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Libéré, retrouvé ! [Lylyanth, Derdrak]

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Un matin de mai, plage de Néthéril

Le soleil tapait avec violence, enflammait la surface de l'eau d'une lumière blanche, s'étalait en reflets et étincelles le long des rochers, faisait trembler la ligne d'horizon.
Sur ce dernier point, néanmoins, Valmys n'était pas totalement sûr que le soleil soit seul fautif. Son crâne lui faisait affreusement mal, de façon continue et non-localisée. Trop de lumière pour un organisme aussi épuisé, trop de sel dans son petit corps, trop de faim et trop peu de réserves. Être à l'intérieur de son organisme était un calvaire. Pourtant, une part de lui était heureuse comme jamais elle n'avait dû l'être. Même s'il devait mourir ici et se faire gober par le premier autre être vivant venu, il s'estimait victorieux. Il avait mis fin à son calvaire sur le Maelstrom.
L'étui de son psaltérion était porté en bandoulière. Malgré son état, le musicien ne pouvait le trouver lourd. Après tout, c'était une partie de lui, un peu plus fragile que les autres. À pas lents, timides, prudents autant que difficiles, l'Enwr se frayait un chemin parmi les roches qui composaient la plage, vers les herbes hautes et ocres qui dansaient mollement au loin. Au moins ces forbans avaient eu l'obligeance de naviguer non-loin de Néthéril. Restait à espérer qu'ils le tiendraient pour mort, et ne viendraient pas l'y chercher.
Les herbes et arbres étaient prometteurs. Valmys fantasmait de trouver un fruit, une racine, n'importe quoi. Son chemin vers le Domaine n'était qu'un détail. Il avait passé assez de temps sur les routes pour savoir trouver la sienne. Il fallait juste tenir jusque là. C'était bien ce qui s'annonçait compliqué.

Il avait sans doute fière allure ! Nu, portant des hématomes ici et là, des reflets de sel et d'autres minuscules cailloux et coquillages. La chaleur avait séché l'eau qui l'avait couvert, laissant à ses cheveux une consistance poisseuse, poissonneuse, et l'odeur qui allait avec. La bouche entr'ouverte, essoufflé par les malheureux pas qu'il faisait, il portait au fond de ses yeux des étincelles d'un espoir fou, d'une joie qui ne pouvait s'exprimer. Il y croyait, il croyait pouvoir s'en sortir, parce qu'il n'y avait plus que cela à croire, et parce qu'il avait réussi là où jadis l'espoir n'existait pas.

Un coup d'oeil sur sa gauche lui fit remarquer deux ombres qui n'avaient pas été là lorsqu'il avait rejoint la plage. Difficile à discerner d'ici. Sur cette partie de Néthéril, les ombres n'étaient normalement pas hostiles... Normalement. Valmys avait beau plisser les yeux, il ne voyait rien d'autre que l'obscurité du contre-jour.
Il sentit le désespoir s'approcher de lui, et lui murmurer qu'il n'en finirait jamais. Que ces deux-là venaient pour lui, et que tout allait recommencer. Malheureusement, l'autre partie de Valmys, celle qui avait pris goût à l'idée de survivre, rejeta cette idée. Non, tout allait très bien se passer ! Il allait s'enfuir, se cacher, et tout serait merveilleux. L'elfe aux oreilles rondes tenta alors trois pas de course, qui virent cette dernière s'achever contre le sol, heurtant ses genoux aux galets, protégeant son crane de justesse. Alors sa petite voix d'espoir se fit plus discrète, avouant à mi-mots que rejoindre le Domaine allait peut-être s'avérer compromis.
Au moins aurait-il peut-être la chance de mourir ici, dignement, et non pas entre les mains des pirates. S'il se débrouillait bien, il devait pouvoir le faire, et mourir avant que les deux ombres ne le retrouvent. C'était un peu dommage... S'il avait su, peut-être ne se serait-il pas embêté à nager, pour simplement laisser l'eau s'approprier ses poumons. Ç'aurait été plus simple. Là, pour mourir... Il pouvait toujours essayer de se trancher les veines avec un galet. Bizarrement, son optimisme et son pessimisme se rejoignaient sur un point: ce n'était peut-être pas la stratégie la plus efficace. Il avait plus vite fait de s'y essayer avec les ongles.
Les silhouettes paraissaient plus lointaines, non ? Il gagnait du temps... Sa main s'approcha de son poignet, au moment où une pensée passa dans son esprit, l'air de rien: et si, plutôt que des pirates, ces silhouettes étaient des baptistrels ? Ils étaient tout de même des habitants de cette partie de l'île, avec les Graarh. Les silhouettes avaient l'air vaguement humanoïdes... Peut-être passait-il à côté de son unique moyen de survivre !
Cette hypothèse, si stupide soit-elle, eut le mérite d'arrêter Valmys dans son élan, le faire réfléchir un peu. Entre une potentielle survie, et une potentielle survie qui valait moins que la mort, il pouvait tirer son existence à pile ou face. Son instinct parla à sa place, lui rappelant que dans le pire des cas, il pourrait cette fois s'achever proprement. L'Enwr glissa ses doigts sur sa gorge, usant de la magie à sa porter pour pouvoir murmurer un appel à l'aide, et entendre celui-ci sortir de sa gorge avec le volume d'un hurlement.
Le son vrilla les tympans de son crâne déjà douloureux. Maladroitement, il se redressa, s'appuyant sur un bras. Il réitéra son appel, usant à nouveau de forte-voix malgré la douleur.
Son bras céda sous lui. Inconscient, il n'allait pas pouvoir savoir dans l'immédiat de quel côté la pièce était tombée.


Dernière édition par Valmys Neolenn le Ven 17 Nov 2017 - 9:37, édité 1 fois

descriptionlibéré délivré - Libéré, retrouvé ! [Lylyanth, Derdrak] EmptyRe: Libéré, retrouvé ! [Lylyanth, Derdrak]

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La Meute avait fini sa mission d’exploration depuis quelques jours. Tout s’était bien déroulé, les Loups ne s’étaient pas trop enfoncés dans l’îles car leur objectif était une forêt à moins de trois jours de chevaucher de la dernière ville. Il fallait juste vérifier qu’il n’y avait pas de civilisation obscure et maléfique ou d’animaux mortellement dangereux. La Meute avait donc exploré les environs pendant une semaine, en décrivant une spirale de plus en plus grande, mêlant déplacement silencieux et battus afin de réveiller les animaux dormants. En chemin ils prirent des échantillons de plantes pour examens, savoir si elles étaient comestibles ou mortelles. Les blagues étaient aller bon train sur les potentiels testeurs de la compagnie. S’il était proche de ses hommes, le Loup toutefois ne se mêlait que rarement à leur plaisanterie. Le commandement isolait et devait isoler, sinon chaque perte, chaque ordre ou remontrance devenait un acte personnel, or le capitaine se devait d’être impartial.

La première mission faîte, les Loups allaient laisser place aux Aigles, qui cartographieront, inventeront plus en détail la zone. Pour l’heure, la Meute se rendait au Domaine Baptistrel pour leur donner les plantes car pour Erdrak, les chanteurs étaient les seuls à pouvoir identifier efficacement les plantes, et le capitaine souhaitait rendre visite à Ilyanth, qui n’était pas son ami mais au moins son mentor, grâce à qui il avait trouvé une paix intérieur relative. Une entente cordiale même. Il n’était qu’à un jour de chevaucher, mais Erdrak décida qu’une journée de repos s’imposait. Même si aucun des Loups n’oserait l’avouer, les missions d’exploration étaient stressantes, et la tension était permanente. Ils avaient déjà rencontré des créatures trop dangereuses et terrifiantes pour prendre ces missions à la légère. On était loin de la ballade de santé surtout sur Néthéril. De plus, peu de Loups avaient une expérience martiale ou de la guerre. Ils étaient certes une élite mais une élite qui avait connu de nombreux revers contre les Chimères.

Comme à son habitude prudente, le Loup Solitaire avait envoyé des trios explorer les environs pendant que les autres se reposaient. Ils avaient passé la nuit sur ce camp et en passeraient une seconde avant de repartir. A peine une heure après leur envoi, un trio revint, amenant quelqu’un avec eux. L’individu chevauchait une jument, elfique à n’en pas doutait et le Loup reconnu tout de suite Ilyanth. Il alla le saluer et l’invita à le rejoindre autour d’un feu, s’il voulait partager leur déjeune, boire un thé, un peu de vin, de l’eau. Puis il entama la discussion, courtoisement, comme son père l’aurait avant lui. Asmo se tenait bien et parfois se permettait même de prendre la parole, pour lancer une petite pique. Ce genre d’interventions arrivait parfois lorsqu’Erdrak parlait avec ces hommes, et surprenait ces hommes par leur brusquerie ainsi que par leur contraste avec le caractère habituel de leur capitaine mais ils n’en disaient rien. Le Loup Solitaire pris des nouvelles du domaine, si la reconstruction allait comme il fallait, si tous les baptistrels se portaient bien.

Puis un homme revint. Un Loup sans son trio n’était pas souvent une bonne nouvelle. Une frénésie s’apparent du camps alors que sans qu’aucune alerte ne soit donnée, les Loups s’emparaient de leurs armes et prenaient leur position défensive pour certain, montant à cheval pour d’autres. Pas besoin d'enfiler leurs armures de plaques légères, elle ne les quittait jamais en campagne. Capitaine. Maître. Ajouta-t-il en direction du Chantefau. Bord, Gane et moi avons trouvé un homme sur la plage. Il a l’air souffrant et nous a appelé à l’aide. Les deux autres sont restés là-bas et s’occupent de lui. La zone semble sécurisée et je suis venue vous prévenir le plus vite possible. Il a besoin de soin et le Doc serait le bienvenu. Il s’agit d’un elfe, capitaine.

Le Loup Solitaire se leva et pris cinq hommes dont le Doc avec lui, confia le commandement à un second et maintint un niveau d’alerte moyen. Les Dieux seuls savent ce qui a mis cet elfe dans un état aussi lamentable que définit par Gore. Il invita le Chantefeu à l’accompagner car qui mieux qu’un Cawr baptistrel pour soigner un blessé. Le Loup monta Akehla et la petite troupe arriva rapidement après de Bord et de Gare. Gare, une jeune femme qui semblait bien charpenter sous son armure veillait sur les alentours et salua son capitaine et le Chantefeu avec un respect tout militaire. Elle était fille d’officier de l’armée Aldarienne qui avait toujours refusé qu’elle suive sa voie. Rejoindre la Meute était pour elle un pied de nez à son père trop conservateur. Et Erdrak n’avait rien à reprocher à cette jeune femme, tout comme à toute les autres de sa troupe ou des autres. Gord pour sa part avait eu la bonne idée de protéger le corps de l'elfe du soleil.

Les hommes installèrent rapidement un périmètre autour du blessé ne laissant qu’Erdrak, Ilyanth et le Doc au chevet de l’elfe. Le Doc regarda alternativement son capitaine et le maître Baptistrel. Le Loups Solitaire compris le message et lui laissa le choix. Le Doc en fut soulagé. Maître, ce serait un honneur de pouvoir officier à vos côtés. Toutefois, puis-je vous demander de mener ces soins, vous serez plus habile que moi et peut-être excellent professeur. Voulez-vous ? Cela déstabilisait certaines personnes d’entendre tous les hommes du Loup parlaient courtoisement et poliment. C’était une règle à laquelle Erdrak tenait. Quand ils étaient entre eux, loin des oreilles, le niveau baissé, mais une réputation se base sur des haut-faits et une grande prestance. La Meute se devait d’être exemplaire.

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Cette journée de fin d’août s’annonçait torride et le soleil d’été, déjà haut dans le firmament, emplissait l’ile de Néthéril d’une chaleur moite. Cependant Ilyanth n’était guère incommodé par cette atmosphère caniculaire, bien au contraire, il savourait avec un plaisir non dissimulé la caresse de l’astre du jour sur sa peau dorée. Le feu coulait dans ses veines et à l’image de son élément l’elfe arborait une beauté flamboyante et haute-en couleur. Comme à son habitude, le jeune Cawr avait revêtu une tunique confectionnée dans une étoffe légère et aux tons ocre et orangés.

Alors qu’il s’affairait dans les bâtiments à l’architecture troglodyte du nouveau domaine, vaquant à ses activités habituelles, l’une de ses Enwrs lui signala l’arrivée inattendue de plusieurs guerriers. Intrigué, le chanteur décida d’aller à leur rencontre afin de s’enquérir de la raison de leur venue en ce lieu sacré et où toute pensée belliqueuse était prohibée.

Il écarquilla les yeux de stupeur en s’apercevant qu’il s’agissait d’une importante troupe de soldats et lutta intérieurement pour conserver son calme olympien et sa sérénité à la vue de tant de guerriers. En effet, le malheureux Baptistrel avait été traumatisé par la terrible bataille de Sandur et la simple vue de ce qui évoquait la guerre le mettait mal à l’aise voire l’emplissait de crainte.

Les visiteurs le menèrent vers leur chef et Neolenn eut le plaisir de reconnaitre un visage familier. Celui qui se tenait face à lui n’était autre d’Erdrak Geflorth, un homme torturé, hanté par son passé et qui était venu quérir son aide afin de trouver la paix de l’âme et découvrir son véritable lien de parenté avec la jeune Sinestra. Le lié du feu l’avait aidé dans sa quête intérieure et était heureux de découvrir que ce dernier semblait mener une existence plus apaisée.

