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30 juillet 1764


L’eau d’un bain frais, par cette chaleur caniculaire, représentait un bonheur auquel ses sensations vampiriques ne pouvaient s’extasier, mais cela lui apportait un peu d’apaisement et d’autres senteurs, plus florales, à son odorat sensible. L’odeur de la mort putride et des corps calcinés lui rappelait bien trop Morneflamme. Il appréciait cette pause à sa juste valeur, la couronne d’Aegnor entre les mains. Elizabeth détenait une information plus qu’importante, au sujet de la famille impériale décimée. Il ne restait qu’Orfraie, qu’Aldaron avait mise sous glace après qu’elle fut placée en stase, un état entre la vie et la mort, et Elena, la fille que la princesse avait eue avec Luna. Il savait à présent que ce n’était pas tout. Elros, ou Nathaniel, était de ce sang-là. Qu’il dirige cette cité était peut-être alors une destinée toute tracée. Ou une ironie du sort.

Faisant tourner délicatement la couronne entre ses doigts, son esprits voguait vers d’autres considérations. La mémoire des elfes défunts logeait au sein de l’artefact et un elfe, en particulier, l’intéressait : Gandalf. L’homme à qui il avait promis de protéger la fille, Ondolindë. L’esprit de sa progéniture était fragilisé par Morneflamme et par la Peste qui l’avait rongé, mais son âme saurait incarner les idéaux de la lignée Elusis. Il avait foi en ses enfants, tels des divinités auxquels il s’accrochait pour survivre. Il avait partagé cet amour avec Gandalf, et à présent que ce dernier avait connu le trépas, le Prince Noir sillonnait sur le chemin de sa vie, captant les principaux événements, heureux ou malheureux, de son existence.

Puis il y eut cet instant où Gandalf avait pris la main nue de Nathaniel pour y déposer un baiser. Mortel. L’ast rouvrit les yeux d’un coup, grand, réalisant ce que cela impliquait. Nathaniel s’en était-il rendu compte ? Sûrement que cela avait dû commencer à le gratter. Le Prince Noir quitta son bain et s’habilla sommairement sans prendre le temps de sécher complétement ses cheveux qu’il avait rassemblé en une tresse un peu grossière. Il devait le prévenir, avant que tout l’équipage et pire ne finisse contaminé. Il monta à cheval et rejoignit le port  où le Maelstrom avait jeté l’ancre. Il réclama à être conduit au Roi de la Confrérie et par son statut et la coopération entre leur deux factions, on ne tarda pas à le guider jusqu’à la cabine du Capitaine où il entra… Alors que Demens en sortait. On lui confia que Nathaniel avait besoin de repos mais il pénétra tout même à l’intérieur, quitte à le déranger.

L’elfe sombre était étendu dans sa couchette et le serpent qui le protégeait siffla à son encontre, mais réalisa très rapidement, par son Esprit-Lié, que le vampire n’avait pas de mauvaises intentions à l’égard de Nathaniel… Au contraire même, il était inquiet. Il était sorti de son bain promptement pour venir l’avertir, mais il semblait que le roi de la Confrérie ait remarqué son état par lui-même et y avait remédié. Du moins, il l’espérait. Il vint s’asseoir près de lui et posa une main sur son torse, dans une caresse naturelle comme un geste de soutien. Il se pencha doucement vers lui. Son nez effleura la joue du roi avant de se fourrer dans ses cheveux d’écumes, pour que ses lèvres viennent à proche portée de son oreille. Alors seulement, un fin sourire camouflé se dessina sur ses lèvres avant qu’il ne vienne lui susurrer sensuellement :

« Cheh*. »

* Langage elfique signifiant ‘bien fait pour toi’

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Au chevet du roi

Pendant un long moment, l’elfe sombre n’avait pas voulu y croire pas plus qu’il n’avait voulu le voir. Lentement, la maladie se répandait dans son corps, mais le pirate le niait avec fermeté. Il ne pouvait croire l’espace d’un instant que ce maudit immaculé était parvenu à ses fins en le touchant. Il ne pouvait croire l’espace d’un instant qu’il n’avait pas été assez rapide pour le figer sur place, lui l’avait été pour fuir toute une armée de félin en colère et avide de vengeance. La vérité est amère et l’accepter n’est pas chose aisée. La peste de corail coulant en lui, rongeant telle une gangrène sa dernière main valide. Oh il aurait été aisé d’y remédier dans la sectionnant, mais il était un peu tard pour cela et Nathaniel refusait catégoriquement de perdre la dernière main lui restant. Il devait y avoir une autre solution et le gredin comptait sur son alchimiste pour en trouver une. À vrai dire, il y en avait peut-être déjà vu. Son clystère avait démontré son utilité face à l’épidémie à l’occasion de l’exploration de la ville elfique. Mais également sur le traitement des infectés pour permettre une vampirisation à la suite. Il était temps de mettre en pratique toutes les précieuses connaissances qui avaient été acquises au bénéfice du roi des pirates. L’elfe sombre devait vite résoudre ce problème, car il avait fort à faire. Il ne pouvait pas se permettre de montrer de signe de faiblesse aux risques que les autres capitaines ne saisissent de l’occasion. À vrai dire, il ne craignait pas pour sa vie, mais pour la confrérie. Si d’aventure un capitaine cherchait à tirer profit des évènements en s’attaquant à Nathaniel, Teotl aurait vite fait de s’occuper de lui avant qu’il ne puisse effleurer le moindre cheveu du gredin. Mais l’Eärendil ne souhaitait pas voir une seule des têtes de ses capitaines rouler au sol. Ils devaient rester en vie pour continuer de mettre leurs compétences au service de la confrérie … à son service.

La contamination était récente, aussi il y avait peut-être un espoir de guérir l’elfe sombre. Peut-être que si elle était à temps, peut-être que si Demens l’extrayait au plus tôt, celle-ci n’aurait pas eu le temps de s’accrocher à Nathaniel et récidiver. C’était l’espoir auquel l’elfe sombre s’accrochait. Aussi avait-il demandé à son alchimiste de s’occuper de lui. Il n’était pas très agréable de sentir une aiguille s’enfoncer dans sa chair, perçant les premières carapaces de corail qui s’étaient formées sur sa main. La douleur restait néanmoins supportable, le pirate ayant connu bien pire, les nombreuses cicatrices que portait son visage en étaient la preuve. Le procédé laissa néanmoins l’elfe sombre fort affaibli. Il avait fallu monter un mensonge fort élaboré pour justifier son état auprès de Kaiikathal … et cela semblait avoir fonctionné. Du moins, c’est que Nathaniel croyait. Avait-il réussi à berner sa liée ? À moins que cela ne soit cette dernière qui n’ait accepté de se laisser berner. Le temps finirait par lui dire.

Voilà un jour maintenant que Demens avait extirpé la maladie de son corps. Régulièrement l’alchimiste passait dans sa cabine pour surveiller son état et l’évolution du traitement expérimental. Les premiers retours étaient plus qu’encourageants. Pour autant, le corps de Nathaniel ne semblait jamais lui avoir été aussi lourd. Avait-il déjà été obligé de tenir le lit ? Probablement. Mais généralement bénéficiait d’agréable compagnie. À défaut de cette compagnie, l’elfe sombre prenait sur lui, se réfugiant dans le sommeil. Un sommeil léger, perturbé par ce qui pouvait se produire à bord du Maelstrom.

« Vous ne pouvez pas rentrer. Le roi se repose. »

L’un des gardes à sa porte tenta de retenir quelqu’un, mais sans résultat. La porte de la cabine du gredin s’ouvrit, puis se ferma, agitant par la même occasion la tête coupée et rabougrie qui était attachée à l’intérieur. C’Trooïka grommela.

« Hey tête de serpillère ? Tu n’entends pas ce qu’on te dit ? Tu ferais mieux de retourner sur le pont, les matelots cherchent de quoi récurer le sol. »

Quelques insultes fusèrent à l’adresse du nouvel arrivant. Cela ne sembla pas le déranger puisqu’il poursuivit sa route jusqu’au lit du roi. Le bruit des pas venant en sa direction acheva de réveiller Nathaniel qui se mit alors à combattre la lourdeur de ses paupières. L’inconnu se mit à son chevet et se pencha sur lui. Nhäghini, enroulé autour d’une poutre au-dessus du lit, observait avec silence la scène, observant les intentions de l’arrivant, se préparant à bondir à tout instant pour lui planter ses crocs venimeux dans la chair.

