’honneur de votre rencontre ?

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Il ne fallut pas plus de quelques instants après ces dernières paroles pour que de nouvelles choses arrivent au duo qui explorait ce plan inconnu de leur existence. A peine son presque-frère eut-il le temps de complimenter Belethar, que déjà ils entendirent un nouveau bruit assourdissant qui paraissait assez proches d’eux.

Là encore, Ilhan eut à peine le temps de dire au baptistrel de se méfier qu’un nouveau bruit de grand claquement de mains. Le duo se tourna, et si Ilhan sembla à première vue charmé par la rencontre qu’il venait de faire, Belethar était pour le moins … Circonspect.

La personne qui s’était présentée en ces lieux avait en tout point l’apparence de Danalieth, la reine Karapt que l’Espérancieux avait eu tout le loisir de fréquenter – peut-être même un peu trop, diraient certains esprits moqueurs – lors de ses quelques voyages au canyon de ces créatures étranges de Néthéril. La Reine était certes d’une bonne compagnie, et s’était montré accueillante une fois que tous doutes fut levé sur la présence des baptistrels chez elle, mais de là à les suivre jusqu’ici … Comment avait-elle pu retrouvé la trace de Belethar alors que celui-ci n’avait même plus Nasod avec lui ?

En vérité, il ne fallut pas plus de quelques instants, au même moment où Ilhan signa à Belethar qu’il s’agissait probablement d’une illusion, pour percer le mystère un jour. Penchez-vous un peu sur les vibrations baptistrales de ladite personne, et vous y trouverez de nombreuses informations, mais certainement pas le fait qu’il s’agissait de Danalieth, mais plutôt d’une empreinte similaire à une entité bien connue du monde d’Ambarhùna, et un peu moins de Tiamaranta : Le Tyran Blanc.

Cette découverte glaça un brin le sang de Belethar, qui fit tout de suite un pas en arrière, sachant le rapport particulier qu’entretenait Vraorg avec le dieu auquel le baptistrel était lié. Il ne s’agissait toutefois pas vraiment, de Vraorg, mais comme une sorte de réincarnation de lui-même, qui se manifestait dans cette créature. Allons, Mort n’avait-elle pas bien fait son travail de son vivant en l’envoyant dans la roue de la réincarnation comme toutes les autres âmes ?

Belethar fronça les sourcils, et leva les yeux au ciel : sot qu’il était, après tout, ils étaient dans un plan tout à fait éloigner de leur existence, et battaient le pavé dans le palais des dieux. Il aurait pu être tout à fait crédible de se trouver né à né avec un être se voulant comme un Dieu, précisément.

Ilhan ne laissa pas plus le loisir que cela à la créature de baratiner, révélant tout de suite sa vraie nature, et son vrai nom, qu’il semblait avoir senti comme lui. Belethar arqua un sourcil : au moins, la créature n’était a priori pas là pour se battre dans la mesure où il aurait déjà probablement sauter sur eux sans préavis si telle était son intention. Après tout, ce « Ther’Zhi » derrière qui se cachait une réincarnation du Tyran Blanc, devait être au moins aussi puissant que lui.

Belethar essaya donc de ne pas trop s’affoler, et plutôt que d’être agressif, essaya une approche pacifique tout en jetant des coups d’œil régulier à son presque-frère cependant : il ignorait si la magie pouvait être opérante ici, mais il aurait certainement besoin d’elle si la situation venait à devenir plus problématique.

L’Espérancieux caressa son nouvel instrument, et fit une fois que Ilhan eut terminé de parler au-dit Ther’Zhi :

« Puisque vous semblez vouloir nous accueillir, alors pourquoi ne répondriez vous pas à deux ou trois questions que je me pose quant à ce lieu … ? »

Question rhétorique, puisque Belethar comptait bien les lui poser. Ses paroles vaudraient ce qu’elles vaudraient, dans la mesure où l’incarnation face à eux était une réincarnation d’une créature maléfique, mais peut-être que justement lui en savait plus qu’eux quant à ce lieu :

« Si vous êtes vraiment ce que les vibrations semblent me dire, alors je me permettrai de parler sans détours. Mon nom est Belethar Espérancieux, héritier de l’Ami, Valahar Espérancieux, que vous connaissez peut-être. » Fit Belethar en montrant sa bague. Une fois que les présentations furent faites, il poursuivit :

« Vous avez évoqué les divinités, alors même que nous sommes au milieu de constructions gigantesques : sont-ce des ruines de ce que furent autrefois des palais dédiés à eux ? Est-ce leurs morts qui ont causé l’abandon de ces structures ? »

L’Espérancieux cligna des yeux, d’un air interloqué. Au-delà de tous jugements sur le fait que ce-dit Ther’Zhi ne semblait pas porter les divinités en son cœur – ce qui relevait tout de même d’une certaine dose d’hypocrisie quand n’importe qui savait d’où les pouvoirs du Tyran Blanc étaient venues, à savoir des dieux, et particulièrement de Néant –, Belethar était sincèrement curieux de trouver quelqu’un à même de lui conter ce qu’était ce lieu autrefois : il avait une certaine curiosité à la fois de Gardien Baptistrel, mais aussi d’architecte qui était admiratif de telles prouesses.

L’Espérancieux tendit ensuite très légèrement l’instrument qu’il venait de récupérer, en gardant ses deux mains fermement accrochées dessus :

« Cet instrument est particulier. Je l’ai senti, rien qu’en ne jouant quelques notes avec lui. Savez-vous ce qu’il est vraiment ? Un reliquat de Néant, peut-être ? »

Là encore, Belethar se basa sur ses dernières impressions afin de faire une petite conversation. Il ne quitta cependant pas du regard la créature en face de son presque-frère et lui : s’il avait exposé l’instrument à ses yeux, ce n’était certainement pas pour qu’il le récupère – surtout maintenant que le gardien baptistrel savait ce que la créature dégageait –.

En chien de faïence, L’Espérancieux attendit donc une réponse, prêt à réagir si une quelconque action était attenté envers lui ou envers Ilhan.

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D’une posture noble, suffisante, supérieure, le legs du plus grand adversaire des dieux observait deux êtres mortels se tenant dans les ruines du divin néant dont le cœur était encore et toujours en possession du corrupteur. Apparaissant pour chacun sous des traits différents, Ther’Zhi s’approchait d’un pas aérien. La surprise qu’entraina sa soudaine apparition ne tarda pas à laisser place à la méfiance. Voilà des humains rodés par les épreuves, ou un tout du moins. Les lèvres de l’apparition se fendirent d’un sourire arrogant.

« Ne comparez pas ma magie aux vulgaires tours de passe-passe dont vos espèces ont été dotées. Pour les êtres élevés, l’apparence n’est plus que pure futilité. Le fiel et le miel s’écoulant de vos bouches ne sauraient vous aider. »

Ther’Zhi joignit ses mains derrière son dos, observant tour à tour, à moins que cela ne soit à la fois, les deux êtres face à lui.

« Je me demandais comment deux êtres aussi insignifiants avaient été en mesure de se rendre jusqu’ici. Quelle intrigante créature vous transportez avec vous. L’individu à l’origine de sa création aurait pu se montrer digne d’intérêt. »

Le Tyran continuait son approche lente et inéluctable, arrêtant son attention sur l’être transpirant l’énergie du néant.

« Comme si ton héritage passé pouvait t’être d’une quelconque aide ou d’une quelconque importance, chantevide. Tu n’es qu’un jouet, comme lui le fut. Quelle douce ironie de voir entre tes mains ce qui permit aux divins de créer le monde … et me permet d’orchestrer la chute de l’un d’entre eux. »

Le temps d’un clignement des yeux, Ther’Zhi se retrouvait déjà tout proche des deux ambarhuniens, ses bras tendus, mains posées sur leur torse. La sinistre magie du Tyran s’insinuait déjà en eux, enserrant leur cœur.

« Sans personne pour l’entretenir, ce lieu est sur le déclin. Mais il n’y a nulle inquiétude à avoir. Je ferais mienne la demeure de mes ennemis et vous aurez tout le loisir d’en balayer le sol. »

À peine le legs finissait-il ses paroles que quelque chose traversa sa projection magique, venant percuter de plein fouet les deux êtres de chair et de sang de l’autre côté.

« Je ne te laisserais pas leur prendre leur engrenage central ! »

Un bruit de fracas métallique se fit entendre alors que les pattes mécanisées de Dwëmmer battaient le sol, venant se remettre debout et droite après avoir poussé au sol les deux bipèdes pour les éloigner du Tyran, les empêcher de voir leurs cœurs volés. L’araignée de métal se fit aussi grande qu’elle le pouvant, levant ses pinces avant de les faire claquer furieusement.

« Ce n’est pas avec un pilier de pierre que tu m’empêcheras de réaliser ma mission. Lié m’a dit de te surveiller, tu n’échapperas pas à mes capteurs ! Et je ne te laisserais pas faire de mal à ces bipèdes. »

Un profond agacement et une profonde contrariété vinrent fendre le faciès d’Autone, aux yeux d’Ilhan, et de Danalieth, aux yeux de Belethar. Le legs du Tyran sembla extirper du vide une lame aux tons d’émeraude et de saphir de laquelle émanait la plus pure des malveillances.

« J’ignore comment Verith fait pour te supporter. Mais une chose est certaine, ni lui, ni moi, n’auront à continuer de le faire d’ici peu. »

Ther’Zhi dressa sa lame avec l’intention de l’abattre sur l’araignée effrontée, mais ne rencontra que le vide en lieu et place de cette dernière et des deux bipèdes.

Au sommet d’une muraille nimbée d’une énergie extraordinaire, une ombre apparut, éjectant deux formes humanoïdes et une arachnoïde. Face aux nouveaux arrivants se dressait un dragon aux écailles carmines et au regard réprobateur.

« Deux bipèdes, se promenant sur un plan qui n’est pas le leur, dont ils ignorent tout et face auquel ils ne sont pas préparés. J’espère que vous êtes content de vous. Vous auriez pu vous faire tuer, ou pire, car la mort est loin d’être le pire destin pouvant vous arriver. Comment êtes-vous arrivé ici ? Quand vous êtes-vous dit que cela pouvait être une bonne idée ?! »

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S’il s’était attendu à rencontrer des dangers en une telle expérience ? Oui, bien évidemment. S’il s’était attendu à revoir des chimères dans ce plan aux apparences maudites, sur les ruines d’un passé révolu et de puissances déchues ? Oui, tout autant. Mais le danger n’avait nullement pris les traits de chimères. Non, c’était un tout autre adversaire, un tout autre ancien ennemi, qui les accueillit. Et quel ennemi !

Et de l’entendre parler ainsi d’Olöréa manqua arracher des frissons à l’althaïen, qui parvint à réprimer cet instinct primaire de peur. Mais après tout, qui donc pouvait espérer cacher quoi que ce soit à un tel être doté d’une telle magie ? Et Ilhan pouvait avoir confiance en la méfiance de son inestimable amie portée dans les arts de la téléportation et des illusions, pour pouvoir fuir si danger devenait trop prégnant.

S’ils obtinrent des réponses de l’abjecte créature ? En quelque sorte. Du moins son presque-frère put obtenir quelques bribes d’informations éparses qu’il saurait bien ensuite reconstituer, avec l’aide des notes vibratoires, notamment concernant ce bel instrument qu’il avait trouvé. Une pure merveille de création, apparemment dotée de puissants pouvoirs. Malheureusement l’heure des réponses sonnait leur glas et déjà Ther’zi était sur eux, sans qu’ils n’aient eu le temps de réagir, comme aspirant leur magie. Ou leur coeur. Avant que la dureté du métal ne vienne les percuter de plein fouet et les écarter de cette emprise.

Après un douloureux spasme, ses muscles criant à l’infamie d’un tel traitement, Ilhan parvint à se redresser quelque peu, les sens en effervescence et la vue presque brouillée. Il dut secouer la tête pour chasser douleur et désagréable sensation, et parvint à reprendre prise sur le monde environnant et à recouvrer tous ses sens. Il aperçut alors ce qui les avait ainsi si brutalement foudroyés. Ou devrait-il dire sauvés ? La même étrange créature de métal, telle une araignée mécanique, qui les avait accueillis et menacés de son bâton tout en les traitant de chimères. Après les avoir presque menacés, voilà qu’elle voulait les protéger ? Quelle curieuse créature.