Neolenn esquissa un sourire plein d’aménité et lui souhaita la bienvenue au domaine ainsi qu'à ses hommes.

- Erdrak, quelle joie que de revoir depuis toutes ces années. Comment vas-tu depuis lors et quel vent te ramène dans ce nouveau domaine?

Erdrak se montra fort courtois et l’invita à s’installer auprès du feu afin de partager leur déjeuner et de discutailler, ce que le chanteur s’empressa d’accepter, trop heureux de pouvoir bavarder et échanger des souvenirs avec une vieille connaissance. Le jeune Cawr répondit aux questions du mercenaire concernant ce nouveau domaine et leur installation sur l’ile de Néthéril. Certes la vie n’était pas facile tous les jours et leur fallait s’adapter à un nouvel environnement, parfois hostile ; cependant les Baptistrels ne manquaient guère de ressources et étaient habitués à mener une existence frugale et en harmonie avec la nature.

Tout d’un coup, un des hommes de Geflorth arriva en courant et leur signala que lui et l’un de ses comparses avaient découvert un nauffragé sur la plage. Ce dernier paraissait souffrant et son état nécessitait des soins médicaux.

En entendant cela, le chantefeu se leva à la hâte et décida d’accompagner le Loup et ses compagnons afin de venir en aide à l’infortuné blessé. L’elfe chevaucha sa jument Elfique, Lune d’Argent, à la robe d’une blancheur éclatante, qui rappelait la beauté opalescente de l’astre lunaire.
Bientôt, la troupe parvint dans le périmètre sécurisé où se trouvait l’homme souffrant et les mercenaires postés pour surveiller le lieu leur adressèrent un salut tout militaire. Après cela, ils se rendirent au chevet du blessé où un soigneur officiait et lui administrait les premiers soins. Le Doc sembla soulagé de voir le chef de la Meute en compagnie d’un maître barde et demanda à ce dernier s’il pouvait servir d’aide guérisseur. Neolenn accepta avant de s’approcher de l’homme, au corps entièrement dénudé, qui se trouvait allongé sur un brancard de fortune.

Neolenn se concentra et entonna un chant de sa voix harmonieuse, aux sonorités célestes, afin de permettre à l'homme évanoui de regagner des forces et de reprendre conscience.

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Le médecin porta de l'eau aux lèvres de Valmys. Lui fit grand bien et grand plaisir. Il en aurait volontier pris davantage -à vrai dire, il aurait pu boire jusqu'à ce que son organisme lui implore de cesser. Mais le médecin était bon, et il prit soin de ne pas lui donner plus que raison. Valmys remua sa langue dans sa bouche, qu'il sentait déjà plus vivable et vivante, sans se sentir l'envie d'user de son reste de forces pour réclamer qu'on le couvrit d'eau potable.

Celui qui se nommait Loup Solitaire avait une voix agréable. Valmys en aimait l'intonation, sans vraiment savoir pourquoi. Quelque chose dans son ton le rassurait. Comme... Du pragmatisme ? Ou de la raison ? Il n'aurait su dire. Surtout à ce moment-là. S'il n'avait pas été bien trop terrifié pour cela, Valmys aurait pu se servir de sa voix comme berceuse. Mais il n'était pas prêt à se rendormir aux côtés d'un homme avant plusieurs siècles.
Cela n'allait pas avoir d'importance. L'elfe aux traits humains n'eut pas le loisir de songer à tout cela bien longtemps. Le loup avait prononcé un mot magique. Ilyanth Neolenn. Ca faisait deux mots magiques. Sérieusement, vous croyez qu'il n'avait que ça à faire, là, Valmys ? Les mathématiques pouvaient bien changer totalement de logique sans même qu'il en soit choqué. Ilyanth Neolenn ! Il l'avait cherché pendant si longtemps ! Non, ce devait être une hallucination, il avait dû mal entendre... Avec la mort des déités, ce ne pouvait pas même être l'oeuvre de ces dernières, comme une récompense à son martyr. Non non... Mais pourqu'un autre baptistrel se nomma d'un nom proche d'Ilyanth Neolenn, tout en étant chantefeu, il aurait fallu une coincidence incroyable. Ce devait donc être vrai.

Valmys cilla, plusieurs fois, incrédule. Il aurait souhaité contempler celui qui partageait son sang, mais bouger était encore difficile, et son regard se contentait donc du Loup Solitaire. De plus, Ilyanth lui avait intimé de ne pas abuser de ses forces... Et il n'était pas question de déjà le froisser. Ils auraient tout le temps de se faire des misères lorsque Valmys irait mieux. Cela allait arriver. Entre les mains d'un confrère de l'Ordre, le destin était toujours plus serein. Même si, désormais, Valmys pouvait très bien mourir sur place, et mourir "heureux". C'était au moins une tâche qu'il avait accomplie, même si pas totalement volontairement.

L'elfe aux oreilles arrondies était épuisé, mais pas suffisamment pour que son audition soit perdue. Sa vision était floutée, mais son sens le plus instinctif et précieux fonctionnait. Il entendit que l'on parlait de lui, que le maître rechignait à lire dans son chant-nom. Ils préféraient lui poser les questions... C'était conforme à la philosophie de l'Ordre. Valmys vit devant lui s'ouvrir la possibilité d'autoriser Ilyanth à lire en lui. C'aurait été plus simple. Plus besoin de mots, et Ilyanth aurait pu directement avoir son nom, son enthousiasme par rapport à l'idée de l'avoir (re)trouvé, tout le chemin parcouru, sa volonté d'aller voir son maître...
Valmys eut une grimace, instinctive, en songeant à un dernier point, plus gênant. Ilyanth saurait également ce qui lui était arrivé. Le naufragé n'était pas exactement prêt à dévoiler cela. C'était plus que gênant. Et pour un premier contact, il y avait mieux à partager. Non, définitivement, il ne pouvait pas montrer cela.

Il en était là, lorsqu'Ilyanth évoqua un point qui l'effraya quelque peu. Retourner au Domaine... "Quand il sera en état de voyager" ? Le Loup Solitaire donna des ordres, liés à l'idée de monter le camp... Q-quoi ? Rester ici ? Mais... Et si les pirates essayaient de le retrouver ? Autant le Domaine était protégé, et abritait douze maîtres prêts à calmer les ardeurs belliqueuses de l'équipage du Maelstrom. Autant ici... Bon, il y avait Ilyanth, et, visiblement, toute une meute, pour le protéger. Mais... Mais quand même ! Il y avait la mer juste à côté ! La mer était dangereuse. La mer avait les pirates. Au diable la logique, il valait mieux s'écarter !

"- S'il... Et s'ils reviennent ? Les pirates..."

S'il ne voulait pas qu'Ilyanth lise en lui, Valmys allait devoir se faire à l'idée de s'exprimer, et ce malgré les efforts que cela coûtait. La faiblesse avait beau forcer sa voix à rester basse et lente, la peur la teintait tout de même. Une peur venue du fond de ses tripes. Il respirait comme il le pouvait, entre chaque phrase.

"- Ils m'ont fait prisonnier. J'espère qu'ils ne me cherchent pas. Je ne veux pas qu'ils me retrouvent."

Sa crainte laissait clairement sous-entendre une demande: la protection. Il se doutait que les bipèdes qui l'entouraient portaient naturellement cette dernière dans leur coeur. Il n'en avait plus l'habitude, cependant, et avait surtout besoin d'être rassuré, de l'entendre, d'en avoir le témoignage. Les intentions bienveillantes avaient disparu de sa réalité en quelques semaines à peine.

"- Ilyanth, peut-être vous a-t-on parlé de moi... Valmys. Valmys Neolenn."

Si tel était le cas, le chantefeu avait peut-être déjà quelques réponses à ses questions. Même sans cela, Valmys avait besoin de le lui dire. Maintenant. Parce qu'il craignait le futur, parce qu'inconsciemment il voyait cela comme un argument de plus à sa survie. Parce que cela faisait bien trop longtemps qu'il attendait de pouvoir le faire.

Il parvint enfin à se tourner vers lui, et ses yeux sombres portaient la terreur que les pirates avaient créée, et entretenue en lui. Ils avaient réussi. Pour le moment.


Dernière édition par Valmys Neolenn le Mer 27 Sep 2017 - 20:07, édité 1 fois

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L’elfe reprenait peu à peu connaissance. Son état de déshydratation était assez terrible et Ilyanth se contentait de chanter juste à côté du blesser. Bien que connaissant la puissance magique dont pouvaient faire preuve les Baptistrels par leur chant, le Loup Solitaire eut du mal à retenir son agacement. Son médecin de campagne lui jeta un regard incrédule. Lui qui s’attendait à quelque chose de plus physique allait rester bête comme chou, car imperméable à la magie du chant. Le médecin s’agenouilla près du blessé, suivi de son capitaine. L’elfe devait mourir de soif et Erdrak autorisa son médecin à lui donner un boire, avant de répondre à ses questions.

Bonjour. Je suis le Loup Solitaire, vous êtes en sécurité ici, nous allons nous occuper de vous. Je vous présente Maître Ilyanth Neolenn, Chantefeu, bien qu’étant vous-même baptistrel vous devez vous connaitre. Nous allons nous occuper de vous et vous conduire au domaine si tel est votre désir. Je pense que vos semblables seront heureux de vous retrouver.

Le Loup attendit que le Chantefeu termine son chant. Puis il s’adressa à lui d’une voix basse pas trop pour ne pas paraitre complotiste, mais pas suffisamment forte pour qu’il puisse être entendu par d’autres sauf s’ils tendaient l’oreille. Maître Ilyanth, connaissez-vous cet homme ? Enfin, c’est elfe ? Comment a-t-il pu arriver là ? Le blessé était couvert de sel, il avait donc été déposé par la mer. Un naufrage ? Qui sait. Erdrak appela un de ses hommes et lui demanda d’aller chercher le reste de la compagnie. Son second choisira dix hommes qui tiendront le camp. Avec le reste, il organisera une recherche. L’elfe n’était pas en état de leur expliquer ce qui lui était arrivé et le Loup ne voulait pas attendre. Si des gens avaient besoin de secours, il fallait le leur apporter.

descriptionlibéré délivré - Libéré, retrouvé ! [Lylyanth, Derdrak] EmptyRe: Libéré, retrouvé ! [Lylyanth, Derdrak]

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Ilyanth baissa ses paupières, concentré sur son chant et ses doigts délicats pincèrent les cordes de sa harpe, faisant naitre des sons purs et mélodieux. Autour d’eux la musique se répandait, résonnant en parfaite harmonie avec les vibrations du monde.

Sous l’effet de cette magie bienfaisante, le blessé reprit progressivement conscience et d’une voix encore chancelante, celui-ci demanda qui étaient les personnes qui l’entouraient.

Avec une grande douceur et d’un ton posé, Neolenn répondit :

- Je pense que pour l’instant il vaudrait mieux que vous ne fassiez pas trop d’effort car vous semblez encore affaibli et désorienté. Mais n’ayez aucune crainte, j’ai usé de ma magie pour hâter votre guérison.

Le rescapé tenta néanmoins d’en dire plus à son sujet et au prix d’un grand effort, ce dernier parvint à aligner une suite de mots. Le jeune inconnu demandait s’il se trouvait bien sur l’ile de Néthéril et expliqua être un Enwr désireux de retrouver les siens.

Le chantefeu le regarda avec bienveillance et acquiesça de la tête :

- Nous sommes bien sur Néthéril et nous allons vous aider à retrouver les vôtres au Domaine Baptistral. Je suis moi-même un Baptistrel et je peux vous y conduire et vous accompagner jusqu'à votre rétablissement total.

L’elfe était un peu intrigué par les paroles de ce mystérieux jeune homme trouvé sur une plage et qui disait être un Enwr. Le domaine comptait d’innombrables apprentis mais le Cawr ne se rappelait pas avoir rencontré celui-ci. Pourtant ses vibrations indiquaient qu’il disait la vérité. D’où pouvait-il venir et surtout comment s’était-il retrouvé nu sur cette ile ?
Pour le savoir, le lié du feu n’avait qu’à lire son chant-nom. Toutefois, ce dernier préférait attendre que ce jeune inconnu reprenne des forces et narre son histoire. Aussi demeura-t-il calme et silencieux, ses prunelles pers rivées sur lui, tout en utilisant le pouvoir de son esprit lié, l’oiseau de paradis, afin de dégager une présence apaisante et chaleureuse.

Erdrake, quant à lui, semblait impatient d’en apprendre davantage et d’un ton plus direct que celui du Rhapsodien, il fit les présentations et questionna le naufragé. Ilyanth devina sans peine que le mercenaire désirait s’assurer de la présence d’autres blessés pour pouvoir les secourir au plus vite. Même si, à priori, les hommes du loup n’avait découvert que celui-là. Lui-même en tant que maître barde se devait d’aider les souffrants et ceux qui nécessitaient ses soins, bien que pour l’instant il désirait rester au chevet du jeune blessé le temps de s’assurer que celui-ci récupère des forces.

