Belethar fut heureux de constater que ses œuvres convinrent bien à la petite assemblée, et ainsi ils purent avancer ensemble. Alors que son presque-frère semblait … Se contenir, ou du moins faisait-il de temps à autres des grimaces pendant que l’opération était en cours, comme s’il semblait se battre intérieurement contre quelque chose.
L’Espérancieux compris bien vite que la nature de Sainnûr devait revenir au galop chez Ilhan, et qu’à la vue de la quantité colossale de magie environnante, lui qui faisait tout ce qu’il pouvait pour ne pas la manger, cela devait être une situation pas des plus faciles à vivre, un peu de la même façon que si l’on avait agité une bouteille pleine devant un alcoolique en rémission. Belethar lui adressa un regard compréhensif, presque inquiet : il aurait bien jeté un sortilège sur Ilhan pour aider à le canaliser … Mais l’Espérancieux savait que cela risquerait de ne pas l’aider du tout au contraire.
Cela étant, Belethar se nota pour plus tard de regarder de plus près cette appétence pour la magie que son presque-frère avait : s’il pouvait traiter le problème à la source, via son chant-nom, L’Espérancieux le débarrasserait certainement d’un sacré fardeau. Mais là était d’autres préoccupations que celles qu’ils avaient actuellement.
L’Espérancieux regarda le grand dragon faire son balai pour aller poser les piliers, et finalement se servir de sa puissante magie pour manipuler la barrière … Le tout créant une réaction plutôt positive, ou tout du moins était-ce celle que le trio recherchait : la puissante barrière s’étendit, les obélisques servant de relais de puissance à la muraille. Ce ne fut pas sans peine cela dit, et Belethar avait clairement senti ce grand mur tremblé sous ses pieds : mais évidemment, rien ne pouvait affaiblir la structure des divins, si ce n’est ces derniers. La Foi au corps, donc, Belethar avait surpassé cette épreuve sans plus de mal que cela, les tremblements étant aussi bref que le processus d’agrandissement de cette barrière.
Ainsi donc, les deux larrons qui avaient fait leur voyage jusqu’au royaume des êtres divins avaient accompli leurs missions auprès du grand Dragon. Belethar s’en satisfaisait, et il semblait qu’Ilhan aussi. Verith revint cependant, et leur dit que jamais plus, ils ne devaient venir ici. Ainsi soit-il, Belethar l’avait promis.
Toutefois, comme le suggérait le regard d’Ilhan, ils ne posèrent plus les pieds ici, mais n’avait pas pour autant fini leur dangereuse excursion : au contraire, il leur restait un monde à visiter. Un monde où les Couronnes de Cendres auraient gagné. Ainsi Verith leur confia sa délicate araignée mécanique qui prirent les deux hommes par la main à l’aide de ses pinces. Elle allait être garante du bon déroulement du trajet retour des deux compagnons – même si ce trajet allait connaître un léger détour – … Puis Verith s’en alla, presque aussi vite qu’il n’était venu.
Il n’y avait donc plus de garde-fous à leur exploration : croiser Verith avait certes été une formidable chance, et ils avaient pu contribuer ensemble à la bonne survie de ce royaume spirituel, mais Belethar regrettait presque que le grand dragon leur ai interdit l’exploration des lieux : du moins, l’âme aventureuse du baptistrel était en légère peine, car il aurait aimé déceler tous les secrets des Chimères. Mais après tout, le dragon de l’ire avait raison : cette zone était dangereuse, et quitte à choisir, le baptistrel ne préférait pas subir le feu du dragon en conséquence d’actes malvenues. Celui-ci s’était déjà montré bien sympathique en ne les renvoyant pas immédiatement chez eux.
Ainsi, Ilhan se fit de l’araignée son amie, non sans tirer un sourire chez l’Espérancieux : à croire que son presque-frère avait comme un don naturel avec ces dernières. Ilhan exposa les plans, auquel Belethar hocha la tête : certainement, ils devaient s’y rendre au plus vite, pour la fièvre de l’exploration, mais aussi pour se préparer au mieux quant à ce qu’y allait suivre dans leur humble monde. Avec une petite surprise dans l’esprit du Baptistrel, Dwëmmer accepta sans trop tergiverser des conditions de ce voyage, précisant même qu’ils n’étaient pas obligé de « directement » rentrer chez eux. A se demander si ce petit être mécanique n’avait pas besoin de se dégourdir les pattes, et qu’elle eut rarement l’occasion de le faire avec Verith.