Mais Ilhan n’eut guère le temps de s’appesantir sur la question. Déjà Ther’zi levait une lame magnifique, mais aux éclats des plus dangereux, sur eux et la créature de métal. L’althaïen s’empressa d’attraper la main de son presque-frère, s’apprêtant d'un geste désespéré à dresser un piètre mur de force, qu'il n'était guère sûr de suffire face à la puissante et fourbe créature écho du Tyran Blanc. Toutefois, nulle magie ne put sortir de son geste, coupé qu’il fut en plein élan…

Et alors qu’il avait cru sa dernière heure arrivée, il se retrouva de nouveau projeté, sans considération aucune, et si sans violence, sans douceur non plus, sous une grande ombre. D’ordinaire les ombres étaient ses amies, ses complices, ses alliées de toujours. Mais cette ombre-là… cette ombre, il ne l’avait vue qu’une fois dans sa vie, mais il la reconnut sans peine sans même avoir besoin de relever les yeux. L’ombre de l’ire, qui transpirait de colère et d’exaspération. Nul besoin de Tela ni même d’être maitre baptistrel, pour ressentir l’atmosphère s’alourdir de tant d’ondes négatives. Et pourtant, cette ombre aussi exaspérée et agacée soit-elle, venait de les sauver. Du moins de les aider en leur évitant, si ce n’est la mort, du moins de graves blessures sans aucun doute irréversibles…

Il s’était attendu à rencontrer divers dangers, à revoir les sinistres chimères, oh oui… mais il ne s’était pas attendu à ce que ce voyage scelle sa deuxième rencontre avec le Feu de l’Ire.

Comment étaient-ils arrivés ici ? Ilhan porta une main dans sa besace où Olöréa se cachait, s’assurant également par ce geste qu’elle n’avait rien.

Quand s’étaient-ils dit que cette petite visite pouvait être une bonne idée ? Il y a longtemps déjà. Très longtemps. Ce voyage lui avait semblé crucial, important, à bien des égards. Trop de questions et de non-dits restaient en suspens. Selon lui, l’ignorance était l’arme la plus dangereuse de leurs ennemis. Et les peuples d’Ambarhùna et maintenant de Tiamaranta étaient restés bien trop longtemps dans l’ignorance. Ils avaient vu s’abattre sur eux des dangers auxquels ils n’étaient justement pas préparés, des conflits qui concernaient des puissances divines bien plus grandes qu’eux, et s'étaient pourtant retrouvés entrainés dans ces maelströms de destruction et de catastrophes, sans rien pouvoir faire d’autres que prier qu’une aide providentielle vienne les sauver. Ils avaient dû combattre des ennemis redoutables aux puissances incroyables et aux armes innommables, dont ils ne connaissaient rien, car on ne leur en avait jamais parlé, les laissant sciemment dans leur rance ignorance. Sous couvert de les protéger, leur avait-on dit souvent. Mensonge éhonté ! Ce silence et ces secrets n’avaient fait que les plonger de conflit en conflit, de guerre en guerre, de déchéance en déchéance, ils avaient fait couler larmes et sang et les avaient laissés au fond du gouffre, dépouillés de tout, ou presque, en exil, avec leur seule force d’âme pour reconstruire une vie.

Mais à quoi bon reconstruire si ces secrets éhontément gardés menaçaient encore de ramener ces dangers d’un autre temps, d’un autre monde, qui d’un claquement de doigts pourraient tout ravager ?

Ils avaient combattu les chimères et avaient réussi, in extremis, à les repousser. Mais à quel prix ? Et il n’était pas dit qu’elles ne reviendraient pas. Pour les combattre une bonne fois pour toutes, si jamais elles avaient l’idée de revenir, il fallait savoir, apprendre. Il fallait aller visiter le lieu où elles se terraient. Il fallait comprendre ce qui leur barrait la route vers leur monde. Il fallait comprendre en quoi le lien détruisait cette barrière et leur construisait un pont pour venir les envahir et les détruire. Le lien… Accusé de tous les tords, quand au fond il n’était qu’un instrument. Mais un instrument pouvait être accordé, n’est-il pas ? Pouvaient-ils alors accorder le Lien pour qu’il ne serve plus les sombres desseins de créatures assoiffées de pouvoir et de destructions ? Pouvaient-ils accorder le Lien pour qu'il ne serve plus que lui-même, sans être l'écho de catastrophes ni synonyme d'aliénation des âmes selon certains ?

Voilà tout ce qu’il aurait voulu répondre. Et tout ce qu’il tut. Réalisant finalement que toutes ses pensées avaient dû aisément être lues par le dragon. Si son propre esprit était assez puissant pour se fermer au commun des mortels, il n’était que poussière au vent face à la puissance mentale d’un être draconique. Un léger sourire désabusé effleura subrepticement ses lèvres pour disparaitre tout aussi vite, alors qu’il se relevait lourdement, courbaturé et plus qu’endolori à certains endroits, dont aux côtes, le souffle court et la tête basse. Il dut reprendre quelques secondes d’inspiration pour parvenir à répondre.

Nous savions que l’idée n’était en rien dénuée de dangers. Voire dotée d’une certaine folie. Mais nous cherchions des réponses. Trop longtemps le silence et le secret nous ont condamnés. Il est temps de lever les voiles de notre passé caché, pour parvenir à forger nos propres armes. Les Dieux nous ont protégés mais les Dieux sont morts. Les dragons nous ont sauvés, mais des dragons se meurent et les dragons pourraient décider de nous abandonner à notre sinistre sort. Il nous faut apprendre à nous défendre. Et pour cela, il nous faut savoir et apprendre.

Et son regard se tourna vers les barrières au loin qui semblaient tenir les chimères en respect.

Il nous faut comprendre.

De nouveau le souffle court, il ne put dire un mot de plus. Et s'il affronta le regard de braise du dragon, nul défit ne brillait dans ses orbes sombres. Juste une puissante détermination, même si une certaine appréhension imprégnait son coeur.

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Que de rebondissements pour les deux aventuriers, qui en ces quelques instants faisaient face à leur destin. Ilhan et Belethar étaient entrain de converser avec le leg du Tyran Blanc, et si les réponses n’étaient pas adressées sur un ton des plus cordiaux, loin s’en faut, le Chantevide eut toutefois quelques réponses sur une partie des choses qu’il se passait par ici, et sur leurs trouvailles, particulièrement sur cet instrument avec lequel Belethar avait tout de suite senti une sorte de … Connexion.

Une connexion qui s’expliquait par le fait que cet instrument était en fait un de ceux qui avaient « participé à la création du monde ». Un instrument de la création, qui était désormais entre les mains de Belethar, tout simplement. Celui-ci fut plus que surpris de cette information : il avait bien évidemment entendu parler de ce mythe de comme quoi, les déesses et Néant se seraient servi d’un orchestre pour créer le monde … Mais premièrement, il ne se serait jamais douté que tout cela était effectivement véritable – bien que nombre de choses finissaient par ne plus surprendre le baptistrel tant ce monde dans lequel il évoluait était rempli de surprises –  mais aussi et surtout, il n’aurait jamais pensé pouvoir toucher et jouer d’un tel instrument, comme le dieu qui l’avait choisi au travers de son influence lors de sa cérémonie d’intronisation.

Fallait-il y voir ici un message ? Rien n’était moins sûr pour Belethar. Mais hélas, celui-ci n’avait pas vraiment le temps de songer à tout cela, car en vérité, si le Tyran s’était montré « cordial » jusqu’à présent, il laissa par la suite parler son agressivité et s’approcha d’Ilhan et du baptistrel pour … Les vider de leur énergie ? Ou les tuer ? Belethar senti en tout cas que le Tyran avait une magie particulière, qui s’attaquait directement au cœur de ses adversaires.

Bien que pris de surprise, Belethar ne se laissa cependant pas faire. Bien mal en pris à celui qui voulait s’en prendre à un baptistrel, tout aussi puissant être soit-il. S’il restait une quelconque once de sacré en ces lieux en ruines, L’Espérancieux tâcherait de le ranimer. Prenant son courage à deux mains, Belethar chanta une ode à la gloire de Néant, dans le but d’atténuer le sortilège qui s’emparerait bientôt d’eux …

Cependant il n’eut pas vraiment le loisir d’aller jusqu’au bout des choses, car de l’extérieur, brisant une sorte de protection magique, la créature qu’ils avaient croisés un petit plus tôt auparavant dans leur aventure déboula de nulle part, et écrasa au passage les deux hommes, qui furent envoyés un peu plus loin dans les ruines.

Belethar, tout comme son presque-frère, eut du mal à encaisser le choc, se relevant péniblement après une telle charge – qui était d’ailleurs bien puissante pour une petite créature de la sorte –, et assista d’un air à la fois médusé et absent à ce qu’il se passait en face d’eux : la créature de métal s’exprima à nouveau dans une langue parfaitement compréhensible … Mais avec des expressions étranges, qui rappela étrangement à Belethar ce qu’ils avaient vécu dans la forge d’Udyogg.

Une information cruciale fut prononcée par la réincarnation du Tyran :

« J’ignore comment Verith fait pour te supporter. Mais une chose est certaine, ni lui, ni moi, n’auront à continuer de le faire d’ici peu. »

Verith, le dragon de l’ire était donc derrière tout ceci depuis le début ? Qu’est-ce que cela signifiait ? Et pourquoi ce vénérable dragon bien connu de l’archipel se déplaçait-il avec un leg du Tyran Blanc ? Tant de questions qui restèrent sans réponses pour l’heure car l’urgence de la situation était de sortir la créature mécanique de ce fâcheux conflit avec le Tyran Blanc.

Belethar sentit le regard d’Ilhan qui se posa sur lui, et vit son geste : lui aussi voulait se défendre. L’Espérancieux chanta lui aussi de plus belle pour peut-être réveiller quelques manifestations divines de Néant qui pourraient les aider dans le fait d’arrêter le Tyran Blanc … Mais malheureusement rien n’y fit et ils furent encore couper dans leurs élans, projeter une nouvelle fois vers une autre localisation, à travers une grande ombre.

Une ombre qui les « recrachaient », l’araignée mécanique, Ilhan et Belethar, au sommet d’une muraille dont l’énergie puissante donnait la chair de poule à l’Espérancieux rien qu’en posant le pied sur elle. Ils y trouvèrent là le gigantesque dragon de l’Ire, qui n’usurpait pas sa réputation, autant physique que mentale, car celui-ci se fit de suite réprobateur à l’égard des bipèdes :

« Deux bipèdes, se promenant sur un plan qui n’est pas le leur, dont ils ignorent tout et face auquel ils ne sont pas préparés. J’espère que vous êtes content de vous. Vous auriez pu vous faire tuer, ou pire, car la mort est loin d’être le pire destin pouvant vous arriver. Comment êtes-vous arrivé ici ? Quand vous êtes-vous dit que cela pouvait être une bonne idée ?! »

Belethar avala un peu de salive : sans doute n’aurait-il eu aucun mal à argumenter en d’autres situations, mais en l’instance, dialoguer avec un dragon pouvant l’écraser ne serait-ce que d’un coup de griffe lui parut un peu compliqué. D’autant que Verith avait eu le don de les prendre un peu « la main dans le sac ».

Mais fait est que les deux humains étaient tous deux des aventuriers aguerris, ayant bravé de nombreux dangers et disposant de nombreuses cordes à leurs arcs pour se défendre. Alors que Belethar songea à développer une réponse pour à la fois se dédouaner un maximum, et ne pas trop froisser l’esprit colérique du grand dragon, se fut Ilhan qui parla en premier.

« Nous savions que l’idée n’était en rien dénuée de dangers. Voire dotée d’une certaine folie. Mais nous cherchions des réponses. Trop longtemps le silence et le secret nous ont condamnés. Il est temps de lever les voiles de notre passé caché, pour parvenir à forger nos propres armes. Les Dieux nous ont protégés mais les Dieux sont morts. Les dragons nous ont sauvés, mais des dragons se meurent et les dragons pourraient décider de nous abandonner à notre sinistre sort. Il nous faut apprendre à nous défendre. Et pour cela, il nous faut savoir et apprendre. Il nous faut comprendre. »

Belethar écarquilla un brin les yeux, regardant admiratif Ilhan, songeant à tout le cran qu’avait son presque-frère. Il savait certes que presque rien ne faisait reculer son grand ami, mais tout de même, on avait presque l’impression que de la manière dont il s’exprimait, il s’agissait d’un jour tout à fait banal pour lui.

Cela redonna du tonus à Belethar, qui acquiesça aux paroles de l’althaïen, et pu renchérir de son côté :

« Avant toutes choses, Vénérable dragon de l’Ire, j’ignore si vous écoutiez nos échanges avec … Vos compagnons, mais sachez que je parlerais de la même façon que j’ai parlé avec eux. Sans détours, et avec toutes les responsabilités qu’incombent mes fonctions. »

Belethar se douta bien que s’il voulait avoir quelques informations supplémentaires que ce soit sur sa personne, Verith serait très aisément capable de lire dans ses pensées, aussi passa-t-il toutes les présentations formelles et peu utiles.