Le chantefeu se tourna vers Geflorth et dit à voix basse :

- Je ne sais pas qui il est ni d’où il vient. Je pourrais le savoir très rapidement en lisant son chant-nom, mais je trouve cela un peu intrusif de le faire sans son accord. Mais peut-être devrions-nous attendre qu’il aille mieux et réponde de lui-même à nos questions. Nous pourrions également le ramener au domaine dès qu’il sera en état de voyager.

descriptionlibéré délivré - Libéré, retrouvé ! [Lylyanth, Derdrak] EmptyRe: Libéré, retrouvé ! [Lylyanth, Derdrak]

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Le médecin porta de l'eau aux lèvres de Valmys. Lui fit grand bien et grand plaisir. Il en aurait volontier pris davantage -à vrai dire, il aurait pu boire jusqu'à ce que son organisme lui implore de cesser. Mais le médecin était bon, et il prit soin de ne pas lui donner plus que raison. Valmys remua sa langue dans sa bouche, qu'il sentait déjà plus vivable et vivante, sans se sentir l'envie d'user de son reste de forces pour réclamer qu'on le couvrit d'eau potable.

Celui qui se nommait Loup Solitaire avait une voix agréable. Valmys en aimait l'intonation, sans vraiment savoir pourquoi. Quelque chose dans son ton le rassurait. Comme... Du pragmatisme ? Ou de la raison ? Il n'aurait su dire. Surtout à ce moment-là. S'il n'avait pas été bien trop terrifié pour cela, Valmys aurait pu se servir de sa voix comme berceuse. Mais il n'était pas prêt à se rendormir aux côtés d'un homme avant plusieurs siècles.
Cela n'allait pas avoir d'importance. L'elfe aux traits humains n'eut pas le loisir de songer à tout cela bien longtemps. Le loup avait prononcé un mot magique. Ilyanth Neolenn. Ca faisait deux mots magiques. Sérieusement, vous croyez qu'il n'avait que ça à faire, là, Valmys ? Les mathématiques pouvaient bien changer totalement de logique sans même qu'il en soit choqué. Ilyanth Neolenn ! Il l'avait cherché pendant si longtemps ! Non, ce devait être une hallucination, il avait dû mal entendre... Avec la mort des déités, ce ne pouvait pas même être l'oeuvre de ces dernières, comme une récompense à son martyr. Non non... Mais pourqu'un autre baptistrel se nomma d'un nom proche d'Ilyanth Neolenn, tout en étant chantefeu, il aurait fallu une coincidence incroyable. Ce devait donc être vrai.

Valmys cilla, plusieurs fois, incrédule. Il aurait souhaité contempler celui qui partageait son sang, mais bouger était encore difficile, et son regard se contentait donc du Loup Solitaire. De plus, Ilyanth lui avait intimé de ne pas abuser de ses forces... Et il n'était pas question de déjà le froisser. Ils auraient tout le temps de se faire des misères lorsque Valmys irait mieux. Cela allait arriver. Entre les mains d'un confrère de l'Ordre, le destin était toujours plus serein. Même si, désormais, Valmys pouvait très bien mourir sur place, et mourir "heureux". C'était au moins une tâche qu'il avait accomplie, même si pas totalement volontairement.

L'elfe aux oreilles arrondies était épuisé, mais pas suffisamment pour que son audition soit perdue. Sa vision était floutée, mais son sens le plus instinctif et précieux fonctionnait. Il entendit que l'on parlait de lui, que le maître rechignait à lire dans son chant-nom. Ils préféraient lui poser les questions... C'était conforme à la philosophie de l'Ordre. Valmys vit devant lui s'ouvrir la possibilité d'autoriser Ilyanth à lire en lui. C'aurait été plus simple. Plus besoin de mots, et Ilyanth aurait pu directement avoir son nom, son enthousiasme par rapport à l'idée de l'avoir (re)trouvé, tout le chemin parcouru, sa volonté d'aller voir son maître...
Valmys eut une grimace, instinctive, en songeant à un dernier point, plus gênant. Ilyanth saurait également ce qui lui était arrivé. Le naufragé n'était pas exactement prêt à dévoiler cela. C'était plus que gênant. Et pour un premier contact, il y avait mieux à partager. Non, définitivement, il ne pouvait pas montrer cela.

Il en était là, lorsqu'Ilyanth évoqua un point qui l'effraya quelque peu. Retourner au Domaine... "Quand il sera en état de voyager" ? Le Loup Solitaire donna des ordres, liés à l'idée de monter le camp... Q-quoi ? Rester ici ? Mais... Et si les pirates essayaient de le retrouver ? Autant le Domaine était protégé, et abritait douze maîtres prêts à calmer les ardeurs belliqueuses de l'équipage du Maelstrom. Autant ici... Bon, il y avait Ilyanth, et, visiblement, toute une meute, pour le protéger. Mais... Mais quand même ! Il y avait la mer juste à côté ! La mer était dangereuse. La mer avait les pirates. Au diable la logique, il valait mieux s'écarter !

"- S'il... Et s'ils reviennent ? Les pirates..."

S'il ne voulait pas qu'Ilyanth lise en lui, Valmys allait devoir se faire à l'idée de s'exprimer, et ce malgré les efforts que cela coûtait. La faiblesse avait beau forcer sa voix à rester basse et lente, la peur la teintait tout de même. Une peur venue du fond de ses tripes. Il respirait comme il le pouvait, entre chaque phrase.

"- Ils m'ont fait prisonnier. J'espère qu'ils ne me cherchent pas. Je ne veux pas qu'ils me retrouvent."

Sa crainte laissait clairement sous-entendre une demande: la protection. Il se doutait que les bipèdes qui l'entouraient portaient naturellement cette dernière dans leur coeur. Il n'en avait plus l'habitude, cependant, et avait surtout besoin d'être rassuré, de l'entendre, d'en avoir le témoignage. Les intentions bienveillantes avaient disparu de sa réalité en quelques semaines à peine.

"- Ilyanth, peut-être vous a-t-on parlé de moi... Valmys. Valmys Neolenn."

Si tel était le cas, le chantefeu avait peut-être déjà quelques réponses à ses questions. Même sans cela, Valmys avait besoin de le lui dire. Maintenant. Parce qu'il craignait le futur, parce qu'inconsciemment il voyait cela comme un argument de plus à sa survie. Parce que cela faisait bien trop longtemps qu'il attendait de pouvoir le faire.

Il parvint enfin à se tourner vers lui, et ses yeux sombres portaient la terreur que les pirates avaient créée, et entretenue en lui. Ils avaient réussi. Pour le moment.

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Après avoir avalé des gorgées d’eau, le blessé parut reprendre des forces et ses prunelles sombres se rivèrent sur le loup solitaire. Le mercenaire lui posa quelques questions et se présenta ainsi qu’Ilyanth Neolenn. En entendant ce nom, le mystérieux rescapé parut s’agiter. Que lui arrivait-il ? Se demanda le chantefeu en le fixant d’un air affable. Était-ce la joie de revoir l’un de ses frères baptistrels qui le plongeait dans un tel état d’agitation ? Après tout, la Rhapsodie incarnait une grande famille et la plupart de ses membres se vouaient un amour inconditionnel. Une expression d’incrédulité, suivie de peur, apparut sur le visage aux traits tirés de l’Enwr et malgré son état d’épuisement, celui-ci parvint à articuler « - S'il... Et s'ils reviennent ? Les pirates.. »

-       Les pirates ? Ceux d’Althagan la perfide ?

Cette fois-ci, ce fut au tour du lié du feu d’arborer un air surpris ;  s’agissait-il d'une victime des pirates, enlevé afin d’être vendu sur un marché aux esclaves ? En effet, l’ile de Néthéril était peuplée de mille et un dangers et cette cité dédiée à la piraterie représentait une place tournante du commerce d’esclaves. Le cœur du Cawr se serra à l’idée que l’infortuné naufragé avait dû vivre des choses terribles et il se promit de veiller sur lui jusqu’à son complet rétablissement. L’elfe solaire avait d’ailleurs l’habitude de chouchouter les jeunes élèves qui peuplaient le domaine.


-       Vous semblez effrayé, j’imagine que vous avez dû vivre des choses épouvantables, dit le maitre-barde d’un ton empli d’empathie. Si les pirates reviennent, nous ferons le nécessaire pour vous protéger.

Puis, il se tourna vers Erdrake et lui dis avec anxiété :
-       Peut-être que le lieu n’est pas sûr et que des pirates sont à sa poursuite, pour sa sécurité mieux vaudrait le transporter ailleurs…


Tout d’un coup, la voix du jeune naufragé résonna à nouveau :  "- Ilyanth, peut-être vous a-t-on parlé de moi... Valmys. Valmys Neolenn."
Le chantefeu le regarda et ses yeux bleu-vert s’agrandirent d’étonnement, puis il eut un petit rire avant de répondre d’un ton candide :
-       Neolenn ? Ah bon ! Comme c’est amusant, nous portons le même nom. Quelle coïncidence !

Ensuite, l’elfe arbora un air contrit et poursuivit :

-  Je ne me souviens pas avoir entendu parler de vous…Le nom de Valmys Neolenn ne me dit rien du tout, mais il y a quelques années j’ai été possédé par une chimère lorsque j’étais dans le plan astral avec Verith, Kalyna, Arya et Alford et depuis lors j’ai parfois quelques trous de mémoire concernant mon passé…Mais peut-être que ça va me revenir…

Par ailleurs, le chanteur possédait une fâcheuse tendance à se montrer étourdi, ce qui n’arrangeait rien. Le jeune Enwr, qui ressemblait à s’y méprendre à un humain, tourna vers lui ses grands yeux sombres, luisants de frayeur, à tel point qu’Ilyanth se sentit bouleversé. Pauvre petite chose trouvée inanimée sur la plage, il fallait l’aider et le rassurer le plus rapidement possible.

-       Erdrake, je crois que Valmys est vraiment apeuré à l’idée que des pirates ne reviennent pour l’enlever. Et cela me fend le cœur de le voir ainsi. Malgré son état peut-on trouver le moyen de le transporter, par exemple sur un charriot, jusqu’au domaine ?

Le chantefeu tourna ensuite la tête en direction de l’apprenti et soudain ses joues s’empourprèrent violemment et avec un peu de gêne, il chuchota à l’attention du mercenaire :


- Euh…comment dire…serait-il possible de lui trouver quelque chose à se mettre ou de lui prêter au moins une culotte, car il y a des âmes chastes et pures au domaine et la vision…de…d’une certaine partie de son anatomie pourrait porter atteinte à leur innocence.

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Erdrak réussit à empêcher l’éclat de rire d’Asmo de sortir de ses lèvres, mais pas à retenir un petit hoquet qu’il espéra être discret. Les pirates étaient un fléau, et pour certains d’entre eux, un sérieux problèmes. Mais bien que la plupart des guerriers de la Meute soit jeunes, ils étaient expérimentés et très bien entrainés, une bande de pirates n’aurait aucune chance contre eux. Mais le Loup Solitaire comprenait l’inquiétude de l’elfe et de l’humain, la réputation de ses hommes n’étaient pas encore faites, et les pirates en question étaient assez terrible pour faire un euphémisme. Alors Erdrak acquiesça à la proposition de Chantefeu. Il appela un des jeunes soldats rester pour surveiller les alentours et lui demanda de sonner le rassemblement. Le jeune guerrier prit le cor qu’il portait en bandoulière et souffla une succession de sons simples. On est loin d’une mélodie de baptistrel. Asmo avait tout à fait raison mais ce n’était pas le but d’un corps.

Il semblerait que leur naufragé fasse partie de la famille du Chantefeu. C’était difficile à croire. Ilyanth était un elfe, Valmys car tel semblait être son nom était humain. Cela n’avait aucun sens, et même le cawr ne semblait pas convaincu. Ce nom ne lui disait rien, ni à personne manifestement. Il devait délirer à cause de son traumatisme. Il parait que tu t’y connais en traumatisme. C’est toi le traumatismeCette fois, c’est son propre fou rire qu’il dut retenir pendant qu’Asmo faisait résonner le sien dans son esprit. Avant de faire la connaissance du Chantefeu, le Loup Solitaire n’aurait jamais imaginer partager une telle complicité avec lui-même.

Dès que mes hommes sont rassemblés, nous retournons à mon camp et nous mettrons alors en route vers le Domaine si vous le voulez bien. Le Loup Solitaire donna des ordres pour qu’on aille prévenir le camp de commencer à tout replier et un trio partit rapidement à cheval. A la remarque sur la nudité de Valmys, le Loup tira sa cape et en recouvrit le corps du rescapé. Nous lui trouverons une tenue plus décente au campement. En attendant, maintenant que tout le monde est là, en route. Accepteriez-vous de le prendre en croupe, maître Neolenn ? Le Loup se mit en selle et la compagnie repartit pour le campement de la Meute.

Là-bas ils finirent le rangement et la troupe se dirigea vers le domaine. Comme d’habitude, le Loup Solitaire envoya des trios éclaireurs surveiller l’avant, l’arrière et les flancs de la Meute, pendant qu’il chevauchait sur le côté, un sergent dans la trentaine tenant fièrement l’étendard de la Meute, le loup de Sable couronné d’or sur fond de gueule. C’est dans cette configuration qu’ils arrivèrent et mirent pied à terre à l’entrée du domaine.

