A mon grand soulagement, ma réplique semblait avoir considérablement calmé la jeune femme à l’allure si vive. Elle qui paraissait tant omnibulée par Aurore paraissait à présent bien moins encline à continuer sur le même temps. Elle m’observait même avec une certaine méfiance, me dévisageant comme je le faisais, dans le plus grand des silences. Moi, je ne bougeais pas, gardant les bras croisés devant mon torse, ne la lâchant pas du regard, ayant toujours une sorte de mauvais pressentiment à son sujet. Cependant, elle m’étonna, puisqu’elle alluma tranquillement un feu, et assez rapidement d’ailleurs, avant de s’y réchauffer. Son attitude contrastait définitivement avec ce que j’avais pu voir jusqu’alors, mais elle eut au moins le mérite, de m’apaiser un peu.
Je m’autorisais donc un bref coup d’œil vers mon amie, toujours assise au sol. Des larmes coulaient le long de ses joues mais, au moins, elle paraissait bien moins inquiète que lorsque je l’avais vu à travers les yeux du goupil, qui se tenait alors près d’elle. La jugeant sous bonne garde, je lui fis un doux sourire, avant de reporter mon attention sur la troisième protagoniste, et, sans doute, l’élément perturbateur de la soirée. Je n’avais rien répondu à son annonce, mais voir son visage me rassura un peu plus. Elle n’était qu’une jeune humaine, à peine adulte, et ne semblait plus si menaçante que ça. Je détendais donc légèrement mes muscles, ne jugeant plus le danger si important pour le moment. Je sens alors, derrière moi, Aurore qui se relevait, avant de me remercier de ma venue. Sa voix était faible, mais sans doute étais-ce à cause du sort de soin qu’elle venait d’utiliser. J’oubliais parfois qu’elle était après tout une Baptistrelle, ou du moins qu’elle allait le devenir prochainement, et que, par ce fait là, elle était très loin d’être sans défense. Au-delà de ça, même, l’avoir à mes côtés avait quelque chose d’assez rassurant. Je tournais simplement la tête vers elle, ne voulant pas totalement relâcher ma vigilance non plus, et lui fit avec un petit sourire.
« Il n’y a pas de quoi. » Des paroles simples, pour une situation qui l’était tout autant. Je n’éprouvais pas le besoin d’obtenir des remerciements, car je l’avais simplement fait par instinct, et parce que j’en avais envie. Je ne doutais pas d’ailleurs que, dans la mesure de son possible, mon amie fasse la même chose pour moi.
Ragaillardi, je me reportais mon regard sur la jeune humaine si suspecte, ne pouvant pas m’empêcher de réfléchir. Quelque chose, dans la situation, clochait. Le fait qu’elle ait cette apparence et surtout le besoin de se réchauffer près du feu ne me rassurait pas tant, à y repenser. Elle était certes une humaine, mais elle était loin d’être ordinaire. Battre un elfe à la course, ou du moins l’égaler, n’était pas donner à n’importe qui. De plus, malgré sa petite taille, elle avait réussi à trainer une femme plus grande qu’elle à travers la forêt, sans paraitre pour autant particulièrement essoufflée. Ce n’était définitivement pas normal, et mon cerveau avait beau tourner à cent à l’heure, je ne parvenais pas à mettre le doigt sur ce qui clochait chez elle.
Je sentis soudain le contact du dos d’Aurore contre le mien. J’eu comme un léger frisson qui me parcourait l’échine, alors que je sortais brutalement de ma réflexion. Je compris soudain la raison de sa présence et, alors que je me retournais, je me rendis compte que j’avais oublié un élément du décor qui aurait bien pu m’être fatal si Aurore n’était pas intervenue. J’eu simplement le temps de voir une grande trombe d’eau déséquilibrer la charge d’un Golem de plus de trois mètres, et de sentir la magie qui émanait de mon amie. Sa prouesse était impressionnante, car arriver à renverser un tel monstre ne devait pas être donné à tout le monde. Je n’eus pas le temps de la remercier, car tout s’enchaina plutôt très vite.
En me retournant, j’avais baissé ma garde, et étais devenu vulnérable à une éventuelle attaque de la jeune humaine qui ne paraissait pas si innocente que ça. Alors que le Golem tombe sur le dos, je me prépare à encaisser une attaque du flanc, rassuré toutefois par la nature raciale de mon éventuelle adversaire. J’aurais surement le temps de me préparer à parer son coup. Mais, visiblement, Aurore me sauva une fois de plus la mise. Une puissante Aura se dégagea d’elle, englobant la zone dans laquelle tout le monde se trouvait, paraissant suspendre l’espace et le temps. Je ne sus pourquoi, mais un puissant sentiment naquit dans ma poitrine. En regardant l’apprentie baptistrelle, une seule pensée me traversa l’esprit. Je n’allais pas la laisser mourir, ni même être blessée. Pas tant que je pourrais encore bouger. De plus, la jeune humaine venait de me sauver la vie par deux fois. Elle me semblait réussi à changer tout en restant fondamentalement la même. Alors que le Golem se relevait pour nous charger à nouveau, j’étais plus confiant. Confiant de savoir mon amie à mes côtés, et persuadé, qu’à deux, nous pouvions réussir.
La vitesse de la charge du Golem augmenta drastiquement, alors qu’il fonçait à nouveau vers nous. J’avais bien un plan, mais Aurore risquait de ne pas aimer. Toutefois, il était absolument hors de question que je la laisse se battre seule après tout ce qu’elle venait de faire pour moi. Je réfléchissais alors à toute vitesse. Les golems étaient des créatures territoriales, mais pas pour autant particulièrement intelligentes. Ahavarion ne me servirait à rien dans la situation actuelle, aussi, j’oubliais cette option. Aurore avait une magie plus puissante que la mienne, et n’était pas non plus arrivée à venir à bout de la montagne mobile. La seule idée qui me restait était celle qui consistait à détourner son attention. Ce ne serait pas forcément une victoire totale, mais, au moins, nous pouvions en sortir indemnes. Le Golem était presque sur nous, et, de toute façon, je n’avais plus trop le choix.