« Comme le disait mon compagnon, ce n’était pas une bonne idée qui s’avérerait sans dangers que de venir ici. Nous assumons ce tort tous les deux. C’était là quelque chose de nécessaire, car nous souhaiterions que notre monde n’aille plus de fin du monde en fin du monde, en ayant été incapables de faire quoi que ce soit pour le protéger. Nous ne souhaitions pas faire le mal. »

Belethar garda la tête bien inclinée, dans l’espoir que le massif Verith comprenne leurs arguments – bien qu’aux dires de sa légende, celui-ci soit particulièrement méfiant des bipèdes –, car après tout un baptistrel n’oserait jamais prendre de tels risques si ce n’était pas pour protéger les siens.

L’Espérancieux redressa les yeux ensuite, et fit à l’imposante créature qui se trouvait face à eux :

« Cela étant … Cherchez-vous aussi quelque chose ici, vous et … Vos acolytes ? Nous nous y sommes certainement mal pris dans notre intention de venir ici, mais si vous le souhaitez, nous pourrions profiter de notre présence pour vous donner un peu d’aide. Si toutefois le majestueux dragon que vous êtes aurait besoin de petits bipèdes tels que nous, bien entendu. »

Si non, ils retourneraient bien évidemment à leur exploration … Mais au fond, Belethar se doutait que si le grand dragon les avait amené ici, c’était peut-être parce qu’il avait quelque chose à leur demander …

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L’enfant de l’orage avait pris la main dans le sac deux bipèdes aventureux, sinon fou, sur un plan dont ils ne devraient même pas caresser l’espoir de pouvoir voir un jour. Sur un plan dont ils n’auraient jamais dû ou même put se rendre. Son regard réprobateur et lourd se posa sur les deux petites créatures face à lui comme se pose celui d’un parent sur son enfant qui vient de faire une grave bêtise. Bien que là, le terme grave soit un doux euphémisme. Pour autant, tel un enfant effronté, les deux bipèdes décidèrent de lui tenir tête et de lui répondre, tentant d’argumenter quant à la légitimité de leur présence et de leur action, quand bien même ils avaient conscience de la dangerosité et de la folie de ces dernières. Le poitrail du colérique vibra sous un grondement alors qu’il lisait aussi surement en eux qu’il écoutait leurs paroles.

« Qu’importe la légitimité de votre argumentaire, en venant ici vous ne vous vous êtes pas uniquement exposé personnellement au danger. »

Un soupir s’échappa du rouge.

« Vous avez conscience que la chance insolente, dont vous avez fait preuve en étant encore en vie ou maitre de vous-même en cet instant, ne se reproduira pas. Ce lieu est dangereux. Et je ne parle pas uniquement des chimères et de tout ce qui pourrait se trouver à l’extérieur de ces murs. »

L’araignée mécanique qui s’était positionnée entre les deux bipèdes claqua subitement des pinces pour attirer l’attention.

« Lié, désolé de t’interrompre, mais peut-être devrions-nous faire quelque chose à propos du gêneur. »

Un deuxième soupir s’échappa de l’esprit du dragon.

« Tu as raison, Dwëmmer. J’espère que cela suffira. Vous me coûtez de précieux moments de tranquillité. »

Verith fit apparaitre deux cristaux qu’il fit léviter jusqu’au-dessus de son ombre avant que ceux-ci ne disparaissent à l’intérieur de la même façon qu’Ilhan, Belethar et Dwëmmer un peu plus tôt. Un petit silence s’installa et rien ne se produisit. Le colérique déduisait que son paiement suffisait au legs du Tyran. Dire qu’il comptait les échanger contre plusieurs jours de sérénité avec sa famille.

« Le mal est déjà fait, puisque vous êtes déjà ici, je vais faire avec. En échange pour vos vies qui viennent d’être sauvées, vous tairez tout ce qui s’est produit et se produira aujourd’hui. Est-ce bien clair ? »

Le rouge porta une griffe à sa tête et sembla venir se masser les écailles situées entre ses cornes.

« Je comprends votre présence ici. Je peux difficilement vous la reprocher. Je suis ici pour la même raison. Je ne comprends toutefois pas comment vous avez pu venir jusqu’ici, cela requiert des compétences censées être hors de portée de tous, y compris des miennes. »

L’araignée mécanique s’agita à nouveau, se dressant sur ces pattes en se tournant vers Ilhan et en braquant ses pinces en direction de ce dernier et plus particulièrement du sac de celui-ci.

« Moi je sais lié. Ther’Zhi a mentionné une créature et mes capteurs détectent quelque chose à l’intérieur de … »

« Il suffit, ce sont peut-être des bipèdes, mais ils peuvent très bien répondre d’eux-mêmes. »

La créature mécanique baissa les pinces et se recroquevilla un peu, prenant une mine boudeuse.

« Il sera dommage de vous renvoyer d’où vous venez tout de suite après que vous soyez parvenu à arriver jusqu’ici. Ce n’est pas à la portée de n’importe qui. Même si j’aurais préféré que cela demeure hors de portée des bipèdes. Tu as raison baptistrel. Autant que je profite de votre présence à tous les deux. Il vaut mieux que vous restiez sous ma surveillance et celle de Dwëmmer tant que vous êtes en ces lieux. »

Le rouge redressa la tête et leva une patte, pointant une griffe face à lui, vers l’extérieur des murs, à la frontière de la forêt ainsi que de la plaine là où se levait un gigantesque rideau de brume s’élevant jusqu’aux cieux.

« De nombreux dangers menacent notre monde. Puisqu’il m’est impossible de les éliminer tous d’un coup, je procède par étapes, les uns après les autres, en débutant par ceux qui sont le plus à ma portée. C’est-à-dire ceux que je connais le mieux. Lors de ma toute première venue en ce monde, peu de temps après le débarquement des Almaréens sur Ambarhùna, je suis apparu dans cette brume que vous voyez au loin. Elle était infestée de chimère, elle l’est encore aujourd’hui. J’ignore ce qui se trouve à l’intérieur, je n’ai malheureusement pu que très peu l’explorer. Alors, ne parlons même pas de ce qui se trouve au-delà … à condition qu’il y ait quelque chose. Quoi qu’il en soit, lors de ma première venue, j’ai été attaqué par ces dernières et celui que j’accompagnais est parvenu à les tuer. Comment ? En les faisant percuter les barrières magiques entourant cette enceinte. Si la haute magie est omniprésente en ce monde, cette barrière la concentre. Et c’est suffisant pour griller les chimères comme un papillon de nuit avec le feu d’une torche. Alors je cherche à l’étendre, le plus loin possible, quitte à recouvrir tout ce qui existe en ce lieu. »

Verith dodelina de la tête, lâchant un soupir.

« Malheureusement, la barrière est liée à la muraille, lorsqu’on étend la première et qu’elle s’éloigne de la seconde, il devient plus difficile de la percevoir. Et la manipulation du mécanisme est complexe. J’ai du mal à y parvenir sans l’aide de celui dont vous avez malheureusement fait la rencontre. Et ça, c’est quand il est disposé à aider. Puisque c’est plus le cas pour le moment, Dwëmmer et moi essayons, avant votre arrivée, de déterminer où la barrière s’est arrêtée avant suivre ses déplacements quand je tenterais à nouveau de l’étendre. »

Le regard du colérique se tourna vers l’araignée mécanique.

« Une chance qu’ils aient ramené le bâton avec eux. Les graärh ont eu du mal à récupérer les matériaux pour le construire, tu sais. »

La créature de métal pointa les deux bipèdes à l’aide de ces pinces comme pour se dédouaner.

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Ilhan acquiesça aux paroles de son presque-frère, le coeur battant, soulagé que ce dernier le soutienne dans sa folie et dans ses arguments. Admiratif également de l’art oratoire vibrant de bienveillance que Belethar sut insuffler à ses paroles, tout en proposant son aide au Dragon de l’Ire et en tentant d’épargner l’ego du dragon tout à la fois, qui pourrait s’offusquer qu’on pensât qu’il eût besoin d’aide de bipèdes tels qu’eux.

Un court instant, il crut toutefois que leurs mots, leurs pensées et leurs cœurs n’allaient pas suffire à convaincre l’Ire vivante de leur volonté d’agir et de bien faire tout en protégeant les leurs de dangers qui ne cessaient de les menacer de façon inopinée depuis plus de dix ans. Il peina à ne pas fermer les yeux, attendant le funeste destin qui ne manquerait pas de s’abattre sur eux quand le dragon aurait soufflé son feu de l’ire sur eux. Mais nul feu ne les consuma. Si ce n’est celui de la diatribe draconique, qui si elle était certes verte en reproches, n’était pas totalement injustifiée, et prenait d’ailleurs des airs presque protecteurs, tel un père voulant protéger ses enfants en leur apprenant la dangerosité de leur acte, dans le dur apprentissage de la vie. Et cette simple pensée, à savoir que Verith, célèbre dragon réputé pour son non-amour des bipèdes, puisse les considérer tout de même comme des enfants à protéger, le rendit pantois et le laissa un instant sans voix.

Ce ne fut que le cliquètement des pinces de l’araignée mécanique qui le sortit de cette étrange transe. Oui, parlant gêneur… Son regard sombre erra alors lourdement de l’araignée mécanique au dragon et du dragon à l’araignée, alors que les paroles que venaient de prononcer le dragon et l’araignée faisaient écho en lui. "Pas uniquement des chimères et de tout ce qui pourrait se trouver à l’extérieur de ces murs…" Oui, bien entendu, le dragon devait parler aussi de ce gêneur en question, de ce legs du Tyran Blanc, ersatz de ce que leur ancien cauchemar avait pu être, mais qui pouvait s’avérer tout aussi dangereux qu’une boîte de Panndör.

Ça, c’était un danger non négligeable. Et pas un danger qui errait dans un monde censément inaccessible comme celui dans lequel ils étaient présentement. Mais qui errait dans LEUR monde, aux côtés du dragon rouge, ils ne savaient comment ni pourquoi, et surtout sans savoir si ce legs pouvait encore agir et faire subir outrages et dévastations à LEUR monde. Et ensuite on les vilipendait de courir après le danger ou de faire prendre des risques dont ils n’avaient pas conscience de la teneur ? Mais colère s’estompa bien rapidement dans le cœur d’Ilhan. S’il y avait bien une créature en ce monde capable de juguler un tel legs, ce pouvait être un dragon. En espérant toutefois que ce dernier sache ce qu’il faisait… Ils se devaient de faire confiance au dragon. Ce dragon en particulier. Il avait, après tout, prouvé à maintes reprises, lui et sa famille, que malgré toutes les critiques qu’il adressait aux bipèdes, il avait toujours été présent pour les défendre.

Leur histoire contait le départ des dragons, leur histoire pleurait cette perte sans nom, et pourtant, lui, il était revenu. Et sa famille après lui. Il se souvenait, oh oui, il se souvenait, de ce jour sur les hautes murailles dans le désert, quand le Fort-Espérance menaçait de tomber. C’était eux, les dragons, qui étaient venus, in extremis, les sauver de la mort assurée.

Oui, le temps de la confiance était venu, non des reproches et de la colère, décida-t-il. Plus encore en entendant les paroles qui suivirent. Lui coûter sa tranquillité ? Le dragon venait-il de payer un prix suite à leurs méfaits pour que le "gêneur" ne les gêne plus ? Mais si la question lui brûlait les lèvres, jamais elle ne les franchit. Quand bien même elle lui brûlait l’esprit, un esprit dans lequel le dragon pouvait si aisément lire.

Et le prix en échange de ce qu’il venait de payer tomba lui aussi. Le silence. Oui, le silence, ça, il connaissait. Secrets et non-dits avaient tissé toute sa vie, il n’était plus à un près. Il acquiesça donc à cette demande. En silence. Par un simple hochement de tête. Le dragon pouvait aisément lire en lui que, lorsqu’il décidait de taire un secret, il le taisait, quoiqu’il puisse lui en coûter. Chassant à cette pensée le souvenir des sévices subis aux mains du Roi de la Confrérie pour avoir refusé de lui divulguer des informations cruciales sur Delimar… par exemple.

Le "est-ce bien clair" suggéra toutefois la nécessité d’une réponse verbale.

Très clair. Je vous fais la promesse de tout faire pour n’en rien révéler.

De tout faire ce qui serait en son pouvoir. Car, malheureusement, il était des pouvoirs qui le dépassaient de loin et contre lesquels même sa volonté de fer et son esprit d’acier ne pourraient lutter. Ne serait-ce qu’un esprit draconique : qu’un seul dragon décide de lui arracher ses pensées, et il ne pourrait lutter, guère longtemps du moins. Mais il pouvait promettre de faire tout ce qui serait en son pouvoir propre pour ne pas divulguer pareil secret. Et le Tisseur tenait ses promesses.

Il sentit d’ailleurs presque son cœur se réchauffer quand le dragon leur accorda un certain crédit et comprendre leur présence en ces lieux maudits. Et mieux même, quand il leur avoua être ici pour la même raison ! Ilhan coula un regard, pétillant d’or et d’espoir, vers Belethar, avant de reporter toute son attention sur le dragon. Voilà un étrange point commun qui les liait tous trois soudain. Un même but, une même volonté.