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Oh, lui, avoir vécu des choses épouvantables ? Si peu. Il ignorait d'où venaient ces pirates, n'avait su répondre à la question d'Ilyanth. Peu importait leur provenance, le plus important était qu'ils aillent loin, très loin de lui. Et qu'ils ne reviennent jamais. Il allait suffisamment les revoir dans ses cauchemars, allait suffisamment subir les séquelles de leurs traitements, sans avoir besoin d'en subir davantage. Leur seule possibilité était déjà de trop.

Valmys fut un peu désolé que le Chantefeu ne fasse le lien entre leurs deux noms semblables. C'était pourtant évident, non ? Il se souvint alors, avec grande lassitude, que ses oreilles n'étaient pas pointues. Il allait devoir se montrer plus explicite... Mais l'envie d'être explicite lui manquait. Il n'aimait pas le goût du sel qui se déposait sur sa langue quand il parlait. Il voulait garder la précieuse hydratation que lui avait apporté le médecin humain, et l'énergie offerte par le Cawr. Ils en parleraient plus tard. Ce n'était pas urgent.

Ses nouveaux protecteurs parurent partager son avis quant à la nécessité de ne pas rester ici. C'était... Fondamentalement bon de leur part. Si bien qu'ils mirent les sentiments de Valmys en vrac, lui qui n'avait plus l'habitude de ce genre d'intentions. Il avait lui-même pensé que son idée n'était que folie mêlée de peur. Mais si tel était vraiment le cas, et si ces deux hommes décidaient tout de même de l'emmener ailleurs... Alors ils prenaient soin de son âme. Alors qu'il ne leur avait rien offert. Si l'Enwr avait eu quelque eau à offrir, il aurait peut-être versé une larme. Au lieu de cela, seul son coeur battit un peu de travers, et son esprit se fit tout chose, tout ému.

De même, davantage de forces l'auraient fait rire à la déclaration du Cawr concernant sa nudité. Ah, les pauvres Enwrs ! S'il n'y avait que cela pour les choquer, eux qui dessineraient des modèles de nus, et en croiseraient des statues... Et s'il n'y avait que la vue naturelle d'un corps pour leur ôter leur innocence... Non, ce n'était pas ainsi que l'on volait des innocences. Au mieux, cela gênait un peu. Mais cela n'avait rien de douloureux, et cela ne brisait rien. Là où ils étaient, les Enwrs ne craignaient rien. Venant de Valmys ils n'avaient nul maltraitance à craindre non plus. Au pire, il pouvait s'évanouir sur eux, mais il doutait que cela leur infligea quelque blessure de longue durée.

Son regard pétilla de reconnaissance à la vue de la cape qu'on lui offrait. P-pour lui ? Vraiment ? Après tout ce temps passé à se faire dépouiller, ce geste était devenu aussi illusoire qu'un cheval arc-en-ciel. Maladroitement, tremblant, l'Enwr s'essaya à se redresser, à nouer la cape autour de lui. Elle était belle, elle était douce, elle sentait bon la dignité et la vertu. Des odeurs incroyables, et incroyablement rassurantes. Peut-être que les chevaux arc-en-ciels existaient vraiment, au final.

Ou pas. Valmys se figea, tendu, la panique revenant à toute allure, sitôt qu'il entendit l'expression "prendre en croupe". Q-quoi ? Mais, pourquoi ? Qu'avait-il fait aux dieux pour mériter cela ? Ou... Avait-il vraiment une odeur de catin, par-dessus son odeur d'algues et d'iode ? Le regard terrifié de l'Enwr passa sur Ilyanth, dans l'espoir que celui-ci refuse et remette le Loup Solitaire à sa place. C'était son cousin, tout de même ! Ils n'allaient pas...!
Ah. Monter à l'arrière sur le cheval. Oui, d'accord... La tension retomba, en Valmys, qui se sentit bien bête. Les pirates l'avaient vraiment changé, lui qui jadis ne devinait pas même lorsque de jeunes femmes tentaient de l'aborder. L'Enwr se laissa hisser sur la monture du chantefeu, fit de son mieux pour s'accrocher. Néanmoins, il fallut bientôt des liens magiques pour l'attacher à Ilyanth, et s'assurer qu'il ne tombe pas. Il se consolait en se disant que sa convalescence serait sans doute plus rapide que s'il avait été pleinement un elfe...

"- Ilyanth...?"

Etait-il parvenu à dire, en chemin, faiblement, juste assez fort pour être entendu.

"- Si vous souhaitez écouter mon chant-nom, considérez que vous avez mon consentement. Juste... J'apprécierais que vous n'écoutiez pas trop la partie liée aux pirates, s'il-vous-plait."

Il n'avait pas dit davantage, occupé qu'il était à essayer de tenir l'équilibre sur la monture. Il n'avait jamais imaginé que le seul fait de s'assoir sur une bête en mouvement impliqua autant d'efforts et d'équilibre. Il découvrait.
Plusieurs fois pendant le voyage, il eut l'impression d'expérimenter de très brèves inconsciences, comme si le sommeil tentait de s'emparer de lui sans qu'il le réalisât. Il n'aurait su estimer le temps de leur trajet, s'il fut très long ou très court. Il reconnut justele mont qu'était leur Domaine, l'entrée troglodyte par laquelle ils allaient passer, où des rateliers permettaient aux visiteurs de déposer leurs armes. Valmys laissa Ilyanth décider s'ils mettaient pied à terre ou non. C'était lui qui le porterait, après tout.

"- Je... Je ne crois pas avoir encore d'endroit à moi, ici. Ni de maître vers lequel me tourner. J'ai été l'apprenti d'un Enwr, Deocyne, avant d'être celui de Dawan Sywel..." Mort depuis plusieurs années. Difficile à retrouver, donc. "Je vous suis, Cawr Ilyanth." Il devait savoir quoi faire. Valmys passa son regard sur le paysage qui s'ouvrait devant eux, l'intérieur du Mont, et son plafond de dentelle, les bâtiments des baptistrels, et le lac qui partageait avec eux cet havre de paix.
[HJ: Ily, hésite pas à venir me voir si tu veux fouiller le chant-nom du petit !]

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Après que le jeune Valmys ait mentionné des pirates et fait part de ses craintes à ce sujet ; Erdrake fit sonner le Cor qu’il tenait en bandoulière, donnant l’ordre de rassemblement à ses hommes. En entendant ces sons discordants, Ilyanth ne put s’empêcher de grimacer car ce bruit tonitruant était à mille-lieux des notes cristallines produites par les Baptistrels.

Décidément, le chanteur pacifique ne s’habituerait jamais à la tonalité martiale des Cors et des tambours de guerre. Geflorth eut également la gentillesse de prêter sa cape afin que le naufragé puisse s’en drapé et dissimuler son corps ainsi que la chose qui pendait entre ses jambes.
Neolenn songea que c’était sans doute préférable, sans quoi le jeune homme aurait certainement fait entrée très remarquée au domaine et attiré bien des regards dans une tenue si « légère ».

D’un ton impérieux, le chef de la meute habitué à commander ordonna à ses subordonnés de se rassembler et de se mettre en route vers le domaine. Avant leur départ, l’humain demanda au chantefeu si ce dernier acceptait de prendre l’Enwr en croupe. Ilyanth sourit béatement et s’apprêtait à répondre « bien entendu, cela serait avec le plus grand plaisir ». Mais en voyant le visage décomposé de l’apprenti, le lié du feu saisit le second degré présent dans la phrase du mercenaire, ses prunelles d’eau et d’émeraudes s’agrandirent et il demeura bouche-bée. Pour un peu, celui-ci allait protester « hein ? Quoi ? Ici ? Sur cette plage ? Avec tout le campement en train de mater ? Et avec un Enwr en plus ! »

Fort heureusement, l’elfe solaire comprit rapidement que le guerrier parlait de le prendre sur la croupe de sa jument Elfique et poussa un soupir de soulagement. Il accepta avec empressement et aida Valmys à prendre place derrière lui, mais étant donné son état de faiblesse le chanteur jugea plus prudent d’utiliser des liens magiques pour l’empêcher de glisser par terre lors de la chevauchée.
Durant leur voyage, le maitre barde entendit chuchoter faiblement « Ilyanth ? »

- Oui Valmys, je vous écoute qu’y a-t-il ?

Le jeune homme lui donna son accord pour la lecture de son chant-nom, mais lui demanda de ne pas trop écouter la partie en rapport avec les pirates.

- Ne vous inquiétez pas, je ferais selon vos désirs, répondit le chantefeu, conscient que la lecture d’un chant-nom représentait malgré tout un acte intrusif et que le Enwr était peut-être mal à l’aise avec certaines parties de son histoire.

Enfin ils parvinrent au domaine et le chantefeu ressentit une joie profonde d’être rentré dans son cher domaine. Il aimait l’atmosphère de paix et de sérénité qui régnait en ce lieu sacré. Une fois arrivés devant l’entrée, le lié du feu mit pied à terre et aida Valmys à descendre de selle et à s’appuyer sur lui.

- Vous pouvez vous appuyer sur moi pour avancer car vous semblez encore très faible.

L’apprenti promenait son regard limpide sur cet environnement enchanteur et Ilyanth sentit que ce dernier éprouvait la même émotion que la plupart des Baptistrels face à ce havre de parfaite harmonie.

Le jeune Valmys lui dit n’avoir aucun endroit à lui ici et ni aucun maitre vers qui se tourner, tout en citant le nom de ses anciens mentors. Le cœur du chantefeu se serra à l’idée de cet infortuné apprenti, désormais seul…

Il se remémora son propre apprentissage en tant que Enwr et sa première Cawr décédée ainsi que son désarroi jusqu’à ce qu’Aramis Threde le prenne sous son aile. Avec un sourire chaleureux et bienveillant, le chanteur répondit :

- Je vais vous conduire jusqu’à une chambre où vous pourrez loger et vous reposer. Je veillerais aussi à ce que vous ne manquiez de rien et que tout aille bien pour vous.

Ensuite, le Cawr se tourna vers le loup solitaire.

- Erdrake je vais me charger de Valmys et lui montrer les lieux. Une fois cela fait, je vous rejoindrez certainement à votre camp.

Le maitre-barde mena le jeune Enwr à travers les dédales tortueux de ces galeries troglodytes et il s’arrêta devant une porte qu’il ouvrit. Celle-ci donnait sur une pièce, simplement mais agréablement meublée, avec un lit confortable et quelques meubles. A travers plusieurs ouvertures creusées dans la pièce on pouvait admirer le lac d’un vert scintillant. Une fraicheur agréable régnait dans la chambre et les rayons du soleil l’emplissaient d’une lumière tamisée.

- C’est l’une des chambres destinées aux Enwrs. Par chance, elle est libre car l’élève qui l’occupait a décidé d’arrêter sa formation. Vous pouvez y loger, du moins en attendant, si vous préférez en avoir une autre ou dormir dans l’une des chambres communes. Quant au fait que vous n’ayez plus de maitre en ce moment, j’en toucherais un mot lors du conseil de la Rhapsodie afin qu’on trouve une solution pour que vous puissiez achever votre apprentissage.

Tout d’un coup, le chantefeu se rappela que Valmys l’avait autorisé à écouter son chant-nom, sauf une certaine partie en rapport avec des pirates.

- Je suis curieux d’en apprendre un peu plus sur vous et je crois qu’écouter votre chant-nom m’aidera beaucoup. Préférez-vous attendre d’être un peu reposé ou désirez-vous que nous fassions cela tout de suite ?

En fixant ce mystérieux jeune homme, Ilyanth ressentit un sentiment étrange comme si ce dernier lui était vaguement familier. Pourtant, c’était la première fois qu’il le rencontrait mais quelque chose en lui l'intriguait...

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Appuyé sur Ilyanth et sur ses rêves, trainant les pieds, se maintenant debout principalement par les capacités de sa volonté, Valmys avait porté sur le domaine alentour un regard embrumé. Il essayait de reconnaître certains visages, certaines silhouettes. Il avait fantasmé son retour ici, l'instant où il pourrait se blottir entre deux musiques et se laisser bercer par la voix des siens. Il avait surtout fantasmé la douce sensation de paix, de repos, qu'il avait pu ressentir à sa dernière venue. Pour l'heure, il ressentait surtout la faiblesse de son corps, avec ses jambes qui flageollaient sous son poids... Et un réflexe physique qui ne le rassurait pas. De la chair de poule chaque fois que certains inconnus passaient trop près. Ses propres peurs qui s'imposaient, au lieu de laisser l'épuisement et le soulagement le gagner.

Heureusement, ils trouvèrent tôt un havre de paix pour l'esprit et le corps de Valmys. L'Enwr parut hésiter, observant chaque recoin de la pièce, avant de finalement se décider à s'affaler sur le lit. Il entendit presque ses muscles soupirer de bonheur. Ou peut-être était-ce sa propre voix. Nan, sa propre voix était beaucoup plus sale. Un souvenir lui arracha une grimace, une sorte de grognement de douleur. Le nez collé au matelas, bercé par les bruits lointains du lac et des fontaines, la tiédeur douillette de la terre autour d'eux, il commençait à admettre être enfin libre, et être sur le chemin pour redevenir un peu plus vivant. À nouveau, un avenir se dessinait devant lui, fait d'autre chose que de l'orque et de son équipage, d'autre chose que d'un suicide rondement mené. Cela allait prendre du temps, il le savait. Et il allait devoir faire des efforts. Ici, il pouvait vivre une vie paisible. Ce n'était pas une conviction, c'était un fait. Et il allait être bien accompagné.

