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Personne ne sera épargné



Nyn-Tiamat et l’île du crépuscule des chimères sont encore sous le choc des récentes actions des Couronnes de Cendres. L’inlandsis de l’île de l’éternel hiver a tremblé comme rarement sous l’excavation d’un puissant ver de glace avant de se teinter de rouge lorsque Rog se mit à faire couler le sang des enfants du Prince Noir. Althaïa a été frappée par l’angoisse à la suite d’une série de meurtres macabres dont le responsable, surnommé le Boucher, c’est révélé n'être nul autre que Lolupata et dont la fin se sera révélée aussi violente que ces ultimes méfaits.

Les Couronnes de Cendres sont une fois de plus rentrées en action et leurs derniers agissements démontrent tant leur détermination que la violence des moyens qu’elles sont prêtes à mettre en œuvre pour atteindre leur objectif. Leur objectif d’ailleurs, quel est-il ? D’ultimes révélations ont pu être obtenues. Laalach et Rog, les dernières couronnes de cendre encore en vie, ont l’intention de faire renaitre un Esprit-lié, celui que tous les graärh étaient à l’origine : le gardien des rêves. Toutefois, si la chute de cette étoile a, par le passé, eu d’importantes conséquences, son retour n’en serait pas exempt : les âmes dont la vie a un jour été celle d’un graärh se verraient réunifiées lors de la renaissance de cet Esprit-Lié. D’innombrables vies pourrait s’éteindre d’un simple claquement de doigt, sans que nous ne sachions lesquelles seraient touchées, pour redonner naissance à un être céleste.

Fort heureusement, les Couronnes de Cendres ne sont pas encore en possession de toutes les pièces pour mener à bien leur projet. Dans l’espoir d’empêcher cela, sous l’impulsion du Prince Noir, les factions sont appelées à se réunir


Intrigue : Personne ne sera épargné. Le 1er décembre 1764.

Les joueurs disposent d'un délai de 3 jours pour poster à compter de la réception des directives. Nous vous encouragerons même à poster plus vite encore si vous le pouvez (l’intrigue n’en sera que plus développée).  Les RP d’intrigue sont prioritaires sur tous les autres rp normaux.



L'ordre pourrait changer à tout moment.

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La porte de bois était lourde mais le sainnûr ne peina guère à l’ouvrir. Elle était gravée d’un arbre dont le feuillage et les branches s’étiraient vers les cieux, vigoureux et abondants et dont les racines s’ancraient dans la terre avec une intensité vivace, capable de résister à toutes les tempêtes. Il s’agissait de l’emblème de la famille Elusis et une tempête, ils en avaient traversée une pénible, ces derniers mois. A l’intérieur, le silence se faisait, loin de la neige et du vent qui accablaient l’île dès la venue de novembre. Le climat polaire ne se montrait que peu clément, mais ici, tout ce vacarme sifflant n’était plus. Il n’y avait qu’un silence solennel, si ce n’était religieux et les bougies de cire blanche qui éclairaient les lieux. Personne ne venait ici, à l’exception des gardiens qui préservaient l’endroit du passage du temps. Ses pas résonnaient sur la pierre.

Ici se dressait le tumulus des siens, à Haut-de-Givre, tombeau royal, s’il en était, où les corps de ses quatre enfants, déchiquetés sous la glace, n’avaient pu être portés. Mais leur mémoire était en ce lieu si triste, caveau des Elusis. Le Prince noir prit cinq blancs cierges, à l’entrée et s’avança dans le hall aussi grandiose que désert. Le pincement, à son cœur, lui rappelait qu’il ne rejoindrait probablement jamais lui-même les siens, dans ce sépulcre. Son destin était lié à la Licorne et sa vie se dessinait comme éternelle. Alors, il aurait probablement à porter les siens ici, siècles après siècles, urne de cendres après urnes de cendres, sans jamais se reposer parmi eux. Ce n’était pas la première fois. Il avait vécu comme elfe parmi les humains, et il les avait aimé. Il savait que les plus difficiles seraient les premiers. Alors, il y était : c’étaient les premiers. Avec le temps, il prendrait l’habitude de les perdre. Mais aujourd’hui ? Le déchirement blessait son cœur.

Il alluma un cierge, fit couler quelques gouttes de cire et le déposa, bien fixé, près d’une statue en pierre noble, d’un blanc laiteux, qui représentait son premier fils, Sorel. Il ne lui avait jamais donné son nom, Sorel n’en avait pas eu besoin. Il ne se souvenait pas même d’avoir entendu l’elfe l’appeler un jour ‘père’. Ou peut-être que si ? Il n’en demeurait pas moins qu’Aldaron l’avait considéré comme son fils et l’avait formé au marchandage. Bien des ambitieux auraient vendu leur âme pour être ainsi formé auprès de la Triade, fondateur du Marché Noir. Rares étaient ceux qui avaient eu ce privilège. Sorel avait été un enfant brillant et très humain, en son âme, comme avait pu l’être Aldaron aussi, en son temps. Mais ce temps n’était plus, et Sorel non plus. Alors, de ses lèvres cendrées, le père déposait un baiser sur le front de l’enfant de pierre.

Il alluma un second cierge, sur la flamme du premier et s’avança un peu plus loin. Il fixa le cierge à proximité, en alluma un troisième qu’il plaça à côté. Se trouvaient là deux statues, l’une à côté de l’autre. L’une représentait un jeune homme et l’autre une jeune femme de petite taille. Bien qu’ils ne l’étaient pas, Aldaron les avait souvent dits ‘jumeaux’. Nés Kohan, les têtes adolescentes avaient été couronnées avant de choir d’un trône duquel Aldaron les avait poussé insidieusement. Dans la Nuit, le Prince avait pardonné leur ingratitude, et celle de leurs ainés. La lignée Kohan étaient tombée et une nouvelle dynastie en était née, par la révolution, qu’on appelait Havremont. Il posa une main sur l’épaule du jeune homme et, d’une autre main, caressa la joue froide de la jeune femme. Même vampires, ces deux-là s’étaient investis politiquement. Lui, comme guide pour les humains et elle, pour les elfes. Ils étaient si prometteurs qu’Aldaron savait qu’il aurait pu les compter comme Généraux, dans quelques siècles. La mort en avait voulu autrement.

Il alluma un quatrième cierge, auprès d’une statue qui lui ressemblait infiniment, en légèrement plus jeune. Il était le seul qu’il eut de sa propre chair, son propre sang. Rejeté, puis sauvé de la Peste, Celeborn étaient celui pour lequel Aldaron ressentait le plus de culpabilité. Il n’avait pas été un bon père et n’avait pas eu pleinement le temps de se racheter pour ces siècles d’absence. Il n’en aurait jamais plus l’occasion. Il embrassa ses mains de marbre pour demander pardon.

Il alluma un cinquième cierge et s’approcha du premier qui avait rejoint ce tumulus. Grand et majestueux, se dressait Achroma, feu son mari et son prédécesseur à la Couronne Noire. Rien qu’à le regarder, il ressentait encore son emprise et sa gorge se serrait. Sa respiration se faisait sèche et son cœur se soulevait de peine, non pas de l’avoir perdu, mais de s’être perdu, pour lui. Ses souvenirs de lui, d’eux deux, si beaux, jadis, étaient aujourd’hui plus lucides et tintés d’une forme de domination malsaine. Achroma était une des très rares personnes à avoir eu une mainmise sur lui et à l’avoir utilisé d’une manière égoïste. Son ascendant le transperçait encore, son autorité pesait sur tout son être comme si une part de lui avait été détruite. Il lui avait fait confiance, aveuglément, et par son abandon, Aldaron voyait aujourd’hui toute l’étendue de l’horreur qu’avait été leur relation. Il l’avait délaissé et son cœur amoureux l’avait pardonné, non sans s’en être déchiré en chemin. Tout n’avait été qu’un jeu de pouvoir mais le Roi était tombé. Un Cavalier, son Fou et sa Tour s’en étaient chargé. Aujourd’hui, c’était un autre plateau qui s’était formé. Le Cavalier était devenu Roi, le Fou avait été sacrifié, et la Tour marchait sur les fils d’une imposante Toile.

Il n’y aurait pas de cierge pour Achroma. Aldaron s’en détournait pour s’approcher d’une autre statue. Le Fou était là, dans une robe aux drapés de pierre splendides. Sa chevelure tombait magnifiquement jusque dans le bas de son dos. « Mère… » souffla-t-il dans un silence qui ne lui répondait jamais. Il fixa le cierge, pour sa mémoire, et quitta les lieux. Ses invités devaient être arrivés.

---

Il ne fallut pas plus d’un quart d’heure à Nahui pour rejoindre Cendre-Terre, malgré la tempête de neige. La capitale semblait à présent compter une montage à ses côtés. Le Prince Noir afficha un sourire en coin : Keetech devait représenter les dragons libres. D’ordinaire, cela aurait sûrement été Verith mais vu son état quelques peu diminué, il ne doutait pas de l’orgueil du dragon l’ait poussé à ne pas se montrer. Ainsi soit-il : même si Aldaron avait appris à apprécier un tant soit peu ce ronchon d’anti-Lien, il appréciait de traiter avec Keetech qui avait un tempérament moins colérique et plus balancé que son compagnon. Néanmoins… Il n’y avait, à Cendre-Terre, pas de bâtiment capable de recevoir une créature, aussi mince et élégante soit-elle, telle que l’ancienne, je dirais même antique, Keetech.

Au port, le majestueux (et non moins pas fréquentable) Maelström confirmait que Nathaniel était également bien arrivé. Même si le portail entre Cendre-Terre et l’Île du Crépuscule était à présent opérationnel, Nathaniel restait un homme de la mer et semblait préférer manier la barre que de choisir la simplicité. A dire vrai, ce n’était pas plus mal : cela signifiait que malgré l’attaque d’Althaïa, le Gredin et Maître du Chaos serait d’assez correcte humeur. Aldaron priait mentalement pour que cela ne lui donne pas envie de taquiner Ilhan qu’Autone avait envoyé pour la représenter. Son fils, et Prince Consort Avente, était arrivé plus tôt et Aldaron avait déjà pu le saluer dans l’intimité de sa propre demeure avant d’aller se recueillir auprès des siens trépassés. Il était rare dans sa vie qu’il se batte pour les morts. D’ordinaire, il le faisait pour ceux qui étaient encore de ce monde, mais pour ses quatre enfants, il ferait une exception. La pilule avait du mal à passer et c’était Rog qui récoltait principalement ses foudres.

On l’avait également informé que les graärh étaient aussi arrivés en ville. Voilà qui annonçait un pénible quart d’heure en perspective. Aldaron ne détestait pas les gräarh. Mais eux le détestaient, pour des raisons bien peu renseignées et un peu trop manichéennes à son goût, au demeurant. C’était pourtant lui qui avait vendu les pirates aux graärh en prévenant Sa’Hila que l’attaque d’Athgalan serait un massacre en règle auquel il serait préférable qu’elle ne participe pas. C’était lui, également, qui avait entamé un dialogue avec Illidim pour que les vampires retrouvent un peu de dignité (et tout simplement une survie) après le pacte pathétique qu’Irina Faust avait contracté. C’était lui, également, qui avait mis sa personne au sein d’un duel à mort contre Illidim, pour éviter un massacre des populations graärh et Erlië.

Il ne pouvait pas vraiment en vouloir aux graärh du Nord qui avaient été pillés et réduits en esclavage par ses prédécesseurs et ses alliés pirates, et qu’il avait dû, aujourd’hui, déraciner de leurs terres natales pour éviter que le sang rougisse la neige de Nyn-Tiamat. En vérité, il pouvait comprendre qu’ils manifestent de la rancœur à son égard. Bien qu’il ne soit personnellement responsable, la couronne noire qu’il portait reposait sur lui cette responsabilité. En revanche, il comprenait un peu moins les graärh du Sud, car certes, il était allié aux pirates, mais avait tendu la perche aux graärh pour les sauver des pirates. Il était loin de se croire parfaitement blanc, mais il pouvait affirmer ne pas être aussi noir que ce qu’on lui faisait ressentir. Ce qui le peinait, c’était probablement le zèle et le manque de demi-mesure lucide de ces graärh.

Tout le moins, s’il n’attendait pas de relation positive, il aurait donné beaucoup pour qu’on cesse seulement de lui aboyer dessus à la moindre occasion et qu’on fasse preuve d’un peu de bon sens. Aujourd’hui, il les accueillait chez lui pour leur donner la parole, alors qu’il aurait aisément pu les oublier, laisser ces enfants bons qu’à piailler comme des décérébrés dans leur bac à sable et se moquer éperdument de leur opinion quant aux Couronnes de Cendres. Il avait considéré qu’ils avaient le droit de s’exprimer et de participer à la table des grands, et espérait ne pas regretter en se retrouvant au milieu d’une bataille de purée et de petits pois pseudo-rhétoriques et puérils. Au fond, il ne demandait qu’à ce qu’ils se comportent en adultes et se focalisent sur le problème ‘Couronnes de Cendres’.

Quant à Claudius… Sa maladie l’empêchait d’être parmi eux. Et heureusement. Aldaron avait vu ce que cela avait donné à Keet-Tiamat. A peine Claudius aurait-il eu l’inconsciente de mettre un pied à Cendre-Terre qu’il aurait été brûlé vif. Le nouvel Empereur était assez loin d’avoir cette stupidité : Aldaron pouvait l’affirmer, chose qu’il n’aurait pas pu faire pour Nolan ou Victoria. Pour être honnête, il se faisait moins de mouron depuis que Claudius régnait sur l’Empire des Hommes. Lui au moins n’était pas sujet à des caprices ou à des rebellions adolescentes. Cet homme avait la tête sur les épaules et c’était le plus important, en ce qui le concernait.

Et dire qu’il allait rassembler toutes ces personnes différentes, avec des intérêts politiques ou personnels divergents. Un mal nécessaire, songeait-il, alors que ses mires verdoyantes se portaient vers la forêt.

Avec Keetech parmi eux, il n’était que peu possible de mener cette réunion en intérieur, ni même d’accueillir la grande dragonne sur une des grandes places de la ville : elle n’aurait pas pu tenir… ou trop dangereusement pour les environs. En lieu et place de cela, Aldaron les avait convié à l’est de la capitale, sur la côte sableuse et enneigée depuis laquelle les meilleurs yeux pourraient voir se dessiner, par-delà les mers, le désert de Keet-Tiamat. Là, un belvédère en pierre surplombait la falaise, offrant une vue panoramique au-dessus des vagues. Au centre du belvédère pavé se tenait une table ronde de pierre noble, autour de laquelle les sièges de la même pierre se flanquaient. La neige avait été défaite puis nettoyée et des braseros ardents allumés, tandis que des mages, épaulés par Keetech, apaisaient la tempête. Une fois celle-ci éteinte, même le vent de la mer ne pouvait les atteindre, comme s’ils étaient dans une bulle climatique confortable au milieu du tumulte.

Des coussins commodes reposaient sur les sièges de pierre et des collations étaient apportées sur la table pour ceux qui le désiraient. Un sort de silence les isolait des gardes et domestiques : ils pourraient converser entre dirigeants. Se posant dans les environs, Nahui affaissa son aile pour aider son Lié à descendre. Alors qu’il retirait ses gants, il fut accueilli par Valmys, qu’il ne manqua de prendre dans ses bras, tant qu’ils étaient encore un peu à l’écart. Il prit brièvement de ses nouvelles. Le baptistrel était présent d’avantage à titre historique et probablement, aussi, pour représenter le Domaine. Le ChanteMagna se présenterait de lui-même à ceux qui ne le connaissait… Il marcha vers les invités.

Il salua, tout d’abord, Ilhan d’un signe de tête. « Je t’en prie, installe-toi. » l’invita-t-il en désignant de la main, la table. Il avait eu la chance de l’étreindre un peu plus tôt, en privé. Ici, cela aurait été afficher des relations entre Caladon et les Erlië. Elles étaient certes bonnes, mais pour beaucoup non officielles. Il n’était pas difficile de penser qu’Ilhan et Autone étant les enfants d’Aldaron, ils auraient naturellement quelques facilités diplomatiques. Pour autant, il ne comptait pas le confirmer aussi clairement et ferait la part des choses. Néanmoins, il se satisfaisait de voir Ilhan Avente à la table des négociations. Il était un brillant politicien : cela relèverait très certainement le niveau si celui-ci venait à s’enfoncer vers des enfantillages… Et en parlant d’enfantillage, Nathaniel semblait s’être mis à son aise, installé dans un siège, les deux pieds croisés sur la table. Le Prince noir roula des yeux et poussa les pieds du Gredin d’un sort de télékinésie hors de la table, sachant éperdument que pour le contrarier, le prince des mensonges ne mettrait pas plus de dix secondes à les replacer. Mais voulait-il le contrarier ? « Un peu de tenue, Votre Majesté. » fit-il avec un sourire mi-sérieux, mi-joueur.

S’approchant de la dragonne de quartz, il s’inclina légèrement mais respectueusement. Elle était bien la seule qui mérita ce geste de la part du Prince Noir, politiquement parlant. Aldaron n’avait jamais caché sa proximité avec les dragons. « Je suis heureux de vous revoir Keetech, votre présence est appréciée à ce sommet. Je n’ignore guère que les dragons libres préfèrent ne pas s’occuper des affaires bipèdes, mais je crois que cette fois-ci encore, cela dépasse de loin les races et les factions. Je vous remercie d’être venue. » D’un geste de la main, il l’invita à se rapprocher de la table.

Son regard se posa sur le Géant Opalin (ou plutôt se leva) et sur Jh’eena, à qui il devait un tant soit peu la vie. Elle avait certes une grande gueule, mais elle avait montré qu’elle n’était ni une couarde ni une lâche quand il avait fallu combattre Rog. Il misait là-dessus pour cet entrevue plutôt que sur le reste. « Jh’enna Orën, je vous présente Valmys, le fils que je venais reconduire au Domaine lors de notre première rencontre. Alsoraahnn, j’ai beaucoup entendu parler de vous. » Il laissa en suspens son propos nébuleux et énigmatique. Il lui tardait que l’immense graärh soit assis, pour son cou. « Plus que vous ne le pensez sûrement. » Il songeait notamment à sa rencontre avec Izeli, le dragon qui était destiné à être Lié au graärh et dont Aldaron avait coupé cela pour le saurien naisse libre et fasse ses choix. Un dragonnier parmi les graärh aurait été problématique. Si Aldaron l’avait fait par respect pour la volonté du dragon, il devait avouer que ce geste l’arrangeait politiquement. Ainsi, s’il était normal qu’il ait entendu parler de lui, vu la place que celui-ci avait pris chez les graärh, après le duel à mort où Illidim avait perdu la vie, il était plus étonnant qu’il y ait ce second sujet qui le touchait. « Je vous en prie, prenez place. » fit-il en désignant la table.

Il vint se placer devant le siège qui se trouvait à gauche de Nathaniel et ne manqua pas de noter que Valmys s’était immédiatement installé à la gauche d’Aldaron, étant visiblement désireux de placer son père entre lui et Nathaniel. Et en même temps, entre les graärh, Claudius et Ilhan… Qui viendraient prendre la place à côté de Nathaniel ? Le dernier arrivé, probablement, à savoir Claudius qu’Aldaron n’avait pas encore invoqué. Ce serait encore le choix le plus judicieux, puis que la projection astrale le rendait impalpable : il ne risquait pas d’être tripoté par le pirate. A moins que quelqu’un se sente l’âme particulièrement rebelle et rêve de planter un couteau ‘par inadvertance’ dans la dernière main qu’il restait au roi des pirates ? Ou bien le siège à côté de Nathaniel serait-il retiré pour être placé, plus serré, ailleurs, laissant le roi de la Confrérie sans voisin ?

Pour être honnête, dans une telle configuration, il aurait été malheureux de faire un plan de table car, hormis lui-même, il n’y avait personne d’autre à positionner aux côté du forban. Entre ceux que Nathaniel avait violé et ceux qu’il avait pillé… Il n’y avait plus personne et cela limitait grandement les choix. Le Prince Noir était joueur et avait donc laissé le destin décider. Ou la malchance. « Si vous le souhaitez, on peut faire un tirage au sort pour savoir qui prendra l’autre siège à côté du Roi de la Confrérie. » railla-t-il, pour détendre l’atmosphère. Mais visiblement, Valmys semblait très satisfait de la place qu’il avait obtenue dans le cadre d’une stratégie de rapidité. Le sainnûr se massa l’arête du nez tandis qu’un domestique lui apporta un vase rouge dans lequel le Prince Noir toqua. Ce vase communiquait avec Claudius, alors il attendit d’entendre l’Empereur lui répondre pour être certain qu’il était prêt, comme ils en avaient convenu.

Un autre domestique lui apporta, sur un coussin de velours rouge un lingot d’or. Pas n’importe quel lingot d’or : celui-ci, comme l’indiquaient les armoiries royales gravées, étaient un lingot du trésor royal des Kohans. Comment Aldaron l’avait obtenu ? De la même façon que les caisses de Sélénia avaient été mise à sec. Il trouvait la taquinerie de bon goût. Enfin, de mauvais goût, mais c’était ce qu’il recherchait. Il plaça un sort de chemin de transe en son sein, pour qu’il s’active dans une trentaine de secondes. Puis il plaça le lingot dans le vase qui communiquait avec l’identique qu’avait Claudius : « Je t’envoie un objet enchanté. Promis, ce n’est pas une tapette à souris. On ne pourra plus dire que je ne rends pas l’argent. » Evidement, il riait mentalement de son propre humour nul… Son visage était sérieux mais en son for intérieur, Aldaron était plié de rire.

« Tu devrais t’installer confortablement. » En effet, au bout des trente secondes, Claudius tomba en transe et Aldaron pouvait tenter de le convoquer magiquement. A l’acceptation, une forme éthérée de Claudius apparaissait pour qu’il puisse se joindre à l’assemblée. « Prends place. »

Voilà qu’ils étaient tous réunis. Le Prince Noir se leva, ses mains cendrées jointes dans son giron. « Je vous remercie tous d’être venus. Certains d’entre vous en savent plus que d’autres, au sujet des couronnes de cendres, de l’origine des graärh et des esprits-liés. Certaines légendes graärh soufflaient à demi-mots la réalité. Pour que nous ayons les mêmes informations…  Je vais vous donner les grandes lignes de ce que je sais. » Et cela risquait d’être assez long. « Les déesses ont forgé la création puis les Esprits-Liés pour protéger la création. L’un d’eux était le gardien du monde des rêves. Tel le plan astral où étaient les chimères et où elles ont été renvoyées, le monde des rêves est perméable au nôtre. Tout un chacun peut y accéder, il suffit simplement… De dormir. Toutes nos espérances prennent vie en rêve. Et certains rêves deviennent réalité. Ces deux mondes communiquent mais ne le devraient. Les rêves des uns peuvent être les cauchemars des autres et… Les peurs créent des monstres dans le monde des rêves qu’il vaudrait mieux ne pas voir émerger ici, tout comme ils ne devraient pas rester là-bas car si le monde des rêves était envahi par nos monstres et nos cauchemars, plus personne ne pourrait connaître le sommeil réparateur. »

« Un esprit-lié était alors chargé de nettoyer le monde des rêves pour qu’il ne soit qu’un terrain pour déverser provisoirement nos frustrations ou nos désirs et non pas le terreau fertile qui donne naissance à des monstres dévastateurs pour notre monde. Nous sommes notre propre danger et cet Esprit-Lié est celui qui nous protégeait de nous-même. A priori, tout aurait pu très bien se passer si cet esprit-lié ne s’était pas mis en tête de vouloir régler le problème à la source et de nous protéger nous des dangers et des horreurs qui donnent vie à nos cauchemars. Je trouve personnellement ce raisonnement stupide car pour venir dans notre monde… Il serait devenu mortel en plus d’abandonner son poste et de laisser les cauchemars nous envahir. Si un seul mortel pouvait sauver le monde, nous n’aurions pas besoin de lui, seulement d’un héros parmi nous, mais il a dû croire puérilement être le messie dont nous avions besoin. »

« Fort heureusement, l’Esprit-Lié de l’Axolotl a repris ses fonctions pendant son absence. Pour ce qui est du premier, il a recherché l’aide de son ami, un ancestral dragon capable d’ouvrir un portail. Le hasard a fait que sa traversée a été un échec. Les légendes graärh disent descendre des smilodons et les smilodons descendre des étoiles. Eh bien… C’est vrai. L’esprit-lié est tombé du ciel, et a créé, sur Néthéril, les graärh. Quant au dragon, sa carcasse et son cœur de magie repose au centre de cet archipel, plus connu sous le nom de Tiamat ou puits sacré du Baoli. Son esprit, quant à lui, s’est accroché au cœur de l’esprit-lié et s’est enraciné dans un arbre, au sein de Licorok. Arbre qui a créé les licornes pour protéger son territoire. »

« Dans le cercle des Esprits-Liés, certains approuvaient le geste du Rêveur qui est venu ici périr. D’autres non, et le conflit a émergé quand certains graärh plus connus aujourd’hui sous le nom de Couronnes de Cendres, ont compris d’où ils venaient et ont voulu, retourner à leur état originel d’étoile. Certains esprits-liés soutenaient cette idée et d’autres pas et d’immenses bouleversements se sont enchainés sur Tiamaranta, jusqu’à ce que les couronnes de cendres soient défaites, j’ignore comment, et que les graärh se referment sur une vie humble loin d’un désir de côtoyer les étoiles. Les Couronnes de Cendre sont revenues et je pense que leur objectif est de s’emparer du cœur de l’esprit-lié que gardent l’Arbre-Songe et les Licornes. J’ai fait un pacte avec cet arbre et j’en suis l’un des gardiens à mon tour. Il m’a chargé de mettre les couronnes de cendres à l’épreuve et c’est ce que je ferai… C’est la raison pour laquelle j’ai combattu en duel à mort Illidim. »
Et s’il était vivant, cela confirmait à tous qu’elle était morte. « Je ne pouvais pas gérer deux guerres. Je devais faire de Nyn-Tiamat une terre prête à combattre un seul ennemi. »

«  Je serai incapable de nous protéger tous, seul. Ce n’est pas une attaque contre mon Royaume qui m’attend. Si Rog et Lalaach atteignent leur but, tous les graärh disparaitront pour retrouver leur forme originelle, celui du Rêveur. Quand je dis ‘tous les graärh’, je parle des graärh en vie actuellement, mais également de tous ceux dont l’âme à un jour incarné un graärh, dans une vie antérieure. »
Cela pouvait toucher beaucoup de monde, et de façon imprévisible. Même les meilleurs spirites de la corneille ne pouvaient remonter jusqu’à la nuit des temps. «  Aucune race, aucune faction n’est à l’abri. »

« Personne ne sera épargné. »

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Un léger vrombissement se faisait entendre dans la clairière. C'était un peu comme se tenir non loin d'une chute d'eau. Mais, il n'y avait nulle rivière ou fleuve dans les environs. Seulement de l'herbe à perte de vue, ainsi qu'une montagne. Celle-ci, d'ailleurs, semblait n'avoir rien à faire dans ce paysage particulièrement plat. Et pour cause, les Graärh le savaient bien, ce n'était pas une simple colline. Et le vrombissement, lui, ne provenait certainement pas d'un cours d'eau particulièrement déchaîné. Non, ce n'était que le son émanant de la lente respiration de la dracène de l'orage.

Keetech n'était pas particulièrement discrète. Et pour cause, sa taille remarquable ne le permettait pas. Mais ainsi posée près du village de Vat'aan'ruda, elle défiait quiconque de venir semer le trouble dans la Légion féline. Un devoir que son mâle, Verith, était incapables de remplir pour l'heure.

En songeant à ce dernier, devenu bipède, la dragonne ouvrit un œil et darda son regard céruléen sur les petits Graärh qui s'agitaient en contrebas. Le brouhaha du village lui parvenait aussi clairement que si elle s'était tenue près d'eux. Et, de ce bruit constant, Keetech su que l'heure du départ approchait. La grande dragonne allait se rendre sur Nyn-Tiamat, et pas seule ! Cela n'était guère monnaie courante, mais l'Orageuse allait permettre à un bipède de faire le voyage avec elle. Sur elle, plus précisément, car il était question de transporter ce petit être vulnérable jusqu'à l'île gelée.

Que cela ne devienne pas une habitude, avait songé Keetech en acceptant de représenter les Dragons à ce sommet.

Car une fois de plus, le mal qui rompait dans l'ombre ne pouvait être négligé par sa race. Il était bien trop dangereux.

**
*

Le soleil déclinait lorsque Keetech redressa son port, le regard perçant. Une Graärh s'approchait. La féline sentit certainement l'esprit centenaire caresser sa conscience, tandis qu'elle avançait vers la Mère des Tempêtes. L'Orageuse n'avait jamais aimé s'entretenir avec les bipèdes. Elle savait que le simple son de sa voix dans leur esprit pouvait déchirer celui-ci, tant sa psyché était puissante. Et, malgré une apparence terrifiante de par sa taille, Keetech ne souhaitait pas faire souffrir inutilement les deux pattes.

Mais, hélas, elle n'avait pas vraiment le choix. La dracène choisi donc ses mots avec soin et offrit, en guise de salutation, un simple hochement de sa tête de bas en haut tout en clignant des yeux.

— Jh'enna Orën, grimpez.

Se faisant, la dracène se redressa de toute sa hauteur. Le sol s'enfonça sous ses pattes tandis que ses griffes creusaient des sillons dans la terre, de même que sa queue. Au village, les Graärh avaient tourné leurs regards, à la fois admiratifs et peureux, vers la dragonne.

Elle offrit sa patte à Jh'enna, paume vers le haut, et lui permit de grimper. Puis elle referma légèrement ses doigts de sorte à former une barrière contre le vent, mais aussi contre le froid. Peut-être la féline pourrait-elle même dormir, si le coeur lui disait. Le voyage, après tout, allait durer quelques jours.

**
*

En arrivant aux abords de Nyn-Tiamat, Keetech était heureuse. Le voyage avait été tranquille, mais la position qu'elle avait adopté pour rendre le transport un tant soit peu agréable à sa passagère n'était pas des plus naturelles. La dragonne avait hâte de se décharger de son fardeau, mais également de reposer ses ailes.

Quant à la tempête qui sévissait, elle n'était rien pour l'Orageuse. Ni pour Lokapala, niché entre ses écailles, qui donnait à la dragonne la possibilité de contrôler vents et neige. Ainsi, c'était comme si les cieux eux-mêmes s'ouvraient pour permettre à Keetech d'arriver à bon port sans encombre, mais aussi en avance. Personne, à Cendre-Terre, ne put manquer l'ombre gigantesque de Quartzécaille alors que les nuages se faisaient soudainement moins nombreux et que la neige cessait de tomber.

Mais bien sûr, la cité Erlië n'avait pas de quoi accueillir une dragonne aussi grande. Keetech se posa donc aux abords de la cité et aussi doucement que sa taille le lui permettait. Le sol trembla tout de même sous ses pattes, faisant soudainement chuter la neige des nombreux toits de Cendre-Terre. Puis, doucement, Jh'enna fut libéré de sa prison d'écailles.

La dracène se redressa ensuite de toute sa hauteur et darda son regard alentour. Il lui semblait sentir la présence de Verith, sur l'île, et Keetech eut une pensée affectueuse pour lui. Puis elle découvrit, de ses yeux céruléens, le lieu de la rencontre. C'était un belvédère en pierre surplombant la falaise. En bas, l'écume s'étalait sur le sable. Mais les lieux avaient été dignement préparés pour accueillir les souverains de l'archipel, ainsi qu'elle-même, et des mages s'afféraient déjà à calmer les éléments pour offrir à cette rencontre un cadre plus agréable. Keetech vint les épauler sans un mot, commandant au vent et à la neige de cesser de hurler et de tourbillonner. Et rapidement, un dôme de calme s'étendit sur le belvédère, rendant les mots de chacun audible pour tous.

Lokapala profita du calme pour glisser, telle une goutte d'eau, le long de son échine. Puis il s'éloigna en sautillant comme à l'ordinaire, s'attirant quelques regards. C'était la table bien dressée qui avait l'attention de la petite créature, et Keetech s'amusa à le voir grimper dessus. Lokapala glissa sur les jambes de Nathaniel qu'il recouvrit d'une substance luisante et humide, avant d'approcher dangereusement des collations et boissons mis à disposition.

La soudaine venue d'Aldaron fit se détourner les yeux de Keetech. Lokapala, sans le regard de la Mère sur lui, allait certainement faire quelques bêtises ou s'amuser avec les premiers venus.

— Le plaisir est mien également, répondit doucement la dragonne à ses salutations.

Afin d'être à la hauteur des dirigeants, du moins autant que cela était possible, la dragonne s'allongea dans la neige. Elle provoqua quelques tremblements, mais une fois installée, elle fut en mesure de mieux apercevoir les deux-pattes. Et les bipèdes pouvait désormais admirer ses crocs et ses écailles brillantes tandis qu'elle dardait sur eux son regard turquoise.

— Je suis confiance quant à notre capacité à trouver une solution commune qui satisfera tout un chacun et assurera notre survie à tous, poursuivit-il t-elle dans l'esprit du Prince Noir.

Ces paroles énoncent, Keetech tourna son attention vers les autres. Aldaron, lui, s'approchait de la table et de ses autres invités.

Vint alors une question à laquelle la dragonne ne s'était pas attendue. Et l'incompréhension marqua son regard tandis que le Prince Noir proposait de tirer au sort la place se situant à droite de Nathaniel. Une incompréhension qui fut rapidement balayée par un éclat de fureur, Keetech ayant reconnu le forban.

Contre toute attente, tirer au sort ne fut guère nécessaire. Lokapala bondit sur la chaise et s'y installa confortablement en fermant les yeux. Quant au petit bruit qui s'échappa de lui, cela ressemblait à un bailleement enfantin. Une théorie confirmée ensuite par ses gros yeux joyeux qui se refermaient doucement.

— Considérez ce siège comme mien et faite en apporter un autre.

Croissant les pattes comme une dame, la chaise était désormais coincé entre deux des griffes de la dracène. Et Lokapala, lui, ronflait doucement.

Désormais, tous réuni et assit, il était temps de débuter.

Des Couronnes, Keetech ne savait pas tout. Mais Verith s'était chargé de lui délivrer toutes les informations en sa possession. Et Aldaron, en ce jour, comblait les trous de par son récit. Il n'était d'ailleurs pas le plus fou que la dragonne ait un jour entendu, et Keetech se faisait attentive. Elle posait également son regard sur les deux Graärh présent afin de capter leurs réactions. Cette légende, après tout, était celle de leur peuple.

Quant à la menace… Keetech ne connaissait pas ses vies antérieures. Mais peut-être faisait-elle partie de ses êtres ayant été Graärh. Son désir, quant à lui, n'était certainement pas de devenir une étoile… Ni de les toucher, contrairement à l'un de ses fils.

— Que savons-nous des deux Couronnes restantes ? Demanda Quartzécailles en s'assurant que tous soit en mesure de l'entendre.

Toute bonne stratégie commençait par savoir de quoi l'adversaire était fait. Et c'était aussi l'occasion de mettre tout le monde sur un pied d'égalité.

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Respectueuse salutation

Le Sainnûr sombre parcourait du regard la table qui allait accueillir le sommet de ce jour, tandis que sa main glissait sur chacun des sièges encore vides telle une caresse alors qu’il faisait le tour de la future assemblée. Le maitre des lieux avait soigneusement préparé l’occasion et la vue qu’offrait le belvédère ne pouvait que le ravir. La mer s’étendait face à ce lieu et le roi des forbans avait été presque tenté de demander à ces hommes de faire quitter le port au Maelstrom pour venir jeter l’ancre ici. La vue n’en aurait été que plus belle, pour lui tout du moins. Elle aurait certainement rappelé d’amers souvenirs aux autres participants. À l’exception de deux. Keetech la dragonne d’orage qui n’avait pas eu l’occasion de se frotter au navire du gredin, ce que le sainnûr ne souhaitait pas d’ailleurs, et Aldaron pour des raisons évidentes qui ne seraient pas rappelées ici. À son grand dam, les participants devraient se contenter de sa seule présence, ce qui était en soi un privilège, même si tous ne savaient l’apprécier à sa juste valeur.

Tour à tour, les invités du Prince Noir se présentèrent sur les lieux du sommet. Pour Keetech, le forban lui fit une révérence qui, bien qu’elle ne masquait pas son exagération, se voulait néanmoins empreinte de respect. L’Eärendil n’était pas assez fou, arrogant ou même inconscient pour provoquer la dragonne d’orage. Si son mari par sa seule présence avait permis de mettre fin aux assauts de la Confrérie sur Néthéril, les dieux seuls savent ce dont elle pourrait être capable. Une chose que Nathaniel ne tenait pas à découvrir malgré sa curiosité … du moins tant qu’il peut en être la cible. Le vampire à l’arbre de vie fut également traité avec tout le respect que le roi-criminel pouvait témoigner pour lui. Pas de révérence, simplement quelques mots ainsi que de respectueuses condoléances adressées à ceux que l’Elusis avait récemment perdus. Valmys était là également, mais l’apprenti devenu barde semblait vouloir maintenir une distance de sécurité entre lui et sa personne. Le sainnûr sombre s’amusa bien entendu à faire quelques pas en sa direction à l’occasion, par pur plaisir sadique de le voir reculer à son approche, tout en veillant cependant à reculer par la suite. Ilhan était là également, en dépit du passif entre les deux hommes, ces derniers étaient parvenus à travailler ensemble lors de l’attaque de Lolupata. L’Avente était désormais l’un des mieux placés pour savoir que le Sainur sombre était capable du meilleur comme du pire … ou plutôt l’inverse. L’Eärendil lui adressa toutefois son regret de ne pas pouvoir poser son regard sur la reine d’or dont il a tant entendue parler, bien que ceci n’égratigne en rien pour lui le plaisir de le voir en ce jour. Arrivèrent enfin les Graärh. Un sourire de défi éclairait le visage du forban révélant sa dentition ciselée. Le gredin était au fait que ces derniers étaient arrivés en compagnie de la dragonne d’orage, mais ne pouvait s’empêcher quelques provocations à leur égard. Il s’adressa en premier au Géant d’Opale.

