¤ Qu’ai-je fait ? ¤
Le rouge lâcha un profond soupire face à l’incompréhension du dragonnet.
« Tu n’as absolument rien compris à ce que je t’ai dit. Si j’offre une protection auxdits poissons, alors je ne tuerais pas leur prédateur par commodité personnelle, mais bien en respect de la parole donner de les protéger. Alors je ne tuerais pas pour rien. Tu penses raisonner en dragon, mais la marque qu’ont laissée les bipèdes dans ton esprit est encore bien trop persistante. Il te reste bien du chemin à faire avant de t’en débarrasser, si c’est seulement possible bien entendu. »
La conversation se poursuivit jusqu’à l’évocation de la mort de Trissi. Verith n’aimait pas les dragons liés, mais il aimait encore moins qu’un dragon meurt et pire encore qu’un dragon meurt à cause des bipèdes. Le à cause devant être entendu largement comme, de par la main, ou pour les protéger. Le tout ne faisant qu’un dans l’esprit du rouge, la faute devant être reprochée aux bipèdes. La réponse fut vive de la part du violine et le colérique, lui sembla rester stoïque, attendant que le dragonnet face à lui termine.
« Ce que j’ai fait face aux Chimères ? »
L’esprit du Verith vint violemment frapper celui de Cynoë, y déposant des flashs d’images et de paroles. Les rapports entre tout cela ? Verith annonçant l’existence des Chimères.
« Ashy, Isyndar, Moebius et toi-même. À vous quatre, je vous ai annoncé l’existence de ces créatures. Ashy, à la porte d’Aigue-Royale, bien avant l’arrivée du Tyran Blanc. Isyndar, dans les plaines de l’Est, bien avant la venue du Tyran Blanc. Toi et Moebius, en bordure du désert, quelques jours avant la chute du Tyran Blanc. Qu’ai-je fait ? Je vous ai prévenu. »
À nouveau, l’esprit du dragon rouge cogna contre celui du violine, y déposant de nouvelles informations. La scène de la mort des huit Déesses se rejouait, ou du moins ce à quoi le colérique avait pu assister.
« Qu’ai-je fait ? Je me suis assuré de la réalisation du contrat originel censé empêcher les Chimères de venir. »
Encore, l’héritier de l’orage heurta de son esprit le dragonnet pour y déposer des images. On y voyait Verith et Saemon, discutant ensemble. On y voyait Saemon capturer un humain. On y voyait l’humain devenir fou. On y voyait ensuite le même humain se mettre à forger des objets avec un feu alimenté par les flammes du colérique. On y voyait le forgeron fabriquer des sortes de pendentifs.
« Qu’ai-je fait ? Je me suis préparé à les recevoir. »
Une fois de plus, le maudit secoua de son esprit l’ignorant pour y déposer de nouvelles images. En accéléré, on y voyait Verith voler à la frontière de la forêt d’ouest, après la chute de Tyran Blanc, la surveillant et brulant de ses flammes des êtres qui en sortaient.
« Qu’ai-je fait ? Je les ai retenus pendant que vous vous pensiez en paix. »
Une ultime fois, le plus vieux asséna un coup mental au plus jeune, s’introduisant dans son esprit pour y déposer des images et sons supplémentaires. On y voyait Verith, mais également des bipèdes, quatre pour être précis, Kälyna, Arya, Alford et Ilyanth s’enfoncer dans la forêt, plusieurs heures avant la bataille ayant entrainé la mort de Trissi. Le rouge en tête, on les voyait se diriger au cœur même du territoire sous contrôle des Chimères, jusqu’à un édifice dans lequel ils s’engouffrèrent tous. L’enfant de l’orage fit vivre à l’améthyste en une fraction de seconde les heures vécues dans l’enfer du temple de Néant. L’apparition du baptistrel corrompu, la faille entre les mondes que ce dernier utilisait, l’intervention du groupe pour l’empêcher de mener le plan à bien. Puis la destruction du temple et la fuite à travers la faille.
« Qu’ai-je fait ? J’ai attaqué l’ennemi en son cœur et j’ai empêché la réalisation de sa stratégie. »
Les images ne cessèrent suite à un ultime assaut mental de la part de Verith et montrèrent cette fois-ci le plan astral. Puis le domaine des dieux dévasté. Volontairement, le rouge sauta jusqu’au combat contre l’abomination tentaculaire dans le palais de feu Néant, enchainant sur la récupération de l’ultime objet ayant permis la construction de l’obélisque du Dracos qui avait été en mesure de repousser la progression de la haute magie avant que les Chimères ne le détruisent.
