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descriptionComme on est bien chez soi ? [PV Vex'Hylia] EmptyComme on est bien chez soi ? [PV Vex'Hylia]

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28 octobre 1764

Claudius se regarda dans le miroir. Cette entaille à la joue droite lui collait à la peau, et l’Empereur se demanda bien quand est-ce que la maladie qu’on lui avait infectée allait ressurgir pour commencer à la dévorer peu à peu.

Devait-il écrire un testament ? Dire quelques mots à sa famille ? Se préparer au pire ? Lui qui avait connu tant de guerres, de conflits et de chamboulement dans l’ordre du monde, était-il voué à mourir « simplement » d’une maladie incurable qu’il aurait contracté des suites d’une tentative ratée d’assassinat ?

Et que retiendrait-on de lui ? Aurait-il l’image d’un Empereur qui avait vraiment changer son pays, ou qu’il avait été finalement d’un immobilisme plat comme tous les autres ? Le Havremont plissa ses yeux, qui regardèrent son corps à travers la glace. Qui prendrait sa succession, une fois qu’il serait sans vie ? Son fils Julius, quelqu’un d’autre ? Ou bien, est-ce que des personnes malintentionnées attaqueraient l’Empire pour qu’il se fasse éteindre à tout jamais ?

Tant de questions, qui firent réaliser à Claudius que bien plus que lui-même, s’il venait à s’éteindre, cela changerait certainement beaucoup de choses pour beaucoup de personnes.

Mais après tout, tout n’était pas perdu d’avance. On pouvait ralentir cette maladie, voir y survivre à condition d’être prêt à certains sacrifices. Mais … Claudius n’était pas prêt de se faire vampiriser, pas après tout ce que sa famille et lui-même avait vécu à cause d’eux. Le ressentiment était trop fort, tout autant que les implications que cela aurait sur l’Empire des Hommes. Il pourrait peut-être gagner quelques jours, avec le raclage, et les autres techniques de soin expérimentales ?

Le Havremont soupira. Lui qui s’était battu toute sa vie, et avait toujours fait les choses qu’il fallait faire aussi horribles soient-elles … Voilà qu’il était bien morose à présent. Cela ne lui ressemblait pas, il avait besoin de se changer les idées.

L’Empereur tourna les talons, et s’en alla de ses quartiers, pour se rendre dans une autre aile du Palais, non loin de celle-ci. Il avait eu vent que Vex’Hylia, devenu sa Magicienne de Cour depuis peu, était rentré depuis un ou deux jours de son périple dans les terres gelées de Nyn-Tiamat.

Elle s’y était rendu pour parlementer avec Aldaron au sujet justement d’un remède contre la peste de corail. Il semblait que le Prince Noir n’était manifestement pas disparu malgré des rumeurs quant à une altercation avec une Couronne de Cendres. Une menace que Claudius n’avait encore jamais rencontrée personnellement, mais dont les on-dit et les légendes allaient bon train dans l’Empire, tout autant que dans les légions graärh. Quoiqu’il en soit, Le Havremont n’était pas vraiment surpris. Aldaron avait bien supporté la perte de son Inséparable, ainsi que la vie à Morneflamme, parmi tant d’autres choses.

C’était un dur à cuire. Heureusement, ou malheureusement, si l’on se plaçait du point de vue personnel ou politique de la pensée de Claudius.

Une visite de courtoisie à sa magicienne, donc, pour avoir des nouvelles de ce qui se passait en dehors de l’île de Calastin, et surtout pour voir comment se sentait Vex’Hylia après un voyage en terre austère, principalement composé d’ennemis de l’Empire.

Après quelques minutes de marche, et de salutations à d’autres personnes qu’il croisa dans le palais, Claudius finit par arriver devant les quartiers de la magicienne. Il attendit un court instant, avant de toquer à la porte, et de dire à travers celle-ci :

« Bonjour Vex’Hylia ! Auriez-vous un instant à consacrer à un vieil empereur malade ? » avant de laisser échapper un petit rire suffisamment fort pour qu’il soit entendu, comme pour souligner l’auto-dérision de cette phrase. Il continua ensuite : « J’aimerai que vous me contiez votre voyage ! Quelles sont les nouvelles de l’île de glace ? Oh, et ne prenez pas la peine de m’ouvrir. Prenez vos distances, et dites-moi quand ouvrir ! Les guérisseurs m’ont dit que pour l’instant tout allait bien, mais je ne voudrais pas prendre le risque de vous contaminer. »

L’Empereur attendit ainsi devant la porte un quelconque signe de sa magicienne … Il espérait d’ailleurs qu’elle soit présente en ses quartiers : l’inconvénient d’une visite impromptue était que l’on pouvait parfois avoir des surprises …

Mais dans le pire des cas, Claudius n’était pas vraiment la personne la plus attaché au protocole dans ce pays. Alors avoir un petit instant de ridicule à parler seul à une porte ne le dérangerait pas.  

descriptionComme on est bien chez soi ? [PV Vex'Hylia] EmptyRe: Comme on est bien chez soi ? [PV Vex'Hylia]

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C'était étrange. Très étrange, même, de me retrouver ici. Je m'habituais peu à peu à ma nouvelle fonction sans jamais regretter d'avoir quitté l'armée. J'avais renoncé à mon rang de Lieutenant sans hésitation, trouvant en l'offre de l'empereur une place qui me convenait bien mieux. Qui me correspondait. Qui m'offrait la liberté dont j'avais besoin.

Mais avoir mes propres appartements au sein du Palais Impérial me laissait une drôle de sensation. Ce n'était pas désagréable. C'était simplement une impression bizarre. Tout à coup, je me retrouvais au milieu de la Cour Impérial. Avec ses courtisans, ses intrigues, ses amitiés et ses inimités. Cela rappelait à mon souvenir une partie de ma conversation avec Aldaron, qui avait évoqué son propre passé à la cours des rois Kohan. Les intrigues n'étaient certainement pas ma tasse de thé et j'espérais être en mesure de naviguer ici sans trop de peine. En premier lieu parce que j'étais trop honnête pour m'enliser dans quelconques bassesses. Et en second lieu parce que je ne portais pas en mon coeur les charlatans. Au moins, avais-je pour moi mon éducation. Sans la beauté inhérente à ma race, sans doute me serais-je fendu dans le décor aisément.

Sortant soudainement de mes pensées, je relevais mes prunelles hagardes vers le centre de la pièce. Combien de temps s'était-il écoulé depuis que je m'étais assise à mon nouveau bureau ? Je perdais aisément la notion du temps, encore plus depuis que ce dernier n'avait plus la moindre emprise sur moi. Au moins, depuis quelques temps, je cessais de penser sans cesse à Siel lorsque je me perdais ainsi. Dans mon deuil, j'étais entre les phares d'acceptation et de la reconstruction.

Me relevant, je m'étirais longuement en levant les bras et la tête vers le ciel. Mes vertèbres m'en remerciaient, de même que les muscles de mon dos. Depuis quelques temps, Orfraie était devenue mon entraineuse personnelle. Elle m'avait poussé à devenir plus active, à renforcer mon corps et ma faculter à manier mon baton. Tout cela portait ses fruits, je le voyais bien dans le miroir, mais je me retrouvais souvent courbaturé le lendemain.

Je fis ensuite quelques pas dans ce bureau, étudiant la décoration d'un oeil critique. J'avais fait peu d'effort pour le moment, mais quelques éléments ici et là commençaient à habiller ce lieu pour qu'il soit davantage à mon image. Un bouquet de fleurs, des livres entassés, une peinture inachevée, mais en bonne voie… Des éléments qui reflétaient des pans de ma personnalité, ainsi que mes goûts.

Et dans ce décor plutôt coloré, il y avait un objet qui détonnait complètement. Un arbre miniature fait de cendre. Un arbre de vie, emblème de la maison Elusis, qui trônait sur la table placée face à la cheminée. La cendre cristallisée reflétait la lumière du soleil qui filtrait à travers les fenêtres de la pièce, tapissant les murs de pierre d'éclats lumineux. C'était une oeuvre magnifique, mais annonciatrice de malheur. Je devais la donner à Claudius, mais je n'avais pas eu la chance de pouvoir lui parler dès mon retour.

Tournant mon regard vers l'extérieur, j'avisais la course du soleil dans le ciel. Il était haut, mais pas suffisamment pour annoncer l'heure de manger. Nous étions encore le matin, mais la matinée était avancée.

— Vais-je pouvoir parler à Claudius rapidement ? Demandais-je à haute voix en sortant mon Palantir.

Tenant la chainette de la main droite, je plaçais ma main gauche en dessous et laissait le pendule agir. Au départ, il ne bougea pas. Puis, doucement, il se mit à tourner dans le sens horaire. Quelques secondes, j'obtins un ‘oui' très franc. Et au même instant, quelques coups à ma porte retentirent.

Je sursautais légèrement, mes prunelles volcaniques se vrillant sur la barrière de bois. Je n'avais pas entendu l'autre personne approcher malgré mes sens de Sainnûr. J'étais légèrement tendue par ce manque d'attention, avant qu'une voix bien connue se fasse entendre.

Je levais les yeux au ciel, clairement amusée par la situation. Puis je déposais mon Palantir sur mon bureau avant de m'approcher d'un pas rapide de la porte. Je savais Claudius malade, mais par chance, j'étais immunisée à la Peste de Corail. J'étais sans doute la seule personne de l'empire - hors vampire - avec qui il pouvait se tenir sans gêne.

Avant d'ouvrir, j'inspectais rapidement ma silhouette dans le grand miroir accroché à droite de mon bureau. Dans ce reflet, je voyais enfin une elfe qui allait mieux. Les cernes avaient quitté mon visage. Mon regard était redevenu brillant. Je reprenais goût à la vie en avançant doucement vers la reconstruction. Allant de pair avec cette image, je ne portais pas ma cape. Je n'avais pas besoin de sa protection. Et malgré la fraicheur de la pierre, je portais une tunique aux couleurs de l'automne qui laissait mes bras nus. Son décolleté laissait Olbasairina bien visible au creux de mon cou, de même que mon unique boucle d'oreille faite d'une plume de corbeau. J'appréciais d'autant plus ce bijou simpliste car il me permettait de communiquer aisément avec Kyla.

— Majesté, fis-je en ouvrant la porte sans prendre plus de précautions. Bonjour.

Ces quelques mots manquant de chaleur, j'affichais un sourire sur mes lèvres et me décalais pour céder le passage à Claudius.

— Entrez, ne restez pas dans ce couloir glacial, l'invitais-je.

Le ton était davantage celui d'un ordre. Un ordre du guérisseur pouvait-on dire. La Peste de Corail se suffisait à elle-même, il était bien inutile d'y ajouter un coup de froid. Cela ne manquait pourtant pas d'arriver avec l'automne et la baisse de température qui accompagnait cette saison. J'avais déjà croisé de nombreux humains reniflant et se mouchant dans des carrés de soie. L'avantage de la pierre était de garder la fraîcheur en été, mais il était aussi difficile de la réchauffer en hiver. Mon bureau possédait un foyer pour ce faire, mais pas le couloir.