« Comme il est plaisant de vous voir sortir de votre île, Asolraahn. Même vous ne restez guère loin des jupons draconique. Je m’étonne que votre nouveau protecteur ne soit pas là. Sans doute craignait-il que nous profitions de l’occasion pour lancer une offensive éclair. Sachez que mon offre tient toujours, mais si vous veniez à l’accepter, je me verrais contraint de vous briser un genou avant de vous accueillir au sein de mon équipage. Je me demande si le vôtre se ressoudera aussi bien que le mien. »

Le regard plein de malice du forban se déposa ensuite sur Jh’eena.

« Nous ne nous connaissons pas encore, mais je ne doute pas qu’à l’inverse moi, vous avez déjà beaucoup entendu parler de ma personne. Sachez que ce qu’on dit sur moi est très surfait. Mais permettez-moi de louer les vôtres, ce sont de formidable travailleur. Malgré nos différends, je suis sûr que nous parviendrons à travailler ensemble, après tout certains des vôtres y sont bien parvenus. »

Offrant un sourire dont seul lui avait le secret, le Sainnûr sombre ne tarda pas à faire un pas en arrière. S’il ne craignait pas l’agacement des félins, leur feulement ou même un coup bien placé qui lui ferait ravaler son air narquois. Il pouvait sentir le regard d’un Prince Noir en tout point semblable à celui d’un parent sévère sur son enfant turbulent. Le roi de la confrérie s’en alla rejoindre sa place où il vint se mettre à l’aise, s’enfonçant dans le fond du siège et venant poser ses pieds sur la table. Le genre de discussion qui se profilait nécessitait à n’en pas douter une position confortable. Malheureusement, Nathaniel n’eut pas le plaisir de la conserver fort longtemps, car une force invisible vint déplacer ses jambes. Le gredin lança un regard taquin en direction du vampire et se repositionna. Soit, il laisserait sa désinvolture et sa provocation de côté, enfin presque.

Alors qu’il se positionnait convenablement, une étrange créature lui glissa dessus, venant mouiller son pantalon d’un liquide que le gredin n’eut pas de mal à identifier comme de l’eau et qu’il sentit également en grande quantité au sein de la créature. D’un léger geste de la main, l’Eärendil repoussa l’eau de ses vêtements en usant des pouvoirs de l’orque, redonnant une apparence parfaitement sèche à sa tenue. Nhäghini sortit la tête d’une des poches du manteau du forban, venant regarder avec intérêt la créature visqueuse qui s’éloignait. Le capitaine du Maelstrom sembla siffler quelques propos, intimant à la graärh maudite de ne rien faire, même si cette bête l’intriguait également.

« Si vous souhaitez, on peut faire un tirage au sort pour savoir qui prendra l’autre siège à côté du Roi de la Confrérie. »

« Un lot d’exception à n’en pas douter. »

Ne put s’empêcher d’ajouter le forban alors qu’il voyait très nettement les autres participants être réticents à l’idée de siéger à côté de lui. En même temps, il s’était montré particulièrement odieux avec chacun d’entre eux par le passé. Récoltait-il ce qu’il méritait ? Sans doute. Regrettait-il pour autant ? Non. La puissante voix de Keetech résonna alors dans les têtes de tout le monde alors que l’étrange créature rappelant un Chuchu s’asseyait sur le siège que le bout des griffes de la dragonne, dont la tête surplombait à présent l’assemblée, venait border de part et d’autre.

« Il semblerait que seuls les dragons ou ceux qui y sont liés soient assez téméraires pour s’asseoir à côté de moi. Voilà qui m’honore. »

Sourire provocateur aux lèvres, le sainnûr sombre tourna son regard en direction d'Aldaron alors que ce dernier se saisissait d'un vase, se mettant à parler à l'intérieur avant d’y glisser un lingot d'or. Peu de temps après une projection magique de l'empereur de sélénia fit son apparition. Le forban connaissait très bien la situation de Claudius, Demens lui ayant rapporté les faits. Et alors que l'organisateur de ce sommet invitait tout le monde à prendre place, le gredin ne se priva pas pour le saluer.

« Claudius! Ou devrais-je dire sa majesté à présent. C'est fou comme les situations évoluent si vite. Un jour on patauge les deux pieds au fond des égouts de Caladon, le lendemain on combat au milieu d'une cité en flamme et le surlendemain on est fait roi ... ou plutôt empereur, c'est vrai que Sélénia c'est à nouveau paré du doux nom d'empire. Qu'il est plaisant de voir un ancien collègue de travail arriver aussi loin. Félicitations. Mais hélas quel dommage de savoir que tu risques de ne pas pouvoir en profiter encore longtemps. Sache que je suis de tout cœur avec toi, car le pire reste encore à venir. »

Le sainnûr sombre présenta un air faussement peiné qu'il fît disparaitre dès que l'empereur virtuel eut posé son impérial séant sur la chaise qui lui était réservée. L'heure du sommet avait à présent commencé et c'est le Prince Noir qui débuta les festivités en détaillant la menace qui pesait sur la tête de chaque individu peuplant l'archipel, ou plutôt le monde entier. Si tant est qu'il existe de terre peuplée par-delà l'océan, chose que croit le roi de la confrérie.

« Personne ne sera épargné. »

« Que savons-nous des deux Couronnes restantes ? »

« Restantes en effet, vous faites bien de le rappeler noble dragonne. L'une d'entre elles a trouvé la mort par ma main après avoir eu la sotte idée de s'en prendre à Althaïa. N'ayez crainte, la Fantasque se porte à merveille. Dans la mesure où les couronnes ont la fâcheuse tendance à ne pas rester morte bien longtemps, son cadavre a été brulé et ses cendres dispersées aux quatre vents. J'ose espérer que cela servira d'avertissement à ses comparses. Une autre vit encore, mais semble avoir décidé de changer de camps. Je laisserais l'honneur au représentant de Caladon, Ilhan Avente, de donner plus de détail à ce sujet. Mais j'ajouterais que cela m'a coûté, et donc a coûté à la Confrérie, un précieux artefact. »

Était-ce une compétition ? Non. Était-ce puéril de sa part ? Certainement, mais le gredin ne pouvait s’empêcher de commencer à compter le point en soulignant que certains avaient eu affaire aux Couronnes obtenant ou sacrifiant quelque chose et d’autres non.

« Enfin, concernant les deux Couronnes qui ont décidé d'être les ennemis du Royaume Erlië et de la Confrérie. La première se fait appeler Rog Parish. Un graärh reconnaissable entre mille tant en raison de son pelage couleur prune que de son corps bossu. Il fut libéré du mausolée qui semblait être sa prison par un félin de Nyn-Tiamat. Le capitaine des pirates de l'époque, Arakjôrn Nygdmer, en route pour explorer ce mausolée à la suite de sa découverte par la Confrérie, lui avait alors infligé des blessures mortelles en croisant sa route, mais en dépit de la gravité des blessures infligées, cela ne semble pas l'avoir tué. Plus tard, Rog frappera à nouveau lors d'un incident rapporté par les Baptistrel et impliquant des créatures insectoïdes vivant dans le canyon de Néthéril. Toutefois, il semblera agir cette fois de manière indirecte. Enfin plus récemment, ce dernier a fait une nouvelle apparition sur Nyn-Tiamat. Je laisserais la représentante de la légion Vat’Aan’Ruda s'étendre sur le sujet si elle le souhaite, ayant assisté à cette rencontre tout comme notre hôte. Bien que les capacités de cet adversaire ne nous soient pas entièrement connues, au vu des récentes informations, ils seraient liés à quatre esprits-liés. L'étoile de mer, le cafard, le corbeau et le lucane. Nous sommes quasiment certains que c'est lui était en mesure de ramener à la vie ses petits camarades et qu'il ne peut lui-même être tué. Cependant, les choses sont un peu différentes désormais et nous pouvons remercier Aldaron Elusis pour cela, même si cela lui en a coûté. Rog a perdu le lien de trois de ses esprits-liés. Seul le lucane lui prête ses pouvoirs désormais. Malheureusement, celui-ci soutient pleinement le graärh et semble même ne pas hésiter à exprimer son soutien de manière plus directe. Plus que sa personne et ses pouvoirs, j'ai bien peur que cela soit l'esprit-lié du lucane que nous devions craindre en cas d'affrontement.

S'agissant de Laalach, ses capacités restent encore nébuleuses. À notre connaissance, seul l'esprit-lié de l’ornithorynque lui prête ses pouvoirs. Cependant, à l'inverse de Rog et du Lucane, celui-ci ne semble pas le soutenir ou tout du moins prêt à agir de manière directe. Dans la mesure où il est lié à l’ornithorynque, il est assurément capable de copier les capacités d'autrui qui leur ont été conférées par des esprits-liés. Mais il y a peut-être plus. Lors de l'incident du domaine baptistral à l'occasion de l'attaque de Laalach et Lolupata, les sanctuaires du domaine ont été perturbés et celui du feu en particulier. Laalach est à l'origine de ces perturbations. S'il ne maitrise pas la magie des maitres chanteurs, il n'en demeure pas moins qu'il possède un contrôle aiguisé des énergies. Enfin, le don que lui a accordé l’ornithorynque ne semble pas se limiter aux propriétés qu'on lui connait. Il semblerait être en mesure de copier nos propres forces. C'est difficile à imaginer, mais il pourrait s'avérer être un adversaire encore plus redoutable que Rog et le Lucane si l'opposant qui lui fait face est lui-même redoutable. »


Sur des derniers mots, le forban tourna la tête en direction de la dragonne d'orage avant de se retourner vers Aldaron puis le reste de l'assemblée.

« La Confrérie viendra bien évidemment en aide à son allié, le Royaume Erlië. En envoyant Lolupata à Althaïa, les Couronnes de Cendres ont déclaré la guerre à la Confrérie. Et certains à cette table savent mieux que quiconque à quel point les représailles de la Confrérie peuvent être terrible quand on a le malheur venir chier sur son palier. Oh et oui bien sûr, outre cela je n'ai pas envie de voir la main-d'œuvre de la Confrérie, tout ou partie de sa population et peut-être moi-même disparaitre si leur projet devait être mené à terme. Ce n’est donc pas qu’une question de principe. »

Le sainur sombre posa ses yeux sur Ilhan Avente. Il se doutait déjà sur positionnement de Caladon et donc de l’Alliance des Cités libres. Désormais encerclée par l’Empire, cette nation pouvait difficilement se permettre de perdre un allié extérieur. Et c’était sans prendre en compte les liens personnels. Mais le doute subsistait concernant l’Empire et les légions.

« Je me demande quelle sera la position de l’Empire ? Va-t-il laisser le Royaume Erlië et la Confrérie se saisir seul du titre de protecteur de l’archipel ? Et vous, Légions graärh, vous êtes sur la corde raide. Le problème qui nous rassemble aujourd’hui est issu des vôtres quoique vous puissiez en dire. A mal balayer devant votre porte, vous pourriez devenir des alliés encombrants pour ceux qui vous soutiennent. Mais je comprendrais que vous choisissiez le parti des Couronnes, après tout il s’agirait là d’une échappatoire agréable après les débâcles à répétition : la perspective de devenir ou plutôt redevenir un esprit, ça peut faire rêver. »

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Les derniers jours n’avaient pas été des plus faciles pour Claudius.

Il fallait dire que la Confrérie Pirate – son grand alchimiste tout particulièrement – ne l’avait pas raté : la Peste de Corail portait effectivement bien son nom, et la combattre n’était pas chose aisée. Combattre une telle maladie, c’était comme faire face à une armée qui pouvait ressusciter des morts, et qui ne se fatiguait jamais.

Tout ce qu’il pouvait faire, c’était retardé l’échéance. Tenir, et prier les esprits et qui voulait bien l’entendre que ses souffrances seraient brèves. Claudius estima que bon nombre de personnes aurait préféré se donner la mort tout de suite, plutôt que de devoir affronter cette lente agonie.

Lui ? Il ne pouvait pas. Parce que ce pourquoi il existait était devenu trop grand à présent. Sa position de dirigent l’obligeait : tout un peuple comptait sur lui. Son pays qui avait été si souvent raillé et malmené ces dernières années, comptait sur lui. L’Empire devait lui survivre, alors que les griffes de ses ennemis n’avaient jamais été aussi proches, à présent que sa figure de proue était grandement diminuée.

Claudius y avait beaucoup réfléchi, et au-delà de ce sens du devoir qui l’avait toujours animé, il ne voulait également fondamentalement pas. Parce que Claudius, même s’il avait vécu longtemps et plutôt bien contrairement à d’autres personnes de son peuple, ne sentait pas encore son heure venir. Il n’avait pas exploré toutes les options pour s’en sortir, et surtout, il  ne voulait quitter sa famille : Aliséa comptait sur lui en tant que mari, et en tant que père. Son fils avait besoin de lui pour qu’il puisse le guider dans sa future destinée. Son petit-enfant avait besoin d’un grand père à la hauteur. Tous ses amis qui n’étaient pas partis et qui étaient restés auprès de lui avec les années avaient besoin d’entendre sa voix.

Alors quand il voyait des petites souches de corail apparaître et grandir de plus en plus au niveau de son visage ces derniers jours, il se rappelait cela. Quand il lui arrivait de perdre l’esprit, et soupçonnait la maladie d’en être l’instigateur, il se répétait cela longtemps, et plusieurs fois par jours dans sa tête.

Pour le bien de tous, et pour son propre bien, il devait se battre jusqu’au bout. Ne pas fuir.

Et de fuir, Claudius pensait que nombre de personnes l’auraient fait, surtout en ce moment capital auquel l’Archipel allait être confronté : Les Couronnes de Cendres préparaient quelque chose de gros, et depuis son entrevue avec Vex’Hylia, les journées – plus courtes, du fait de la maladie – du Havremont avaient été essentiellement centré en la préparation d’une … Grande réunion.

Un genre de Conseil des nations et des races, auquel toutes les grandes puissances de l’archipel allaient être appelés à se présenter. Et dans les forces en présence, il y en avait beaucoup qui auraient aimé avoir la tête de Claudius au bout d’une pique, ou tout du moins hors d’état de nuire.

L’Alliance des Cités Libres et Le Royaume Erlië nourrissait une détestation cordiale avec l’Empire. L’Empereur aurait mis sa main à couper que quelques conseillers de la Reine de Caladon avait déjà dû songer à l’assassinat de Claudius de différentes façons. Surtout quand on connaissait qui était son Mari. Quant à Aldaron … Claudius savait qu’il suffisait d’un mot plus haut que l’autre avec lui pour déclencher une guerre impactant tout l’Archipel.
La Confrérie Pirate quant à elle était peut-être finalement la plus claire dans ses intentions avec le territoire de Claudius : elle était en guerre ouverte avec l’Empire. Et le Havremont n’avait strictement aucun doute sur le fait que si une occasion lucrative de trahir se présenterait pour le Roi de cette même confrérie, il le ferait sans hésiter. Claudius le connaissait bien. Il était un habitué du genre.

Quant aux potentiels dragons qui seraient présents à cette cérémonie, Claudius n’émettait strictement aucun doute qu’il allait être immédiatement considéré persona non grata. Le Havremont ne cachait pas son amitié avec Naal du Néant, et assumait pleinement avoir contribué à la mort de deux créatures à écailles.

Finalement, dans cet océan d’ennemis, son salut viendrait principalement de la population Graärh, qui, depuis la récupération de Délimar dans l’Empire, s’était montré très cordiale avec lui. Du moins, leurs intérêts convergeaient suffisamment en ce moment pour nourrir une entente certaine. Les ennemis de mes ennemis sont mes alliés, comme disait le proverbe. Cependant, est-ce que tout suffirait à faire penser la balance en leurs faveurs ? Rien n’était moins sûr.

Le Havremont allait devoir sûrement faire preuve de beaucoup de patience, rayer quelques-uns de ses principes qui subsistaient encore et avaler beaucoup de couleuvres.

Mais si c’était pour le bien de l’Archipel … Dans le fond, il espérait simplement que tous ceux autour de la table joueraient au même jeu que lui.

Ce conseil avait lieu à Nyn-Tiamat, lieu présumé de la prochaine attaque des Couronnes – et terre honnie de ses ennemis – et Claudius était … Chez lui. Miracle de la magie, et de l’ingéniosité de son ancien ami Aldaron, on lui avait dit qu’il allait pouvoir assister à cette grande réunion de chez lui, compte tenu de son état présumé avancé de la maladie. Ses soigneurs l’avaient informé qu’elle ne suivait pas une courbe « classique », des premiers cas que l’on avait vu ici en Calastin, probablement à cause d’une nouvelle souche plus récente … Mais qu’il était tout de même plus sage pour lui de rester en quarantaine dans son palais, compte tenu de la haute contagiosité de la maladie par définition.

Le Havremont s’était alors dit que ce n’était pas plus mal et avait tout de suite obtempéré pour cette solution : au moins, en cas d’une nouvelle tentative d’assassinat par un quelconque forcené, ou d’un dérapage menant à un pugilat, il serait tranquille.

Claudius s’était donc bien préparé pour ce jour-ci : il avait convenu avec Léon de lui aménager une salle de réunion très confortable, ce en quoi son valet avait fait tout ce qui était en son pouvoir pour ce qu’il se sente au mieux pendant de potentiels longues heures de discussion.

Le Havremont avait grandement remercié son discret camarade qui veillait à la quiétude organisationnelle de ses fonctions, et avait alors pris place dans son bureau avec son indéfectible et indestructible (au grand dam de son ancien ami) vase rouge.

Il n’avait fallu que de quelques minutes, pour que Claudius entende des paroles sortir du vase :

— Je t’envoie un objet enchanté. Promis, ce n’est pas une tapette à souris. On ne pourra plus dire que je ne rends pas l’argent.

Une voix qu’il aurait reconnue entre mille, puisqu’il s’agissait de celle d’Aldaron. Et effectivement, celui-ci n’avait pas menti : dans le vase, se trouvait un lingot d’or avec les armoiries Kohan posé dessus. Le Havremont soupira et eu un sourire sardonique, en songeant combien encore de cet argent de l’Empire se trouvait dans les coffres d’une nation ennemie. Il devait cependant reconnaître que le trait de l’humour était bien vu.

Obtempérant aux instructions, l’Empereur s’installa confortablement dans son fauteuil, et posa rapidement sa main sur le lingot, car il fut surpris d’y trouver un décompte qui défilait très vite au fur et à mesure qu’il analysait l’objet … Puis Claudius sentit son environnement bougé autour de lui, comme si son esprit était happé par un puits de lumière.

Il sentit par la suite la présence autrefois réconfortante et aujourd’hui glaçante d’Aldaron, et l’accepta … Et il fut finalement invoquer.

Là il put voir que son corps … Ou plutôt son esprit, avait choisi une matérialisation particulière : L’Empereur était parfaitement translucide, et son corps était vêtu d’une simple toge blanche qui recouvrait sa sombre peau. L’ensemble était noué par un tissu doré assez terne, sur lequel était représenté les désormais quatre protecteurs spirites de Claudius. Comme un signe de leur présence spirituelle à ce conseil – ils n’étaient effectivement pas vraiment là –, à travers l’esprit du Havremont.

Claudius eut l’occasion de gratifier tout le monde d’une salutation personnelle, et commença à Aldaron, l’hôte de ce conseil :

— Mes hommages, Aldaron. Merci d’avoir déployer tous ces efforts pour m’avoir à votre table aujourd’hui. Ma santé, et celle de ton peuple t’en remercie grandement.

L’Empereur fit un petit sourire et inclina brièvement sa tête, avant de trouver Valmys du regard, qu’il connaissait bien. Sans doute représentait-il l’Ordre des Baptistrels pour ce conseil :

— Mes salutations sincères, Valmys. Je suis heureux de vous trouver ici. En espérant que votre présence bienfaitrice nous garde de potentiels mots durs.

Un souhait qu’il formula pour les autres comme pour lui-même. Claudius trouva ensuite Jh’eena Orën et Asolraahn :

— Mes respects, amis Aleeshaan et Tribyoon. Je suis heureux que mes pas, mêmes magiques, foulent les mêmes terres enneigées que vous ce jour-ci et que nous nous retrouvions autour de cette table.

Claudius aurait aimé donner une accolade sincère à l’un comme l’autre, mais se contenta d’un salut graärh traditionnel qu’on lui avait enseigné. Il ferait son possible pour les protéger, aujourd’hui.

Et à propos de graärhs … On ne trouvait jamais bien loin d’eux Ilhan Avente, un personnage qui n’avait pas caché sa sympathie pour ce peuple, et qui semblait être là à la table des négociations aujourd’hui. Claudius haussa un sourcil et pris une mine surprise. Sans doute devait-il représenter l’Alliance, car son implication n’était apparemment plus à prouver dans le conflit qui les préoccupaient tous aujourd’hui … Mais depuis ce qu’ils avaient vécu ensemble, Claudius aurait presque été plus rassuré de voir le visage de la Dame Falkire. Mais ainsi soit-il, après tout le Conseiller Avente et lui s’étaient quitté en bons termes, la dernière fois qu’ils s’étaient vu aux arènes de Délimar :

— Conseiller Avente, j’espère que votre femme se porte bien, et que votre grand savoir saura éclairer nos hésitations aujourd’hui.

Finalement, Claudius se tourna vers l’immanquable et gigantesque dragon qui trônait là près de la table, s’étalant de toute sa longueur pour être au plus proche des bipèdes. Les cristaux juchés parmi ses écailles ôtèrent les doutes à l’Empereur, il devait s’agir de Keetech, la femme de Verith … Celui qui lui avait retiré son cœur, pour le remplacer par une douleur permanente. Une malédiction qui lui rappelait ses méfaits. Claudius ravala sa salive, se rappelant comme au premier jour de la terrible sentence en croisant le regard de la dragonne et lui fit :

— Vénérable dragonne. Votre réputation vous précède, tout comme la mienne. J’espère que nous saurons mettre de côté nos différends pour œuvrer pour la paix aujourd’hui.

Il détourna par la suite bien vite le regard, pas franchement rassuré à l’idée de devoir développer une conversation qui pouvait très vite s’avérer être gênante pour l’Empereur qui avait plus que fâché nombre d’autres de son espèce. L’Empereur s’était résigné à être détesté des dragons.

Le dernier, et non l’un des moindres, était Nathaniel … Et avant qu’il ne put dire quoi que ce soit, il se vit gratifier de salutations qui étaient disons … Très Nathanielesques :

— Claudius ! Ou devrais-je dire sa majesté à présent. C'est fou comme les situations évoluent si vite. Un jour on patauge les deux pieds au fond des égouts de Caladon, le lendemain on combat au milieu d'une cité en flamme et le surlendemain on est fait roi ... ou plutôt empereur, c'est vrai que Sélénia c'est à nouveau paré du doux nom d'empire. Qu'il est plaisant de voir un ancien collègue de travail arriver aussi loin. Félicitations. Mais hélas quel dommage de savoir que tu risques de ne pas pouvoir en profiter encore longtemps. Sache que je suis de tout cœur avec toi, car le pire reste encore à venir.

Claudius eut un sourire ironique et un petit rire jaune quant à cette basse provocation, et faisant preuve de tout le sang froid du monde, il répondit :

— Mes hommages, Prince des Mensonges. – Claudius tâcha d’appuyer avec une certaine insistance sur ce sobriquet Sélénien donné au Roi des Pirates – Tel le navigateur que tu es, tu ne perds jamais le Nord, malgré les catastrophes dans ta ville, et le nombres de tes navires coulés par les nôtres. Il semble que le sort nous joue effectivement des tours, à nous réunir prochainement pour peut-être ma dernière bataille. J’espère que nous pourrons tous compter sur ta fidélité, cette fois-ci. Tu ferais bien cet effort, pour un vieil homme malade, n’est-ce pas ?

Tournant la tête comme s’il s’attendait à ce que la réponse soit bien évidemment positive, Claudius tourna la tête et ignora copieusement son rival pour l’heure, et laissa le Conseil prendre place.

Les mots d’Aldaron résonnèrent d’abord, rappelant l’histoire que Claudius connaissait déjà par l’intermédiaire de sa Magicienne de Cour qui l’avait rencontré quelques mois plus tôt, avec cependant l’ajout des enjeux à la toute fin : la disparition des graärh, et de tous ceux ayant eu une vie antérieure apparenté à eux.
Claudius hocha doucement de la tête, puis se fut à Keetech de prendre la parole, pour inviter à un compte rendu des forces restantes … Que Nathaniel s’empressa de faire, non sans vantardise. Claudius écouta cependant poliment, et fit fi du discours grandiloquent du pirate quant à sa merveilleuse nation, et ses merveilleuses forces – qui ne manquaient pas d’être envoyées par le fond à chaque fois qu’elle croisait un navire impérial suffisamment armé – pour se concentrer sur l’essentiel.

Il écouta attentivement ainsi la description des ennemis, et pris des notes mentales sur ce qui allait se jouer ici-bas. Finalement, Le Roi de la Confrérie fit à l’attention de Claudius et des représentants de la légion graärh :

— Je me demande quelle sera la position de l’Empire ? Va-t-il laisser le Royaume Erlië et la Confrérie se saisir seul du titre de protecteur de l’archipel ? Et vous, Légions graärh, vous êtes sur la corde raide. Le problème qui nous rassemble aujourd’hui est issu des vôtres quoique vous puissiez en dire. A mal balayer devant votre porte, vous pourriez devenir des alliés encombrants pour ceux qui vous soutiennent. Mais je comprendrais que vous choisissiez le parti des Couronnes, après tout il s’agirait là d’une échappatoire agréable après les débâcles à répétition : la perspective de devenir ou plutôt redevenir un esprit, ça peut faire rêver.

Claudius se pencha sur la table, eut un petit soupir, et répondit en premier à son voisin de table :

— Nathaniel, tu n’es pas sans savoir que si l’Empire n’a pas eu le loisir de se préoccuper de ce problème, c’est principalement parce que notre pays a connu une succession de situations disons …. Délicates. – Claudius eut un regard très appuyé envers Nathaniel et Aldaron – Je pense qu’il est inutile pour moi de revenir sur l’histoire contemporaine impériale, chacun ici est à même de se regarder dans la glace concernant les choix que nous avons tous fait. En tous les cas, rappeler les torts des uns et des autres, et chercher le fautif plutôt que de concentrer sur la solution du problème ne serait pas constructif. N’est-ce pas ?

L’Empereur s’arrêta un petit instant, ayant un regard lourd pour tout un chacun ici.

— Cela étant dit, je laisserai tout le loisir à mes amis graärhs de parler en leurs noms. En ce qui concerne l’Empire, j’ai eu l’occasion de réfléchir au positionnement de ce dernier longuement avant cette entrevue. Nous répondrons à l’appel de défense de l’Archipel, comme nous l’avons toujours fait, malgré nos différends de ce jour. Cela va sans dire, je pense que tout un chacun n’a pas envie que son peuple disparaisse, et que l’Archipel soit contrôlé par des personnes malfaisantes. Cela a en tout cas été la ligne directrice de l’Empire ces dernières années.

S’accordant un instant de respiration, L’Empereur eut un petit regard vers chacun. Il savait que ce qu’il s’apprêtait à dire allait peut-être être sujet à débat, mais il fallait bien que quelqu’un soulève ces questions ici :

— Je mets cependant des conditions quant à l’ampleur de cet engagement. Pour des considérations qui nous concernent, mais qui serait susceptible de faire écho en chacun d’entre vous. Vous tous savez que les moyens militaires de notre armée Impériale ont toujours été considérables, tant par le nombre que par notre expertise. Elle a cependant grandement souffert de la ruine et de la famine que nous avons subie. Quoiqu’en dise les amateurs d’esclavage autour de cette table, un soldat mal nourri et mal payé est un mauvais soldat, même si l’enjeu de sauver l’Archipel est de taille. Cette mobilisation nécessitera des moyens en vivre, et financiers. Moyens dont l’Empire ne dispose pas vraiment pour les raisons que vous connaissez.
Par ailleurs, même si l’ennemi semble acculé d’une part, il est à parier qu’il redoublera d’effort pour nous nuire, et que des pertes sont malheureusement à prévoir, pour mes hommes mais aussi pour les vôtres…. Ce qui risque indubitablement de nous fragiliser. Or, L’Empire a de nombreux ennemis autour de cette table, ou des personnes qui seraient en tout cas intéressés à l’idée de faire main basse sur quelques-uns de nos territoires, après une guerre qui nous aurait durement affecté. Vous comprendrez, mes chers confrères et consœurs, que si nombre d’entre vous ont ma confiance, l’histoire a prouvé que notre souveraineté a été menacé plusieurs fois malgré tout.


Claudius haussa les épaules, et pris une mine presque un peu triste. Ces considérations pragmatiques pouvaient presque paraître outrageantes quant on parlait du Salut de l’Archipel, tout simplement. Et quelque part, il savait que le jeune homme qu’il avait été, à se défendre corps et âme contre le Tyran Blanc et les Chimères, n’hésitant pas le moindre instant à faire tous les sacrifices pour sauver son pays … Même s’il savait que son armée était composée de beaucoup de personnes comme lui, la mobilisation et le moral des troupes ne pouvait qu’en être que meilleur que si l’on levait toutes les interrogations quant à un futur conflit à venir. L’Empereur reprit :

— J’ai mené bataille contre le Tyran Blanc et les Chimères sans me poser la moindre question. Si le sort m’est favorable, je reprendrais aisément mon marteau pour défendre notre Archipel des Couronnes de Cendres. Je passerai un appel à la mobilisation au sein de mon pays, et d’autres soldats suivront mon appel. Nombre de mes militaires suivront leur Empereur, et leur ancien Dominus de la Guerre sans se poser de questions. Mais en fonction des moyens nécessaires je ne suis pas sûr que l’ Empire soit en mesure de prendre cela en charge si une part importante de mon armée amenait à être mobilisé. Du moins, pas sans garantie que nos vivres et moyens financiers seront mutualisés, et qu’un traité de paix général post-conflit pendant un temps établi par tous ici ne soient signés.

Claudius s’arrêta une nouvelle fois dans son discours, et inspira longuement. Il espérait que tous comprendraient sa position. Et éventuellement qu’elle résonne dans d’autres cœurs de dirigeants : il savait bien par exemple, qu’un pirate était mu d’un certain esprit financier : il était fréquent que ceux-ci organisent des pillages pour combler la dette engendrée par la guerre … Et que l’armée de Caladon était essentiellement composée de mercenaires. Mercenaires qui attendaient d’être payés.

Là-dessus, l’Empereur intervint à nouveau, et lança un peu à la cantonade cette fois-ci :

— Je suis désolé, ma méconnaissance de l’ennemi pêche peut-être, et j’aurai certainement dû commencé par là. Mais avons-nous seulement idée de ce qu’y nous attends, si ce n’est ces deux Couronnes ? Ont-ils des suivants, ou des créatures susceptibles de nous surmener ? La forêt de Licorock est certes très grande, mais nous ne serons pas dans le cadre non plus d’une bataille rangée, peut-être que la mobilisation générale n’est pas nécessaire si nous optimisons nos moyens efficacement. Pardonnez également mon esprit très militaire, c’est une déformation professionnelle à n’en pas douter. Avons-nous des plans autres que la puissance guerrière pour les contrecarrer durablement ? Conseiller Avente, je crois savoir que vous êtes également béni de l’Ornithorynque. Est-ce que cette capacité de copie des capacités de Lalaach résonne quelque chose en vous ? Excusez-moi du terme, mais peut-être que lui envoyer une armée de troufions incapables pendant que nous l’exécutons froidement de loin pourrait être une bonne solution…. Peut-être ?

Et sur ces entrefaites l’Empereur se tu pour de bon. Il avait donné largement de quoi réfléchir à ces collègues, et il ne se doutait pas que nombre de choses allaient occuper leurs discussions.

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S'il était une chose que je honissai plus encore que les pirates -quoi que ma détestation de celle-ci venait très probablement du lien évident entre les deux-, il s'agissait sans aucun doute des bateaux, ces demeures flottantes à l'incroyable potentiel émétique permettant de se rendre d'une île à l'autre. Ô, esprits, qu'ai-je donc bien pu faire dans mes vies passées pour qu'en moins de trois mois je dusse emprunter quatre fois ce moyen de transport inventé par je-ne-sais-quel sadique au fétichisme malsain pour les reflux gastriques et les fientes de mouette? A l'annonce même d'une réunion sur la terre-même qui abritait il y a encore quelques semaines nos frères Trand et les parasites à longues dents qui les avaient chassés, j'en eus un haut-le-coeur. Allai-je encore devoir emprunter ces maudites passerelles et mettre le pied sur ce sol aussi palpable qu'instable pour gaiement (toutes proportions gardées) retrouver autour d'une même table l'entièreté des dirigeants ennemis de nos seuls alliés ET les nôtres, lorsque les deux ne concordaient pas? Serai-je forcée d'entamer un périple aussi désagréable pour me retrouver à la table du Prince Noir, quoi que celui-ci se soit montré, sur l'île qui allait abriter pareil sommet, bien plus altruiste et pragmatique que je ne l'aurais pensé, mais aussi de celui qui dirigeait nos tortionnaires et bourreaux?

Non, heureusement, non.

Ne vous-y méprenez pas, malgré les intentions claires de mes deux consoeurs d'esquiver pareille entrevue, par pure peur d'un piège, ou pire, d'une sincérité accablante des glabres quand à la faiblesse dont avait su faire preuve nôtre peuple depuis leur arrivée; quand bien même celle-ci ne datait pas d'hier; et d'une fois de plus devoir mener au combat nos frères et nos soeurs pour la survie de nôtre espèce, je ne pouvais laisser passer pareille opportunité. N'y voyez aucun carriérisme...ou peut-être un peu. Mais force était de reconnaître qu'il est bien plus difficile de faire carrière une fois mort, or, c'était bien là toute la problématique à laquelle devait faire face nôtre nation. Resterons-nous à l'écart des combats pour épargner nos congénères, ou devrons-nous laisser certains d'entre nous rejoindre les esprits pour sauver ceux qui restent de l'annihilation? Car c'était bien là le réel coeur du problème : si les couronnes de Cendre parvenaient à leurs fins, l'espèce entière à laquelle j'appartiens cesserait tout bonnement d'exister. En s'opposant à de si puissants adversaires, nous risquions fort de perdre bon nombre des nôtres. Mais en ne nous dressant pas face à leur projet, c'était finalement la totalité des Graärhs qui risquaient de perdre la vie. Difficile de dire s'il s'agissait là d'une bonne ou d'une mauvaise chose, cependant. Lorsque Purohit Rakshak, ou plutôt, la petite Reynagane (qui avait bien grandi, je vous l'accorde) m'avait mise au parfum du projet de nos ennemis, deux pensées opposées m'étaient venues. Etonemment, la survie de ma race ne fut que la seconde. La première était un questionnement.

"Et s'ils avaient raison? Et si leur geste n'était pas une folie? Si les âmes des nôtres se réunissaient pour ne former plus qu'un seul Esprit-Lié, ne serions-nous pas à l'abri des pirates et de ces glabres sans foi ni loi? Ne serions-nous pas plus puissants que jamais? Cet esprit ne serait-il pas finalement l'entité que, par déformation, au fil des années, nous avons fini par appeler Légion d'Or, puis oublier?"

Inutile de dire que pareille pensée ne méritait pas d'être partagée au conseil. Si c'était pour entendre des hauts-cris pour les semaines à venir sans que rien d'autre qu'une contestation aussi véhémente qu'injustifiée ne vienne enrichir, ou plutôt, appauvrir, nos débats déjà plus stériles qu'un buffle mort, il n'y avait rien à partager avec les deux greluches me faisant office d'homologues. Pour ce qui était de notre Trybyoon, je le savais plus diplomate et pragmatique, mais pour autant, il ne me semblait pas opportun d'aborder ce sujet avec lui, ni avec personne d'autre, d'ailleurs, que la gardienne du Bàoli. Et encore. Alors j'avais transmis ses mots à elle, au conseil. Tenté d'emporter avec moi, sous l'égide de l'esprit-lié du coq, mes deux comparses dans l'idée d'une guerre à venir, pour préserver nos intérêts et nôtre nation. Mais là encore, leur inaction légendaire, qui confirmait une fois de plus le cliché sur la passivité et l'oisiveté dans laquelle vivait le peuple Garal était venue à bout de ma motivation et de ma verve. Les arguments avancés faisaient cependant presque sens : depuis Atgahlaan, et malgré le renfort involontaire des Trand, la Légion avait perdu énormément de guerriers. Les pirates pourraient profiter de cette occasion pour nous mener la vie dure. Enfin, si les glabres et les dragons unis ne suffisaient pas à contrer pareille menace, les Graärhs n'auraient aucun impact sur la bataille, dépendants de nôtre seule force physique et d'une magie rituelle bien trop peu efficace pour faire une réelle différence. Nonobstant mon envie de les convaincre, qui, après deux heures de martellement de pareilles excuses pour ne pas prendre place autour de la table à laquelle les nôtres étaient conviés, avait décidé de prendre des vacances à l'autre bout de l'archipel, je n'avais plus d'autre choix que de leur imposer ma décision.

- Bien. Puisque vous avez décidé d'adopter une consistance à en faire passer un vasard à la saison des pluies pour une brique un jour de canicule, je ne vois que deux solutions pour faire face à...L'extinction. Vous défier toutes deux, prendre la tête de la Légion, et commander aux Garal comme aux Trands de se préparer au combat. Ou alors... Je laissai volontairement un blanc. Individuellement, je ne doutais pas d'être capable de les vaincre. A deux contre une...ma foi, sur un malentendu, ça pouvait marcher. L'incertitude d'y parvenir ne me faisait pas élire cette option comme principale, mais il me semblait de bon ton de les laisser réfléchir à ce sujet, après considération du fait que j'avais réussi, par je-ne-sais quel miracle, à revenir en vie d'un affrontement avec Rog Parish, quand bien même il ne fut pas singulier. Il y avait là largement de quoi les faire douter de leur capacité à me vaincre...dusse cette incertitude être totalement injustifiée : j'avais eu la chance de ne pas avoir à entamer un duel contre ce monstre. Je repris donc : ... Ou me désolidariser de vous sur cette action, laisser ceux qui souhaitent se mêler dudit conflit, et prier pour que les Esprits nous protègent. Et que vous le vouliez ou non, j'irais à cette rencontre, et ceux qui le souhaiteront me suivront au combat pour sauver...ce qu'il reste à sauver. Honte à vous, de garder la tête basse quand pourrait sonner la dernière heure de nôtre peuple! Honte à vous d'abandonner ainsi ceux qui croient en vous pour les protéger et les mener à la grandeur! Honte à vous, qui pensez que la palabre et l'oisiveté donneront à Vat'Aan'Ruda les clefs d'un avenir meilleur. Honte à vous, qui osez encore vous prétendre Aaleeshaans, mais daignez abandonner le sort de vôtre peuple aux mains de ceux-là même qui l'ont décimé. J'irais.


