La boue mélangée à la neige rendait les ruelles de Cendre-Terre glissantes. La lune, ronde et chaleureuse était tout autant seule et aveuglante. Du moins, c’était ce que Ulmo Elusis se répétait dans un coin de sa tête en pataugeant dans la rue des embruns. Que faisait un enfant ainsi seul, loin du manoir du Prince Noir ? La réponse est plutôt simple. Encore une fois, l’enfant avait pris une mauvaise habitude de sortir sans que personne ne s’en aperçoive. Peut-être Nessraya finirait par, encore, le retrouver. Madame Doubtfire taperait une crise de nerf pour le plus grand bonheur du garçon. Et puis il se ferait en effet réprimander par les grands. Mais qui se souciait sincèrement d’une tête comme lui ? Pas grand monde. Beaucoup des Elusis étaient partis dans une quête dangereuse, lui aussi avait le droit à ses nuits pleines d’aventures et quoi de mieux que de les vivre avec Nounours. Il y avait d’abord eut cette nuit ou les bateaux des pêcheurs étaient rentrés remplis de cageot de drôles de bestioles venus des fonds marins. Il y avait eut aussi cette nuit ou un vieillard accompagné d’un lapin au poil hirsute lui avait compté des histoires en tout genre. Des rêves qu’ils pouvaient vivre éveillé et dévorer pour se rassasier.

Ce soir là, Yul avait un petit sac à dos confectionné par ses soins avec sa magie qui accrochait sa peluche confortablement à l’arrière de son dos. Munis de bottes sacrément chouette, l’ast se rendait voir une nouvelle fois le vieillard ou mille et un contes. Chantonnant une comptine lié au pouvoir des rêves et des cauchemars, Ulmo arriva dans une allée endiablé par l’âme des vampires.

« À force, doumdoum da, je me retrouve seul avec pour seul compagnie mes démons. Damdam dou, de temps à autres, je les entends gratter derrière la porte de mes émotions, dididam. »

Les yeux pétillants, personne ne remarquait un gamin encapuchonné dans un manteau de fourrure. L’avantage de ne plus rien ressentir était que l’on ne pouvait plus attraper froid, pas vrai ? Prenant des notes des conversations, des échanges sous ses yeux, Ulmo fronça les sourcils en voyant un gros bonhomme avec une barbe tombant jusqu’à son ventre lui faire un signe. Curieux, le vampire s’approcha en vérifiant que Nounours était bien prêt à toute éventualité.

- Hé gamin, on a besoin de bras costaud pour porter ces marchandises. Tu veux bien nous aider ?

Ulmo pris un air ahurie alors qu’en son fort intérieur grande méfiance il y avait. Costaud ? Avait-il envie de ricaner avant de voir les caisses ainsi que des marchands déjà au travail ainsi que quelques gamins dont un jeune garçon qui avait la dizaine passer lui faire un grand sourire. Cela pouvait peut-être être amusant et peut-être y avait-il une occasion de se faire de nouveaux amis ! Et puis costaud, oh oui il l’était. Oubliant le vieux conteur, Ulmo s’approcha d’une caisse et ficela la Trame avec aisance autour de lui afin de jeter un sort d’animation à la petite cargaison. Le contenant sembla prendre vie et se mis à avancer en suivant les marchands. Souriant en montrant ses crocs de fierté face au gros bonhomme, Ulmo suivit le pas des inconnus en se demandant ou est-ce que sa nouvelle aventure allait le mener.

- Par le sang des enfers tu sais y faire gamin !

Ulmo tourna son visage innocent vers son interlocuteur. Il s’agissait tout bonnement de l’adolescent qui s’était rapproché de lui pour marcher à ses côtés avec un gros sac sur le dos.

- Gamin !? Parle pour toi rétorqua t’il sur un ton défensif légèrement impressionné. Y a quoi là-dedans ? Demanda t’il par la suite.

- Un gamin avec du caractère voyez-vous ça, ça peut être marrant. Oh du bric à brac, des choses en tout genre. Gadli. Mon nom. Tu peux m’appeler Li. Tu viens d’où alors ?

Ulmo leva son menton en regardant le garçon. C’était lui ou il l’invitait à devenir ami avec lui ?

- Ulmo. Je m’appelle Ulmo. Et lui c’est Nounours, mon protecteur. On m’appelle l’aventurier de la nuit, je fais des choses, je jette des sorts et je me fond dans le brouillard le plus gris.

L’enfant avait pris un air mystique en faisant des gestuelles sans queue ni tête devant le regard décontenancé de nouveau camarade.

- C’est pas beau de mentir gamin.