Ils iraient donc tous trois, ou plutôt tous quatre, si l’on comptait le mignon petit chaton d’Ilhan, aux vertus extraordinaires qui leurs permettaient d’entreprendre ces grands voyages. Belethar assista d’ailleurs au petit manège de son presque-frère qui demanda avec toute l’affection du monde à, à nouveau, utiliser les pouvoirs d’Oloreä. Belethar se passa de tous commentaires quant aux diverses d’Ilhan, et lui rendit simplement un petit sourire et un haussement d’épaules : après tout, l’on était tous égaux devant des animaux, et il est fort à parier que l’Espérancieux aurait fait de même s’il avait un compagnon pour suivre sa route.
Puis enfin, ils partirent. Dwëmmer s’agrippa à Belethar, et ils se téléportèrent dans ce fameux autre monde …
***
Belethar ayant l’habitude de se téléporter, le voyage en lui-même ne fut pas des plus difficiles, mais les conditions d’arrivées le furent quelque peu. L’Espérancieux trouva l’environnement qui les entouraient très sombre : à tel point qu’il eut besoin d’étendre ses bras pour vérifier qu’Ilhan et Dwëmmer était toujours là, ainsi que de cligner des yeux pour s’assurer que là n’était pas sa vision qui lui jouait des tours.
Mais tous étaient là, et malgré le clignement des yeux, rien ne se passa. S’était donc bien le point d’arrivée de leur voyage. Belethar fronça les sourcils, et fit quelques pas : ceux-ci résonnaient, dans ce qui semblait être un grand couloir, selon la spatialisation du son que le baptistrel estimait. D’ailleurs, ce sol sonnait comme un métal qui paraissait comme familier à Belethar. Il s’empressa de confirmer ou infirmer ses dires, et tenta de capter les vibrations autour de lui : et au-delà de la difficulté à capter des vibrations qui n’étaient pas de son monde originel, L’Espérancieux sentait bel et bien un blocage, de la même façon qu’il avait pu connaître dans les souterrains de Calastin et dans la forge d’Udyogg : ce matériau semblait hermétique à toute onde baptistrale. Belethar s’empressa de commenter à voix haute :
« On dirait que nous avons atterri dans un bâtiment graärh comme ceux que nous avons visité. » Liant geste et paroles, Belethar essaya d’explorer à l’aveuglette : c’était vraisemblablement un petit couloir, où le mur gauche était plein, mais le mur droit ne l’était pas totalement, et il y avait même une espèce de petite cavité, où l’on pouvait s’engouffrer après avoir légèrement escaladé.
Cependant, Belethar n’y voyait pas grand-chose, et décida d’abord d’allumer de la lumière. Ne constatant aucunes torches ou autres sources pouvant faire office de quelque chose autour de lui, l’Espérancieux décida d’agir de lui-même en créant une petite flamme sur sa main. Ce ne serait pas grand-chose, mais sa lumière permettrait d’un peu mieux distingué l’endroit.
Grand mal lui en pris, car en réalisant le geste clé et en convoquant les forces de la Trame, Belethar se trouva à faire sortir une gerbe de flamme de sa paume, qui alla directement heurter le plafond avant que le Baptistrel ne put faire quoi que ce soit. Paniqué, le Cawr agita sa main gauche qui se trouva très légèrement brûlé : un phénomène d’entropie magique étrange s’était produit, comme si la magie était très très sensible comparativement à leur monde.
Cela étant, ce petit incident permis au moins de remplir l’objectif initial : la gerbe de flamme était venue éclairer vivement l’endroit, et avait embrasé un élément de décor au plafond, qui permettait d’illuminer ce petit couloir. Cependant, aussi étrange que cela pouvait paraître le feu semblait se contrôler de lui-même : pas d’expansion massive, le métal semblant en absorber sa chaleur. Voilà qui rassura l’esprit du Baptistrel : au moins, il n’avait pas détruit quelque chose, risquant d’impacter d’autres univers par ses choix.