J'avais ainsi quitté la salle du conseil, encadrée de mon escorte usuelle, non sans en avoir claqué la porte suffisamment fort pour que celle-ci réalise qu'il n'était absolument pas temps de s'enquérir de la situation. D'une part, parce que le duo d'incapables avait décidé de me faire monter en pression, et d'autre part...Parce que la réunion à laquelle nous étions conviées impliquait de devoir...Prendre un bateau. Imaginez! Imaginez mon soulagement lorsque Djerzeb, absent à la réunion du conseil -je ne doute pas que les échos de celle-ci l'aient par la suite atteint-, m'informa de l'offre d'une éminente entité. Il avait été décidé, parmi les sauriens qui gardaient nôtre île, que la dragonne de l'Orage m'emmènerait sur Nyn-Tiamat. Ô joie! Ô soulagement!...

Soulagement?!

L'inquiétude me saisit d'autant plus, après quelques instants de réflexion, malheureusement, bien après qu'il soit reparti et que je lui aie confirmé ma présence, ainsi que chargé, s'il le voulait bien, de remercier la dragonne pour son offre généreuse, et pour l'honneur qu'elle nous faisait. Si le mal de mer parvenait à mettre à terre une Jh'eena qui commençait à s'habituer au roulis et au tangage.
Qu'en serait-il du mal de l'air? A cette seule idée, je manquai d'en régurgiter une boule de poils, en pleine rue...Mais les jours passèrent, et, finalement, force fut de reconnaître que cette façon de voyager me convenait bien mieux (cela dit, s'il m'était possible de négocier le frèt d'un bateau lorsque la situation l'exigeait, négocier l'assistance d'un dragon était une toute autre histoire). Je rejoins la dracène, comme convenu, aux aborde du village. Sa silhouette gigantesque imposait le respect, et je ne manquai pas d'en faire preuve lorsque je me trouvais enfin face à elle, portant le poing à mon poitrail avant de m'incliner avec déférence devant la majestueuse écailleuse qui me rendit un salut des plus impressionnants. Son esprit, contrairement à celui de Vérith, semblait être moins habitué à communiquer avec les autres espèces...Ou peut-être était-ce simplement l'emploi d'une délicatesse certaine qui donnait cette impression, mais il sembla un instant chercher la façon d'intéragir avec le mien. J'accueillis celui-ci sans tenter de hisser la moindre barrière (si futile soit-elle), l'invitant au contraire à employer la méthode de communication avec laquelle elle se trouvait la plus à l'aise. En même temps, certains avaient déjà perdu la raison face à l'étrange et parfois brutale méthode de communication des êtres draconiques...Mais ce n'était pas la première fois que je cotoyai leur race, ni que nous n'échangions. Si les premières occurences de ces échanges spirituels s'étaient révélés difficiles à supporter, et sans prétendre être parfaitement à l'aise avec cette méthode différente de nôtre communication verbale, le désagrément de sentir pareille puissance entrer en contact avec un esprit bipède comme le mien était désormais loin de s'avérer problématique.


- Jh'enna Orën, grimpez.

- Soyez remerciée, Grande Orageuse., parvins-je à articuler, avant de me hisser dans la patte tendue, sous le regard hagard des quelques graärhs présents.

Comptaient parmi eux une demi-douzaine des shikaaree habitués à me suivre, mais également un petit cortège au fait de ce sommet bigarré auquel nous nous rendions, dont l'annonce avait fait grand bruit dans la cité des Wigwams sans que les réelles raisons en soient exposées dans leur totalité. a sensation de vol était différente de tout ce que j'avais pu expérimenter par le passé. Ainsi un dragon voyait-il le monde...Ainsi ressentait-il le vent et les odeurs portées par ce dernier...Pareille expérience n'aurait su me laisser indifférente en temps normal, mais...y avait-il réellement quoi que ce soit de normal, dans cette situation? Je ne m'endormis que la seconde journée de nôtre voyage. J'aurais aimé, par curiosité, mais aussi pour mieux préparer l'incongrue assemblée à laquelle nous nous rendions, échanger plus avec la Dracène de l'Orage...Mais m'en abstint. Elle me faisait déjà l'honneur de me convoyer jusqu'à bon port, m'offrant non seulement un moyen de transport, mais également une sécurité sans égale, l'importuner serait des plus malvenus, quand bien même il s'agirait de s'informer sur les êtres présents que je n'avais peu ou pas encore eu l'occasion de rencontrer. Alors je restai coite, observant, mémorisant les paysages, les sensations, jusqu'à ce que nous arrivâmes enfin. Je me permis, pour l'occasion, après qu'elle m'eut déposée au sol, de croiser les bras sur ma poitrine, rentrant mon menton au creux formé par mes brassards d'acier, en signe de remerciement et d'humilité.

- J'espère pouvoir un jour vous remercier plus justement que par de simple mots, Grande Orageuse., me contentai-je de la remercier, ayant cru percevoir, pour je ne sais quelle raison, un manque d'appétence pour la communication. Peut-être en étai-je la cause, peut-être pas. La sobriété était donc de mise: ma phrase était courte, mais ma gratitude, elle, était bien plus grande.


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L'accueil du Prince noir se fit aussi poli qu'il se devait de l'être, et, contrairement à nos précédentes rencontres, j'y répondis sans provocation ou fanfaronnage, faisant cette fois l'effort de m'adresser à lui en langue commune, et non en langue graärh. Que nous ne soyons pas destinés à nous entendre comme larrons en foire était une chose, mais la gravité de la situation et la considération réciproque acquise lors de notre dernière entrevue au coeur des glaces incitaient à bien mieux que des enfantillages inutiles.

-Jh’enna Orën, je vous présente Valmys, le fils que je venais reconduire au Domaine lors de notre première rencontre.

- J'aurais préféré que nous nous rencontrions dans des circonstances moins troublées, mais je suis honorée de faire vôtre connaissance, Valmys. Je vois que le présent du Corbeau vous a été utile, Prince Noir. Puisse-t'il être un présage de bon augure., répondis-je avec un hochement de tête poli, portant la main droite à mon poitrail en un geste respectueux, avant de le laisser reprendre:

- Alsoraahnn, j’ai beaucoup entendu parler de vous. Plus que vous ne le pensez sûrement.

Sur une phrase si énigmatique, Aldaron nous invita à prendre place, et à peine avais-je eu le temps de tourner les yeux vers les sièges qu'un nouvel arrivant nous apostropha. Sans que nous n'ayons eu l'occasion de faire proprement connaissance, il ne me fallut pourtant pas plus d'un instant pour savoir de qui il s'agissait. Irrévérencieux à m'en faire passer pour une sainte, insouciant, provocateur, cruel...et puissant, malheureusement. Le Roi de la Confrérie. L'être à qui nôtre peuple devait une partie importante de sa décroissance, et la perte de bien des membres.

- Comme il est plaisant de vous voir sortir de votre île, Asolraahn. Même vous ne restez guère loin des jupons draconique. Je m’étonne que votre nouveau protecteur ne soit pas là. Sans doute craignait-il que nous profitions de l’occasion pour lancer une offensive éclair. Sachez que mon offre tient toujours, mais si vous veniez à l’accepter, je me verrais contraint de vous briser un genou avant de vous accueillir au sein de mon équipage. Je me demande si le vôtre se ressoudera aussi bien que le mien. Sans attendre la réponse du géant opalin, voilà que le Sainurr reporta son regard sur moi pour un "bon mot" auquel je sentais ne pas pouvoir échapper. J'aurais presque été déçue de ne pas y avoir droit, tant sa réputation en la matière n'était plus à faire...je n'y coupai pas. « Nous ne nous connaissons pas encore, mais je ne doute pas qu’à l’inverse moi, vous avez déjà beaucoup entendu parler de ma personne. Sachez que ce qu’on dit sur moi est très surfait. Mais permettez-moi de louer les vôtres, ce sont de formidable travailleur. Malgré nos différends, je suis sûr que nous parviendrons à travailler ensemble, après tout certains des vôtres y sont bien parvenus. »

Je m'étais préparée, ces derniers jours de voyage, à rencontrer cet être aussi abject que provocateur...et aurais honnêtement pensé pouvoir tenir plus longtemps avant de céder à la tentation de lui répondre. Mais si je laissais Asolraahn lui donner la réplique en premier, peut-être les choses auraient-elles pu évoluer plus calmement. Peut être pas. Et cette histoire de genou laissait à penser que, finalement, répondre à ces invectives préparées à nôtre attention pour échauffer nos esprits avec une nonchalance non mois théâtrale était sans doute la meilleure des options. C'est donc après un soupir consterné que je plongeais mon regard flegmatique dans celui de l'elfe noir, avant de lui répondre calmement.


- Effectivement. On m'avait vanté votre talent pour les traits d'esprits et je vous le confirme : votre réputation est très surfaite. La situation exige que nous réfléchissions à collaborer, mais je nous vois mal, une fois cette crise passée, travailler main dans la main. Vous n'en auriez plus d'autre pour vous rendre utile.

Un instant après, il se recula, et c'est en observant par dessus son épaule que j'en compris la raison. Si, effectivement, un graärh échaudé aurait pu passer à l'offensive, il était de mise de conserver une composition digne de ce nom à pareille réunion. Et s'il y avait une personne ici capable d'imposer son autorité au Roi de la Confrérie Pirate, c'était sans aucun doute le Prince Noir. Je ne sus dire si son regard réprobateur, qui s'était posé sur le malandrin manchot, m'adressait également une suggestion intense à ne pas envenimer la situation, mais quoi qu'il en soit, face au recul de l'elfe noir, je n'avais guère plus à dire sur la situation et partis m'installer sur un siège libre, à côté de l'étrange créature qui accompagnait Keetech. Le sommet commença, et déjà, énormément de nouvelles informations se succédèrent. Là où les bribes rapportées par Reynagane permettaient d'avoir une vision globale, chacun des participants apportait des détails bienvenus. Force était de reconnaître que même le roi de la confrérie pirate avait un esprit d'analyse -à défaut de synthèse- aiguisé, et avait connaissance de bien des détails sur les Couronnes dont je n'avais pas été informée. Je rendis à l'empereur de Havremont le salut consacré lorsque vint son tour de s'exprimer, laissant s'exprimer ceux qui avaient jusqu'à lors eu leur mot à dire, avant de prendre la parole à mon tour, bien plus brièvement que nôtre hôte et ceux qui avaient suivi son élan verbal.


- Malgré le raccourci extrême du roi des manchots, entamai-je après avoir lancé un regard à l'intéressé, il faut admettre que la situation actuelle est en partie due à un ancêtre lointain. Cela dit, leur magie, sur laquelle reposent leurs facultés de combat, qu'il s'agisse des hybrides de Rog ou du lien qui l'unit à la lucane, ou la maîtrise que peut démontrer Laalach en sa qualité de spirite, en découlent aussi. Nôtre hôte pourra vous le confirmer, cette puissance n'est pas à prendre à la légère. En d'autres termes : se tourner vers une solution de victoire immédiate revient à chercher comment dépasser un pouvoir que nous ne pouvons pas comprendre tant sa structure est différente de celle que les meilleurs spirites de toutes nos nations réunies sont parvenus à obtenir...

Je laissai un blanc un instant, une patte levée pour signifier la reprise prochaine de ma parole, le temps d'une longue inspiration.

- Je rejoins Son Altesse de Havremont quand à la nécessité d'adresser tout d'abord la question d'un statu-quo sur l'archipel. Nous avons d'autres choses à faire que la guerre entre nous, et ces combats à venir ne seront sans doute pas sans conséquences. Pour ce qui est d'affronter les Couronnes, au lieu de réfléchir à comment abattre un ennemi supporté directement par un esprit-lié capable d'intervenir sur le monde physique et un spirite de l'ornithorynque à la maîtrise sans égale, je serais d'avis d'étudier le pourquoi et le comment de leurs facultés. Alors seulement l'établissement d'une stratégie sera envisageable. Pour apporter ma pierre à l'édifice concernant Rog Parish, la Lucane ne fait pas que le "soutenir", cependant. Ils sont liés par un contrat bien étrange, scellé en une dague forgée par Udyog, disciple du scarabée. Dans celle-ci est enfermée une "Loi", que l'Esprit-lié de l'Araignée avait tissée. Elle retrace le contrat passé entre Rog Parish et la Lucane. Cette dernière ne peut bénir d'autre spirite, en retour de quoi, elle peut intervenir directement pour le défendre. Le Prince Noir et moi-même avons pu constater à quel point celle-ci peut être dangereuse. Je n'ose imaginer ce que pourrait donner pareil pouvoir s'il venait à croître encore, et nous savons que Pärish a mis la main sur une créature plus ou moins semblable à un Karapt. Ne vous attendez pas à combattre Rog seul. Il faudra bien plus d'une armée pour en venir à bout. A l'inverse, si Laalach est un aussi bon spirite qu'on le dit...il serait sans doute plus simple de le vaincre en combat singulier, plutôt que lui offrir le luxe d'une réserve de pouvoirs divers. Enfin. Pour répondre à l'invective de Courte-patte, si les Couronnes arrivent à leurs fins, nôtre peuple disparaîtrait. Peut-être certains d'entre vous également, et bien d'autres. Notre motivation pour prendre part à ce combat n'est pas de fanfaronner mais de survivre, et malgré nôtre système politique actuel, je n'ai aucun doute sur cette question. La question sera effectivement :"aux côtés de qui?", mais le camp des partisans du Huitième est à exclure.

Et pourtant...Et pourtant...les mêmes questions qu'avant mon départ me trottaient de nouveau dans la tête. Mais y accorder du crédit sans réponse concrète n'avait aucun sens. Avant l'offensive, il me faudrait au moins m'entretenir avec Udyog. S'il était un Graärh capable de nous assister, c'était bien lui...Laalach le pourrait également. Mais je doute que nous puissions parler de "s'entretenir", avec lui. "S'entretuer", en revanche...Je tournai mon regard vers Asolraahn, occultant ces idées.

- Nous n'avons pas eu l'occasion de nous concerter à ce sujet, Trybyoon. Qu'en pensez-vous?

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Guerre et paix. Tel était l’éternel leitmotiv que chantaient leurs vies.
Etrange sonnet. Qui pourtant était le leur tout en dysharmonie.

A chaque combat gagné, un autre se présentait. Si la détermination de voir ses enfants et les siens, qu’il soit de son sang ou non, grandir vers un avenir plus serein ne l’animait pas, peut-être eût-il enfin cédé à la tentation de prendre sa retraite dans un coin retiré de cet univers, laissant le reste du monde s’entre-déchirer et se détruire, pour mieux les laisser embrasser leur trépas. Mais il était père. Il était mari et époux. Il était fils et ami. Et enfin il était Prince Consort, ce qui faisait de tous les caladoniens ses enfants, en un sens, aussi. Lâcheté n’était pas un mot qui avait jalonné sa vie, malgré les peurs qui avaient pu le happer à de nombreux moments, lui qui n’était guère un fervent combattant. Ou peut-être au final l’était-il, là, tout au fond de lui, tapis dans l’ombre de son esprit affûté par les écrits et les mots, quand d’autres affûtaient leurs lames et leurs faux ? Ou peut-être ainsi avait-il été forgé par le chaos qui les avait tous agités ces dernières années…

Peu importait au fond. Peu importait la raison, il était là, assis à cette table des dirigeants, et il savait, quelle que soit la décision des autres, que lui continuerait le combat, avec ou sens eux, fort de la détermination et de la conviction qu’il avait acquise tout au long de ses confrontations avec les Couronnes et de ses diverses investigations, qu’on ne pouvait les laisser continuer et gagner. L’Araignée les avait priés de poursuivre leur quête. De cela, il s’en souvenait.

Tant et si bien que toute provocation possible glissa sur lui sans même le toucher. Aux fanfaronnades du forban, seul un regard impavide du sainnûr de la cité de l’or lui répondit, le noir d’encre de ses yeux le sondant tel un puits sans fond impossible à atteindre. Il pouvait s’appuyer sur la présence du Prince Noir, son père, et du Chante-magma, son frère, pour que rien d’autre que l’essentiel ne l’atteigne en ce jour, où seul comptait leur devenir commun, et où seul fin stratagème parviendrait à leur assurer survie et avenir. Même si en cet instant son père ne pouvait plus être que le Prince Noir représentant le Royaume Erlië et lui-même n’était plus que le Prince consort, représentant de la Caladon et de l’Alliance. Ils avaient pu tous deux partager un peu d’intimité et la chaleur de retrouvailles toujours pudiques mais fortes de leur amour père-fils à chaque fois affirmé. Quant à son frère… Il n’avait pu le serrer dans ses bras, chante-magma qu’il était, mais il le serrait dans son coeur, et peut-être plus tard dans ses rêves. Son frère savait lire en lui pour pouvoir en puiser toute l’affection et l’amour qui l’inspirait.

Il répondit à chaque salutation d’une manière sobre, plus caladonienne qu’althaïenne, tel que l’aurait fait son épouse et non lui. Car en ce jour il la représentait elle, avant toute chose. Ce fut donc des salutations polies d’un signe de tête respectueux, qu’il offrit, au nom de la Monarque de Caladon dont il n’était que la voix en cet instant. Il ne put toutefois retenir un salut de son propre peuple envers Keetech, reine de l’orage. Tous comprendraient l’exception offerte à une dragonne qui leur faisait l’honneur de venir soutenir cette assemblée par sa présence, signe que sans doute les dragons les soutiendraient aussi dans ce conflit. Oui, honneur. On ne pouvait le prendre autrement. Quant aux Graärh, s’il se permit de leur offrir une salutation Graärh, du moins autant que faire se pouvait, n’étant doté ni d’oreilles mobiles ni des vocalises permettant de compléter pleinement ces salutations, c’était là plus pour affirmer qu’il connaissait parfaitement les coutumes de leur peuple, plus que parfaitement même maintenant, et leur rappeler qu’il avait oeuvré avec et pour eux depuis bien longtemps maintenant.

Mon épouse, la Monarque de la cité de l’or, vous remercie de s’enquérir de sa santé, qui resplendit chaque jour que nos protecteurs lui prêtent, répondit-il à l’Empereur, et se réjouit que tant aient répondu à cette réunion primordiale que le Prince Noir nous a fait l’honneur et la joie d’organiser.

Se disant, il se tourna vers ledit Prince Noir, lui offrant un autre salut de tête respectueux, avec une légère inclinaison du buste, marquant ainsi une déférence plus marqué encore.

Quand place fut à prendre, il cacha soigneusement son soulagement de voir les sièges près du forban occupés. Il se hâta quant à lui de se placer aux côtés de son frère, à qui un discret sourire en coin fut offert. Il se trouvait ainsi aux côtés des Graärh de son autre côté.

Il écouta chacun avec attention. Les enjeux posés par son père, qui leur révélait des informations d’importance, et qui faisait écho à celles qu’il détenait lui-même, posaient bien les clés nécessaires à toute décision. Ce n’était plus une question de riposte, de vengeance, ou de simple protection en cas d’attaque, mais bel et bien une question de survie, ni plus ni moins. Comme il l’avait déjà pressenti dès sa première rencontre avec les Couronnes et lors de leur étrange entrevue avec les Esprits-Liés, entrevue parfois floue sur certains aspects. C’était un enjeu qui les touchait tous et qui pouvait les sauver… ou les condamner. Sa propre épouse ayant un passé Graärh, ayant incarné il fut un temps Smilodaene, la guerrière funeste, légende parmi les légendes dans le peuple Graärh, cela n’ajoutait qu’une raison de plus pour lui d’affronter cet énième combat sans même tergiverser.

Au mots "traité de paix", Ilhan retint un sourire. Mais ne répondit rien sur l’instant. Il devait avouer que c’était là une proposition sage, même si par certains aspects elle pouvait paraître outrancière tant les enjeux dépassaient de loin la survie d’une faction. Elle n’était toutefois pas la condition de la participation de l’Empire, mais seulement la condition de l’ampleur de sa participation, ce qui en soi amenuisait tout sentiment de potentielle indignation quant à cette proposition terre-à-terre.

Aux questions de l’Empereur, fortes intéressantes en soi, même si certaines réponses pouvaient déjà être apportées, il hocha la tête. Il s’apprêtait à répondre, quand intervint une des représentantes des Garals, Jh'eena Orën, Aaleeshaan des Chasseurs de Smilodons. Il avait entendu parler d’elle, bien entendu, tant par les récents événements, que par sa situation au sein du Conseil tribal des Garals dirigeant ses derniers en l’absence de Kamda Aaleeshaan.

Là encore les questions qu’elle souleva étaient d’intérêt. Étudier le pourquoi et le comment des facultés des Couronnes. Une question que l’on aurait pu toutefois considérer comme tardive : si le conseil ici présent n’en était qu’à cette question, alors qu’une attaque des Couronnes pouvait être imminente et leur porter le coup de grâce, alors peut-être pouvaient-ils se considérer comme perdus et déjà morts. Oui, ces questions étaient d’importance. Mais elles nécessitaient des réponses là, maintenant, pour que ce conseil de guerre puisse avancer et dresser un plan de bataille, d’attaque ou de défense, voire les deux à la fois, qui soit un tant soit peu efficace. Il fut heureux alors qu’elle apporte justement des éléments de réponse, notamment sur le lien entre Rog et la Lucane, un lien qui leur aurait posé de grands soucis. Aldaron avait su défaire les liens de Rog avec ses Esprits-Liés, et pourtant la Lucane avait pu à nouveau lui prêter ses forces et ses pouvoirs, le soutenant pleinement dans ses actions. Un lien qui maintenant s’expliquait, et ce par l’intermédiaire d’une dague, d’un contrat. Détruire la dague pourrait-il alors détruire ce contrat et délier la Lucane de Rog, pour qu’enfin ce dernier ne puisse plus nuire ? Possiblement. Quant aux karapts… L’information donnée ne faisait que conforter ce qu’il avait appris de son côté.

Ilhan laissa son regard errer sur chacun des présents, les sondant chacun de son regard sombre et profond, laissant un sentiment d’un ersatz de fierté l’enlacer à la vue de tous, là, autour de cette table, alliés dans l’adversité, encore, malgré leur passé houleux et douloureux, pour ne pas dire plus. Certes, il n’irait pas embrasser le forban de son plein gré, non merci. Certes il avait subi de ses mains diverses sévices dont son âme était à jamais entachée. Tous pouvaient nourrir des litiges et ressentiments envers au moins un des présents. Et pourtant… Et pourtant… Tous ici étaient venus, avec le but de s’allier, et de combattre, ensemble. Et tous ici étaient venus, en apportant des bribes de réponses, des éléments d’importance, qui tous, mis bout à bout, pouvaient leur donner une petite chance.

Oui, une toute petite chance.

Quand Jh'eena se tourna vers le Tribyoon Asolraahn, Ilhan se permit cette fois de prendre la parole.

Je me permets d’intervenir à mon tour, Aaleeshaan Jh'eena, et m’excuse d’avance si le Tribyoon Asolraahn voulait répondre de suite à votre invitation d’exprimer ses propres pensées.

Il montrait également par ces quelques mots être pleinement capable de comprendre la langue Graärh. S’exprimer ainsi devant une assemblée dans une langue ou un dialecte possiblement inconnu des autres pouvait être considéré, chez eux Ambarhuniens, comme une impolitesse sans nom. Même si chez les Graärh, il savait qu’ils n’avaient aucune considération de ces problématiques-là, il espérait que les deux Graärh comprendraient le message : si alliance et un semblant de confiance, même si temporaire le temps de cette crise, devaient se nouer, il ne fallait qu’aucun sentiment de secret ne se noue. Et cela passait par le fait de tous parler la même langue, en tout temps.

Si je me permets cette interruption, c’est parce que j’ai, peut-être…

Sans doute même.

Quelques éléments de réponse aux questions que vous avez soulevés.

Il laissa un léger silence planer.

Tout d’abord, même si cela est sans doute déjà une évidence pour certains, Caladon et l’Alliance seront de ce conflit et soutiendrons le Royaume des Erlië. Nous avons déjà pris faits et actes en ce sens. Qu’il y ait un traité ou non, notre participation sera la même, sans faillir. L’idée d’un traité nous paraît toutefois fort à propos, et pourrait permettre à tous de se focaliser sur l’essentiel : comment allier nos forces de la façon la plus utile pour survivre, tous, encore, à ce qui nous attend. Si traité, Caladon et l’Alliance le signeront donc.

Il savait déjà que son épouse ne voulait pas d’une guerre. Pas ouvertement, pas une guerre sanglante. Son épouse avait toujours été contre la violence quand on pouvait l’éviter. Si on l’y obligeait, elle ne reculerait jamais pour prendre les armes, et ce elle-même s’il le fallait, mais s’il lui était possible d’éviter une guerre, elle le ferait aussi. Il était sûr que si elle avait été présente, elle aurait accepté un tel traité. Et il était là pour parler en son nom, au-delà de ses propres convictions. Tant mieux si ensuite les deux se concordaient.

Pour en venir aux éléments que je peux vous transmettre… J’ai depuis de nombreuses semaines, de nombreux mois, investigué au sujet des Couronnes, mais aussi au sujet de l’histoire des Graärh, puisque les deux sont intimement liés.

Il se tourna vers les Graärh présents.

Vous avez sans doute entendu parlé de notre visite au sein de la Légion Garal il y a quelque temps, du temps où j’étais conseiller de Delimar. Vous savez sans doute que j’ai beaucoup appris au sujet de votre culture, de vos us et coutumes, de votre mode de vie. Je me suis lié d’amitié avec certains de vos paires aussi, j’ai accueilli des Graärh chez moi, et ce avec honneur et respect. J’ai oeuvré pour votre peuple, autant que je le pouvais.

Avec l’abolition de l’esclavage des leurs en Delimar.

Et la Monarque de Caladon, dont aujourd’hui je suis la voix, a également beaucoup oeuvré pour les vôtres.

Avec l’abolition de l’esclavage des Graärh en Caladon. C’était là des faits qu’il était bon de rappeler, pour que les Graärh se rappellent qu’au sein de l’Alliance, ils avaient des alliés, même si sans signature ni traité.

Et elle œuvre encore aujourd’hui. Tous deux, nous nous sommes toujours beaucoup intéressés à votre peuple, sous tous ses aspects. Plus encore quand les Couronnes sont revenues d’entre les morts et ont commencé à frapper. Nous avons également été confrontés à plusieurs reprises aux Couronnes. Lors de l’attaque au Domaine, où nous avons pu rencontrer en face à face, et même échangé quelques bribes sommaires, avec Laalach.

Il se tourna vers Valmys.

Le respecté chante-magma, Valmys Elusis, était présent aussi.

C’était en ce jour funeste qu’il était devenu chante-magma d’ailleurs… se sacrifiant pour tous les sauver.

Nous lui devons la vie. Nous avons beaucoup échangé ensuite au sujet de cette attaque, pour en analyser certains aspects. Nous avons investigué dans les souterrains de Calastin, notamment avec le Gardien du domaine actuel, Belethar Espérancieux, et Purohit Rakshak, connue aussi sous le nom de Reynagane Shaa.

Il tut le nom de Naal du Néant, ne voulant pas raviver d’anciennes blessures chez son père.

Nous avons pu faire la découverte et la rencontre d’une autre Couronne de Cendres, Udyog, artiste et maître forgeron, dernier descendant et héritier des entreprises Ychgama, une ancienne entreprise légendaire d’alors et à l’étrange… savoir… du peuple Graärh d’antan. Udyog est béni de l’Esprit-Lié du scarabée comme vous l’avez dit, et de celui du Tigre. Loin de nous tuer, elle nous a  accordé une chance de faire nos preuves. Preuves faites quand Althaïa la fantasque…

Qu’il était difficile de prononcer ce nom sans flancher au souvenir de SA cité si aimée, à jamais avilie, à jamais perdue, aux mains du forban honni…

A été attaquée par Lolupata le Glouton. Nous y étions, oui. Et grâce au don que le prince des forbans ici présent, Roi de la Confrérie des pirates, a accordé à Udyog, un précieux bijou légendaire aux pouvoirs sans nom, un don crucial…

Rendons à Nathaniel, ce qui était à Nathaniel. En ce jour d’attaque d’Althaïa, le forban avait montré, au final, être un roi digne de ce nom, en un sens, en cherchant réellement à protéger ceux qu’il avait nommés et faits siens. Pirates et forbans oui, mais protégés par leur roi, en un peuple hétéroclite soudé par l’appât du gain, mais aussi par l’affliction de la vie qui les avait ballottés et rejetés à tout vent.

Nous avons su nous allier cette Couronne. Elle nous a promis de venir nous soutenir au moment fatidique, et cette Couronne n’a qu’une parole, malgré certaines apparences. Comme dit par l’Aaleeshaan Jh'eena, Udyog aime à forger des armes et objets légendaires. Il connaît le secret des portails, même si je doute qu’il nous le révèle pleinement. Je n’ai pas perçu une puissance aussi importante que celle des autres Couronnes, mais… je pense que la puissance proprement dite ne fait pas tout. La puissance d’Udyog est dans son savoir et ses armes sont sa forge.

Il tourna un regard vers Nathaniel et l’Empereur.

Vous avez parlé tout à l’heure des capacités de Laalach, s’adressant à Nathaniel. Et vous m’avez posé la question de mon ressenti en tant que béni de l’ornithorynque, regardant l’image de l’Empereur. Je ne voudrais pas m’avancer en conjectures hasardeuses, car ses capacités dépassent de loin mes propres capacités, et même de loin toutes les capacités d’Esprit-Lié que nous avons pu rencontrer. Mais je serais plus affirmatif que le Roi de la Confrérie. Lors de l’attaque du Domaine, il a su copier les pouvoirs baptistrels, en partie du moins, pour s’y infiltrer et faire tomber des barrières. En présence d’un très bon archer, il s’est révélé très bon archer lui-même. En présence d’un mage exceptionnel, il a su faire appel à la trame pour invoquer un portail de téléportation. En somme… il ne copie pas seulement nos Esprits-Liés de façon décuplée. Il copie toute capacité, et je dis bien toute, dans leur intégralité et à leur pleine puissance. Mettez en face de lui un mage d’exception et vous en ferez un mage d’exception. Il a en plus une autre force en lui que rien ne pourra détruire : sa foi. Nous ne pourrons donc en effet le combattre par des armes usuelles.

Ruse et stratégie seraient leurs seules véritables armes contre un tel adversaire.

Envoyer des troufions de base seraient une idée. Je serai plutôt d’avis d’envoyer le moins de monde possible. Tenter une confrontation en un contre un serait sans doute suicidaire toutefois, ajouta-t-il en se tournant vers Jh’eena. Mais un nombre réduit oui. Et des personnes savamment sélectionnées, avec une stratégie savamment étudiée. J’ai longuement réfléchi à une possible stratégie pour affronter le danger des Couronnes, dont Laalach. Et je n’ai vu qu’une solution viable pour l’heure…

Il jeta un regard vers Aldaron, avant de reprendre.

- Les couper de leurs Esprits-Liés. Que les Esprits-Liés me pardonnent pour cet outrage. Mais je ne vois aucune autre solution et j’espère qu’ils me comprendront et me pardonneront. Nous savons que cela est possible, le Prince Noir l’a déjà réalisé sur Rog. Il lui sera toutefois difficile de réaliser le même exploit sur Laalach, qui saura le contrer en copiant ses pouvoirs exceptionnels et en les lui renvoyant tel un boomerang. Cela serait très risqué. Non, il faut trouver un autre moyen de couper le lien de Laalach avec son ornithorynque. C’est pourquoi…

Il inspira calmement, espérant que la suite de ce qu’il s’apprêtait à révéler n’allait pas déclencher un tôllé. Même si l’information avait déjà été révélée il y a peu. Plus ou moins.

C’est pourquoi j’ai contacté l’unique personne qui m’a semblé capable de trouver une solution à ce problème de taille, ce problème de savoir comment couper un lien avec un Esprit-Lié sans user de magie. Je sais que ce que je vais dire ne plaira pas à nombre d’entre vous, bien que l’information vous a déjà été délivrée. Cette personne n’est autre que celui qui se faisait dénommer Thormir, de son vrai nom Demens Torqueo, éminent alchimiste. Le plus talentueux alchimiste de notre temps, nous devons bien l’avouer. Et surtout un alchimiste qui n’a peur de rien et n’a aucune barrière.

Il se tourna vers l’Empereur.

Aucune barrière, j’en suis désolé. Mais il a déjà fait ses preuves contre le danger des Ékinoppyres. S’il y a parmi nos factions des savants détenteurs de savoir précieux et capables d’ingéniosité, telle Rúmil Elenvir, aucun n’a, je pense, toutes les capacités, intellectuelles et morales…

Ou plutôt amorales…

Pour parvenir à ce défi de taille.

Rúmil aurait eu les capacités intellectuelles, certes, mais elle était trop obnubilée par les portails pour s’en défaire.

Thormir, ou plutôt Demens, a accepté le défi, sous serment de ne pas utiliser ses découvertes autrement que sur les Couronnes.

Si cela pouvait un tant soit peu rassurer l’assemblée présente. Il tut que ce même serment lui en avait coûté un aussi.

Maudissez-moi s’il le faut, mais j’assume totalement cette décision, car cela nous apportera peut-être une chance de victoire. Ou alors donnez-nous une autre solution. Mais j’ai beaucoup réfléchi à la question et j’en vois peu. Demens Torqueo est d’ailleurs à deux doigts de parvenir à trouver ce que je lui ai demandé. S’il y parvient… Le plan que je proposerais serait d’envoyer une poignée de personnes avec Demens Torqueo pour faire face à Laalach, des personnes dotées de peu de capacités guerrières, en usant d’armes anti-magie dignes de Delimar, si quelques unes de ces personnes sont des mages, pour annihiler les capacités magiques en prévention. Ne resterait que des personnes dotées de capacités intellectuelles, de ruse, de stratégie et de fourberie, et éventuellement leurs Esprits-Liés, pour tenter de toucher à Laalach avec l’oeuvre de Demens, et de le couper de son lien avec l’ornithorynque.

Se disant, il toucha délicatement sa fibule qui contenait sa pierre des Esprits, priant en silence  l’ornithorynque de le pardonner encore une fois.

Et là, nous pourrons tenter de le contrer ensuite définitivement. Quant à Rog... De ce qu’en dit l’Aaleeshaan Jh'eena, pour le couper de la Lucane, il nous faudrait mettre la main sur cette dague et détruire la dague, en espérant détruire ainsi le pacte qu’elle contient, ce qui pourrait empêcher la Lucane de se lier de nouveau à Rog. Parvenir ensuite à couper Rog de nouveau de son lien avec elle… l’en priver définitivement pour le neutraliser définitivement. Là, cependant, sans doute devrons nous faire face à de nombreuses forces en présence, et de forts effectifs en armée pourrait être nécessaire.

Voilà au moins une ébauche de stratégie, que tous pourraient affiner ou modifier selon les informations et expériences de chacun. Parlant informations, maintenant que la plus délicate avait été divulguée, il en avait quelques autres à apporter…

Ce ne sont pas là les seules informations en notre possession. Nous avons effectué quelques autres investigations, souvent avec l’aide du Gardien du Domaine et de Purohit Rakshak. Nous vous épargnerons le détail de ces investigations.

Il n’avait aucune envie de révéler certains éléments, comme le voyage dans un monde parallèle… Seule la pensée voletait dans son esprit, accessible aux télépathes tel son père et à la dragonne de l’orage. Il leur faisait confiance pour ne pas divulguer ce qu’il voulait taire. Seul comptait les informations apportées… pas forcément le moyen dont il les avait obtenues.

Nous ne vous ferons part que des informations récoltées. Je fais appel au baptistrel ici présent pour attester de la véracité de ce que je vais dire. Nous pouvons confirmer de façon sûre, qu’effectivement, si les Couronnes de Cendres parviennent à leur fin, les Graärh disparaitront tous, sans aucune exception.

Ils l’avaient vu, Belethar et lui, quand ils avaient voyagé dans le monde parallèle où les Couronnes de Cendres avaient gagné. Dans ce monde-là, les Couronnes de Cendres avaient apparemment "convaincu" les Graärh, et dans le monde qu’ils avaient visité, les Graärh avaient tous disparu. Au moment de la visite, cela était resté assez nébuleux, mais en faisant le parallèle avec ce que Aldaron venait de révéler, tout s’éclaircissait.

Là encore, cela resta à l’entrée de son esprit, accessible pour ceux pouvant le lire si besoin, mais sans qu’il ne l’explicite pleinement à haute voix.

Ils avaient pu découvrir aussi un point important dans ce monde parallèle : l'objectif était de fuir une menace que les Graärh ne parvenaient pas à repousser, et cette menace là-bas était les Karapts. Des Karapts qui apparemment n’avaient pas la même origine qu’ici, il s'agissait là-bas d'insectes qui auraient "mutés" après avoir été exposés à une certaine substance. Substance qui était en réalité une pollution issue des entreprises Graärh. Tout comme ici la Peste de Corail était issue des entreprises Ychgama.

Un autre point important. Nous savons que les Couronnes de Cendres en sont venues à cette décision, en la considérant comme une solution ultime à un danger que les Graärh ne parvenaient pas à contrer. Ce danger : la Peste de Corail. Son origine : la pollution issue des entreprises Graärh nommées Ychgama.

Il se tourna vers Jh’eena.

Vous disiez tout à l’heure vouloir comprendre le pourquoi du comment. Le voici. Nous avons pu reconstituer, plus ou moins, l’histoire des Couronnes de Cendres. L’histoire Graärh que pourtant votre peuple a tant voulu cacher et que vos anciens ont refusé de révéler à Purohit Rakshak quand elle est venue s’en enquérir.