Une main vint se poser sur le torse de l’elfe, un souffle caressa sa joue, sa chevelure fut déplacée et des mots furent susurrés à son oreille.

« Cheh. »

Nathaniel le sourire qu’avait commencé à esquiver Nathaniel s’élargit un peu plus. Il finit par ouvrir les yeux pour reconnaitre le visage d’Aldaron.

« Est-ce une façon de s’adresser à un pauvre bougre agonisant ? Quelques paroles réconfortantes auraient été de circonstances … ou mieux, quelques gestes chaleureux. »

Une lueur lubrique pointa dans le regard fatigué de l’Eärendil. Levant ensuite son regard en direction du plafond, il nota la présence de la graärh maudite à son chevet et siffla à son attention, le prévenant de l’inquiétude partagée du vampire.

« Nul besoin d’être aussi inquiet. Aurais-tu oublié qui je suis ? Je suis le capitaine Eärendil. Même si on devait me couper les jambes pour m’empêcher d’avancer, je me mettrais à marcher sur les mains. »

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« Mets là en veilleuse, la chose. » répliqua-t-il à l’objet enchanté, qui venait de l’insulter de ‘tête de serpillière’, tout en lui lançant un sort de silence. Au moins, cette insupportable tête, dont il avait trouvé un exemplaire nauséabond à Caladon, lors de la vague de meurtre des Inquisiteurs, cesserait de lui balancer des propos déplaisants. Ou du moins, Aldaron n’aurait plus à les entendre.

Si Nathaniel feignit d’être ronchon au mot qu’Aldaron lui avait susurré, l’Ast su bien aisément reconnaître son sourire en coin et ses airs lubriques sautant sur la première occasion qui venait pour lui adresser des sous-entendus. Le sourire était fin, mais présent, du côté d’Aldaron : au moins, s’il réagissait ainsi, c’était qu’il n’était pas au fond du trou et qu’il n’allait pas trop mal. Il traversa l’esprit du prince noir de lui répliquer qu’il était un homme marié, et le deuil de son veuvage lui revint rapidement dans la figure. Il avait encore parfois du mal à réaliser qu’Achroma n’était vraiment plus là. Qu’il ne reviendrait pas.

Les sifflements lui dressaient toujours les poils sur les bras, il n’aimait guère les reptiles et n’était pas à l’aise avec les animaux, mais à en juger par le comportement de celui-ci, il en concluait que Nathaniel avait dû lui demander de les laisser. Le vampire secoua doucement la tête : « D’autres avant toi croyaient aussi être immortels, trop rusés pour être touchés par la mort, trop puissants pour être vulnérables. » Et ils étaient morts. Et pourtant, Aldaron avait voulu y croire, lorsqu’Achroma lui disait qu’ils seraient ensemble à tout jamais. Il avait bu ses paroles et avait pleuré quand la faucheuse s’était abattue froidement.

« Tu es habile et ta survie m’a plus d’une fois surpris. Mais ta mort, elle, elle ne me surprendra pas tant je t’aurais vu l’appeler avec insouciance. » Ses yeux se baissèrent, observant quelques secondes ses propres mains avant de défaire ses chausses enfilées bien hâtivement. « J’aurais toujours besoin de m’inquiéter pour toi, tant que tu ne le feras pas toi-même. Tu es à la tête d’une Confrérie plus unie qu’elle ne l’a jamais été. Notre alliance empêche tes ennemis de nous attaquer et t’ouvre même des portes vers des alliances silencieuses que tu n’aurais pu espérer. Tu vas avoir des terres à protéger à Keet-Tiamat. Si tu continues à faire l’andouille, tu perdras tout ce que tu as construit. »

Il posa sa main sur le torse du roi, le dardant d’un regard qui se montrait sincère dans sa volonté d’en discuter sérieusement : « Tu n’es plus le forban pilleur qui n’avait qu’à foncer dans le tas et faire le plus de dégâts, sans te préoccuper de rien d’autre que de l’instant présent. Tu es le Roi de la Confrérie Tes hommes ont besoin de toi. » Défait de ses chaussures, l’ast s’allongea aux côtés de l’elfe sombre, sur le flanc, tourné vers lui. « J’ai besoin de toi. » souffla-t-il, dans un murmure pourtant audible. La confidence n’avait rien de surprenant, politiquement parlant, et il n’était pas homme à se parer de fierté mal placée. Il avait besoin de Nathaniel, pas qu’il trépasse bêtement.

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Au chevet du roi II

L’elfe sombre était allongé dans le lit de sa cabine au sein du Maelstrom. Il était encore faible du traitement qu’il venait de recevoir de la part de l’alchimiste Torqueo. L’organisme du gredin tâchait de récupérer des forces, le capitaine du vaisseau détournait vers sa personne une partie de l’énergie magique captée par ce dernier, espérant que cela l’aiderait à se remettre plus vite sur pied. L’esprit encore embrumé, il reconnut la voix de Prince Noir qui venait de le rejoindre et semblait se moquer de sa situation. Nathaniel décida d’entrer dans le jeu de ce dernier, appelant à de la pitié envers sa personne et surtout son état. Mais bien sûr, arrogant et suffisant qu’il était, il ne pouvait s’empêcher de fanfaronner en rappelant l’image qu’il s’évertuait à construire auprès des autres. Celle d’un capitaine que rien n’arrête, que rien n’entrave, qui trouve toujours une solution pour s’en tirer. Son orgueil était encore la seule défense en sa possession face à la situation. Aldaron ne tarda cependant pas à lui rappeler la triste réalité, cherchant comme à le conseiller ou plutôt à refroidir ses ardeurs et envie de grandeurs.

« D’autres avant toi croyaient aussi être immortels, trop rusés pour être touchés par la mort, trop puissants pour être vulnérables. »

L’elfe à la chevelure d’écume fit une moue boudeuse. Ne pouvait-il pas entrer dans son jeu lui aussi ? Le Prince Noir avait raison, le gredin en convenait, mais il était bien plus préférable de se bercer de ce genre d’illusion aussi bien pour lui que pour ses hommes et ses ennemis. Être un chef, c’est en partie une question d’image que l’on renvoie. Non pas celle d’un homme ordinaire, mais d’un être extraordinaire.

« Tu es habile et ta survie m’a plus d’une fois surpris. Mais ta mort, elle, elle ne me surprendra pas tant je t’aurais vu l’appeler avec insouciance. »

Par moments, le forban se demandait aussi pourquoi il était encore en vie aujourd’hui. Tant de fois il avait frôlé la mort. Tant de fois il avait dansé avec cette dernière en se mettant dans des situations toujours plus folles les unes que les autres. Il ne pouvait s’empêcher de se remémorer cette fois où il avait accueilli l’armée féline de Néthéril aux portes de sa cité. Avait provoqué cette dernière avant de la fuir dans tout Athgalan. Certes, il avait fait cela, car il avait un plan bien ficelé, mais ce plan aurait pu tomber à l’eau dès la première salve de flèches dont l’une d’entre elles était venue se planter dans son genou.

« J’aurais toujours besoin de m’inquiéter pour toi, tant que tu ne le feras pas toi-même. Tu es à la tête d’une Confrérie plus unie qu’elle ne l’a jamais été. Notre alliance empêche tes ennemis de nous attaquer et t’ouvre même des portes vers des alliances silencieuses que tu n’aurais pu espérer. Tu vas avoir des terres à protéger à Keet-Tiamat. Si tu continues à faire l’andouille, tu perdras tout ce que tu as construit. »

Nathaniel leva une main faible, venant caresser le dos du vampire, un sourire taquin aux lèvres.

« Je suis décidément un très mauvais allié pour causer tant de soucis. »

Le regard du prince noir se tourna ensuite en sa direction, luisant d’une étincelle sérieuse. Quel dommage, l’heure n’était donc pas à la plaisanterie. Un petit soupir s’échappa de l’elfe sombre.

« Je sais bien tout cela. »

Lentement, après avoir retiré ses chaussures l’Ast vint s’allonger au côté du forban. Le gredin ferma les yeux un instant, profitant de cette présence, de la main contre son torse et de l’odeur agréable se dégageant du vampire. Si seulement il était plus en forme pensa-t-il l’espace d’un instant. En silence il l’écouta.