Son visage se tourna vers le chantefeu, alors que celui-ci parlait. Arrêter sa formation ? Quelle idée étrange. Valmys n'avait jamais compris, lui qui était entré en formation peu de temps après sa naissance. Mais soit, si cela lui faisait une place déjà prête, il acceptait volontier. Sa magie et ses forces retrouvées, il s'approprierait davantage les lieux, sans doute. Il pourrait... Sculpter des animaux dans les murs. Et changer la couleur du mobilier.Aménager de sorte à pouvoir se réveiller lorsque le soleil se refléterait sur le lac. Il était quasiment sûr que ce serait bon pour lui, tout cela. Bon pour une santé qui n'avait pas encore de nom, une maladie qu'il ne connaissait pas encore.

Lorsqu'il fut question de son chant-nom, Valmys observa un instant de silence, songeur. Concrètement, là, il ne se sentait pas de faire grand-chose. En même temps... Il allait avoir besoin d'Ilyanth. Au moins de sa présence. Il allait avoir besoin que le Cawr sache... L'apprenti tenta vaguement d'opiner du chef. Cela lui demanda plus d'efforts que ce qu'il avait imaginé, pour un résultat franchement pas terrible. Peut-être que les perceptions elfiques pouvaient discerner ce genre de micro-mouvements. Dans le doute et dans un murmure, Valmys ajouta:

"- Je préférerais que vous fassiez cela tout de suite."

N'aurait-il pas été dommage que son bienfaiteur passa à côté d'une information qui lui était importante ? Valmys fit de son mieux pour se retourner, se mettre sur le dos. Ses yeux étaient clos, sans qu'il dormît, se reposant juste.

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Ilyanth aidait l’Enwr à avancer, faisant preuve à son égard d’une sollicitude toute maternelle. L’elfe pouvait ressentir sa faiblesse et son épuisement, tant physique que moral, à travers ses vibrations et sa démarche flageolante. Après avoir déambulé à travers les couloirs du domaine, ils parvinrent à une chambre inoccupée que Valmys était libre d’occuper. L’apprenti jeta un regard à la pièce, avant de s’effondrer sur le lit avec soulagement. Le Chantefeu songea que ce dernier allait enfin pouvoir se reposer et reprendre des forces après les épreuves qu’il venait d’endurer. Un lit douillet lui ferait certainement du bien après les moments passés sur la plage abandonnée, avec les coquillages et les crustacés. Sans oublier, que celui-ci serait en sécurité dans l’enceinte du domaine et pourrait dormir sur ses deux oreilles sans se soucier des pirates. Quand le chanteur aborda la question du chant-nom, le regard de Valmys se fit songeur et il opina maladroitement de la tête avant de donner son accord verbalement.

Le Cawr sourit et s’assit confortablement sur le lit à côté de l’apprenti.

- Très bien, alors je vais écouter votre chant-nom dès à présent. Comme promis, je n’écouterais pas trop la partie liée aux pirates.

Après cela, l’elfe se concentra sur les vibrations qui émanaient de Valmys et écouta la symphonie de son âme, les notes de son être originel, qui lui racontaient son histoire. Une somptueuse mélodie résonna dans son esprit, accompagnée d’images, de sensations et de souvenirs. C’est ainsi que le Baptistrel découvrit la vie du jeune apprenti, depuis son abandon par sa mère, à cause de la malédiction qui lui donnait l’apparence d’un humain en dépit de ses origines Elfiques, jusqu’à sa jeunesse en compagnie d’un Enwr nommé Deocyne. Ce dernier éleva V almys et fit de lui un être doux, gentil et sensible. Au fur et à mesure que le chant-nom révélait tous les secrets du jeune Enwr, Ilyanth se sentait de plus en plus troublé. Il avait découvert la quête que menait l’apprenti pour retrouver sa famille….Le corps du Baptistrel se mit à trembler et des larmes embuèrent ses yeux clairs.

Valmys désirait retrouver les siens, ses frères et sœurs de l’ordre, mais pas seulement. Celui-ci voulait également rencontrer les Neolenn et Ilyanth en particulier car tous deux partageaient le même sang.

Cependant, le chantefeu ne se rappelait guère que quiconque dans sa famille ait jamais évoqué le jeune homme. Était-ce la faute à la malédiction qui avait causé son abandon, comme s’il s’agissait d’un secret honteux ? Le Cawr lui-même, malgré la similitude de leurs noms, n’avait pas fait le rapprochement. Les larmes se mirent à ruisseler sur ses joues et le maître-barde tomba à la renverse sur le lit, abasourdi par cette découverte. Son cœur battait la chamade et une myriade d'émotions l'envahissaient.  Après un moment, il parvint à bredouiller :

- Tu…tu es mon cousin…Tu as parcouru tout ce chemin pour retrouver ta famille, celle dont tu entends parler depuis des années et dont je fais partie…Je…Je…n’en reviens pas, j’ignorais complètement ton existence jusqu’à maintenant…pourtant nous sommes liés par le sang.

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Encore une fois, Valmys n'aurait su dire combien de temps s'était écoulé, combien de temps avait duré l'écoute de son chant-nom. Il ignorait même s'il ne s'était pas endormi à un moment. Son environnement l'intéressa à nouveau lorsqu'une sensation étrange le tira de sa torpeur. Quelque chose n'allait pas. Ou plutôt, quelque chose allait, mais dans une expression reconnue comme peu agréable. Que se passait-il ? Valmys se redressa, un peu inquiet, un peu perplexe, pour trouver son cousin allongé, les larmes aux yeux.

L'Enwr se recroquevilla un peu, s'installant pour pouvoir l'observer, inconsciemment pour tenir une distance et se protéger. Réflexe, même s'il savait raisonnablement n'avoir rien à craindre d'Ilyanth. Entendre un maitre de la vérité confirmer que le sang les liait apaisa une crainte en lui, le fit doucement soupirer de soulagement. Il avait encore une attache en ce bas-monde.
Mais alors, pourquoi pleurer ? Il n'y avait pas de raison. Ils étaient réunis ! A moins qu'un événement de son chant-nom n'ait trop ému le chantefeu ? Là, sur le coup, Valmys ne parvenait à voir lequel. Toute son existence lui semblait douillette en comparaison avec les dernières semaines.Même sa galère pour retrouver sa famille, même les semaines alitées après avoir été soigné d'un poison -au fond, ç'avait été plus frustrant que véritablement douloureux. Sa plus tendre enfance n'était que souvenirs diffus, sous l'oeil bienveillant de Deocyne. Non, vraiment, il ne voyait pas ce qui pouvait faire pleurer. Il oubliait sans le réaliser ses gros chagrins, ses blessures, le sentiment d'abandon à la mort de son maitre, les angoisses et douleurs endurées à l'arrivée sur l'archipel. Peut-être était-ce sa propre façon d'essayer de se consoler. Se dire que rien ne pouvait être pire, et que c'était fini. Un sourire forcé étira ses lèvres.

"- Pourquoi pleurer ? Je vous ai retrouvé..."

Difficile encore de le tutoyer. Ilyanth était peut-être son cousin, mais il avait sans doute plusieurs décennies, voire siècles, de plus que lui. Il avait du vrai sang elfique, et il était Cawr. Et... Le tutoyer, ç'aurait été se rapprocher un peu vite, non ? C'était effrayant, le rapprochement. Valmys en mourrait d'envie, mais la peur le tenait encore en laisse. Il le sentait. Il ne pourrait pas profiter tout de suite de ce dont il avait rêvé.

"- Je vous demanderais juste de rester en vie, s'il-vous-plait."

Il feignait de s'amuser de sa propre demande. Elle était pourtant très sérieuse, et trouvait un écho douloureux dans les morts de proches qu'il avait pu connaître. Avec lui, il voulait ne pas craindre cela. Il espérait qu'Ilyanth ferait attention à lui, veillerait à sa propre existence autant qu'il veillait à celle des autres. Valmys caressait l'espoir de pouvoir construire des souvenirs avec lui, et rattraper un peu le temps perdu. Oubliant que ses émotions étaient désormais un livre ouvert pour son cousin, Valmys masqua comme il le put cet écho.

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Au fur et à mesure de la lecture du Chant-Nom, Ilyanth sentait les émotions l’envahir, comme si les flots tumultueux d’une rivière débordaient dans son cœur. Ainsi le jeune homme qui se tenait à ses côtés n’était autre que son cousin, un être du même sang…

Cette découverte lui semblait à la fois si grisante et si déroutante, voire même effrayante…Saurait-il lui parler et trouver les bons mots ? L’elfe solaire éprouvait un indicible sentiment de bonheur et de peur entremêlés.

Désormais, les choses faisaient sens dans son esprit et il comprenait la raison pour laquelle tous deux portaient le même nom. Soudain, le Chantefeu se remémora l’expression de déception qui s’était affichée sur le visage du Enwr quand par naïveté et maladresse il avait omis de deviner leur lien de parenté.
L’avait-il blessé par inadvertance ? Peut-être, et le maitre barde regrettait amèrement cette méprise ; si seulement il avait su ou deviné l’identité du mystérieux jeune homme retrouvé nu sur la plage. Malgré la différence de leur apparence un même sang coulait dans leurs veines et tous deux appartenaient à la grande famille des Baptistrels.

Jamais Ilyanth n’aurait imaginé vivre un tel évènement et retrouvé un cousin abandonné depuis tant d’années. Et découvrir l’histoire de Valmys à travers la symphonie de son âme l’avait empli de joie, mais également d’une profonde tristesse.
Depuis sa venue au monde le jeune apprenti avait enduré tant de souffrances, connu l’abandon de sa mère, une enfance solitaire loin des siens et la perte de son maitre ainsi que la douleur de se retrouver livré à lui-même.

Le lié du feu en dépit de l’euphorie des retrouvailles éprouvait un sentiment de culpabilité d’avoir ignoré jusqu’à son existence. C’était tellement injuste ! Valmys était son cousin et ne méritait pas de finir abandonné dans une forêt et de grandir sans connaitre sa famille. En raison de sa sensibilité à fleur de peau et de ce trop plein d’émotions, le chantefeu éclata en sanglots et les larmes ruisselèrent le long de ses joues dorées.
Ce dernier ne connaissait le jeune homme que depuis quelques heures mais ressentait déjà une affection toute fraternelle à son égard. A présent, le Cawr désirait ardemment veiller sur celui-ci afin de lui faire oublier ses malheurs et lui prodiguer de la gentillesse et de la douceur. Il l’accompagnerait et l’aiderait à faire partie de cette famille qu’il aspirait à connaitre depuis des années.

Le chanteur tourna la tête vers son cousin et le contempla longuement, le regard débordant de tendresse. Quelle sensation étrange que d’apprendre que l’on est lié à quelqu’un dont on ignorait l’existence quelques heures auparavant, et quelle douce chaleur que celle que cette découverte faisait naitre dans son cœur. C’était si agréable.

Le jeune homme le regardait avec une curiosité mêlée d’inquiétude et le questionna sur la raison de ses larmes. Ilyanth esquissa un sourire et répondit dans un murmure :

- Je…je…me sens si ému d’apprendre ton existence. En découvrant que j’avais un cousin, j’ai ressenti tant d’émotions et mes larmes sont…des larmes de joie. C’est à peine si j’arrive à y croire…Je suis si heureux !
Valmys semblait encore un peu intimidé, ne sachant quelle attitude adopter avec son cousin, qui était également un maitre-barde. Devait-il le vouvoyer ou le tutoyer ?

L’elfe lui-même se montrait encore un peu hésitant, désireux de se rapprocher mais craignant de l’effrayer ou de le brusquer par un comportement inadéquat.

Son cousin lui demanda juste de rester en vie et Ilyanth s’affligea en se remémorant les souffrances du jeune Valmys, son ineffable solitude, ses peurs les plus secrètes et la plaie encore béante de la mort de son maitre.

Le chanteur sécha ses larmes et prit les mains du jeune homme dans les siennes :

- Je regrette de n’avoir pas deviné qui tu étais dès l’instant où j’ai posé les yeux sur toi. Même quand tu m’as révélé ton nom, je n’ai pas fait le rapprochement…Si je t’ai blessé je m’en excuse, ce n’était pas mon intention…Je…je voudrais que nous puissions rattraper tout ce temps…

Maintenant qu’ils étaient réunis, le Rhapsodien éprouvait l’ardent désir de pouvoir rattraper toutes ces années volées par un mystérieux coup du sort. Dans sa poitrine, son cœur battait la chamade, mais il décida de suivre l’impulsion que celui-ci lui dictait et serra son cousin dans ses bras.

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Un faible sourire avait étiré les lèvres de Valmys alors qu'Ilyanth évoquait ses intentions. Ils avaient les mêmes. Il n'y avait pas de raison pour qu'ils n'y parviennent pas, alors. L'imagination de l'Enwr divaga un bref instant, que son esprit se voie rattrapé par la réalité.