J’enlaçais alors Aurore, la prenant dans mes bras. Je lui jetais alors un regard, avec un sourire qui se voulait rassurant. Elle ne pesait, comme je m’y attendais, absolument rien du tout. Je lui soufflais alors. « Merci. » En toute simplicité. Elle m’avait sauvé deux fois la vie, et, surtout, avait réussi à gagner suffisamment de temps pour que je puisse réagir. Si nous arrivions à triompher, ce serait indéniablement grâce à elle. Sans plus de cérémonie, alors que le Golem allait nous percutait, je la lançais brusquement dans les airs, au moment où le poing du colosse s’abattait sur moi, la mettant alors momentanément hors de sa portée.
Je fléchis alors les genoux, préparant l’énergie magique de mes bottes et tendant mes muscles, puis, au dernier moment, je pris une puissante impulsion, allant littéralement à la rencontre de la frappe de la montagne mobile. Cette dernière sembla alors littéralement me pulvériser, mais ce n’était pas le cas, même si j’espérais qu’il le croit. Sous ma forme brumeuse, je le traversais alors, récupérant au vol Aurore avant qu’elle ne tombe par terre. Une cascade improvisée plutôt réussie compte tenu de la situation. Cependant, comme elle plus tôt, je titubais légèrement. Le glyphe nécessitait beaucoup d’énergie pour fonctionner, ce qui pouvait se comprendre. Je me repris bien vite, car me contexte l’exigeait. J’aidais alors Aurore à grimper dans l’arbre, alors que le Golem semblait regarder ses mains d’un air surpris. Nous avions peu de temps, et elle devait disparaitre à sa vue.
« Grimpe ! Je vais avoir besoin de toi, et il ne faut pas que le Golem puisse te voir ! » J’espérais qu’elle comprendrait rapidement où je voulais en venir. Elle avait déjà utilisé de puissants sorts, et je ne voulais pas qu’elle se vide de son énergie, surtout que je ne savais pas vraiment quel serait le degré de réussite de mon plan. Si j’étais blessé, je lui faisais confiance pour pouvoir me soigner ou encore me protéger au besoin.
Utilisant mes bottes enchantées, je retournais rapidement me camper face au Golem. La manœuvre allait être serrée, et même plus que ça, mais c’était la seule solution qui s’imposait à moi. Une fois que je fus sûr qu’Aurore était hors du champ de vision de la créature, je me préparais à la combattre, toujours sans la moindre Arme dans les mains. De toute façon, je n’avais rien qui était vraiment susceptible de blesser le bloc de pierre mouvant. Ce dernier était plutôt lent, mais ses attaques étaient colossales. Une seule erreur de ma part, et c’était terminé. Comme si je maniais Ahavarion, j’utilisais les techniques d’esquives dansantes qu’Aramis m’avaient enseignées. Je n’eus pas trop de peine à esquiver les coups de la créature qui n’était pas bien agile, temporisant seulement le fait d’avoir suffisamment d’énergie pour activer ma glyphe une nouvelle fois.
Tout se passait bien, jusqu’à ce que mon pied glisse légèrement en arrière sur la mousse humide de la forêt, perturbant considérablement ma garde. Comme une réponse, le poing de la créature de pierre s’abattit alors sur moi. Je n’avais pas suffisamment d’appui pour l’esquiver totalement, même si je n’allais pas le prendre de plein fouet. Je sentis alors la frappe toucher mon flanc gauche. La douleur fut intense, et je serais les dents en grimaçant, sachant pertinemment que quelques-unes de mes côtes s’étaient brisées sous l’impact. La puissance du coup m’envoya voler plus loin, et je retombais brutalement sur le sol. J’essayais alors de retrouver mon souffle, main sur ma blessure, tâchant tant bien que mal de me relever. J’étais à peine à genoux lorsque je vis le Colosse me charger de nouveau, bien décidé à en finir avec l’intru qui avait pénétré son territoire. Il fallait que je tente le coup, je n’avais pas d’autre choix. Je fermais alors les yeux, me concentrant sur les pas lourds et puissants de la créature. Comme la première fois, je pris mon impulsion au moment donné ou sa frappe explosait la terre derrière moi. Le glyphe avait marché de nouveau, et j’étais à présent juste derrière le Golem. Avant de réattérir, je dégainais le sceptre de Fenris accroché dans mon dos. A l’aide de l’extrémité, je dessinais un léger cercle dans les airs. Comme sortant d’une dimension parallèle, un énorme loup aux griffes glacées bondit, atterrissant devant le Golem. Je lui ordonnais mentalement de le provoquer et de prendre la fuite, ce qu’il fit. Le plan sembla fonctionner, puisque l’imposante masse de pierre se mit à suivre le nouveau prédateur, chargeant à travers la forêt, et nous oublia presque instantanément.
L’atterrissage fut dur, et mes côtes cassées me faisaient un mal de chien. Pour ne pas inquiéter Aurore plus que de raison, je choisi de les ignorer, aidant mon amie à redescendre de l’arbre. Lorsqu’elle fut de nouveau à terre, je lui adressais un sourire reconnaissant.
« Je crois que je te dois des remerciements. Si tu n’avais pas été là, mon chemin se serait sans doute terminé cette nuit. » Dis-je, sincèrement, en la regardant dans les yeux.