Les deux premiers jours avaient été les plus pénibles. Il avait hurlé, prisonnier d’un corps équin qu’il ne maîtrisait pas, puis il avait essayé de croire que ça n’avait pas eu lieu, que ça n’était pas vrai, que cela n’avait été qu’un mauvais rêve. Il ne supportait pas cette réalité, il la niait et la refusait. Puis la douleur s’était faite profonde, chaotique et effrayante. Il avait ressenti le poids de la culpabilité. Il n’aurait jamais dû emmener ses enfants dans son aventure. Il s’était attendu à des dangers pénibles comme des vers des glaces… Mais Rog ? Comment aurait-il pu savoir ? Il aurait dû savoir ! Il était responsable de ses enfants et il avait lourdement failli à leur sécurité… Et il était en vie, lui, alors que quatre de ses petits étaient morts. Cette idée le rongeait de l’intérieur. Il aurait du les protéger d’avantage, les garder auprès de lui pour prendre les coups à leur place. Sa gorge se serrait, mais il était incapable de crier. Incapable de se lever. Incapable tout simplement.
Les deux premiers jours avaient été les plus pénibles, frappant comme un coup de massue sur sa tête. Il avait déjà perdu son mari et tout avait viré autrement depuis. Achroma, il avait cru au rêve venu le sortir de son cauchemar de Morneflamme, mais il n’avait été qu’une illusion, un mensonge et même pire, un profiteur. Il avait joué avec ses sentiments et il était parti. Puis quatre de ses enfants étaient morts. Si précieux, ils appartenaient déjà pourtant au passé. Oui, les deux premiers jours furent les plus pénibles, mais il n’était sauvé pour autant. Les suivant étaient aussi terribles. La colère ne lui suffisait plus, la violence ne lui servait à rien. Si ce n’était exprimer sa douleur… Et puis quoi ? Qu’est-ce que cela changeait ? Il était dans cette forêt et il ne pouvait pas rentrer chez lui car il avait besoin des soins que lui prodiguait la forêt et la Licorne. Était-il seulement en état de rentrer chez lui ?
Il avait hurlé, violement et son esprit s’était projeté en direction d’Autone, cette nuit-là. La lune était presque pleine, à Cordont et lorsqu’il s’était apparu, physiquement, dans la chambre de sa fille, il hurlait encore. Il avait dû la réveiller en sursaut. Par cette projection, il était sous forme vampirique. Si une part de lui était soulagée de ne plus être bloqué dans son corps de Licorne, c’était une bien faible consolation en comparaison. Était-elle au courant, sa fille ? Savait-elle que quatre de ses frères et sœurs n’étaient plus ? Probablement, la nouvelle s’était sue et les araignées d’Ilhan avaient fait leur œuvre. Il avait plaqué ses mains sur sa bouche, comme pour se forcer à se taire. « Je suis désolé… » souffla-t-il et répéta-t-il plusieurs fois, plus bas, désemparé. « Je ne pensais pas que j’arriverai à venir, ça fait des jours que je n’arrive pas à récupérer mon propre corps… » Et qu’il ne dormait pas et si pour un vampire c’était normal, il avait tout de même besoin de repos… Chose dont il manquait cruellement à en juger par les tremblement de son corps. « Je suis désolé… » répéta-t-il à nouveau, plusieurs fois, égaré.
Naira regardait la domestique jeter des buches dans le feu, qu’il dure une partie de la nuit. Son regard s’effaçait dans les flammes, elle ne savait pas quoi penser de la nouvelle. Autone avait compté ses morts, à n’en plus savoir comment en pleurer. Parce qu’après les crises de larmes il y avait cet engourdissement, plus damné encore que la douleur. Et puis elle n’avait pas eu le temps de les rencontrer, ces frères et sœurs, depuis sa renaissance. Elle n’avait d’eux que ces souvenirs artificiels, comme des coquillages vides qu’on posait dans les bouteilles pour se souvenir des voyages. C’était étrange, de garder toutes ces bouteilles qui ne lui appartenaient pas. Elle aurait aimé les rencontrer, parce que maintenant la petite partie d’Autone qui était encore là se sentait dépossédée. Ce n’était plus son deuil, et elle verrait tout le monde pleurer autour d’elle. Son mari, son père. Comment prendre soin d’eux? Naira se sentait toute petite.