« Il m’arrive par moments de penser au passé. Du temps où je n’étais qu’un vulgaire brigand, un pauvre forban aux rêves de grandeur. Tout était beaucoup plus simple à l’époque. Mais je ne regrette pas pour autant ce que je suis devenu. Je le voulais et le veux toujours. Si la Confrérie est ce qu’elle est aujourd’hui, c’est grâce à moi. C’est grâce à mon ambition que cette bande de bâtards est devenue quelque chose. Ils sont certes là pour servir cette ambition, mais sans moi ils ne resteraient que de vulgaires criminels. Aujourd’hui, ils peuvent aspirer à plus. Mais … la Confrérie n’est pas composée de nobles gens comme on en trouve chez les humains ou comme on en trouvait chez les elfes. Je n’irais pas jusqu’à dire que ce sont des lâches, loin de là, mais ils restent des criminels. Ils ont besoin de quelqu’un pour les guider d’une poigne de fer. Un peu comme les vampires en un sens qui ont besoin d’un Prince Noir pour les dominer. »

Nathaniel laissa l’une de ses mains baladeuses se glisser jusqu’à Aldaron.

« Chez mon peuple comme chez le tien, il faut que leur roi bouge pour que nos sujets en fassent de même. Il n’y a que les humains pour suivre aveuglément un roi qui ne mérite pas de l’être. C’est parce que je me mets en danger que je peux m’attendre à ce que mon peuple en fasse de même. Je ne pourrais éternellement régner sur eux par leur peur que je suscite. Car certains saisiraient une occasion comme celle-ci, où je suis affaibli, pour renverser le tyran que je serais à leurs yeux. Il me faut susciter plus que de la peur … et cela commence à être de plus en plus le cas. »

L’elfe sombre ferma les yeux et prit une inspiration. Il leva une main vers le plafond, regardant la bague qui ornait l’un de ses doigts. Le symbole de la lignée impériale elfique y figurait.

« Je n’ai pas choisi la voie la plus simple pour parvenir où j’en suis aujourd’hui. J’ai toujours été contraint de parier tout ce que j’ai pour avancer. Gagner gros ou tout perdre … il est vrai que j’ai beaucoup plus à perdre à présent. Mais les situations changent beaucoup plus facilement que le cœur des hommes. »

Le gredin tourna son visage en direction de l’être qui partageait son lit.

« J’ai aussi besoin de toi, Aldaron. Le nouveau Royaume Erlië est un allié inestimable pour la Confrérie. Pour poursuivre sa mue d’association de vulgaires criminels vers une nation à part entière. Mais je n’ai pas besoin de toi uniquement en tant qu’allié. Tu es de la même trempe que moi. C’était aussi le cas pour Achroma. Aucun de mes hommes ne t’arrive à la cheville. Nous sommes des loups, des prédateurs, des conquérants. Nous avons cette étincelle qui nous différencie des autres qui nous entourent, des moutons, des proies. Ta compagnie m’est très agréable. »

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Un mauvais allié ? Aldaron n’en avait pas pensé tant, même s’il avouerait sans détour que leur voyage chez les elfes l’avait profondément agacé. Il savait que Nathaniel était capable de beaucoup, mais il lui donnait parfois plus de fil à retordre que ses propres enfants. Il aurait pu perdre la vie, la pyramide aurait pu être détruite, les renégats auraient pu les attaquer. Et qu’auraient-ils fait ? Même en sortant victorieux d’un combat, il aurait suffi d’un seul contact pour devenir perdant. N’était-ce pas ce qui s’était passé ? Il se tourna vers lui, le regard sérieux. Il savait Nathaniel joueur mais il était aussi de la plus haute importance de remettre les choses en place avant que l’insouciance ne s’installe bien trop largement.

Installé sur le flanc, tourné vers lui, le Prince Noir l’écoutait expliquer sa façon d’agir, les raisons qui somnolaient derrière ces actes parfois suicidaires. Il y avait ses mots, qu’il entendait, le visage à la mine sérieuse, et il y avait ses mains qui faisaient frissonner sa peau sur chaque centimètre qu’elles effleuraient. Il savait ce que Nathaniel avait toujours en tête devant quelqu’un qui lui plaisait ou qui flattait sa lubie du moment. Achroma n’était plus là et cela changeait certaines points notables dont il savait que le Gredin aurait profité s’il n’était pas dans ce piètre état.

Est-ce que cela l’aurait dérangé ? Il ne savait pas vraiment. Les mains baladeuses soulevaient en lui des sentiments qui s’opposaient, entre une fidélité endeuillée et pleine de tristesse et un désir d’abandon et… D’émancipation ? Achroma avait eu une emprise, sur lui, et même après sa mort, il la sentait le ferrer. Il y avait ce beau souvenir et il y avait cette réalité qui semblait vouloir éclater. Il ne savait pas encore s’il avait envie de traverser cette peine, celle où il réaliserait où ce qu’il avait vécu avec son Inséparable n’avaient été qu’une illusion au prise d’un psychopathe. Pourtant, il le sentait, alors ce serait inéluctable. Lâchement, il repoussait cet instant en préférant s’aveugler. Il voulait y croire mais avait cessé d’y croire. Le rêve avait tous les traits du cauchemar… Qu’avait-il fait ? Qu’avait-il accepté ?

Les mires verdoyantes d’Aldaron quittèrent celles du Roi pour suivre le mouvent de la main qu’il leva lentement vers le plafond. La bague au sceau de la lignée impériale attira rapidement son regard d’expert. Ses sourcils se froncèrent, intrigué, alors qu’il faisait promptement le lien avec ce que sa fille avait découvert dans la capitale elfique. Il avait raison, il fallait du temps pour que les gens changent, à plus forte raison chez les elfes qui étaient particulièrement connus pour leur lenteur, par rapport aux humains. En vérité, ils n’étaient pas vraiment lents, ils étaient à une autre échelle, celle de leur longévité. Alors quand des événements bouleversaient leur éternelle tranquillité, les têtes peinaient à suivre.

Il aurait pu en être de même pour Aldaron, mais il avait vécu parmi les humains, à leur rythme et gérait une puissante organisation depuis plus longtemps que Nathaniel. Le Marché Noir était plus ancien de quelques années, peut-être était-ce ce qui était nécessaire pour que Nathaniel arrive à maturité. Amusé, il réalisa qu’il avait mit Nathaniel et ‘maturité’ dans une même pensée… Quel oxymore ! Peut-être était-ce un tant soit peu utopique de l’espérer, mais une part de lui savait que le Roi de la Confrérie y serait contraint pour survivre.

Lorsqu’il sentit son regard revenir sur lui, Aldaron quitta la bague des yeux pour lui rendre la pareille. Si la flatterie pouvait encore le toucher, il aurait peut-être rougi à ses mots. Mais il en avait soupé de ces faux-semblants auprès de la noblesse humaine, que ça ne le touchait qu’à peine. Seule la sincérité qui semblait émaner de ses mots lui fit porter son intérêt sur ce qu’il disait. Nathaniel était un personnage très particulier, aux manières villes et sans morale qu’Aldaron répugnait, mais il était aussi plein de rêves et le Prince Noir avait toujours été sensible à ce point. A plus forte raison depuis qu’il était Ast et qu’il se nourrissait d’eux. Nathaniel avait cette étincelle pétillante au fond de lui et si la Triade lui en voudrait toujours pour les viols de ses enfants, une part de lui restait fascinée par le Roi et désirait sa compagnie autant que ses extravagances.

Un seul mot, un seul vient plomber le cœur du vampire comme une épée le traversant de part en part. ‘Achroma’. Un seul nom, une seule évocation et il emplissait toute la pièce. Son regard tomba, se parant comme d’un voile d’ombre, alors que son esprit chutait dans des pensées abyssales, amères et tristes. « Ne parle pas de lui… » souffla-t-il et c’était plus une supplique qu’un ordre. Il ne se portait que mieux quand il n’entendait pas parler de lui, mais le sujet semblait assez inéluctable où qu’il aille. S’il avait pu, il aurait jeté un sort à l’archipel pour qu’à jamais cet homme soit oublié. Tout le ramenait à lui, tout l’obligeait à regarder ce passé qu’il aurait voulu nier.