Nul reproche. Juste un fait. Les Graärh avaient voulu étouffer leur passé. Mais ce temps était révolu, car, comme souvent, le passé les rattrapait…

Nous avons pu "rencontrer" la cinquième gardienne du Baôli, qui a refusé antan de trahir son serment et de s’allier aux Couronnes. "A cinq, la tête couverte d’or ils rentrèrent, à quatre la tête couverte de cendres ils sortirent", cita-t-il en Graärh, avant de le traduire en langue commune. Quand je dis rencontrer, cela est un bien grand mot, car elle est morte, malheureusement, mais le gardien du Domaine, Belethar, accompagné de Purohit Rakshak, a pu lire des réminiscences de son esprit, demeurant tel un écho. Pour commencer au début… Il y avait cinq gardiens du Bâoli, cinq têtes couronnées, que nous connaissons maintenant. L’un d’eux, Udyog, était très attaché à son savoir, sa forge, une forge qui toutefois par la pollution qu’elle créait a été à l’origine de la Peste de Corail. Cette Peste s’est propagée, a dévasté des cités Graärh entière. Mais surtout, elle a touché l’enfant de Lolupata et de cette cinquième gardienne. Les gardiens du Baoli ont cherché alors une solution… Rog se tournant vers son savoir, le savoir du vivant, Udyog vers le sien, le savoir du métal, tous deux en concurrence en quelque sorte, mais tous deux impuissants pourtant à trouver une solution. Et Laalach se tourna… vers sa foi. Sa foi qui l’a conduit a retrouvé la véritable origine des Graärh que le Prince Noir nous a révélée. Quand tout a échoué pour vaincre la Peste de Corail, Laalach a alors pensé à cette solution ultime : redevenir cet Esprit-Lié, et que tous revivent à travers lui, tous liés, même si pour cela ils devaient disparaître sous leur apparence Graärh. C’était là, selon lui, la seule solution pour permettre de retrouver l'enfant, qui était mort alors, mais également de sauver les Graärh, particulièrement ceux du Calastin, car la Peste de Corail continuait ses ravages sur l'île et menaçait de s'étendre aux autres îles. Il tenta de convaincre les siens, mais échoua. Il parvint à convaincre trois des autres gardiens de le suivre, Lolupata, Rog et Udyog, qui suivit par culpabilité. Seule la mère de l’enfant, la cinquième Couronne, refusa et tenta de s’interposer. En vain.

Il s’humecta les lèvres et but une gorgée d’eau avant de reprendre.

Cette solution ultime toutefois provoqua un conflit au sein même du monde des Esprits-Liés. Et du fait que les Graärh n’étaient pas convaincus de suivre les quatre Couronnes dans leur folie…

Dans ce monde-ci toutefois. Dans le monde parallèle, les Graärh avaient été convaincus, et même s’il y avait eu conflit au sein des Esprits-Liés, leurs protégés Graärh semblant tous d’accord, le conflit des Esprits-Liés semblaient ne pas avoir eu lieu, ou s’être apaisés, et n’avaient pas eu en tout cas les conséquences qu’il avait eues ici. A savoir…

Le conflit prit une ampleur telle que cela provoqua une éruption du Baôli. Belethar a lu dans l’esprit de la cinquième gardienne, que cette éruption a bel et bien eu lieu, et que c'est cette cinquième gardienne qui y a mit fin, en gelant le volcan et certaines veines de lave se trouvant sous l'archipel. Particulièrement les veines de lave qui passent sous Nyn-Tiamat, causant son état actuel, soit un simili hiver éternel.

Quel que soit le monde, en somme, les entreprises Graärh entraînaient une pollution sans nom, telle qu’elle provoquait une catastrophe. Une catastrophe qu'à chaque fois les Graärh tentaient de fuir, et à chaque fois la solution ultime choisie ou trouvée était celle de redevenir l’Esprit-Lié à l’origine de cette race. Dans leur monde, les Couronnes avaient échoué, à la fois à convaincre les leurs, mais aussi à mettre leur plan à exécution. Dans l’autre monde, elles avaient réussi, tous avaient été convaincus et il n'y avait plus aucun Graärh là-bas.

Il s’arrêta là dans l’histoire qu’il connaissait. Et tut le fait de comment les Couronnes avaient pu obtenir un tel pouvoir. Les Esprits-Liés ne leur permettraient pas de la divulguer, sans aucun doute, Valmys en était témoin. L’information était trop dangereuse.

Enfin, reprit-il d’une voix basse, une dernière information importante reste à vous donner et qui rejoint celle révélée par l’Aaleeshaan Jh'eena. Belethar Espérancieux avait déjà rencontré il y a longtemps l’essaim des Karapts et leur Reine et il a réussi à nouer des liens avec elle. Nous avons appris que Rog est effectivement parvenu à détourner, non pas un karapt, mais une partie de la colonie. Danalieth, la Reine des Karapts, est parvenue heureusement à en conserver une majeure partie, mais pleure "l'enlèvement" de ses enfants. Elle est disposée à nous aider pour éliminer Rog une bonne fois pour toute et venger la perte de ses enfants, elle a assuré son soutien à Belethar.

Il reprit une gorgée et reposa son verre en un bruit sourd.

Selon moi, nous devons nous préparer, non seulement à subir une attaque et nous défendre, mais aussi à attaquer, pour pouvoir parer à toute situation. Il nous faut non seulement mettre des plans d’attaque et de défense, en parfaite coordination en place, et adaptés à chaque Couronne, mais il nous faut aussi trouver comment pouvoir transporter un grand nombre de troupes d’un endroit à un autre en cas de frappe inopinée des Couronnes.

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Il s’agissait des premiers jours de grandes neiges, à la dixième heure de la matinée. Le soleil de Paadshaïl, une fois de plus d’une pâleur froide et menaçante, dardait un arc tiède dans la tempête et irradiait le poil. Le félin passa sa langue râpeuse sur ses babines, le regard luisant sous un ciel strié d’éclairs.

Non loin du promontoire où il attendait, Cendre-Terre se dressait, plus imposante que dans ses souvenirs. Il ne lui avait pas semblé en effet, lors de sa dernière visite, que la cité soit si proche des forêts. Le navire sélénien, offert par l’empereur pour permettre son voyage jusqu’à l’île, avait accosté dans une baie à la fois plus vaste et plus encombrée que celle qui lui avait permis de s’introduire sur le Maëlstrom de la confrérie, voilà un an de cela. Elle était fréquentée par des marins de tous bords, bien souvent par des navires pirates. Les temps changeaient en Paadshaïl, et la capitale du Royaume Erlië en était la preuve manifeste, le fruit de l’essor vampirique. Le géant opalin fut soulagé de ne pas y rester trop longtemps. Même s’il avait autrefois quelques connaissances à l’intérieur, il y avait fort à parier qu’il n’y était plus le bienvenu.

C’est en vérité aux abords d’une falaise, bien loin des cimes sinistres de Cendre-Terre, que se tenait leur petite assemblée. Des représentants de tous les peuples s’y tenaient, la mine plus grise que le coton calciné des nuages. Asolraahn se doutait qu’il devait avoir une expression similaire. La gravité de l’évènement qui les avait amenés à se trouver tous ici dépassait l’espace d’un simple conflit ou d’une mésentente.

Ces derniers mois, les Couronnes des cendres avaient acquis une réputation de cataclysme ambulant, passant de mystérieux bellicistes à un danger pour l’archipel tout entier. Leurs agissements étaient arrivés aux oreilles d’Asolraahn depuis belle lurette mais jamais aucun d’eux n’était venu en visiteur de la légion. Bien loin des préoccupations des Garals, l’affaire avait néanmoins pris des proportions telles que tous les séléniens leur parvenant par la mer ne cessaient d’en faire le sujet de tous leurs maux. A son retour en Néthéril, Reynagane Shaa avait fait part de ses inquiétudes au Géant opalin. Elle lui avait conté ses nombreuses rencontres, bien souvent mortelles, avec les Couronnes, le pressant d’agir, car l’échec de leur dessein en allait du bien de tous les peuples.

Cette journée sur Paadshaïl serait, Asolraahn l’espérait, le début de leur chute. Il y avait du monde autour de cette table d’exception, et pas des moindres. Des alliés. Et des serpents. La raison de leur présence sur un tel promontoire, loin de la cité, ne tarda pas d’ailleurs à les rejoindre. Tranchant le filet des nuages, la dragonne Keetech Quartzécailles surgit du ciel et se posa d’un battement d’ailes sur la falaise, faisant trembler le sol sous eux. Sur son dos descendait Jh’eena, l’Aaleeshaan des Chasseurs de Smilodons, la fine pertuisane des Garal. Le géant opalin n’était pas étonné de la trouver ici. Son esprit n’était qu’entreprise et aventure, ne pouvait que l’avoir poussé à faire un périple pour discuter guerre et stratégie. En outre, son importance au sein de la légion avait grandi, son influence supplantée de loin celle des autres membres du Conseil Tribal.
Asolraahn la salua d’un ronronnement appuyé, satisfait de la trouver à ses côtés aujourd’hui.

Il leva ensuite son regard sur la tête couronnée de cornes de Keetech et s’inclina en silence. Son regard imperturbable et immobile en laissait entendre plus que de raison. Il était heureux de trouver la dragonne ici pour donner de sa voix aux dragons libres. Sa sagesse et son infinie patience seraient vitales à ces pourparlers. Et pourtant, ses yeux restèrent impassibles. Hélas, son arrivée pleine et entière provoquait également une cruelle absence. Asolraahn avait à la fois espéré et redouté la venue de Verith. Si le dragon fait homme était venu, il lui aurait réservé une place, à sa droite, la seule qui soit digne de lui. Son appui aurait été non négligeable pour affronter les Couronnes. Mais dans son état, une telle apparition aurait sans doute créé plus de confusion que d’ordre. Voire une curiosité mal placée. En cela aussi, il était rassurant de trouver Keetech autour de cette table.

Ils furent très vite accueillis par leur hôte. Le Prince Noir franchit les quelques pas qui le séparait des deux Graärh avec la grâce sibylline des siens. Lorsqu’il posa les yeux sur lui, Asolraahn fut parcouru d’une sensation inhabituelle, une tension relative quoique vive. La silhouette du vampire exaltait une allure aussi sauvage que princière. Son visage dénué des ravines du temps respirait la magie et la nuit. Voici donc Aldaron, le seigneur de ce royaume tant redoutée dans tout l’archipel. Voici donc le vampire pour qui le peuple Trand avait tourné ses armes par méfiance de son règne.
Si Jh’eena eut droit à des salutations polies, Asolraahn répondit aux siennes avec un brin de prudence :

-Salut à toi, Aldaron, lança-t-il d’un timbre sonore. Je suis honoré par l’hospitalité que nous prodigue le souverain du Royaume Erlië. Ainsi que par ta considération. Nos peuples ne sont pas en bons termes, et ton accueil n’en est que plus réjouissant. Car ce qui nous guette ne pâtira d’aucune de nos querelles.

Étrange. Il avait déjà brièvement croisé le vampire alors qu’il n’était pas encore Prince Noir. C’était il y a longtemps, lorsque les licornes avaient frappé Paadshaïl d’une malédiction aussi invisible que funeste. Néanmoins, le ton que prenait le Prince Noir en le mentionnant nouait un drôle d’intérêt à son égard. Etait-ce une petite marque d’attention destinée à le troubler avant leur entrevue ? Un jeu avant le jeu pour ainsi dire. Le Géant Opalin en doutait car les mots du vampire semblaient sincères. Il décida de laisser cela à plus tard. Après tout, voilà que le Prince Noir s’en allait au-devant des autres représentants de la table.

Ce qui laissa à d’autres le soin de se présenter…

-Comme il est plaisant de vous voir sortir de votre île, Asolraahn.

Le Géant opalin se retourna avec une expression macabre :

-Même vous ne restez guère loin des jupons draconiques. Je m’étonne que votre nouveau protecteur ne soit pas là. Sans doute craignait-il que nous profitions de l’occasion pour lancer une offensive éclair. Sachez que mon offre tient toujours, mais si vous veniez à l’accepter, je me verrais contraint de vous briser un genou avant de vous accueillir au sein de mon équipage. Je me demande si le vôtre se ressoudera aussi bien que le mien.

Son attitude de coquet fauteur et sa gestuelle de singe débraillé, toutes provocatrices qu’elles furent, n’hérissèrent pourtant pas le poil d’Asolraahn comme à l’accoutumée. Ce n’était pas l’affaire d’une haine émoussée ou d’un sursaut de sagesse fortuite. Plutôt d’un manque de surprise en quelque sorte. La morgue du pirate était attendue comme la pluie dans une tempête, et ses assauts de verbe touchaient moins justes car ils trahissaient une évidence : L’ombre du Colérique se lovait autour de la légion. Son soutien garantissait un pouvoir, certes extérieur, que même le roi des pirates n’osait affronter. La présence de Keetech Quartzécailles était un symbole vif de cette peur car l’elfe sombre sous ses airs enjoués allait au pas avec elle. Ainsi, que pouvait-il donc faire sinon japper des menaces en l’air ?

A cela s’ajoutait l’étrangeté de l’évènement qui les réunissait. Pour le géant opalin, voir l’Empire et le Royaume Erlië au même endroit tenait du miracle. Alliés comme ennemis et serpents s’étaient rejoint autour de cette table pour une cause plus grande. Le pacte qui se jouait ici provenait de longues années de lutte et de conflits, et aurait des proportions exceptionnelles. Demain, ils affronteraient peut-être un danger allant au-delà de leur querelle passée, leur faisant oublier l’espace d’un instant le sang versé entre eux. Cependant, derrière les discours et les démarches polies, le Graärh en Asolraahn ne distinguait nul amitié ou liens fraternels dans cette réunion. L’absence physique de l’empereur en était un témoignage flagrant. Que l’un des camps fasse preuve de faiblesse, qu’une faction montre seulement un mauvais signe et les crocs voisins se retrousseraient aussi vivement qu’une lame tirée. Le géant opalin n’appréciait guère cette attitude de faux que lui-même endossait. En ce sens, Nathaniel avait à son égard l’attitude la plus authentique qui soit. Au milieu de ce tableau et bien qu’irritante, son odeur parvenait à garder Asolraahn sur un terrain familier, celui d’un guerrier lançant un quolibet à un autre. Elle le gardait conscient de la fragilité d’une telle alliance. Ainsi, c’est avec le mépris du guerrier qu’il répondit spontanément au pirate :

- Nathaniel Earendil, le bouffeur d’agrume. Prince des Mensonges. Car c’est bien pour cette tare que l’on te loue et l’on t’attribue un titre. Ton absence en Néthéril se fait agréablement ressentir. Mais si l’envie te prend de passer un genou ou une main, viens donc traîner ta face de petit elfe dans ma demeure. Ramène ta masse d’armes et tes sortilèges si tu me crains. Si tu es en plus froussard, attend que la lueur de mon feu se soit éteinte et franchis le seuil discrètement. Nul ne t’annoncera : c’est inutile, car je tiens table ouverte.

Voyant le Sainnûr sombre s’éloigner, Asolraahn décida que leur quolibet devait s’arrêter là. Sa colère, bien que passagère, ne devait pas le retrancher loin de leurs objectifs. Il s’installa dans un siège, se laissant le droit de ne pas jouer au chat et à la souris avec le roi pirate. Il était évident qu’il ne valait mieux pas d’une proximité trop physique entre eux. Asolraahn était peut-être las de ses provocations mais il y avait des limites.
Vint alors à apparaître une image éthérée de l’empereur Claudius en personne. Le félin ne put qu’être réjoui de le trouver à leurs côtés :

-Salutations, Claudius de Havremont, dit-il en insistant sur son nom entier pour l’honorer à la façon des Graärh. Tu réjouis les Esprits, cette assemblée et moi-même par ta venue ici.

Le Conseil prit enfin place. En maître de cérémonie, ce fut le Prince Noir qui le premier prit la parole, annonçant le début de leur sommet. A la mention de son duel avec la cheffe de Vat’Em’Medonis, Asolraahn ferma les yeux le temps d’une prière adressée aux esprits. Illidim avait été son Aaleeshaan pendant de longues années. Sa mort sonnait comme le glas de la légion de Paadshaïl. Dans cette nouvelle, le félin ne recueillit toutefois qu’une simple tristesse teintée d’amertume. Comme si le souvenir de cette ancienne vie s’était étiolée à travers le temps et les tribulations de ses autres vicissitudes. Les Trands demeuraient pour lui une grande préoccupation. Hélas, leur sort devrait attendre car un plus grand danger les menaçait tous.

Le géant opalin écouta ainsi non sans intérêt les renseignements de chacun des représentants de l’assemblée. Peu à peu, leur ennemi prit un visage, son origine une forme, son dessein, un objectif plus clair. Et plus alarmant. Asolraahn contempla l’assemblée au complet. Il hocha la tête avec un grognement. Quel drôle de tribulations que celle les liant tous aujourd’hui, à éprouver tant d’incertitude et de peur pour un si lointain passé. Si l’histoire des Couronnes des Cendres lui était familière, et que Reynagane Shaa lui avait dressé un tableau saisissant de la situation globale, ce furent dans ces récits et témoignages qu’Asolraahn découvrit de quoi ces Graärh étaient faits. Lui qui n’avait jamais croisé la route de ces vagabonds apprit qu’en plus de semer la terreur, ceux-ci s’improvisaient également chasseurs de reliques, dresseurs d’insectes, voleurs de magie, et plus encore… Le félin réprima un rictus troublé. En dépit de leur cœur dévoré par l’ambition, ces êtres inspiraient la crainte sur chacun des peuples. Il y avait de quoi être impressionné. Et en apprenant combien leur pouvoir était grand, Asolraahn ne fut pas surpris que même leur alliance soit régie par le doute.

La question du roi pirate laissa soudain planer un doute sur la loyauté de la légion. Elle fut posée sur un ton si vindicatif qu’Asolraahn tiqua, et ravala visiblement la riposte trop vive qui lui venait à l’esprit. Il laissa donc Jh’eena répondre au nom des Graärh, et cela lui convint.

La parole d’Ilhan Avente à l’inverse jeta une autre lumière clairvoyante sur leurs motivations ainsi que sur leurs capacités. Asolraahn fut heureux de le trouver à leur côté. Lui qui avait déjà apporté son aide au géant opalin fut une fois de plus riche de renseignements au sujet de leur proie. Sa stratégie révélée, le félin n’eut pas le luxe de maudire les esprits en entendant le rôle que l’alchimiste des pirates aurait à jouer dans cette affaire. Du moins, il savait que ce Demens était compétent. Il l’avait déjà vu à l’œuvre dans bien trop de mésaventures, et leur expédition face au licorne s’était montrée d’une grande réussite en partie grâce à lui.

Lorsqu’il eut terminé son discours, Asolraahn l’appuya sans hésitation :

-Ce que dit Ilhan est censé. Dans une bataille, le nombre ne prévaut pas sur les aptitudes de ceux qui avancent au combat. Devant l’étendue de leur pouvoir, aucun contingent de soldats, fussent-ils entraînés, ne sera un obstacle pour les Couronnes des Cendres. Pas même une diversion. En outre, ce que nous gagnons en effectif, nous le perdons en agilité. (Il attira leur attention sur une évidence) Une armée doit s’installer, vivre et se nourrir. Je ne vois pas comment nous pourrions pourvoir au besoin de plusieurs troupes. A en juger par notre future trêve, je dirais que le pillage est exclu. Et même si nous apportions des provisions, combien de temps userait la patience des Couronnes des Cendres ? Elles ont attendu des siècles pour voir leur quête s’accomplir. Elles attendront bien quelques mois, le temps que notre problème d’intendance devienne insoutenable.

Le félin leva les pattes en signe de résignation :

-Le succès de notre affrontement devra venir d’ailleurs. Paralyser leur pouvoir serait déjà un début. Je ne crois pas que les Esprits-liés nous tiendront rigueur de couper leur influence sur des êtres qui désirent bouleverser leur plan d’existence. Du moins pas tous. Pour ma part, les prévarications m’atteindront quand elles auront mérité mon attention. Cela devra attendre la fin de cette crise. (Il leva une patte, avec la fermeté de celui qui énonce un fait) Nous devons compter sur nos atouts, et sur leurs faiblesses. Nous connaissons la source de leur pouvoir. Nous savons aussi ce qui les intéresse. Retournons la première contre eux, usons de la deuxième pour les piéger.

Il était en effet plus simple d’aller au-devant d’un tel ennemi en sachant que l’un ne tirait son pouvoir que d’esprits-liés versatiles et l’autre d’une dague de ritualiste. Le moyen pour rompre leur pouvoir, qu’il soit juste ou amoral, n’était désormais plus une réflexion mal placée mais un impératif contraint. Le géant opalin poursuivit sa réflexion :

-Gageons que de par leur expérience, Rog et Laalach se sentent en confiance face à nous. Leurs récents accrochages leur ont montré qu’en dépit de notre résistance, nous ne pouvons pas tous les vaincre par la seule force brute. La témérité que nous portons en notre cœur est une entrave bien trop fragile pour leurs manigances. Les stratèges autour de cette table ne connaissent que trop le fil de ma pensée : quand un ennemi subit trop de revers, le moral s’affaisse et le doute l’envahit. Il n’est alors plus l’heure de consolider une manœuvre ingénieuse mais de profiter de l’avantage gagné. C’est ce que les Couronnes des Cendres doivent penser. Désormais elles touchent au but d’une histoire dans laquelle elles ont été les innommables réprouvées des siècles durant. Leur hardiesse dans cette ultime entreprise n’en sera que plus marquée. Je pense qu’elles ne frapperont pas simultanément sur plusieurs fronts comme à l’accoutumée, mais à l’unisson sur une seule cible pour prolonger leur avantage. Nous ne pouvons permettre cela. Il nous faut les séparer. C’est à ce jeu-là que nous les aurons.

Il laissa ses interlocuteurs murir ses paroles. Nul doute que ceux ayant déjà croisé leur ennemi aurait d’excellentes suggestions à mettre sur la table. Lui-même n’avait que des on-dit et ne touchait que l’esquisse d’un plan. Ces Couronnes des cendres, par bien des aspects, lui rappelaient les chasseurs félins de son ancienne légion : furtifs, véloces, capables de sacrifier l’un des leurs car la cause primait sur les membres de la tribu. Il ajouta en signe d’avertissement :

-Chez nous les Trands, il est un dicton : celui qui voyage finit sur le sentier des armes, et le guerrier est donc celui qui va vers l’avant. Que cela vous éclaire sur notre art de vivre. Nous méprisons les prudents et les tièdes, nous préférons ceux au poil vif ou robuste. Nous n’avons que faire des poltrons et des lambins. C’est pourquoi tant de nos petits meurent dans notre légion. Parce que leur faiblesse est comme une blessure qui pourrait gangrener tout le corps. Derrière notre tristesse, nous acceptons les conséquences de cette fatalité, pour que demeure notre force. Rog et Laalach sont liés par un destin similaire. Leur union les rendra plus puissant. Mais leur solitude ne les abattra pas pour autant. En vaincre une ne fera que galvaniser l’autre à vaincre. Dès lors, nous n’avons pas le choix. Nous devons combattre les deux Couronnes et les vaincre à leur propre jeu. Marchons à leur rencontre, découvrons leur position. Faisons de l’Archipel le théâtre d’une chasse hors du commun, une Chasse Royale, afin de renvoyer ces Graärh dans l’oubli.

Il laissa à dessein planer le silence pendant quelques instants, laissant à chacun le soin de mesurer les nécessités d’une telle action. Ils avaient aujourd’hui grand besoin d’un plan et de ruses concrètes :

-La moindre hésitation ne nous est plus permise, proféra-t-il, mais on ne peut pas non plus se jeter tête baissée dans la gueule du loup. Jusque-là, ce sont les Couronnes qui ont jugé du lieu et du moment où elles apparaissent. Aujourd’hui, c’est à nous de les attirer. Rog me semble être une cible facile pour lancer notre battue. Son goût pour les insectes est peut-être ce qu’il nous faut pour l’attirer dans un traquenard duquel il ne pourra pas s’échapper. (Il se tourna vers Ilhan) Vous avez dit que l’un de vos confrères, un dénommé Belethar, était entré en contact avec les Karapt de Néthéril. Rog a enlevé bon nombres de ces créatures à leur reine si ma mémoire est bonne. Pourrait-il les convaincre de faire diversion auprès de lui, de jouer de leur présence révélée comme d’un leurre pour l’appâter ? Si le jeu en vaut la chandelle, si les insectes dont Rog raffole comme d’une armée se trouvent en nombre et disposés de part et d’autre d’un lieu isolé, nous pourrons l’amener à se rendre là où nous lui tendrons une embuscade.

Il laissa ses mots en suspens, jugeant inutile d’en dire plus. Il était conscient que cela pouvait tout aussi bien être un coup de bâton dans l’eau. Ce subterfuge ne serait efficace que si Rog jugeait utile de récolter de nouvelles recrues, ce qu’Asolraahn supposait être vrai. Mais il ne fallait pas que cette suggestion leur fasse perdre de vue la véritable place à défendre. Car leur sort était lié à celui de cette île et Paadshaïl se trouvait dangereusement exposée.

description[RP Capital] Personne ne sera épargné EmptyRe: [RP Capital] Personne ne sera épargné

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Lorsque les faits furent posées, Aldaron reprit place dans son siège, entendant la voix de Keetech résonner dans sa tête en une question qui les tournait vers l’objectif. Pour combattre un ennemi, le connaître était la meilleure des clés de lecture. Nombreux étaient ceux qui empruntaient la hache plus que de la réflexion et certains réussissaient. D’autres tombaient et eux, ils n’avaient pas le loisir de commettre une erreur. Les conséquences en seraient dévastatrices et tous les peuples dont les représentants étaient assis à cette table n’avaient pas besoin de cette affliction complémentaire.

Etonnamment, ce fut Nathaniel qui apporta des réponses pragmatiques, non sans, évidement, se lancer autant de fleurs qu’il en avait l’occasion. L’humilité s’accommodait d’être le cadet de ses soucis, mais le sainnûr en avait pris l’habitude. Pour être honnête, il considérait que c’était le moins pire de ses défauts. Il allait sans dire qu’il termina un discours par quelques graines de la discorde, saupoudrées sur ses invités. Le Prince Noir le darda d’un regard patient avant de lui adresser télépathiquement : *Tu t’améliores.* Un constat, pragmatique. Il n’était pas si loin le temps où Nathaniel aurait prononcé bien pire que cela, juste pour le plaisir d’énerver autrui. Le prince Noir avait le verbe assez claquant quand il s’agissait de remettre en place les idiots. Il était bon aussi de souligner quand quelque chose avait été fait plus adroitement qu’à l’ordinaire.

La réponse de Claudius ne tarda guère et le Prince Noir ne manqua pas d’arquer un fin sourcil, le visage droit et l’expression froide lorsque Claudius porta un regard appuyé sur Nathaniel et lui. Une lueur rougeoyante traversa ses pupilles vertes comme l’émeraude, signe de la présence de la sanguinaire Licorne qui sommeillait en lui, et qui le mettait au défi de lui raconter sa petite histoire contemporaine impériale. Il le mettait au défi d’un récit aussi larmoyant qu’il le sous-entendait où il ne manquerait pas de placer son peuple comme victime des méchants vampires et du vilain Marché Noir.

Devait-il lui conter l’histoire contemporaine de la Nuit ? Celle où un peuple conciliant à l’idée d’abandonner ses anciennes pratiques barbares avait accepté de vivre avec les autres peuples et de cesser d’être les prédateurs que leur nature maudite par les déesses les imposait d’être, avant que leurs finances soient saignées à vif par le Commerce Ecarlate qui les avilissait et que Sainte Morale en Armure Blanche les contraignent de ne pas flancher. La dette vampirique avait étrangement moins fait parler d’elle que la dette Sélénienne. Il fallait avouer que l’histoire d’un complot secret était plus vendeur que d’admettre avoir collectivement poussé les vampires à crever de faim pour se satisfaire de les blâmer lorsqu’ils montreraient inévitablement les crocs.

Le regard qu’Aldaron adressait à l’Empereur l’enjoignait silencieusement à mettre un terme à ses propos. Il ne verserait pas de larme pour les Humains. Fort heureusement, Claudius poursuivit sur d’autres horizons. Ce fut à Jh’eena de prendre la parole en une position qu’il trouva indiscutable : les graärh se battraient car il en allait de leur survie. Quant à Caladon, Ilhan confirma que les Cités Libres seraient aussi présentes. Il semblait que les destin les réunissent tous à nouveau, dans une bataille qui serait hélas tout aussi sanglante que les précédentes. Les mires posées sur son fils althaïen, Aldaron trouvait amusant de ne pas être le seul membre de la famille à avoir pactisé avec la piraterie en ayant une vision du monde un peu moins puérile et moralisatrice. A la différence d’Ilhan, le Prince Noir ne présenterait aucune excuse pour cela. Le monde n’était pas de noir ou de blanc.

Enfin, ce fut à Asolraahn de prendre la parole et de proposer des plans d’attaque. Le puzzle commençait à se compléter, chacun y apportait, à sa mesure une pièce. D’autres essayaient d’en placer une mauvaise en la positionnant et en essayant de voir comme elle pourrait rendre. Les deux pistes étaient bonnes : autant les réussites que les échecs, cela faisait avancer. « Il serait malvenu de confondre l'assurance et la détermination, Alsolraahn. Rog et Laalach sont doté d’une détermination sans faille : Verith et moi-même avons réussi à les contacter grâce à la télépathie afin de comprendre leur projet et essayer de trouver un terrain d’entente. Ils ne recherchent aucun compromis. Ils sont déterminés mais ils ne sont pas aussi sûrs d’eux-mêmes qu’ils l’ont été. Ce que vous dites d’eux était vrai au lendemain de l’attaque contre le Domaine mais cela n’est plus la réalité.

Les Couronnes de Cendres ont tenté de rallier Udyog à leur cause, nous les avons contrecarrés. Lolupata a tenté d’attaquer Althaïa et il y a trouvé la mort. Rog a commis l’erreur de croire qu’ôter la vie de mes enfants serait sans plus de conséquences que d’ôter toute autre vie en ce monde et il a perdu trois Esprits-Liés… Ceux-là même qui lui permettaient de se soigner, de soigner les siens et de les ramener à la vie, qu’importe le nombre de fois où ils tomberaient. Aujourd’hui, ils savent que leur chute ne sera plus un simple coup dans l’eau. S’ils échouent, ce sera fini pour eux. Ils vont être prudents et méthodiques. Ils sont déterminés, oui. Mais assurés, ils ne le sont plus. S’ils l’étaient, ils se seraient rendus à Licorok pour arracher à l’Arbre-Songe le cœur qu’il garde, pendant qu’il n’y avait que les Licornes et moi pour les affronter. Ils ont préféré rassembler leur forces et une armée prise aux Karapts et monstrueusement déformée par les pouvoirs que la Lucane confère à Rog. C’est une sage et prudente décision. Ce n’est pas la décision d’une personne galvanisée par ses dernières victoires. Cette prudence pourrait l’éloigner des pièges que nous pourrions lui tendre. »


Il marqua une pause avant d’ajouter d’une voix grave : « J’ai perdu quatre de mes enfants, Asolraahn. Peut-être que pour des Trands, cela représente peu de chose, mais il est des personnes pour qui cela compte. Si j’avais la responsabilité de choisir pour l’avenir des enfants qu’il me reste, je déciderai de ne pas les envoyer au front. Je les protégerai. Je pense que Danalieth, la Reine, verra notre demande de la même manière. Elle ne pourra pas sauver ses enfants perdus. Rog en a probablement déjà fait des monstres à l’heure qu’il est : il serait tout à fait naturel qu’elle chérisse ceux qui lui restent. Toutefois, peut-être que sa douleur appellera la vengeance. » Comme la sienne. Il donnerait beaucoup pour le mettre à mort. « Dans ce cas, il sera bon de connaître sa position. Je trouverai plus juste de l’inviter à combattre à nos côtés que de lui proposer de supporter seule le poids d’une embuscade. Prenons nos responsabilités et cessons de faire peser sur d’autres le poids de cette bataille. » S’il était possible de se débarrasser de Rog ainsi, il l’accepterait volontiers. Il doutait néanmoins que Rog tombe dans un tel guet-apens… Mais au fond, personne n’était à l’abri de faire quelque chose de stupide : l’Histoire l’avait hélas prouvé maintes et maintes fois.

« Il est un point qu’il me faut porter à votre connaissance et qui devrait résoudre quelques demandes… Logistiques. Rúmil Elenvir, dont parlait Ilhan, est une brillante intellectuelle du Royaume Elfique qui a rejoint les Erlië en juillet dernier. Elle était présente lors de l’expédition où nous nous sommes fortuitement retrouvés, Jh’enna, il y a presque deux mois. C’est elle qui est repartie avec le portail trouvé sous la glace et qui l’a ramené jusque Cendre-Terre où un autre portail, trouvé à Keet-Tiamat cet été, avait déjà été ramené. La confrérie avait également trouvé l’un de ses portails sur Netheril. Celui-ci communique avec le portail trouvé sous la glace et permet, en le traversant de passer de l’Île du Crépuscule à Cendre-Terre, et vice versa en un claquement de doigts. » Ce qui, dans un besoin immédiat de force de frappe était un atout considérable. S’il expliquait cela d’une façon pédagogue, il n’en demeurait pas moins vrai qu’Aldaron pesait parfaitement le poids politique de cette affirmation. Attaquer les Erlië ou la Confrérie serait se retrouver immédiatement avec es deux factions sur le dos. A bon entendeur…

« Il existe un quatrième portail : il se trouve sous Calastin. Une expédition souterraine menée notamment par la princesse et dragonnière Ataliel avait fait la découverte de celui-ci. Hélas, l’endroit s’est éboulé après avoir laissé passer la Peste de Corail qui a ravagé le Royaume Elfique. Néanmoins, il doit pouvoir être possible de l’activer tout de même. Pour un mage, il sera possible de relever les pierres de l’autre côté et de sortir le portail de ses décombres. Avec Rùmil, nous envisagions de le faire et d’offrir ce portail à l’Alliance des Cités Libres pour qu’il soit placé provisoirement à Cordont et que Calastin puisse l’emprunter pour rejoindre Cendre-Terre une fois l’alerte d’une attaque lancée. »

Il marqua une pause, à nouveau, songeant que cela lèverait quelques freins, même si cela n’apportait pas de solution pour les habitants de Néthéril qui devraient soit séjourner sur Nyn-Tiamat, soit à proximité des deux autres portails. « Pour ce qui est des vivres, les Erlië en mettront à la disposition de ceux présents sur l’île gelée, s’ils sont dans le besoin, dans la limite de ce qui nous sera possible. Si tu aimes fredonner quelques complaintes sur les sévices subis par ton saint peuple de martyrs pour obtenir des grâces, Claudius, il me faut te rappeler qu’il n’est guère le seul à avoir souffert et que ton peuple n’est pas qu’un innocent agneau sacrifié. Il est certain que cela sera moins gratifiant que d’affirmer que les moyens militaires de ton armée impériale ont toujours été considérables, mais si tu n’as guère les moyens de l’entretenir, peut-être devrais-tu viser un peu plus petit. » Il était amusant de voir combien, en quelques phrases rapprochées, l’Empereur s’était vanté de la taille de sa grosse armée puis avait mendié pour être capable de la mettre en œuvre. Les Erlië n’allaient pas mieux et gardaient la tête haute, quand bien même ils subiraient cette attaque de plein fouet. Et pour quoi ? Pour avoir offert une issue possible en rendant les Couronnes de Cendres mortelles.

D’une main, il désigna la cité qu’on voyait plus à l’ouest du belvédère. « Regardez Cendre-Terre. Regardez ces murs, ces bâtisses. Regardez bien cette capitale car c’est probablement la dernière fois que vous la verrez debout. Dans un jour, une semaine, ou peut-être un mois, il y aura ici un tas de ruines fumantes, dévastée par des insectes déformés et embrasée par les combats. Regardez Licorok, ses sapins et ses cimes dressées vers le ciel. Dans un jour, une semaine, ou peut-être un mois, il y aura ici des branchages incandescents rendant leur dernier souffle dans les cendres. Ce que vous voyez ici est éphémère. Il n’en restera rien. Ce ne sera pas qu’un quartier de Sélénia, tout mon Royaume est ici. Nous serons tous usés, toutes les factions mais principalement la mienne parce que j’ai rendu les Couronnes de Cendres mortelles et que le trésor qu’elles recherchent se trouve à Licorok. M’as-tu vu verser une larme, Claudius ? M’as-tu entendu gémir du sort des miens ? Jalouser l’or que je n’ai ? Craindre d’imaginaires tentatives de conquête de mes terres ? Et ce, alors que la survie des miens et celle de ceux que tu appelles ‘tes amis graärh’ sont menacées d’extinction ? »

Il sentait de la colère, en lui, mais ce n’était pas la sienne. Lui, il avait parlé d’une voix grave et posée, quoiqu’un tant soit peu tranchante. Ce qui bouillonnait en lui n’était pas de lui. « Sors. » souffla-t-il, mais il ne parlait plus à Claudius, bien qu’il le regardât. Le fin éclat rougeoyant quitta ses prunelles et la forme éthérée d’une imposante Licorne s’extirpa de lui, dans son dos, pour se dresser à ses côtés, brièvement, avant de disparaître. Apaisé, sans présence, le Prince Noir reprit : « Je pense que les Couronnes de Cendres ne se laisseront pas avoir par un guet-apens. Je pense que cette guerre aura lieu ici. Traquer en petit groupe Rog ou Laalach serait finir comme l’expédition que nous avons mené Jh’eena et moi, sur Nyn-Tiamat. Nous ne tiendrons pas et nous aurons dispersés nos forces alors que seule la protection de l’Arbre-Songe compte. C’est leur seul objectif, le seul appât vers lequel ils iront. Ce que vous indiquez Asolraahn, au sujet des Couronnes qui attendent que nous manquions de vivre n'adviendra pas, car nous ne sommes pas en état de siège. Des ressources nous en avons et nous pouvons en faire venir. Ils n’attendent pas que nous soyons faibles. Ils attendent d’être prêts, eux.

Lors de la bataille, nous devons les priver de leurs forces, à savoir leurs Esprits-Liés. Laalach grâce aux travaux de Monsieur Torqueo et Rog en détruisant la dague forgée par Udyog. Nous devons monter deux unités, une pour chacun de ces deux objectifs primordiaux. Et nous devons monter une armée, en parallèle, qui aura pour objectif de défendre la forêt et de gagner du temps, d’occuper l’ennemi pendant que nous accomplissons ces deux autres missions primordiales.