— Aurais-je oublié de vous dire que je ne crains pas l'Infection ? Il me semblait vous en avoir parlé.Demandais-je en l'invitant à s'asseoir dans un des fauteuils, près du feu que je réanimais d'un mouvement du poignet. La magie de mon anneau m'en protège.

L'un de ses nombreux pouvoirs. Et Claudius savait déjà qu'il me permettait de parler aux morts. Il l'avait vu de ses propres yeux à Cordont. En quelque sorte.

Suivant ensuite quelques vieux réflexes, je lui servais un rafraichissement. Celui qu'il avait déjà bu chez moi et qui ne manquait pas d'hydrater son corps. J'avais choisi celui-ci tout spécialement pour cela. Puis je m'assaillais dans l'autre fauteuil, à sa gauche. Une petite table ronde nous séparait.

— Il me tardait d'enfin pouvoir vous parler. J'ai, justement, beaucoup à vous raconter. Mais avant cela, dites-moi, comment vous vous sentez ? Vos guérisseurs ne sont pas très loquaces, et pourtant j'en suis une aussi.

L'inquiétude dans ma voix était loin d'être feinte. Claudius allait bien, pour le moment, mais tout était une question de temps. J'avais toujours eu envie de participer à la création du remède à cette Peste, mais maintenant que l'Empereur était infecté… Cette envie devenait un besoin. Ou même un devoir. Envers lui comme envers ce peuple. Car, comme l'homme assit en face de moi, je craignais ce qu'il pouvait advenir s'il venait à succomber.

Dernière édition par Vex'Hylia Aërendhyl le Mar 8 Nov 2022 - 4:19, édité 1 fois

descriptionComme on est bien chez soi ? [PV Vex'Hylia] EmptyRe: Comme on est bien chez soi ? [PV Vex'Hylia]

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Claudius fut surpris de constater que sa mage de cour vint lui ouvrir directement la porte. Le Havremont, quelque peu surpris, lui fit geste de reculer mais elle n’en fit rien, ajoutant même, après ses salutations et son sourire :

« Entrez, ne restez pas dans ce couloir glacial »

L’Empereur lui fit un petit hochement de tête entendu, et pressa alors le pas pour rentrer dans ses quartiers, qu’il trouva quelque peu changé. Bien évidemment, la pièce que Claudius lui avait attitrée n’était pas immuable, et de ce fait, Vex’Hylia avait fait le nécessaire pour y rajouter des éléments personnels de décoration, des livres, un chevalet de peinture … Le logement convenait plutôt bien à l’elfe, ou tout du moins l’Empereur estima qu’il était en rapport avec ce qu’il avait vu de chez elle.

C’était une bonne chose, si elle se faisait à ce nouvel endroit. Claudius en savait quelque chose : il était parfois difficile de quitter son doux foyer pour atterrir dans un endroit comme un Palais, où tout est si différent de chez soi. Mais il était aussi parfaitement déraisonnable d’assurer des fonctions officielles de façon décentralisée … Alors on s’y faisait de gré ou de force. Cela n’empêchait pas Claudius de retourner chez lui, dans la Nouvelle-Havremont, quand le cœur lui en disait.

Toujours est-il que le Havremont laissa ces quelques pensées de côté pour se concentrer sur ce que Vex’Hylia lui fit comme remarque une fois qu’il était entré, s’asseyant au passage à l’endroit qu’on lui indiqua :

« Aurais-je oublié de vous dire que je ne crains pas l'Infection ? Il me semblait vous en avoir parlé. La magie de mon anneau m'en protège. »

Claudius eut un petit sourire. La magie semblait avoir bon dos et assurer bien des choses à des personnes comme Vex’Hylia. Mais ainsi était pourquoi il l’avait engagé elle après tout.

« A ce stade, la question est plutôt de savoir ce que votre anneau ne fait pas, alors ! Sert-il aussi des boissons chaudes tout en récitant le dernier spectacle à la mode dans les rues de l’Imbrûlée ? Je serais bien curieux de voir cela ! »

Claudius ria de bon cœur. L’humour était un vecteur essentiel pour sa bonne humeur, tout autant qu’un moyen de dédramatiser une situation. Car la vérité était que les facultés d’un tel artefact le laissait pantois : Vex’Hylia en avait déjà fait la démonstration en parlant aux morts, lors des événements qu’ils avaient partagé en Cordont. En l’occurrence, cette dernière aptitude était loin d’être anodine, et permettait à la magicienne de se démarquer là de nombreux autres sorciers dont Claudius avait déjà croisé la route.

Pour lui, la magie n’était pas aussi importante. Claudius trouvait d’ailleurs là dans sa pensée des points semblables à celle des délimariens. Tout juste se servait-il de celle-ci pour ses équipements personnels et les enchantements qu’il avait dessus … Mais il préférait de loin la bénédiction des Esprits-Liés, qu’il trouvait plus proche des humains. D’ordre général, il préférait quand la magie était contrôlée, plutôt qu’usitée, car celle-ci se trouvait être très souvent le bras armé de nombreux conflits, et la source de nombreuses discordes. Ce en quoi les pouvoirs de son phénix l’aidaient bien.

Mais après tout, l’usage de la magie n’était pas vraiment en ordre du jour de sa visite, encore que Claudius aurait pu en parler compte tenu de la nature des travaux qu’il avait en partie confié à Vex’Hylia. Celle-ci d’ailleurs, ne tarda pas à lui servir du breuvage semblable à celui qu’elle lui avait servi chez elle, ce que le Havremont approuva d’un hochement de tête. Enfin, l’immaculée s’assit en face de lui, dans ce petit salon improvisé, et pu répondre à ses questions :

« Il me tardait d'enfin pouvoir vous parler. J'ai, justement, beaucoup à vous raconter. Mais avant cela, dites-moi, comment vous vous sentez ? Vos guérisseurs ne sont pas très loquaces, et pourtant j'en suis une aussi. »

Claudius eut un petit regard attendri, sentant l’inquiétude dans la voix de sa magicienne de cour. Laissant quelques réflexions de côté, il répondit tout de suite afin qu’elle ne se sente pas lésée :

« Pour l’heure, physiquement, je me sens comme d’habitude. Mais de ce que l’on m’a dit, c’est normal. La période d’incubation dans laquelle je suis fait partie du processus. La maladie semble se déclencher plus tard chez les humains. J’ai encore quelques jours de répit avant de voir des coraux pousser sur mon visage donc … »

Le Havremont soupira longuement, s’accordant une pause. Quitte à choisir une mort, il eut préféré être la victime des assassins à Cordont, au moins, le supplice était plus court … Car dépérir à petit-feu des causes d’une maladie mortelle et actuellement incurable, c’était cruel, et le faisait angoisser jour après jour. Mais l’on n’obtenait pas toujours ce que l’on voulait dans la vie. Il reprit :

« Mes excuses pour mes guérisseurs, et je veillerai qu’ils vous partagent les informations plus promptement. Ils sont contraints aux plus grands secrets, et j’imagine que vous comprenez pourquoi. L’on m’a donné un peu moins de trois mois, durant lesquels mon état ne fera que décroître. Je ne veux pas que la foule s’affole, même si cela va bien finir par se voir, et pas qu’un peu … »

Il y eut un nouveau soupir, avant qu’il ne reprenne d’un ton plus bas :

« Peut-être que je pourrais gagner quelques jours en acceptant de me faire traiter … Mais il est absolument hors de question pour l’heure que je me fasse vampiriser, et le raclage s’annonce dangereux compte tenu que tout ceci se diffusera depuis mon visage … »

Claudius eut une petite moue triste, avant de se confier à sa magicienne :

« Autant vous dire que les perspectives ne sont pour l’heure pas très réjouissantes. Cette perspective de dépérir progressivement m’inquiète beaucoup, aussi bien pour notre nation que personnellement. Je pense à tous ces gens qui ont placé tous ces espoirs en moi, et à ma famille … Cela n’aide pas franchement à aller mieux sur le plan moral. Et c’est peut-être une des premières fois où j’angoisse réellement sur le fait de mourir. »

Claudius avait risqué sa vie mainte et mainte fois, mais jamais il n’avait vraiment été particulièrement effrayé par la perspective de mourir. Les rares exceptions étant ces missions à haut risque sous la dictature du Tyran Blanc, ou le moindre faux pas pouvait vous faire envoyer à Morneflamme sans plus de questionnement, ces mois passés en mer à la recherche d’une nouvelle terre à la suite de la débâcle contre les chimères et la fois où Sélénia avait reçu la visite et les menaces de Verith de l’Ire, dont son titre suffisait à lui-même pour la teneur de cette dite visite. Claudius y avait perdu son cœur, mais pas la vie.

Sentant un léger blanc venant s’installer dans la pièce, Claudius tâcha de reprendre une contenance, chassant ses mauvaises pensées avec un geste de la main :

« Mes inquiétudes sont nombreuses, mais pas forcément rationnelles. Je n’oublie pas ce que vous faites pour moi, et pour tous les autres malades rassurez-vous… Mais personne n’est parfait, et intouchable j’imagine. »

Vulnérable. Voilà un mot qui déterminait bien l’état du moment de l’Empereur, bien qu’il ne s’attendait pas à ce que ce terme soit relié à sa personne un jour. Lui qui avait été tel un mur protégeant sa famille et sa nation, se trouvât pour la première fois dans un mal dont il ne semblait pas voir le bout.

Le regard de Claudius se perdit un instant, puis se posa sur un petit arbre, se trouvant sur la petite table en face de la cheminée. Il n’y avait pas fait attention jusqu’à lors. Il l’observa à l’instant, et se rendit en fait compte que ce n’était pas vraiment un petit arbre, mais plutôt une reconstruction d’un arbre fait de cendre cristallisée … L’Empereur haussa les sourcils, bougea sa tête, observant la petite sculpture à la lumière du soleil. Après cette observation, une pensée vint éclairer son regard : c’était un arbre de vie … Emblème des rivaux de l’Empire de la maison Elusis.

Claudius haussa un sourcil, et regarda Vex’Hylia d’un air à mi-chemin entre l’étonnement et l’amusé :

« Vous savez, je pense que vous auriez pu prendre quelque chose de moins … Provoquant, à l’échoppe de souvenirs de Cendre-Terre. » Le Havremont eut un petit sourire : il se doutât bien que cette chose là n’était pas dû au fruit du hasard ou des envies de Vex’Hylia, mais bien quelque chose d’officiel qu’on lui avait confié :

« A vous maintenant ! » fit l’Empereur, d’un air intrigué. « Contez-moi votre voyage, dont je suis ravi de vous voir revenue en un seul morceau, et la raison de la présence de cette sculpture sur nos terres. Dois-je envoyer moi aussi promptement un emblème de l’Empire repeint par du sang de vampire où cela ne sera pas nécessaire ? »

Le sourire de Claudius fut entier. Cette dernière phrase n’était bien évidemment pas sérieuse, mais ne changeât pas du fondement de son interrogation quant à la présence de cette sculpture ici.

