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descriptionAux innocents les mains pleines (Kaii, Ulmo & Ness) EmptyAux innocents les mains pleines (Kaii, Ulmo & Ness)

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Ailleurs autant qu’ici, la Nature offrait à la vie ce qui est nécessaire.

L’eau, sans quoi rien n’aurait commencé,
La lumière, qui faisait vibrer les êtres enracinés,
L’air, où les êtres de chair puisaient leur souffle.


Ailleurs autant qu’ici, la nature déroulait des tapis de prairies décharnées sous le pas des herbivores, et la proie devait redouter le prédateur à l’affût ; c’était une terre hostile et cruelle où la vie se donnait et se reprenait - où la vie elle-même luttait contre la vie. Mais ici, et ici plus qu’ailleurs, la nature s’ingéniait à faire obstacle à la vie : et ces trois ressources n’étaient que gracieusement pourvues en quantités limitées :

L’eau gelait,
La lumière se faisait désirer,
L’air était plus vif que l’entaille d’une lame laissée sur la peau.


Ici, la nature élevait des murailles de montagnes sous le pied des marcheurs, devenant l’ennemie. Elle engloutissait les âmes pionnières qui luttaient depuis des millénaires sur ces terres de roche et de glace. Entre deux soleils, elle dressait le rempart de l’hiver et entre deux abondances, celui de la pénurie. Elle barrait l’horizon d’un trait de glace, et les survivants de l’île enneigée l’avaient tous appris à leurs dépens :  il fallait s'accommoder de ce défi perpétuel.
Ainsi, ici et plus que nulle part ailleurs, il fallait se montrer plus fort que le roc, plus fort que l’eau et plus fort que le feu, dans cette immensité que les nations appelèrent Nyn-Tiamat.

La clameur des wapitis se noyait dans le fracas des rivières du nord tiamarantais. Toutes s’élançaient de Nyn-Daaruth avant de sillonner la toundra au sud, et de rejoindre quelques étangs, ou Reshenta.
C’était l’époque où la vie avait changé de rive : elle avait  terminé sa traversée du temps, après un automne singulier entre soleil et glace, pour se couvrir du manteau de l’hiver et entrer dans les mois les plus sombres de l’année. Les caribous, aussi appelés rennes sous d’autres longitudes, se mettaient en quête de pâtures hivernales qui restaient toujours les mêmes d’une année sur l’autre. Leurs éclaireurs reconnaissaient le trajet qui variait selon la saison, et le groupe suivait.
Contrairement au protocole de la migration du printemps, mâles et femelles voyageaient ensemble. Ils traversaient torrents et lacs gelés avec la même ardeur. D’autres hardes se joindraient à ce groupe que Kaiikathal avait laissé derrière elle sur son chemin, pour former, par agrégations successives, l’une de ces immenses troupes loin desquelles les caribous, grégaires par excellence, ne pouvaient pas survivre.

Après avoir profité des dernières faveurs du soleil, Kaiikathal avait dû se conformer à la loi de Nyn-Tiamat : qui veut vaincre l’impénétrable hiver accumule des forces avant d’entrer dans la mauvaise saison. Alors qu’elle passait en vol, elle effaroucha tous les écureuils qui logeaient dans la cime de maigres arbrisseaux. Il lui arrivait de fréquenter elle aussi les mêmes arbres qu’eux, lorsqu’ils avait trouvé logis dans d’immenses sycomores sur lesquels elle pouvait encore se percher sans les briser sous son poids. Une telle rencontre pour les écureuils n’était bien entendu guère désirable, surtout car ils étaient plus goûtus que leurs confrères à plumes qui faisaient le régime principal de la dragonne, avec le poisson.

En la voyant déployer ses ailes de mort, ils crièrent l’alerte. Bien leur en prit, Kaiikathal n’était point en appétit. C’était l’avantage de cette saison en Nyn-Tiamat : grosses, grasses et engraissées, les proies habituelles de la région (lièvres, gros oiseaux ou cervidés) la comblaient au-delà de ses capacités digestives. La reine des prédateurs s’était goinfrée des restes du roi des migrateurs : les saumons déchus, qui s’étaient laissés vaincre par les conditions climatiques, les obstacles des rivières et les crocs ours bruns, parfumaient encore quelques zones humides. La Marche-Tempête s’était régalée, en gourmette dédaigneuse et fatiguée, des cadavres de femelles remplis d'œufs macérés : quelques goélands cendrés et un aigle pêcheur, convaincus par l’ombre dissuasive de la crête épineuse de la dragonne, s’étaient joints à sa table pour profiter du festin.