- C’est vrai ! Rétorqua t’il en croisant ses bras. Enfin, je m’appelle bien Ulmo en tout cas. Tu peux m’appeler Yul si tu veux.

Li regarda l’enfant une seconde encore avant de prendre une mine tourmentée. Ulmo regarda son nouvel ami lui tapoter la tête avant de rejoindre les adultes devant sans rien dire d’autre.

Les ruelles de Cendre-Terre s’élargissait et une des portes principales apparut dans leur champ de vision. Ulmo regarda la grande porte avec envie, aveuglé des regards qui se posaient sur lui des marchands de la troupe.

- Je devrais faire demi-tour déclara t’il au gros bonhomme qui venait de poser sa gigantesque main sur son épaule. Mon sortilège est bientôt épuisé.

- On a un campement pas loin, tu veux pas nous accompagner ? La vue de l’océan et des montagnes est franchement chouette. On dois revenir dans le centre ville après de toute façon, tes parents ne verront même pas que tu es partie.

Ulmo haussa les épaules avec une envie irrésistible de franchir les portes de la ville. Et puis, les marchands semblaient dire vrai, pour il mentirait à un « gamin » ?

- C’est d’accord, mais après je dois rentrer.

- Bien sûr.

Tout content, pas le moins du monde inquiet, Yul avancer d’un pas guilleret et s’émerveilla de franchir les portes de Cendre-Terre. Les chemins s’éparpillaient en plusieurs routes et Ulmo suivit le groupe d’hommes qui prirent un sentier enneigé s’enfonçant dans entre les sapins.

Ils marchèrent. Marchèrent. Escaladèrent et marchèrent encore jusqu’à ce que Cendre-Terre ne soit visible qu’au loin en contre-bas. Ulmo qui avait commencé à se poser des questions alors que plus personne ne voulait lui adresser la parole osa aller voir Li durant une énième pause qu’il faisait dans la neige.

- Dit, il faudrait retourner à Cendre-Terre maintenant. Le jour va bientôt se lever. Li ?

Le garçon assis sur une pierre ne le regardait pas. Il ne disait rien.

- Li ?

Ulmo comprit enfin que quelque chose n’allait pas. Prenant un air faussement courageux sans faire place à la panique qui toquait à la porte, l’enfant fronça les sourcils.

- Vous marchandez quoi au juste ?

Gadli leva enfin le menton et lâcha un soupir exaspéré.

- Je crois qu’on a jamais eut un gamin aussi bavard que toi et qui cogite en plus de ça.

Ulmo sentit un sentiment de trahison le submergé. Son ami, il pensait qu’il était son ami. Les marchands n’étaient vraisemblablement pas de véritable marchand. Pas de bric et de broc en tout cas. Comprenant cela, l’ast recula d’un pas et sentit qu’il butait sur quelque chose de beaucoup plus gros. Se retournant, il vit l’homme barbu pencher légèrement la tête sur le côté en déclarant ceci :

- Un problème mon garçon ? Li ne t’embête pas j’espère ?

- Laissez-moi rentrer ! Ça suffit, je veux rentrer !

- Allons les aventureux ont soif de voyage !

- Patron, il a dit s’appeler Ulmo. C’est pas l’un des petits du Prince Noir ?

Le gros bonhomme jeta un regard qui aurait pu en tuer plus d’un vers Gadli qui s’était levé et avait sortit un bout de corde.

- On va avoir des problèmes et pas qu’un peu.

- Pas si on devient riche en le vendant au plus offrant. Et que je sache, le Prince Noir n’est plus dans les environs en ce moment.

Ulmo passait de regard en regard en dénouant les nœuds de sa tête.

- Je ne suis pas à vendre gronda t’il.

- Déjà, lui, il faut qu’il se taise.

L’enfant fut saisit pas un bras et enfin, enfin, un sentiment étrange le prit aux entrailles.

- Lâchez-moi !

Une lumière bleuté jaillit du dos du garçon et la peluche accroché à son sac se détacha alors. Tandis que la neige commençait à retomber et le ciel devenir grisonnant avec l’aube, Nounours se transforma en un véritable ours gigantesque aux yeux d’Ulmo. La peluche s’était déjà transformé une seule fois auparavant mais pas pour de tels circonstances. Dès lors, il avait été décrété par maître Ulmo Elusis, chasseur du bien et du mal de la contrée du bac à sable, que Nounours serait son protecteur.

Bouche bée, Ulmo aurait en d’autres circonstances éclaté de rire devant la tronche des méchants hommes face à l’ours brun qui venait d’envoyer valser un homme d’un coup de patte et qui lâcha un rugissement féroce. Mais hélas pour l’enfant, un ours face à autant de méchant ne ferait sans doute pas le poids.

Au moins, il l’avait son aventure.