Aussi, l’Empereur pris une gorgée du délicieux nectar proposé par Vex’Hylia, et il s’enfonça dans son fauteuil tranquillement, laissant tout l’espace que désirait sa magicienne pour son récit.

descriptionComme on est bien chez soi ? [PV Vex'Hylia] EmptyRe: Comme on est bien chez soi ? [PV Vex'Hylia]

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— Attention à ce que vous souhaitez. Vous n’êtes pas à l’abri d’un quelconque cadeau un peu loufoque, répondis-je sans me départir de mon léger sourire.

J’appréciais de voir Claudius prendre les choses avec humour, au moins un petit peu. Cela démontrait un mental fort malgré la maladie qui s'insinuait en lui jour après jour. Malgré sa vie désormais en sursis. Combien de mois lui restait-il, si je ne parvenais pas à trouver une solution ? Trois ? Un battement de cœur dans mon existence, mais un délai moyennement long pour un humain. Une lente agonie, que ce soit pour le corps ou l'esprit.

Assise près de lui, j'écoutais donc avec attention. Mon inquiétude semblait le toucher comme en témoignait son regard attendri. C'était un éclair fugace mais bien présent. Je fus grandement touché qu'il accepte de s'épancher sur ce qu'il ressentait. Je m'étais attendue à quelques mots, pas à ses états d'âme. J'avais donc bien conscience de la confiance qu'il plaçait en moi. Davantage encore lorsqu'il s'excusa au nom de ses guérisseurs tout en m'assurant veiller à ce qu'ils partagent plus facilement leurs informations avec ma personne.

J'en venais à admirer sa force. Me sachant condamnée, à moins d'un petit miracle, je n'étais pas certaine d'être capable de réagir si bien que lui. Malgré ses inquiétudes, il tenait bon. Et il n'évoquait pas encore un sentiment de peur. Le mental jouait toujours beaucoup dans un combat contre la maladie, et même dans le cas d'une infection comme celle-ci. Tout était bon à prendre, donc.

— J'espère que les nouvelles que je rapporte sauront éclairer votre horizon. Même un tout petit peu.

Un léger sourire étira mes lèvres lorsque l'attention de l'Empereur fut attirée par l'arbre de vie. Il était vrai que cette décoration était de mauvais goût en plein cœur du Palais Impérial. Mais ce n'était pas une décoration ordinaire, raison pour laquelle je l'avais laissé posé là, bien en évidence. Le trait d'humour de l'empereur ne manqua pas de me faire rire, tandis que je portais mon verre à mes lèvres.

— Vous continuez à blaguer, c'est bon signe pour le mental, commençais-je en me penchant ensuite vers le petit arbre de cendre. Il ne sera pas nécessaire d'envoyer quoi que ce soit vers l'île gelée, n'ayez crainte. Cet arbre a bel et bien une raison très précise d'exister, vous allez comprendre.

Maintenant, il était temps d'offrir à l'empereur un récit de mon déplacement sur Nyn Tiamat tout en évitant ce qu'il n'avait pas besoin de savoir.

— Après un bref passage par Cendre-Terre, je me suis rendue jusqu'à la forêt où j'ai retrouvé le Prince Noir. Son combat contre Rog, la couronne de Cendres, l'a laissé blessé, mais bel et bien en vie. C'est ce que j'avais senti et dont je vous avais parlé, précisais-je.

Je me penchais vers le petit objet. Fait de cendre, il tenait dans la paume de ma main et était très léger. Il semblait cassant, mais pour l'avoir transporté jusqu'ici, je savais que ce n'était pas le cas. Déposant l'arbre de vie sur la table qui nous séparait, je gardais ma main droite à sa base.

— Cet arbre renferme le souvenir de notre discussion. Posez votre main à sa base, comme moi.

Sous mes paupières closes, se redessinait la petite cahute d'Aldaron que j'avais moi-même améliorée. Nous étions face à face, un gâteau entamé entre nous. La distance qui nous séparait ne laissait pas présager le rapprochement qui avait eu lieu un peu plus tard, fort heureusement. Et comme s'il était vraiment là, le Prince Noir racontait tout en caressant les écailles de Nahui, qui avait pris la taille d'un chat.

« Je crois que vous devriez savoir… Je crois que cela doit être porté à la connaissance de tous. Cet arbre est puissant, oui… Parce que c’est ce qui reste d’un dragon plurimillénaire de jadis. Et si la magie d’une dragonne comme Skade a pu aller chercher Achroma dans les limbes où il était allé, le tirer hors de la réincarnation, reforger son corps, lui donner un fragment de son propre cœur… Alors imaginez un dragon plus ancien encore. Imaginez ce qu’il a pu faire avec moi, même dans son état amoindri. Les déesses ont forgé la création puis les Esprits-Liés pour protéger la création. L’un d’eux était le gardien du monde des rêves. Tel le plan astral où étaient les chimères et où elles ont été renvoyées, le monde des rêves est perméable au nôtre, et bien plus que le plan astral, indéniablement. Tout un chacun peut y accéder, il suffit simplement… De dormir. Toutes nos espérances prennent vie en rêve. Et certains rêves deviennent réalité. Ces deux mondes communiquent mais ne le devraient. Les rêves des uns peuvent être les cauchemars des autres et… Les peurs créent des monstres dans le monde des rêves qu’il vaudrait mieux ne pas voir émerger ici, tout comme ils ne devraient pas rester là-bas car si le monde des rêves était envahi par nos monstres et nos cauchemars, plus personne ne pourrait connaître le sommeil réparateur. Un esprit-lié était alors chargé de nettoyer le monde des rêves pour qu’il ne soit qu’un terrain pour déverser provisoirement nos frustrations ou nos désirs et non pas le terreau fertile qui donne naissance à des monstres dévastateurs pour notre monde. Imaginez que nous fassions un mauvais rêve du Tyran Blanc… Cela lui permettrait de revenir. Imaginez à présent que nous soyons des centaines à faire ce cauchemar, combien de ces Vraorg se retrouveraient à piétiner nos terres ? Nous sommes alors notre propre danger et cet Esprit-Lié est celui qui nous protégé de nous-même. En vérité, tout aurait pu très bien se passer si cet esprit-lié ne s’était pas mis en tête de vouloir régler le problème à la source et de nous protéger nous des dangers et des horreurs qui donnent vie à nos cauchemars. Je trouve personnellement ce raisonnement stupide car pour venir dans notre monde… Il serait devenu mortel en plus d’abandonner son poste et de laisser les cauchemars nous envahir. Si un seul mortel pouvait sauver le monde, nous n’aurions pas besoin de lui, seulement d’un héros parmi nous, mais il a dû croire puérilement être le messie dont nous avions besoin. Fort heureusement, l’Esprit-Lié de l’Axolotl a repris ses fonctions pendant son absence… Au moins un qui a la tête sur les épaules. Pour ce qui est du premier, il a recherché l’aide de son ami, le dragon dont je vous parlais pour ouvrir un portail entre le monde des Esprits-Liés et le nôtre. Et devinez quoi ? Le monde savait que son projet était un échec vu d’avance et le hasard a fait que sa traversée a été un échec. Vous connaissez les légendes graärh ? Ils disent descendre des smilodons et les smilodons descendre des étoiles. Et bien… C’est vrai. L’esprit-lié est tombé du ciel, et a créé, sur Néthéril, les graärh. Quant au dragon, sa carcasse et son cœur de magie repose au centre de cet archipel, plus connu sous le nom de Tiamat ou puits sacré du Baoli. Son esprit, quant à lui, s’est accroché au cœur de l’esprit-lié et s’est enraciné dans un arbre. Cet arbre. Dans le cercle des Esprits-Liés, certains approuvaient le geste de l’andouille qui est venu ici se suicider. D’autres non, et le conflit a émergé quand certains graärh plus connus aujourd’hui sous le nom de Couronnes de Cendres, ont compris d’où ils venaient et ont voulu, je pense, retourner à leur état originel d’étoile. Certains esprits-liés soutenaient cette idée et d’autres pas et d’immenses bouleversements se sont enchainés sur Tiamaranta, jusqu’à ce que les couronnes de cendres soient défaites, j’ignore comment, et que les graärh se referment sur une vie humble loin d’un désir de côtoyer les étoiles. Les Couronnes de Cendre sont revenues et je pense que leur objectif est de s’emparer du cœur de l’esprit-lié que gardent l’Arbre-Songe et les Licornes. La bataille à venir se passera ici… Et je vais avoir besoin d’alliés, dès que mon état me permettra d’aller avertir tout un chacun mais… »  

Dans le souvenir, le petit arbre de cendre cristallisées changeait de main. Aldaron me l'offrait.

« Peut-être pourriez-vous transmettre déjà ceci à Claudius, si vous le voulez bien. »

« Bien sûr. Vous pouvez d'ores et déjà compté sur moi, peu importe ce qui arrivera. »

Le souvenir se terminait ainsi. Le reste de la conversation, j'allais la lui relater de vive voix.

— Vous comprendrez la demande implicite du Prince Noir. Si les Couronnes attaquent, il va avoir besoin d'alliés pour se défendre. Je lui ai déjà promis mon aide, comme vous l'avez constaté. J'en conviens que cela peut ne pas vous plaire, précisais-je en levant la main pour empêcher toute réponse de la part de Claudius, mais quand vient un danger comme celui-ci, l'heure n'est plus au conflit entre l'Empire et les Erlië. Je ne pourrais pas continuer à me regarder dans un miroir si je n'agis pas.

Je me laissais retomber en arrière dans le fauteuil, l'arbre toujours entre nous. Me regarder dans un miroir… Une formulation que j'avais déjà utilisée face à Claudius, lorsqu'il était venu me voir chez moi. C'était important pour moi de rester entière. Bien plus qu'appartenir à cet Empire, si jamais l'homme en face de moi n'était pas d'accord.

— Suite à cette discussion à laquelle vous venez d'assister, j'ai explicitement demandé à rencontrer la Sainnûr Nennvial Voronda. Elle travaille sur un remède et ses essais ont déjà permis aux Elfes de survivre un peu plus longtemps. Aldaron m'a également parlé d'une créature, le magaleera, qui se trouverait sur Keet Tiamat. Elle serait la clé pour créer le remède, selon les informations qu'il a en sa possession.

Travailler main dans la main, en quelque sorte, avec les pirates ne m'enchantait guère. Mais il le fallait.

— Il a accepté que je me joigne à l'expédition qui ira dénicher cette créature.

Orfraie m'avait longuement parlé de Keet Tiamat et de son cratère. Je croyais fermement en mes capacités à me débrouiller dans cet environnement.

— Si nous parvenons à créer un remède, je m'assurerai de vous transmettre une dose moi-même. Quant à aider le Royaume Erlië dans le combat à venir contre les Couronnes… ce n'est pas une condition à l'obtention du remède… Mais dites vous que c’est souvent dans la difficulté que l’on reconnaît ses vrais amis.