Le temps qui passe avait amenuisé les jours et condamné les habitants de l’inlandsis à se préparer à des heures difficiles. La température avait également baissé, descendant en-dessous d’un seuil absolument intolérable pour Kaiikathal qui affectionnait les climats océaniques et subtropicaux. Là, le froid avait saisi les chairs et les nerfs, d’autant plus qu’il s’asséchait quand on s’avançait à l’intérieur des terres. Les montagnes de Nyn-Daaruth arrêtaient les nuages porteurs de pluie et refroidissaient ceux qui restaient, et qui déversaient un déluge de neige. Enfin, elles fabriquaient des vents qui transperçaient le corps de tout ce qui vit.

Ici, Kaiikathal avait baptisé octobre, novembre et décembre “les trois morsures du froid, du vent et de la désolation”. L’hiver tuait chaque jour et chaque nuit. À présent, elle survolait une étendue dénudée d’arbres. Pris par la torpeur fatale sur un étang gelé, un mouflon avant abandonné la partie et demeurait figé : le bec des corbeaux s’était engouffré à maintes reprises dans ses orbites caves, débitant des lambeaux de chair gelée. Même Kaiikathal n’était pas aussi cruelle que Nyn-Tiamat.

La dragonne se demandait comment Nahui pouvait apprécier un tel endroit. Les charognards étaient à la fête : les corbeaux, qui vivent généralement en couple, se regroupaient en bandes et elle les regardait faire avec méfiance. Le nettoyage des carcasses était dévolu à plusieurs responsables, et aucun d’eux n’entendait être dessaisi de ses responsabilités. Un jeune coyote mâle, de trois ou quatre ans, estimait Kaiikathal, semblait décidé à en découdre avec les corbeaux. Les coyotes ne considéraient aucune carcasse comme étrangère à leur univers, fallût-il, pour faire valoir leurs droits, engager une guerre totale contre la gent ailée... Intriguée par la faune de ce continent, la dragonne vira de l’aile pour observer le traquenard. L’animal à fourrure, qui avait presque tout du loup si ce n’est la mâchoire et quelques autres subtiles différences pour un œil novice, s’approcha du mouflon et provoqua la débandade des corbeaux. Une femelle le rejoignit aussitôt.

Tout ce que Kaiikathal connaissait de ces canidés étaient qu’ils inclinaient à la monogamie, et que les couples restaient solidaires pendant plusieurs années, un peu comme les dragons.

Les oiseaux n’avaient pas abdiqué pour autant. Des pies noires et blanches, plus petites, se joignirent aux corbeaux pour tenter leur chance et un aigle pêcheur criairdait au-dessus. Les volatiles devinrent belliqueux, et la femelle coyote battit en retraite. La dragonne se demanda en quoi cela lui servait, elle qui avait les mâchoires capables de broyer leurs ailes en miettes, avant de se souvenir qu’il y avait un prédateur plus menaçant que le pygargue à tête blanche qui les survolait : elle-même. Elle prit de l’altitude pour s’effacer dans les nuages de neige sans perdre une seconde du manège qui se déroulait en-dessous.
La fuite de la femelle coyote n’était qu’un simulacre : l’un des corbeaux avait accidentellement fait tomber un oripeau de viande et elle s’en était emparée. Elle subit aussitôt des attaques en piquée par les puissants corvidés.
Quant à l’aigle pêcheur, sa compagne l’avait rejoint quelques minutes plus tôt, et tous deux décrivaient dans le ciel des orbites de plus en plus rapprochées. Les pauvres coyotes n’avaient plus que deux solutions : batailler, ou chercher meilleure fortune ailleurs. L’une des règles de l’hiver était qu’il ne faut pas gaspiller ses calories sans nécessité impérieuse et ils décidèrent donc de partir. L’hiver meurtrier avait sûrement tué pour eux autre part et en abondance…

Kaiikathal se lassa des fâcheux piques-assiettes et autres picoreurs et poursuivit son chemin. Bientôt les contours de Cendre-Terre se dessinèrent dans le clair-obscur, avec des vents porteurs de relents humides en guise de bienvenue. Et c’était ici que Nahui vivait ! Eh ben, il ne fallait pas être claustrophobe ! Songeait la dragonne, mue par l’impatience de rendre visite à sa consœur, dont la présence lui semblait pourtant bien lointaine. J’espère ne pas avoir fait tout ce chemin pour rien.