L’althaïen dut retenir un sourire amusé face au petit manège de l’araignée et de voir le père rabrouer la petite créature ainsi. Qu’il était déroutant de voir le dragon si vénéré et si ancestral agir ainsi devant eux. Ilhan se décida enfin à répondre, même s’il était plutôt réticent à révéler les pouvoirs d’Oloreä et à l’exposer ainsi.

Ce pouvoir ne vient pas de moi, ni même de nous, mais d’une… amie et fidèle compagne d'aventures.

Il caressa doucement sa besace à qui il se mit à… parler, à voix douce et calme, quitte à passer soudain pour un fou :

Olorëa, peux-tu sortir s’il te plaît et te montrer à notre vénérable hôte ? Tu ne crains rien en sa présence, et il ne te fera aucun mal.

Un petit museau sombre des plus timides et deux petites billes opalescentes firent leur apparition sous l’ouverture de la besace. Sans sortir totalement pour autant.

Je vous présente Olorëa, la rêveuse, capable de voyager à travers nos terres, nos rêves, mais aussi le plan astral et… divers mondes.

Des mondes parallèles, songea-t-il, sans oser prononcer telle folie. Car rien n’était prouvé. Seuls quelques objets qu’ Olorëa lui avait ramenés de ces mondes laissaient supposer qu’il s’agissait de mondes leur ressemblant, mais évoluant différemment. Ils ne savaient comment les nommer exactement, tant c’était là un savoir inconnu jusqu’alors.

Soulagement fut du lot aussi quand le dragon leur accorda de rester. Mieux même, de rester en sa présence, comme s’il les plaçait sous sa protection. Ce qu’il faisait sans aucun doute, même si surveillance était aussi une raison non négligeable pour être sûr qu’ils ne fassent rien d’inconsidéré. Ilhan écouta avec attention les révélations du dragon quant à ce monde. Voilà des informations intéressantes, fort intéressantes. Une barrière antichimère. Un legs du Tyran blanc seul capable réellement d’avoir le pouvoir de l’étendre. Un bâton ayant lui aussi des capacités fort intéressantes… Tant et tant d’informations…

Je vous remercie de nous permettre de rester, et plus encore d’avoir concédé à nous expliquer tout cela. Puisque nous sommes ici, pouvons-nous nous rendre utiles d’une quelconque façon ? Pouvons-nous aider dans votre entreprise ? Y’a-t-il quelque chose que l’on puisse faire pour œuvrer avec vous ?

Car oui, ils étaient ici pour agir. Ils désiraient ardemment que leurs actes n’aient pas été inutiles.

Mon presque-frère a trouvé un instrument qui semblerait, selon… le "gêneur"… avoir été un instrument de la création, un instrument des Dieux. Cet instrument mythique semble l’avoir accepté sans opposition. Peut-être peut-il être utile ? Peut-être en savez-vous plus à son sujet ?

Se disant, il invita son presque-frère à montrer l’objet et à en dire plus s’il le souhaitait ou à poser ses propres questions.

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Belethar s’enquit avec la plus grande attention des propos de Verith, qui s’avérèrent finalement moins sévère que le baptistrel l’eut escompté. Faute avouée à moitié pardonnée, semblait-il. Mais c’était là une bonne chose : au moins à présent qu’ils étaient tous les trois, ou plutôt tous les quatre en comptant cette petite araignée mécanique qui amusait beaucoup le baptistrel, ils pourraient peut-être discuter de ce qui préoccupait le dragon de l’ire, et éventuellement l’aider.

Mais avant toutes choses, le grand dragon demanda aux deux aventuriers de taire tout ce qui se produirait aujourd’hui. Belethar avala un peu de salive. Faire promettre quelque chose à un baptistrel n’était pas quelque chose que l’on pouvait faire à la légère, à la vue du serment de vérité qui les incombaient. Cependant la présence rassurante de son presque-frère, mais aussi d’avoir l’assurance que lui au moins pourrait au besoin répéter à d’autre ce qu’il avait vu aujourd’hui en cas de nécessité le rassurait. Bon, certes, cela l’exposerait à des conséquences disons différentes de celles auxquelles Belethar s’exposerait s’il brisait son serment … Mais l’Espérancieux connaissait toute la malice et l’ingéniosité dont pouvait faire preuve son presque-frère, aussi ne s’en fit-il pas vraiment quant à la suite des événements, si ceux-ci devaient être effectivement se diffuser. En conséquence, Belethar s’exprima ainsi :

« Je tairais tout ce qui se produit et se produira ici. Et vous pouvez faire confiance à un Baptistrel pour respecter son serment. »

Oui, lui, baptistrel respecterait son serment. Une fois qu’il eut fait cette promesse, le Gardien du Domaine écouta attentivement ce que le grand dragon rouge avait à leur dire, et il eut le plaisir d’abord de constater qu’ils semblaient faire les mêmes choses, ou du moins poursuivre la même finalité. Un bon point, qui les réunissaient. Ilhan eut d’ailleurs le même sentiment que lui, à la vue du regard qu’il fit au baptistrel : voilà qui était rassurant, et peut-être que, dans sa grande mansuétude draconique, le dragon de l’ire accepteraient de l’aide des insignifiants bipèdes qu’ils étaient.

Aussi, par la suite, Verith exposa son plan aux deux compagnons, et Belethar compris ce qu’il voulait faire assez rapidement : détruire le mal à la source, et peut-être apaisé ce lieu qui semblait tourmenté depuis bien longtemps. Ou du moins, le débarrasser des chimères pour être sûr qu’elles ne reviennent pas de sitôt, car comme Verith l’avait dit fort justement : on ne savait pas ce qui se trouvait au-delà des dangers qui étaient déjà visibles à cet instant T.

Cela se faisant, Belethar suivit la conversation d’un œil distant entre Ilhan et le dragon, cogitant quant à lui sur tout ce qui se passait autour de cette muraille, et sur tout ce qui s’était probablement passé dans ces lieux. De profonds changements palpitaient en ces lieux, le Baptistrel le sentait. S’il ne pouvait pas percevoir avec une très grande exactitude leur chant-nom, dû au fait qu’ils n’étaient pas situés sur le même plan d’existence, le baptistrel du néant sentait toutefois que de grands conflits avaient agité ces terres, la modifiant en profondeur, avant d’aboutir à sa désertion. Probablement était-ce des batailles encore plus puissantes que ce qu’ils avaient connu jusqu’à leurs, sur Tiamaranta et avant sur Ambarhùna.

Belethar cligna cependant des yeux et revint plus attentivement à la conversation quand il fut question de l’instrument qu’ils avaient trouvé. Bien qu’il ne doutait pas vraiment de la faculté du dragon de percevoir des puissants objets magiques, l’Espérancieux tendit les bras pour l’exposer aux mires avisées de Verith, et se permis quelques précisions au sujet de ce que venait dire Ilhan :

« Je ne peux facilement cerner ses capacités en ces lieux, cet objet semblant très puissant et ma perception absolue des choses étant en partie brouillée par le fait que nous nous situons légèrement en dehors du plan de notre existence habituelle … Mais je serai ravi de vous aider à vous en servir si des choses reviennent à votre mémoire. Peut-être que celle-ci pourra guider mes intentions. »

Belethar profita d’avoir ce temps de parole pour préciser une chose ou deux le concernant :

« Celui-ci m’a d’ailleurs probablement accepté sans trop de problèmes car l’élément qui m’a choisi est le Néant, comme ses ruines sur lesquelles nous étions qui en étaient imprégnées. C’est une information que je voulais également vous préciser. Vous connaissez tous deux ce qui est arrivé au dernier baptistrel lié au Néant avant moi … »

Eird, ou bien Ascheriit, était en effet un de ceux bien connus ces dernières années, pour avoir été l’hôte d’une chimère. Belethar l’avait côtoyé pendant longtemps, et l’avait aidé à se remettre de ses épreuves. En vint alors la question qu’il voulait poser :

« J’ignore si ma nature particulière et l’héritage de mes prédécesseurs pourrait être d’une quelconque utilité, mais j’estime que cette information n’est peut-être pas totalement tombée dans l’oreille d’un sourd. »

Pour ce qui était du reste, L’Espérancieux proposa quelque chose au grand dragon :

« Il se trouve, ô grand dragon, que je suis aussi un maître architecte. Pas aux talents divins, comme tout ce qui nous entoure ici … Mais je pense pouvoir vous affirmer sans trop de problèmes, si vous m’en laissez le temps, que je pourrais peut-être répliquer cette muraille et ses propriétés pour l’étendre au-delà de l’endroit où nous nous trouvons. Cela pourrait peut-être être un début de solution. » Belethar se frotta la barbe un instant avant de compléter ses dires : « Il nous faudrait cependant peut être des matériaux dans lesquelles puiser, ainsi qu’une quantité suffisante d’énergie … Mais je ne me fais pas trop de soucis sur ce dernier point. »

L’avantage d’être assisté par un dragon, si celui-ci était disposé à les aider bien entendu, c’est qu’ils pouvaient voir grands. Restait donc le problème des matériaux… En attendant la réponse du dragon, Belethar se pencha vers tout ce qu’il vit, à la recherche potentielle d’une carrière, ou quelque chose d’équivalent, dans laquelle ils pourraient puiser pour construire leurs ambitions …

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Le regard sévère, Verith fit promettre aux deux bipèdes de ne jamais rien révéler ce qu’ils avaient ou pourraient voir en ce lieu. Cela pouvait paraitre contradictoire venant du dragon rouge qui ne plaçait aucune confiance dans la parole des bipèdes, mais l’un des deux était un baptistrel et s’il ne pouvait avoir confiance en eux, il pouvait avoir confiance en la magie. Elle au moins ne lui faisait jamais défaut. Puis, si l’ordinaire lui aurait commandé de renvoyer ces deux-là d’où il venait, le colérique se devait néanmoins de reconnaitre que se rendre en ce lieu n’est pas un exploit à la portée de tous. L’enfant de l’orage appréciait ceux en mesure de sortir de l’ordinaire, ils avaient le don d’attirer son regard ainsi que son attention. Verith se sentait de devoir récompenser leur effort d’être parvenu jusqu’ici en les autorisant à rester un peu plus longtemps. Qui plus est, mieux valait peut-être leur permettre demeurer un peu plus en ce lieu pour étancher leur soif de curiosité, plutôt que de les renvoyer sèchement et prendre le risque qu’ils reviennent ici quand le rouge aurait le dos tourné. À ce titre, l’enfant de l’orage leur expliqua la situation et la raison de sa présence ici. Tout en leur demandant de satisfaire sa propre curiosité en l’éclairant quant à la manière dont ils avaient pu percer le voile entre les mondes.

L’explication manqua de sortir des rouages de Dwëmmer, mais le dragon l’arrêta, préférant l’entendre de la bouche des bipèdes. On lui présenta alors une mystérieuse créature aux traits de félin. Rien d’ordinaire n’émanait de cet animal dont le colérique reconnut en lui la marque des manipulations des chimères. Un héritage de ces maudits oiseaux. Cela n’inspirait rien de bon à l’enfant de l’orage qui voyait là une machination avortée de l’ennemi de leur monde.

« Cette créature n’a rien de naturel. »

L’ombre du dragon de l’ire se mit à onduler et la projection de l’une de ses pattes griffues passa sur celles des deux bipèdes et de l’animal, venant leur arracher un morceau de leurs ombres respectives.

« Si elle est en mesure de venir jusqu’ici avec quelque chose issu de notre plan, alors cela veut dire qu’elle peut repartir d’ici avec quelque chose issu de ce plan. Cela peut s’avérer dangereux. Et je pense que vous en avez conscience. Je ne la tuerais pas, mais je vais garder un œil sur elle. Et sur vous par la même occasion. »

Si l’enfant de l’orage ne releva pas le fait que cette bête était capable voyager sur plusieurs mondes, son esprit trop alerté par la possibilité qu’elle puisse ramener une chimère avec elle, cette information n’échappa pas aux capteurs attentifs de l’araignée mécanique qui pivota légèrement en direction de la chatte et de son propriétaire alors que son lié expliquait les raisons de sa présence ici.