Dernière édition par Vex'Hylia Aërendhyl le Mar 8 Nov 2022 - 13:47, édité 1 fois

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Claudius constata qu’au moins, sa magicienne de cour semblait en grande forme. Elle semblait répondre aux traits d’esprits de l’Empereur avec joie : au moins elle ne semblait pas traumatisée de ce qu’elle avait vu sur Nyn-Tiamat, ou tout du moins elle gardait la bonne humeur. C’était une bonne chose. Le Havremont était heureux que malgré son voyage seule dans une terre ennemie, elle soit revenue avec tout son moral et toute sa tête. Car ces deux éléments étaient un atout précieux pour l’elfe, et ne rendaient leurs échanges que plus agréables : L’Empereur passait déjà suffisamment de mon temps à prendre sur soi et être un minimum policé quand des interlocuteurs se présentaient à lui, alors il appréciait pouvoir être lui-même avec les gens en qui il avait confiance.

Ainsi donc, l’immaculée lui fit part que cet arbre avait bien une bonne raison d’être ici, et lui conta le début de son voyage. En outre, elle lui redit qu’Aldaron était bien seulement blessé par son combat contre Rog.

« Ce qui est mort ne saurait mourir, mais s’élèvera encore plus fort. »

Fit Claudius, en réponse à ce que lui raconta Vex sur son vieil ami, avec un soupçon d’ironie. Cette maxime, il l’avait entendu parfois dans certains cercles vampiriques à l’occasion de batailles qu’il avait livré contre eux. Il est vrai que les créatures de la nuit étaient particulièrement résilientes et surtout Aldaron qui avait enduré beaucoup de choses, bien plus que bien d’autres personnes, ces dernières années. Pour autant, Le Havremont savait mieux que personne qu’un vampire pouvait mourir définitivement, le visage vide d’Achroma quand il avait porté le coup final contre lui en soi témoin.

Sur cette pointe d’ironie, Vex’Hylia présenta l’arbre à Claudius, et lui indiqua de poser sa main à sa base. Hésitant d’abord, l’Empereur obtempéra par la suite. Il n’aimait pas être sous l’effet de sortilèges altérant son esprit, mais présentement, la situation l’exigeait. Alors à son tour, il posa sa main, et son esprit fut porté dans les terres givrées de Nyn-Tiamat, où il y vit un Aldaron blessé, mais bien en vie, caressant son engeance à écailles qui avait brûlé en un clin d’œil toute une partie de l’ancienne capitale, apportant mort et désolation à nombre de ses amis, mais le débarrassant aussi de la plus grosse caste de fidèles à la dynastie Kohan.

Claudius eut un petit frisson. Certains souvenirs douloureux restaient bien trop ancrés dans sa mémoire. Oubliant cela, il tâcha de se concentrer sur ce que semblait confié l’Elusis à Vex’Hylia : un fragment d’histoire et des légendes de leur monde, particulièrement de l’Archipel où les races avaient trouvé refuge, qui permit au Havremont d’enfin entrer en contact avec les fameuses Couronnes de Cendre dont nombre de personnes semblaient parler dans les cercles Graärh mais aussi à Calastin, et dont les « faits saillants » résonnaient un peu partout dans l’Archipel. Claudius cependant ne les avait jamais rencontrés, pas plus qu’affronté personnellement.

Il fallait dire qu’il avait eu d’autres chats à fouetter (bien qu’il soit contre l’esclavage des Graärhs) que de s’occuper de grands conflits loin de chez lui, là où son Empire était en état de quasi-guerre civile, et menacé de tout part. Mais à présent que la situation s’était stabilisée, il est vrai qu’il ne pouvait compter à faire la sourde oreille bien longtemps, là où tous les peuples semblaient conjugués leur force pour se débarrasser d’eux. D’autant que ces couronnes étaient effectivement dangereuses, surtout si l’on en croyait ce qu’Aldaron racontait ici.

Il semblait chercher de l’aide en vue d’une grande bataille qui menaçait son territoire, du moins c’était l’objet de l’existence de ce petit arbre, qui fut remis à Vex’Hylia. Claudius tiqua cependant sur la dernière phrase que l’elfe prononçait, sans pour autant en dire mot pour l’instant.

Le souvenir s’arrêta ici, Claudius recouvra ses sens et son esprit, et de là Vex’Hylia lui reprécisa l’intention du Prince Noir, tout autant que la sienne. L’Empereur soupira, longuement, mais laissa Vex’Hylia continuer son récit. Il tint à avoir toutes les réponses avant de donner le mot officiel. En l’occurrence, ce que Vex’Hylia lui disait avait son importance :

« Suite à cette discussion à laquelle vous venez d'assister, j'ai explicitement demandé à rencontrer la Sainnûr Nennvial Voronda. Elle travaille sur un remède et ses essais ont déjà permis aux Elfes de survivre un peu plus longtemps. Aldaron m'a également parlé d'une créature, le magaleera, qui se trouverait sur Keet Tiamat. Elle serait la clé pour créer le remède, selon les informations qu'il a en sa possession. Il a accepté que je me joigne à l'expédition qui ira dénicher cette créature. Si nous parvenons à créer un remède, je m'assurerai de vous transmettre une dose moi-même. Quant à aider le Royaume Erlië dans le combat à venir contre les Couronnes… ce n'est pas une condition à l'obtention du remède… Mais dites-vous que c’est souvent dans la difficulté que l’on reconnaît ses vrais amis. »

L’Empereur eut un nouveau long soupir, se leva de son fauteuil sans mot dire, alla regarder à la fenêtre qui donnait une vue sur l’Imbrûlée, comme il l’avait fait de nombreuses fois alors, quant il était encore à Sélénia La Majestueuse. Aujourd’hui, son regard tout autant que son physique étaient beaucoup plus détendus, mais c’était loin d’avoir toujours été le cas.

« Nous sommes confortables ici, à parler avec un petit rafraichissement. » Commença Claudius, d’un ton grave, qu’il prenait quand de grandes discussions étaient nécessaires. « Vous avez connu la faim, le manque et la ruine mieux que personne. Vous n’étiez peut-être pas là tous les jours pour constater le déclin de l’Empire et la misère dans laquelle il a vécu, mais vous vivez depuis suffisamment longtemps avec nous pour avoir entendu les souffrances horribles et très concrètes que cela était, et les stigmates encore visibles aujourd’hui que cela a laissé. »

Claudius eut un petit soupir, laissant un instant de silence, avant de continuer à livrer ce qu’il avait sur le cœur :

« Vous êtes amusante, à me dire de brandir l’étendard de la paix, et me dire d’accepter avec douceur les doléances du Prince Noir. Savez-vous qui a créé, organisé, et contribué à la ruine de cette nation, et m’a tourné le dos alors que je l’implorais de ne pas suivre son mari dans sa volonté de conquête de notre pays ? Aldaron Elusis. »

Ce disant, il se tourna vers Vex’Hylia avant de reprendre :

« Son amour et sa rancœur légitime pour les ex-dirigeants de ce pays étaient trop forts pour que même moi, son ami de toujours, qui n’a jamais hésité à collaborer et prendre les armes avec lui pour les conflits qui nous dépassaient, je ne le raisonne. »

Le visage de Claudius se ferma. Les rides sillonnaient son front.

«  Il a assumé la vampirisation et le meurtre de nombreux civils qui n’avaient rien demandé à personne par ses forces qu’il avait convié lors de la Bataille des Cendres, sans parler de la famine, la ruine et la division de notre peuple qui a engendré la pauvreté extrême dans laquelle nous nous sommes trouvés. Tout ceci était de son fait. C’était un état de difficulté extrême. Et au moment où, son « véritable ami », comme vous dites, l’a reçu pour essayer de le raisonner et demander pourquoi, il m’a tourné le dos. Voilà le vrai visage de celui que vous me demandez d’aider aujourd’hui. »

Claudius soupira, et alla se rassoir. Il en avait sincèrement soupé des états de son vieil ami. Il fit à Vex’Hylia :

« Mes mots sont durs, mais je ne vous tiens pas pour responsable de tout cela. Nous ne nous connaissons pas tant que cela, et vous ne connaissez pas dans les détails tout ce que nous avons vécu ensemble, avec le Prince Noir. Aldaron et moi-même partagions le même amour pour ce pays. Cela peut sembler étrange aujourd’hui, mais fut-un temps, Aldaron était plus loyaliste que l’Empereur lui-même. Ma famille était amie avec lui, sur plusieurs générations avant que j’existe. Puis il m’a gardé quand j’étais enfant, et plus tard, nous avons veillé pour discuter jusque tard le soir. Nous nous sommes côtoyés, entraidés, et nourris notre amitié, jusqu’à ce que les multiples scissions dans notre pays nous séparent. »

Le Havremont soupira longuement, son visage arborant une petite moue triste d’un seul coup. Claudius n’était pas du genre à laisser transparaitre ces émotions, mais sur le coup du stress, de ces souvenirs nostalgiques, et de sa vie qui était malgré tout en danger aujourd’hui, il laissa échapper quelques larmes de ses yeux, et parti dans un petit sanglot, couvrant sa tête par ses deux mains. C’était trop d’émotion pour lui.

Ainsi, une ou deux minutes passèrent, mais il devait se reprendre, et finir ce qu’il avait à dire. Il repris son souffle, sortit un mouchoir de sa poche, se sécha le visage, et essaya de reprendre contenance devant sa magicienne de cour qui devait soudainement se demander ce qu’elle n’avait pas dit pour que son Empereur se mette dans des états pareils. Claudius fit :

« J’étais du côté de Fabius, tandis que lui privilégia Korentin. Puis Fabius est mort, et Korentin et sa famille après lui ont regagné le trône. Bien que cela ne me faisait pas plaisir, je me suis plié au nouveau régime, en tant que haut gradé de l’armée impériale. Mais je ne sais pas ce qu’il s’était passé dans l’intervalle, et ce qu’ils ont pu lui dire, mais Aldaron … Il a construit une rancœur envers Korentin, et le pouvoir impérial d’une façon générale. Probablement estimait-il ne pas être considéré à sa juste valeur, et il a connu Morneflamme … Ce genre d’expériences terribles forgent un Homme, et remettent les idées en place. Toujours est-il qu’il est devenu Bourgmestre de Caladon, et dans le parallèle, il nourissait toujours son amour pour Achroma qui a fini par devenir la personne complètement folle qu’il était. »

Claudius soupira longuement. Il était dur de raconter à nouveau cela à quelqu’un. Mais c’était la réalité, et la vérité de ce qu’ils avaient traversé. Toute leur histoire. Reprenant son souffle, il poursuivi :

« Nous avons été éloigné, longtemps, et alors que j’aurai voulu faire les choses autrement, lui dire que ma famille, et cet Empire, n’aurait pas été pareil sans lui … J’ai assisté à tout cela sans pouvoir rien faire, car je n’avais aucun poste d’importance, et ma voix n’était plus écouté, car j’ai eu l’outrecuidance de choisir Fabius plutôt que Korentin. Je me suis fait beaucoup de mouron. Et quand enfin je suis arrivé au poste de Maître des Armées, il était trop tard. Le Mal était fait. Je ne pouvais le récupérer, et il était hors de question que je collabore avec Achroma. Ce vampire était complètement fou, et dangereux. Il nous aurait tous massacré, ou vampirisé jusqu’au dernier. J’ai essayé de le dire à Aldaron, mais il n’a rien voulu savoir … Et ainsi, la situation a escaladé jusqu’à la Bataille des Cendres. J’ai tué Achroma, non sans remords pour ami de toujours, tous ceux qui étaient présents m’ont vu pleuré toutes les larmes de mon corps. Puis j’ai accédé à mon titre d’Empereur, car il était temps que l’ère de cette branche des Kohans se termine, à la vue de tout le mal qu’ils avaient causé… Le reste, vous le connaissez. »