Ils y virent donc plus clair, et les impressions de Belethar furent confirmés : c’était bien un long couloir, ou plutôt un tunnel, l’Espérancieux ayant maintenant la sensation similaire à leur précédente exploration : étaient-ils sous terre ? Ce tunnel continuait à perte de vue devant et derrière eux, et effectivement à droite, la cavité que Belethar distinguait était une espèce de renfoncement rectangulaire, au sein d’un tunnel qui lui semblait … Parfaitement cylindrique. Du moins la géométrie de l’endroit semblait très clairement se dénoter dans l’esprit du baptistrel architecte qu’il était.
Belethar essaya d’aller en apprendre un peu plus sur ce renfoncement, en escaladant le muret et en le rejoignant : une fois sur place, cela lui faisait penser à une sorte d’estrade ou de balustrade … Sans barrière, et sans salle à surplomber. C’était étrange. Il remarqua tout de suite du mobilier : des bancs, des chaises, et deux armoires encastrées dans le mur avec des façades en verre … Mais tout semblait poussiéreux, tant et si bien que Belethar ne voyait pas à travers les vitres. C’était presque comme si cet endroit était lui aussi totalement abandonné. II y avait également une autre ouverture un peu plus loin menant très vraisemblablement vers un autre tunnel. Autre chose étrange : il n’y avait absolument pas de fenêtre en ces lieux, et pas de lumière du jour, ce qui confirma par deux fois l’impression de Belethar qu’ils étaient sous terre.
Belethar tâcha d’explorer un peu par lui-même, et alla d’abord voir ses armoires, dispersant un peu la poussière pour voir au travers : de l’autre côté, il voyait plusieurs objets alignés en sorte de rangées. Une rangée composée de fioles rempli d’eau, et une autre où de petits emballages contenaient de la nourriture pourrie à l’intérieure … Belethar arqua un sourcil, avant d’émettre un commentaire à son presque-frère :
« Je ne sais pas où nous avons atterri, mais cette nourriture n’a pas l’air très très comestible. »L’Espérancieux fit un dernier tour de la pièce, mais ne constata rien d’autre de bien intéressant. Il se rapprocha de cette ouverture qu’il avait vu, et en distinguait des escaliers montants. Peut-être était-ce donc un chemin vers une sortie ! Belethar s’empressa d’y grimper, mais ne pu aller plus loin que quelques marches : le haut était condamné, précisément, le plafond s’était effondrée, sur lui-même, condamnant l’escalier. L’Espérancieux arbora un air déçu, opéra un demi-tour, et remarqua alors là une porte encastrée non loin du commencement des marches. Une porte qu’il aurait facilement pu louper, en y faisant pas vraiment attention.
Belethar s’approcha de la porte en question, et s’aperçut qu’il n’y avait pas de poignées de portes.
Évidemment, cela aurait été trop simple. grommela intérieurement le baptistrel. Il y avait cependant une irrégularité, là où était censé être cette poignée : une irrégularité rectangulaire prenant la forme de neuf symboles qui étaient rangés dans un tableau de trois lignes et trois colonnes. L’Espérancieux soupira, se frotta la barbe, et se pencha sur ces symboles : cela semblait être de l’écriture graärh – évidemment – , et cela lui faisait presque penser à des chiffres. Mais pourquoi ces chiffres étaient disposés ainsi devant cette porte ? Belethar réfléchit un instant, et se concentra à nouveau : quand il touchait cette irrégularité, il sentait une très faible empreinte magique en celui-ci. Le baptistrel émit une hypothèse à voix haute :
« Serait-ce donc un cadenas magique protégeant l’endroit ? » Belethar fronça les sourcils, et voulu en apprendre plus sur cette porte. L’Espérancieux se tourna, cherchant ses compagnons du regard, et remarqua que Dwëmmer avait suivi le mouvement, comme observant le baptistrel dans ses découvertes. Le cawr en profita pour l’interroger :
« Auriez-vous une idée du fonctionnement d’un tel cadenas ? » Après tout, l’araignée mécanique semblait être de la même nature que cet endroit étrange. Alors peut-être avait-elle une piste de réflexion. Celle-ci posa sa patte sur l’irrégularité, et s’arrêta un instant pour réfléchir : elle confia ensuite au baptistrel que c’était effectivement une sorte de cadenas, et qu’il fallait presser quatre chiffres dans une bonne combinaison pour l’ouvrir. Mais bien sûr, elle ne connaissait pas cette combinaison. Elle précisa également la nature magique du cadenas, et qu’il y avait vraisemblement un moyen de le contourner si l’on se fiait à cela. Un cristal de magie semblait à la base de son fonctionnement.