Mais demain matin, elle devait reprendre la route pour Caladon, reprendre ses responsabilités, faire semblant de tenir droit comme sa cité libre parce que la tragédie ne pouvait pas alourdir sa couronne. Alors elle posa un dernier regard par le volet de sa fenêtre, mais les étoiles n’avaient pas de réponses et le ciel était infiniment silencieux. Quand elle eût trouvé le sommeil, un cri d’horreur la réveillât, là dans sa chambre. Autone eût le réflexe de se lever, de chercher son arme. Puis elle s’arrêta en apercevant son père. Elle l’observa un moment, muette, un peu figée. À vrai dire, Naira tentait de comprendre ce qui se passait, et de faire sens des mots plein de détresse qu’Aldaron lui adressait. Qu’est-ce qui s’était passé? Récupérer son corps?
Elle s’approcha enfin, à pas prudent, son regard candide et soucieux voulant supporter un père qui semblait s’écrouler. Naira posa les mains sur les bras du vampire, elle l’écouta s’excuser, interdite. Puis elle l’enlaça, comme si c’était la seule chose à faire. Il ne s’excusait pas de l’avoir réveillé, elle le savait bien. C’était impossible de lui dire « Ce n’est pas grave » ou « Ça va aller ». Alors elle le tient dans ses bras un moment, silencieuse, avant de choisir ses mots.
« Tu ne peux pas tout porter sur ton dos. Même si tu es convaincu que tu le dois. Ce n’est pas ta faute. » Défaisant leur étreinte, Naira prit la main de son père et l’assied à son lit, prenant place à ses côtés, sans laisser sa main aller.
La vampire tremblait de tout son corps, psalmodiant des excuses sans fin, même lorsque sa voix fut étouffée par la chevelure rousse d’Autone. Là, enfoui dans son étreinte, il relâchait pleurs et douleur. Dans son dos, il serrait férocement la chemise de nuit blanche de la jeune femme, menaçant de rompre le tissu à tout moment tant les jointures de ses doigts étaient pâles et que ses dextres tremblaient outrageusement. Les sanglots venaient tant du fond de sa gorge pour exploser dans le silence de la nuit qu’il était impossible de douter de son profond désarroi. Il était dévasté. Il les avait perdu et le ciel avait refusé de le prendre lui pour les ramener. Il avait confessé ses fautes au silence mais rien ne lui avait répondu. Cela l’avait laissé simplement lamentable et désemparé, dans la boue neigeuse de Licorok. Ni à ses plaintes, ni à ses hurlements n’avaient été utiles, alors son esprit s’était enfoncé, lesté d’une douleur qui l’emportait au trente-sixième dessous.
Il avait cru que Morneflamme serait le pire cauchemar à traverser, mais ce n’était que l’amorce. Aujourd’hui, chaque douleur le ramenait au volcan et le seul désir qui l’habitait était de tuer les responsables. Le responsable. Rog. Il ne se passait pas une minute sans qu’il désire l’étriper. Les pleurs, c’était tout ce qu’il avait, ainsi que sa fille et amie d’infortune, sur l’instant. Puis les pleurs avaient fini, à nouveau à s’éteindre, séché par un vent de silence qui ne tolérait plus tant de bruit. Il n’arrivait plus à rien et s’en trouvait amorphe. Les mots qu’elle prononçait, il les entendait sans les accepter. En temps normal, il aurait trouvé son propos sensé, mais en l’instant, de sens, il n’y avait plus. Ses mires verdoyantes étaient sombres, hagardes, perlés de larmes. Des veinules rouges rosissaient le blanc : ce n'était pas la première fois, ces derniers jours, qu’il pleurait. Il réalisait qu’il n’avait pas autant pleuré pour Achroma.