Ilhan a raison : je ne peux approcher Laalach. Je suis probablement l’une des personnes les plus puissantes de cet archipel, après les Cawr et les dragons. »
Si Nathaniel aurait pu affirmer ce genre de chose par vantardise, Aldaron l’affirmait par pragmatisme : il savait combattre, il maniait l’arc avec talent, il était un meneur charismatique, mage d’exception et dragonnier. A cela s’ajoutait son lien avec l’Arbre-Songe et les Licornes. Cela faisait beaucoup. « Et de tous les combats que Rog a mené, je suis le seul qui ait représenté une menace suffisante pour qu’un Esprit-Lié décide d’agir en ce monde. » Là aussi, il était pragmatique. « Si je m’approche à nouveau de lui, je risque de pousser la Lucane à intervenir à nouveau et il est préférable que les Esprits-Liés n’entrent pas dans ce conflit. J’assurerai la défense de mes terres et de celles de l’Arbre-Songe avec les Erlië et les Licornes. Les armées qui se joindront à moi devront désigner un représentant auquel je pourrai me référer. Mes Généraux ont établi des points stratégiques de surveillance et de campement des armées, afin de couvrir Licorok, Cendre-Terre et Hurle-Vent qu’ils pourront partager avec vos maîtres des armées. Il restera à monter les deux unités de frappe spéciale pour l’empoisonnement de Laalach et le vol de la dague de Rog… Si quelques-uns d’entre vous s’en sentent les capacités. »

Du reste, ils semblaient avoir fait le tour de la question. Le plan se dessinait en trois actes. « Quant à l’après-guerre, pour ceux qui seront encore de ce monde… » Non pas qu’il soit pessimiste, mais il y aurait indéniablement des pertes colossales. « Il faudra se reconstruire. En nombre autant qu’en force. Pour nous qui venons d’au-delà de l’océan, la guerre et la destruction ont été notre quotidien et même ici, les chimères et les couronnes de cendres ont poursuivi cette œuvre. Nous bâtissons des maisons pour les voir être détruites. Nous mettons au monde des enfants pour les voir mourir. Nous mettons sur pieds des projets pour les voir être balayés. Sans cesse, depuis plus de dix ans alors… Dix ans, c’est au moins ce qu’il nous faudra pour nous relever véritablement, pour redonner la vie à nos civilisations au bord de l’effondrement. Même la plus prospère des cités porte un deuil. Dix ans, c’est le temps de la trêve que je vous propose lorsque nous en aurons fini avec les Couronnes de Cendres, quel que soit l’issue de cette bataille. »

Il posa son regard sur Claudius : « Dix ans sans guerre, ni conquête. » Ses yeux allèrent sur Nathaniel. « Dix ans sans pillage. » Il était sincère lorsqu’il pensait qu’il s’agirait d’une bonne chose pour le gredin. Nathaniel avait Keet-Tiamat et la Cité d’Althaïa. Les deux étaient prometteurs et n’avaient pas besoin que les navires marchands souffrent de ses affres. La Confrérie devrait changer et Aldaron et Nathaniel en avaient déjà parlé. Il ne lui réclamait pas de mettre un terme à l’esclavage ou au marché illégal à Althaïa, mais aux agressions de navires ennemis à venir. Son regard alla vers les graärh : « Dix ans sans représailles, sans libération de vos frères et sœurs à Keet-Tiamat ou ailleurs autrement que par des négociations. » Il vint à conclure : « Dix ans de statut quo, où ce qui est pris est pris et où ce qui est à prendre ne devra être saisi par la force. Dix ans sans les armes. Dix ans pour revenir à la vie. Dix ans d’une paix… Beaucoup rêvent de cela. »

Aldaron pas tant. La paix, c’était pour les idéalistes. En dix ans, Aldaron savait que beaucoup ne supporteraient plus de ne plus prendre à autrui, de regarder les terres voisines sans pouvoir les conquérir, de regarder les injustices commises chez les autres sans avoir le droit d’intervenir par le tranchant d’une épée. Mais ils se rendraient compte de combien la paix était bien pire que la guerre car la guerre offrait un sentiment, même factice de puissance, de capacité, de possibilité là où la paix n’était qu’impuissance dans les mots étaient entendus par des sourds. Aldaron n’aimait pas cette trêve, même si elle était nécessaire, mais il s’en accommoderait. Qu’étaient dix ans dans la vie d’un éternel, si ce n’était une opportunité de voir les choses sous un autre angle ? « Il est temps que nous écrivions une autre page de notre histoire. »

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Sitôt installée, Quartzécaille offrit son attention à l'assemblée et se désintéressa du seul vaurien qui siégeait à ses côtés. Elle en avait assez entendu, un instant plus tôt, pour ne lui proposer que son indifférence, à défaut de son mépris. Et, si d'aventure, ce dernier devenait trop nuisible, peut-être pourrait-il faire un tour dans l'estomac de Lokapala - à défaut d'un autre terme - pour se calmer un peu.

Toutefois, la dracène se rendit rapidement compte de l'utilité du pirate. Sa propension à se jeter des fleurs agaçait Keetech, bien entendu, mais Nathaniel et les siens étaient parvenu à neutraliser l'une des Couronnes. Et les informations qu'il possédait sur les deux dernières encore en vie permirent à la dragonne de mieux comprendre leurs adversaires. Sans aucun doute, n'était-elle pas la seule à boire - en quelque sorte - les paroles du vaurien, car ce dernier ne fut coupé en aucun cas par les membres de l'assemblée.

Et si Rog ainsi que la Lucane n'effrayait pas la dracène, ce n'était pas le cas de Laalach. Si ce dernier était effectivement capable de copier les forces de ses adversaires, il y avait tout intérêt à ne pas lui opposer quelqu'un de trop puissant. Voir un dragon. Une pensée que Keetech partagea avec le forban dont elle croisa le regard un court instant.

Le reste des paroles de Nathaniel se perdirent quelque peu. La politique bipède intéressait moins Quartzécaille. Bien qu'elle écouta d'une oreille, elle songeait également à la position qu'elle pourrait tenir dans le combat à venir, mais également à celle que les autres Dragons pourraient avoir. Concernant les Liés, il y avait peu de doute à avoir : ils seraient avec leur moitié. Restait donc sa famille. Ses propres enfants, sa petite fille et son mâle… Et rien n'était moins incertain que la position de Verith. Quant à sa progéniture, Keetech ne souhaitait pas les voir combattre. Sans doute le voudraient-ils, mais la dracène n'était prête à prendre le risque de les perdre, surtout pas les deux plus jeunes.

Revenant à la discussion, c'était au tour de l'empereur humain de se faire entendre. Keetech n'était pas réellement intéressée par les considérations financières de l'empire Sélénien. La monnaie était une notion inutile pour les dragons. Les siens ne combattaient certainement pas pour quelque chose d'aussi triviale. En revanche, elle pouvait entendre que cette armée devait être nourrie et que pour cela, chaque nation allait devoir y mettre du sien. Et pour terminer, la dernière condition de Claudius était très sage, ce que Quartzécaille approuva. Penchée au-dessus de la table, elle toisa les dirigeants avant de hocher doucement la tête. Bien que le mouvement fut impressionnant vue du dessous, il ne représentait aucun danger.

— J'appuie le propos de l'Empereur Humain, l'heure n'est pas à la dissension. Si traité de paix il y a, je propose d'ors et déjà d'en être la gardienne.

De sa hauteur, Keetech toisa la table. Tandis que Jh'enna approuvait à son tour, Quartzécaille laissa ses paroles flotter dans l'air. Elles pouvaient être prises aussi bien pour des menaces que pour la simple garantie d'un gardien impartiale et capable de raser une armée d'un mouvement de la queue, si l'une des parties en présence ne jouait pas le jeu. De quoi maintenir tout ce petit monde tranquille pendant un moment.

Suite à cela, ce fut au tour d'Ilhan Avente de prendre la parole. Les informations rapportées par ce dernier venaient en complément de ce qui avait déjà été discuté et mettait sur la table un allié de poids en la personne d'une autre Couronne. Si Keetech restait méfiante, elle n'en touchait mot et laissa le Sannûr poursuivre.

Vint ensuite Asolrhann, que Keetech couva d'un regard plus doux. Le Graärh avait gagné sa confiance et son respect depuis longtemps. En revanche, elle n'était pas certaine vis à vis de ce qu'il proposait. Toute mère qu'elle était, Quartzécaille se mettait facilement à la place de cette Reine Karaps. Et elle n'était pas certaine, même face à un si grand danger, de souhaiter mettre en péril la vie de ses enfants. Une pensée partagée par Aldaron, qui vint l'expliquer avec gravité. À moins, en effet, que la vengeance soit plus forte dans le cœur de cette mère. Auquel cas, ils pourraient sans douter compter sur elle et ses nombreux enfants.

— Je connais bien Netheril. Je pourrais, avec le Gardien du Domaine, me rendre auprès de la colonie Karaps. D'une mère à une autre, il sera sans doute plus aisé de se comprendre mutuellement.

Laissant Aldaron poursuivre, la dragonne se pipa mot. Encore une fois, la logistique humaine n'était pas de son ressort. Ni leur querelle, tandis qu'ils s'envoyaient des piques.

— Les attaques sur Rog et Lalach souffriraient de la présence d'un dragon aussi imposant que moi, fit Keetech. Était-ce une plaisanterie de sa part ? Le ton semblait trop léger, ou ses paroles trop évidentes pour qu'elle soit tout à fait sérieuse. Et si le cœur d'un dragon se dissimule entre les racines de l'Arbre Songe, il me semble tout indiqué que c'est là que sera ma place, voir celle des miens.

Revint ensuite la question d'un traité de paix. À la proposition de Claudius, Aldaron venait proposer une durée. Dix ans n'étaient pas grand-chose pour les dragons, ou même pour les vampires et les sainnûr. En revanche, c'était une durée considérable pour les mortels. Peut-être profiteraient-ils d'un tel laps de temps pour se tourner vers l'horizon. Il n'existait pas que l'archipel, l'ancien continent ou le continent sauvage. Il y en avait certainement d'autres, au loin, pour apaiser la soif de découverte et de nouveauté des bipèdes.

— Voici de sages paroles.

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Paix ?

Nathaniel prenait un malin plaisir à titiller ses interlocuteurs à l'aide de sa verve empoisonnée, cherchant à appuyer là où ça fait mal, à déstabiliser ceux à qui il s'adresse ou encore à susciter une réaction de leur part. On aurait presque pu croire que le roi des forbans cherchait à faire saboter ce sommet en ne faisant pas preuve de la diplomatie nécessaire à ce type de situation. Bien sûr ce n'était pas le cas, mais le Prince des Mensonges ne pouvait tout bonnement pas s'en empêcher, souhaitant tester les limites de ses interlocuteurs et à s'en amuser. Si ces derniers décident de se taire ou de l'ignorer, Nathaniel n'y verrait pas là un signe de maturité, mais de faiblesse. À l'inverse, si ces derniers décidaient de lui répondre, alors que gredin en tirerait un contentement en les amenant à jouer son jeu. Tous décidèrent d'ailleurs de lui répondre pour son plus grand plaisir.

Ce n'est que lorsque les salutations furent passées et que la réunion commença que le Sainnûr sombre fit preuve d'un sérieux que ceux qui n'étaient pas son allié ne lui connaissaient pas. Le gredin entra dans le vif du sujet en répondant à l'interrogation de la dragonne d'orage. Bien entendu, tout pirate qu'il était, il ne put s'empêcher de fanfaronner et provoquer les membres de la tablée. Si le forban avait su orienter la discussion sur les capacités des ennemis et les forces à dispositions pour les contrer, voilà que l'empereur Havremont décida de réorienter les échanges vers un sujet qui l'arrangeait sans doute bien plus : la paix. L'Eärendil arqua un sourcil en entendant la proposition de son ancien collègue. L'empire avait du culot de réclamer la paix en échange de son implication, mais le roi de la confrérie ne pouvait le lui reprocher. Claudius ne disposerait sans doute pas de meilleur moment pour négocier que cet instant. Et cela en surprendrait plus d'un, mais le gredin était d'accord avec l'humain malade. Du moins, d'accord du moment que lui-même pouvait y trouver son compte. Mais pour le moment, le Sainnûr sombre demeura silencieux, se contenta d'user de ses talents de comédien pour afficher une mine désapprobatrice à cette demande de paix. Mieux valait faire mine d'être fermement opposé pour au final accepter la proposition en échange de concession du camp d'en face.

Sans surprise, les graärh s'allièrent à la proposition de l'Empire. Après tout, c'était bien là la marque des faibles de demander au fort d'arrêter de le frapper. Nathaniel attendait la réponse du Royaume Erlië, son allié direct, et de l'Alliance des Cités Libres, un allié indirect en quelque sorte, avant de donner l'avis de la Confrérie. Sans surprise, Caladon, et donc l'Alliance, était en faveur d'un traité de paix. Malgré sa force, elle était, au vu de la géopolitique, la nation dans la situation la plus délicate. Les graärh, bien qu'affaiblis, disposent de l'hégémonie sur toute une ile et de puissants dragons pour les protéger. L'Alliance, en revanche, est cernée par l'Empire et ne peut compter que sur une aide extérieure. C'était sans nul doute arrangeant pour eux que cela soit l'Empire qui soit à l'origine de cette offre de paix.

Toutefois, avant de poursuivre sur ce deuxième sujet, Ilhan jugea bon de revenir sur le cas des couronnes, leurs pouvoirs, mais également leur histoire. Le Sainnûr sombre écouta d'une oreille attentive les informations que divulguait le roi consort de Caladon. Esquissant un léger sourire en coin à la mention de Demens. Encore un acte à mettre au profit de la Confrérie. Mais paraissant plus distrais lorsqu'il fut question de l'histoire des Couronnes. Non pas que ce genre d'information ne l'intéressait pas, mais il n'était pas homme à s'intéresser à ce genre de chose. Les Couronnes de cendre avaient fait l'erreur de se mettre à dos la Confrérie et le forban ne comptait pas les épargner en raison de leur histoire larmoyante d'enfant malade et de civilisation au bord de l'anéantissement.

Puis ce fut au tour d'Asolraahn qui rebondit habilement sur un élément fort intéressant, les Karapt. Son idée d'embuscade était pleine de fourberie et cela ne pouvait que plaire au roi des pirates. Avec cette reine, cette assemblée détenait sans doute ce qui leur était nécessaire pour détourner l'attention de Rog et lui tomber dessus. D'autant plus si l'un des objectifs pour parvenir à défaire cette couronne de cendre était de le séparer de sa dague. Une mission que le Sainnûr sombre était capable de mener à bien. Même si en décrivant l'escouade requise pour se frotter à Laalach, à savoir des individus dotés de capacités intellectuelles, de ruse, de stratégie et de fourberie, et éventuellement d'Esprits-Liés, Nathaniel avait l'impression qu'on le décrivait lui, le forban n'avait que peu envie de se frotter à cet adversaire et pour une raison très simple : si le roi de la Confrérie n'était pas un puissant mage comme Aldaron, il demeurait un puissant maitre des esprits. L’Eärendil n'avait pas envie de voir cette force se retourner contre lui.

Une fois le tour de la tablée fait, ce fut à nouveau à l'Elusis se reprendra la parole. Le gredin s'assura de rester stoïque face à la manœuvre habile de son allié concernant le positionnement du portail. Cordont est membre de l'Alliance, placer le portail là-bas c'est assuré que celui-ci demeure sous le contrôle de l'Alliance et du Royaume d'Erlië, mais cela permet également de créer une frontière terrestre entre Nyn-Tiamat et le cœur de l'île de Calastin, isolant dès lors moins une Alliance cernée par l'Empire.

« Quant à l’après-guerre, pour ceux qui seront encore de ce monde… Il faudra se reconstruire. En nombre autant qu’en force. Pour nous qui venons d’au-delà de l’océan, la guerre et la destruction ont été notre quotidien et même ici, les chimères et les couronnes de cendres ont poursuivi cette œuvre. Nous bâtissons des maisons pour les voir être détruites. Nous mettons au monde des enfants pour les voir mourir. Nous mettons sur pieds des projets pour les voir être balayés. Sans cesse, depuis plus de dix ans alors… Dix ans, c’est au moins ce qu’il nous faudra pour nous relever véritablement, pour redonner la vie à nos civilisations au bord de l’effondrement. Même la plus prospère des cités porte un deuil. Dix ans, c’est le temps de la trêve que je vous propose lorsque nous en aurons fini avec les Couronnes de Cendres, quelle que soit l’issue de cette bataille. Dix ans sans guerre ni conquête. Dix ans sans pillage. Dix ans sans représailles, sans libération de vos frères et sœurs à Keet-Tiamat ou ailleurs autrement que par des négociations. Dix ans de statu quo, où ce qui est pris est pris et où ce qui est à prendre ne devra être saisi par la force. Dix ans sans les armes. Dix ans pour revenir à la vie. Dix ans d’une paix… Beaucoup rêvent de cela. Il est temps que nous écrivions une autre page de notre histoire. »

Dix ans de trêve, dix ans de paix, c'est ce que répondait le représentant officiel du Royaume Erlië à la demande de l'Empire soutenu par les légions graärh. Tous s’étaient prononcés à ce sujet, seule la réponse de la Confrérie se faisait attendre désormais.

« Une trêve? La paix? Il n'y a bien là que les faibles pour la réclamer. »

Dit le Sainnûr sombre en observant Claudius, J'heena et Asolraahn. Sourire provocateur aux lèvres, le Sainnûr sombre affichait toute son arrogance. Jouait-il bien la comédie? Sans aucun doute.

« Quel serait l'intérêt de la Confrérie à la paix ? Les Légions Graärh ne représentent pas une menace. Ils sont piégés sur Néthéril, sans espoir d'en sortir pour réclamer justice ou même vengeance. La seule chose qui les préserve du monde extérieur c'est la protection de dragons dont la seule intention est de prévenir des agressions extérieures. L'Empire, quant à lui, n'est plus que l'ombre de ce qu'il était autrefois. Claudius l'a avoué lui-même, son armée a souffert de la ruine et de la famine. Si le conflit continue et s'intensifie, combien de temps faudra-t-il avant que ses soldats se mettent à déserter pour devenir des pillards et obtenir par la force l'or et la nourriture qu'on leur a promis? Voire mieux, devenir des pirates. Tu peux t'enorgueillir de tes récentes victoires en mer Claudius, je reconnais bien volontiers la puissance de la flotte Delimarienne. Mais même l'Armada du Crépuscule a tremblé face au Maelstrom. Combien de navires et de marins seraient envoyés par le fond si mon navire revenait sur le front? Du temps d'Athgalan, Delimar était ma hantise, mais aujourd'hui je dispose de suffisamment de cartes en main pour prendre le pari. »

Une trêve était dans son intérêt, Aldaron seul le savait puisqu'ils en avaient discuté. Mais le gredin ne pouvait l'accepter aussi simplement, il devait y mettre les formes. Le visage de l'Eärendil se fit plus dur.

« Aldaron, je n'ai pas pour habitude de montrer de la clémence envers mes adversaires. Achever son ennemi est le meilleur moyen de s'assurer qu'il ne reviendra pas par la suite. Cette trêve, c'est exactement ce dont l'Empire a besoin pour refaire ses forces et espérer tenir tête à l'Alliance des Cités Libres, au Royaume Erlië ou à la Confrérie des Pirates à l'avenir. Une trêve en échange de la participation de l'Empire au conflit contre les Couronnes de cendre ? Et en plus il faudrait fournir de la nourriture à ses troupes. Quel culot! L'Empire n'a jusqu'ici rien fait pour participer à ce conflit qui nous concerne pourtant tous, et maintenant il pose ses conditions ? Même les graärh ont fait plus que l'Empire, sans contrepartie et après m'avoir servi de paillasson, c'est pour dire. »

Un petit soupir s'échappa du gredin.

« Quel serait l'intérêt de la Confrérie à la paix ? L'Empire et les Légions graärh auraient l'occasion de refaire leurs forces tandis que la Confrérie, privée de pillage, s'affaiblirait. Claudius, ce genre d'arnaque ne fonctionne qu'une seule fois. Elle a fonctionné à l'époque sur le vampire, mais elle ne fonctionnera pas sur moi. Vous ne limerez pas les sabres des pirates comme l'Empire et le Royaume Elfique ont limé les crocs des vampires en les cantonnant sur Nyn-Tiamat. La paix n'est pas à l'avantage des nations et des peuples qui se bâtissent sur la guerre. »

Un sourire malin finit par éclairer le visage de Nathaniel, comme s'il venait marquer la fin de toute la comédie qu'il venait de faire.

« La Confrérie est prête à accepter une trêve de dix années, à fournir suffisamment de nourriture aux soldats de l'Empire participant aux combats contre les Couronnes de Cendre, et à offrir la possibilité aux Légions Graärh d'ouvrir une ambassade commune à Althaïa afin de leur permettre l'accès au marché aux esclaves pour qu'elles soient en mesure de formuler des offres lors des ventes de graärh. Si et seulement si les conditions suivantes sont acceptées et respectées : premièrement, les Légions Graärh confondus ne doivent pas posséder une flotte de plus de trente vaisseaux, navires de commerce compris. Deuxièmement, l'intégralité des ports de l'Empire doit être ouvert aux vaisseaux de commerce de la Confrérie sans frais d'amarrage d'aucune sorte. Et enfin troisièmement, l'Empire accepte d'entamer des relations commerciales officielles avec la Confrérie, permet l'accès à son marché aux marchandises de la Confrérie à l'exception de celles que ses lois prohibent et n'appliquera aucune taxe d'aucune sorte sur les marchandises de la Confrérie correspondant aux matières premières agricoles. »

L'Eärendil laissa le temps à Havremont, Orën et Asolraahn d'intégrer ses conditions avant de poursuivre.

« L'or est toujours ce qui a intéressé la Confrérie. Si nous ne pouvons l'obtenir par le pillage, alors nous devons l'obtenir différemment. Je vous invite à étudier très sérieusement mes conditions si vous désirez réellement la paix et la prospérité pour vos peuples meurtris. Le meilleur moyen de ne pas être la proie de la Confrérie, c’est encore d’être son partenaire commercial. »

La Confrérie représentait un mal avec lequel il valait mieux pactiser au prix de sa morale que de sa vie et de sa liberté. En attendant que les représentants des Légions Graärh et de l'Empire réfléchissent à son offre, Nathaniel tourna son attention vers Ilhan.

« Capacités intellectuelles, ruse, stratégie et fourberie, on dirait presque que tu peins le portrait de ma personne Ilhan. Malheureusement, tout comme Aldaron, je vais devoir me désister d'un combat contre Laalach. Si je ne suis pas un grand magicien, je demeure néanmoins un puissant maitre des esprits. Cette qualité porterait préjudice au plan, car ma puissance serait désormais sienne. D'autant plus que je pense être bien plus utile face à Rog au vu de ce que j'ai pu entendre jusqu'ici.

À mon grand étonnement, je suis en partie d'accord avec Asolraahn, même s'il n'a pas encore tiré tous les enseignements de la cuisante défaite des graärh à Athgalan. Et je suis en partie en désaccord avec Aldaron. Utiliser la reine Karapt pour tendre un piège n'est pas une idée à exclure. Tout comme considérer que le seul lieu de bataille sera aux abords de l'Arbre-Songe serait une erreur.

Je pense qu'il faut faire croire à l'ennemi que nous sommes tombés dans son jeu pour le faire tomber dans le nôtre. Il ne fait aucun doute que la bataille aura lieu ici, il faut même qu'elle ait lieu ici afin de conforter les Couronnes et leur faire miroiter que leur objectif est à portée de main. Ainsi, en cas de revers ou de résistance, ils seront plus prompts à commettre des erreurs que nous pourrions exploiter.

Avant toute chose, il nous faut séparer Laalach et Rog et pour ce faire il nous faut séparer le front en deux. Les amener à se diviser au risque de nous diviser nous-mêmes. Pour ce faire il faut effectivement deux unités, mais également deux armées. Une qui resterait ici, à Cendre-Terre et une au plus proche de l'Arbre-Songe. De par la disposition des lieux, les Couronnes de cendre ne pourront ignorer Cendre-Terre, car si elles avancent vers l'Arbre-Songe, alors elles prendraient le risque de voir des forces leur arriver dans le dos.

Mais l'objectif n'est pas une prise en tenaille. Aldaron, tu sembles être prêt à voir Cendre-Terre disparaitre. C'est audacieux, mais je te propose de ne pas de la perdre, mais de la sacrifier, comme je l'ai fait pour Athgalan. Fais de cette ville un piège destiné à tuer Rog.

Si j'ai bien tout compris, les forces armées de nos adversaires seront composées des créatures composant l'essaim des Karapt. Ce même essaim que Rog ne contrôle pas entièrement, car la Reine Karapt ... Danalieth c'est ça ... en contrôle elle-même une partie. Cette partie de l'essaim sous le contrôle de Danalieth représente donc une force qui peut être exploitée par notre camp, comme celui de l'adversaire. La stratégie est peut-être risquée, mais je pense que nous pourrions en faire le point de pivot de la bataille à venir et dès lors tendre un piège à Rog.

Si nous voulons voler sa dague à Rog, alors il faut lui faire oublier son existence l'espace d'un instant en orientant ses pensées. Et à partir du moment où nous orientons ses pensées, nous orientons son comportement. Il faut donc que Rog pense durant la bataille la chose suivante : "Si je m'empare de la reine, alors je m'empare des forces de mes adversaires. Je pourrais renverser le cours de la bataille à mon avantage et alors écraser leur résistance."

Si nous repoussons ici à Cendre-Terre les assauts de Rog et que nous exposons Danalieth, alors Rog se montrera. Il se montrera pour prendre possession de Danalieth et donc de l'intégralité de l'essaim afin de renverser le cours des combats à son avantage. Si Rog se montre, alors il s'expose et s'il s'expose, alors nous pourrons l'atteindre lui et la dague.

Et dans l'éventualité où Rog ne se montrerait pas, alors il commettrait une erreur stratégique, car les forces de Cendre-Terre seraient alors en mesure de remonter jusqu'à l'Arbre-Songe et venir en renfort aux forces stationnées là-bas. Prenant dès lors nos opposants en tenaille.

Bien entendu, cela suppose la participation de la Reine Karapt et de prendre conscience du risque que représente cette stratégie. Elle est quitte ou double. Nous pourrions nous retrouver submergés en cas d'échec ou porter un coup fatal à l'adversaire en cas de réussite. »


Tous ne seraient pas prêts à courir un tel risque, mais ce genre de stratégie ressemblait plus à ce que Nathaniel avait l'habitude de faire. Les batailles rangées n'étaient pas son point fort, là où les pièges et manigances l'étaient, même si pour cela il fallait prendre des risques et sacrifier des vies ou même une ville. Qui plus est, diviser le front en deux et prendre position à Cendre-Terre avaient deux avantages. Le premier était la possibilité d'utiliser l'artillerie navale en tant que soutien en amarrant des navires aux ports. Le deuxième était la possibilité de déployer des individus puissants, les éloignant donc hypothétiquement de Laalach, et ainsi compenser un déploiement de soldats plus restreint. La division de l'armée pourrait donc être de l'ordre de soixante pour cent aux abords de l'Arbre-Songe, contre quarante pour cent à Cendre-Terre. Voir même du soixante-dix pour cent et trente pour cent.

« En ce qui concernant Laalach, je ne doute pas du Grand Alchimiste de la Confrérie. J'ai toute confiance en les capacités de Demens Torqueo, ayant eu l'occasion de les voir à l'œuvre plus d'une fois. Encore une fois, je préconiserais un piège pour cet adversaire, ou alors une attaque éclair ou ne pas lui laisser le temps de comprendre ce qui lui arrive. »

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Claudius écouta presque religieusement les réponses de ses collègues dirigeants, bien que ses propres paroles semblassent en attirer les foudres de certains. Qu’à cela ne tienne. L’Empereur savait ce qu’il avait à faire. Il n’avait que faire des regards presque aguicheurs du Prince Noir, dont il soutint bien volontiers ses yeux assassins. Aldaron le savait tout autant que Claudius : tout ce que l’Empereur avait fait, et disait, il l’assumait. Les actions conjointes de Caladon, des Vampires, et des Pirates avaient saigné sa terre, et quand bien même les temps exigeaient à une entente des différentes factions présentes, Claudius n’oublierait jamais.

Du reste, Claudius n’en était pas responsable. Et si la caste des dirigeants des vampires précédant l’actuel Prince Noir, dont le ô combien tout-puissant et dérangeusement mégalomane Achroma, avaient été infoutus de négocier un traité avantageux pour leur peuple, face à une dynastie Kohan extrêmement jeune, hautement manipulable et décadente, ce n’était vraiment pas le problème de Claudius.

Fort heureusement, il pu constater que sa proposition de traité de paix fut naturellement suivie par ses alliés graärh, l’Alliance et même Le Royaume Erlië, dont Aldaron avait cessé les regards de braise pour dire au Havremont :

— Dix ans sans guerre, ni conquête.

Claudius haussa les sourcils, d’un air surpris à l’écoute de ces mots mais n’en fit rien. Si cela était une provocation, ou un reproche qui lui était destiné, encore un, en plus de toutes les moqueries qu’il avait dû essuyer depuis le début de ce conseil … Cette fois-ci le Havremont n’en comprenait vraiment pas les origines. Quant bien même la force militaire de son pays, les seules fois où l’Empereur avait ordonné de prendre les armes c’était pour qu’ils se défendent d’envahisseurs ou de malfrats agresseurs qui voulaient prendre les terres impériales.

Alors effectivement : dix ans sans guerre, ni conquête. Mais ce n’était certainement pas Claudius que Aldaron devait regarder à l’élocution de ces termes. L’Alliance, qui assumait pleinement de s’armer dans un contexte diplomatique pourtant ô combien difficile, ou les Pirates qui tentaient tous les jours de piller les bateaux de l’Empire, peut-être, mais certainement pas Claudius, qui avait fait tout son possible pour qu’un conflit mondial n’éclate pas, après avoir régler les problèmes internes à sa propre nation.

Du reste des propos, Claudius les écouta d’une oreille plus ou moins distraite. Quant tous parlèrent des Couronnes de Cendres et de stratégies pour les vaincre, tous semblaient maîtriser le sujet et en parler comme si de rien n’était, et seul le Havremont eut ce profond sentiment de ne comprendre qu’une toute petite partie de ce qui était en train de se jouer. Laalach, Udyogg, Rog, tous ces noms, ils les avaient entendus, mais jamais affrontés, et ne s’en était pour ainsi dire jamais préoccupé tant les problèmes internes à l’Empire avaient nécessité de son temps. Et aujourd’hui, il était évidemment bien trop tard pour se mettre à la page : quand bien même un récapitulatif lui avait été fait, le Havremont avait été trop peu investi par rapport aux autres pour se permettre un commentaire sur la stratégie pour vaincre Rog et Lalaach. Il ne connaissait pas suffisamment ces deux ennemis, ne les avaient affrontés aucune fois.

D’ailleurs, sans doute que l’on lui aurait fait remarquer s’il l’avait fait. Alors il préféra se taire. Du moins pour l’heure. Car si la patience de L’Empereur de Sélénia était déjà mise à rude épreuve depuis le début de ce conseil, c’est la deuxième intervention de Nathaniel qui finit par faire exploser intérieurement l’Empereur.

Une fois qu’il eut fini de déblatérer sa stratégie pour vaincre les deux ennemis de ces jours prochains, Claudius attendit un instant et posa figurativement les deux mains sur la table. Nathaniel allait soudainement apprécier que l’Empereur ne soit pas sur place.

— Nathaniel, peut-être me penses-tu gâteux et sénile parce que j’ai été empoisonné par l’homme en qui vous avez tous accordé votre confiance ici, tant qu’il vous aide, mais laisse-moi … Préciser certaines choses.

Claudius pris une grande inspiration. Préciser était un euphémisme : il allait apprendre au gredin la manière de faire impériale.

— Chacun d’entre nous a eu la présence d’esprit d’accepter une trêve, sans condition ici. Y compris tes alliés du Royaume Erlië. Alors tu vas être un bon chienchien, et te contenter de remuer la queue à chaque phrase qu’Aldaron dit, comme tu l’as toujours fait. Cesse de m’insulter, et d’insulter mon pays.

L’esprit de l’Empereur s’échauffait, et chacun d’entre eux purent reconnaître à travers la représentation qu’il en donnait des yeux d’une couleur orangée rappelant à tous ceux présents la magie dont avait alors fait preuve l’Empereur pour se transformer en un avatar protecteur de sa nation. Aldaron n’était pas le seul à avoir le monopole des sortilèges étranges. Sur ces entrefaites, Claudius reprit :

— Je refuse catégoriquement chacune de tes clauses. Tu m’entends, Prince des Mensonges ? Chacune. D’entre. Elle. Et repropose moi encore quelque chose de délirant de cette façon et j’exécuterai tous tes prisonniers séance tenante, et j’ordonnerai à mes navires délimariens assoiffés de sang, qui n’ont assurément pas connu la famine et qui attendent juste le mot d’ordre, de déferler sur ta petite flotte de gredins inexpérimentés.

Claudius eut un regard assassin envers son voisin de table. Il était on ne peut plus sérieux. Il reprit :

— Et si ça ne suffit pas, j’ordonnerai à mon Phénix de venir brûler chaque parcelle de tes nouvelles terres. Chacun de tes bâtiments sera explosé par du feu grégeois impérial. Et ta bicoque en bois flottante n’y fera rien. J’ai entendu dire qu’Althaïa a été malmené ces derniers temps, par nos ennemis du moment ? Crois-moi, je te le ferai payer au centuple. Bien que je regrette que la cité d’origine du Conseiller Avente, qui s’est pour l’instant seulement contenté d’effectuer son travail, soit la cible de mon ire.

Claudius inspira un grand coup. L’armée impériale était certes mal en point, mais les hommes étaient nombreux, et expérimentés. Bien plus que n’importe quelle armée de quelconque nation présente ici. Et si Claudius assurait leur prime avec le pillage de leur argent qui leur revenait de droit – car c’était le leur qu’on avait volé –, l’Empereur n’aurait aucun mal à maintenir son armée disciplinée, en plus de la foi aveugle que le peuple accordait à son dirigeant. Il ajouta un dernier mot quant à cette situation :

— Je suis prêt à te donner accès à mes ports, aux mêmes titres et aux mêmes tarifs que nous accueillons certains navires Erlië, si et seulement si tu libères intégralement les esclaves graärh de tes geôles puantes.

Des conditions suffisamment absurdes pour que Nathaniel n’accepte jamais cette offre, mais s’il désirait jouer cette trêve comme un marchand de tapis, alors Claudius était prêt à employer la manière forte pour faire plôyer le genou au Roi des Pirates. Et si ce dernier s’amusait à agiter son dragon comme moyen de défense, cela n’arrêterait de toute façon pas Claudius, qui avait largement de quoi le surpasser. Cette question étant réglée pour l’heure, le regard lourd de Claudius se tourna vers Aldaron :

— Quant à toi, mon ancien ami … Si comme tu l’as dis « aucune race, aucune faction n’est à l’abri », et que tu es « incapable de nous protéger seul », commence par respecter ceux qui vont défendre ta pitoyable capitale, alors même que tu as brûlé la nôtre quelque temps auparavant. Pourquoi m’as-tu fait venir ici, et pourquoi devrais-je écouter toute ta haine et tes moqueries que tu me déverses à la figure ? Je suis de toute façon condamné par cette maladie que tes alliés m’ont infligé, et je suis sûr que mon peuple se remettra de ces disparitions, si elles ont effectivement lieu. L’Empire a toujours existé, et existera toujours. Que ce soit sans la magie, sans argent et sans nourriture, nous avons toujours su nous relever. Nous sommes un modèle de résilience. Pas comme tes laquais qui ont dû vivre reclus dans des grottes en attendant de trouver le salut dans la présence de créatures écailleuses. Et je n’ai aucun doute qu’ils vivront encore cachés si leur nombre venait à drastiquement diminuer. Ce serait presque une aubaine pour moi.

La représentation de Claudius tapa figurativement du poing sur la table, et si aucun choc ne se fit sentir sur la table de pierre, tous purent entendre un bruit de bois brisé depuis l’installation de la transmission de l’Empereur, indiquant que du mobilier impérial avait indéniablement souffert de cette soufflante. L’Empereur repris d’un ton un peu plus calme, mais toujours ferme :

— En fait, si je suis là, c’est par soutien à mes amis Graärh qui sont les seuls à être directement tous menacé sans partage par ce qui nous attends. Mais aussi parce que j’ai suffisamment de scrupule personnel de répondre à ton appel compte tenu de ce que je t’ai fait subir pour que mon pays reste ce qu’il est, et aussi parce que je voulais honorer ma promesse auprès de ma conseillère Vex’Hylia, que tu connais bien, de t’accorder un peu de mon temps. Alors toi aussi Aldaron, ne perds pas ton temps en insultes et en moqueries, qui pourraient faire subir à tous ceux présents ici un conflit mondial dont nous sommes les protecteurs. Et si je ne suis plus de ce monde pour le superviser, crois-moi que Julius reprendra mon flambeau.

Nous avons tous les deux des responsabilités et je ne souhaite pas être l’allumette qui mettra le feu à la forêt. Je pense que toi non plus, d’autant que tu as l’air de beaucoup aimé celle qui est présente sur ton île. Si tu souhaites mon aide pour la sauver ainsi que le reste de ton île lugubre et inhospitalière au possible, tu devras me supporter comme je suis, avec mes conditions, et t’engager à me respecter, mon pays, mes alliés, et moi. Prends-moi pour une pleureuse avec mes remarques si ça te chante, mais ferme-là, car il n’y aura ni oubli, ni pardon de ce que tu nous as fait subir. Et je suppose que de ton côté non plus. Tu as besoin de mes hommes, de notre nombre, de notre efficacité redoutable, et nous avons besoin de retrouver notre or et de vivres, parce que nous ne sommes pas des suceurs de sang et de magie comme vous autres. Si toi et tes alliés la ferme, je la ferme. Les efforts doivent venir des deux côtés si tu veux que tout se passe bien.


Sur ces mots, Claudius foudroya une dernière fois du regard Aldaron, avant de pousser un long soupir. L’Empereur était las, et se ferait sûrement réprimander dans les grandes largeurs, mais travailler dans ces conditions était insoutenable pour lui. Il se massa les tempes, et finit par faire à l’encontre de tous :

— Puisque nous sommes dans le moment des révélations chocs, je vous dis à tous que je n’ai absolument aucune idée de quoi Rog et Laalach sont capables ni même de comment les battre, dans la mesure où je ne les ai jamais rencontrés. Vous m’avez l’air tous suffisamment informés, et compte tenu des forces en présence ici, je doute que vous ayez besoin de moi pour compléter votre plan. Si toutefois vous avez besoin de ressources impériales particulières, je suis prêt à les mettre à votre disposition.