Claudius soupira longuement. Il ne s’était pas attendu à dire tout cela, en entrant dans cette demeure. Mais cela eut le mérite d’au moins lui ôter un poids sur le cœur. Vex’Hylia était proche de lui, et méritait de savoir tout cela, et pourquoi il se battait. Il ajouta alors :

« Depuis, je me bats pour réparer les erreurs que les dernières générations de gouvernants ont faites, sans que je ne puisse agir. La réunification de l’Empire sous une même bannière auprès de certaines cités libres, la conservation de notre souveraineté, le dialogue apaisé avec l’Alliance, l’entente avec le peuple graärh et l’inclusion d’autres peuplades sur notre territoire, la guerre contre la vermine pirate … Tout ceci sont des choses que je mène de front, parce que je suis désireux de réparer notre déclin catastrophique et les décisions désastreuses des uns et des autres, mais aussi parce que je crois fermement qu’un futur meilleur nous attend si nous faisons certaines choses. »

Claudius soupira à nouveau. Il en vint finalement à ce qui intéressait sa magicienne :

« Je ne vous demande pas de ne pas collaborer avec Aldaron pour cette bataille, comme pour le remède. Pour le premier cas, vous êtes suffisamment grande et indépendante pour faire vos choix, et en assumer les conséquences, et pour le deuxième cas vous travaillez pour moi. Mais vous savez, Vex’Hylia, le conflit entre l’Empire et les Erlië ne m’amuse pas du tout. Il est des choses que je ne pourrais jamais oublier, quoi qu’on en dise. Et quand bien même nous nous reconstruisons, et que j’essaie de faire ce que je peux pour nous rapprocher, je crois que je ne pourrais plus jamais changer le Prince Noir, et je ne lui concèderais pas plus de choses qu’à Achroma à moins que quelque chose de gravissime n’arrive. »

Cette dernière phrase était importante. Le Havremont eut un nouveau petit soupir, et fit :

« Je ne connais pas les Couronnes de Cendres personnellement, mais j’en ai suffisamment entendu pour me faire une idée sur elles. Si d’autres peuplades répondent à l’appel, alors mon armée et moi y seront sans tergiverser. Elles ont suffisamment fait de mal à nos terres pour qu’on les laisse agir plus longtemps. Ce sera également ma façon de remercier Aldaron de l’aide qu’il nous apporte pour le remède qui me permettra de rester en vie… »

Claudius laissa cette phrase en suspension, avant de rajouter ultimement :

« Mais le vrai ami est parti depuis longtemps, hélas, et il ne reviendra probablement jamais. »

Le Havremont repris un air triste, et se tût, regardant la cheminée.  

Tout avait disparu dans les flammes, effectivement.

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Les dés étaient jetés. Vis à vis d'Aldaron, j'avais rempli ma part du contrat. Son message s'était rendu jusqu'à l'Empereur Sélénien en personne. Mais cela ne m'empêchait pas de ressentir un certain malaise dans l'attente d'une réponse de la part de Claudius. Je savais avoir outrepassé mes droits en promettant mon aide au Prince Noir. J'avais été honnête dès le départ en laissant l'homme assis en face de moi le découvrir, mais cela ne me mettait pas à l'abri de son ire.

Mais Claudius ne me semblait pas en colère. Au contraire. C'était de la lassitude que je lisais sur son visage ainsi que dans sa posture. Ses longs soupirs en disaient long.

Je le regardais se lever sans dire un mot, m'enfonçant même dans mon fauteuil. Ma posture se voulait la plus détendue possible, mais mes doigts crispés sur ma cuisse trahissaient mon malaise. J'étais dans l'attente d'une réponse aussi bien que d'une réaction.

Réaction qui vint après quelques instants. Son regard était toujours perdu au-delà de la fenêtre, vers la cité. Je ne lui en tenais pas rigueur. Qu'il me tourna le dos ne me dérangeait guère.

Je le laissais ainsi s'exprimer sans ne serait-ce que penser à le couper. Je demeurais silencieuse, mon regard volcanique posé entre ses omoplates. Son dos semblait se tendre à l'évocation de la souffrance Sélénienne. Celle que j'avais à peine connue, il était vrai, mais que j'avais contribué à soigner. Lorsque la cité avait été la proie de la famine, j'avais vu de nombreux humains de tout âge passer entre mes mains pour quelques soins. Je ne pouvais oublier ces moments pénibles. Le pire, c'étaient les enfants. Riche ou pauvre, j'en avais vu de nombreux. Les côtes saillantes, les joues creuses, le regard vide. En fermant les yeux, j'étais encore en mesure de voir ses œillades sans vie. Cela m'avait marqué. Le regard d'un enfant n'avait pas à être aussi terne. Jamais.

C'était à mon tour de soupirer longuement. Silencieusement. Puis de poser de nouveau mon regard sur Claudius. Ce que l'Empereur évoquait, je le savais déjà. Aldaron ne me l'avait pas exactement confié lors de notre première rencontre, mais j'étais aujourd'hui capable de lire entre les lignes. Je savais que l'Inséparable et sa puissante magie avait beaucoup joué dans les décisions prisent par le Prince Noir à cette époque. Sans ce lien avec Achroma, les choses auraient été différentes. Mais ce n'était pas, je le pensais vraiment, à moi d'expliquer cela à Claudius. Je n'étais pas légitime à le faire. Et je n'avais pas toute la connaissance non plus.

Reprenant, cette fois-ci, l'Empereur me faisait face. Toujours assise, je levais les yeux vers les siens.

Les mots de Claudius résonnaient étrangement à présent. Pas parce que je ne les comprenais pas, mais parce que je les avais déjà entendues. Pas de sa bouche, bien sûr, mais de celle d'Aldaron. Lorsque j'avais évoqué l'état de l'Empereur avec le Prince Noir, ainsi que mon désir de trouver le remède pour le sauver, le couronné de cendres n'avait pas manqué d'évoquer tout ce que Claudius. À quel point il lui avait fait mal. À quel point son ami lui avait tourné le dos.

C'était étrange.

« Les humains sont ainsi : ils prennent puis ils oublient mais ils n’oublient pas ce que vous leur avez pris. »

Je fermais les yeux pendant un instant. C'étaient les mots d'Aldaron qui résonnaient dans mon esprit.

Prouvez-moi qu'il a tort, Claudius, pensais-je avec force. Prouvez-moi que la bonne marche du monde a plus de valeur à vos yeux.

Que resterait-il à gouverner, si les Couronnes de Cendres venaient s'en prendre à Sélénia après avoir anéanti les Erlië ? Caladon viendrait-elle à la rescousse ? J'en doutais compte tenu du lien des Cités Libres avec Aldaron. Ceux-là iraient mourir sur l'île gelée.

Je détournais finalement les yeux de mes propres pensées pour les tourner vers Claudius. L'homme s'était rassis à côté de moi. L'air encore plus las, son ton se parait de tristesse alors qu'il évoquait son passé commun avec Aldaron. Cela me permettait de mieux comprendre leur relation et de mesurer la complexité de ma demande.

Ce à quoi je ne m'attendais pas était ses soudaines larmes. J'avais toujours vu l'Empereur comme un roc. Un rempart. Un homme qui ne se laissait pas avoir par ses émotions. Qui ne les montrait pas. Alors, qu'il sanglote ainsi à côté de moi… Mon cœur se serrait à cette vision. Aurais-je dû poser ma main sur son épaule, en guise de réconfort ? Socialement handicapé comme je l'étais, j'ignorais quoi faire. Nous n'étions pas proches. Serait-ce outrepasser les limites de me montrer aussi familière ?

À me questionner de la sorte, il sécha ses larmes avant que je n'eut fait quoi que ce soit d'autre. Puis il reprit son récit. Et moi aussi, je me demandais ce que Korentin avait fait pour qu'Aldaron lui tourne soudainement le dos. Sans doute quelque chose en rapport avec ces paroles qu'il m'avait dites.

Finalement, l'empereur s'était tu. Le silence était assourdissant dans la pièce. Même le crépitement des flammes ne parvenait pas à le briser. Il me semblait entendre mon cœur battre, tandis que c'était à mon tour de me lever. Mais plutôt que d'aller vers la fenêtre, je m'approchais des flammes. Je m'accroupissais devant l'âtre, les coudes sur les cuisses en parfait équilibre.

— Lorsque j'ai perdu Siel, je me suis rendue à Cendre-Terre dans l'espoir de le retrouver, commençais-je sans réellement savoir où tout ceci allait me conduire. Évidemment, je n'ai trouvé qu'un vampire avec son visage. Il ne s'est rien passé dans ses yeux lorsque nos regards se sont croisés.

C'était encore un souvenir pénible, mais je m'étais fait une raison.

— Aldaron était là et c'est ainsi que nous nous sommes rencontrés. Nous avons tous deux perdu notre époux, bien que pas de la même façon, et c'est ainsi que nous avons trouvé un terrain pour discuter. Au cours de cette entrevue, il a évoqué l'inséparable tandis que j'avouais avoir souhaité être lié à Siel de la sorte.

Du coin de l'œil, j'avisais le regard soucieux d'Orfraie. Son fantôme se tenait dans le coin de la pièce, les bras croisés. J'étais trop habitué à ses apparitions pour m'en montrer véritablement troublé. Mais pour Claudius, il devait être étrange de me voir ainsi fixer un vide apparent.

— L'Inséparable consacre l'amour véritable. Mais c'est aussi une malédiction. Il vous ôte toute lucidité vis-à-vis de la personne qui vous est liée.

Du coin de l'œil, j'avisais Orfraie qui approuvait doucement. Par chance, Luna n'avait jamais été un tyran. Mais si tel avait été le cas, ce couple de dragonnière aurait pu causer bien des dégâts.

— Ce sont les mots d'Aldaron, mais aussi ceux d'une amie dont je suis particulièrement proche.

Je me relevais devant l'âtre, puis me tournais vers Claudius. Je m'approchais doucement.

— Ce que j'essaie de vous dire, c'est que du propre aveu de celui qui fut votre ami, il n'était pas lui-même lorsqu'il a laissé Achroma faire ce qu'il a fait. Cela ne le dédouane sans doute pas de tout, mais… Nous avons beaucoup parlé, lorsque je l'ai retrouvé dans cette forêt. Il m'a raconté votre histoire à sa façon. Et ce que je constate, c'est que vous vous êtes tous deux fait beaucoup de mal. Vous lui reprochez son soutien à Achroma et lui le fait que vous étiez prêt à le tuer en supprimant son inséparable.

Je me permettais enfin de poser ma main sur son bras.