Belethar se frotta la barbe : intéressant. L’Espérancieux posa donc sa main à son tour, et mobilisa très délicatement la Trame pour être sûr que le mécanisme n’explose pas non plus avec perte et fracas. L’entropie ne se reproduisit pas, et le mécanisme semblait … Se recharger ? Du moins, les irrégularités s’illuminèrent, et un espèce de tableau de lumière se dessina autour de la porte.
Belethar s’arrêta là pour l’heure, et reprit une posture pensive. Dwëmmer confirma que le bapistrel avait réactivé le mécanisme, et que celui-ci semblait « opérationnel », selon ses dires. Il fallait donc maintenant le contourner. Belethar eut un premier réflexe un peu bête d’appuyer sur quatre fois le même symbole, mais rien ne se passa, et un petit bruit grave s’échappa de la porte, presque de mécontentement. L’Espérancieux sourit : au moins, il avait essayé. Dwëmmer se tourna vers lui et lui fit :
« Vous pensiez vraiment qu’une combinaison aussi simple fonctionnerait ? »Belethar haussa les épaules : Qui ne tentait rien n’avait rien, après tout. Mais il reconnaissait le caractère dangereux de sa tentative, effectivement, peut-être que cela aurait pu enclencher des pièges. Mais comme tout semblait à l’abandon ici …
Belethar tacha de se concentrer, et fit appel une nouvelle fois à la magie pour voir s’il n’y avait pas effectivement un moyen de se sortir de cette affaire. Il utilisa un sort d’Identification et fronça les sourcils, droit vers ce petit tableau de symboles. Le Cawr fut pris d’un petit vertige au moment où l’énergie passa son corps, et se rattrapa à un mur non loin. Bien sûr, l’entropie lui jouait encore des tours, et son esprit semblait de retour d’un voyage turbulent non-consenti. Il tâcha cependant d’extraire quelques informations : quatre symboles, quatre chiffres lui apparurent. Ils composaient le code, et il fallait maintenant essayer de trouver en quel ordre il fallait les poser.
Pour cela, Belethar observa à nouveau les alentours : il ne trouva cependant aucun indice pouvant l’aider dans cette voie. Il n’avait donc pas d’autres choix que d’essayer toutes les combinaisons les unes après les autres, ne voulant pas s’aventurer à une nouvelle fois utiliser sa magie pour le guider, à la vue des réactions que Belethar avait eu.
Belethar posa donc à nouveau sa main sur le tableau, et au même moment, une pince de Dwëmmer l’interrompit : l’araignée semblait concernée par le fait qu’ils n’avaient peut-être pas un nombre de chances infinis pour taper ce code, et qu’ils avaient déjà tenté une fois.
L’Espérancieux pris une petite inspiration, avant de faire à l’araignée :
« Peut-être, mais nous n’avons pas vraiment d’autres choix raisonnables. ». Et dans le pire des cas, il serait toujours temps de faire exploser le mécanisme en créant un trop plein de magie. L’araignée retira sa pince, et les croisèrent devant sa tête.
Belethar attaqua donc la première combinaison, une petite goutte de sueur perlant de son front. Après sa tentative, il vit une petite projection d’un engrenage au-dessus du mécanisme. Celui-ci tournait. Belethar peina à comprendre le pourquoi de ce petit engrenage, mais il entendit finalement un bruit clair en provenance de la porte, différent du premier son qu’il avait entendu, et surtout, il entendit un bruit de loquet, signe que la porte était déverrouillée.
Coup de chance, ou bien bénédiction des Huit qui étaient penchés sur eux … Cette combinaison fut la bonne. Un soupir de soulagement s’échappa du baptistrel, et il put examiner la porte, qui voulut s’ouvrir automatiquement, avant de se bloquer. Dwëmmer commenta en indiquant que
« c’étaient peut-être les gonds qui n’avaient pas été graissés depuis longtemps », mais ils pouvaient au moins l’ouvrir.
Belethar aida donc la porte à se pousser, afin qu’ils puissent rentrer tous les trois, et devant eux, une salle s’ouvrit …