« Je vous remercie de nous permettre de rester, et plus encore d’avoir concédé à nous expliquer tout cela. Puisque nous sommes ici, pouvons-nous nous rendre utiles d’une quelconque façon ? Pouvons-nous aider dans votre entreprise ? Y’a-t-il quelque chose que l’on puisse faire pour œuvrer avec vous ? »

Eux, l’aider lui ? Le pouvaient-ils seulement ? Ce qui se trouvait en ce lieu dépassait de loin leur compréhension et Verith lui-même ne pouvait qu’avancer à tâtons quand Ther’Zhi lui refusait son aide. L’enfant de l’orage doutait qu’en dépit de leur volonté, ces derniers soient en mesure de lui apporter un soutien. Mais ça, c’était avant de lui présenter un étrange objet, un artefact de ce plan qui pour une raison inconnue avait pu établir une connexion avec l’un des deux bipèdes. Verith ne s’était que très peu intéresser aux babioles qui pouvaient se trouver dans les palais pour la simple et bonne raison qu’ils n’étaient pas adaptés aux dragons. Le colérique avait de ce fait déléguer cette besogne à Dwëmmer. Si celle-ci avait été en mesure d’en analyser certains, il lui avait été impossible d’établir un quelconque lien avec. Puis tour à tour, les deux bipèdes prirent la parole avant que le colérique ne les interrompe.

« Des objets appartenant aux huit, il y en a plein ici. Même si ce lieu transpire de magie, je peux les ressentir. Pour autant, les atteindre c’est une autre histoire. Cet endroit est devenu fou et les palais sont très dangereux. Vous avez eu de la chance en vous rendant à celui de néant, la perle qui s’y trouvait a été détruite il y a un moment déjà. Tout ça pour dire que je ne me suis que très peu intéressé aux objets pouvait se trouver ici. Ce qui n’est en revanche pas le cas de Dwëmmer. »

« J’ai récupéré ceux qui étaient le plus faciles d’accès. Cet instrument en fait partie, il était dans le palais où je vous ai croisé. Le fait que le gêneur ait réagi à sa présence ne me surprend pas. Il a aussi réagi lorsque j’ai mis la main dessus. Je l’ai même surpris à en jouer une fois, je n’oublierais jamais l’odieux sourire qu’il affichait à ce moment-là. Mais ce que j’oublierais encore moins, c’est comment tout autour c’est mis à vibrer quand il en a joué. Comme s’il y avait une résonance. Naturellement, je me suis penché sur les conséquences que cela a pu avoir. Tout ce que j’ai pu trouver, c’est que certaines ruines du palais de néant étaient en bien meilleur état. »

Verith garda le silence un petit moment semblant réfléchir.

« Et vous me dites que cet instrument aurait accepté le baptistrel. L’analyse est probablement la bonne. Il t’a accepté, baptistrel, parce que tu es lié à l’énergie du néant. Jusqu’ici, aucun objet n’a réagi à Dwëmmer, pas plus qu’à moi d’ailleurs. Mais bon, me concernant je mets plutôt ça sur le fait que ceux rassembler jusqu’ici ne sont pas adaptés à un dragon. Mh … s’il faut être porteur de l’énergie des divins, peut-être devrais-je jeter un œil au palais de Feu et celui de Vie. Même si elles ont été levées, leurs malédictions ont laissé une trace sur mon être. Ça vaut le coup d’essayer de confirmer cette théorie. Mais cela sera pour plus tard, une affaire plus importante mérite mon attention dans l’immédiat. »

Le rouge qui semblait plus parler pour lui-même rapporta son attention vers les deux bipèdes et la proposition du maitre chanteur.

« La barrière et la muraille sont deux éléments distincts, mais comme je vous l’ai dit, la première est liée à la seconde. Un peu comme un point d’ancrage ou un catalyseur. C’est pour cette raison qu’il est si difficile de la percevoir et donc de la suivre dès qu’on l’en éloigne. Répliquer la barrière est une chose impossible, car il s’agit là de haute magie, une source qui nous est inaccessible. Répliquer la muraille, en revanche, c’est une autre histoire et à dire vrai répliquer toute la muraille ne devrait pas être nécessaire. Une série d’obélisques disposée de façon à former un cercle plus large devrait être à mon sens suffisant pour créer un nouveau point d’ancrage. La barrière devrait dès lors réagir plus facilement aux manipulations entre ces deux frontières physiques. Cependant, cette solution apparait simple, mais elle ne l’est pas. »

L’enfant de l’orage leva une patte et vint donner un puissant coup de griffe sur la muraille. Cette dernière ne broncha pas et les serres de Verith se contentèrent de ricocher dessus.

« Si on peut résoudre le problème de l’énergie en passant d’une muraille à une simple série d’obélisques, le problème de la matière, lui, demeure. J’ignore en quoi est composé ce rempart et en dépit de tous mes efforts je ne suis pas parvenu à transmuter une autre matière en celle-ci, ou même parvenu à défaut d’en en arracher un morceau. »

Un soupir s’échappa du rouge.

« Mais nous avons peut-être une autre solution à présent. Je vous ai dit qu’en jouant de cet instrument, le gêneur avait réparé certaines ruines du palais de Néant. Et il a lui-même désigné celui-ci comme un instrument de la création. Je sais qu’on ne peut se fier à ses paroles, mais on peut au moins se fier aux faits. Le nom de cet objet n’est peut-être pas dû au hasard. On devrait profiter que cet instrument ait accepté cet individu qui se dit maitre architecte pour voir s’il n’y a pas un coup à jouer. Il y a assurément plus à tirer de cet objet qu’un joli son et la possibilité de colmater les brèches. »

Le regard du colérique passa sur l’araignée mécanique, puis sur les deux bipèdes.

« Après tout, cela ne coûte rien d’essayer. »

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Le grand dragon de l’ire jugea qu’il garderait un œil sur Olorea sans toutefois la tuer. Fort bien, voilà qui enleva un poids de l’esprit du baptistrel. Il coula un petit regard à Ilhan, rassuré : comme quoi, même si Verith avait des faits qui parlaient d’eux-mêmes et de grandes légendes derrière lui, il n’était peut-être pas si terrible que cela.

Même s’il n’était pas franchement le type de créature avec qui Belethar avait envie de se fâcher. L’Espérancieux interrogèrent donc le dragon et son araignée mécanique au sujet de l’instrument, et s’ensuivit une petite conversation à laquelle le baptistrel fut très attentif : si Verith semblait un peu plus dubitatif et vague quant aux objets se trouvant ici – à raison, l’Espérancieux imaginant très facilement que les possessions matérielles pouvaient ne pas intéresser les dragons en son genre –, la dénommée Dwëmmer semblait avoir une idée un peu plus précise des capacités de l’objet :

« J’ai récupéré ceux qui étaient le plus faciles d’accès. Cet instrument en fait partie, il était dans le palais où je vous ai croisé. Le fait que le gêneur ait réagi à sa présence ne me surprend pas. Il a aussi réagi lorsque j’ai mis la main dessus. Je l’ai même surpris à en jouer une fois, je n’oublierais jamais l’odieux sourire qu’il affichait à ce moment-là. Mais ce que j’oublierais encore moins, c’est comment tout autour c’est mis à vibrer quand il en a joué. Comme s’il y avait une résonance. Naturellement, je me suis penché sur les conséquences que cela a pu avoir. Tout ce que j’ai pu trouver, c’est que certaines ruines du palais de néant étaient en bien meilleur état. »

Belethar se frotta sa petite barbe. Non en effet, ce n’était pas très étonnant, pour qui connaissait les légendaires instruments de la création, et l’histoire du Tyran Blanc : le mythe comme quoi ce-dernier aurait séduit Néant lui-même avant de le trahir était connu. Peut-être que cet instrument avait joué un rôle dans cette histoire d’ailleurs : L’Espérancieux se dit alors qu’il faudrait peut-être qu’il l’étudie plus sérieusement une fois qu’il serait revenu sur ses terres. C’était un instrument de la création, ce qui était déjà quelque chose en soi, mais peut être que celui-ci avait des secrets méconnus de tous …

Toujours est-il que la dernière chose que Dwëmmer avait dit ne tomba pas dans l’oreille d’un sourd, encore une fois : les ruines du palais de Néant étaient en bien meilleur état une fois que cet ersatz du Tyran avait joué de la musique. Se pouvait-il donc que l’instrument puissent permettre de construire, ou du moins de rénover sans besoin de matière ou d’énergie particulièrement gros ? Belethar se frotta la barbe : tout ceci était intéressant, mais il n’osa pas interrompre le dragon et son araignée qui semblaient en pleine réflexion.

L’Espérancieux fut d’ailleurs heureux que par leurs explorations – certes dangereuses, mais au moins instructives –, Verith voulu essayer à son tour de se rendre dans des ruines des temples. Celui-ci souffrait de malédiction divine, et si Belethar doutait qu’il aurait pu soulagé celles-ci quand bien même aurait-il fait usage du chant-nom, compte tenu de leur caractère divin, au moins il trouva peut-être une solution.

Belethar eut un autre petit regard avec un petit sourire à l’attention d’Ilhan : comme quoi, pas si inutile que cela, ces bipèdes. Mais bien sûr, il tût ces propos et s’interdisait même d’y penser tout de suite après : il ne fallait surtout pas provoquer la colère du dragon, qui dans sa grande mansuétude s’était abaissé jusqu’à eux pour leur expliquer ce qu’il faisait par ici.

Vint donc ensuite une remarque de Verith au sujet de la muraille et de la barrière qui l’accompagnait, à laquelle Belethar fut encore une fois très attentif, puisqu’il avait naturellement proposé son aide quelques instants auparavant :
« La barrière et la muraille sont deux éléments distincts, mais comme je vous l’ai dit, la première est liée à la seconde. Un peu comme un point d’ancrage ou un catalyseur. C’est pour cette raison qu’il est si difficile de la percevoir et donc de la suivre dès qu’on l’en éloigne. Répliquer la barrière est une chose impossible, car il s’agit là de haute magie, une source qui nous est inaccessible. Répliquer la muraille, en revanche, c’est une autre histoire et à dire vrai répliquer toute la muraille ne devrait pas être nécessaire. Une série d’obélisques disposée de façon à former un cercle plus large devrait être à mon sens suffisant pour créer un nouveau point d’ancrage. La barrière devrait dès lors réagir plus facilement aux manipulations entre ces deux frontières physiques. Cependant, cette solution apparait simple, mais elle ne l’est pas. Si on peut résoudre le problème de l’énergie en passant d’une muraille à une simple série d’obélisques, le problème de la matière, lui, demeure. J’ignore en quoi est composé ce rempart et en dépit de tous mes efforts je ne suis pas parvenu à transmuter une autre matière en celle-ci, ou même parvenu à défaut d’en en arracher un morceau. »

Belethar pencha sa tête, sceptique. Il compris cela dit mieux ce qu’on attendait de lui : une série d’obélisques à construire, là était chose aisée et demanderait probablement moins d’effort au baptistrel que répliquer une muraille entière. Cependant, effectivement le problème de cette matière demeurait … L’Espérancieux s’apprêtait à se pencher sur cette muraille, et voir s’il ne pouvait tout simplement pas en extraire des morceaux tout en gardant l’ensemble stable pour construire des obélisques rapidement et simplement, quand une intervention de Dwëmmer se fit entendre :

« Mais nous avons peut-être une autre solution à présent. Je vous ai dit qu’en jouant de cet instrument, le gêneur avait réparé certaines ruines du palais de Néant. Et il a lui-même désigné celui-ci comme un instrument de la création. Je sais qu’on ne peut se fier à ses paroles, mais on peut au moins se fier aux faits. Le nom de cet objet n’est peut-être pas dû au hasard. On devrait profiter que cet instrument ait accepté cet individu qui se dit maitre architecte pour voir s’il n’y a pas un coup à jouer. Il y a assurément plus à tirer de cet objet qu’un joli son et la possibilité de colmater les brèches. »

Verith intima qu’il approuvait ce que son araignée disait. Belethar haussa les épaules et se frotta à nouveau la barbe : il semblait donc que l’araignée eut le même pressentiment que lui au sujet de cet instrument. Il était donc l’heure de tester ses capacités. L’Espérancieux fit calmement :

« Essayons, alors. Voyons si cet instrument mérite cette appellation. » Il ajouta un petit clin d’œil avant de regarder autour de lui : heureusement, la muraille sur laquelle ils se trouvaient tous les 4 était suffisamment large et solide pour contenir un dragon comme Verith, alors le baptistrel douta que celle-ci fut vraiment sensible s’il rajoutait un certain nombre d’obélisques. Verith serait tout à fait capable de les transporter par la suite, d’une façon ou d’une autre.

Le gardien de l’ordre s’éloigna de quelques pas de ses trois compères du jour, et s’assit en tailleurs, regardant un autre pan de la muraille, vide pour l’heure. Il s’agissait de faire vite et bien. Belethar pris donc une profonde inspiration, posa l’instrument au creux de ses genoux, se frotta les mains, avant de les plaquer contre la pierre de la muraille, comme le voulait le geste-clef. Cependant, avant de canaliser l’énergie de la trame, Belethar posa ses mains tranquillement sur l’instrument à percussion et joua alors un air que lui inspirait ce lieu désolé, mais à l’énergie divine encore bien présente.