« Achroma n'était pas un prédateur. » répondit-il finalement. « Les prédateurs ne se résignent pas à être la proie d'un autre. Ils ne laissent pas derrière eux leur meute qui lui a tant donné, au milieu de ses ennemis. Les prédateurs se battent pour faire vivre leurs ambitions. » Et Achroma, revenu d’entre les morts, n’en avait pas eu plus de rêves, au fond de son âme que l’homme qui s’était donné la mort, jadis, pour libérer Skade. La dragonne ancestrale avait commis une terrible erreur en tirant cette âme du royaume où elle s’était destinée. « Pourtant, il avait l'air d'un prédateur. Il prenait ce qu'il considérait comme sien. » Lui, pour commencer. Aldaron avait été sa propriété, son bien. Il avait soigneusement éloigné de tout ou haï ceux que l’Ast adorait. Ilhan et Autone avaient été méprisés. Toryné avait été détesté, quand bien même Aldaron en avait fait sa mère.

« Il écrasait ceux qu'il considérait comme inférieurs. Il était impitoyable. » Il n’avait jamais manqué de lui souligner combien Caladon lui déplaisait, alors qu’elle comptait beaucoup pour Aldaron. Quant à ce qui fut Nevrast, Achroma l’avait dédaigné vigoureusement, jusqu’à ce que le Marché Noir en achète les terres et rebâtisse la ville. Il lui avait pris et Aldaron avait accepté. « Il avait une emprise. » Il l’avait toujours et son âme réclamait d’être blanchie comme on se lave la peau d’une salissure. Il ne voulait pas se l’avouer. « Il donnait l’impression de vouloir dévorer le monde mais n’en rêvait pas, en son for intérieur, comme nous. J’ai cru en lui, tout comme toi, et probablement même plus que toi. Je lui ai donné les armes et j’ai abandonné ce que j’avais pour lui. »

Caladon, le Marché Noir, Nevrast, lui-même… La liste était assez longue et plus il en parlait, plus il avait cette amère sensation qu’il avait été isolé par un narcissique. Les dons n’avaient été que dans un sens. Il se sentait trahi, et stupide. « Pour qu’il décide de périr d’une manière aussi inexplicable que stupide, en nous laissant avec des ennemis et des fardeaux… Il n’était pas un prédateur, il n’avait aucun rêve d’envergure. Ce n’était qu’une proie qui se débattait avec sa propre histoire en donnant des coups de griffes cinglantes pour tromper les apparences. Si tu considères qu’il était un prédateur, c’est seulement parce que tu n’as pas, comme moi, réalisé ou accepté t’être trompé à son sujet. Il n’était pas l’un des nôtres. »

Ses dents se serraient, autant que sa gorge, lorsqu’il releva son regard sur Nathaniel, la bouche encore pleine d’une amertume qu’il contenait si difficilement que ça se voyait clairement sur son visage. Son regard arborait l’allure du défi : qu’il essaie seulement de le détromper sur ce sujet et il mordrait pour lui faire sentir tout l’acidité qu’il avait en stock et qu’il se découvrait, à sa grande surprise. « Il n’était pas comme nous. » affirma-t-il avant d’approcher son visage du sien et de l’embrasser, avec la ferveur de quelqu’un qui prend sa revanche et se libère des chaînes qu’il avait stupidement acceptées. Il se sentait rebelle, juste avec un baiser. Il se sentait balancer un ‘cheh’ monumental à celui qui fut un inséparable trompeur. C’était probablement puéril… Mais il en avait besoin, pour que tous les baisers à l’avenir ne lui rappellent plus Achroma.

Repoussant le Roi sur le dos, il vint le chevaucher et se redressa de toute sa hauteur pour le toiser avec un sourire goguenard lorsque les mouvements lents de son bassin vinrent se montrer joueur envers ce pauvre malade épuisé. Et bien Nathaniel Eärendil ? On était bien trop faible pour réagir ou bien le Lion céderait, quitte à finir cloué au lit plus de jours qu’il n’en fallait ? Si aucun de ses hommes ne lui arrivait à la cheville, le trophée n’en valait-il pas la peine ? « Je peux ? » fit-il en montant la bague de Nathaniel avait sur l’une de ses mains. Celle avec le sceau de la lignée impériale. Il la récupéra et le sceau s’effaça, pendant que Nathaniel raillait quelque chose à propos du fait que son état ne lui permettrait pas de l’en empêcher.

Il lui adressa un regard en coin, taquin et joueur. « En effet, je devrais peut-être tirer profit de la situation. » plaisanta-t-il, presque à demi sérieux, alors qu’il levait l’objet près de l’éclairage au plafond pour mieux l’analyser, figeant sa position quelques longues secondes pour son étude. « Hm. » fit-il finalement, après avoir terminé, ayant visiblement compris quelque chose dont Nathaniel avait probablement pressenti l’existence.  Il repassa la bague au doigt de son propriétaire. « Elle marche avec toi, n’est-ce pas ? » ajouta-t-il avec un large sourire qui signalait qu’il connaissait le fin mot de cette histoire : « Tu veux savoir pourquoi ? » Il se pencha en avant pour lui murmurer l’unique condition à la révélation de cette information. Deux mots crus, directs, très évocateurs et très peu prononçables en bonne société. Deux mots nets et chaleureux, qui se fichaient bien que Nathaniel soit fatigué. Deux mots qui réclamaient ses dernières forces et voulaient les lui arracher. Deux mots, un acte et rideau.

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Avec la bénédiction du lion

Nathaniel, suite aux propos d’Aldaron, était en pleine introspection. À certains égards, on pouvait penser qu’aujourd’hui plus que jamais le gredin prouvait qu’il était bel et bien un elfe. Mettre du temps à changer face à l’évolution d’une situation. L’Eärendil s’était retrouvé plus d’une fois dans des bouleversements profonds de situation, mais c’est bien la première fois que le cadre du forban changeait. Toute sa chienne de vie il avait été un criminel, un bandit, un brigand, un voleur, un violeur, un tueur. Bien entendu, cela il l’était toujours, mais pour la première fois il était à présent à la tête de ce que l’on pourrait appeler un pays. Certes il avait déjà été chef, dirigeant, mais ceux sous sa férule à l’époque n’étaient rien d’autre qu’une bande de moins de rien tout comme lui. Aujourd’hui, c’est cette situation qui avait changé. Il n’était plus exactement à la tête d’une bande de moins que rien. Bien sûr, il y en avait toujours, mais ils étaient justes beaucoup, beaucoup plus nombreux. Leurs destins reposaient sur ses épaules, leurs places dans ce monde dépendaient de lui. Sa mort, sa vie ou même sa moindre décision pouvait tout changer et entrainer d’importantes réactions en chaine impactant plus que de simples marchands et brigands. Sa vie avait de leur valeur, ses décisions avaient de la valeur.

L’introspection de Nathaniel fut coupée par la supplique autoritaire d’Aldaron. Achroma, il ne fallait plus parler de lui, il ne voulait pas entendre parler de lui. Le deuil avait donc du mal à se faire ? Sans doute, le gredin lui-même regrettait sa disparition, en un sein. Une personne qu’il considérait comme du même acabit que lui était partie. Mais visiblement, aux yeux du vampire l’elfe sombre se trompait. Il se berçait d’illusions. Un peu à la manière d’un enfant unique ayant toujours rêvé d’avoir un frère et pensait voir en un ami ce frère qu’il n’a jamais eu. L’Eärendil garda le silence, laissant l’Elusis parler, sentant qu’il en avait besoin dans un sens.

Au dire du vampire, Achroma n’était qu’apparat. Un mouton assez intelligent pour se déguiser en loup, pour faire croire qu’il était un loup, mais qui au fond de lui n’en était pas un. Confirmant l’adage Almaréens selon lequel l’habit ne fait pas le serviteur du néant. Aldaron s’ouvrait à Nathaniel, paraissant aussi faible psychiquement que lui l’était physiquement. Quelle belle paire il formait tous les deux.

« Il n’était pas comme nous. »

L’elfe à la crinière d’écume baissa les yeux un instant, réfléchissant. Il y avait du vrai dans les paroles du vampire. Nathaniel ne l’avait pas vu, ou plutôt, comme le disant Aldaron, il n’avait pas voulu le voir et surtout n’avait pas voulu l’accepter, préférant se bercer dans l’illusion qu’Achroma avait tissée pour lui, car il la trouvait bien plus réconfortante.