— Et tous deux, vous êtes perclus de regret. Le regret d'avoir perdu un ami. Vous dites que tout a disparu dans les flammes, mais… Je ne le pense pas. C'est aussi dans les flammes que l'on forge les plus belles choses. Aldaron pourrait vous vendre le remède à un prix que vous ne pourriez jamais vous permettre, mais il vous l'offre. Il ne vous demande même pas votre aide contre les couronnes comme condition à l'obtention de ce remède.

Je m'asseyais de nouveau.

— N'attendez pas que d'autres se joignent au combat contre les Couronnes, Claudius, pour faire de même.

C'était la première fois que je prononçais son prénom en m'adressant directement à lui.

— Montrez l'exemple. Montrez que malgré tout ce qui vous oppose au Prince Noir, vous savez ce qui est bon, repris-je avec plus de ferveur. Le sort de chacun d'entre nous se jouera contre les Couronnes très bientôt et de ce que je sais de vous, vous n'êtes pas homme à rester dans l'attente. Si nous survivons à ce combat, c'est l'occasion d'assurer une paix durable ainsi que le lendemain du peuple Sélénien.

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Claudius était las.

Raconter toute son histoire avec Aldaron l’avait démoralisé. Même si, il le savait, une amitié n’existait pas sans disputes, là, leurs rancœurs personnelles qu’ils se tenaient menaçaient potentiellement l’archipel tout entier s’ils s’y adonnaient à nouveau. Raison de pourquoi l’un comme l’autre avait mis de la distance entre eux. Aldaron ne voulait plus voir Claudius, et la réciproque était tout aussi vrai. L’Empereur avait dégagé les vampires Elusis de son territoire en tuant leur chef, après tout.  

Alors pourquoi fallait-il aujourd’hui que le sort les rattrape ? Étaient-ils tous deux liés à une sorte de prophétie étrange qui les ramenaient à collaborer l’un et l’autre ? Ou se détruire ? Cela aurait fait une sacrée bonne pièce de théâtre là encore. Mais hélas, la vie de Claudius n’était pas un jeu. Vex’Hylia devait en prendre conscience, cette affaire ne concernait pas qu’eux.

Cette dernière se leva d’ailleurs, et alla se mettre au chaud devant l’âtre, contant son voyage en Cendre-Terre à la perte de Siel que Claudius lui avait annoncé. La discussion revint sur l’Esprit-Lié de l’Inséparable. Le Havremont soupira. Il avait bon dos, cet esprit-lié. Si l’on écoutait les personnes comme Vex’Hylia, il était responsable de tous les malheurs de la terre.

« Et qu’étais-je censé faire, hein ? » répondit sèchement Claudius quand il fut question qu’Aldaron lui en voulait car Claudius aurait tué son ami en tuant le feu-Prince Noir. « Ne rien faire alors que Achroma aurait vampirisé la population et supprimer l’histoire de cet Empire pour lequel ma famille et moi-même nous sommes donnés tant de mal, en asseyant sa domination ? Accepter de ployer le genou devant un clan vampirique fou-à-lié qui ne voulait rien entendre, et qui n’avait soif que de conquête ? Allons. »

Claudius soupira une nouvelle fois. La réponse était dans la question : il n’en était pas question. Il ne ployait le genou devant personne hormis l’Empereur ou l’Impératrice. Manque de bol, aujourd’hui, l’Imperator, c’était lui.

Le Havremont laissa sa conseillère dérouler son point de vue par la suite. Il était agacé, mais la moindre des choses était d’écouter cette personne en qui il avait placé sa confiance. Son point de vue qui était le sien était certes sage, mais nourri d’une pensée idéaliste, qui n’était pas consciente d’à quel point l’abcès était gros, d’à quel point ce qu’avait fait son ancien ami ces derniers jours étaient gravissimes aux yeux de Claudius.

Mais après tout, un regard extérieur sur la situation, ainsi que l’urgence relative dans laquelle ils se trouvaient aida le Havremont à avancer. Ces problèmes personnels qu’il avait avec Aldaron étaient peut-être effectivement allés trop loin.

Cela dit, une fois que Vex’Hylia eut fini de discourir pour convaincre son Empereur, qui avait hoché passivement la tête à ce qu’elle disait, Claudius fit :

« Les esprits-liés ont bon dos, Vex’Hylia. Comment Aldaron n’a pas pu se rendre compte de ce qu’il a fait, et tous les gens qui étaient concernées quand il a organisé la ruine de Sélénia, et quand il a affamé la population ? Je peux passer l’éponge personnellement sur toutes les discussions que nous avons eu, et à la limite, entendre votre discours sur le fait qu’il ne pensait pas exactement à tout ce qu’il faisait … Mais sincèrement. Il en voulait à toute la noblesse, et particulièrement aux têtes couronnées de l’époque, mais prenez un instant de recul, et vous comprendrez à quel point ces actions ont touché tout le monde. Un homme aussi intelligent que lui s’est forcément rendu compte de ce qu’il avait provoqué. »

Claudius soupira à nouveau. Cela ne l’amusait pas d’exposer des arguments, mais puisqu’il le fallait, alors il allait se remémorer de cette nuit d’horreur qu’il avait vécu le jour de la Bataille des Cendres, et toutes celles où il ne trouvait pas le sommeil avant cela :  

« Aldaron a organisé avec l’aide du Marché Noir qu’il dirige, la ruine de notre état. Bien. A votre avis, qui seront les premières victimes de cette opération, considérant le système économique de notre état : un noble qui a accumulé des fortunes en biens matériels, en terre, et en richesse sonnante et trébuchante, ou bien un pauvre qui dépend de petites missions que peuvent lui accorder de grandes maisons ? » Claudius laissa un instant à Vex’Hylia pour comprendre où Le Havremont voulait en venir : « La réponse est simple, c’est les deux. »

L’Empereur s’arrêta un instant, avant de continuer sa démonstration : « Après la mort de son mari, et alors qu’il était parfaitement conscient de ce qu’il faisait puisqu’il n’était, selon toute vraisemblance, plus lié à l’Inséparable, Aldaron a brûlé l’ancienne capitale, et particulièrement son quartier noble. Une nouvelle fois, à votre avis qui a été affecté : Les nobles ayant plusieurs résidences et pouvant éventuellement trouver refuge dans une résidence secondaire en constatant que la grogne populaire montait, ou bien ceux plus modestes qui vivaient sous le toit de ces personnes, et qui étaient heureux de servir, comme le sont ceux qui servent notre Palais ici ? » Claudius fit un petit geste de la main, avant de dire « Là encore, c’est les deux. »

Claudius soupira. Il fit finalement à Vex’Hylia : « Je peux continuer longtemps comme cela, en parlant notamment des relations qu’il entretient avec les Pirates, et son dirigeant Nathaniel. Vex’Hylia, j’apprécie votre idéalisme, et l’indulgence dont vous faites preuve avec Aldaron est bon de votre part mais … Il a dépassé les bornes trop de fois, pour que j’entende qu’il « n’était pas lui-même », qu’il n’a pas fait exprès, ou je ne sais quelle autre excuse. »

Le regard de Claudius se fit ferme, avant de prendre un ton grave :

« Je le connais, je vous connais, et au nom de notre grande amitié, je suis disposé à entendre vos arguments. Mais pour tous ces gens qui ont été victimes de ces manipulations ? Qu’il le veuille ou non, Aldaron est un meurtrier qui cache le mal qu’il veut à la race humaine par des histoires personnelles, mais dans les faits qui n’hésite pas à faire les pires ignominies et à s’allier avec des parias cruels de premier ordre pour parvenir à ses fins. Le Royaume Ërlie, ses alliés, et leurs manigances perverses sont responsables de tout ce qui nous est arrivé. Et je ne sais pas si des excuses publiques suffiraient à tempérer la haine que beaucoup de gens doivent avoir contre eux. De même que le Royaume Ërlie et ses alliés doivent nous accuser de tous les maux de la terre : c’est de bonne guerre, et j’accepte cet état de fait. Je pourrais être cent fois le gros méchant pas beau de cette histoire si cela peut nous préserver de la menace qu’ils représentent pour notre souveraineté, et notre Humanité. Personne ici ne veut être déposséder de son identité, de son âme, pour être remplacer par un pantin au service du Prince Noir, ou de quelconque autre vampire.»

Claudius se renfonça dans son siège. En tout cas, lui ne s’était pas battu toute sa vie pour que l’histoire ne finisse ainsi. Il soupira.

« Ce n’est pas contre vous et votre vision des choses Vex’Hylia, mais si je mobilise des hommes dans cette situation, alors que des non-dits existent encore pour aller en Nyn-Tiamat, et s’il n’y a ne serait-ce que le moindre faux pas, la moindre parole de travers, le moindre geste ou le moindre ressentiment de trop d’un côté comme de l’autre, c’est un conflit mondial qui éclatera. » Claudius élabora un peu plus son problème à Vex’Hylia : « Le peuple de Délimar est à couteaux tirés contre les vampires. Les légions graärh n’attendent que de pouvoir se venger des personnes les ayant chassés de chez elles. Sans parler du peuple sélénien en guerre contre les pirates, et qui, malgré une situation apaisée, reste revanchard contre l’Alliance. »

Claudius soupira une nouvelle fois. Il élabora un peu plus sur la situation :

« Le problème est qu’aujourd’hui, je ne sais pas ce qui est bon. Car, quand vous me demandez de tendre la main au Prince Noir, même pour une cause qui nous menace tous, vous ne demandez pas qu’à moi de m’engager, mais à tout le pays. A tous ces gens qui ont perdu ou quelque chose ces derniers mois, qui ont vécu l’enfer provoqué par eux. Et si j’ai pu m’accommoder de la perte de mon ami, et vous de votre mari … Je suis prêt à parier que beaucoup ont la rancune tenace. »

En somme, ça n’était pas gagné, et pas pour tout de suite. Claudius eut un regard presque attendri à Vex’Hylia. C’est qu’il s’en voulait presque, de tenir ce genre de discours à sa magicienne de cour qui semblait pourtant avoir œuvré du mieux qu’elle le pouvait pour ménager la chèvre et le chou. Il fit finalement :

« Ce n’est pas facile d’être un dirigeant, j’en ai bien conscience. Et au nom de tous les droits qui me sont conférés, je pourrais tout aussi bien prendre des décisions au mépris de ce que pense mon peuple, car j’estime que c’est la bonne chose à faire. Mais en cas de mobilisation générale, je n’ai pas envie d’être responsable d’un conflit encore plus gros que celui contre les Couronnes qui nous attend. »

Ou pire, que le peuple de Sélénia se retourne contre Claudius. Mais à l’heure actuelle, cela ne rentrait pas en ligne de compte. L’Empereur eut un petit mouvement de tête, avant de conclure :

« Je peux en revanche vous promettre que je parlerais de tout cela à Aldaron dans les prochains jours, j’ai un vase très utile pour cela. Si notre vie ici est menacée, je peux faire une croix temporaire sur tout ce qui nous sépare. Et après tout, si la collaboration est bonne, peut-être que nous pourrons établir ensemble ce dont il a besoin, ce qui me permettra d’anticiper la situation, et de préparer au mieux notre peuple. »

Il fit un petit clin d’œil à sa conseillère. Il lui devait bien ça, à elle, et à l’Archipel qui avait besoin de ça. Vex’Hylia avait fait son maximum sur sa position de trait d’union, il était au tour de Claudius de prendre le relai. En espérant qu’Aldaron ait avancé de son côté également.