En revanche, défendre une ville, ou un lieu, cela est totalement quelque chose en mes capacités, et celle de mon armée. Si je suis encore vivant d’ici là, je pense que je serais plus utile à commander des soldats et organiser une bataille, plutôt que de partir à la chasse à la Couronne avec vous autres. Vous me connaissez tous. Donnez moi une armée à commander, et celle-ci se battra comme des lions jusqu’à son dernier souffle.


Claudius eut un nouveau soupir, eut presque envie de rajouter « et je pense qu’il vaudrait mieux que je ne sois pas avec vous pour ma santé mentale », mais se retint.

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Assis à gauche d’Aldaron se trouvait un être relativement particulier. Un être à la peau grisâtre, dont les veinules de Sainnûr étaient semblables à de véritables capillaires de magma. Loin d’en jouer pour imposer sa présence aux environs, le petit être avait davantage laissé exsuder de sa personne l’aura paisible propre à son peuple. Pour ce faire, il était savamment aidé par les deux petites oreilles rondes et brunes qui dépassaient de sa tête.
Il avait passé la première partie des discussions à griffonner sur un bout de parchemin devant lui, au graphite, sans vraiment regarder son papier. Personne ne s’était montré trop surpris de le voir, aussi avait-il admis que son rôle de porte-histoire avait été précisé précédemment par son père. Une réunion impliquant tous les dirigeants était généralement historique et les archives appréciaient les détails de ces moments. À vrai dire, dans l’immédiat, Valmys s’accrochait à son affection pour le passé pour se détacher des tracas du présent.
La prise de notes n’était pas obligatoire en soi, mais Valmys tenait à ce que quelques informations demeurent y compris s’il venait à “mystérieusement” disparaître avait d’avoir pu étoffer son compte-rendu. Ce n’était pas tant qu’il s’attendait à disparaître, plutôt qu’il s’attendait à tout. De Cordon à Nevrast en passant par le Domaine en lui-même, il avait vu des choses, suffisamment pour ne plus oser prétendre pouvoir deviner quoi que ce soit de l’avenir. La bonne nouvelle, au moins, était qu’actuellement le sol sous eux se trouvait calme - de ce qu’il en ressentait.

Quelques piques fusaient, ici et là. Valmys s’était dit que ce devait être la façon qu’avaient les dirigeants de se saluer, des boutades en toute camaraderie. D’autres vinrent s’ajouter, alors même que les salutations étaient terminées, et que les premières traces d’un plan étaient ébauchées. L’hermine avait grincé des dents, mâchoire serrée. Oh, d’un point de vue vibratoire, ce n’était en rien semblable au bris abject d’un mensonge ou d’un meurtre - mais cela restait très désagréable.
Quand Claudius dut prendre le temps d’une longue démonstration pour répondre à un sujet qui n’était les couronnes, Valmys décida qu’il était temps pour lui d’également prendre la parole. Il attendit, sagement, la brève fenêtre d’intervention qu’il allait avoir juste après l’empereur. Il saisit l’occasion comme le prédateur se saisit de la pomme de pin: sans laisser aucune chance à sa proie.
Le baptistrel se leva donc, de tout son mètre soixante-quinze, mains sur la table, auréolé d’un sentiment singulier. Quiconque se trouvait près de lui pouvait le sentir; il avait en lui la force du magma bouillonnant sous la surface. Il parlait avec un calme qui n’avait d’égal que ce qu’il pouvait offrir si sa voix, alors posée et ferme, venait à être oubliée.

“- Je me permets de vous interrompre un instant. J’apprécierais que chacun cesse tout argument ad hominem, pique, reproche ou autre remarque qui n’a pas sa place dans un plan d’action. J’entends que rappeler les situations respectives de vos peuples et leurs histoires peut être important. Mais je suis également certain que vous disposez tous de la finesse nécessaire pour le faire sans vous détourner du sujet - ou sans pousser vos interlocuteurs à se détourner du sujet.”

Il se redressa un peu plus, détachant ses mains de la table pour les tenir entre elles devant son ventre. Cela lui faisait particulièrement bizarre de s’affirmer ainsi devant tout ce beau monde. Mais le feu qui circulait dans ses veines valait mille confiances.

“- Ne voyez pas cela comme une punition”, déclara-t-il en se tournant davantage vers ceux qui avaient parlé avant lui. “Plutôt comme un moyen de prévention. Cela nous évitera à tous de voir cette réunion s’éterniser. Certains n’ont pas tant envie d’y passer plus de temps que prévu…” L’avantage de ressentir les chants-noms : savoir qu’il n’était pas le seul à trouver le temps long. “...Et pour ma part, mon organisme lui-même apprécierait que les mots prononcés ne soient pas des couteaux dans mes oreilles.” Il eut un sourire forcé, espérant que les Graärh avaient suffisamment entendu parler des baptistrels pour comprendre l’idée. “Vous aurez tous tout le loisir de régler vos comptes quand j’aurai le dos tourné. Je ne viens principalement à titre historique pour consigner les décisions vis-à-vis des couronnes de Cendres.”

Il n’allait pas priver les enfants de leurs jeux favoris, après tout.

“- En attendant je me propose de ramener à un mutisme temporaire quiconque s’aventurerait à menacer par les biais évoqués le prompt déroulement de notre entrevue - sauf cas de force majeure.” Pensait-il à Cordon ? Totalement. “Je transmettrai les idées si elles sont pertinentes. A titre de rappel, je détecte également les intentions.”

Est-ce qu’il pensait très fort à Nathaniel avec cette menace ? Tout à fait. Et il était même persuadé qu’autour de la table, chacun saurait que le roi des vauriens était le premier concerné. Sans un minimum de jeu de force, Valmys le voyait très bien se moquer des impératifs qui pourtant tomberaient sous le sens pour les autres.

“- Je vous remercie de votre écoute et de votre compréhension”. Il s’assit à nouveau. “Vous pouvez continuer. Le sujet était aux conditions scellant l’alliance face aux couronnes de Cendres.”

Ce n’était pas tant que Valmys était particulièrement impatient : plutôt qu’il avait un emploi du temps très précis, qui ne souffrait pas d’irrespect. Il se voyait difficilement expliquer à sa copine hermine qu’il était en retard à leur rendez-vous parce que quelques humains avaient décidé qu’il était plus intéressant de régler leurs comptes plutôt que d’aller chercher les meilleurs terriers de la région.

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Le prince Noir ne fut guère étonné lorsque la dragonne de l’orage proposa d’être la gardienne du traité. Verith avait souvent refusé de s’intéresser aux affaires et conflits bipèdes. Si cela avait été lui, ici, à la place de Keetech, cette proposition n’aurait jamais été formulée… Et, selon Aldaron, à raison. Si les dragons avaient été seulement une fois les gardiens de la paix dans l’histoire, ils n’auraient pas été autant déchiré par des guerres. Ou peut-être que si. Combien de feu et de répression avant que les peuples bipèdes ne se révoltent contre les créatures écailleuses ? En tout temps, lorsqu’une guerre naissait, c’était par désir de justice et on pouvait mettre dans cette notion tout type de grief qui dépendait du point de vue de celui qui la formulait. On pouvait se révolter parce que son peuple avait été réduit en esclavage. On pouvait aussi se révolter parce qu’on trouvait injuste que le voisin ait plus de terres, ou de mines, ou mêmes les plus belles femmes.

Quoiqu’il en soit, réprimer ce désir de justice, qui camouflait souvent de la convoitise, était se mettre comme ennemi d’un peuple. C’était la raison pour laquelle Verith ne se mêlait pas des affaires bipèdes, pour que cela ne se retourne pas contre les dragons libres. Ajoutez à cela une nation avec des tueurs de dragons et vous obtenez une éradication de l’espère qui s’était posée en gardien. « C’est une place fort périlleuse, Keetech. Aussi puissante puissiez-vous être, des étoiles sont tombées du ciel pour moins que cela. Je salue néanmoins votre dévouement à cette cause. Que pensez-vous de vous offrir le temps de la réflexion et de la concertation avec les vôtres ? » Car cela n’engageait pas qu’elle. Un esprit avisé aurait tôt fait de s’attaquer aux petits en premier. Pas forcément pour les tuer, mais les menacer serait déjà un grand maux.

Quant à Nathaniel ? Aldaron l’avait félicité trop tôt. Lorsqu’il l’entendit commencer à jouer une symphonie de violons en Ré mineur, il comprit assez vite que le Forban allait mettre les pieds dans le plat. La vérité, c’était qu’il était encore loin d’imaginer que Nathaniel abuserait complétement. Pourtant, nul étonnement ne marqua son visage. En lieu et place de cela, une profonde lassitude s’installa sur ses traits, bien qu’il dût avouer, en son for intérieur, qu’il existait une technique commerciale qui consistait à demander quelque chose d’énorme pour ensuite revenir à quelque chose de plus respectueux. Ainsi l’interlocuteur avait la sensation factice qu’une concession avait été faite, alors qu’il n’en était rien, et acceptait de concéder, lui aussi, ce qu’il n’aurait peut-être pas aussi facilement concéder en temps normal. Cela s’appelait une arnaque et vu comment la conversation tournait, Aldaron, spirite du saumon, en sentait clairement s’en dessiner les contours. La Triade roula des yeux devant la manœuvre grossière, digne d’un marchand de tapis.

On y était donc, au point de rupture. Les mires verdoyantes posées sur Claudius, ainsi que sur les graärh, ne manquaient pas de capter les prémisses de la colère et de l’indignation. Lorsque Claudius commença à répondre au Roi de la Confrérie, Aldaron eut tout le loisir de se masser l’arrête du nez. Ce n’était pas qu’une mise au point : des menaces sifflèrent dans l’air et il ne doutait pas que Nathaniel trouve la situation parfaitement amusante. Lorsqu’il releva le regard vers Claudius, lâchant l’arrête de son nez, ce ne fut que pour croiser son regard lourd et entendre ses pleurnicheries. Ouin-ouin, je me sens insulté donc je t’insulte. Ouin-ouin, je me sens rabaissé donc je te rabaisse pour me sentir aller mieux. Ouin-ouin je suis une victime, alors pouet-pouet. S’il avait entendu cela de la bouche de l’un de ses plus petits enfants, il aurait trouvé cela puéril mais approprié. Ici, c’était puéril uniquement. L’exemplarité aurait voulu qu’il ne soit pas reproché à autrui ce qu’on commettait soi-même, mais ils repasseraient, pour l’exemplarité.

Une partie de lui-même pardonnait toutefois cet éclat. Les  enfants n’aimaient pas se faire taper sur les doigts et c’était ce qu’Aldaron avait fait, dès lors que Claudius avait commencé, lui aussi à chanter avec un lyrisme agaçant combien son peuple était une victime. Il y avait une belle assemblée de violonistes autour de cette table, il fallait croire. Au demeurant, il l’avait recadré fermement mais sans injures… Là où Claudius réclamait à son hôte de… La fermer ? Il était amusant de l’entendre dire que les efforts devaient venir des deux côtés quand il plaçait la condition pour se taire au fait qu’Aldaron et son peuple le fasse en premier. Il le laissa poursuivre, néanmoins, continuer la conversation comme si de rien était. Pour qui se prenait-il ? Son regard le  dardait, en silence.

Valmys avait dû sentir le courroux intérieur de son père puisqu’il décida d’intervenir. Pendant qu’il parlait, Aldaron baissa les yeux sur les notes que prenaient Valmys sur son parchemin. Les écritures étaient néanmoins parsemées au milieu de multiples crayonnés représentant chaque membre de l’assemblée. Sans surprise, Nathaniel avait les sourcils très froncés parce qu’il était très méchant. Quant à Asolraahn… Mama ! Il donnait presque envie de se damner avec cette musculature et cette fourrure bien brossée. L’ancien vampire secoua la tête pour recentrer ses idées et releva les yeux vers Asolrahnn, pensa au dessin et ses pommettes rougirent très légèrement. Il reposa son regard sur Claudius : ses joues perdirent leur teinte rapidement.

Que pouvait-il lui répondre ? Lorsque Claudius s’était fait taper sur les doigts, il avait préféré mordre que de faire preuve d’humilité et de demander pardon pour l’égarement dont il avait fait preuve et qui avait été, indéniablement, source de mal-être pour Aldaron. L’entendre se positionner en victime du peuple vampire, dans un congrès où l’hôte était justement le représentant des vampires, c’était clairement déplacé. Aldaron avouait volontiers l’avoir taquiné en lui envoyant ce lingot d’or, mais dans un même temps le don était assez conséquent quand on savait ce que ça valait… Et ce dont l’Empire avait besoin. Mais de là à ce qu’il se prenne un long laïus sur Ô combien Sélénia savait subi la famine et avait été la proie de prédateurs qu’il avait très clairement désigné du regard. Il avait mordu, donc, quand Aldaron lui avait réclamé fermement de ne pas s’appesantir comme une pleureuse sur le sujet visiblement sensible, il avait mordu encore, incapable d’apprendre de ses erreurs, incapable d’humilité et incapable de retenir, diplomatiquement, l’escalade de la violence, au point d’en taper du poing sur la table, bourru et sans subtilité.

« Je te prie de bien vouloir pardonner les sarcasmes de mon agacement qui ont accompagné ma demande, elle légitime, de cesser de pointer du doigt la culpabilité subjective de mon peuple et d’exhiber tes souffrances et plaies exacerbées. Rien n’est aussi noir et rien n’est aussi blanc. Il m’était désagréable de te voir user d’un pareil stratagème afin obtenir les faveurs des nations conviées à cette table. » A savoir d’entretenir son armée et de réclamer une trêve. Il reprit d’une voix grave et posée, sans éclat farouche comme Claudius avait pu en faire la démonstration : pour sa part, il était en pleine possession de ses moyens. « Tu me demandes de me taire alors que tu ne manques pas une occasion d’accabler les miens. Nathaniel a volontairement cherché votre riposte à tous, je ne saurais te blâmer d’y succomber, mais ce n’était pas mon cas. J’ai fait en sorte que tu puisses participer à cette réunion, malgré ton état et malgré nos divergences. Je t’ai laissé m’insulter publiquement, à cette table, par deux fois, alors que chaque seconde à maintenir ton esprit ici est un effort. J’aurais pu te congédier. Je n’en ai rien fait. J’espère que cela t’a au moins fait du bien. Je sais que tu m’en veux, personnellement, et j’imagine que l’occasion était assez belle pour vider ton sac. »

Ainsi soit-il. Ses mots étaient graves et ses yeux étaient froids, comme les cimes gelées de Nyn-Tiamat. « J’ai affamé ton peuple : j’en suis coupable, en effet. Ainsi il ne te sera plus nécessaire de le sous-entendre insidieusement. Ce n’était pas censé aller aussi loin. Le Marché Noir avait pour but de ralentir la croissance de Sélénia pour que le peuple sous la couronne voit combien l’herbe était bien plus verte de l’autre côté de la frontière. Un simple jeu d’influence pour preuve que les Kohans n’étaient légitimes de régner, puisqu’incapables de protéger ce peuple. J’étais le Bourgmestre de Caladon, à cet instant, et Achroma est revenu d’entre les morts. Les Esprits-Liés nous ont unis Inséparables. C’est un bonheur sans nom, l’amour. Jamais de doute, jamais de dispute, jamais de contestation. J’ai été crédule, incapable de lui refuser ce qu’il me demandait : abandonner Caladon, concéder Nevrast, méloigner de mes proches, saigner Sélénia. Je ne pouvais pas me détourner de lui. Ma vie était attachée à la sienne. J’ignore encore pourquoi les Esprits-Liés ont fait en sorte de placer le cœur d’un homme puissant entre les mains d’une personne malintentionnée. »

C’était la première fois qu’il parlait officiellement d’Achroma de la sorte. D’ordinaire, il était un bon mari et prenait sa défense. Mais le sang avait coulé, celui de ses enfants, entre temps. Et la désillusion avait été une lame glacée. Cela remettait tout de suite quelques idées en place. Il ne fléchissait pas en émotions, toutefois, il avait acquis une excellente maîtrise de lui-même, même en parlant ainsi, de façon si personnelle, parce qu’il n’oubliait pas, pour sa part, qu’il était à un sommet de dirigeants. « Tu sais déjà tout cela, car même si j’étais incapable de lui résister, une part de moi était lucide. Je t’ai dit que Sélénia n’avait pas de tête crédible pour remplacer les Kohans, je t’ai dit aussi d’Achroma préparait une guerre. Cela t’a permis de t’ériger, de gagner des soutiens et lorsque les vampires ont attaqué, tu as saisie l’armée et tu as fait un coup d’Etat. » Un sourire en coin, furtif, marqua brièvement ses lèvres, preuve de la fierté qu’il éprouvait envers le petit garçon qu’il avait jadis, lorsqu’il était elfe à la Cour, gardé bien souvent.

« J’étais fier, malgré la douleur, de ce que tu avais réussi à faire, Claudius. Ne t’es-tu pas demandé pourquoi je ne t’avais pas tué, comme tu avais tué Achroma, ce jour-là ? » Sa vie lui avait appartenue. Il aurait pu le brûler vif et poursuivre la guerre initiée par son époux. La tête de l’Empire avait été là, à sa merci. Aurait fait le reste désorganisé de la population ?

« J’ai brûlé Sélénia, le quartier noble et cette frappe n’était pas un hasard. J’ai détruit ce château que tu trouvais de toutes façons bien laid… Cela a fait des victimes, et pas seulement la noblesse gangrenée que je visais : je suis coupable en effet. Une part de moi hurlait de douleur vengeresse et une autre voulait que tu aies toutes les cartes en main pour diriger. Je n’ai pas laissé aux nobles le temps de te contester, de t’influencer, de préparer ta chute… Ou celle de mon peuple. Les Kohans étaient un problème. La noblesse viciée en était une autre. Ce jour-là, je t’ai débarrassé des deux. » Il ne lui demandait pas de remerciements, Aldaron n’avait jamais attendu ce genre de chose de la part de ceux qu’il avait aidé ou favorisé. Mais il était hypocrite de le blâmer de ce dont on profitait grassement.

« Je suis coupable de cela. Que tu n’oublies, je ne t’en veux pas. En vérité, ce serait bien la première fois que ton peuple se souviendra de quelque chose j’ai fait. » Car ils avaient oublié qu’il était la Triade, dirigeant du Marché Noir et que la survie de l’humanité avait littéralement dépendu des actions et de l’implantation du Marché Noir face au Tyran Blanc. « Que tu ne pardonnes, je ne t’en veux pas non plus et je ne te le demande pas. J’assume ce que j’ai fait, tant de mon propre chef que sous le joug de l’Inséparable. Chaque action a généré des effets. Certains t’étaient favorables et d’autres moins. Tu es encore un jeune dirigeant mais je pense que tu apprendras assez vite, si ce n’est déjà le cas, qu’il n’y a jamais de bonnes décisions. Les plus consciencieux s’efforceront d’être les plus justes, altruistes autant qu’égoïstes, empathiques autant que froids, mais tout cela n’est affaire que d’opinion.

Tu m’as demandé pourquoi je t’ai fait venir ici, Claudius, et tu supposes à tord que j’ai besoin de ton armée. Ta présence militaire sera appréciée, mais aussi inutile que la mienne. La bataille ne sera là que pour faire diversion : beaucoup de sang va couler et pour ne rien gagner car nous ne gagnerons pas contre les monstres de Rog. Nous ne ferons que sacrifier des agneaux pour en protéger d’autres. Nous ne ferons que gagner du temps pour que les véritables sauveurs désarment nos adversaires, comme nous l’avons fait face aux chimères. Les sacrifiés seront érigés en héros avant de tomber dans l’oubli comme des milliers d’autres avant eux, au cours de la dernière décennie. Donc non, Claudius, je n’ai pas besoin de ton armée. C’est toi qui as besoin de participer à cette guerre, tout simplement parce que si tu ne le fais pas et que nous échouons, les graärh, tes seuls alliés, disparaitront. Tu n’auras plus que toi pour te défendre, et la Confrérie aura perdu une partie de ses travailleurs : elle aura besoin de les renouveler… On prend souvent pour cible des victimes esseulées.

C’est un pari à prendre en vérité. Soit tu préserves ton armée en la gardant à Sélénia. Si nous échons, tu auras tout gagné. Si nous gagnons, je gage que les graärh sauront quoi penser de leur ‘ami’ et ‘allié’ face à l’adversité. Mais tu as bien trop de principes pour abandonner les graârh.  Il reste l’autre solution et tu viens combattre. Si nous échouons, tu auras tout perdu. Si nous gagnons, je gage que les liens avec tes amis graärh en seront renforcés. Comme je le disais… Il n’y a jamais de bonnes décisions. Si je t’ai fait venir ici, c’est pour cela, Claudius. Pour que tu choisisses. Ou que tu essaies de trouver un équilibre en posant des conditions. C’est amusant d’ailleurs car avant même que Nathaniel pose des conditions, et que tu t’empresses de le lui reprocher de le faire, indépendamment de ce qu’il demande, tu avais toi-même subordonné l’ampleur de ton aide à l’aide qu’on fournirait à ton armée et à la signature d’une trêve. »


Amusant, non ? Il reprit plus sérieusement : « Je n’ai pas besoin de toi, Claudius, mais toi, indéniablement, le sort de ta nation est dans cette bataille. Tout comme les graärh. C’est pourquoi je vous ai invité tous les trois. Il me semblait légitime de vous convier, mais si tu le souhaites, je peux te congédier. » Les Erlië ne jouaient pas leur vie sur cette bataille : quoiqu’il arriverait, ils se feraient amplement poutrer. Mais ça n’était pas le cas de tout le monde ici.

En son for intérieur, il espérait que les graärh se souviendraient que contrairement à l’Alliance des Cités Libres, à la Confrérie, et aux Erlië et aux dragons libres, Sélénia était la seule à avoir refusé de s’investir inconditionnellement pour protéger leur survie.

Il posa son regard sur Nathaniel : « Ta proposition est indécente. Je sais ton amour pour l’inacceptable mais nous sommes ici pour conclure un accord. Tu es légitime à réclamer des moyens de survivre en tant que nation : il ne s’agirait pas de reproduire l’erreur commise avec les vampires en te demandant de ne plus manger sur le dos des autres, sans t’accompagner et t’aider dans ta transition vers une nation à part entière, dont le mode de survie ne reposerait plus sur la prédation. » Il tourna son regard vers le reste de l’assemblée : « Certains d’entre vous me reprochent mon alliance avec les pirates, jugeant cela abjecte. La politique adoptée par vos nations à l’égard de la Confrérie est à base d’œil pour œil, dent pour dent. Ma politique n’est pas basée sur le rejet, elle est basé sur le changement. Nathaniel est une enflure, et il est fort probable qu’il prenne cela pour un compliment. » Il glissa un regard vers son allié.

« Mais derrière lui, il y a un peuple de laissés pour comptes, de miséreux, de mendiants, de prostitués qui, à un moment de leur vie, ont dû survivre en volant, en tuant ou en écartant les cuisses. En s’alliant, les uns avec les autres, pour être plus forts. Des gens qui n’ont pas eu de chance et qui n’ont eu que la Confrérie pour leur tendre la main, car tous les autres se moquaient qu’ils meurent de faim, pointaient du doigt leur déshonneur et leur médiocrité. Ils ont laissé leur éthique de côté, parce que c’est devenu cela leur identité… Les vampires ont la même histoire et nous avons avancé pour être une nation comme une autre, avec des relations diplomatiques, commerciales, culturelles. »

Il posa son regard sur les graärh : « Je ne dis pas que ce sont des enfants de chœur. Vous êtes légitimes face aux souffrances qu’ils vous ont infligé. Mais il y a deux options : soit vous êtes en guerre et priez pour les saigner et dans ce cas… Il n’est pas légitime de réclamer d’eux une trêve, c’est tout aussi indécent que la proposition de Nathaniel contre laquelle tu t’insurges, Claudius. Soit vous les acceptez et vous les aider à devenir autre chose que les vautours qui vous dévorent. Leur réclamer une trêve tout en les discriminant et en ne les laissant pas partager la scène mondiale et commerciale, c’est faire exactement ce qui a été fait avec les vampires : leur demander d’être une nation normale, sans crocs, mais de ne pas les traiter comme des égaux, de ne pas les aider. Comme le disait très justement Claudius… » Quand ça l’arrangeait, évidement : « Les efforts doivent venir des deux côtés si vous voulez que tout se passe bien. » On en revenait toujours à l’exemplarité, c’était fou, non ?

« Alors Nathaniel, peux-tu faire une proposition plus acceptable de tes conditions pour la trêve ? »

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Marchand de tapis

Si l'Empereur se permettait de moduler sa participation au conflit à venir à l'acceptation d'une trêve, alors Nathaniel se permettrait lui aussi de soumettre l'acceptation de cette condition à ses propres conditions. Le forban avait peut-être un intérêt à ce que des années de calme se profilent à l'avenir afin de permettre à sa nation de concentrer ses efforts sur son propre renforcement plutôt que le sabotage de ses adversaires, pour autant cet intérêt ne tenait qu'à partir du moment où les profits qu'ils pouvaient en tirer étaient supérieurs sinon égaux à ceux que ses adversaires pouvaient eux-mêmes en tirer. Le Roi de la Confrérie n'était pas dupe, et ceux autour de la table non plus. Cette trêve ne serait qu'un compte à rebours avant un prochain conflit. Jamais l'Empire et les Légions ne pourraient accepter un voisin comme la Confrérie après tout ce qu'ils avaient subi. Cette trêve servirait uniquement à préparer la prochaine guerre. Tout du moins, c'est ainsi que le percevait et peut-être désirait, Nathaniel. Ainsi, la proposition d'une trêve, même si elle pouvait présenter de nombreux avantages, restait aux yeux du gredin très nettement au désavantage de la Confrérie à long terme. L'Empire et les Légions graärh allaient se renforcer, sans doute bien plus que sa nation. Du moins, si la proposition demeurait en de tels termes. Le Sainnûr posa alors ses propres conditions et celles-ci participèrent à faire sortir de ses gonds Claudius.

Aux menaces et invectives de l'Empereur, le Prince des Mensonges répondit avec un regard profondément dangereux. L'ancien elfe était certes un fanfaron, et quand bien même cela le dérangeait, jamais il ne se risquerait à étaler ses cartes maitresses à son ennemi. Si la flotte Delimarienne et son Oiseau de feu étaient là les seuls As dans la manche de l'Empereur, alors une intensification du conflit serait assurément plus destructrice pour l'Empire que pour la Confrérie. Échantillons de peste de corail, graines d'Ékinoppyre, liqueur frelatée d'Athgalan, tsunami, otages graärh, assassins, l'Eärendil possédait bien assez de ressources à sa disposition. En ultime recours, il lui restait Kaiikathal.

Le tyran des mers était certes une enflure de première catégorie, mais à l'inverse du nombre de malades dégénérés qu'habitait la Confrérie, il est possible de discuter avec lui. Malheur à ceux qui décident de fermer cette porte pourtant ouverte.

Un sourire malsain s'étirait déjà sur les lèvres du brigand qui préparait sa réponse au coup de sang pour le moins agréable de l'Empereur qui faisait tomber le masque de l'hypocrisie. Heureusement, l'Eärendil n'eut jamais à prononcer les mots qu'il préparait, car la voix empreinte de magie de Valmys fit vibrer la trame alentour, imposant le calme à ceux qui initialement s'étaient réunis pour trouver une solution face à la menace planant sur eux tous. Le visage de Nathaniel, déformé par la malfaisance, retrouva les traits malicieux et arrogants qu'il arborait habituellement.

Aldaron reprit immédiatement la parole dès la fin de l'intervention du maitre barde. Le Sainnûr sombre demeura silencieux, écoutant avec attention ce qui allait se dire. Le vampire présenta la situation sous un nouvel angle, un angle que le forban ne s'était pas risqué à annoncer aussi brutalement. Il est vrai que le soutien de l'Empire dans cette opération n'était pas obligatoire. Mais elle n'en demeurait pas moins appréciable pour eux. Bien entendu, ils ne seraient pas les seuls à en tirer profit. L'Empire lui-même en tirerait un certain crédit. Le Sainnûr lui-même avait voulu le laisser sous-entendre en demandant à Claudius si celui-ci laisserait le Royaume Erlië et la Confrérie s'emparer seul du titre de protecteur de l'archipel.

« Ta proposition est indécente. Je sais ton amour pour l’inacceptable, mais nous sommes ici pour conclure un accord. »

L'Eärendil tourna la tête en direction de l'Elusis et ne put réprimer un sourire semblable à celui que ferait un gamin reconnaissant sa culpabilité. C'est vrai, sa demande était outrageuse. Ainsi, il pouvait revoir sa proposition et apparaitre comme quelqu'un d'ouvert à la négociation et de raisonnable. Mais cet outrage avait également un autre objectif. Tester l'Empire en le piquant à vif. Bien qu'il n'en fasse pas tant étalage, Nathaniel méprisait les légions graärh et cela pour une très simple raison : ces nations avaient été vaincues, elles étaient donc faibles. Et dans son histoire, les faibles avaient toujours été à la disposition des forts qui décidaient de la suite de leur existence. Même l'intervention miraculeuse des dragons libres en leur faveur ne changeait rien à cet état de fait. L'Empire, lui, avait encore le séant entre deux chaises. La nation avait été défaite, humiliée, mais pouvait-on pour autant dire qu'elle avait été vaincue? L'Empire malgré ses nombreuses blessures représentait encore une menace. Ici, Nathaniel avait cherché à voir s'il était possible d'obtenir un soubresaut, ou si la bête impériale n'attendait plus qu'un coup de grâce.

« Les efforts doivent venir des deux côtés si vous voulez que tout se passe bien. Alors Nathaniel, peux-tu faire une proposition plus acceptable de tes conditions pour la trêve ? »

« Tu as raison Aldaron, c'était indécent. Mais je n'ai pas pu m'en empêcher. Qui ne tente rien n'a rien. »

Le Sainnûr sombre tourna son regard en direction de Claudius, s'imaginant que son coup de colère n'aurait pas eu le même éclat si celui-ci avait été fait avec son corps physique. Il avait pu voir la force d'esprit de l'Empereur qui n'était pas diminuée par sa condition physique. Cela rendait la réalité encore plus triste. Sur l'heure cette tempête était enchainée à une chaire pourrissante vouée aux trépas. Affichant un sourire narquois, Nathaniel s'empressa d'enchainer.

« Cela fait plaisir que voir que l'Empire en a retrouvé une p ... »

Une paire oui, une paire comme on l'en retrouve chez les hommes, les vrais. Une expression virile, certes macho, provocatrice certainement et peut-être toxique pour certains. Quoi qu'il en soit, une expression qui ne se termina pas puisque l'ultime mot n'en franchit jamais les lèvres du gredin qui s'arrêta sur la seizième lettre de l'alphabet.

« Une p ... une p ... une p ... »

Le Sainnûr sombre sembla insister, mais à chaque fois il s'arrêta, semblant bégayer. Non, plus exactement sa langue était retenue par une force invisible qui l'empêchait, semble-t-il, d'arguer cette ultime provocation. Nathaniel finit par lâcher un soupir et jeta un regard sombre en direction de Valmys qui semblait être à l'origine de cet empêchement.

« Peu importe. »

Le gredin chassa l'air devant lui, retrouvant son sérieux.

« Aldaron dit vrai, pas uniquement sur le fait que je sois une enflure bien sûr, mais sur son analyse de la Confrérie. Chaque société à sa part de lumière et d’ombre et nous sommes cette dernière. La seule différence, c’est que cette fois-ci l’ombre s’est unie et qu’il n’y a plus moyen de l’ignorer. Nous avons décidé de prendre les choses en main pour nous extirper de la fange qui nous a vus naitre, même si cela doit se faire au détriment d’autrui. De l’aide ? Non, il est trop tard pour cela. Nous ne désirons que prendre la place qui est désormais la nôtre dans ce monde. Et nous y parviendrons, n’en doutez pas, d’une manière ou d’une autre. La question profonde qu’il faut donc que vous vous posiez, c’est de savoir si vous acceptez cette part d’ombre afin qu’elle cesse de vous tourmenter, ou si vous continuez à la rejeter au risque de vous blesser. »

La question ne s’adressait bien sûr pas au Royaume Erlië qui y avait déjà répondu, mais bien entendu à l’Empire, aux Légions graärh, mais également à l’Alliance des Cités Libres, qui bien que non officiellement en bon termes ou en mauvais termes avec la Confrérie, a à sa tête une reine dont les idées sont hostiles à la Confrérie.

« Claudius, j’assume chacune des actions que j’ai pu entreprendre personnellement ou pour le compte de la Confrérie. Je n’ai pas à en être fier ou non, je laisse cela aux autres. J’ai fait ce qui était nécessaire, car à ceux qui n’ont rien seul compte la survie. Et je ne te ferais pas l’affront d’hypocrites excuses après que tu aies fait si merveilleusement tomber le masque. Ce n’est pas comme si j’en avais l’intention de toute manière. »

L'Eärendil posa ses mains sur la table.

« Oublions l'exonération de toutes taxes et frais d'amarrage. Qu’il soit appliqué à la Confrérie par l’Empire les mêmes taxes et frais en vigueur pour les navires et marchandises des nations dont les représentants sont présents aujourd'hui. Que les navires de la Confrérie aient accès aux ports de l'Empire. Que les marchandises de la Confrérie aient accès au marché intérieur de l'Empire. J’accepterais alors cette trêve. La mer de Reshenta redeviendra alors un lieu sûr pour tes navires. Et bien entendu, la Confrérie nourrira suffisamment les soldats que tu déploieras lors du combat à venir.  

Tu comprendras cependant que je ne peux accéder à ta requête de libérer tous les graärh que la Confrérie a capturés. Cependant si tu tiens à venir en aide à tes alliés, je suis prêt à faire une petite entorse au code des pirates. Tu ne le sais peut-être pas, mais chez nous comme on dit : celui qui n'est pas à sa place, reste sur place. Nous pourrons toujours envisager un échange de prisonniers : un prisonnier de la Confrérie contre un graärh d'une des deux Légions. Sinon, tu n'auras qu'à leur faire crédit pour leur venir en aide lors des achats des ventes aux esclaves. »


Le regard du forban se tourna vers les Jh'eena et Asolraahn.

« Car concernant les Légions gräarh ma proposition demeure inchangée en dépit de l'intervention de l'Empire. Je suis prêt à vous offrir la possibilité d'ouvrir une ambassade commune à Althaïa afin de vous permettre l'accès au marché aux esclaves pour que vous soyez en mesure de formuler des offres lors des ventes de graärh. Si et seulement si les Légions Graärh confondues ne pas possèdent pas une flotte de plus de trente vaisseaux, navires de commerce compris. Pendant les dix années de la trêve, bien entendu. »

Nathaniel s'enfonça dans le fond de son siège.

« Est-ce plus raisonnable ? »

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Au début, tout sembla pourtant se passer pour le mieux. Puis les choses étant ce qu’elles sont, le sujet de la table dévia vite des Couronnes des Cendres. Asolraahn détourna la tête et fronça les coussinets avec résolution. Il redressa sa haute stature de son siège, lequel peu adapté à sa taille poussa la complainte déchirante du bois que l’on ébranle. Ses mâchoires fermées remuèrent, sa truffe s’agita et cela n’eut rien à voir avec un sursaut d’appétit. Le regard résigné, il comprit que le véritable but de cette confrontation était arrivé. Et même si le baptistrel fut prompt à rappeler les termes de leur entrevue, tout le monde tirait déjà les crocs à ce qu’il semblait. Bien. Il fallait en passer par là de l’avis du félin. Une trêve, toute protégée qu’elle fut par l’aura d’une dragonne comme celle de l’orage, ne pouvait être conclue sans heurts. Sinon quelle valeur aurait-elle ? Il n’y avait qu’à voir comment celle entre les vampires et les Trands s’étaient rapidement disloquée. Il était même étonnant d’espérer un avenir aussi dénué de tensions, tant ce qui les séparait faisaient ressurgir le pire chez chacun d’eux.

Il en eut pour preuve l’altercation virulente qui s’ensuivit. Si l’empereur focalisa sur lui une majeure partie de l’attention, ce fut sur le bouffeur d’agrume que la sienne se tourna. La situation avait l’air de plaire au pirate et ceci n’échappait à personne. Les avertissements du baptistrel, bien qu’il les accepta pour la sauvegarde de leurs discussions, ne furent certainement pour lui qu’une forme de satisfaction personnelle, comme s’il s’agissait d’un devoir de ramener la discorde entre eux.
Une seconde nature chez lui. Le chaos participait à lui donner l’avantage. Nathaniel lui-même ne cessait de l’exprimer : les pirates ne vivaient que pour piller. La tentation de s’y risquer en période de paix serait grande. La parole venimeuse de leur représentant ne suffisait pas. En dépit de tous les arguments du Prince Noir à l’égard de ses alliés, cette Confrérie n’avait rien d’un véritable peuple : Avaient-ils seulement une culture ou des lois ? Y avait-il une institution autre que celle de tuer et de vendre des esclaves ? Il ne suffisait pas d’un monarque et d’une cité pour dessiner les contours d’une société.

Asolraahn se demanda en son for intérieur s’il était seulement possible de discuter d’une accalmie dans leur conflit. Si les mois passés lui avaient permis d’acquérir un vernis de sagesse, cette seule idée lui hérissait le poil. Ce répit demandé par tous ressemblait à s’y méprendre à un artifice. Personne n’était dupe : à cet accord se destinait les préparatifs d’une guerre plus grande et plus meurtrière encore. A quoi bon passer dix années à survivre si ce n’était que pour reprendre les armes à leur terme ? Un conflit indolent était parfois préférable à une paix troublée. Il était un guerrier après tout et les choses de la diplomatie, comme cette querelle sous couvert, ne lui disait rien qui vaille.