« Tu as peut-être raison. Tu le connaissais bien mieux que moi après tout. Tu étais bien plus lié à lui que moi. Sentimentalement. Magiquement. En partant, toutes les illusions qu’il a pu tisser ont volé en éclats et tu as pu voir les choses sont un nouvel angle, sous le vrai angle. Je tâcherais de réfléchir à tes paroles, Aldaron. »

Après un petit moment de silence gênant suivant un échange plein de confidence, la situation prit une tout autre tournure lorsque le gredin révéla sa bague et que prince passe au-dessus de lui pour le chevaucher. Nathaniel n’était qu’un homme, même épuisé, cela fit à son organisme un effet qu’il ne put, ni ne voulut, réprimé.

« Je peux ? »

Le vampire désigna la bague qui ornait le doigt de l’elfe. Le roi de confrérie opina du chef avec un petit sourire taquin.

« Ce n’est pas comme si je pouvais t’en empêcher après tout. »

Nathaniel présenta sa main à Aldaron et celui-ci lui retira la bague. Au même moment le sceau de la lignée impériale elfique disparut. Le maitre du marché noir commença à l’observer sous différentes coutures à l’aide de son œil expert alors que le forban profita de la situation pour venir faire glisser ses mains expertes sur les cuisses dénudées de son hôte. Puis il passa son regard sur le reste du corps du vampire qui, dans cette position, n’était plus couvert par les draps, le dévorant de ses yeux. Une fois qu’il eut fini, le prince remit la bague au doigt du pirate. L’espace d’un instant, l’idée de dire « je le veux » sur un ton ironique lui traversa l’esprit, mais il se retint.

« Elle marche avoir toi, n’est-ce pas ? Tu veux savoir pourquoi ? »

Oui, cette bague ne marchait qu’avec lui. L’Eärendil l’avait fait essayer à plusieurs individus, elfes, humains ou vampires. Mais le sceau des Evanealle n’apparaissait qu’avec lui. Le roi des pirates avait une petite idée du pourquoi, elle était même assez évidente, pour autant l’accepter était plus complexe. Ses racines, le gredin ne les connaissait pas, il ne les avait jamais recherchés. Et maintenant ? Souhaitait-il les connaitre ? Souhaitait-il les accepter ? Est-ce que cela changerait quelque chose ? Est-ce que cela le changerait ? Lui ? Sa façon d’agir ? Sa façon de se percevoir ? D’être perçu ? Nathaniel craignait autant qu’il désirait cette réponse, cette confirmation, qu’Aldaron pouvait lui apporter. L’espace d’un instant, le forban voulut refuser, puis il pensa à Teotl. Bien que le gredin l’ait abandonné avant sa naissance, lui avait cherché son origine. Avait-il changé pour autant ? Oui, bien sûr, mais au fond il était resté lui-même. Cette révélation risquait donc de le changer, pour autant, Nathaniel Eärendil resterait Nathaniel Eärendil.

L’elfe sombre finit par remonter son regard en direction de celui du vampire cendré. Droit dans les yeux, il lui répondit en opinant légèrement du chef. Aldaron se pencha alors à lui, jusqu’à son oreille. Pour le maitre du marché noir, toute information avait un prix et il lui énonça le sien. Un léger sourire apparut les lèvres du gredin.

« C’est dans mes prix. Mais ne viens pas me le reprocher si je passe l’arme à gauche. »

Le forban prit une profonde inspiration, venant rassembler ses forces et puiser encore plus dans ce que le Maelstrom pouvait lui offrir comme énergie. Nathaniel finit par se redresser pour se mettre assis, Aldaron toujours à califourchon sur lui. Ses mains glissèrent sur ses hanches, puis ses flancs et son dos. Si l’une d’entre elles se mit ensuite à descendre en direction de la croupe du prince, l’autre continua jusqu’à l’arrière du crâne de celui-ci. L’Eärendil enfouit son nez dans le cou de l’Elusis, humant sa fragrance, avant de remonter lentement jusqu’à ses lèvres. L’esprit-lié du lion du capitaine du Maelstrom vint imprégner le moindre de ses gestes et l’être de son hôte afin de rendre l’extase de leur ébat la plus délicieuse d’Ambarhùna, de l’archipel et de monde.

***

À bout de souffle, le corps humide, souillé, l’elfe sombre se laissa retomber dans les draps en emportant le vampire avec lui.    

« Je me suis senti partir à un moment. Si tu ne t’étais pas autant accroché à moi, j’y serais probablement resté. Tu imagines ? Nathaniel Eärendil, le roi de la confrérie mort en forniquant. On aurait pu en faire une sacrée épitaphe. »

Un soupire d’aise s’échappa de Nathaniel.

« Qu’importe que les médecins me rabrouent pour ne pas m’être ménagé. Je me demande. Si à l’époque je n’avais pu percer en tant que brigand, est-ce que j’aurais pu le faire en tant que gigolo ? Et est-ce que cela m’aurait mené où j’en suis aujourd’hui ? À la place de capitaine des gredins, je serais devenu capitaine des catins. Meh, je pense qu’aucun de ces deux chemins ne soit plus reluisant que l’autre pour devenir roi de la confrérie. »

L’une des mains du forban vint finalement se mettre dans les cheveux d’Aldaron, autrement que pour les tenir ferment cette fois, venant les caresser avec une certaine douceur.

« Lâcher la bride, cela fait du bien par moments n’est-ce pas ? C’est une sensation … grisante. Cette impression d’être un cheval fou lâché dans un champ qui s’étend à perdre de vue … »

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Un large sourire s’étira sur les lèvres du vampire à la réponse obtenue. Lui ? Lui reprocher de faire des choses mettant en péril sa vie ? Ça n’était pas du tout son genre ! L’ironie le fit ricaner d’amusement. Le voir user ses forces pour lui l’honorait, car il aurait très bien pu désirer simplement se reposer, bien que cela aurait été très étonnant de la part d’un Nathaniel Eärendil. S’il avait pu encore respirer, ses premières caresses lui auraient certainement coupé le souffle tant cela était électrisant et grisant. En cet instant, les protocoles et les responsabilités disparaissaient. Le poids de morts n’était d’un écho lointain, pesant bien moins sur ses épaules que le contact de ses mains, les mains d’un homme martial qui avait travaillé, probablement autant qu’Aldaron. Mais bien loin des mains immaculées d’un mage qui n’avait su faire face quand son principal et seul atout lui fut enlevé. Il avait honte de ces mains incapables, honte de les avoir laissé l’atteindre, le toucher.

Alors cela lui faisait du bien d’être étreint par quelqu’un qui lui ressemblait, au moins sur ce point. La vie ne les avait pas gâtés et ils avaient travaillé, parfois péniblement, pour être là où ils étaient aujourd’hui. Ils s’étaient battu, dans l’arène de la cours de miracle pour lui, dans la prison de Morneflamme pour Aldaron. Ils s’étaient battu pour gagner leur place, battu pour survivre, battu pour prouver leur valeur. N’étaient-ils pas alors égaux, aujourd’hui, tel deux souverains qui avaient réussi ? Leur code de l’honneur était loin d’être les mêmes, mais si leurs actes ne portaient pas le même nom, n’étaient-ils pas né, tous, par de pareilles actions ? Pour l’un on parlait d’influence dans l’ombre, l’autre de manipulation et d’intimidation ? Pour l’un on parlait de meurtres sauvages et pour l’autre de condamnation à mort ferme ? Pour l’un on parlait de pillages barbares et pour l’autre d’expansion de territoire ? Aldaron savait qui était Nathaniel Eärendil et s’ils étaient différents dans le fond, certains de leurs actes avaient la même sévérité. Avec lui, il n’avait pas besoin de se cacher, pas besoin de se justifier, pas besoin de subir des regards austères. Il se sentait, au moins un peu, lui-même.

Alors son regard planté dans le sien avait été intense de férocité silencieuse et furieux de désir.