Sous les bras d'Ilyanth, le corps de Valmys se raidit, son souffle se coupa. Son chant-nom s'affola, avant qu'il puisse songer à ce qu'il partageait malgré lui. Qu'aurait-il pu y faire ? Difficile de cache son apparence à quelqu'un dont les yeux sont ouverts, difficile de cacher son chant-nom à un maître baptistrel.
L'étreinte était une prison, et la promesse de douleurs. L'humiliation et le désespoir le guettaient, presque comme des réflexes. Il savait ce qui allait se passer. Une angoisse viscérale se mêlait aux souenirs de la mer, du bois, d'odeurs de bipèdes. Un refus venu du fond de son âme, mais également la certitude de sa vanité. De l'écoeurement, tant pour ces souvenirs que pour lui-même. Peut-être aurait-il dû agir comme il l'aurait fait jadis, et tenter de se débattre, repousser Ilyanth, même en sachant que cela ne porterait pas de fruits. Se débattre juste pour sauver la fragile intégrité de son esprit...

...Mais Ilyanth était l'unique être auquel il pouvait se raccrocher. Il était fondamentalement bon, et Valmys le savait. Néanmoins, si savoir suffisait à diriger son esprit, le cours des événements aurait été bien plus simple. Il avait beau se répéter qu'il ne craignait rien, que les maîtres bardes ne pouvaient infliger les bassesses des pirates... Cela n'apaisait pas la peur en lui. L'appréhension était un fauve paniqué en son coeur, à la recherche d'une issue. Dans les bras des bipèdes, il n'y avait jamais d'issue. Tiens, Ilyanth n'avait-il pas dit vouloir rattraper le temps ? N'était-ce pas inquiétant, comme remarque ?

Il eut beau appeler à lui toute la raison dont il était capable, cela ne lui suffit pas. Les souvenirs et la peur explosèrent en lui. Valmys repoussa Ilyanth avec une sorte de petit cri de peine. Il ne voulait pas faire cela. Il aurait voulu ne jamais avoir à effectuer ce geste envers celui qu'il avait tant recherché. Cette peine était aussi présente que ces autres émotions, et elle se lisait aussi clairement qu'un codex dans le regard inquiet qu'il porta à son cousin. Il tremblait. Il ne le réalisait même pas. Le peu de forces qu'il avait réussi à retrouver menaçait de se voir dévoré par son organisme effrayé.

Un moment, Valmys resta planté là, sans savoir que faire, que dire, sans parvenir à se calmer. Une partie de lui voulait s'excuser, s'expliquer. Cette partie pleurait de ne pouvoir profiter de l'étreinte de son cousin, sachant par une intuition secrète qu'il ne lui voulait nul mal. L'autre partie était loin de ces considérations, bien trop occupée à se demander comment se mettre en sécurité, s'il existait seulement une sécurité en ce monde. Et cette partie ne croyait plus en rien, si ce n'était dans une sorte de fatalité qui menaçait grandement les veines de son poignet.
Le coeur de Valmys faisait un boucan infernal. Entre deux eaux, le temps permit cependant à ses pensées de se faire une place dans le tourbillon de ses dilemmes. Lorsqu'il retrouva la parole, ce fut pour murmurer, d'une voix blanche:

"- ...Savez-vous, désormais ?"

Savait-il ce qu'il avait tenté de lui cacher ? Il ne pouvait plus vraiment le faire. C'avait été stupide, par ailleurs, de vouloir cacher un "détail" aussi important à quelqu'un qui voulait le soigner.

"- Si vous désirez lire cette partie de mon chant-nom... Vous avez désormais mon autorisation."

Il regardait ailleurs. Il avait mal. Et il espérait ne pas se tromper, espérait que la réaction à venir l'aiderait à revenir dans ce monde plus doux que lui avaient promis ses rêves autour du Domaine.
[HJ: désolé pour le délai D8]

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Mû par une impulsion irrésistible Ilyanth serra Valmys tout contre lui, avec une tendresse mêlée à une infinie douceur. Ainsi, celui qui se tenait à ses côtés était son cousin, un être qui partageait la même chair et le même sang et cette découverte l’emplissait d’allégresse, lui qui avait tant déploré sa solitude d’enfant unique. N’était-il donc pas naturel que celui-ci désire l’étreindre et savourer sa présence ?

Soudain, le Chantefeu sentit le corps de l’apprenti se raidir et les vibrations de son chant-nom s’affoler. Qu’est-ce qui pouvait bien provoquer un tel émoi ? Se pouvait-il que le Baptistrel en voulant serrer son bonheur le broie ?

Valmys le repoussa et le Cawr le regarda d’un air interloqué, affichant sur son visage doré un mélange d’incompréhension et de peine. S’était-il montré trop maladroit ou empressé ? Certains de ses congénères lui reprochaient sa spontanéité et son manque de retenu, si éloigné du protocole rigide de la politesse Elfique.

Le jeune homme tremblait comme une feuille morte et ses prunelles étaient emplies de peur…A cette vue, Ilyanth ressentit un sentiment de tristesse et de culpabilité et en se mordant les lèvres, celui-ci bredouilla :

- Je…je ne voulais pas t’effrayer ni te faire de mal, je suis désolé…

Sa voix mélodieuse exprimait quelque chose qui ressemblait à la candeur de l’enfance. A cet instant, le lié du feu ignorait les épreuves qu’avait enduré son cousin lors de sa capture par les pirates. Comme promis, ce dernier avait ignoré cette partie du chant-nom et une certaine perplexité régnait dans son esprit. Le temps parut durer une éternité avant que Valmys ne prit la parole d’une voix blanche « …savez-vous désormais ? »

Le musicien hocha la tête négativement :

- Je ne sais pas, j’ai peur d’avoir fait un geste déplacé en te serrant dans mes bras…

Ilyanth hésita un bref instant et demanda :

- Es-tu sûr de ton choix ? Tu m’avais demandé de ne pas lire cette partie et j’ai tenu parole…mais je peux le faire à présent.

Après cela, le Rhapsodien se concentra sur la partie ignorée et des images affluèrent dans son esprit, formant une scène mentale. Cependant, ce passage de l’histoire que lui décrivait le chant-nom était tout sauf harmonieux et l’elfe fut empli de douleur et d’horreur en découvrant ce qui s’était passé avec les pirates.

Quand la lecture du chant-nom s’acheva, son cœur battait à tout rompre et son visage d’ordinaire mat arborait une teinte livide. Le chanteur sentit un sentiment de vertige l’envahir et ses yeux encore agrandis d’effroi fixaient son cousin avant qu’il ne pousse un cri strident. Dès après, l’elfe défailli et tomba évanoui sur le lit.

Plusieurs Enwrs qui passaient devant la chambre à ce moment pénétrèrent dans la pièce en s’écriant :

- Qu’est-ce qui se passe ?

Une jeune fille s’avança et aperçut le corps inanimé d’Ilyanth à côté du jeune apprenti très légèrement vêtu.

- Maitre Ilyanth ! Qu’est-ce que tu as fait à mon maître ? Pourquoi est-il dans cet état ? demanda-t-elle.

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"- Cawr... Ilyanth ? Ilyanth ?"

Valmys s'était inquiété, en voyant Ilyanth devenir de plus en plus pâle. À son cri, il paniqua et, instinctivement, chercha à poser une main sur lui, ses lèvres entonant par réflèxe le chant de soin elfique qu'il connaissait si bien. Tout s'était déroulé bien trop vite pour lui, néanmoins. Il cilla plusieurs fois, surpris et choqué, devant le corps évanoui de son cousin. Il se sentait profondément... Stupide. Et démuni.

À l'arrivée d'autres personnes, Valmys se jeta à leur opposé, son dos rencontrant la surface du mur contre lequel s'appuyait le lit. Agitation. Bruit. Pirates ? Non, pas pirates. Il fallait qu'il se calme. Il fallait définitivement qu'il se calme. Il était au Domaine, il ne craignait rien des autres Enwrs... Visiblement, c'étaient plutôt eux qui avaient à craindre de lui. Ce qu'il refusait. Pourtant...
Son regard dévia vers Ilyanth, après qu'on lui eut demandé ce qu'il avait fait. Il le réalisait, petit à petit. Il avait parlé d'écouter son chant-nom comme on écoute une jolie histoire. Les chants-noms, les vibrations des êtres, étaient plus que de simples paroles un peu distantes. Il avait imposé au Cawr ce que lui-même n'avait soutenu qu'avec nombre de barrières mentales et blessures. Quel genre d'être infligeait cela ? Quel genre d'être infligeait cela à une personne qui lui était cher ?
Le genre d'être perdu et déboussolé. Mais cela ne lui vint pas à l'esprit. Il croulait déjà sous la culpabilité, et sa propre image de lui avait déjà été souillée par les monstres des mers. Il ne savait plus vraiment ce qu'il valait, ni de quoi il était capable. Là, tout de suite, il aurait surtout voulu se rouler en boule, jusqu'à ce que sa honte s'apaise, et qu'il ne soit plus un danger pour qui que ce soit.

"- Je crois qu'il a écouté mon chant-nom... Et que cela lui a fait beaucoup d'effet."

Il sentit les regards arrondis se poser sur lui.

"- ...Je ne crois pas avoir menti devant lui. Ni avoir tué."

Les regards se firent encore plus perplexes. Qu'est-ce donc qui pouvait faire tant d'effet à Ilyanth ? Valmys vit son apprentie s'approcher de lui.

"- Sans doute avons-nous tous deux besoin de repos."

La suite lui parut très floue. Les Enwrs embarquèrent le Cawr, mais il ne savait pas où. Lui... Il avait eu sa dose d'émotions pour la journée. Il découvrait que sa libération n'était pas instantanée, et nécessitait une convalescence, et cette seule idée l'abattait. Il s'endormit sous l'effet de sa propre magie.




Plusieurs jours étaient passés. Valmys avait pu se bricoler quelques grossiers habits. Encore faible, il essayait de se refaire une santé, sans céder à l'attrait d'une surconsommation de nourriture. Il passait peu de temps avec les siens. Ce temps-là l'épuisait plus vite encore. Il ignorait s'il ravivait des fantômes, ou les exorcisait. Il ignorait ce dont il avait besoin. Il s'endormait souvent avec l'aide de sa magie, pour n'avoir pas à rester seul avec ses pensées.
L'image d'Ilyanth le hantait. Valmys ne tarda pas à lui offrir l'énergie d'une de ses journées. Son psaltérion sur l'épaule (on ne sait jamais, on a toujours besoin d'un plus psaltérion que soi), il s'aventura dans le Domaine, à la recherche de son cousin. Il parvint à trouver quelques personnes pour lui indiquer où trouver l'être tant désiré. Suivant lesdites indications, Valmys parvint à son but...

"- Ilyanth ?"

Je voudrais un bonhomme de neeeeeige. Nan. Pardon, je m'égare.

"- Comment v... comment te sens-tu ? As-tu un peu de temps, aujourdhui ?"

Il s'était résigné à tutoyer son cousin. Peu importait ce qu'en diraient les autres. Cela avait paru être plus naturel pour Ilyanth, et il voulait aller dans le sens du Cawr. Ne devait-il pas prendre un mimum soin de lui, désormais ? En tout cas, c'était ce qui transparaissait dans son attitude: il voulait s'occuper d'Ilyanth. Une façon de s'excuser et de le remercier. Mais il y avait autre chose. Peut-être un détail, mais Valmys avait toujours été plus parlant qu'un livre ouvert. C'étit comme une impatience, ou une envie retenue dans les notes qui le composaient. Il voulait plus qu'un peu de temps pour parler à Ilyanth. Il voulait du temps pour créer de nouveaux souvenirs, et orienter à nouveau ses pas dans une direction. Pourquoi pas avec de la musique, ou... De la peinture ?
En tout cas, c'était ce qu'il proposerait, si Ilyanth lui en offrait l'opportunité.

[HJ: j'espère ne pas m'être trop avancé =) N'hésite pas à t'avancer, toi, bichon <3 ]

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« Cawr…Ilyanth ? Ilyanth ? ». La voix de Valmys semblait parvenir de très loin, comme si elle provenait d’un songe. Choqué par les visions innommables auxquelles il venait d’assister lors de la lecture du chant-nom, l’elfe du soleil poussa un cri déchirant avant que l’obscurité n’envahisse son esprit.

- Cawr Ilyanth ? Est-ce que vous m’entendez ? Le Chantefeu émergeait lentement de son inconscience et ses prunelles couleur menthe à l’eau, encore emplies de la brume de ce sommeil sans rêve, se posèrent sur le visage d’une jeune Enwr. Ce n’était pas Valmys…ou alors il avait bien changé. Comment s’appelait-elle déjà ? Lise ? Morgane ou Juliette ?

A cet instant, sa mémoire lui faisait cruellement défaut et en embrassant la pièce du regard, celui-ci reconnut sa chambre. Il était allongé sur son lit et la jeune apprentie se tenait à son chevet, assise sur chaise. L’endroit était calme, plein de sa quiétude habituelle et c’est avec soulagement que le Baptistrel retrouva cet environnement familier. Machinalement, ce dernier porta la main au médaillon qu’il portait autour de son cou et dont celui-ci ne se séparait jamais.

Combien de temps était-il demeuré évanoui ? Des minutes ? Des heures ou plusieurs jours ? Le chanteur à la voix ardente se tourna vers l’adolescente et demanda faiblement :

- Que s’est-il passé ? où est Valmys ?