Et pourtant.
Si la sûreté de l’archipel n’était pas promise, Asolraahn ne rejetait pas cette entrevue tout de bloc. Car voilà que derrière l’apaisement des tensions, un autre sujet lui venait à l’esprit : il songeait également à la situation atroce que vivaient les Graärh prisonniers de la confrérie. Leurs geôliers étaient des êtres impitoyables, cruels et pervers. Jusqu’à Athgalan, les légions n’avaient eu de cesse de chercher la libération de leurs frères et sœurs, souvent par la force des armes, souvent en vain. De tout ceux qu’il avait vu disparaître de la main des pirates, il en avait retrouvé bien peu. Pour son plus grand malheur, car sa fille Taar’Melaah en avait été l’une des victimes. Sa disparition avait provoqué son départ de la légion Vat’Em’Medonis, sa quête parmi les vampires et son voyage jusqu’à l’île de Néthéril. Il avait alors prêté serment auprès de Sa’Hila qu’il les aiderait à libérer les Graärh esclaves du joug des écumeurs des mers. Il s’était battu au côté des Garal mais aussi en son propre nom. Ensembles, ils s’étaient jetés sur les murs d’Athgalan, galvanisés par l’espoir.
Ensembles, ils avaient découvert le visage de la cruauté.

Une pensée lourde creusa une faille dans son esprit, s’immisça en lui comme un chancre, l’obligeant à fermer les yeux un moment : Il avait accepté depuis longtemps la mort de sa fille. Son absence était devenue un tourment crû dans sa vie, mais la présence de son petit-fils Shuu’ran avait appliqué un baume sur cette vieille blessure. Il avait abandonné depuis lors l’illusion de la retrouver, préférant se concentrer sur le présent et le bien-être des Garals. Mais son peuple devait-il en faire autant ? Devait-il rejeter cette trêve en portant le seul atour de sa méfiance ? En retirant tout perspective à ceux qui avaient perdu un être cher au cours de ces années de raids ?

La haine avait du bon, mais il savait plus que quiconque que l’espoir déplaçait des montagnes. C’était peut-être encore ça plus que toute autre chose dont les légions avaient besoin.

En outre, aujourd’hui que l’esclavage ne constituait plus de grandes pratiques chez les Séléniens ou l’Alliance des Cités Libres, il ne restait plus qu’un peuple établi sur Paadshaïl qui pouvait encore avoir le goût des siens, et cette idée le rendait malade. Si la trêve établie ne les menait pas à la paix, peut-être leur apporterait-elle ce qu’ils n’obtiendraient que difficilement par la guerre.

Lorsque le regard de Nathaniel se posa sur eux, Asolraahn lui trouva toute la morgue qu’il avait déjà vu par le passé. Cependant, il portait cette fois les stigmates d’un sérieux inattendu. Son discours fut du même acabit, il précisa les intentions de la Confrérie et n’hésita pas à menacer quiconque se placerait à l’encontre de leur vision. Il révéla pour ainsi dire que la plaisanterie, qu’importe quand elle avait commencé, était terminée. Il réitéra sa proposition mais la réponse des Graärh se fit attendre. Le géant opalin remua à nouveau sur son siège. La complainte chanta. Enfin, il poussa un long gloussement, aussi tonitruant que l’éboulement d’un rocher, avant de lâcher comme une pierre :

-Une part d’ombre et de lumière, par les esprits, j’ai bien fait de venir pour entendre ça ! Tes palabres font de belles saillies, mais ne cherche pas à justifier les actes que ta confrérie et toi commettez par simple bassesse. Quant à accepter votre présence et la rendre légitime, tu n’as qu’à te retourner la question pour obtenir ma réponse. Viendrais-tu à accepter mes légions comme voisines ? Viendrais-tu à m’accepter moi si j’enfouissais mes bottes dans la boue avant de les essuyer sur tes tapis ? Bien sûr que non. Ainsi donc je te le dis, ne cherche pas de justifications à ta cupidité et ton ambition. Tu t’égards en pérorant de la sorte. Restes-en à ta version première, celle où tu méprises mon peuple et ma culture, car c’est en ennemi que ton visage brille le plus.

Il observait le forban de ses yeux de glace, avec un soin carnassier. Ses griffes d’ivoires pianotaient avec une régularité calculée sur la table. Du reste, il n’avait pas l’intention de pousser la réflexion plus loin. C’était une perte de temps grossière et il le savait. Les Graärh avaient été les premiers êtres à fouler cet archipel, et aussi les premiers à faire les frais des agissements des écumeurs des mers à Athgalan. Ce n’était pas de leur patte que le premier sang avait coulé. Et leur colère, considéré par bon nombre comme un tapage vaniteux, ne disparaîtrait pas même après que les Esprits aient fait tombé ce monde dans la nuit :

-Et à ce titre, en ennemi nous saurons nous tolérer, compléta-t-il, son regard rejoignant le prince noir. Car Aldaron a on ne peut plus raison : (Il se tourna ensuite vers l’empereur) Séléniens comme Vampires, je ne sais jusqu’où s’est ancré votre querelle, ni jusqu’où ses ramifications remontent. Mais nous ne pouvons laisser notre haine prendre le pas sur cette rencontre. Pas aujourd’hui. Remuer le passé reviendrait à nous rappeler à quel point celle-ci est justifiée. Pour que cette trêve soit conclue et qu’elle en vaille la peine, nous devons oublier les fautes des uns pour qu’eux-mêmes enterrent les nôtres, qu’elles nous semblent justifiés ou non.

Bien que la vérité soit une, Asolraahn avait appris que tout le monde en avait sa version bien à lui. Il était impossible d’accorder les esprits sur tous les points et toutes les histoires. Quant aux méfaits, c’était encore pire. Le félin faisait donc le choix qu’aucun esprit martial n’accepterait :

-Passons au détail, déclara-t-il avec une lueur amusée envers le forban. Pour deux légions, trente vaisseaux seront insuffisants pour subvenir à tous nos besoins. Après tout, rappelons-nous que dans trente, il n’y a qu’une quinzaine pour chaque légion. Il s’agit là d’une misère. Restons sérieux. Je n’accepterai ces conditions que pour une quarantaine de navires, pas moins. Cette disposition acceptée et pour le bien de nos peuples, j’appuierai alors ce traité car je souhaite avant tout que la libération des miens devienne possible.

Il leva une patte pour avertir l’assemblée qu’il n’avait pas tout à fait terminé. En effet, il avait déjà bien trop connaissances des plans retors utilisé par les pirates pour ne pas ajouter son autre grain de sel :

-Je suis prêt à participer à l’ouverture d’une ambassade sur Althaïa. Je suis prêt également à affranchir des Graärh prisonniers moyennant un paiement. Mais entendons-nous bien. J’ai vu ce que les pirates faisaient aux miens à Athgalan. Peut-être certains ici l’ont oublié ou ne sont pas au courant. Moi j’ai vu le résultat de vos expérimentations alchimiques. J’ai vu des Graärh être piégés dans un carcan de malédiction, devenir de véritables instruments de morts, des bombes vivantes préparées à cet effet pour tuer le plus de leurs frères et sœurs. J’ai vu leur poitrine pulvérisée par ce mal. Je sais combien vous avez du talent dans ce domaine. Et ainsi, j’en appelle à une garantie sur le bon traitement des prisonniers. Je refuse que tes alchimistes profitent de ces dix années pour causer ce mal ou toute autre aux miens et préparer les pièges meurtriers de demain. Je ne veux pas non plus de tes espions dans les rangs des esclaves, car je sais l’esprit de certains Graärh pervertis par votre credo. Ces tromperies ne seront pas tolérées. Dans le cas contraire, cette trêve est vouée à n’être qu’un subterfuge de plus et j’y refuserai chaque autre terme.

Il conclut là avec fermeté sur ses demandes. Il était impossible d’empêcher les pirates de jouer par manigances durant les années de répit. On ne pouvait en attendre autant. Mais sa méfiance était plus que justifiée, et il n’était pas acceptable que cette entrevue soit le rouage d’une nouvelle manipulation de leur part. Si les pirates promettaient de vendre la libération des esclaves comme condition de cette trêve, alors il devait s’agir d’un geste sincère :

-Pour que ces principes soient honorés, j’ai une grande confiance envers Keetech Quartzécailles car je sais son esprit honnête et avisé.

Ce ne serait certes pas l’avis de tous les membres de cette assemblée. Ses alliés dont l’empereur lui-même ne portaient pas particulièrement les dragons dans leur cœur, libres ou liés. Cependant la relation entre les légions et ces créatures ne pouvaient être plus harmonieuses. Depuis qu’il s’était installés sur Néthéril, Verith avait apporté plus d’une fois son aide aux Garal, les protégeant de la ruine. Pour Asolraahn, il n’y avait pas d’être plus sage et la promesse de la dragonne d’orage cimentait cette opinion. Néanmoins, il s’agissait là d’un fardeau énorme. Il n’était pas sûr que son influence seule suffise à endormir les ardeurs. Les efforts, comme le disait Aldaron, devraient venir de tous :

-Mais nous en remettre à sa seule surveillance n’est pas une solution viable. (Il s’inclina auprès de la dragonne) Sauf votre respect. Il faut à mon sens que les membres de cette assemblée, tous, nous soyons acteurs de notre propre accord. Je crois également que nous couper les uns des autres durant dix ans en s’en tenant à de simples promesses n’est pas un lien suffisamment ténu pour garantir notre tranquillité. Je ne vise personne bien entendu. (Un rictus tout de crocs vêtu s’empara de ses traits et gagna ses moustaches tandis qu’il haussait grand les épaules) Hélas moi-même il m’arrive d’omettre quelques petites choses car la mémoire est un bien qui me fait occasionnellement défaut. C’est pourquoi je propose durant cette période que nous nous réunissions tous les deux ans, à cette même table ou à un endroit différent si les circonstances l’obligent, pour nous assurer auprès de tous que la bonne conduite de cette trêve demeure. Est-ce que cela vous convient ?

Il s’adressa ensuite au roi pirate :

-Et si les Esprits le veulent, je pourrai alors tolérer ta part d’ombre en tant que voisin. Car j’irai en ta demeure m’assurer que mon ambassade tienne le coup. Tu en seras ravi, je n’en doute pas. Aucune jupe draconique ne t’empêchera alors de venir me trouver.

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Dire que la discussion tournait au vinaigre revenait à surestimer le potentiel d'acidité du condiment en question. Evidemment, en présence d'autant de forces directement ou indirectement belligérentes, garder son calme était difficile...Et en tant que nouvelle arrivée sur la scène ô combien complexe de ces jeux d'influence et de provocation, je ne voyais qu'une seule option pour éviter de finir dans l'embarras le plus total : le silence. Jusqu'à ce que j'aie quelque chose à dire, tout du moins. La définition en un mot qui fut donnée de Nathaniel n'était pas pour rendre grâce au personnage : "Enflure". S'il pouvait simplement s'agir d'une boursouflure inopinée, tout aurait été bien plus simple...Mais non content d'être légèrement plus malin que la manifestation infectieuse à  laquelle il était comparé, jamais celle-ci n'aurait su m'inspirer autant de dégoût que ce Glabre. Quelle abjection à trois pattes...Ses insultes ne manquaient pas de créer chez moi une fervente volonté de le suriner, mais c'était là sa façon de jouer. Atghalan l'avait déjà démontré par le passé. Mieux valait se limiter à des réponses "cordiales, toute proportion gardée au vu de l'individu, et sans pour autant ne pas s'avérer incisives, pour ne pas finir perdante. Je me contentais donc d'adopter un air flegmatique, n'hésitant pas à lancer quelques regards sur les autres convives, dusse l'éclopé faire preuve de perspicacité, ou, au contraire, asperger la foule de vitriol verbal, qu'il pouvait vomir sans discontinuer avec une facilité déconcertante. Non, définitivement, Nathaniel n'était pas une enflure. Une fistule, à la limite...mais le terme était encore faible, et il était important que mon esprit reste focalisé sur le fond, plus que sur la forme. Car c'était là une technique bien connue des voleurs à la tire et des illusionnistes en tout genre : attirer l'attention sur quelque chose d'énorme pour qu'une petite manipulation passe inaperçue. Ainsi le Roi Manchot jouait il de son verbe.

Le premier à sortir de ses gonds fut l'Empereur de Havremont. Entre provocations, insultes, requêtes inacceptables et autres pitreries de soudard, il fallait reconnaître que le Saînurr présentait une performance digne de sa réputation en la matière...Mais cependant que Claudius tentait d'adresser aux deux alliés de l'ombre sa désapprobation et son désir net, s'il n'était pas visible que par magie, d'envoyer quelques mandales -méritées- au roi des pirates...et possiblement au Prince Noir. Ma connaissance de la situation les ayant amenés à leur actuelle relation était limitée, mais les deux exposant leur point de vue, j'en appris un peu plus sur leur histoire...Et décidai, à nouveau, de ne pas m'en mêler. Pourtant, que n'avais-je pas envie de laisser libre cours aux pulsions du sang qui coulait dans mes veines! Si je gardais mes pattes jointes sur la table de pierre, ce n'était pas plus pour donner une impression de calme aux autres que pour m'éviter de céder : les garder dans mon champ de vision  me remémorait l'importance de cette réunion, et de ma présence ici.

La tension retomba quelque peu lorsque le baptistrel fils du Prince Noir s'imposa dans la discussion, avec un calme et une élégance exemplaires, calmant quelque peu l'assistance. Enfin. L'infernal trio composé du Roi des Malandrins, du Prince Noir et de l'Empereur de Havremont avait tant fait monter la sauce que parler d'un véritable retour au calme était impossible. Même Asolraahn, à côté de moi, semblait se retenir de rentrer dans la mêlée verbale, lui qui d'ordinaire était un graärh des plus raisonnés. Certes, à l'avoir quelque peu côtoyé, il était facile de comprendre qu'il avait le coup de sang facile...mais je ne l'aurais pas cru aussi proche de l'implosion dans un cadre si important. Enfin. Il n'était pas le seul, pour ne rien vous cacher. Mais à nouveau, les outils à ma disposition pour m'imposer dans cette assemblée étaient purement verbaux. Asolraahn avait le bénéfice de l'indépendance et l'appui de Vérith, d'une certaine façon. Les trois monarques et le conseiller Avente avaient une autorité (ou en étaient dépositaires) sur une nation entière. Je n'étais ici que le tiers d'un conseil gangréné par les deux autres. Et c'était sans même parler des aptitudes martiales. Définitivement, nôtre système politique nous affaiblissait grandement... A cette idée, je relevai légèrement une de mes babines sur mes crocs, la rabaissant aussi tôt en sentant le geste s'initier. Un observateur avisé, ou, plus simplement, le dénommé Valmys, dut s'en rendre compte, mais je reportais mon attention sur les conditions qu'énonçait Asolraahn. Il se retenait depuis trop longtemps. S'il se conformait aux directives du baptistrel, le Lion Blanc ne cachait pas pour autant son animosité...Et tint des propos qui manquèrent de me faire hérisser le poil. Si j'étais apte à comprendre bien des sous-entendus, Asolraahn prenait une posture très...humaine, dans sa démarche, mettant en avant sa position quant à son idée de l'avenir, et de la façon de le constituer. Mais montrer un manque d'unité dans un moment pareil aurait été ridicule. Et le fait qu'il ait pris la parole en premier me barrait la route : impossible de prendre le rôle de la "méchante Aaleeshaan" s'il n'était pas le "gentil Trybyoon". J'empêchai ma queue de battre la mesure de ma contrariété, posant ma main sur son bras après qu'il en eut terminé.


- Le Prince Noir a avancé avec justesse plusieurs éléments, concernant la Confrérie, comme les clauses tacites de la trêve que nous tentons en ce moment même d'établir. Cependant, Trybyoon, mettre de côté des différends ne signifie pas oublier le passé, dans lequel le présent trouve ses causes, et l'avenir, ses fondations. J'espère que, s'il souhaite que son...peuple soit reconnu comme tel, et non comme une i...

Les mots "immonde gangrène flottante à éradiquer" ne franchirent pas mes lèvres. Ce n'était pourtant pas faute de souhaiter les adresser à Nathaniel...Mais l'interdiction du baptistrel s'imposait avec bien plus de force que je ne pouvais lui opposer. Changeant mon carquois d'épaule, j'enchaînai sur une option de repli. Je n'en avais pas vingt-cinq, mais au moins une, après avoir entendu bafouiller le manchot fou. Difficile de douter de la suite originale de sa phrase...Et encore plus de croire qu'il s'était lui-même empêché de la prononcer.

- ... irritante entité ennemie, Nathaniel saura faire la part des choses entre les erreurs et le futur des siens. De là à parler d'oublier les affronts passés, il y a un monde. Mais réguler les traitements infligés aux Graärhs réduits en esclavage pour permettre au plus grand nombre de retrouver les leurs dans les meilleures conditions, quand bien même il faille que nous les rachetions, Ces mots m'arrachèrent la gueule, presque au sens littéral. Mais force était de reconnaître que je n'avais ni l'autorité ni la reconnaissance suffisante dans ce groupe pour en demander bien plus. est un minima. Nous avons bien trop à reconstruire pour raisonnablement penser cette trêve comme une opportunité de se préparer à détruire. En cela, quarante bateaux paraissent dérisoire, mais je ne ferais pas passer une force d'assaut avant la sécurité des miens. C'est pourquoi sur ce point, dussions-nous les financer par la suite, nous demandons également à ce que les esclaves les plus faibles nous soient restitués, vivants, évidemment, et au plus tôt, en guise de bonne foi de votre part.

Je m'étais ravancée sur mon siège, dardant le pirate d'un regard sérieux. En spirite du Coq, j'avais l'avantage de la prestance. D'une diction travaillée et rythmée, là où ce saltimbanque mentalement instable, quand bien même il fallait le prendre au sérieux, jouait sur les cordes sensibles des uns et des autres, j'énonçais mes conditions. Pour les deux idiotes qui me servaient de commensales lors des réunions du conseil, le simple concept de trêve aurait sans doute suffi...et quand bien même je n'étais pas d'accord avec l'ampleur des termes évoqués par Asolraahn, force était de reconnaître que sa malheureuse connaissance d'Althaïa et des esclavagistes nous sauverait potentiellement de pièges que j'aurais pu oublier. Il y avait bien des choses dont il nous faudrait parler à l'avenir, lui et moi. Dans un avenir très proche, même. J'en profiterais sans doute pour le remercier...mais pas que. Il me mettait dans une position impossible, et dans le même temps, sa présence était indispensable à cette tenue de séance. Enfin. Ce qui était fait était fait.

Et dans ce qui s'était décidé, un élément me troublait particulièrement. Nathaniel devait être parfaitement au courant que la monnaie n'avait pas cours sur Néthéril. Nous donner l'accès au marché aux esclaves était un pas vers...un crédit. Certes, je venais d'en proposer un, mais du type que le comptoir de commerce nous permettrait sans doute d'absorber.  Nôtre seul allié à cette table, pour l'heure, était l'empereur de Havremont. Nous donner pareille possibilité mettait les légions dans la case des débiteurs...à condition que Claudius accepte de nous avancer des fonds. Or, quand bien même il acceptait la demande de Nathaniel d'accéder à ses ports et à son marché, les finances de Sélénia n'étaient pas florissantes. Cela signifiait donc affaiblir l'Empire au profit des légions, ou nous accorder de la poudre aux yeux. A moins que nous ne parvenions à nous créer une économie. Une véritable économie. Impossible de faire entendre une valeur monétaire aux Vat'Aan'Ruda et Vat'Em'Medonis en un temps record. Dix ans? C'était bien trop court pour que ceux dont la vie se limitait à une profession utile à la communauté et du repos ne puissent l'entendre...Mais si le seul dépositaire d'une valeur monétaire était non pas l'individu mais la Légion elle-même, alors...Alors peut-être aurions-nous une chance, en ouvrant notre commerce aux autres nations, d'encaisser suffisamment de valeurs diverses pour pouvoir racheter nos congénères. Quant à cette ambassade...Je ne voyais effectivement personne d'autre qu'Asolraahn pour se charger d'en assurer la bonne tenue et la survie. J'avais d'autres choses sur lesquelles me concentrer pour que cette trêve puisse fonctionner...Si tant est que les Couronnes ne nous éradiquent pas avant. Mais sans conclure avec les conditions de cette trêve, impossible de revenir sérieusement à un plan de bataille.

- Pour le reste, concernant la Confrérie et les Légions, je rejoins nôtre Trybyoon sur les conditions et modalités d'application qu'il a su avancer. Concernant la Confrérie seule, malgré tout le ressentiment que nous pouvons ressentir à leur sujet, je tournais mon regard vers le reste de l'assemblée, prenant le temps de croiser celui de chacun des autres participants, avant de m'arrêter sur l'Elusis, hochant légèrement la tête pour ré-approuver ses dires précédents : Il serait effectivement illusoire de penser que c'est en sortant les crocs face à ses membres qu'ils cesseront de mordre., avant d'en revenir au Saînurr, conservant l'air froid et sérieux que j'adoptais depuis le début de cette conversation, Tout comme seul un chien fou mordrait la main qui s'apprête à le nourrir, au risque de mourir de faim., conclus-je, faisant référence à ce qu'allait leur rapporter la revente de nos frères et soeurs...

Dans toute guerre, les prisonniers ont été monnaie d'échange. C'était l'ordre naturel des conflits entre entités organisées. Mais devoir racheter les nôtres comme du bétail relevait d'un racket en bonne et due forme...Et pourtant. Ce n'était guère comme si nous avions le choix. La voie des armes avait montré ses limites, à Atghalan. Il n'était pas question de remettre le couvert. Dusse Aldaron penser nôtre présence inutile, et (force était de le reconnaître malgré tout) si perspicace soit-il sur les questions de politique entre entités dominantes, lu aussi avait montré ses limites, non pas à Atghalan, mais bien dans l'inlandsis de son propre territoire, face à l'un des adversaires même que nous allions affronter. Quand à Nathaniel...il serait amusant de le voir confronter Laalach. Pareil énergumène jouait beaucoup des limites des autres. Mais saurait-il jouer des siennes? Je contins mon amusement en me tournant, maintenant la même façade que depuis le début de cette rencontre, vers le conseiller Avente.

- Pour en revenir sommairement à vos propos précédents, j'aurais moi-même aimé que la dualité étrange entre refus du passé et de la nouveauté de notre civilisation me permette d'avoir plus tôt accès aux informations que vous nous avez dévoilées, conseiller. La création du Conseil Tribal a compliqué quelque peu la transmission de certaines information, à mon grand regret.  Mes échanges récents avec la Gardienne ne permettaient pas un récit aussi détaillé. Cependant, la question des Couronnes-même sera à adresser de nouveau par la suite.

Si cette réunion m'avait fait prendre conscience de trois choses, elles étaient aussi simples que claires. Nouvellement appointée parmi les influents de ce monde, j'avais encore mes armes à faire en la matière. Ce Conseil tribal était une gigantesque connerie. Et dès mon retour à Néthéril, j'aurais énormément de pain sur la planche...Mais pour le moment, il était de bon ton de passer le relais. Je lançai un furtif regard en coin à l'empereur translucide en plaçant mon menton entre mon pouce et mon index, pensive. Tant de choses à accomplir. Si peu de temps pour y parvenir...C'était à vous en donner le tournis. Asolraahn ne pourrait venir à mon secours, ayant tous deux énoncé des conditions dignes de ce nom. S'il en était un qui devait reprendre le flambeau pour trancher sur les requêtes du forban, c'était bien Claudius, avant que le manchot ne reparte de plus belle...


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Peu de temps après l’intervention de Claudius, à sa grande surprise, se fut d’abord le fils adoptif d’Aldaron qui parla au nom de tous. Il diffusa un rappel à l’ordre, que Claudius accepta bien volontiers. L’Empereur devait le reconnaître : menacer ses ennemis, insulter le roi des pirates et rappeler au Prince Noir à qui il s’adressait, n’était pas des manières des plus diplomates.

Mais Claudius n’était pas un diplomate, pas plus qu’un homme très mesuré d’ordre général. Il était sanguin, bourrin, prenait parfois des décisions sous le coup de la colère, et n’était pas toujours capable de mettre sa fierté de côté, en laissant de temps en temps parler des émotions trop fortes pour être contenues. Un humain, en quelque sorte. Un humain, ayant fait carrière dans le domaine militaire, aimant profondément son pays, et ayant été propulsé jusqu’au plus haut de la hiérarchie car la souveraineté de son Empire avait été menacé. Pas un immaculé ayant déjà des centenaires de vie derrière lui, et ayant l’éternité devant lui.

Eux survivraient à Claudius, et pourraient continuer à imposer leur vision et leur discours pendant des centaines d’années encore. L’Empereur lui, devait s’assurer que chaque message qu’il transmettait était entièrement distinguible et compris, car la nature faisait qu’il ne survivrait pas à ses détracteurs, encore plus avec son infection qui rendait son statut vital encore incertain.

Les humains étaient bâtis ainsi et Claudius encore plus que les autres. Inviter un humain à sa table, comme l’avait fait Aldaron, était l’accepté en toute connaissance de cause. Ce qui se passa, avec une géométrie variable. Sa mise au point avait fait grandement réagir, et n’était pour sûr pas un moment des plus diplomatiques et raisonné de ce conseil, mais au moins l’effet recherché était là. Que l’on approuve ou pas ses méthodes, le Havremont avait visiblement visé juste.

Aldaron « s’excusa », ou du moins reconnaissait publiquement les faits dont il était responsable et arrêta de tourner autour du pot avec lui concernant son implication dans ce conflit. Une chose que l’Empereur apprécia.

— Je suis ravi que tu aies compris l’essentiel de mon propos Aldaron. Fit Claudius avec un sourire contrit.

Pour le reste, l’Empereur remis les sujets évoqués à plus tard. Valmys marquait un point tout à l’heure : au plus vite l’ordre du jour de cette réunion serait réglé et acté, au plus vite chacun pourrait retourner à ces obligations, et c’était encore pour le mieux. Claudius était vieux, et crier lui demandait de l’énergie. Autant consacrer ses efforts à une cause plus juste, d’autant que son conflit avec les vampires ne se règleraient assurément pas autour de cette table.

Quant à Nathaniel, ce dernier mis de l’eau dans son vin. Bien évidemment, il n’accepta pas toutes les conditions de l’Empereur, mais Claudius ne faisait que donner à Nathaniel un goût de son propre médicament par ici. Toujours est-il que la base sur quoi ils partaient lui semblait déjà nettement plus appréciable :

—  Et je suis ravi de constater que la Confrérie a retrouvé une conscience professionnelle. Ces conditions concernant l’Empire sont déjà nettement plus équitables.

Fit finalement Claudius, pour toute réponse au Roi de la Confrérie.

Pour le reste, l’Empereur de Sélénia laissa Asolraahn et Jh’eena discuter des clauses qui leur étaient imposés. Il y eut des inflexions, et des propositions des deux félins, que Claudius jaugea avec une petite moue, refusant pour l’instant d’intervenir. Si la limite de navire était sévère, elle était toutefois aisément contournable : Graärhs et Empire étaient alliés, et le savoir-faire des humains pour construire des navires était grand.
Si les termes de l’accord restaient ainsi, il suffisait qu’un navire batte pavillon impérial, ou plus si besoin, et de cette façon les graärhs pouvaient subvenir à leur besoins facilement, de façon détournés, en ne violant aucun accord. Cela forcerait certes les graärhs à lâcher un peu de souveraineté concernant leurs flottes, mais rien qui n’était absolument indécent aux yeux de Claudius. Tant que les relations étaient bonnes entre eux, autant se servir de ce moment de trêve pour construire quelque chose de durable, plus tard.

— J’approuve la proposition du Tribyoon Asolraahn de nous réunir tous les deux ans. J’ajouterai que  nous pourrions aussi communiquer utilement entre nous autant de fois que nécessaire en cas de besoin. Claudius soupira, jeta un coup d’œil à Aldaron avant de reprendre pour l’ensemble de l’assemblée. Le vase dont nous nous servons aujourd’hui pour me permettre d’être avec vous me sert usuellement pour parler au Prince Noir. Je ne prends pas de son temps pour lui parler de la pluie et du beau temps, mais quand un irritant nous titille l’un ou l’autre, il est bon d’avoir ce lien direct pour éviter l’escalade. A défaut de vraiment l’utiliser, il sert également de matérialisation de nos responsabilités : si ce vase vole en éclat, c’est l’Archipel qui part en flammes avec lui. Je propose que chacun qui le désire ici, puisse avoir un moyen de communication commun qui puisse permettre de rentrer en contact avec les parties présentes ici, que cela soit à plusieurs ou séparément.

Claudius jeta un œil brièvement au Conseiller Avente cette fois-ci, et fit :

— J’ai conscience que cela demanderait un travail complexe de manipulation de glyphes. Mais je pense que certains d’entre vous ici êtes capables de créer de tels artefacts, ou ont les relations pour le faire prestement.

Ce n’était pas le cas du Havremont qui était un bon utilisateur de glyphes, mais un bien piètre enchanteur. Mais il savait par exemple qu’Ilhan lui avait confié un anneau permettant de lui parler en cas de besoin : peut-être que ce savoir-faire pourrait-être repris pour mettre en relation tout le monde ici ? C’était une proposition comme une autre.

— Et je me joins également à la proposition des graärhs concernant le traitement des leurs au sein de ta nation, Nathaniel. Tu disais fort justement qu’il était bon de subventionner la confrérie si l’on souhaitait qu’elle arrête de piller : l’Empire se joindra à cet effort de sortir en priorité les graärhs les plus faibles de leur état d’esclave, mais aussi tous ceux que nous pourrons acheter, quitte à te rendre un ou deux de tes forbans au passage pour réduire l’addition, comme tu l’as fort justement proposé. – Il regarda brièvement Asolraahn et Jh’eena, avant de revenir à Nathaniel – Nous ferons également en sorte que les graärhs puissent subvenir correctement à leurs besoins maritimes pendant ces dix ans, tout en respectant les autres conditions de la Trêve, si cela convient à tous.

Claudius se tut et ferma les yeux. Tout cela semblait raisonnable aux yeux de l’Empereur : les graärhs ne pouvaient pas faire grandir leur flotte au point de devenir une réelle menace sans l’aide de l’Empire, mais ils récupéraient ceux qui leur revenait de droit : les leurs.

Ces propositions étant faites, il laissa le loisir à tout à chacun d’intervenir. Au moins, de la sorte, il espérait que tous purent avancer dans le bon sens.

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Autant pour lui. Sa fierté de les voir tous réunis autour d’une table pour une possible alliance fut de bien courte durée. C’eût été bien trop utopique de croire que cela durerait. Un instant, il eut l’impression de se retrouver parmi des enfants se chamaillant un bout de gras, et ayant oublié qu’ils étaient là pour s’allier afin de survivre à un adversaire bien plus fort qu’eux. Ce qui, pour des humains, n’était peut-être pas étonnant. Il l’avait été lui-même et savait ô combien l’âme humaine était sujette à voir parfois à court terme et à se laisser emporter par ses passions. Mais après tout, il ne pouvait pas non plus en attendre plus de Nathaniel, grand enfant à l’esprit des plus machiavéliques, quand bien même il faisait partie des intemporels...

Il fut toutefois rassuré que son frère Valmys use de son autorité baptistrale pour ramener tous les esprits au calme et les forcer à revenir à l’essentiel. Et cela eut l’effet escompté, que les Esprits bénissent son chante-magma préféré. Chante-magma qui revint alors à son occupation préférée, à savoir… prendre quelques notes vagues sur la réunion, à des fins d’Histoire, distillées de nobles graphismes les représentants çà et là. S’il fut des plus amusés de ces dessins, enviant quelque peu ce magnifique trait de fusain qu’avait son frère, il retint le sourire qui menaçait de se réfléchir sur son visage. Cela aurait pu être bien mal interprété et ce n’était pas le moment d’envenimer les choses.

Toutefois, voyant que la discussion reprenait bon chariot sur la trêve et ses conditions, Ilhan décida qu’il était grand temps de les poser écrites, afin que ce traité puisse être signé aussitôt conclu. Qu’ils puissent ensuite passer à l’essentiel et à l’objet premier de ce Conseil : s’unir et se préparer au conflit à venir contre les Couronnes !

Sans un mot, d’un simple geste, il requit un des parchemins de son frère, qui le lui accorda aussitôt. Sans même qu’il ait eu besoin de le lui demander, il lui fit apparaître également un fusain, lisant en lui ce qu’il s’apprêtait à faire et lui donnant, par ce simple geste, son approbation.

Et c’est un Ilhan silencieux qui commença à rédiger le fameux traité, tentant de reporter chacune des conditions acceptées par les différentes parties. Se permettant toutefois d’en ajouter une, de son cru. Après tout, le plan demandait potentiellement de sacrifier une cité pour en faire un appât. Si tel était le cas, cette cité devrait être dédommagée au besoin. En l’occurrence, il s’agissait de Cendre-Terre, et, certes, son père le Prince Noir n’avait rien demandé et ne demanderait certainement rien. Peut-être les Baptistrels viendraient la reconstruire aussi, réglant ainsi la question en moins de temps qu’il n’en faudrait pour la poser. Toutefois… Peut-être pouvait-il bien y avoir un avenir où les Baptistrels ne seraient plus. Peut-être pouvait-il bien y avoir un avenir où ce serait une autre cité qu’on demanderait à sacrifier… Mieux valait prévenir que guérir, selon lui. Cette clause ne coûtait rien et n’était que légitime au vu de toutes les autres clauses ajoutées.


Traité de Trêve de Cendre-Terre

En ce premier décembre de l’an 1764, a lieu un Conseil exceptionnel des dirigeants de toutes les factions de l’archipel, au sein de Cendre-Terre, organisé par le Prince Noir Aldaron Elusis du  Royaume des Erlië, en vue de prévoir la défense de l’archipel contre le danger des Couronnes de Cendres. Sont présents, outre le Prince Noir, Nathaniel Eärendil, Roi de la Confrérie Pirate, Ilhan Avente, Prince Consort, représentant de la Monarque Autone Falkire de la cité de Caladon et de l’Alliance des Cités Libres, Jh'eena Orën, Aaleeshaan des Chasseurs de Smilodons et membre du Conseil Tribal de la Légion Vat’Aan’Ruda, Asolraahn, Tribyoon de la Légion Vat’Aan’Ruda, Keetech, Dracène de l'orage et Quartzécailles, représentante des dragons libres, ainsi que Claudius de Havremont, Empereur de l’Empire Sélénien. Cette réunion est sous l’égide de Valmys Elusis, Baptistrel Chante-magma, ancien Gardien du Domaine, afin de garantir la bonne tenue de ce Conseil exceptionnel.

L’union des factions contre les Couronnes de Cendre est assujettie à une trêve suivant la fin de la guerre contre les Couronnes de Cendre.

Il a été conclu, en vue de cette trêve, les termes suivants :

- Les factions présentes s’aideront mutuellement lors de ce conflit contre les Couronnes de Cendres pour la contingence matérielle, notamment en nourriture, nécessaires aux armées déployées pour ce conflit.

- Cette trêve aura une durée de dix ans à compter de la fin de la guerre contre les Couronnes de Cendre. Dix ans sans guerre, ni conquête, dix ans sans pillage, dix ans sans représailles, sans tentative de libération de prisonniers ou d’esclaves autrement que par des négociations, dix ans sans les armes. Dix ans de statu quo, où ce qui est pris est pris et où ce qui est à prendre ne devra être saisi par la force. Dix ans de paix.

- Les navires de la Confrérie auront accès aux ports de l'Empire et les marchandises de la Confrérie auront accès au marché intérieur de l'Empire, et ce aux mêmes conditions, mêmes taxes et frais en vigueur, que pour les navires et marchandises des autres nations.

- Un échange de prisonniers pourra être organisé entre les prisonniers de la Confrérie Pirate détenus par l’Empire Sélénien et les esclaves des Légions Graärh détenus par la Confrérie Pirate, de l’ordre d’un contre un.

- Un affranchissement des esclaves Graärh détenus par la Confrérie Pirate moyennant paiement pourra être organisé afin que les légions Graärh les libèrent, pour ceux n’ayant pas été sujets à échange de prisonniers.

- Les Légions Graärh pourront ouvrir une ambassade commune à Althaïa, afin de leur permettre l'accès au marché aux esclaves et de leur permettre de formuler des offres lors des ventes de Graärh.

- La Confrérie Pirate s’engage à ne pas tenter d'infiltrer des espions dans les rangs des Légions par le biais des esclaves échangés ou rachetés, de même que la Confrérie Pirate s’engage à ne pas vendre ni échanger d’esclaves qui seraient transformés en arme indirecte pour atteindre les Légions.

- Si la Confrérie Pirate ne peut pas garantir la bonne santé mentale ou physique, ni le bon traitement, des esclaves échangés ou rachetés, elle s’engage toutefois à présenter en premier lieu les plus faibles en vente, afin qu'ils soient rapidement sortis de la condition d'esclave. De même, la Confrérie Pirate s’engage à réfléchir à la mise en place d'un code de l'esclavage afin d'essayer de limiter les mauvais traitements.

- En contrepartie, les Légions Graärh, toutes confondues, s’engagent à ne pas possèder une flotte de plus de quarante vaisseaux, navires de commerce compris, pendant les dix années de la trêve.

- L’Empire Sélénien s’engage à aider les Graärh à subvenir correctement à leurs besoins maritimes pendant ces dix ans, tout en respectant les autres conditions de la Trêve.

- Si le plan d’attaque contre les Couronnes de Cendres comprend le sacrifice d’une cité d’une des factions, les autres factions en présence s’engagent à aider à la reconstruction de ladite cité, si aide il y a besoin.


Enfin, durant cette période de dix ans de trêve, une réunion du Conseil des dirigeants de toutes les factions présentes et ayant signé ce traité sera organisée tous les deux ans, en un lieu convenu d’avance, pour assurer auprès de tous que la bonne conduite de cette trêve demeure, et ce sous l’égide du Domaine Baptistral.



Quand enfin tous semblèrent avoir fini, et qu’un semblant de silence lui permit de prendre la parole, la voix grave, basse et aux accents suaves de l’Althaïen s’éleva :

Je me suis permis de poser sur parchemin les clauses de la trêve ainsi proposée.

Se disant, il apposa son nom et sa signature sous celui-ci.

Si vous le voulez bien, je vous en laisse la lecture et le soin de signer ce traité.

Il fit passer alors ledit traité à Aldaron, ainsi que le fusain, l’invitant à en vérifier les termes et à signer. Le parchemin et le fusain passa ainsi de main en main, une signature après l’autre, chacun y apposant sa marque et signant là le début d’une autre ère. Keetech put y apposer sa griffe. Quant à l’Empereur, le tout lui fut envoyé par vase interposé, et fut retourné de même. Une fois toutes les signatures en bas du traité, Ilhan confia le précieux parchemin, qui fut si laborieux à rédiger, à son frère Valmys, les Baptistrels devenant ainsi le sceau de ce traité de trêve.