Il se laissa entrainer, retombant doucement, au trois quart allongé sur lui et le quart restant coulait oisivement le long d’un de ses flancs. Sa tête reposait contre le torse, écoutant les battements de son cœur qui hurlait de la maltraitance que leur ébat lui avait infligé. Amusé, il se mordit la lèvre : « J’avoue mon méfait, j’ai été payé pour te tuer… Tu aurais pu faire un effort, je vais devoir rendre l’argent et tu sais que je n’aime pas ça. » railla-t-il, avec ce mensonge qui trahissait pourtant combien on l’avait sommé de rendre l’argent à Sélénia. A l’interrogation qui vint, il ne manqua pas de rétorquer pour le taquiner : « Nathaniel, tu aurais été incapable d’être capitaine des catins, tu aurais voulu tout leur travail pour toi tout seul, cela n’aurait pas marché, tu les aurais mis au chômage technique. » Aucun des deux chemins n’auraient été reluisant. Mais aucun chemin n’était parfait. Il avait bien joué dans la fosse aux serpents de la cours Kohan pendant des siècles et avait perdu son âme à Morneflamme pour sauver la vie d’un traître à son titre et un indigne.

Il ferma les yeux, à la caresse dans les cheveux, s’apaisant, un instant et perdant doucement son sourire amusé. « Oui, et merci. » répondit-il sincèrement bien que la tonalité de sa voix se fût plus lunaire. Cela lui faisait du bien, oui, à plus forte raison que c’était rare pour lui. « Il n’y a quasiment qu’avec toi que je peux ressentir ça. » souffla-t-il , mais il chassa rapidement sa morosité avant qu’elle ne l’accable en redressant la tête et son buste, s’appuyant sur un coude posé à côté de lui. « Elros. » murmura-t-il bien, assez audiblement toutefois. « C’est ton prénom, celui qui t’a été donné à ta naissance et celui qui a été effacé parce que tu faisais honte à ta famille. Parce que t’avoir perdu les arrangeait bien. Tes parents sont morts lors d’un voyage dans le royaume humain. Une attaque à laquelle ils n’ont pas survécu et où l’enfant fut porté disparu. Et puis tu es revenu, d’une façon tout à fait toi-même, quelques siècles plus tard, puisque tu as été ferré. » Il leva une main et passa délicatement un doigt autour de l’un de ses yeux, longeant les marques sombres. « Ce sont tes yeux qui les ont alerté. Ils ont fait venir un baptistrel qui ne fit que confirmer leur crainte. Baptistel qui trouva la mort, comme par hasard. Parce qu’il ne fallait pas que cela se sache, je suppose. Tu as passé deux siècles en cage, comme un animal qu’on essayait de dompter, de remodeler mais qui refusait de se plier. Tu étais de nature sauvage… »

Il glissa sa main dans les mèches d’écume. « … Et tu les répugnais. Mais ils n’ont pas abandonné parce que tu avais un sang précieux qui coulait dans tes veines.  En désespoir de cause, ils ont enterré ce secret. » Il marqua un silence, la mine triste. Et on s’étonnait qu’il soit devenu un brigand sans foi ni loi ? Il avait perdu ses parents à un âge précoce, tués par des forbans qui avaient ensuite fait l’éducation du garçon. Méprisé par sa race qui avaient tenté de le replacer de force dans la petite case de leur bienséance, en vain. Les elfes n’avaient jamais accepté la différence. Ni pour Aldaron, ni pour Nathaniel. Ni pour d’autres assurément. « Elros Evanealle, voilà qui tu étais et pourquoi cette bague réagit à ton sang. » Ne sachant pas comme il le prendrait, son corps coula lascivement sur un côté pour le laisser respirer et le pas lui imposer son corps comme prison. La caresse sur son torse, continuait de lui manifester son soutien, au cas où la pilule serait difficile à avaler. Nathaniel était le genre d’homme imprévisible, si bien qu’à l’issue de ses mots, l’Ast ne savait pas véritablement comment il allait prendre la nouvelle et s’il avait fait mine de lui réclamer un prix pour avoir cette information, c’était aussi pour pouvoir le mettre dans d’excellentes dispositions quand il lui en parlerait.

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Vérité

Le corps de Nathaniel était lourd. Tout son être se révoltait face à l’effort qu’on l’avait contraint à faire alors qu’il n’était pas en état. Mais à la douleur et à la fatigue venait se mélanger le plaisir qui l’engourdissait. Petit à petit, l’elfe sombre reprenait sa respiration tout en continuant de caresser les cheveux de son amant vampirique. Le forban ricana quand Aldaron répondit à sa plaisanterie, avant de poursuivre en disant de lui qu’il aurait fait un capitaine de catin exécrable. Dans le fond, l’analyse du maitre du marché noir n’était pas fausse, l’Eärendil pouvait difficilement donner tort à l’Elusis. Il est complexe pour un homme un tel que lui de résister au plaisir de la chair, alors si on venait à lui agiter constamment sous le nez des belles femmes et de beaux hommes, il passerait ses journées à profiter d’eux au lieu de les faire travailler. Mais dans un sens, il offrirait aux catins la meilleure formation de tout l’archipel.

« Oui, et merci. Il n’y a quasiment qu’avec toi que je peux ressentir ça. »

La main de l’elfe sombre quitta la chevelure cendrée du vampire pour venir lui caresser le front et plus particulièrement la zone entre les deux sourcils, comme pour tenter de venir lui effacer la ride du lion qui s’était formé à force d’afficher une mine sérieuse ces dernières années.

« N’hésite pas à revenir. Trop de sérieux et de stress finiront par gâter ton beau visage. »

Aldaron commença à se redresser légèrement, pour se mettre sur le côté et le regarder. Quoi ? Il voulait remettre ça ? Il allait définitivement l’achever. Finalement, peut-être qu’il ne mentait pas en disant qu’il avait été payé pour le tuer. Non, c’était pour une toute autre raison que le vampire se mettait dans cette position. Le Prince noir murmura dans le silence de la cabine du capitaine du maelstrom, un mot : Elros. Tel était son prénom, son prénom elfique, celui donné par ses parents, ses vrais parents, et non l’humaine qui l’avait kidnappé à la suite d’une attaque. Les révélations n’étaient cependant pas terminées et le forban n’était pas au bout de ses surprises. L’elfe à la chevelure d’écume demeura silencieux et ne réagit pas quand le vampire vint caresser ses yeux, soulignant les marques caractéristiques de sa personne autour de ceux-ci. Lentement, le gredin baissa les yeux, intégrant les informations que lui livrait son ami. Sa famille l’avait abandonné, on l’avait laissé croupir dans les geôles elfiques non pas parce qu’il était un criminel, mais parce qu’on avait honte de lui, parce qu’ils répugnaient ses proches. Il serait faux de dire que Nathaniel n’eut pas un petit pincement au cœur. Après tout, s’il s’était retrouvé en prison, c’est justement à cause de la famille.

Le coup de massue finale tomba quand Aldaron lui révéla son nom, son véritable nom de famille et non celui qu’il s’était lui-même donné : Evanealle. Le forban ne peut retenir un petit pouffement de rire à cette révélation. En d’autres circonstances, il aurait balayé d’un revers de la main ces révélations, mais la bague avait distillé le doute depuis qu’elle s’était retrouvée au doigt de Nathaniel. Aldaron se détacha un peu de lui, sans doute pour le laisser respirer. L’Eärendil, ou plutôt l’Evanealle n’avait de toute façon pas la force pour réagir vivement, en tout cas physiquement.

« Je comprends maintenant pourquoi tant d’efforts ont été déployés pendant que j’étais enfermé pour me faire une éducation elfique. Moi qui pensais qu’il s’agissait là de simple tentative pour me réintégrer à la société. Je me suis toujours demandé pourquoi ils m’ont gardé autant de temps au lieu de simplement me bannir de leur forêt. J’ai ma réponse maintenant. Il aurait été aisé de leur pardonner s’ils l’avaient fait. Après tout j’aurais difficilement pu leur reprocher. Ayant moi-même abandonné mon premier enfant … ainsi que tous ceux qui ont suivi. Du moins ceux que je connais. Bien sûr, si je le fais c’est bien pour leur offrir une chance d’avoir une vie meilleure que la mienne. Et aussi parce que je ferais un très mauvais père. Mais eux auraient pu me laisser mener la vie que j’ai choisi de mener … même en ne me disant pas la vérité. Mais au lieu de cela, ils m’ont gardé et n’ont rien dit. »

Nathaniel savait d’où il venait à présent. Il connaissait son point d’origine. Il connaissait ses racines.