Il s’étira, avant de changer de sujet :

« Je suis désolé. Je vous assomme de politique et de mes histoires depuis tout à l’heure, alors que ce n’est peut-être pas le plus passionnant. Comment s’acclimate l’ancienne population du royaume elfique à Nyn-Tiamat ? J’ai compris que vous avez longuement parlé avec le Prince Noir, mais avez-vous fait autre chose pendant votre voyage ? Racontez-moi un petit peu ! »

Claudius eut un petit sourire. S’il ne pouvait plus voyager dans quelques mois, il apprécierait que ses proches leur conte leurs aventures.

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C'était une situation qui paraissait inextricable. Claudius et Aldaron se trouvaient chacun à une extrémité d'un pont, incapable de faire les pas nécessaires pour se retrouver au milieu. Pas parce qu'ils ne le voulaient pas, ou pas uniquement. Mais plutôt parce que tendre la main à l'autre n'engageait pas qu'eux deux. Leur relation personnelle était emmêlée dans leur relation de dirigeant. L'un ne pouvait aller sans l'autre et un pas de travers pouvait coûter cher. Surtout à l'Empereur, pensa la guérisseuse, car ce dernier ne pouvait pas se permettre de mater les voix rebelles comme le Prince des vampires le faisait.

Vex avait parfaitement conscience de la position difficile maintenue par Claudius depuis la mort d'Achroma. Comme ce dernier le souligna fort bien, supprimer le Prince Noir avait été nécessaire. Même si cela signifiait condamner Aldaron et tuer son ami. À bien des égards, le geste posé par l'Empereur était un exemple de courage et d'abnégation. Cette amitié perdue semblait compter beaucoup pour lui, et pourtant, il s'en était séparé sans hésiter.

L'immaculée l'admirait pour cette force de caractère. C'était un trait qu'elle appréciait chez ses interlocuteurs et qui n'était pas sans lui rappeler sa propre histoire, ainsi que les dilemmes et cas de conscience qui avaient jalonné ces dernières années.

Quant au sujet en cours…

Vex'Hylia glissa un œil vers le coin de la pièce, juste à la gauche de Claudius. Elle y croisa le regard améthyste de la princesse. À la fois terne et brillante, cette teinte si particulière était source de réconfort, mais aussi de sagesse.

Une sagesse qui convainquit l'immaculée de se taire et d'écouter les arguments de l'Empereur.

Des arguments qui firent mouche, sans réelle surprise, et qui laissèrent la guérisseuse pensive. Elle n'avait pas vu les événements sous cet angle. Dès son arrivée sur Calastin, sa vision avait été masquée en partie par la misère des plus pauvre, des plus démunie. C'était leur souffrance qu'elle avait tenté d'endiguer en offrant ses soins. Et elle s'était persuadée que l'unique but derrière cette manœuvre avait été de monter le petit peuple contre ses Seigneurs. Une stratégie cruelle mais efficace, elle l'avait reconnue. Quant à brûler le quartier noble de Sélénia, Vex'Hylia y voyait davantage une vengeance plutôt qu'un coup parfaitement calculé. Comme si le Prince Noir avait craché sa douleur sur ceux qui, à ses yeux, étaient responsables de la perte de son époux.

Tout ceci était un tableau inextricable, à l'image des racines emmêlées du blason de la famille Elusis. Et en ayant à sa disposition les points de vue des deux principaux concernés, la Voix des Morts commençait à sérieusement douter d'une amélioration.

Celle-ci vint même a baisser la tête tandis que l'Empereur évoquait son peuple dans l'incapacité de pardonner le mal qui avait été fait. C'était quelque chose que Vex'Hylia comprenait. Elle-même avait encore beaucoup de travail à accomplir avant de laisser aller tout ce qui avait été fait à Siel, et même avant cela sur l'ancien continent. Elle pouvait donc aisément se mettre à la place du peuple Sélénien. Ce n'était que son côté naïvement positif qui souhaitait un pardon total et immédiat. Mais au fond, Claudius avait raison. Et l'immaculée le savait. Tout comme elle savait que sa demande ne touchait pas uniquement Claudius. Si ce dernier décidait d'agir, son peuple devait en faire de même. Et la dernière chose que la rousse voulait, était de voir ce même peuple se retourner contre son dirigeant.

Le mal de tête n'était pas loin, à présent, et Vex'Hylia pinça l'arête de son nez. Au même moment, elle sentit un mouvement sur sa gauche. C'était Orfraie qui s'approchait sans faire le moindre bruit.

— Les arguments de l'Empereur sont d'une grande justesse. Mais mon intuition me dit qu'il n'est pas resté insensible à tes mots, Vex'Hylia.

Et compte de fait. Quelques instants après, Claudius promettait à l'immaculé d'en discuter avec le Prince Noir. Cette dernière tourna ses prunelles volcaniques vers le malade, un mince sourire aux lèvres. Son regard, lui, témoignait d'une lassitude au moins aussi grande que celle de l'Empereur.

— Merci. Vraiment. Je comprends ce que cela vous coûte… ou peut vous coûter, répondit la mage. Si vous avez besoin de moi avant ou après votre entrevue avec le Prince Noir… N'hésitez pas à me faire mander auprès de vos gens.

Le clin d'œil vint surprendre la Sainnûr, puis ses lèvres se fendirent d'un véritable sourire. Ses prunelles se firent également douces tandis que l'homme assit en face d'elle changeait de sujet. Par égard pour Vex, ancienne Elfe, ou par véritable intérêt… Cela, la rousse ne savait pas le dire. Mais elle ressentait un certain soulagement en quittant le terrain particulièrement glissant de leur précédente discussion.

— Assez bien, je dois dire. Cendre-Terre n'est pas aussi terrifiante que je l'imaginais. Les Sannûr sont nombreux et les Vampires qui vivent là savent contrôler leur faim. Je m'attendais à davantage de clivages après des millénaires d'opposition, mais force de constater l'habileté d'Aldaron à faire coexister tout ce petit monde. Mais sans lui, les habitants de Keet-Tiamat seraient mort. J'imagine que cela aide grandement à apaiser les tensions.

L'immaculée se cala plus confortablement contre le dossier de son fauteuil.

— Un peu malgré moi, j'ai eu l'occasion de passer près Hurle-Vent, où les nouveaux-nés se trouvent jusqu'à être capable de contrôler la Faim. Je ne vous cache pas que ce n'est pas un endroit très accueillant. Sans parler des tensions vives avec les Graärh. Cet endroit est une poudrière.

Vex ne pouvait oublier l'incident qui avait eu lieu juste devant ses yeux, ni de la menace que représentait la Légion pour le Royaume Erlië. Elle se souvenait parfaitement des réponses de son Palantir. Quant à la raison pour laquelle elle s'était retrouvé près de Cendre-Terre, il était évident que Vex'Hylia n'en parlerait pas. Ce qui s'était passé avec Aldaron, leur rapprochement... La sainnûr comptait le taire ce soir si Claudius ne lui posait pas plus de question.

— Et comme si cette île attire ma famille, j'y ai retrouvé ma fille, reprit-elle. Kyla est une aventurière. Elle n'a jamais tenu en place et cela n'a guère changé. Nous ne nous voyons pas si souvent… Lui apprit-elle, son regard se perdant dans les flammes. Et elle m'a appris que j'allais être grand-mère.

Un sourire se dessina sur ses lèvres. Mais son regard, lui, semblait lointain. Comme perdu dans le passé et ses nombreux traumatismes.

— Après tout ce que nous avons traversé cette dernière décennie, je ne pensais pas avoir cette chance un jour. J'étais simplement heureuse que ma famille soit en vie, reprit-elle sans que l'ombre ne quitte son regard. Siel était doué avec Kyla, moi beaucoup moins. C'était lui qui avait toujours une blague à raconter. C'était vers lui qu'elle allait en premier lorsqu'elle se faisait mal, ou qu'elle avait quelque chose sur le cœur. Alors, invariablement, avec la disparition de Siel, nous nous sommes rapprochées et j'en suis heureuse, mais… Mais j'ai peur de ne pas la soutenir autant qu'il le faut. De ne pas être à la hauteur en général, avoua l'immaculée en fermant les yeux. J'ai été le rempart pour Siel et Kyla durant ces dernières années. Les Vampires, les Almaréens, le Tyran Blanc… J'ai tout fait pour les épargner, et surtout elle, en prenant des décisions parfois impossibles. Mais je n'ai plus Siel sur qui me reposer… Soupira-t-elle en chassant ses larmes d'un clignement d'yeux. Dites-moi, quel genre de père êtes vous ?

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Vex’Hylia compris finalement assez vite les raisons de la réticence de l’Empereur, ce qui arrangea bien Claudius. Il savait que le discours qu’il tenait était difficile, mais pourtant ô combien nécessaire : les positions prises par l’Empereur, tout autant que le discours qu’il tenait, n’étaient pas des plus ouverts, il le voyait. Mais tout ceci était nécessaire pour préserver ce qu’il avait presque de plus cher à ses yeux, si l’on omettait sa famille : l’Empire, sa patrie. Une « immigrée » comme Vex’Hylia ne le voyait peut-être pas forcément de cette façon, mais tout avait un sens, une justification. Claudius se battait surtout pour que sa nation ne perde pas plus de légitimité et de souveraineté qu’elle n’avait avant. Mais ce combat était ô combien difficile à mener, surtout quand une histoire personnelle existait entre deux factions rivales, ce qui était son cas avec Aldaron.

Mais tout cela, Vex’Hylia semblait plutôt bien le comprendre, à la vue de ce qu’elle lui avait répondu. Une aubaine pour l’Empereur des hommes. Claudius hocha la tête d’un air entendu quant à la proposition de la magicienne : ce ne serait pas oublié.

Ce point étant réglé, la conversation pu légèrement changé de sujet, et Claudius pu écouter sa conseillère qui lui donna des nouvelles du Royaume Erlië. En vérité, l’Empereur se souciait surtout des peuplades elfiques ayant perdus leurs chez eux, sachant lui-même ce que cela faisait de se retrouver sans habitation et potentiellement perdus.  La santé des sbires vampires d’Aldaron, cela ne l’intéressait que très peu. Il écouta alors Vex’Hylia :

— Assez bien, je dois dire. Cendre-Terre n'est pas aussi terrifiante que je l'imaginais. Les Sainnûr sont nombreux et les Vampires qui vivent là savent contrôler leur faim. Je m'attendais à davantage de clivages après des millénaires d'opposition, mais force de constater l'habileté d'Aldaron à faire coexister tout ce petit monde. Mais sans lui, les habitants de Keet-Tiamat seraient mort. J'imagine que cela aide grandement à apaiser les tensions.