Guidée par Autone, il s’était assis sur le lit et il avait replié ses jambes contre son buste avant de les encercler de ses bras. Son menton reposait sur ses genoux et son regard mirait vaguement en face de lui, les braises balbutiantes dans la cheminée qui leur offraient un maigre éclairage. Ce qu’il s’était passé ? Les scènes lui revenaient comme des flashs. Il aurait voulu oublier leurs visages éteints mais c’était gravé, là, indélébile. Il ferma les yeux et passa une main sur son visage. Lorsqu’il parla, sa voix était blanche et si atone que s’en devenait effrayant. C’était à se demander quand il allait s’ouvrir les veines.
« On devait récupérer un portail… Il y en a quatre, nous pensons. La Confrérie en a obtenu un à Néthéril. Nous en avons obtenu un à Keet-Tiamat. Ils sont reliés deux à deux. Celui des elfes, le nôtre maintenant, est relié aux sous-sols de Calastin : c’est par lui que s’est propagé la peste de corail. Celui des pirates est relié à un portail qui se trouvait sous la glace de Nyn-Tiamat. Nous voulions le récupérer, afin de pouvoir intervenir promptement en cas de guerre contre le Confrérie ou contre les Erlië. Nous l’avons trouvé. Et ramené, même si cela ne plaira pas à Illidim… Tout ce que nous étions sensé rencontrer, c’était des fenrisulfrs et des vers des glaces. Rien que Nahui puisse aisément défaire alors… Quand Sorel, Ivanyr, Elizabeth et Celeborn… » Leurs noms résonnaient péniblement à ses oreilles : « …m’ont demandé de venir, je… Je n’ai pas voulu briser leur enthousiasme et leur envie de s’investir pour notre peuple. »
La déglutition de sa salive fut pénible. Il avait pris sa tête entre ses mains. « J’aurais dû… C’était trop dangereux. Avec Rog…. Mes enfants ne lui avaient rien fait… Mon peuple ne s’était jamais inquiété des affaires des Couronnes de Cendre… Nous en avions cure. Certains de mes enfants n’ont même pas eu le temps ne serait-ce que de poser un regard sur lui. Ils ne lui avaient rien fait, Autone… Rien. Rog s’est contenté d’envoyer ses créatures abjectes et il les a tué un par un. Je l’ai senti, au plus profond de moi, à chaque fois. Mes enfants ne lui avaient rien fait… » Les mains sur son visage étaient parties à ses cheveux, les agrippant et tirant en arrière, les yeux exorbités par ce qui était gravé sur sa rétine. Ses sanglots explosèrent à nouveau, sa respiration était entrainée par la peine, même s’il n’en avait pas besoin.
« Alors je… J’ai appelé la magie de l’âme, celle des dragonniers… Et j’ai attrapé son âme pour y graver un ordre impérieux. Je lui ai interdit de bénéficier de ses esprits-liés. Je devais le rendre mortel… Je devais l’empêcher de revenir à nouveau et des ramener ces acolytes. Je voulais pouvoir le tuer. » La colère se lisait dans ses yeux et le tremblement de ses mains. La haine farouche qu’il ressentait ne connaîtrait d’apaisement que dans le sang. « Et quand j’ai abaissé mon épée sur lui, il y a eu un déchirement dans notre monde et l’Esprit-Lié de la Lucane, qui permet à Rog de créer tous ces monstres, est apparue pour me transpercer de l’une de ces cornes. » Ses mains tremblantes ouvrirent un peu sa chemise pour laisser voir une large cicatrice suintante de haute magie, que nulle magie bipède ne pouvait soigner. « L’assemblée des Esprits-Liés est apparue pour que la Lucane s’explique, car les Esprits-Liés n’ont pas le droit d’intervenir directement dans ce monde… »
Vu la blessure qu’il avait subie : heureusement. Tout ici serait ravagé dans le cas contraire. « La Lucane et Rog ont fait un pacte, écrit de la même matière qui tient les Lois des Esprits-Liés, par lequel la Lucane peut intervenir quand son lien avec Rog est menacé… Ce qui a été le cas puisque j’ai essayé de le rompre… A condition que la Lucane n’ait à jamais qu’un seul spirite…. Et l’assemblée des Esprits-Liés l’a accepté. C’est une honte d’avoir seulement autorisé une dérogation. » Sa gorge se serra. « Alors ils n’ont pas puni la Lucane, et ils ne sont pas intervenus pour me sauver. Le Corbeau m’a laissé une de ses plumes pour que je reste en vie assez longtemps pour être aidé par l’Arbre-Songe. L’arbre qui est dans la forêt de Licorok et qui a donné l’emblème des Elusis. Nous avions un pacte de non-agression, pour que ses licornes protectrices cessent d’attaquer les miens. Nous étions liés en quelques sortes…. Et plus encore aujourd’hui. » Sa voix s’était effacée, étouffée.