« C’est ironique quand on y pense. Cette nuit-là, les elfes ne m’ont pas attrapé, je me suis laissé attraper en agissant comme le pire des amateurs alors que j’étais sur le point de le semer. Mais il a fallu que je m’introduise dans une maison, que je croise une enfant qui m’était inconnue, et que l’esprit-lié de l’orque me fasse comprendre que j’étais en présence de mon propre sang. Si j’avais su, je ne serais pas entré dans cette maison par la fenêtre, mais par la porte. J’aurais alors pu voir le nom sur le palier. Cette même famille n’a pas su m’accepter, alors que c’est pour ne pas leur attirer d’ennui que j’ai fini en prison. »

Un soupir s’échappa du gredin de sang royal.

« Et ce qui l’est encore plus, c’est qu’aujourd’hui je reviens dans une maison vide et que je m’en empare. Elros … c’est un joli nom. Une fois qu’Endëaerumë sera décontaminée, je la renommerais. »

La main du forban glissa jusqu’à Aldaron, venant lui caresser le bras.

« Merci. »

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Le Prince Noir ne savait pas s’il avait trop épuisé Nathaniel ou mis suffisamment de bonne humeur, mais la nouvelle de son sang royal n’entraîna pas une réaction trop vive. Il entendait la déception de Nathaniel au sujet des elfes et de sa propre famille, et il ne pouvait que la comprendre, bien plus que par empathie. Par leur nature, les elfes montraient des réactions et prenaient de décisions qui allaient souvent à l’encontre de leur si ‘grand amour’ envers leurs rares enfants. En vérité, la règle était qu’on aimait son enfant, à condition qu’il respecte les us et coutumes antiques du beau peuple, ce à quoi certains enfants échouaient lamentablement, soit par leur nature, soit par ce qu’ils étaient devenus. Nathaniel et Aldaron avaient été de ces enfants-là. Alors il compatissait sincèrement à sa déception. Les elfes les plus anciens étaient respectés : on n’avait pas à leur poser de questions et leur silence était pris pour la sagesse, alors que ce n’était que des mensonges, des complots et des tentatives sournoises. Il espérait qu’à présent qu’ils faisaient partie des Erlië et que beaucoup avaient étaient mordus, ils agiraient d’une autre façon. Les vieux elfes n’avaient, pour beaucoup, pas survécu. D’une part, parce qu’ils étaient moins nombreux et d’autre part, parce que leur fragilité les avaient conduit rapidement à la mort, par la Peste de Corail. Quant à ceux qui avaient refusé de changer leur position vis-à-vis des vampires avaient été tué pour le bien commun. Il était l’heure du changement.


L’Ast eut un sourire en coin lorsque Nathaniel proposa de renommer la ville : « Je t’en suis gré. J’ignore qui a nommé cette ville, mais son nom est tellement long qu’on aurait le temps de mourir de soif dans le désert avant de le prononcer en entier. Et encore, c’est facile, pour nous les elfes, lorsque j’étais à Caladon, et à Sélénia, j’ai cessé de compter le nombre d’humains qui ne parvenaient à le prononcer sans l’écorcher. Elros, c’est très bien et... » Il déposa un baiser sur les muscles de son torse : « Je t’en prie, cela me semblait normal de te le dire, puisque cela te concernait. La prochaine fois que nous menons une telle excursion, nous devrions nous coordonner d’avantage, cela nous évitera les désagréments que nous avons connus. » Et qui avaient été particulièrement désagréables. « Dans la pyramide, avec les elfes qui se sont retranchés, il y avait des trésors que je t’ai laissés à l’exception d’un. Il s’agit d’un portail graärh, comme celui que vous avez ramené à Althaïa. Celui des elfes mène sous Calastin. J’irai dans ces sous-terrains et ramènerai à l’Alliance des Cités Libres le portail qui s’y trouve, ainsi nos deux nations pourrons commercer, une fois que le portail des elfes sera à Cendre-Terre. Rumil, l’une des elfes dans la pyramide, travaillait dessus et elle est brillante. Orgueilleuse… Mais brillante et j’ai l’habitude de travailler avec des personnes orgueilleuses. Les caresser dans le sens du poil n’est pas bien compliqué, pourvu qu’on y place quelques efforts. » S’il parlait de Nathaniel ? Un chouilla oui, mais il n’avait pas été le pire dans ce domaine. La Cour des Kohans en avait été pleine.


Dans tous les cas, il avait fait quelques efforts pour se mettre Rumil dans la poche : « Cela devrait porter ces fruits rapidement et nous pourrons partager ce savoir. Elle doit pouvoir t’aider à faire fonctionner le tien également… Mais il est actuellement relié à un portail qui se trouve dans le terres gelées de Nyn-Tiamat. Lorsque nous serons rentrés à Cendre-Terre, le récupérer sera l’une de mes missions… Et lorsque nous l’aurons, toi et moi n’aurons plus de mers pour nous séparer. Et indirectement, tu auras accès à Calastin, sous ma couverture… Car je doute que qu’à Caladon, il soit très apprécié d’avoir une liaison directe avec la Confrérie. Mais si cela vient de Cendre-Terre… Qui ira s’inquiéter d’où les marchandises proviennent réellement ? » S’il était en train de lui proposer de faire de la contrebande et du marché noir en plein jour ? Absolument. « Qu’en penses-tu ? »

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¤ Tactiques ¤

Allongé nu au côté d’un Aldaron tout aussi dévêtu, Nathaniel remerciait celui-ci de lui avoir révélé son prénom, son véritable prénom, avant d’annoncer qu’il renommerait la cité elfique avec celui-ci. Peut-être était-ce là un pied-de-nez fait par le pirate à ceux qui l’avaient rejeté ou une manière de renouer avec ses racines originelles. Un fin sourire s’empara des lèvres du gredin quand le marchand critiqua le nom d’Endëaerumë, les elfes possédaient une poésie bien à eux que les humains ne savaient guère apprécier à leur juste valeur. Ce fait avait sans doute dû dépeindre sur eux, qui ont passé tant de temps auprès de cette race. Le sourire disparu quand Aldaron parla du déroulé de l’excursion. Il est vrai qu’en termes de cohésion d’équipe, ils avaient connu mieux. Un manque de communication sans nul doute, doublé d’une vision diamétralement opposée de la situation.

« Je pense que c’est une bonne idée. Notre duo bon garde mauvais garde mérite d’être retravaillé. »

Nathaniel pouvait comprendre l’approche qu’avait tentée Aldaron avec les survivants. Celui d’une main tendue dissimulée par une sorte de bonté d’âme. Le gredin lui avait eu une autre approche, considérant que ses interlocuteurs n’avaient d’autre choix que de se soumettre et de s’en remettre aux pirates pour espérer rester en vie. Une sorte de réédition sans condition. Après tout, les faibles et les défaits n’ont pas leurs mots à dire face aux victorieux et aux forts. Fort heureusement, tout c’était au final presque bien terminé. Aldaron était repartie avec la population, Nathaniel avec les richesses du peuple elfique et la ville. Cependant, l’Elusis révéla à l’Eärendil qu’il était tout de même parti avec un petit souvenir. Et pas des moindres. Le gredin était bien trop exténué pour s’énerver ou même en vouloir au vampire.

« Ceci explique le trou dans le toit de la pyramide. C’est une belle trouvaille. S’il est en meilleur état que celui que mes hommes ont sorti du marais, alors il sera possible d’en apprendre beaucoup. Dire que les graärh avaient un tel artefact … et regarde-les maintenant. C’est à en devenir fou. J’accepte que nous mettions en commun les éléments en notre possession au sujet des portails. De notre côté on progresse, mais … disons qu’on gère cela avec une certaine brutalité à défaut d’avoir des mécanismes clairs. Ces choses ont l’air solide, mais tout finit par se briser à un moment ou un autre. »

Le pirate marqua une courte pause.

« Le fait que le jumeau de mon portail soit sous la glace rend inutile ce premier. Si tu le récupères, cela sera une bonne chose. Tu connais mon amour pour la mer, alors savoir qu’elle ne sera plus là pour nous séparer me chagrine, mais je reconnais volontairement le côté pratique de la chose. Il sera beaucoup plus simple pour la cité de Cendre-Terre et d’Althaïa de coopérer. Ceux qui seraient assez idiots pour l’attaquer l’une ou l’autre verraient des renforts arriver aussi bien par la mer que par la terre. »

Nathaniel passa sa main sur son menton.