La gamine, aux cheveux noirs et bouclés, secoua la tête et dit d’un air gêné :

- Je ne sais pas bien. Vous avez crié et en entrant dans la chambre vous étiez évanoui sur le lit…à côté d’un jeune homme. Mais il est parti lorsque nous avons essayé d’en savoir plus…Est-ce vous sentez mieux à présent Cawr Ilyanth ?

Le lié du feu ne savait guère quoi répondre à cette question tant son cœur se retrouvait submergé par des sentiments contradictoires. Il se remémorait l’intensité du bonheur éprouvé lors des retrouvailles avec ce cousin inconnu ainsi que le choc effroyable de la découverte des outrages subis par le malheureux jeune homme.

La lecture du chant-nom et ces visions avaient déchiré son âme. Pourtant, Ilyanth savait qu’il n’était pas le plus à plaindre mais Valmys, meurtri dans sa chair et dans son esprit par ces pirates. Pourrait-il jamais retrouvé la paix et la sérénité après avoir enduré de telles épreuves ?

Neolenn se leva à la hâte et s’empressa de quitter la pièce malgré les réticences de la jeune fille qui tentait de le retenir. Son cousin occupait toutes ses pensées et celui-ci désirait le revoir.

- Je dois aller le voir et m’assurer qu’il aille bien ! lança-t-il avant de disparaître dans les couloirs du domaine.

Malheureusement, la chambre du jeune apprenti était vide et Ilyanth rebroussa chemin l’esprit en proie à d'innombrables questionnements. Le Rhapsodien ignorait de quelle façon se comporter avec ce cousin qui lui tombait du ciel. Devait-il le laisser seul pour l’instant ? Faire le premier pas ou attendre que ce dernier vienne de lui-même ?

Le souvenir du moment où il l’avait serré dans ses bras dans un geste pourtant inoffensif et fraternel lui revint à l’esprit et un sentiment de malaise et de culpabilité l’envahit. A présent, il comprenait mieux la réaction de Valmys. Pas étonnant que celui-ci ait pris peur et l’ait repoussé après ce qui lui était arrivé…

Plusieurs jours s’écoulèrent avant que le chantefeu ne soit informé par des Enwrs que le jeune homme désirait le voir. A cette annonce, le chanteur sentit son cœur battre plus vite dans sa poitrine. Enfin, ils allaient se retrouver de nouveau face à face.

Apparemment Valmys devait se sentir aussi maladroit que lui, hésitant entre le vouvoiement et le tutoiement pour enfin se décider pour le dernier. Le maître-barde en fut soulagé car il n’avait jamais apprécié ces barrières protocolaires et préférait les abolir.

L’elfe du soleil arbora un sourire chaleureux et lui proposa de marcher un peu en sa compagnie, lui jetant de temps à autre quelques regards encore mal assurés.

- Si seulement j’avais su tout cela avant…je…je ne t’aurais pas serré si maladroitement contre moi Valmys…murmura Ilyanth. J’espère que je pourrais me faire pardonner et t’aider à te reconstruire moralement. Que dirais-tu si nous passions la journée ensemble afin d’apprendre à mieux nous connaitre ? Je pourrais te faire visiter le domaine et te montrer de très beaux endroits d’où la vue est imprenable et où nous pourrions jouer de nos instruments ? Qu’est-ce que tu en penses ?

Tous deux n’étaient plus vraiment des inconnus, cependant ils ne se connaissaient pas encore. Il s’agissait d’une sensation troublante et singulière que de sentir la présence de cet être cher disparu durant tant d'années à ses côtés.

Puis Ilyanth plongea son regard de ciel et d’émeraude dans celui dans son cousin et ajouta avec douceur :

- Valmys…est-ce tu veux revoir mes parents ? Ils ne m'ont pas parlé de toi mais j'ai vu dans ton chant-nom que tu les as rencontré très brièvement lorsque j'étais absent. Et aussi...j'ai un fils, Elros, est-ce que tu voudrais le connaitre ?


Dernière édition par Ilyanth Neolenn le Mar 19 Déc 2017 - 14:18, édité 1 fois

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Valmys parut sensiblement mal à l'aise, lorsqu'Ilyanth évoqua de nouveau leur dernière étreinte. Si son cousin parvenait à ne pas lui faire regretter de lui avoir présenté ses blessures -un exploit !-, il ne pouvait effacer les regrets qu'éprouvait l'elfe aux oreilles arrondies à ne pas avoir su l'accueillir convenablement, à ne pas pouvoir partager son affection autant qu'il l'aurait souhaité. Ainsi le plus jeune des deux bipèdes se vit bondir sur l'occasion lorsque son aîné parla de jouer de la musique, opina du chef, un doux sourire aux lèvres. Un très bref instant, il s'était étonné que le chantefeu ait ainsi lu dans ses pensées, avant de se rappeler qu'il était une véritable partition pour lui. Pour autant, il n'aurait pas osé se montrer plus direct. Ses paraphrases et distances avaient leur intérêt également, et dévoilaient leurs propres paroles.

Un nouveau sourire renforça celui qu'Ilyanth avait fait naître, lorsqu'il évoqua l'oncle et la tante de Valmys. Un sourire avec un peu de gène, beaucoup d'amusement, peut-être mal placé. Il devinait que le Cawr allait faire une tête bizarre. Lui-même avait été surpris en devinant que les informations n'avaient pas circulé.

"- C'est que..." commença-t-il, mesurant ses mots, surveillant l'expression de son interlocuteur. "...Je crois qu'ils ne t'ont pas attendu. Je les ai déjà rencontrés, jadis." Ç'avait été, effectivement, un heureux moment. La mère d'Ilyanth avait pu lui parler de la sienne. Il avait beaucoup questionné le couple sur son cousin. C'est que la compagnie d'une personne dans sa tranche d'âge avait un tout autre intérêt ! "Tu étais absent, ce jour-là." Valmys ne regrettait pas cela. Peut-être aurait-il été moins bavard auprès de ses oncles et tantes si Ilyanth avait été là, chôyant plutôt la compagnie de ce dernier. Et maintenant qu'il savait que cela ne l'avait pas condamné à ne jamais rencontrer le chantefeu... Il ne craignait plus ce souvenir. Il pouvait en parler sereinement, rassuré, l'appréciant dans son entièreté. Par ailleurs, sa voix n'avait porté aucun reproche. Pire: elle avait eu un accent jovial qu'il n'avait encore jamais montré à Ilyanth. "C'est pour cela que j'étais surpris que tu ne me reconnaisses pas !" Sur la plage, lorsqu'il avait dévoilé son nom.

Valmys ré-ajusta l'étui qui tenait son psaltérion sur son dos. "Mais c'est sans souci que j'accepterai de les revoir. J'avais aimé les rencontrer." Cette fois-ci, c'était une note bien particulière qui hantait sa voix. Presque de la nostalgie. Même un Enwr aurait su qu'il ne mentait pas. "Je te suis, là où la vue est imprenable !"

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Ilyanth en raison de sa sensibilité et de son empathie ne manqua pas de remarquer que son cousin parut quelque peu mal à l’aise à l’évocation de leur dernière étreinte. En effet, l’apprenti avait eu une réaction de rejet, bien compréhensible, étant donné les sinistres événements qui s’étaient produits sur le bateau des pirates. Cependant, le Baptistrel ne lui en tenait guère rigueur, au contraire, il espérait pouvoir atténuer la douleur des souvenirs qui le hantaient.

A présent que tous deux venaient de se retrouver, peut-être serait-il opportun de partager l’une ou l’autre activité afin de consolider leur relation familiale naissante. Aussi l’elfe solaire proposa-t-il à son cousin de jouer de la musique et un sentiment de soulagement l’envahit lorsque celui-ci vit un sourire apparaître sur les lèvres de Valmys.

- Je suis heureux que tu aies pu rencontrer mes parents, dit le Chantefeu. J’étais absent ce jour-là, mais à présent je me souviens qu’à mon retour, ma mère semblait particulièrement heureuse et souriante et elle m’a dit qu’un jour j’aurais une belle surprise et qu’un jour je rencontrerais quelqu’un d’important, mais j’ignorais que c’était toi ! J’étais tellement loin de m’imaginer avoir un cousin que je n’ai pas compris lorsque tu m’as dit ton nom sur la plage! Je le regrette tellement…J’aurais tant désiré t’accueillir comme il se doit et j’espère pouvoir réparer mes maladresses et que tu me pardonneras…

Un nuage de tristesse obscurcit légèrement les prunelles céruléennes du lié du feu, mais très rapidement son visage s’illumina de l’éclat de la joie. Après tout, pourquoi s’appesantir sur le passé, mieux valait se concentrer sur le présent et fêter dignement ses retrouvailles inattendues. Ilyanth saisit la main de son cousin et l’entraina joyeusement à sa suite jusqu’à une colline qui surplombait le domaine, et d’où la vue se révélait splendide. Dans le lointain, on pouvait également apercevoir les eaux turquoise de la mer qui entourait l’ile de Néthéril.

Le Baptistrel s’empara de sa sacoche et en sortit une harpe aux reflets dorés et commença à en pincer doucement les cordes faisant naître des sons cristallins.

- Voici mon instrument de prédilection, ma harpe Lincálë, mélodie de lumière en Elfique. Je l’ai fabriqué moi-même ! Et toi quel est ton instrument favori ?

Le chanteur avait hâte de pouvoir jouer une mélodie en compagnie de son cousin, sans compter qu’après tant d’années passées loin l’un de l’autre ils auraient d’innombrables choses à se raconter.

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Valmys avait eu un frisson en sentant la main sur son poignet. Il avait néanmoins suivi Ilyanth, d'un bon pas. Du moins, aussi bon qu'il le pouvait. L'Enwr voyageur était persuadé qu'il aurait pu offrir bien davantage d'énergie à son cousin, en temps normal, bondissant auprès de lui, ou proposant de faire la course, s'il oubliait un bref instant que les humains ne pouvaient espérer faire une concurrence décente aux elfes dans bien des domaines physiques. Cela serait pour une prochaine fois.

S'éloigner un peu de rappels à la civilisation apaisa peu à peu Valmys, qui bientôt pu ne plus se soucier d'avoir ou non le poignet saisi. La présence sans encombre du ciel fit traverser une brise de soulagement dans son crâne, malgré la lourde température ambiante. Les environs du Domaine lui étaient vaguement connus, il s'y repérait plus ou moins, sans pouvoir prétendre y avoir tout vu. Il ne s'était encore perché sur cette colline. Le Cawr avait eu raison: d'ici, la vue était magnifique. Les vallées alentours se dévoilaient autant que les reliefs. Les herbes d'or avalaient goulûment la lumière du ciel, feuillages verts ici et là apparaissaient comme de fabuleuses richesses pour qui savait apprécier leur ombre. Quelques silhouettes quadrupèdes erraient, ici et là. Le dôme troué du Domaine était tout proche. Quelques êtres volants passaient à leur hauteur, ravivant quelques braises de rêves en l'Enwr. Au loin, l'océan scintillait. Valmys préféré en détourner le regard. Il n'était pas prêt, et ce n'était pas le moment.

Le Chantefeu ne craignait peut-être pas la chaleur de la Savane; il n'en allait pas de même pour le petit Enwr en convalescence. Ce dernier se décala subtilement, afin de s'assoir et s'abriter sous l'ombre bienvenue d'un arbre au tronc raide, à l'écorce lisse, verticale, et claire. Immédiatement, la température lui semblant descendre de quelques degrés. Il hésita à retrousser ses manches -oui, elles arrivaient sur ses poignets. Lorsque sa main voulut le faire, un instinct l'en empêcha. Tant pis. Il allait faire sans. Il espérait juste que, par chant de création, Ilyanth n'oublierait pas de leur fournir de l'eau assez tôt.
Son regard se porta sur ledit Cawr. Il se fondait bien dans cet élément. Le Soleil et lui étaient du même élément, il apportait les mêmes bienfaits à son environnement. Il semblait à Valmys que les végétaux accueillaient Ilyanth avec la même reconnaissance que la lumière qui les nourrissait. Il lui semblait que les couleurs du Cawr s'alliaient avec ce monde. Son cousin le lui prouva en présentant une harpe qu'ils peineraient à retrouver si elle venait à tomber dans les herbes alentours. Valmys sut traduire son nom avant qu'Ilyanth ne s'en chargea, mais n'en dit rien, tout occupé à observer ledit instrument. Chacun ici savait l'importance du lien entre un baptistrel et l'outil qui le guidait à travers la musique du monde.

"- C'est lui. Je joue parfois de la flûte, aussi..."

Mais la flûte ne pouvait être usée dans la plupart des sorts de maître. Peu importait: c'était surtout l'instrument qu'il sortait là de son étui, et déposait sur ses genoux, qui était son favori. C'était un beau psaltérion, mais relativement commun. L'aventure et le voyage le forçaient à accepter l'idée qu'un jour son instrument pouvait se briser... Mais il devait avouer que rien ne l'empêchait de s'attacher à ce bout de bois. C'était plus fort que lui: ils passaient du temps ensemble, ils partageaient une même voix... Quel coeur de pierre aurait-il dû avoir pour ne pas s'imaginer blessé lorsque son instrument l'était ?
Une harpe, en or, pouvait être nommée. Il fallait davantage de volonté pour la briser. Ce devait être agréable, de pouvoir totalement se fier à son instrument, et être capable de jouer avec lui comme avec un véritable être. La musique devait s'en trouver différente. Etait-ce là une barrière qui écartait Valmys de son avancée dans son apprentissage ?
Peut-être, mais ce n'était pas prêt de changer. Une voix liée au devoir le lui murmurait.