Il ne fallut que quelques instants pour que Belethar constate avec émerveillement, alors que le Trame convergeait d’abord vers lui puis vers le pan de la muraille qu’il fixait, que ses suppositions ainsi que celles de l’araignée furent vraies. Il garda les deux yeux grands ouverts, alors qu’il constata qu’en face de lui, apparaissait des morceaux de pierre, aux propriétés en tout point identiques à celle de la muraille, et s’accumulaient les uns sur les autres, pour en faire de beaux obélisques.

« Bénis soient les Huit … » Belethar dit en un soupir, comme une prière, comme s’il craignait que tout s’arrête en un soupir.

Mais non, la force créatrice que l’Espérancieux maniait était effectivement à l’œuvre, et d’autant plus qu’il était à côté d’un catalyseur de magie – en la personne de Verith – Belethar sentait qu’il avait toute l’énergie dont il avait besoin pour accomplir sa tâche. Ainsi, un, puis deux, jusqu’à une dizaine d’obélisques vinrent s’ajouter à cette muraille, haut de plusieurs mètres, pour se faire le relai de cette barrière magique. D’un sourire taquin, Belethar grava magiquement avant les pointes de ces créations, l’emblème de sa famille : une double pupille, un détail présent sur tous les obélisques, qui servirait de relais afin que tous puissent communiquer avec la muraille.

Qui eut cru qu’un Espérancieux eut l’honneur de construire quelque chose pour les défunts êtres divins qui avaient eux même créé ce monde ? Belethar n’en revenait pas, mais il était heureux.

Le Baptistrel jeta un coup d’œil aux trois autres de ses compagnons, particulièrement les pattes de Verith, et ajouta un dernier détail le long de ses obélisques : de petites « accroches », modelées à la taille et à la forme des griffes du grand dragon rouge, afin que celui-ci puisse les transporter là où bon lui semblait.

Une fois son œuvre terminé, Belethar se leva et s’étira, plus par réflexe musculaire qu’autre chose : il ne se sentait pas fatigué pour un sou, ayant largement puisé dans le puits magique qui se trouvait à côté de lui. Il tendit sa main vers les obélisques, avant de faire à son audience :

« J’espère que cela répond à vos attentes, qu’en pensez-vous ? »

La question s’adressait avant tout à Verith, mais Ilhan ou bien Dwëmmer pouvait bien répondre eux aussi. Belethar eut un petit sourire amusé : c’était également la première fois qu’il faisait juger ses constructions par un dragon.

Décidemment, ce petit périple était effectivement riche en aventures, et en découvertes !

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Splendide.

Ce fut le seul mot qui put franchir ses lèvres quand Belethar leur demanda son avis. L’althaïen semblait comme en transe en cet instant. Certes, en ce lieu, en cet endroit divin, d’un autre plan et d’un autre destin, ses sens Sainnûrs étaient fortement altérés et son ressenti de la trame était comme… aliéné. Ou en tout cas, fortement faussé, tel un orchestre soudain désaccordé qui tentait une symphonie ultime tout en dysharmonie. Une assasymphonie qui rendait ses sens presque sourds à certains aspects, un aveugle avançant à tâtons, dans ce bain de magie. Pourtant…

Pourtant, cette magie-là, il la ressentit. Était-ce dû au fait qu’il s’agissait d’une magie baptistrelle, elle-même imprégnée d’essence divine en cet instant, qui lui permit d’admirer le spectacle de tous ses sens ouverts ? Il n’aurait su dire. Pourtant la magie baptistrelle était autre que la magie de la trame… Non, il y avait autre chose, même si Ilhan n’aurait su le décrire.

Mais s’il était en transe, c’était à la fois d’admiration devant la beauté d’un tel ballet qui se jouait devant lui… et d’attirance néfaste envers un mets aux bien doux, mais dangereux attraits. Un mets auquel il avait déjà, maudit soit-il, goûté, et ce dès sa renaissance, inconscient et surtout encore ignorant qu’il était alors. Oui, il avait savouré la magie, pleinement, en avait mangé sans arrière-pensée, en pur instinct de nouveau-né. Mais pire, ensuite il avait récidivé. Une fois ? Deux fois ? Peut-être trois ? Il n’aurait su dire. Il n’avait dû qu’à la farouche méfiance des délimariens envers la magie, à l’expérience d’autres sainnûrs en la matière, à la bienveillante présence de Naal à ses côtés, et aussi à sa féroce volonté, de résister ensuite à cette ubris qui l’appelait. Pourtant, là, maintenant, la tentation devant tant de magnificence écartelait tous  ses sens.

Et ce fut pire encore quand le dragon de l’ire opéra sa chorégraphie aérienne, prenant les obélisques ainsi baptistrellement, magistralement, créés, pour aller les positionner en cercle au loin, tout autour de la muraille. Pire quand le dragon de l’ire usa de magie draconique, sans doute aidée elle aussi d’essence divine, pour manipuler la barrière et l’étendre aux nouveaux obélisques. Un vrombissement puissant vrilla tout son corps. Ilhan put clairement percevoir, avec force appréhension, la barrière revenir jusqu’au niveau de la muraille. Un court instant, il craignit même qu’elle recule plus encore, ne les engloutisse et disparaisse… les laissant alors à nus, face aux chimères avides qui devaient guetter de l’autre côté. Rien de tout cela ne se produisit. La muraille trembla avec ardeur, et finalement alla s'étendre pour se positionner à la frontière créée par les obélisques. Ce ne fut qu’à ce moment, alors que palpitations magiques et oniriques s’apaisèrent, que l’althaïen sortit de sa transe. Il ressentit en lui un manque cruel, lui qui avait refusé ce doux appel. Oh oui, il avait résisté à l’envie de croquer ces ondes séductrices, et si victoire criait son dû en son coeur, manque hurlait aussi sans aucun honneur. Et il dut faire appel à toute sa détermination pour arracher ses yeux, son coeur et son âme, de ces obélisques qui venaient, eux, d’avaler ce dont il avait rêvé de savourer.

Il n’osa rencontrer le regard de son presque-frère, qui avait dû sentir soudain son état, même s’il savait qu’il n’y lirait aucun jugement. Il n’osa non plus lever les yeux sur Verith, qui par sa draconique empathie n’avait pu manquer non plus son combat intérieur, sans doute assez typique de certains sainnûrs.

Dragon qui toutefois les remercia de leur collaboration, même si sermon fut aussi du lot, une toute dernière fois, pour bien ancrer dans leur esprit que ce lieu restait trop dangereux, tout particulièrement pour eux, bipèdes. Il les enjoignit de rentrer sans tarder sur le plan physique, puis se tourna vers son étrange compagnon mécanique, nommé Dwëmmer, à qui il demanda de veiller à ce qu’ils rentrent bien chez eux. Ilhan coula un discret regard vers Belethar. Rentrer de suite ? Vraiment ?

Déjà Verith s’éloignait, avant même que l’althaïen ne puisse ajouter quoi que ce soit. Il sentit alors Dwëmmer lui prendre la main, a à l'aide de ses pinces, faisant de même avec Belethar, leur annonçant de sa voix métallique qu’elle allait les raccompagner.

Cette fois, ses esprits pleinement retrouvés et sa langue enfin déliée, Ilhan se racla la gorge et retint, d’un geste, la petite… araignée de métal. Laissant échapper une petite pensée amusée, et émue, de se savoir en compagnie d’une araignée, qui, cette fois, ne dansait pas sur ses propres fils à lui.

Dwëmmer… Je peux t’appeler Dwëmmer ?

Elle hocha la tête comme en affirmation.

Nous avons un autre petit voyage à faire. Un voyage d’importance. Je te rassure, nous comptons bien partir de ce monde et retourner en un plan physique.

Un autre plan physique, ajouta-t-il mentalement. Il jeta alors un regard à Belethar, comme cherchant son assentiment, et vérifier qu’il était toujours d’accord pour cet énième plan de folie. Une fois assuré, il reprit :

Mais nous devons faire un petit crochet avant de rentrer chez nous, susurra-t-il, son sourire énigmatique revenant enfin sur ses lèvres et ses orbes sombres brillant de nouveau de malice.

Dwëmmer lui répondit alors qu’elle les suivrait : Verith lui avait demandé de veiller à ce qu’ils rentrent bien chez eux, il n’avait pas demandé qu’elle les ramène directement chez eux, précisa-t-elle.

Le sourire comploteur d’Ilhan s’agrandit encore, illuminant ses traits. Il aimait déjà cette araignée. D’aucuns diraient que cela n’avait rien d’étonnant, quand on songeait à ces arthropodes. Mais il aimait cette façon que cette étrange créature avait d’interpréter ordre et parole. Notant d’ailleurs qu’il serait bon de veiller savamment à ce qu’ils lui diraient ou lui demanderaient de faire si besoin d’aide, afin d’être sûrs qu’elle interprète bien leur possible demande…

Ilhan hocha alors la tête et affermit sa prise sur la pince, en guise d’assentiment. Après tout, là où ils allaient aller, peut-être Dwëmmer pourrait s’avérer utile et les aider.

Il se pencha alors vers Oloreä et lui demanda d’une voix douce et emplie d’affection, si elle était d’accord et surtout si elle était prête et suffisamment reposée. Il ne savait combien de temps ils avaient passé en ce monde. En ce plan. Ni même si le temps passait à la même vitesse que sur leur propre plan. Sans doute que non. Un ronronnement lui répondit, ainsi qu’un grand coup de tête sur sa main comme réclamant des câlins. Il lui sourit, lui accorda quelques gratouilles sur la tête et près des bajoues, là où elle semblait tant aimer qu’on la cajole, puis lui promit une longue, très longue séance de peignage quand ils seraient rentrés.

C’est son petit penchant mignon, ajouta-t-il à l’adresse de Belethar, pour expliquer une telle promesse à un chat.

Puis, s’avisant que tous étaient prêts, il demanda à  Dwëmmer de soit s’engouffrer dans sa sacoche soit de bien s’accrocher aux épaules de l’un d’eux… Et fit signe à Oloreä de les téléporter vers leur prochaine destination.

Un autre plan. Mais surtout un autre monde.

Un monde non plus de Chimères… mais un monde de Couronnes.

Un monde de "Et si… et si les Couronnes avaient vaincu des siècles plus tôt… ?"

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Belethar fut heureux de constater que ses œuvres convinrent bien à la petite assemblée, et ainsi ils purent avancer ensemble. Alors que son presque-frère semblait … Se contenir, ou du moins faisait-il de temps à autres des grimaces pendant que l’opération était en cours, comme s’il semblait se battre intérieurement contre quelque chose.

L’Espérancieux compris bien vite que la nature de Sainnûr devait revenir au galop chez Ilhan, et qu’à la vue de la quantité colossale de magie environnante, lui qui faisait tout ce qu’il pouvait pour ne pas la manger, cela devait être une situation pas des plus faciles à vivre, un peu de la même façon que si l’on avait agité une bouteille pleine devant un alcoolique en rémission. Belethar lui adressa un regard compréhensif, presque inquiet : il aurait bien jeté un sortilège sur Ilhan pour aider à le canaliser … Mais l’Espérancieux savait que cela risquerait de ne pas l’aider du tout au contraire.

Cela étant, Belethar se nota pour plus tard de regarder de plus près cette appétence pour la magie que son presque-frère avait : s’il pouvait traiter le problème à la source, via son chant-nom, L’Espérancieux le débarrasserait certainement d’un sacré fardeau. Mais là était d’autres préoccupations que celles qu’ils avaient actuellement.

L’Espérancieux regarda le grand dragon faire son balai pour aller poser les piliers, et finalement se servir de sa puissante magie pour manipuler la barrière … Le tout créant une réaction plutôt positive, ou tout du moins était-ce celle que le trio recherchait : la puissante barrière s’étendit, les obélisques servant de relais de puissance à la muraille. Ce ne fut pas sans peine cela dit, et Belethar avait clairement senti ce grand mur tremblé sous ses pieds : mais évidemment, rien ne pouvait affaiblir la structure des divins, si ce n’est ces derniers. La Foi au corps, donc, Belethar avait surpassé cette épreuve sans plus de mal que cela, les tremblements étant aussi bref que le processus d’agrandissement de cette barrière.

Ainsi donc, les deux larrons qui avaient fait leur voyage jusqu’au royaume des êtres divins avaient accompli leurs missions auprès du grand Dragon. Belethar s’en satisfaisait, et il semblait qu’Ilhan aussi. Verith revint cependant, et leur dit que jamais plus, ils ne devaient venir ici. Ainsi soit-il, Belethar l’avait promis.

Toutefois, comme le suggérait le regard d’Ilhan, ils ne posèrent plus les pieds ici, mais n’avait pas pour autant fini leur dangereuse excursion : au contraire, il leur restait un monde à visiter. Un monde où les Couronnes de Cendres auraient gagné. Ainsi Verith leur confia sa délicate araignée mécanique qui prirent les deux hommes par la main à l’aide de ses pinces. Elle allait être garante du bon déroulement du trajet retour des deux compagnons – même si ce trajet allait connaître un léger détour – … Puis Verith s’en alla, presque aussi vite qu’il n’était venu.