« Qu’ai-je fait ? Je mène une guerre, voilà ce que je fais. Je mène une guerre et je la mène seul depuis qu’elle a commencé. »
Les poissons le nettoyant avaient fui dès le premier assaut mental, ressentant l’agressivité du colérique. Lentement, le rouge s’approcha du violine, l’air à la fois calme et menaçant. Son regard, à la fois outré par la question de Cynoë, amusé par son ignorance, et en colère comme à son habitude, pesait sur le jeune dragonnet face à lui.
« Lorsque le Tarenth et moi avons allié notre puissance pour voir l’avenir, j’ai appris l’existence des Chimères. Je les ai vus dansants dans les flammes, alors qu’à leur pied gisaient la destruction et les dieux baignant dans leur sang. À cet instant précis, la guerre face à ces créatures avait commencé, à cet instant précis, je me préparais. L’apparition du Tyran Blanc, aussi rude et cruelle fût-elle, n’était qu’un avant-goût, une préparation à ce qui allait se produire. »
Lentement, le rouge se mit à nager autour de Cynoë, rôdant presque tel un prédateur.
« Et j’ai partagé avec vous, les dragons liés, cette information. Les chimères arrivent … les chimères arrivent … elles sont le véritable danger. »
Un ricanement s’échappa du colérique.
« Et vous ? Qu’avez-vous fait ? Rien, absolument rien. Vous n’avez pas prévenu ses bipèdes que vous aimez tant. Pire que cela même, vous êtes allé les attaquer. Alors que vous ne connaissiez rien de votre ennemi. Et quel en est le résultat ? Quel est le résultat de votre impréparation ? Quel est le résultat de votre stupidité ? La mort d’un dragon. Encore. »
Le rouge effectuait des tours autour du violine, telle une ombre murmurant une sombre vérité.
« Tu es autant responsable que les bipèdes et que le Dracos de la mort de ta femme. Ton impréparation, malgré mes avertissements, à coûter la vie à la mère de ton fils. »
Les paroles du rouge étaient dures, mais véridiques. On ne pouvait lui reprocher de ne pas les avoir mis en garde face aux dangers.
« Où j’étais pendant que les Chimères vous repoussaient vers la mer ? J’observais, je cherchais, j’apprenais, je me renforçais. Je connais des moyens de me battre face aux chimères. Je sais même comment les tuer. Mais ces moyens sont encore hors de ma portée. Alors pendant que vous vous faisiez écraser du fait de votre impréparation, je me préparais à les frapper à nouveau. »
Verith commença à ralentir, jusqu’à cesser de rôdeur autour de l’améthyste.
« Ambarhùna est la terre natale des dragons. Mais elle n’est pas celle où vivent les miens. En dehors du fait de la reprendre par pur désir de justice sur les bipèdes, elle ne représentait que peu d’intérêt. Trop petite pour les dragons libres par rapport au continent sur lequel j’ai vu le jour. Aussi, la perdre n’était pas une défaite. De toute manière, elle avait été bien trop souillée et dévastée par les bipèdes. Aussi les voir chasser de cette dernière était fort plaisant. Peut-être ressentiront-ils ce qu’ils ont fait subir au mien. Même si j’en doute. »
Le museau de Verith pointait toujours en direction de Cynoë, lentement il vint dévoiler ses crocs, presque comme un sourire, un sourire mauvais bien entendu.
« L’occasion était belle, et peut-être qu’elle ne se représentera plus jamais, mais annihiler les bipèdes immédiatement n’aurait eu aucun intérêt. Où aurait été la justice pour leur crime, si j’avais profité de leur intense faiblesse pour les frapper. L’honneur a énormément d’importance, et où aurait été l’honneur à ce moment-là ? Mais surtout, cela aurait été un immense gâchis d’un point de vue stratégique. »
L’enfant de l’orage cracha des flammes par ses naseaux, donnant naissant à des bulles qui remontèrent rapidement à la surface.
« Les Chimères vont revenir. Elles vont revenir vers les bipèdes. Elles frapperont les plus faibles afin de se renforcer. Elles cherchent des corps, elles qui n’en ont pas … ou plus … je ne sais pas encore si elles ont eu un propre avant. Et lorsqu’elles arriveront, je serais prêt à les recevoir. »
Lentement, le museau du rouge se redressa un peu alors qu’il vint observer la surface.
« Maintenant qu’elles sont toutes les deux avec moi. Je sais que je suis capable d’anéantir absolument tout ce qui pourra les menacer. »
Dernière édition par Verith le Lun 9 Oct 2017 - 13:41, édité 1 fois