« J’ai conduit mes enfants à la mort et je n’ai pas été capable de les protéger… Ni de les venger. » fit-il pour résumer ce qu’il s’était passé et il s’en sentait profondément coupable.
Elle aurait pu lui dire qu’il n’y avait rien à s’excuse, rien à pardonner. Mais Naîra sentait son père à une goutte d’exploser, là, dans ses bras. Et ses mains serrées dans le dos de la petite dame ne lui faisaient mal qu’à lui, il n’y avait rien à dire. Elle se sentait trop petite pour le recueillir. Elle pouvait seulement rester là, près de lui, le laisser pleurer, crier un peu. Et quand Aldaron expliquât tout ce qui s’était passé, elle remarquât comme il utilisait le prénom d’Autone, et sentait cette figure maternelle resurfacer pour lui.
Mais c’était bien Naira qui était inquiète, qui ne savait où mettre ses mains alors que son père se flagellait de remords et de fautes. C’est vrai qu’il était responsable de ses enfants mais…on mourrait tous, et on ne pouvait vaincre la mort, son hasard. Elle arrivait quand elle arrivait et puis c’est tout. Naira tentait d’offrir un contact physique à Aldaron lorsqu’il éclatait en sanglots à niveau, un regard doux, mais elle se sentait impuissante face à cette tragédie. Et quand il prononça les derniers mots de sa culpabilité, Autone murmura un « Papa… » impuissant. Comme tentant de le rejoindre, de l’attraper. Car il était bien seul, enveloppé dans sa honte, dans sa tristesse. Elle était là, il n’était plus isolé par la forme de la licorne.
« Papa » répéta-t-elle en lui prenant la main, entre les deux siennes, comme pour l’appeler. « C’est lui qui les a tué, pas toi. C’est Rog, le coupable. J’ai rencontré deux des couronnes de cendres et j’ai à peine été blessée. Alors comment aurais-tu pu prévenir l’imprévisible? »
Elle soupira et posa la tête sur l’épaule de son père. Fixant un peu le sol, pour réfléchir aux mots justes. « Je sais que mes mots n’ont probablement pas le pouvoir d’effacer ta culpabilité. Je sais qu’en tant que père tout ce qui arrive à ta famille semble être ta responsabilité. Mais la vérité c’est que…parfois on se culpabilise pour se donner l’illusion qu’on aurait pu avoir le contrôle. Justement, parce que c’est tellement effrayant, de savoir que certaines choses sont entièrement hors de notre contrôle. Parce que ça signifie que ça pourrait arriver encore. Mais si tu t’engouffre dans cette illusion, tu auras mal encore, chaque jour, chaque fois… »
Naira soupira, ne sachant trop comment terminer cette phrase. Elle se leva pour aller chercher son bol d’eau, celui qui était préparé d’avance pour se laver le visage le matin, et un mouchoir. Elle le posa près du lit et trempa son mouchoir pour nettoyer le visage recelant de larmes de sang d’Aldaron. Elle ne savait pas trop si c’était utile, puisqu’il voyageait astralement. Mais c’était un geste qu’elle posait pour prendre soin de lui, un peu. C’était drôle, un peu, de débarbouiller son père comme elle l’aurait fait à son fils.
« On les vengera, un jour. Mais, avant, j’ai besoin que tu prennes soin de toi, que tu continue de vivre, même si ça veut dire de pleurer encore, et encore. Je peux t’accorder toute la compassion et l’amour du monde, mais ça ne sert à rien, si tu ne le fais pas aussi. Pour toi. S’il te plait. »
Debout devant Aldaron qui était encore assis sur son lit, elle le prit alors dans ses bras et emmena sa tête à son cœur, pour l'enlacer comme Autone l’aurait fait. « Dis-moi, où es-tu coincé? Comment peut-on te ramener? » Il devait réaliser qu’il n’était pas seul.