Il n’y avait donc plus de garde-fous à leur exploration : croiser Verith avait certes été une formidable chance, et ils avaient pu contribuer ensemble à la bonne survie de ce royaume spirituel, mais Belethar regrettait presque que le grand dragon leur ai interdit l’exploration des lieux : du moins, l’âme aventureuse du baptistrel était en légère peine, car il aurait aimé déceler tous les secrets des Chimères. Mais après tout, le dragon de l’ire avait raison : cette zone était dangereuse, et quitte à choisir, le baptistrel ne préférait pas subir le feu du dragon en conséquence d’actes malvenues. Celui-ci s’était déjà montré bien sympathique en ne les renvoyant pas immédiatement chez eux.

Ainsi, Ilhan se fit de l’araignée son amie, non sans tirer un sourire chez l’Espérancieux : à croire que son presque-frère avait comme un don naturel avec ces dernières. Ilhan exposa les plans, auquel Belethar hocha la tête : certainement, ils devaient s’y rendre au plus vite, pour la fièvre de l’exploration, mais aussi pour se préparer au mieux quant à ce qu’y allait suivre dans leur humble monde. Avec une petite surprise dans l’esprit du Baptistrel, Dwëmmer accepta sans trop tergiverser des conditions de ce voyage, précisant même qu’ils n’étaient pas obligé de « directement » rentrer chez eux. A se demander si ce petit être mécanique n’avait pas besoin de se dégourdir les pattes, et qu’elle eut rarement l’occasion de le faire avec Verith.

Ils iraient donc tous trois, ou plutôt tous quatre, si l’on comptait le mignon petit chaton d’Ilhan, aux vertus extraordinaires qui leurs permettaient d’entreprendre ces grands voyages. Belethar assista d’ailleurs au petit manège de son presque-frère qui demanda avec toute l’affection du monde à, à nouveau, utiliser les pouvoirs d’Oloreä. Belethar se passa de tous commentaires quant aux diverses d’Ilhan, et lui rendit simplement un petit sourire et un haussement d’épaules : après tout, l’on était tous égaux devant des animaux, et il est fort à parier que l’Espérancieux aurait fait de même s’il avait un compagnon pour suivre sa route.

Puis enfin, ils partirent. Dwëmmer s’agrippa à Belethar, et ils se téléportèrent dans ce fameux autre monde …

***

Belethar ayant l’habitude de se téléporter, le voyage en lui-même ne fut pas des plus difficiles, mais les conditions d’arrivées le furent quelque peu. L’Espérancieux trouva l’environnement qui les entouraient très sombre : à tel point qu’il eut besoin d’étendre ses bras pour vérifier qu’Ilhan et Dwëmmer était toujours là, ainsi que de cligner des yeux pour s’assurer que là n’était pas sa vision qui lui jouait des tours.

Mais tous étaient là, et malgré le clignement des yeux, rien ne se passa. S’était donc bien le point d’arrivée de leur voyage. Belethar fronça les sourcils, et fit quelques pas : ceux-ci résonnaient, dans ce qui semblait être un grand couloir, selon la spatialisation du son que le baptistrel estimait. D’ailleurs, ce sol sonnait comme un métal qui paraissait comme familier à Belethar. Il s’empressa de confirmer ou infirmer ses dires, et tenta de capter les vibrations autour de lui : et au-delà de la difficulté à capter des vibrations qui n’étaient pas de son monde originel, L’Espérancieux sentait bel et bien un blocage, de la même façon qu’il avait pu connaître dans les souterrains de Calastin et dans la forge d’Udyogg : ce matériau semblait hermétique à toute onde baptistrale. Belethar s’empressa de commenter à voix haute :

« On dirait que nous avons atterri dans un bâtiment graärh comme ceux que nous avons visité. »

Liant geste et paroles, Belethar essaya d’explorer à l’aveuglette : c’était vraisemblablement un petit couloir, où le mur gauche était plein, mais le mur droit ne l’était pas totalement, et il y avait même une espèce de petite cavité, où l’on pouvait s’engouffrer après avoir légèrement escaladé.

Cependant, Belethar n’y voyait pas grand-chose, et décida d’abord d’allumer de la lumière. Ne constatant aucunes torches ou autres sources pouvant faire office de quelque chose autour de lui, l’Espérancieux décida d’agir de lui-même en créant une petite flamme sur sa main. Ce ne serait pas grand-chose, mais sa lumière permettrait d’un peu mieux distingué l’endroit.

Grand mal lui en pris, car en réalisant le geste clé et en convoquant les forces de la Trame, Belethar se trouva à faire sortir une gerbe de flamme de sa paume, qui alla directement heurter le plafond avant que le Baptistrel ne put faire quoi que ce soit. Paniqué, le Cawr agita sa main gauche qui se trouva très légèrement brûlé : un phénomène d’entropie magique étrange s’était produit, comme si la magie était très très sensible comparativement à leur monde.

Cela étant, ce petit incident permis au moins de remplir l’objectif initial : la gerbe de flamme était venue éclairer vivement l’endroit, et avait embrasé un élément de décor au plafond, qui permettait d’illuminer ce petit couloir. Cependant, aussi étrange que cela pouvait paraître le feu semblait se contrôler de lui-même : pas d’expansion massive, le métal semblant en absorber sa chaleur. Voilà qui rassura l’esprit du Baptistrel : au moins, il n’avait pas détruit quelque chose, risquant d’impacter d’autres univers par ses choix.

Ils y virent donc plus clair, et les impressions de Belethar furent confirmés : c’était bien un long couloir, ou plutôt un tunnel, l’Espérancieux ayant maintenant la sensation similaire à leur précédente exploration : étaient-ils sous terre ? Ce tunnel continuait à perte de vue devant et derrière eux, et effectivement à droite, la cavité que Belethar distinguait était une espèce de renfoncement rectangulaire, au sein d’un tunnel qui lui semblait … Parfaitement cylindrique. Du moins la géométrie de l’endroit semblait très clairement se dénoter dans l’esprit du baptistrel architecte qu’il était.

Belethar essaya d’aller en apprendre un peu plus sur ce renfoncement, en escaladant le muret et en le rejoignant : une fois sur place, cela lui faisait penser à une sorte d’estrade ou de balustrade … Sans barrière, et sans salle à surplomber. C’était étrange. Il remarqua tout de suite du mobilier : des bancs, des chaises, et deux armoires encastrées dans le mur avec des façades en verre … Mais tout semblait poussiéreux, tant et si bien que Belethar ne voyait pas à travers les vitres. C’était presque comme si cet endroit était lui aussi totalement abandonné. II y avait également une autre ouverture un peu plus loin menant très vraisemblablement vers un autre tunnel. Autre chose étrange : il n’y avait absolument pas de fenêtre en ces lieux, et pas de lumière du jour, ce qui confirma par deux fois l’impression de Belethar qu’ils étaient sous terre.

Belethar tâcha d’explorer un peu par lui-même, et alla d’abord voir ses armoires, dispersant un peu la poussière pour voir au travers : de l’autre côté, il voyait plusieurs objets alignés en sorte de rangées. Une rangée composée de fioles rempli d’eau, et une autre où de petits emballages contenaient de la nourriture pourrie à l’intérieure … Belethar arqua un sourcil, avant d’émettre un commentaire à son presque-frère :

« Je ne sais pas où nous avons atterri, mais cette nourriture n’a pas l’air très très comestible. »

L’Espérancieux fit un dernier tour de la pièce, mais ne constata rien d’autre de bien intéressant. Il se rapprocha de cette ouverture qu’il avait vu, et en distinguait des escaliers montants. Peut-être était-ce donc un chemin vers une sortie ! Belethar s’empressa d’y grimper, mais ne pu aller plus loin que quelques marches : le haut était condamné, précisément, le plafond s’était effondrée, sur lui-même, condamnant l’escalier. L’Espérancieux arbora un air déçu, opéra un demi-tour, et remarqua alors là une porte encastrée non loin du commencement des marches. Une porte qu’il aurait facilement pu louper, en y faisant pas vraiment attention.

Belethar s’approcha de la porte en question, et s’aperçut qu’il n’y avait pas de poignées de portes. Évidemment, cela aurait été trop simple. grommela intérieurement le baptistrel. Il y avait cependant une irrégularité, là où était censé être cette poignée : une irrégularité rectangulaire prenant la forme de neuf symboles qui étaient rangés dans un tableau de trois lignes et trois colonnes. L’Espérancieux soupira, se frotta la barbe, et se pencha sur ces symboles : cela semblait être de l’écriture graärh – évidemment – , et cela lui faisait presque penser à des chiffres. Mais pourquoi ces chiffres étaient disposés ainsi devant cette porte ? Belethar réfléchit un instant, et se concentra à nouveau : quand il touchait cette irrégularité, il sentait une très faible empreinte magique en celui-ci. Le baptistrel émit une hypothèse à voix haute :

« Serait-ce donc un cadenas magique protégeant l’endroit ? »

Belethar fronça les sourcils, et voulu en apprendre plus sur cette porte. L’Espérancieux se tourna, cherchant ses compagnons du regard, et remarqua que Dwëmmer avait suivi le mouvement, comme observant le baptistrel dans ses découvertes. Le cawr en profita pour l’interroger :

« Auriez-vous une idée du fonctionnement d’un tel cadenas ? »

Après tout, l’araignée mécanique semblait être de la même nature que cet endroit étrange. Alors peut-être avait-elle une piste de réflexion. Celle-ci posa sa patte sur l’irrégularité, et s’arrêta un instant pour réfléchir : elle confia ensuite au baptistrel que c’était effectivement une sorte de cadenas, et qu’il fallait presser quatre chiffres dans une bonne combinaison pour l’ouvrir. Mais bien sûr, elle ne connaissait pas cette combinaison. Elle précisa également la nature magique du cadenas, et qu’il y avait vraisemblement un moyen de le contourner si l’on se fiait à cela. Un cristal de magie semblait à la base de son fonctionnement.

Belethar se frotta la barbe : intéressant. L’Espérancieux posa donc sa main à son tour, et mobilisa très délicatement la Trame pour être sûr que le mécanisme n’explose pas non plus avec perte et fracas. L’entropie ne se reproduisit pas, et le mécanisme semblait … Se recharger ? Du moins, les irrégularités s’illuminèrent, et un espèce de tableau de lumière se dessina autour de la porte.

Belethar s’arrêta là pour l’heure, et reprit une posture pensive. Dwëmmer confirma que le bapistrel avait réactivé le mécanisme, et que celui-ci semblait « opérationnel », selon ses dires. Il fallait donc maintenant le contourner. Belethar eut un premier réflexe un peu bête d’appuyer sur quatre fois le même symbole, mais rien ne se passa, et un petit bruit grave s’échappa de la porte, presque de mécontentement. L’Espérancieux sourit : au moins, il avait essayé. Dwëmmer se tourna vers lui et lui fit :

« Vous pensiez vraiment qu’une combinaison aussi simple fonctionnerait ? »

Belethar haussa les épaules : Qui ne tentait rien n’avait rien, après tout. Mais il reconnaissait le caractère dangereux de sa tentative, effectivement, peut-être que cela aurait pu enclencher des pièges. Mais comme tout semblait à l’abandon ici …

Belethar tacha de se concentrer, et fit appel une nouvelle fois à la magie pour voir s’il n’y avait pas effectivement un moyen de se sortir de cette affaire. Il utilisa un sort d’Identification et fronça les sourcils, droit vers ce petit tableau de symboles. Le Cawr fut pris d’un petit vertige au moment où l’énergie passa son corps, et se rattrapa à un mur non loin. Bien sûr, l’entropie lui jouait encore des tours, et son esprit semblait de retour d’un voyage turbulent non-consenti. Il tâcha cependant d’extraire quelques informations : quatre symboles, quatre chiffres lui apparurent. Ils composaient le code, et il fallait maintenant essayer de trouver en quel ordre il fallait les poser.

Pour cela, Belethar observa à nouveau les alentours : il ne trouva cependant aucun indice pouvant l’aider dans cette voie. Il n’avait donc pas d’autres choix que d’essayer toutes les combinaisons les unes après les autres, ne voulant pas s’aventurer à une nouvelle fois utiliser sa magie pour le guider, à la vue des réactions que Belethar avait eu.

Belethar posa donc à nouveau sa main sur le tableau, et au même moment, une pince de Dwëmmer l’interrompit : l’araignée semblait concernée par le fait qu’ils n’avaient peut-être pas un nombre de chances infinis pour taper ce code, et qu’ils avaient déjà tenté une fois.

L’Espérancieux pris une petite inspiration, avant de faire à l’araignée : « Peut-être, mais nous n’avons pas vraiment d’autres choix raisonnables. ». Et dans le pire des cas, il serait toujours temps de faire exploser le mécanisme en créant un trop plein de magie. L’araignée retira sa pince, et les croisèrent devant sa tête.