Elle était venue lui rendre une petite visite de courtoisie - cela leur arrivait de temps en temps de se retrouver sur le domaine de l’autre. Vivre des atrocités communes avait rapproché leurs âmes au point qu’elles éprouvaient parfois le besoin de retrouver l’autre, s’assurer que tout allait bien. C’était ce qui avait conduit la Liée du Chaos en ces lieux.

Dans cette grande cité des épopées s’avançait le peuple des survivants. Les lieux s’étaient figés sous la pression de l’hiver, n’offrant à la dragonne qu’un port aux allures plutôt calmes, quoique malmené par quelques vagues acérés qui giflaient les pontons assombris.

“Nahui ? Ma soeur ?”

L’écho de sa pensée retentit dans le vide. Seul le ressac lui répondit, rompu et incisif. Kaiikathal sentit la déception gagner son coeur : elle était peut-être bel et bien venu pour rien. Habituellement, Nahui était avec Aldaron pour l’accueillir, mais il fallait bien que cette situation survienne un jour ou l’autre. Kaiikathal se sentit un peu trahie, et désorientée : elle n’avait aucun intérêt à rester ici, et en même temps, c’était impossible de faire demi-tour pour se mettre d’office sur le chemin du retour. Elle fit une autre tentative :

“Aldaron ? Aldaron Elusis ?”

Vaine, elle aussi.
Dépitée, elle se mit à rôder autour du port, incertaine. Seule, elle n’était pas forcément la bienvenue, pour la simple et bonne raison que les habitants de Cendre-Terre étaient habitués à Nahui, mais pas à la présence d’une dragonne bleutée à crête solaire dans leur cité. Tous ne l’avaient pas encore vue, elle devait donc se montrer prudente. Que faire ? Attendre un peu et persévérer, ou rebrousser chemin aussitôt ? Kaiikathal ouvrit grand les ouïes. Avec un peu de chance et beaucoup de patience, peut-être obtiendrait-elle une réponse.

“Où sont les Elusis quand on a besoin d’eux !” pensa-t-elle fort, bien fort, car elle avait besoin d’un coupable sur qui mettre sa frustration sur le dos.

descriptionAux innocents les mains pleines (Kaii, Ulmo & Ness) EmptyRe: Aux innocents les mains pleines (Kaii, Ulmo & Ness)

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Les vampires, sont comme les graähons, nous devons les surveiller sans cesse, au risque de les voir dans des situations complètement étranges, voir même inimaginable. Le jeune Ulmo était encore caché, probablement à vouloir jouer. Depuis la mort de nombreux princes et princesses, je ne le laissais plus sans surveillance et le couvait comme un nourrisson. Je le considère comme mon propre fils, mais jouer à ce genre de jeu, ne me plaît jamais, car je ne l’ai pas sous les yeux, et j’ignore où il se trouve…

Je le cherche, encore et encore, à l’intérieur, puis m’aventure à l’extérieur des murs de la demeure, grognant par moment, reniflant un peu partout pour y trouver son odeur, sauf que ce petit chenapan a y faire avec moi, plaçant des choses à lui pour cacher ses traces… Un vrai trappeur cet enfant…

Je cherche encore et encore, demande, mais personne ne semble l’avoir vu. Je m’inquiète, grogne, montre les crocs à ceux qui ne prêtent aucune attention à mes paroles, et menace presque quelques personnes, mais ce n’est qu’une protection…

Je n’abandonne pas, continuant ma quête à ce jeu de cache-cache… La prochaine fois, je lui mets un boulet à la cheville, au moins, je suis sur qu’il ne pourra pas s’enfuir ou faire des jeux qui me rendent complètement marteau !

Les enfants sont si compliqués, mais ils sont tout ce que nous avons de plus cher à notre cœur. Ils sont nos trésors, la chose la plus précieuse au monde et que nous défendons au péril de notre vie. Je suis peut-être sur-protectrice depuis les derniers événements, mais je ne prendrais pas le risque de perdre de nouveau un être cher à mon cœur.

« Ulmo ! Ulmo ! Tu as gagné, on ne joue plus ! »

J’ai appris la langue commune, et me débrouille de mieux en mieux, c’est surtout avec lui que j’ai progressé, car je dois sans cesse le chercher…

descriptionAux innocents les mains pleines (Kaii, Ulmo & Ness) EmptyRe: Aux innocents les mains pleines (Kaii, Ulmo & Ness)

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Cendre-Terre. Cité de nuit et de lune. Là où les chouettes passent et survolent les lumières et les flocons. Si leurs regards avisés se concentrent sur une ruelle en particulier, elles y découvriront un jeune vampire en pleine fuite.