Claudius haussa un sourcil quant aux réflexions de la magicienne. Cette information n’était pas tombé dans l’oreille d’un sourd. Si les vampires savaient contrôler leurs faims en présence de congénères d’autres races, c’est donc qu’un compromis était possible. Il commenta d’ailleurs :

— Comme quoi, il semblerait que nos « amis » vampires soient finalement capables de compromis quant à leurs besoins vitaux. Quelle ironie, quant on sait que la situation ici a en partie explosé à cause de la politique des Kohans vis-à-vis d’eux, et du commerce écarlate. Mais je comprends, la compagnie des humains est peut-être moins … Chaleureuse. Nous autres ne vivons pas aussi longtemps que vous, et nous ne sommes pas aussi beaux.

Claudius eut un petit rire. Il savait bien sûr que tout n’était pas qu’une simple histoire de compagnie : beaucoup de choses étaient à reprendre dans le conflit qui opposait les vampires et les hommes. Mais tout ceci hélas ne se reconstruisait pas en un jour. En attendant, il préférait ironisé, car c’était bien que tout ce que cette situation méritait : entre les vampires qui s’étaient « fait avoir » lors de la signature du traité par un Kohan encore tout jeune, et les tensions qu’il y avait eu sur Calastin après cela, tout ceci était un beau fiasco qui avait tourné en une belle eau de boudin. Bien que l’Empereur n’oublierait jamais tout ce que son peuple avait subi, faire des blagues était encore le moyen le plus sûr de prendre du recul quant à cette situation désastreuse. Claudius roula des yeux, comme pour lui-même : voilà qu’il repartait en considération stratégique et politique. Décidément, l’esprit de l’Empereur ne s’arrêtait jamais vraiment de mouliner. Chassant ces pensées, il  écouta plutôt la suite du récit de sa magicienne :

— Un peu malgré moi, j'ai eu l'occasion de passer près Hurle-Vent, où les nouveaux-nés se trouvent jusqu'à être capable de contrôler la Faim. Je ne vous cache pas que ce n'est pas un endroit très accueillant. Sans parler des tensions vives avec les Graärh. Cet endroit est une poudrière.

Le regard du Havremont se ternit quant à l’évocation de ceci : les nouveaux-nés n’étant pas capables de contrôler la Faim, cela lui rappela immédiatement la fameuse « maladie » qui avait atteint certaines populations séléniennes, le jour de la Bataille des Cendres. Maladie qui s’était avéré être le vampirisme … Et qui avait malheureusement créé le conflit, avec d’autres choses. Des souvenirs qui n’étaient pas faciles de se rappeler pour Claudius : bien que la bataille avait été glorieuse, et victorieuse, toutes les personnes qui étaient présentes avaient beaucoup ce jour-ci. Vex’Hylia, son mari, et Claudius, des amis, des hommes, des frères d’armes. Là encore, l’Empereur se força à se murer de ces pensées-là, mais pas pour les mêmes raisons.

— On récolte hélas ce que l’on sème. – fit Claudius avec un regard sombre – Bien que des vampires se soient bien acclimatés et que d’autres ont évolué, on oublie bien vite que leur nature profonde provient d’une malédiction. Quant aux Graärhs, le Royaume Erlië paye le prix de ses choix politiques. On ne peut hélas attendre de la sympathie d’un peuple dont on cautionne l’exploitation barbare. Espérons simplement que chaque partie du conflit puisse trouver une solution la moins violente possible. A la vue des ramifications de chacune des factions, un rien suffirait pour déclencher un gros problème. J’espère que la cheffe de tribu graärh, tout autant qu’Aldaron ont bien cela en tête.

L’Empereur n’ignorait pas ce qui pendait au nez de tous ici. Si le conflit entre graärhs et vampires venaient à dégénérer, il y avait fort à parier que l’Empire aurait un rôle à y jouer, ainsi que les propres alliés du Royaume du Prince Noir … Et c’était en ces moments-là qu’il fallait aussi faire preuve de responsabilité, pour ne pas aller à une escalade franche et entière. Cela fatiguait – et tiraillait –l’Empereur, mais c’était nécessaire.  

Claudius mima une petite toux, comme pour changer de sujet. Voilà qu’il se remettait à penser à tout ce qui les entouraient. Décidemment, il devait vraiment apprendre à laisser le travail de côté ! Il écouta la suite du récit de la magicienne :

— Et comme si cette île attire ma famille, j'y ai retrouvé ma fille. Kyla est une aventurière. Elle n'a jamais tenu en place et cela n'a guère changé. Nous ne nous voyons pas si souvent… Et elle m'a appris que j'allais être grand-mère.

Le regard de Claudius s’éclaircit soudainement, et un sourire s’afficha sur son visage. Voilà une nouvelle qui était bonne, au milieu de toutes ces inquiétudes ! L’Empereur étant du genre à être très proche et protecteur de sa famille, avait également un peu tendance à être heureux par procuration quant il entendait ce genre de nouvelles pour ses proches. Il fit :

— En voilà une bonne nouvelle ! Il faut que nous célébrions cela, dans les prochains jours ! Que les esprits-liés bénissent cet enfant à naître, et sa petite famille, ils en auront bien besoin ! Si ce n’est pas indiscret, a-t-elle déjà une idée du nom de l’enfant ? Vous connaissez son père ? Son mari, j’imagine ?

… Et voilà que Claudius était curieux à présent. Mais c’était plus fort que lui : le Havremont s’attachait facilement aux personnes qui composaient son entourage, et pouvait parfois rapidement poser des questions très personnelles, au mépris des normes sociales qui composaient les sociétés de leur monde. Mais c’est ce qui faisait aussi partie de la personnalité de Claudius : malgré une ascendance de noble naissance, ce dernier n’avait jamais vraiment été très protocolaire et proche de ce rôle …

Toujours est-il que la nouvelle ne semblait pas vraiment enchanter la magicienne, qui avait plus un regard qui semblait perdu, malgré un petit sourire sur son visage. Claudius se pencha, comme pour se rapprocher d’elle, et écouta finalement la suite de son récit : une histoire teintée de potentiels traumatismes, et de sentiments contraires. Comme tous ceux qui avaient vécu sur Ambarhùna, tous les hommes et femmes qui avaient fui avaient vécus des choses que Claudius ne souhaitait à aucun homme ou femme. Parfois contre leur gré, parfois de plein gré. Le Havremont avait fait le choix de soutenir Fabius Kohan, l’histoire lui avait montré qu’il avait eu tort. Mais son histoire était loin d’être un cas isolé. Le récit de Vex’Hylia en était un, parmi tant d’autres. Quant à sa question, Claudius répondit franchement :

— Je fais de mon mieux. Avec un petit sourire. Quand je travaille trop, Aliséa a pour habitude de me reprocher d’être marié à une autre femme : Sélénia, et l’Empire d’une façon générale. Bien sûr, elle dit cela gentiment, mais cela veut dire ce que ça veut dire : Julius, mon fils, est dans l’âge de gouverner, il a un enfant … Et il est vrai que j’ai fait beaucoup de sacrifice, surtout dernièrement, que je les expose beaucoup, et que je l’ai vu moins grandir que ma femme.

Le Havremont se tu un instant, son sourire se crispant un peu, mais bien vite il secoua sa tête, et repris une belle forme, avant de continuer :

— Pour Julius, j’ai fais tout ce que mon père a fait pour moi : je lui ai enseigné son rôle, ce dont quoi il hériterait, nos valeurs, et quel serait son chemin. Nous sommes une famille noble sélénienne : nous sommes des biens-nés au sein de cette société, mais selon moi, cette « bien-naissance » nous incombe de titres, et de responsabilités. Avoir un nom à particule, ce n’est pas seulement là pour faire joli. Bien qu’il est plaisant de se faire appeler « Votre Majesté Claudius de Havremont », plutôt que « Général Claudius Dussard ». Cela, je voulais qu’il le sache au plus vite : je sais quelle est l’espérance de vie des hommes, encore plus de ceux qui font la guerre. En fait, savoir que je pouvais partir un jour, et de potentiellement ne plus les revoir, tous, le lendemain m’a toujours … Grandement concerné. Mais quelque part, cela nous a rapproché je crois. Le peu de temps que j’avais avec eux, j’essayais d’être vraiment avec eux. Julius a eu son âge ingrat de l’adolescence où il a du apprendre à se construire au-delà de son cadre familial, ou il a questionné l’autorité de ses parents, mais je crois qu’il n’a jamais perdu de vue que malgré tout ce que j’ai pu lui dire ou ce que je faisais, je l’aimais.  

Claudius eut un regard vide soudainement. Il avait sûrement raté des choses avec son fils, ou aurait fait différemment s’il le pouvait. Mais comme il le disait : il faisait de son mieux. Tous les parents faisaient de leur mieux à vrai dire. Il reprit :

— Du moins, il n’est pas rare qu’Aliséa et moi-même nous gardions notre petit Arturius pendant que lui et sa femme sont en vadrouille quelque part dans l’Empire ou ailleurs. Alors j’imagine que cela veut dire ce que ça veut dire : il nous fait suffisamment confiance, à tous les deux, et il ne nous cache rien. N’est-ce pas là l’essentiel ? J’aurai peut-être aimé qu’il soit tout autant porter de grandes convictions que moi pour l’Empire, qu’il soit un grand militaire comme son père … Mais le Prince qu’il est s’est construit avec ses propres références, et dans le fond, ce n’est peut-être pas plus mal. Au moins il a conscience et a accepté les responsabilités qui l’incombe ! Combien de fois j’ai entendu des histoires chez mes proches, de personnes reniant leur famille pour aller vivre avec une roturière … Non, j’aurai pu mieux faire des choses, mais je ne suis pas le plus mal loti. Et heureusement : c’est mon seul héritier.

Claudius se tu un instant. Les familles des humains étaient souvent très grandes, et d’ailleurs ses oncles et tantes avaient beaucoup plus d’enfants que lui … Mais pas la sienne. L’Empereur de Sélénia avait eu une vie bien remplie, et Aliséa n’était pas des plus fertiles … Mais ils s’aimaient, malgré tout, et pour lui il était hors de questions de la quitter. L’Empereur haussa finalement les épaules, et fit :

— De ce que j’ai vu de vous, vous ne pouvez pas être une mauvaise mère. Vous donnez de bons conseils, vous avez de bons instincts protecteurs, et vous êtes suffisamment courageuse pour aller au-devant de grands dangers comme cette mission qui vous a amené chez les Vampires … Vous n’êtes sûrement pas aussi parfaite que vous le voulez, mais personne ne l’est. Nous faisons tous de notre mieux. Et cela n’est déjà pas si mal.

Claudius fit un petit clin d’œil à sa magicienne. Combien de gens vivaient d’amour et d’eau fraiche, en ayant une femme dans chaque ville, et se souciant peu de leurs descendances. Le Havremont avait croisé un certain nombre de personnes comme cela, dans sa vie, et de tous horizons : des soldats, des nobles … Tous les spécimens d’hommes étaient dans la nature.

Vex’Hylia et lui, ne partageaient peut-être pas grand-chose en dehors de cette pièce, mais était au moins mu d’un intérêt commun : vouloir le mieux pour sa famille. Pour le meilleur, et parfois, pour le pire.

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