Belethar attaqua donc la première combinaison, une petite goutte de sueur perlant de son front. Après sa tentative, il vit une petite projection d’un engrenage au-dessus du mécanisme. Celui-ci tournait. Belethar peina à comprendre le pourquoi de ce petit engrenage, mais il entendit finalement un bruit clair en provenance de la porte, différent du premier son qu’il avait entendu, et surtout, il entendit un bruit de loquet, signe que la porte était déverrouillée.

Coup de chance, ou bien bénédiction des Huit qui étaient penchés sur eux … Cette combinaison fut la bonne. Un soupir de soulagement s’échappa du baptistrel, et il put examiner la porte, qui voulut s’ouvrir automatiquement, avant de se bloquer. Dwëmmer commenta en indiquant que « c’étaient peut-être les gonds qui n’avaient pas été graissés depuis longtemps », mais ils pouvaient au moins l’ouvrir.

Belethar aida donc la porte à se pousser, afin qu’ils puissent rentrer tous les trois, et devant eux, une salle s’ouvrit …


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« On dirait que nous avons atterri dans un bâtiment graärh comme ceux que nous avons visité. »

Ilhan hocha la tête. Oui, il avait la même sensation. Plus même… La sensation qu’il éprouvait là en arrivant en ces lieux était plus ou moins la même que celle qu’il avait pu ressentir dans les tréfonds de Calastin, que ce soit aux abords de l'entreprise Ychgama ou à l'intérieur... L'impression d'être sous terre.

Une autre sensation l’envahit presque aussitôt également. La magie. La magie vibrait d’une bien étrange façon. D’une toute autre façon que dans leur monde, ou même que dans le monde éthéré qu’il venait de quitter. Le jeune sainnûr avait tout simplement l’impression de… flotter, de se sentir plus léger. En se concentrant sur ses sens, il pouvait pressentir que, en ces lieux, la trame miroitait de bien d’autres fils, comme si la magie liée ici répondait à des règles quelque peu différentes.

Il n’eut toutefois pas le temps d’indiquer ses ressentis et questionnements à Belethar que celui-ci invoqua la magie pour leur faire de la lumière. Et quelle lumière ! Elle embrasa littéralement la main du baptistrel jusqu’au plafond. Une frayeur sans nom paralysa un court instant le sainnûr à ce spectacle de pyromancie. Lui, si peu doué et si peu ami avec le feu… Qu’avaient-il donc à tant aimer cet élément ?

Oui, la magie semble bien plus sensible ici. Retenue semble de mise concernant cette chère amie, fit-il d’une voix sourde.

Oui, retenue, le nouveau mot clé concernant la magie. Cela allait se révéler délicat, mais ils n’auraient sans doute pas le choix. S’ils cherchaient à la manipuler comme dans leur monde d'origine, un sort de faible niveau pourrait bien se révéler plus dévastateur d’un sort de maître mage en leur monde… Bon, peut-être pas de maître mage, mais pas loin...

Il laissa alors Belethar observer les lieux et jouer les éclaireurs pour eux, confiant en les capacités du baptistrel pour les guider. Se laissant baigner quant à lui pour quelques instant dans ce bain euphorique de flottement magique. La tentation était forte, il devait bien l’avouer. Car si lancer un sort même faible se révélait si puissant, si sensible… que dire du fait d’en déguster les saveurs magiques ? La magie avait-elle un autre goût en ces lieux ? Etait-elle plus nourrissante encore, plus… plus…

Ce fut avec un douloureux effort qu’il s’extirpa de ces fourbes pensées de la tentation. Mieux valait sans doute ne pas y céder. Il devait se forger volonté de fer pour recouvrer ses véritables sens et revenir à la réalité. Il ne pouvait abandonner son presque-frère à cette dangereuse exploration sans l’aider… Peu à peu, se focalisant sur ce fil de détermination, ténu mais bel et bien ancré en lui, il parvint à reprendre pied. Son presque-frère venait de découvrir une sorte de cavité en bordure du tunnel. Ilhan observa alors autour de lui, murs, plafonds maintenant illuminés, s’accrochant presque à cette lumière pour ne pas replonger en pleine euphorie, puis sol… sol… sol sur lequel il observa deux petits sillons parallèles se prolongeant de part et d'autre du tunnel cylindrique jusqu'à disparaître dans l'obscurité. Des sillons qui lui rappelaient vaguement quelque chose, très vaguement, sans qu’il ne parvienne encore à saisir quoi.

Puis, réalisant que Belethar était parti explorer la corniche, les avisant ainsi qu’il n’y avait aucun danger, Ilhan le suivit. Là encore, comme à son habitude, son regard fit un rapide tour de la pièce, y notant issue et autre cachette dangereuse ou potentiellement utile. Aux observations de Belethar, Ilhan hocha la tête. Toutefois… Il ne put s’empêcher de tiquer sur le mobilier. En expert du confort, du bon goût et du savoir-vivre, il ne put manquer une étrange lacune dans cette pièce : des bancs et des armoires avec vitrine ayant de la nourriture à disposition à l'intérieur… mais aucune table, pas même une table basse ? Non, cela ne ressemblait aucunement à un lieu pour prendre le dîner. Ou alors les gens de ce monde avaient des mœurs bien barbares. Non, on aurait plutôt dit… que ce lieu était destiné à permettre de s'asseoir pour attendre.

Belethar toutefois était déjà devant une porte qu’il avait trouvée, au pied d'un escalier dont le sommet était bloqué par un éboulement, une porte incrustée dans un mur. Ilhan s’en approcha, mais laissa son presque-frère l’ausculter. Il eut un mouvement d’inquiétude vers lui, quand un vertige prit Belethar, mais celui-ci sembla vite récupérer et continua son inspection. Inspection qui leur révéla qu’il fallait maintenant trouver le bon ordre des numeros de ce mécanisme condamnant la porte. Ilhan laissa Belethar opérer, bien que légèrement anxieux au vu de la réaction de l’araignée mécanique, quand celle-ci croisa ses pinces devant sa tête, mais le sainnûr n’intervint pas, pleinement confiant en son presque frère.

Grand bien lui en prit, Belethar parvint à la déverrouiller ! Et la porte s'ouvrit sur une petite salle.

Cette nouvelle pièce leur révéla trois chaises, d'un genre un peu farfelu, semblant mobile sur d’étranges petites roues, ainsi que quatre armoires d'un genre austère, gris, terne, lisse… Vraiment sans aucun style ni aucun goût. Trônaient également deux bureaux, avec des mécanismes particuliers, qui lui rappelèrent ce qu’Ilhan avait pu voir dans le musée de la société Ychgama. Au dessus de ces bureaux, au niveau des murs, des cadres dont l'intérieur était vide. Tels les cadres trouvés dans le musée de la société Ychgama, là encore.

Dans cette pièce, des vêtements traînaient ça et là, un ensemble de vêtements était posé sur une chaise tandis que deux autres jonchaient le sol. Des vêtements en un tas informe, non pas comme si quelqu'un les avait jetés, non, plutôt comme si la personne qui les avait portés avait disparu sur place, ne laissant plus que ces vêtements qui étaient alors tombés au sol… A cette observation, Ilhan fronça les sourcils et indiqua ses observations à voix haute à ses compagnons de voyage, tout en leur montrant de la main les vêtements dont il parlait.

Tout en évitant soigneusement de s’approcher de trop près de ces vêtements, il se dirigea vers les casiers, qu’il ouvrit sans peine. Mais il n’y trouva rien de particulier, en dehors de bibelots de nature magique, mais qui semblait cassés.

Il se dirigea ensuite vers les bureaux et fut fort dépité face aux mécanismes du premier qui étaient totalement inopérants. Heureusement, ceux du second répondirent : il y avait encore une étincelle de magie. Il le rechargea un peu en magie, avec force précaution, et chercha à le manipuler un peu comme il avait pu le faire dans le musée pour avoir le plan.

Il parvint alors à activer quelque chose. Étrangement ce ne fut pas le bureau qui réagit… mais les cadres au-dessus de lui. Des cadres qui s'illuminèrent. Mais seul l'un d'eux fonctionna correctement pour être lisible, tandis que les deux autres ne faisaient apparaître que des grésillements.

Je crois avoir trouvé quelque chose d’intéressant, fit-il, appelant ses compagnons.

Une carte, dirait-on. Oui, un carte, réalisa-t-il !

Une carte, répéta-t-il en un souffle. Je suis sûr qu’il s’agit d’une carte. Qu’en penses-tu ? demanda-t-il à Belethar.

De prime abord, elle n'était pas très compréhensible. Seules des lignes de différentes couleurs sinuaient entre elles, se croisant et se décroisant. A y regarder de plus près toutefois, chaque ligne semblait représenter un chemin différent, reliant de petits cercles et de petits rectangles. Plusieurs lignes se croisaient, mais pas toutes, les croisements s’effectuaient toutefois toujours au niveau de certains rectangles, mais jamais au niveau des cercles.

Finalement, sur l'un de ces rectangles, Ilhan remarqua, à l'intérieur, une sorte de petite étoile.

Regardez cette étoile. Là, sur ce rectangle.

Se disant, il montra du doigt ce dont il parlait sur la carte. Sans toutefois la toucher, sait-on jamais.

Une seule et unique étoile sur toute la carte, reprit-il à voix basse, comme réfléchissant à haute voix. Serait-ce… Indiquerait-elle une position particulière ? Si oui, laquelle ? Indiquerait-elle tout simplement notre propre position ?

Il n’eut guère le temps de réfléchir plus avant à la question, que soudain, sur l'une des lignes passant par le rectangle dans lequel se trouvait cette petite étoile, un des cercles présent sur cette ligne se mit à bouger.

Aussitôt, Ilhan l’indiqua d’un doigt, sans un mot. Le cercle suivit le chemin de la ligne et semblait se diriger vers le fameux rectangle avec l’étoile.

Et alors qu’ils suivaient ce petit point mobile sur la carte, ils entendirent une sorte de grésillement en provenance du tunnel. Ce grésillement émanait des sillons parallèles qu’il avait remarqué sur le sol. Et aussitôt, le souvenir surgit. Le curieux véhicule qu’ils avaient emprunté à l'intérieur de la société Ychgama ! Le… comment s’appelait-il déjà ? Ah oui, le wagonnet. Le wagonnet ! Des rails ?! Bientôt, un bruit plus important se fit entendre, un écho lointain, qui se rapprochait à grande vitesse en leur direction. Un son fort, strident, assez désagréable. Un véritable vacarme, faisant hurler d’agonie ses sens de sainnûr, à mesure que cela arrivait vers eux et... à mesure que le cercle sur l'écran approchait du rectangle avec l’étoile. Si c’était un wagonnet qui approchait, au vu du vacarme fracassant, ce devait être un très très gros wagonnet cette fois !

Avant même qu’ils puissant réagir, quelque chose fit alors irruption depuis le tunnel en longeant la cavité dans laquelle ils se trouvaient quelques minutes auparavant. La chose s'arrêta, mettant fin au supplice du vacarme provoqué par son approche. La chose ressemblait à une sorte d’énorme serpent cylindrique, qui épousait parfaitement l'espace cylindrique du tunnel. Ilhan n’aurait su dire pourquoi, mais ca lui faisait vraiment penser au curieux véhicule que vous aviez emprunté à l'intérieur de la société Ychgama, sauf qu'ici ca à l'air ... plus confortable. Un gros wagon fermé, tout de métal ? Drôle de concept… Ou était-ce encore autre chose ? Peu de temps après s'être immobilisée, le serpent de métal s'ouvrit au niveau des flancs. Des portes ! Des portes coulissant, et révélant à l'intérieur des sièges et des bancs… Ilhan était de plus en plus perplexe mais aussi curieux et fasciné. Oui, il avait de plus en plus la sensation que cela ressemblait au fameux wagonnet de la société Ychgama… en bien plus confortable.

Il aurait bien été visité ce serpent de métal pour en apprendre plus, mais une voix, qui semblait être graärh, se mit à résonner depuis l'intérieur de ce nouvel arrivant. Une voix très difficilement audible en raison d'innombrables grésillements. Heureusement, Dwëmmer était avec eux et parvint à saisir quelques bribes :

« Ca dit que ca repart dans moins d'une minute et qu'il faut faire attention à la fermeture des portes.  »

Ilhan observa alors ses compagnons, ses yeux noirs pétillant d’or et d’excitation. Et… s’ils montaient dedans, les invitait-il en silence. Son presque-frère le connaissait assez bien pour comprendre ce que ce regard et ce lourd silence signifiait. L’envie, la curiosité, le titillaient bien trop. Et après tout, ils n’étaient pas venus ici pour rien… Alors.. Et s’ils montaient dedans ?

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