Courant aussi vite que ses petits pieds peuvent le mener, Ulmo Elusis descend la ruelle de givre avec une rapidité déconcertante. Est-ce que ses bottes en sont la source d’une telle rapidité ? Peut-être. Ce qui est sûr, c’est qu’en l’espace de quelques secondes, l’Ast se retrouve dans la basse ville. Fonçant derrière un tonneau au bois humide, l’enfant se risquait un coup d'œil vers les hauteurs, là où l'on pouvait très bien voir le manoir des Elusis ou lumières brillaient à travers les fenêtres.

Le corps entier chargé d’une certaine adrénaline, Ulmo avait entamé l’une de ses parties de jeu préférée avec Nessraya, la meilleure Gräarh qui puisse exister sur terre. La féline avait une place très importante dans le cœur d’Ulmo. Elle était là dans les pires moments comme dans les meilleurs, et on n’allait pas se mentir, son poil était si doux qu’Ulmo voulait toujours lui faire des câlins. Mais le temps n’était pas au câlin. Non, non et non. Le temps était au plus grand cache-cache de l’histoire.

En général, Ulmo était plutôt doué pour se cacher, mais dans la demeure des Elusis. Pas dans tout Cendre-Terre. Car oui… Si vous ne le savez pas, Ulmo à peut-être, décidé de quitter le manoir cette fois-ci. Sa bêtise ne pouvait que le rendre heureux sachant qu’il se baladait maintenant dans une ville entière à découvrir. Bien sûr, il connaissait déjà pas mal ses recoins maintenant, mais il y avait toujours à observer et apprendre.

Ricanant tout seul derrière son tonneau, Ulmo sentit le froid traverser ses vêtements et bien qu’il ne puisse pas ressentir grand-chose dans son corps vampirique, il put au moins se dire qu’il était temps de trouver une nouvelle cachette.

Quittant son coin d’ombre, l’ast trottina sous des regards peu intéressé de vampires et autres personnages occupés à marchander. Ses pas le menèrent alors en direction du port. Les effluves marines et le reflet des lumières de la ville sur l’eau offraient un merveilleux spectacle pour l’enfant qu’il était. Sa vision se posa tout à coup sur une sorte de caisson vide. Cachette des plus incroyables au possible. Ni une ni deux, Ulmo plongea dedans en rigolant, fier de sa cachette. Nessraya ne le trouverait jamais ici.

Les minutes s’écoulèrent et la soif de découverte d’Ulmo grandissait au fur et à mesure que le sable du temps s’écoulait.
Ce n’est que plus tard, alors que la patience commençait à s’effriter, qu’Ulmo entendit quelque chose qui aurait pu lui faire dresser ses oreilles d’ancien elfe s’il avait pu.
Glissant un coup d’oeil entre une interstice entre deux planches de sa caisse, Ulmo faillit lâcher un cri de surprise et d’émerveillement lorsque ses yeux se posèrent sur un dragon. UN DRAGON.
Celui-ci semblait attendre quelque-chose mais Ulmo ne remarqua en rien son attente, plutôt subjugué par la beauté de son corps. Ses écailles semblaient tout droit sortie d’une nuit clair et la créature divine semblait porter une crête d’un jaune éclatant.

- Bon sang ! Chuchota t’il des étoiles dans les yeux avant de se redresser, zappant complètement la partie de cache-cache.

C’était bien la première fois qu’il voyait un nouveau dragon. Déjà que vivre avec Nahui était magnifiquement incroyable, voilà qu’il allait rencontrer peut-être l’un de ses amis ? Et si c’était Verith ?

Plein de questions, plein de joie, son courage le poussa à se lever avant qu’une voix puissante ne lui martèle le crâne.

Où sont les Elusis quand on a besoin d’eux !

Abasourdi, ignorant le pire des dangers, Ulmo leva la main en quittant avec précipitation sa caisse. Dans sa course, le petit se prit les pattes dans un cordage et s’étala de tout son long par terre. Toujours le bras en l’air, Ulmo utilisa la même façon qu’il avait pour parler à Nahui, pour s’adresser à la merveille en face de lui.

- Moi ! Moi je suis un Elusis, oh grand dragon !

Se relevant comme si de rien était, Ulmo s’approcha du dragon bouche bée.