Comme l’a souligné l’Empereur Claudius, pouvoir communiquer entre nous tous serait d’une grande utilité. Je peux apposer à qui le souhaite un glyphe de communication lié à une autre personne. Pour ma part, je suis déjà lié de cette façon à chacun d’entre vous, sauf vous, Aaleeshaan Jh’eena, et vous noble Keetech. Si vous le permettez, je peux nous lier. Que ceux le souhaitant se manifestent et je les lierai de même.

Quand Jh’eena accepta son offre, il officia de suite et apposa son glyphe de communication sur un des bijoux de Jh’eena, faisant qu’ainsi elle pourrait le joindre rapidement. Il fit de même ensuite pour tous ceux le lui demandant. Pour Claudius, et pour ceux souhaitant être liés à l’Empereur par un tel glyphe, Ilhan s’engagea à rendre visite à Sélénia dès la fin de son séjour au Conseil, afin de marquer le bijou choisi par les glyphes demandés.

Enfin, une fois ce petit tour de table fini, Ilhan se rassit, et reprit la parole, d’un ton calme et posé, mais des plus déterminés.

Maintenant que la question du traité de trêve est définie, passons à la suite. Nous parlions d’union contre les Couronnes de Cendre et de plan de bataille. Nous disions devoir séparer les deux Couronnes pour pouvoir les affronter seules, afin qu’elles ne puissent s’entraider. Cela veut dire pouvoir les appâter séparément pour qu’elles se retrouvent "piégées" en deux endroits différents. Rog d’une part, que l’on peut s’attendre à voir accompagné d’une myriade de créatures, que ce soient les Karapts volés à Danalieth, ou d’autres créatures qu’il pourrait bien créer entre temps. Contre Rog, des armées ne seraient pas inutiles potentiellement. Du moins contre ses créatures. Pour l’attirer, le Prince Noir Aldaron pensait que Rog serait amené à vouloir le trouver à Cendre-Terre, afin de tenter de lui arracher les informations concernant ce que les Couronnes cherchent, et Nathaniel proposait de sacrifier Cendre-Terre en utilisant les Karapts et/ou Danalieth pour l’attirer, songeant que Rog se ferait une joie de vouloir se venger d’eux voire les récupérer et les faire siens de nouveau.

À voir lequel des deux plans, voire une combinaison des deux, peut nous assurer que le plan fonctionne, et comment le mettre en place au mieux. À moins que d’aucuns aient d’autres propositions.

Concernant Laalach d'autre part, nous avons souligné le fait qu’il ne faudrait pas lui faire confronter des individus trop puissants ou aux capacités martiales trop avancées, pour éviter de lui donner trop d’avantages. Je soulignais ce que l’alchimiste Demens préparait et qu’il voudrait sans doute être de cette confrontation, à confirmer, et qu’il faudrait avec lui quelqu’un usant d’intelligence et de fourberie pour pouvoir le soutenir dans cette entreprise. Nathaniel se serait bien proposé, songeant correspondre à ces critères, mais étant Maitre des Esprits-Liés il pense, à raison sans doute, lui donner un avantage certain également. Par contre, et ce sans que cela ne m’enchante vraiment, je pense pouvoir correspondre aussi à ces critères. Je ne suis pas un combattant hors pair.


Seule une chimère avait eu la folie de croire en ses capacités d’épéiste… Capacités inexistantes, bien entendu. Quant à savoir combattre… Même s’il avait appris quelques rudiments, cela ne suffisait pas à faire de lui un guerrier redoutable. Pas de quoi donner un avantage à Laalach.

Je ne suis pas un combattant. Avec une potion, ou avec un Puits de Néant de confection almaréenne, ou apparenté, qui permette d’annihiler, temporairement, mes capacités magiques… je n’aurais plus grand-chose à offrir en capacités offensives à Laalach. En outre, en Esprit-Lié, je suis doté du même que lui, qu’il ne pourra donc copier, et du dauphin… qui ne lui conférera pas grand-chose en attaque. Étant ornithorynque moi-même, peut-être pourrais-je aussi espérer, je dis bien peut-être, deviner et anticiper ses plans… Il nous faudrait bien sûr d’autres appuis. Et nous n’avons pas non plus défini comment l’attirer en un autre endroit que Rog…




HS :
- si souci dans le traité, merci de le signaler en chan intrigue de discord, afin que j'édite directement ici, et que l'on ne refasse pas un tour RP dessus. Ce sera bien plus simple.

- Concernant le glyphes de communication, je n'ai pas eu beaucoup de réponses de qui voulait être lié à qui par un tel glyphe. Donc :
-> Jh'eena m'a dit accepter un glyphe la liant à Ilhan. Il me faut le nom du bijou et j'officialise la demande en demande de Don. Me le signaler en chan Intrigue de discord.
-> pour les autres, ceux voulant être liés pourront me le dire en chan intrigue de discord, en me disant qui est lié à qui ET sur quel bijou je mets le glyphe. J'officialiserai ensuite les demandes dans le topic des Dons.^^

Merci^^

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Si Aldaron ne participa pas aux négociations, il ne manqua pas de les observer tous de ses mires verdoyantes qui perçaient leurs esprits. Il ne manqua pas, du coin de l’œil, le caractère presque studieux d’Ilhan qui rédigeait les termes du traité. Pendant ce temps, les autres tiraient la couverture à eux, grattant, comme des enfants, ce qu’ils pouvaient de privilèges. Fut un temps où la Triade aurait volontiers participé à ses marchandages, usant de son Esprit-Lié du Saumon pour obtenir les plus grandes faveurs et les plus appréciables marges. Dans la situation présente, il n’avait aucun intérêt à réclamer plus. La trêve de dix ans permettrait aux vampires de se relever après la bataille à venir. Les humains n’étaient pas les seuls à être un modèle de résilience. Les vampires étaient même tombé bien plus bas que le peuple des éphémères, pour compter aujourd’hui parmi les nations à part entière de ce monde. Son peuple n’avait pas à pâlir de ses propres performances et dix ans, c’était amplement suffisant, amplement ce dont il avait besoin.

Il ne put s’empêcher un sourire en coin à la lecture du traité, Ilhan ayant pris le soin de réclamer à co-reconstructtion de Cendre-Terre. Le Prince Noir n’en demanderait rien, au demeurant, mais il trouvait l’attention délicate. Il signa, pour le Royaume Erlië, avant de transmettre le parchemin à son confrère pirate. Il ne se manifesta pas, quand il fut question de mettre en place des moyens de communication. Il pouvait se rendre à Althaïa, par l’un des portails, en un battement de cils ; il pouvait parler à Claudius à travers le vase rouge ; quant à Ilhan, il possédait déjà un anneau des murmures. Ne restait que les représentants graärh mais même s’il avait eu la délicatesse de les inviter, même si Jh’eena lui avait sauvé la vie et même si Asolraahn avait une musculation remarquable, il n’estimait pas avoir le besoin d’user d’objets pour leur parler, si le besoin s’en faisait sentir, et encore moins leur laisser un moyen de le contacter. Il pratiquait une projection de son être bien suffisante pour répondre à son besoin, à travers la magie. De plus Néthéril n’était pas bien loin, à dos de dragon.

Ces négociations étaient terminées. Ils pouvaient reprendre le plan. « J’accepte que Cendre-Terre devienne un guet-apens. Ma présence en ces lieux et peut-être celle de la Reine des Karapts sauront être un appât, je l’espère, suffisant pour pousser Rog à nous attaquer. Piéger la cité pour y enterrer son armée me semble adéquat, surtout lorsqu’on sait que la légion d’or avait été dévasté par les Karapts déformés de Rog. Nous avons également des dragons qui, par les airs, pourront donner un assaut de flammes dévastateurs, à moins que Rog n’ait dans sa manche quelques créatures ailées pénibles. En tant que Roi des Voleurs, Nathaniel, tu sembles en effet tout désigné pour dérober la dague. Ilhan, tu es effectivement le plus avisé pour mener le désarmement de Laalach. Ainsi nos trois référents semblent tout désignés pour affronter les Couronnes de Cendre. Sentez-vous libre de vous manifester pour venir en soutien des instigateurs. Du reste, je vous propose de lever la séance, à moins que vous ne souhaitiez débattre de la manière de procéder, bien sûr. » Mais pour en cas, il laisserait cette tâche à ses Généraux, notamment, ayant pour lui-même encore beaucoup à préparer.

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Accord

L'intervention de Valmys avait permis de ramener un certain calme au sein de l'assemblée qui put à nouveau reprendre la discussion des négociations sans se laisser emporter par les émotions. Le Sainnûr sombre reformula son offre, en retirant bien évidemment les conditions abusives d'un accès sans taxe aux marchés Séléniens. La proposition était dès lors plus tolérable pour l'Empereur malade, même si à n'en pas douter elle était toujours inacceptable en son for intérieur. Ce fut ensuite au tour des représentants des Légions Graärh d'apporter une réponse à la proposition de Nathaniel, une réponse que le forban attendait depuis quelques instants déjà, mais qui avaient dû être reportées par les vifs échanges entre les représentants des nations des sans poils. Asolraahn fut le premier à prendre la parole, et le gredin s'arrêta un instant sur certains de ses propos.

« Bien sûr que non. Ainsi donc je te le dis, ne cherche pas de justifications à ta cupidité et ton ambition. Tu t’égares en pérorant de la sorte. Restes-en à ta version première, celle où tu méprises mon peuple et ma culture, car c’est en ennemi que ton visage brille le plus. »

L'Eärendil méprisait-il les graärh? Oui et non. Plus exactement il méprisait les légions graärh, car elles étaient faibles. Mais les graärh en eux-mêmes ne méritaient pas plus son mépris que les humains, les vampires, les elfes ou les Sainnûr. Il comptait d'ailleurs des graärh parmi ses collaborateurs. Notamment la capitaine des esclaves, ainsi que son cuisinier personnel. Le roi de la confrérie était loin de toutes ces considérations visant à mépriser les peuples et les cultures en raison de ce qu'ils étaient. Non le pirate à la chevelure d'écume ne les jugeait qu'à l'aune d'un seul élément : ce que ces peuples et cultures pouvaient lui rapporter. Le peuple graärh tout comme sa culture avait une valeur marchande. Certains des biens que la confrérie avait pu piller lors de l'attaque sur Néthéril s'étaient bien revendus auprès de collectionneurs. Et en ce qui concerne les individus, ils faisaient de très bons esclaves. S'il en avait été autrement, l'Eärendil les aurait au mieux ignorés, au pire éliminés.

Le Sainnûr sombre se garda cependant d'apporter cette précision. Il avait suffisamment tiré la queue du lion pour aujourd'hui. Et il n'avait pas envie de ruiner la possibilité d'obtenir un accord déjà difficile à obtenir. Le géant d'opale en arriva finalement aux détails de la proposition du gredin, venant faire une contre-proposition. Trente navires étaient trop peu aux yeux de ce dernier et il n'en accepterait pas moins d'une quarantaine. Soit, que les légions aient donc quarante navires, soit vingt pour chacune d'entre elles. Le représentant de la légion Vat’Em’Medonis accepta ensuite la proposition de créer une ambassade pour les légions au sein d'Althaïa afin de leur permettre l'accès au marché des esclaves et ainsi formuler des offres de rachat. Il exprima cependant une nouvelle condition qui aurait pu faire sourire le Sainnûr sombre s'il n'avait pas réprimé son rictus. Le souvenir de l'horreur d'Athgalan était encore présent dans l'esprit d'Asolraahn. Parfait. Nathaniel garda le silence, attendant que l'adversaire des tyrans termine. Tournant son regard vers Jh'eena, représentante de la Légion Vat’Aan’Ruda, le forban à la chevelure d'écume attendait également sa réponse. Cette dernière, même s'il n'était guère difficile de comprendre au combien ces paroles lui coûtaient, représentait la voie d'une certaine sagesse. Pour le bien des siens, pour en sauver le plus grand nombre, mieux valait accepter de pactiser avec la pire des entités.

Les demandes des deux légions furent sans surprise soutenues par l'empire et c'était désormais à Nathaniel de leur fournir une réponse.

« Très bien, j'accepte la contre-proposition des quarante navires. Je peux proposer aux légions la même modalité que celle que j'ai proposée à l'empire, à savoir un échange de vos prisonniers contre des esclaves. Il est évident que pour la réussite de cette trêve, la Confrérie ne fera pas preuve de malice en tentant, que cela soit par échange de prisonniers ou rachat d'esclaves, d'infiltrer au sein de vos légions quelques espions que ce soit, ni graärh transformer en instrument de mort. En revanche, je suis dans l'impossibilité de garantir la bonne santé mentale ou physique des vôtres que vous récupéreriez par ces processus. Soyons honnêtes, ils ont été réduits en esclavage et non traités comme des rois. Tout comme je ne peux garantir le bon traitement de ces derniers. Toutefois, je peux prendre deux engagements en guise de bonne foi. Tout d'abord, privilégier aux échanges et à la vente les plus faibles afin que vous puissiez les sortir au plus vite de leurs conditions d'esclaves et ainsi maximiser leur chance de survie. Ensuite, la Confrérie pourrait travailler à l'élaboration d'un code en vue de régir les droits et devoirs des propriétaires d'esclaves sur ces derniers. Cela permettrait de limiter les mauvais traitements à défaut de les endiguer définitivement. »

L'Eärendil marqua une courte pause tout en venant joindre ses mains face à lui.

« En ce qui concerne la demande de limitation des travaux des alchimistes, vous comprendrez qu'elle ne peut être acceptée. La Confrérie ne possède pas de grande armée comme l'Empire Sélénien, ni ne bénéficie de la bienveillance de dragons dont la taille défit toutes proportions, afin de défendre son territoire. Toutefois, pour ce que cela vaut, je peux garantir que le Collège des Alchimistes ne fait pas de discrimination. Humains, elfe, vampire et Sainnûr sont tout autant des sujets d'étude et de test que le sont les graärh. Sans compter que toutes les applications alchimiques n'ont pas que des vertus destructrices. »

Le ton de l'Eärendil était ferme sans pour autant être agressif. La demande des légions, même si elle pouvait être légitime d'un point de vue éthique, n'était pas acceptable. Les travaux alchimiques de la Confrérie relevaient de la défense de la nation. Lui demander d'arrêter était comparable à demander à l'Empire de cesser d'entrainer des soldats et de forger des épées.

« La Confrérie accepte également la proposition de se réunir tous les deux ans. »

Le Sainnûr sombre aurait bien proposé à l'assemblée que la Confrérie accueille cette réunion, sur Keet-Tiamat qui plus est. Avec un peu de chance, comme en ce jour où le climat reflète l'état des relations pour le moins glaciales entre les différentes factions, le climat de l'île désert reflèterait l'état des relations qui se seraient réchauffées avec deux premières années de trêve. Mais l'Eärendil préféra ne rien dire, jugeant qu'il était trop tôt pour décider de cela, tout comme il était peut-être encore trop tôt pour faire preuve d'ironie à ce sujet.

« La proposition de l'Empire est également pleine de bon sens. Peut-être pourrions-nous réfléchir à la mise en place de tel dispositif à la suite de cette réunion. »

L'attention de Nathaniel se tourna en direction d'Ilhan qui avait gardé le silence tout ce temps et griffonnait depuis un moment déjà, tel un scribe, dont on dit qu'il s'agit d'une bonne situation, les différentes clauses qui se dessinaient autour de cette trêve.

« Je me suis permis de poser sur ce parchemin les clauses de la trêve ainsi proposée. Si vous le voulez bien, je vous en laisse la lecture et le soin de signer ce traité. »

Le traité en question glissa en premier vers Aldaron, qui après l'avoir signé, le passa à Nathaniel. L'Eärendil prit le document avec une certaine délicatesse et prit le temps de bien le relire. Tout semblait lui convenir et convenir à ce qui avait été dit. L'aide à la reconstruction lui convenait également. De toute manière, si le combat avait bien lieu sur Nyn-Tiamat, la Confrérie en tant qu'allié du Royaume Erlië lui serait venu en aide pour la reconstruction.

« En tant que Roi des Voleurs, Nathaniel, tu sembles en effet tout désigné pour dérober la dague. Ilhan, tu es effectivement le plus avisé pour mener le désarmement de Laalach. Ainsi nos trois référents semblent tout désignés pour affronter les Couronnes de Cendre. Sentez-vous libre de vous manifester pour venir en soutien des instigateurs. Du reste, je vous propose de lever la séance, à moins que vous ne souhaitiez débattre de la manière de procéder, bien sûr. »

« À chaque nation son ou ses champions. Que chacune cherche en ses forces les éléments à même d'aider à défaire l'adversaire. Peut-être pourrions-nous effectivement, à la suite de cela, nous retrouver à nouveau afin d'établir une stratégie de bataille. Une pause nous fera sans nul doute du bien à tous après ces négociations. »

Après avoir pris soin d'apposer sa signature au document, le Sainnûr sombre se tourna en direction de la chaise à côté de lui. Il nota à nouveau la présence de la créature semblable à un Chuchu, mais il nota surtout la problématique que l'apposition d'une signature d'une dragonne de plusieurs mètres de haut pouvait poser.

« Comment voulez-vous que l'on procède, noble dragonne? On vous apporte une bassine d'encre pour que vous y trempiez le bout de la griffe? Cette créature signe pour vous? Où l'un d'entre nous peut, peut-être, le faire pour vous? »

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Tandis que la table s'animait, une figure demeurait de marbre. Imperturbable, Keetech observait avec simplicité chaque interlocuteur donner son point et défendre ses intérêts. Le combat à venir contre les Couronnes avait été mis de côté le temps de mettre à l'écrit une trêve. Le temps de parvenir à un accord. Un consensus. À la paix pour l'après-guerre.

S'il y avait encore de la vie après le combat à venir, bien sûr.

Keetech comprenait le besoin des bipèdes d'assurer leurs arrières, mais elle ne savait pas sur quelle patte danser exactement. Trouver un plan de bataille était plus important, non ? À ses yeux en tout cas. Mais, toute dragonne qu'elle était, elle apportait moins d'importance à son nid que les bipèdes le faisait. Elle n'avait pas besoin d'autant qu'eux… et sa nuée était moins nombreuse que les leurs.

Elle les laissa donc débattre, s'insulter, se crier après pour finalement se rappeler mutuellement à l'ordre et parvenir à coucher sur un parchemin les termes de cette fameuse trêve. Elle avait proposé d'en être la gardienne, en quelque sorte, mais devait avouer que les paroles du Prince Noir étaient sages. Elle devait en discuter avec Verith avant tout.

Toutefois, lorsque le parchemin passa sous ses yeux, Quartzécaille ne se gêna pas pour en afficher sa marque.

— Nul besoin, Roi des Pirates, répondit-elle simplement à Nathaniel.

Son immense gueule s'ouvrit au-dessus de la table, comme si elle était prête à tous les dévorer. À moins qu'elle fut alors prête à tous les brûler vif ? Même Lokapala, sur sa chaise, leva ses grands yeux globuleux vers Quartzécaille.

Mais à la place d'un torrent de flamme, un simple éclair jailli de sa gueule. La finesse et le contrôle de l'attaque démontraient la capacité de Keetech à contrôler ses flammes. Ou, dans le cas présent, sa foudre. Il en résultat, sur le parchemin, une tâche sombre dont les ramifications s'étiraient comme une toile d'araignée. Comme si la dragonne avait percé une couche de glace du bout de la griffe et que celle-ci s'étoilait et s'étendait, sans pour autant couvrir la signature des autres.

Voici qu'elle était témoin de ce moment historique et saurait le rappeler aux mémoires défaillantes, si le besoin s'en faisait sentir.

— Vous pourrez apposer votre magie sur ma patte, Ilhan Avente, l'invita ensuite Keetech lorsque l'immaculé proposa de lier tout un chacun par magie afin d'établir un canal de communication efficace.

Quartzécaille portrait peu d'atours autre que ses magnifiques écailles ou ses cristaux. Mais l'une des griffes de sa patte avant droite était effectivement couverte d'un bijou finement exécuté au sommet duquel était apposé le dessin d'un éclair.

— Je dois encore discuter avec les miens, mais notre présence près de Cendre Terre pour contrecarrer Rog me semble être l'endroit idéal.

Ou le seul où un dragon de sa taille ne risquait pas de causer encore plus de tord...

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Claudius fut ravi de voir le Conseiller Avente promptement à l’œuvre, une fois que ceux en désaccords autour de cette table eu fini de discuter sur les détails de cette période qui s’annonçaient. Il était bon d’avoir quelqu’un qui travaillait à la consolidation de tout cela, et Ilhan semblait être la bonne personne pour incarner cette position-là. Plus proche d’eux qu’un dragon, et suffisamment aimable – en tout cas en apparence – pour donner envie de collaborer avec lui.

Claudius soupira, et relu le traité consciencieusement, pour être sûr que tout y était. Il tiqua sur la proposition de « reconstruction d’une cité potentiellement sacrifiée ». Claudius leva les yeux au ciel mais n’en fit rien de plus. L’idée d’aider à reconstruire une cité de leurs ennemis alors même que le Royaume Erlië n’avait pas hésité à brûler une partie d’une ville sélénienne sans aucune forme de procès était … Illusoire très probablement. Mais après tout la clause : « si aide il y a besoin » était là pour ça. Plus qu’à espérer qu’on ne sollicite jamais l’Empire à ce sujet … De toute façon, Claudius doutait du fait qu’Aldaron aimerait avoir des ingénieurs impériaux sur ses terres alors que son enfant était un baptistrel spécialisé dans la construction.

Mais après tout, l’Empereur se trompait peut-être. Peut-être que les événements qui allaient suivre pour son peuple, donnerait à réfléchir un peu plus au Prince Noir, notamment sur le comportement qu’avait eu Claudius vis-à-vis de son propre peuple, et de son ancien allié. Qui sait ce que pourrait apporter le futur.

Claudius proposa à Ilhan de griffonner une signature en son nom sans plus broncher que cela. Ses questions et ses doléances avaient été entendues, et cela lui semblait déjà suffisant. Concernant la suite, l’Empereur écouta d’une oreille, mais comme tout sembla déjà arrangé entre les parties prenantes autour de cette table, le Havremont ne se sentit pas de rajouter quelque chose supplémentaire. Surtout en voyant à quel point l’ambiance de ce conseil avait tourné, en partie à cause de lui. Claudius n’avait pas eu le bon rôle aujourd’hui. Probablement par orgueil personnel, mais il n’aurait pas pu se regarder dans la glace à nouveau s’il n’avait pas soulevé ses sujets.

« L’armée impériale se tiendra au lieu où elle sera attendue. »

Conclua Claudius pour ce qui concernait ses hommes. Probablement que dans les prochains jours, on ne manquerait pas de reboucler une discussion personnelle avec lui pour lui expliquer en détail quand et comment ses forces se devaient d’être présentes.

Pour terminer, l’Empereur fit un petit salut pour tous. Il eut un regard lourd mais équivoque pour chacun des participants à ce conseil. Il conclua :

« Je vous remercie tous d’avoir écouté mes doléances. »

Il inspira, semblant hésitant sur les prochains mots … Avant de finalement se permettre une dernière petite chose :

« Puisque mon état de santé sur les prochains jours est incertain, je souhaite tous vous revoir sur le champ de bataille au moment venu. Mais si cela venait à être notre dernière conversation … Alors vous deviez savoir que Servir l’Empire, c’est l’engagement de toute ma vie. Nos relations n’ont pas toujours été des plus faciles, dû au fait de cet engagement, sans parler de nos moments de pourparlers, aujourd’hui encore. »

Claudius soupira, sentant le poids des âges tomber sur ses épaules d’un seul coup quant à ces quelques mots. Il reprit ensuite :

« Le vrai combat de l’Empire, le beau combat de l’Empire, c’est celui de l’unité, de la cohésion. A notre façon, que nombre d’entre vous remettent en question, car il est vrai que je ne suis pas le plus diplomatique d’entre vous. Mais c’est au nom de ce combat que nous nous présenterons avec vous, et toutes les fois où cela sera nécessaire, même si mon apparence ne vient qu’à être un souvenir auprès de vos esprits. »

L’Empereur toisa une nouvelle fois chacun d’entre eux, songeant d’à quel point ce discours ferait probablement jaser. Mais peut-être que ces mots en toucheraient finalement quelques-uns. Il conclut :

« Je vous remercie une nouvelle fois de m’avoir écouté, et souhaite que tous ici, partagent les mêmes fondamentaux à l’avenir. »

Les mêmes fondamentaux. Claudius trouva le mot bien choisi. L’Empereur se renfrogna dans son siège, et attendit qu’Aldaron ne le libère tranquillement de son sortilège.

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Enfin, un accord. Un accord douloureux pour le peuple Graärh, mais qu'espérer de mieux? Après tout, nous avions enfin une possibilité de ramener nos frères et soeurs capturés jusqu'à leur foyer...Enfin. Cette petite victoire avait un goût amer. Si je ne me préoccupais pas particulièrement du problème des navires -force était de reconnaître qu'il s'agissait d'un moyen de transport dont je me passerais volontiers, sur le plan personnel, mais au titre de ma fonction, avoir réussi à en négocier suffisamment pour permettre des échanges avec les autres nations à l'avenir me suffisait amplement, quant à faire la guerre, il conviendrait de trouver des alternatives...d'ici dix ans-, la trêve, pour sa part, était satisfaisante dans ses conditions. L'ambassade auprès de la nation pirate pourrait également se révéler utile, quand bien même l'idée en elle-même me hérissait le pelage et me donnait envie de faire avaler au Saînurr qui représentait la faction en question quelques pelletées de boules de poils à ce foutu manchot. Non, définitivement, même après dix ans, même si les pirates venaient à se montrer avenants et conciliants, je savais d'ores et déjà que ma rancoeur contre ce peuple ne saurait disparaître. Pas après tout ce qu'ils avaient fait subir à nos légions. A MES légions. A mes frères. A mes soeurs. Et nul doute qu'Asolraahn n'en pensait pas moins, à en juger par son discours.

Claudius tentait pour sa part d'apaiser la situation, dusse-t'il s'être échaudé précédemment. Ce fut sur un ton bien différent qu'il s'adressa à tous tandis que le conseiller Avente proposait d'offrir un moyen de communication à ceux qui n'en disposaient pas (et dont je faisais partie), et de conclure cette négociation par une formalisation des accords passés. Cela dit, il avançait également quelque chose qui me fit réagir. Mes capacités actuelles ne me permettraient sans doute pas d'être d'une réelle utilité face à Rog, et, dans l'idéal, engager le moins de mes frères et soeurs possibles dans le conflit nous opposant aux couronnes de Cendre nous donnerait plus de chances de nous remettre des massacres passés que d'engager la totalité de nos forces...Il faudrait donc séparer nos troupes en deux groupes, pour gagner en efficacité au maximum. D'une part, une force conséquente pour affronter les monstres de Parish, de l'autre, une force inférieure en nombre et en variété pour faire face à Laalach. Ilhan pouvait disposer d'un alchimiste de grand talent, aussi abject soient ses recherches, et d'aptitudes utiles face à cette Couronne, il faudrait bien quelqu'un pour porter le coup de grâce...Le contrat passa de main en main, tandis que la discussion se calmait, jusqu'à arriver entre mes pattes. Je laissai libre accès à celui-ci à notre Trybyoon, tout en vérifiant la formulation des clauses de la trève et des accords passés. Une fois certaine que tout était en ordre, je trempai mon pouce gauche dans l'encrier qui passait de main en main, et enduit d'encre le coussinnet principal de ma patte droite  avant d'en apposer le sceau à côté des autres signatures. Je réprimai une petite moue ce faisant...Si je savais lire et écrire, tant nôtre langue que la langue des glabres, je n'avais jamais pris le temps de me pencher sur une "signature". Sans doute faudrait-il que je m'y attelle, à l'occasion, plutôt que de laisser une marque aussi imposante sur chaque document...enfin. Là n'était pas la question dans l'immédiat, au moins l'accord était-il ratifié. Je glissai l'encrier en direction d'Asolraahn, avant de me tourner vers son rédacteur.


- Mon esprit-lié ne saurait réellement être un atout pour Laalach. En revanche, il faudra quelqu'un pour vous protéger, conseiller Avente, si la décision d'annihiler vos capacités magiques est prise, et s'opposer à Laalach afin de lui porter le coup de grâce. Je doute que nos légionnaires ne soient d'une utilité transcendante dans la lutte contre Rog, mais pour ce qui est de son comparse, je me joindrais volontiers à vous avec quelques shikaaree triés sur le volet. Si vous y consentez, nous pourrons discuter des détails sans en encombrer cette assemblée lorsque vous en aurez le temps., avançai-je en levant, à l'attention de celui-ci le talisman de la horde ascétique asur lequel il avait associé le glyphe nous permettant de communiquer à l'avenir.

Mon regard se tourna vers le géant opalin, pour lui laisser la parole. Notre Trybyoon avait du se contenir, tel que je le connaissais, pour ne pas exploser à plusieurs reprises durant cette assemblée. Claudius? Pas le plus diplomate? Qu'il attende de croiser la route d'un Asolraahn échaudé, et il passerait pour un ambassadeur de génie à côté! Je pinçai les babines pour ne pas lâcher un sourire amusé à ce sujet, cachant le geste furtif en enfilant de nouveau le talisman enchanté.

- Si vous souhaitez ajouter quelque chose, Zälamam Virödhï...

Je reculai dans mon siège tout en observant la peuplade ici réunie. Une assemblée extraordinaire pour des circonstances extraordinaires, à n'en pas douter. Malgré le froid, malgré l'ambiance glaciale dans les relations entre certains, et parfois particulièrement échaudées dans les relations entre d'autres, nous étions parvenus à un accord. Un véritable accord. Je grimaçais autant que je souriais, intérieurement. Il était définitivement difficile de penser, malgré cette avancée, que nôtre archipel pourrait retrouver la paix bientôt, quand bien même nous abattrions les couronnes, quand bien même les relations s'apaisent. Pourtant, à l'aube d'un espoir ténu, le contrat signé plus tôt donnait dix ans d'une paix artificielle à chacun. Si j'en étais, dans l'immédiat, ravie pour nôtre peuple, l'inquiétude ne se tarissait pas.

Et Après?

Qu'adviendrait-il, après dix ans? Des armées plus nombreuses. De nouvelles armes. De nouvelles querelles. Certains pensent que le temps efface les maux, comme la mer efface sur le sable les traces de pas de ceux qui ont foulé la grève...Mais il n'est nul besoin d'être centenaire ou millénaire que la métaphore du vin est parfois plus juste, et que le temps peut aussi faire maturer ces conflits. L'adage "la vengeance est un plat qui se mange froid" n'avait jamais eu autant de sens  à mes yeux que depuis que j'avais apposé ma marque au bas du parchemin. Non pas que je nourrisse de velléités belliqueuses immédiates...Mais il faudrait être fou pour penser qu'au terme de ces dix ans de trêve, une seule année se passerait sans qu'à nouveau le sang ne coule à flots. Soit par une nouvelle menace extérieure, soit par un conflit entre les factions de l'archipel. Non, définitivement, je ne me faisais pas d'illusions sur la question. Pour s'y préparer et ne pas revivre le traumatisme d'Atgahlaan, les Légions, ou plutôt, la Légion, si tant est qu'une réelle union s'opère dans les mois à venir, allait devoir évoluer, s'adapter, grandir. Il m'incombait désormais de rendre ce changement possible et aussi efficace que possible. Dès que possible, il me faudrait réunir Reynagane et Asolraahn. Peut-être même Vérith également. Car ce n'était pas en comptant sur nos méthodes et réflexions actuelles que nous y parviendrons. Pour l'heure, ce qui était à faire entre les diverses factions externes était fait. Mais c'était en interne que le plus gros du travail restait à faire. Je n'avais pas un, mais bien deux plans de bataille à mener en même temps. Les temps s'annonçaient plus calmes, en un sens, sans offensives par le rivage. Mais bien plus tourmentés en ce qui concernait nôtre propre évolution...

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Asolraahn se souviendrait longtemps de ce qui avait eu lieu ici, sur ce promontoire de pierre narguant la ville de Cendre-terre. Quelques mois auparavant, il n’aurait pas cru si aisément que l’on puisse réunir tous les peuples de l’Archipel autour d’une seule et même table et parvenir à un accord. S’agissant des pirates, il lui aurait paru encore plus présomptueux de croire que leur dirigeant puisse faire preuve de bon sens ; une pensée si exotique qu’elle aurait pu s’accompagner d’une plaisanterie saugrenue. Comme quoi, leur époque était arrivée à un point de bascule sans précédent. Peut-être ces Couronnes des Cendres, en cherchant à les briser, avait provoqué un relatif effet inverse. Elles leur avaient en tout cas permis de se rallier sous une même bannière, leurs armes toutes jointes vers elles. Durant les dix prochaines années et s’ils mettaient fin à leur félonie, la paix règnerait dans l’archipel. Une paix instable certes, qui résonnait comme un terme bien lointain pour décrire l’état incertain de leurs rapports. C’était malgré tout inattendu. En vérité, Asolraahn avait craint plus d’une fois que ses négociations n’aillent pas plus loin qu’un coup d’épée dans l’eau. Se rendre compte que le roi des pirates hochait la tête à certaines de ses paroles relevait pour ainsi dire du miracle. Non pas que le bouffeur d’agrume ne gagne pas sur d’autres fronts. Ce jeu de pourparlers n’offrait jamais de victoire totale, seulement des compromis.

En tout état de cause, cette trêve leur coûtait cher. Ses conditions les forçaient à rester quasiment nus de toute défense maritime, dans un archipel où un seul navire pouvait faire la différence, où une bicoque valait parfois plus qu’un trésor. Si l’on ne pouvait traquer les Graärh et envahir leur île pendant ce pacte, ils étaient néanmoins restreints dans leur développement, assurés de ne pas être prêts à se défendre seuls. Cela rendait leur alliance avec l’empire plus importante que jamais.

Toutefois c’était le prix à payer pour obtenir la libération des siens. Ainsi s’achevait la fin d’un tourment qui avait duré plusieurs années pour les légions Graärh et Asolraahn y voyait là un succès éclatant, masquant n’importe quelle concession.

Si tout le monde fut attentif à leurs négociations, une personne en particulier trouva également le temps d’en enregistrer les composantes. Lorsque tout fut dit et qu’il n’y eut plus rien à revoir, Ilhan brandit un parchemin sur lequel le traité fut rédigé. Chacun l’examina avant de le signer, et celui-ci arriva bien vite aux pattes velues des Graärh. Jh’eena en accepta les termes après une longue réflexion, puis le tendit au géant opalin. Ce dernier fit tout d’abord la moue, mais se résigna devant l’assemblée à prendre le parchemin.

Il n’y avait là aucune insulte ni mise en garde à l’égard de personne. Il ne croyait tout simplement pas en ces choses-là. Il n’était qu’une seule chose qui subsistait chez les Graärh : leur voix, leur parole. Dans le pays de ses alliés et ennemis, le géant opalin savait que l’on employait des lettres pour conserver les mots sur le papier ou la pierre. Mais les mots griffonnés dans ce traité n’avaient pas plus de sens pour lui qu’une promesse envolée. Ils témoignaient d’un serment, mais aussi de sa fragilité. Même imprimé dans le métal, il ne s’agissait que de signes vains. Et un parchemin comme une tromperie pouvait s’embraser à tout instant. Au moins, tout ceci avait été conjugué avec des discussions et des actes. Quant aux autres membres de l’assemblée, ils éprouvaient tous un certain respect envers cet écrit, aussi, en dépit de sa méfiance, Asolraahn ne se fit pas le parjure de cet évènement. Il plongea un coussinet dans l’encre noire et l’apposa sur le coin du papier.

Fidèle à elle-même, Jh’eena dévoila ensuite ses intentions pour participer à l’affrontement contre les Couronnes des Cendres. Le félin l’écouta avec le respect qui lui était dû. Il devinait dans ses paroles vivaces l’opiniâtreté de celle qui désirait protéger sa légion et faire ses preuves aux yeux du monde. Savait-elle seulement combien déjà elle s’était rendu digne auprès de tous ici présent ? Mais la question de la trêve étant désormais réglée, il était maintenant temps de la mériter, et Jh’eena était une Graärh dotée d’un fougueux pragmatisme. Dès lors qu’elle eut terminée, Asolraahn dévoila des crocs enjoués :

-Eh bien, regardez-nous. Les Couronnes des Cendres voulaient faire de cet archipel un véritable chaos, et par les Esprits, en nous voyant tous ici aujourd’hui, je pense qu’elles y sont parvenues.

Comme l’Aaleeshaan des Chasseurs de Smilodons lui laissait la parole, il poursuivit en reprenant une mine sévère :

-Hélas, vous comprendrez que la légion Vat’Em’Medonis ne puisse participer à ces festivités au vu de leur situation. Toutefois, vous pourrez compter sur mon appui. Si affrontement direct il devait y avoir, ma place sera au côté de ceux affrontant Rog.

Une évidence. Car cela pouvait être dangereux que Lalaach récupère la puissance de ses esprits-liés. Mais les choix, dans une bataille, se révélaient parfois plus diffus qu’un nuage de fumée. Une vraie stratégie révélait sa pleine efficacité non pas dans sa réussite, mais lorsque tout tournait vinaigre et qu’il fallait improviser. Même si leur plan fonctionnait comme ils l’espéraient, le destin seul déciderait ou non de réunir les Couronnes des Cendres à nouveau. Il leur faudrait alors trouver une idée plus impromptue qu’astucieuse pour en finir avec elles :

-Je crains de n’avoir rien d’autre à ajouter. Je dirais bien qu’il faut maintenant nous en remettre aux Esprits, mais cette tournure de phrase me semble désormais bien peu convenable. Après tout, il s’agira au terme de cette confrontation de déterminer si les Couronnes des Cendres eurent plus grand désir à anéantir nos terres que nous à les sauvegarder. Il ne nous reste donc plus qu’à croire en nous, dans le fer de nos esprits et la force de nos cœurs.

Restait aussi à ôter aux Couronnes des Cendres le goût de vivre.

Quel serait alors leur avenir, si ces dix ans passaient sous l’égide de la trêve ? Quelles conséquences ce conflit aurait sur leurs liens, matériels comme immatériels ? Quel visage les peuples de Tiamaranta arboreraient au terme de ce pacte ?

Cela était une toute autre histoire.

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