« J’apprécie ton approche commerciale. Même si le pirate en moi te pousserait à utiliser d’abord ton portail pour explorer clandestinement ce fameux sous-sol de Calastin avant de le remonter à la surface. Mais tu as sans doute raison. Les profits seront sans doute plus grands en le remontant le plus tôt possible. En ce qui concerne Caladon. »

Un petit soupir s’échappa du gredin.

« Je crois que sa nouvelle dirigeante m’a dans le nez. J’aurais préféré agir au grand jour pour une fois, peut-être tenter de faire les choses bien, ou peut-être un peu moins mal, mais peut-être devrais-je me résoudre encore à un peu de clandestinité. Tant pis pour eux. Je pense que tu t’en doutes déjà avec ta proposition, mais la prise d’Elros va être un véritable tournant. Keet-Tiamat est à la Confrérie à présent. Je n’ai pas à partager l’île comme cela pouvait être le cas sur Néthéril. Les pirates vont pouvoir pleinement exploiter ses ressources à présent. Que cela soit les bienfaits du fleuve Tampocuilë ou le cratère en son centre. Aldaron, je t’ai observé pendant longtemps, la manière que tu as de te battre … la manière économique. Et je compte m’en inspirer. Attaquer les graärh de Néthéril s’était facile, mais en l’état je doute que la Confrérie puisse réitérer un tel exploit contre l’Alliance ou l’Empire, surtout contre ce dernier maintenant que Delimar a retourné sa veste. Et je n’ai guère envie de guerroyer pour le moment. »

Le forban se tourna difficilement sur le côté pour se mettre face à l’Elusis.

« Les abords du fleuve sont les terres les plus fertiles de tout l’archipel, je compte employer les esclaves raflés durant ma campagne à Néthéril pour développer une agriculture aussi florissante qu’intense. D’après les premières études que la Confrérie a pu faire en installant un camp plus en amont il y a de cela plusieurs mois déjà, il ne sera guère difficile d’être excédentaire. La Confrérie pourra nourrir sa population, mais également d’autres. Ton peuple ne restera pas vampirique éternellement et ça ne sera plus des crocs, mais des bouches que tu auras à nourrir. Si d’aventure ta terre gelée ne permettait plus de sustenter les tiens, sache que je ne laisserais pas mon allié crier famine. En revanche … en ce qui concerne mes ennemis. »

Un léger sourire apparut sur les lèvres du forban.

« S’ils ne viennent pas d’eux-mêmes à la table des négociations, alors je les y forcerais. Et au vu des cartes que j’ai en main, il me faudra pour cela tuer leur agriculture. Je veux les priver de tout ce que le sol peut produire. Même si pour cela des dizaines de milliers d’esclaves doivent mourir sous le soleil harassant de Keet-Tiamat. Il me faudra faire en sorte que les biens agricoles venant de la Confrérie soient vendus, sur le territoire de Calastin, moins cher que ceux produits chez eux. Je veux que leurs paysans baissent les bras, ou viennent chez moi. Je veux les rendre dépendants. »

descriptionCheh. [Nathaniel & Aldaron] EmptyRe: Cheh. [Nathaniel & Aldaron]

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Nathaniel affirmait gérer le fonctionnement de son portail avec une certaine brutalité. Aldaron devait-il faire semblant d’être surpris ? Il ne s’en donna pas la peine, se contentant de répondre avec pragmatique : « Rumil apportera la douceur qu’il manque aux tiens. Elle a travaillé dessus en situation désespérée. Comme en temps de guerre, c’est là que se trouvent les idées les plus brillantes. Quant aux graärh… La bataille d’Athagalan nous a déjà montré que leur niveau d’intelligence se laissait dompter par l’orgueil. Leur sobriété et leur honneur sont comme de ces contes qu’on raconte aux enfants : une fable pour gaver l’ignorance et servir d’excuse à tout va. Je suis étonné que tu sois surpris de leur manque de jugeote. Je pensais que c’était assez flagrant... » Lui ? Amère avec les graärh ? Il fallait dire qu’aller à leur renconntre ne lui avait jamais trop réussi. Que ce soit avec Sa’Hila ou Illidim, il avait autant de chance avec eux que de trouver un diamant caché dans un filet de saumon mariné à l’huile. Et pour avoir mariné, il avait mariné. Il avait appris leur langue, leurs coutumes, leurs valeurs, leur histoire. Il avait engagé le dialogue, avec Achroma, lorsqu’à la succession d’Irina, les Elusis avaient cherché à faire amende honnorable des erreurs de leurs prédécesseurs.

Il n’avait rencontré que porte close sur porte close, et même avait-il subi leur dédain et leur jugement. Honnorables qu’ils disaient ? Il ne voyait que des moralisateurs qui croyaient faire mieux et être meilleurs. Des plaies. Tous, à quelques exception qui confirmaient la règle comme la dévouée Nessraya ou encore cette amie d’Ilhan qu’on appellait Reynagane. Du reste… Des épines dans le pied dont il se seraient bien passé. Même le seul ami qu’il avait cru avoir parmis eux, c’était révélé être un traître révant de lécher les patounes d’Illidim et retrouver un statut chez les siens. Purnendu de malheur qui avait été réveillé Rog ! Triste peuplade. Rien qu’à penser à eux, l’Ast en était devenu bougon et s’était renfrogné, dans son étreinte, rêvant de changer de sujet… Ce que fit Nathaniel sans trainer, pour son plus grand plaisir. Caladon devenait le sujet qui froissait Nathaniel dans ses plans. « Autone a des idéaux et tu représentes tout le contraire. Je crains que quoi que tu fasses, même si tu lui prouvais lui prouver incontestablement qu’elle a besoin de toi, elle refuserait catégoriquement. Tu perds ton énergie à la rechercher, même si je sais que ton goût pour les défis trouvera la situation toujours tentante. Passe par moi, ce sera la même chose mais avec mon image. Elle n’est pas stupide, elle s’en doutera assurément mais… Cela passera mieux. »

Il eut un sourire en coin, lorsque Nathaniel parla de ses plans pour Keet-Tiamat. Machiavéliques, comme toujours mais cette fois… Cela faisait montre de bien moins de violence officielle. Ce pourrait que Nathaniel apprenne enfin ? « Quel honneur de t’inspirer… Et d’entendre de sages paroles sortir de ta bouche. Est-ce bien toi ? Qui êtes-vous ? Qu’avez-vous fait de Nathaniel ? » railla-t-il non sans s’être redressé pour croiser son regard et vérifier que le Roi de la Confrérie était bien sérieux, un peu plus tôt. Taquinerie mise à part, il ajouta : « Les denrées alimentaires sont périssables. Il se peut que tu te retrouves contraint de vendre à perte pour ne pas tout perdre. Keet-Tiamat, c’est chaud et les légumes n’aiment pas être stockés en pareilles conditions. Tu pourrais utiliser massivement des glyphes mais… Ce serait une dépense inutile quand ton voisin préféré… Et sexy... » rajouta-t-il avec un faux orgueil « A une terre gelée capable t’offrir l’audace de pousser cette intimidation au timing que tu souhaites. Haut-de-Givre serait parfait et proche du portail qui te mène à Calastin. Sans compter que si les Délimarien décidaient de s’attaquer à Keet-Tiamat… Ils ne trouveraient pas toute la réserve. » Par l’art de ne pas mettre tous ses œufs dans le même panier.

Il se redressa lentement en quittant le lit, cherchant ses affaires pour se rhabiller : « Sur ce, maintenant que je suis rassuré sur ton état, je vais finir de prendre mon bain. » Il sautilla à cloche pied pour enfiler ses bottes avec dextérité, ainsi que le reste de ses vêtements : « Prends du repos, tu en as d’autant plus besoin maintenant que... » Qu’il était passé par là. Il eut un sourire en coin et lança à la volée en ouvrant la porte : « J’aime bien nos discussions sur l’oreiller, Nath…. Et pitié change ce tableau, c’est mon fils ! » La porte se claqua derrière son départ. Il parlait évidement de ce nu de Nolan.

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