- Je m’appelle Ulmo Elusis. Vous avez besoin d’aide ? Je suis désolé mais Nahui n’est pas ici si vous l'a cherché, mais moi je suis là et je ferai tout ce que vous me demanderez ! Vous savez j’adore les dragons. Vous êtes très jolie ! Woaw !

Et voilà que le moulin à parole était enclenché.

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“Ah !” s’exclama Kaiikathal en esquissant un écart sur le côté digne d’une jument effarouchée par l’envol d’une colombe. Une gerbe de poudreuse décolla aussitôt, éclaboussant la face de l’être tout près d’elle.

Ses yeux s’accoutumèrent au petit bipède qui se tenait debout près des tonneaux, une main saisissant l’un d’eux tandis que l’autre pendait dans le vide. Lorsqu’elle réalisa enfin qu’elle avait trouvé un - Ô doux esprits - un enfant, une moue de dégoût fendit ses lippes draconiques. Pas circonspect, celui-ci, ou bien était-il né dépourvu d’instinct de survie, comme la plupart des bipèdes semblait-il. Elle l’inspecta sous toutes ses coutures en gardant ses distances : les joues un peu pâles, le teint uniforme, un fin duvet comme celui des abricots recouvrant ses joues, de jeunes bouclettes marrons qui se livraient à une bataille sans merci sur le crâne : pas de doute, il était fraîchement démoulé de sa mère, celui-là.

“Toi, un Elusis ? Tu te fous de ma tronche ? Tes parents ne t’ont jamais appris que ce n’était pas bien de mentir ?”

Et puis, quelque chose dans le regard la fit revenir sur ses paroles. Il avait dans les yeux cette brillance commune aux nombreux habitants immortels de cette région, un feu glacé derrière la rétine qui se reflétait dans la réalité. Non, c’est un enfant vampire, comprit-elle alors soudainement. Cette brillante révélation la fit l’étudier davantage avec une méfiance redoublée, car il est de coutume que les enfants ne soient pas des êtres de confiance.

“Hein, quoi, qu’est-ce que tu as dit ? J’ai pas écouté. J’écoute jamais les petits enfants.”

Kaiikathal ne tenait pas particulièrement les bipèdes dans son cœur, mais les enfants avait cette place spéciale dans le sien : une place également réservée à l’Histoire et la Littérature, aux étourneaux sansonnets, au dégueulis de karapt et aux interminables laïus de Nathaniel - en bref, tout ce qui relevait de l’ennui et du dégoût.

En soi, Kaiikathal considérait déjà les bipèdes comme des êtres invasifs, dont la tempête du peuplement déchirait les plus beaux paysages de Tiamaranta, de la savane aux montagnes, du désert aux forêts primaires de ce monde. Elle trouvait qu’ils n’apportaient rien, sinon la destruction, qu’ils s’employaient à accomplir avec tant d’ardeur que même eux réussissaient mieux qu’elle sur ce terrain de compétition.
La différence majeure étant que Kaiikathal détruisait des vies, pas des paysages.

“Vous avez besoin d’aide ? Je suis désolé mais Nahui n’est pas ici si vous l'a cherché, mais moi je suis là et je ferai tout ce que vous me demanderez ! Vous savez j’adore les dragons. Vous êtes très jolie ! Woaw !”

Il s’était avancé vers elle, les bras ballant, elle pas trop sûre de ce qu’il allait en faire - voulait-il la toucher ? En tout cas, elle en redoutait le contact plus qu’une brûlure de glace, et peut-être se faisait-elle des idées, mais elle préférait être prudente.

“Hé, ouah, merci pour le compliment, on me dit toujours que je porte la crête à merveille, mais tu parles trop là !” Elle bondit en arrière et hérissa la crête en signe de répulsion plutôt que de menace. “Et me touche pas ! Tu vas salir mes écailles avec tes mains pleines de... doigts !”

Rien qu’à y penser, elle éructa.

“Si tu es un Elusis, alors mes ailes ont des plumes à la place des écailles…” Nahui ne pouvait quand même pas vivre en compagnie de ce… truc, si ? Elle le considéra, l’air hautain. Bah… s’il en est véritablement un… qu’on ne s’interroge pas si Elusis finissaient par s’éteindre avec ce genre de morveux dans les parages. Nahui ? Nahui ! À l’aide ! Ton bidule s’est échappé du Nid !

Et il n’avait personne pour le ramasser, ce pauvre boug égaré dans l’hiver…

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