Son propre récit lui avait semblé long, voire interminable tant chacun de ses mots le ramenaient à l’horreur du massage de ses petits. Il n’aurait pas imaginé pire chemin de croix, après Morneflamme et pourtant il y était. Il était revenu du volcan et les années qui avaient suivi avaient été les plus pénibles, car même libre, il n’avait pas réussi à remonter la pente. Puis, il y avait eu sa famille. Plus d’un riaient du nombre toujours plus important de ses enfants, comme s’il s’agissait d’une maladie… C’était surtout la façon qu’il avait trouvé d’avancer : aimer. Il avait perdu quatre amours et la brûlure était atroce.
Il l’écoutait, perdu. Elle avait raison : cela pouvait se reproduire, encore et encore. C’était effrayant. Il était terrorisé devant cette perspective. Cela n’était pas seulement cela : il y avait aussi la colère. S’il acceptait de ne pas être coupable, c’était la colère qui gronderait et il ne voulait pas être cet homme guidé par la vengeance, aveuglé par elle et l’idée qu’elle faisait germer que cela l’apaiserait. Cela ne calmerait rien. Ses enfants, il les avait perdus et ils ne reviendraient pas. Alors quoi ? La fatalité ? Il ne parvenait pas à accepter, le plus simplement du monde. Une part de lui essayait encore de négocier avec le destin, pour que ce qui s’était produit soit défait. Ils ne reviendraient pas et c’était avec cette constatation en tête que les pleurs s’apaisèrent. Les cris se turent. Il n’y avait plus que le silence et son regard vitreux perdu dans le vide.
Ils ne reviendraient pas. Ces quelques mots, dans son esprit, étaient pénibles parce qu’ils étaient vrais. Il n’avait pas les moyens de les faire revenir d’entre les morts. Il ne pouvait qu’honorer leur mémoire en songeant aux souvenirs qu’il avait d’eux. Leurs sourires, leur affection. Leurs personnalités. « Ils ne reviendront pas. » souffla-t-il d’une voix blanche, en réponse. C’était là qu’il était bloqué, comme dans une impasse. Comme si cela fermait tous les autres chemins s’il acceptait cela pour vérité. Ils ne reviendraient pas et c’était un glas qui le frappait. Ils ne reviendraient pas et il aurait aimé le contraire, parce que c’était plus facile… Mais les mortel trouvaient la mort, un jour ou l’autre : il pensait avoir assimilé tout ça, après des siècles à vivre comme elfes auprès des humains. Mais il réalisait qu’en réalité, il n’avait pas accepté la mort, il avait seulement pris le parti de se détacher. Les vies humaines passaient et lui ne s’attachait à aucune d’elle, lâchement, pour ne pas souffrir.
Ses enfants n’étaient pas comme ces humains. Il tenait à eux et en cela, la souffrance trouvait son chemin. Aurait-il du être d’une froideur macabre ? Il se souvenait d’avoir eu cette discussion avec Ilhan, fut un temps, et il avait conseillé à l’humain d’aimer, qu’importe les souffrances que cela infligeait… Il valait bien mieux d’aimer tout de même. Alors il avait aimé, lui-même. Il savait où cela aurait pu le conduire et il y était. Pour autant, il ne devait pas lâcher. L’envie le tiraillait vers le trépas, comme un fantasme de soulagement complet. Le désir emportait sa lâcheté. Comme à Morneflamme, il ne devait, néanmoins, pas vaciller.
Il laissait sa fille nettoyer son visage et posa sa tête sur son cœur. Il l’enlaça, de ses propres bras, épuisé par ses blessure set la peine… Mais calme, maintenant. Comme si la tempête était passé. « Est-ce que je peux rester ? Un peu… Le sort va m’épuiser assez pour que je m’endorme. » Ou du moins qu’il tombe en transe vampirique. Il voulait rester, fermer les yeux. Mais il ne voulait pas être seul. Il voulait sentir sa présence et entendre son cœur battre, comme un espoir.