"- Je ne me souviens plus d'où je le tiens. L'Enwr qui s'occupait de moi jadis me l'avait remis... Il n'a pas de nom. Je crains d'être trop peiné s'il venait à se briser -et avec les voyages, cela peut vite arriver."

Il pinça distraitement quelques cordes, vérifiant que l'instrument ne s'était pas désaccordé. Ce n'était pas le cas, et le son était aussi clair que celui de la harpe d'Ilyanth, bien qu'ayant un timbre tout à fait différent. Valmys jeta un coup d'oeil à son cousin, de ces coups d'oeil que l'on jette après avoir présenté quelqu'un, pour quérir les premières impressions. Un sourire discret passa sur ses lèvres. Il commença à enchaîner quelques notes.
Les premières trilles rappelaient une comptine enfantine, distraite et redondante, insouciante, teintée d'une bribe de nostalgie. Elle était jouée par un adulte, un jeune adulte, qui regrettait déjà d'avoir quitté le passé. La mélodie fleurait bon le continent maudit, les après-midi de printemps où il pouvait se prélasser, chercher une rivière ou des chevaux, et jouer avec eux. L'instrument de son maître jouait alors cette comptine, et elle se mêlait parfaitement bien au glouglou de l'eau, au vent dans les arbres, ou au passage des sabots. Quelques notes venaient suggérer ces éléments.
Un bref coup d'oeil à Ilyanth, et Valmys reporta sa concentration sur son instrument. Il n'allait pas le laisser jouer seul, tout de même, hein ? Lui aussi allait raconter son enfance, non ?

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Ilyanth ressentit un frisson courir le long du poignet de son cousin lorsque celui-ci lui saisit la main pour l’entrainer à sa suite. Était-ce le contact avec sa peau veloutée à la douceur agréablement chaude qui produisait un tel effet ou le trouble lié à leur soudaine proximité ? Le Chantefeu gardait également à l’esprit les monstrueux sévices endurés par l’infortuné apprenti lors de sa captivité sur le bateau pirate. Pourrait-il jamais les chasser de son esprit et retrouvé la paix intérieure ? Grâce à la lecture de son chant-nom, le maitre barde connaissait, sans doute mieux que quiconque, ce que Valmys avait vécu car la musique sacrée de ses vibrations pouvaient délivrer bien des secrets que les mots étaient impuissants à nommer.
A présent que tous deux venaient de se retrouver, le Cawr désirait guérir l’âme blessée du jeune homme et remplacer sa mémoire meurtrie par des nouveaux souvenirs plus lumineux. Le lié du feu, au cœur fougueux, en être passionné et optimiste, était persuadé que désormais l’avenir s’ouvrait à eux et il s’emploierait de toutes ses forces à rendre son cousin heureux.

En raison de leur séparation durant de longues années, Valmys et Ilyanth n’avaient jamais pu se construire de souvenirs communs ni partager de moments plaisants ensembles. L’Elfe du soleil avait grandi comme fils unique, au sein d’une famille unie et aimant, au cœur du domaine Baptistrel. Le jeune apprenti, quant à lui, avait été abandonné par sa mère et victime d’une mystérieuse malédiction qui métamorphosait ses traits, le faisant ressembler à un humain en dépit de son ascendance Elfique.

Cependant pour le maitre Baptistrel, cette différence d’apparence ne changeait rien au sentiment qu’il éprouvait pour Valmys. Ce dernier était son cousin et il l’aimait, peu importe ce qui avait pu se produire dans ce passé désormais révolu. A présent, la seule chose qui importait à ses yeux était de récupérer ce temps précieux qui l’existence leur avait dérobé.

Au fil du temps, le jeune apprenti parut se détendre et le Chantefeu eut le plaisir de voir de la joie apparaître sur ses traits délicats.

La journée s’annonçait particulièrement ensoleillée et l’astre du jour trônait fièrement dans le firmament, tel le fier souverain des nuées. De l’endroit où ils se trouvaient, les deux baptistrels pouvaient admirer la beauté rupestre du nouveau domaine Baptistral. Le chanteur appréciait de se rendre en ce lieu pour méditer, laisser vagabonder ses pensées vers des univers peuplées de rêves et de fantaisie, ou faire vibrer les cordes de son instrument.
Parfois, la nostalgie de l’ancien continent Ambarhùna emplissait son âme et lui faisait regretter les jardins de sa jeunesse, désormais disparus à jamais.

S’arrachant à ses pensées et reportant son attention sur Valmys, le lié du feu remarqua que celui-ci avait préféré s’abriter à l’ombre d’un arbre, afin de se protéger de l’ardeur des rayons du soleil.

Cette constatation fit naître un sourire sur ses lèvres :

- Parfois, il m’arrive d’oublier à quel point la chaleur du feu ou du soleil peut indisposer les autres. Etant donné ma condition de Chantefeu, le feu est mon allié.
Dès après Ilyanth entonna le chant du vent afin de faire naître une brise agréable autour de son cousin.

Il donne la liberté et le souffle, il permet de rendre la paix à l'esprit et d'être entendu même de loin, de rechercher des êtres et de soutenir l'imagination, il est le messager de l'amour et le porteur de nouvelle et de victoire.

En utilisant le nom du vent, il déchaîne des tempêtes et peut déchirer la chair

-Avec Ela son pouvoir est doublé et permet de flotter légèrement au dessus du sol
-Avec Alya il permet de guérir les maladies et d'améliorer le chant
-Avec Oen il est une part du chant des morts
-Avec Ys il est annonciateur de batailles
-Avec Dia il impose une trêve que l'on ne peut briser.

Puis, il ajouta avec douceur et bienveillance :

- En plus je pense que tu es encore convalescent et je me sens responsable de toi. Je veux veiller sur toi et que tu te sentes bien.

Ensuite les deux chanteurs parlèrent de leurs instruments et le Chantefeu montra sa harpe au jeune apprenti. A son tour, Valmys sortit sa flûte et expliqua ignorer sa provenance et craindre d’être trop peiné s’il s’y attachait et qu’elle venait à se briser.

Ces paroles firent naitre de multiples réflexions dans l’esprit du maitre-barde et il répondit :

- Je comprends et je crois que tu as raison, avec les voyages tout peut arriver et cela me fait penser que si quelqu’un s’attache à une chose de manière fusionnelle, il est possible que si un jour il venait à la perdre, il ait l’impression de perdre une partie de lui-même…

L’elfe solaire contempla sa harpe et se demanda s’il courrait un tel risque…Pouvait-il s’attacher si fort à un être ou à un objet ?
Probablement, en raison de sa nature passionnée, le Baptistrel aimait et s’attachait avec intensité, ce qui l’exposait au risque d’être blessé ou consumé par la force de ses sentiments. Mais semblable au feu, son élément de prédilection, celui-ci était capable de résilience et de renaître de ses cendres.

Valmys se mit ensuite à pincer délicatement les cordes de son instrument, faisant naitre des notes mélodieuses, au timbre différent de celui du Cawr. Les premières trilles rappelaient une comptine enfantine, emplie d’insouciance et de nostalgie. Elles rappelaient la candeur de la jeune.
Ilyanth songea que cette musique ressemblait à Valmys, qu’elle était à son image, comme si cette symphonie révélait la beauté de son âme.
En l’entendant, le lié du feu fut saisi de nostalgie et de mélancolie.

- Je trouve que ta musique te ressemble, elle me fait penser à toi et aussi elle me rappelle mon enfance, les forêts de l’ancien Royaume Elfique et l’ancien domaine Baptistral sur Ambahùna, là où je suis né. Tu ne peux pas entendre mon chant-nom car tu es encore un Enwr alors que moi j’ai pu tout apprendre de toi en écoutant le tien. Mais je voudrais qu’à ton tour tu puisses en apprendre davantage sur moi et ma vie.


Le Baptistrel releva doucement les mèches chatain cendré qui tombaient devant ses yeux. Il y avait tant à raconter au jeune apprenti :

- Comme tu le sais déjà je suis le fils unique de Niniel et d’Arandir Neolenn. Je suis né et j’ai grandi au sein de l’ancien domaine Baptistral.

Le chanteur eut un petit rire :

- J’ai été élevé dans une sorte de bulle de paix et d’insouciance car j’ai eu une enfance dorée, choyé et surprotégé par mes parents. Pendant longtemps, j’ai vécu à l’intérieur de l’enceinte du domaine, ignorant le monde extérieur, les véritables horreurs de la guerre et la cruauté du monde…

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Les bipèdes de Néthéril avaient tout intérêt à s'habituer à la chaleur des lieux. Pour l'heure, ils prenaient leurs marques à l'aube et au crépuscule, trouveraient sans doute sans souci une façon de s'adapter à la mousson -la présence des humains y participerait sans doute, ces derniers ne manquant pas de ressources. Mais sacrifier les heures où le soleil venait aurait été bien triste. Il y avait tant à faire et à découvrir pour qui se faisait ami avec l'astre du jour. Valmys n'avait pas encore pu essayer de s'habituer à ce climat. Cela lui serait sans doute plus aisé que lors de ses périples au sein du désert; il comptait bien passer davantage de temps ici. Son prochain voyage était vers Keet-Tiamat, dont la chaleur n'était pas plus tendre. S'il allait encore voyager après ? Il ne savait pas. Il n'était pas sûr. Ses attaches l'avaient jadis poussé vers les voyages. Sans attaches, il caressait l'idée de demeurer au Domaine, où il pourrait s'en créer, peut-être de façon plus confortable. Mais cette seule idée suffisait à amener une crainte: celle de l'ennui, celle de connaître les environs par coeur, et avoir toujours le même paysage. Pourquoi n'était-il pas possible de faire voyager tout le Domaine avec lui ?

Il aurait dû s'adapter au climat, petit à petit, commencer à faire des efforts. La petite brise que son cousin fit courir autour de lui, il l'accueillit néanmoins à bras ouverts, et sans lui en vouloir le moins du monde. Il justifiait ce confort en se disant qu'il était encore convalescent, et qu'il fallait bien plus de temps pour une telle habitude. Valmys offrit un doux sourire à son cousin, comme pour lui confirmer que le but de ce dernier était atteint. Il se sentait mieux, c'était grâce à lui. Et ce... Depuis le début.

Ilyanth évoquant son attachement à sa harpe, l'elfe aux oreilles arrondies eut immédiatement l'envie de le consoler un peu. Evoquer la perte de quelque chose d'aussi cher ne devait pas être facile. S'il avait été lui-même, sans doute aurait-il posé une main sur son épaule, avec une boutade de bon goût pour lui faire oublier une telle idée. Là, la boutade ne venait pas, pas encore, son esprit étant trop préoccupé par les propres pertes récentes. La main sur l'épaule ne vint pas non plus, pour des raisons évidentes et logiques: tout le monde savait qu'une main sur l'épaule, c'était le risque que tout le corps d'Ilyanth s'étende en filaments tentaculesques pour venir l'étreindre et l'absorber... Non ?

Il avait changé le sujet, et leurs occupations, par la musique. Elle l'avait absorbé, cherchant à s'accaparer tout ce qui le composait, corps âme et esprit. Cela avait un côté réparateur certain. La musique passait en lui comme si la brise d'Ilyanth se glissait dans ses veines, recréant un sang neuf en lui, à partir des notes offertes. Valmys sortit de sa musique comme on sort d'une transe, presque surpris de retrouver un environnement autour de lui. Il ne s'était pas attendu à entendre la voix d'Ilyanth, plutôt à entendre sa harpe. Tant pis. La musique s'était tue, sagement.

En écoutant le Cawr, Valmys laissa son regard glisser sur la harpe de ce dernier, songeur. Il aurait bien aimé en jouer un peu. Ce ne devait pas être si compliqué. Son ancien "lui" aurait tout naturellement posé la question, proposé qu'ils échangeassent leurs instruments. Il ne se sentait pas encore capable de telles initiatives. Il préférait de loin entendre le Cawr parler, pour le moment. Et ce dernier avait l'air sur la bonne voie. Lorsque le chantefeu se tut à nouveau, Valmys pinça quelques cordes de son instrument.

"- Tu as dû pouvoir apprendre beaucoup de choses, non ? Des bibliothèques à portée de main, les maîtres non-loin, des journées complètes vouées aux arts..."

Il l'enviait, un peu, mais ne regrettait pas la vie qu'il avait menée. Ses enseignements avaient été autres. Il avait vu des paysages, des gens... Son espérance de vie était potentiellement trop courte pour regretter de telles mémoires. Les savoirs transmis par le chanteciel aidaient également à ne pas vouloir changer le passé. Cent quarante ans de savoirs, c'était plus que ce qu'un humain pouvait espérer, c'était assez pour regarder vers l'avenir sans craindre de n'emporter qu'ignorance dans ses cendres.

"- ...Mais j'imagine que tu as pu voyager par la suite, non ? Au moins vers le Protectorat... Puis vers cet Archipel, non ? As-tu visité plusieurs îles..? Elros... Quel âge a-t-il ?"

Cela lui permettrait de savoir quels souvenirs ils pouvaient avoir en commun, quels événements ils avaient pu traverser sans le savoir, et parmi ceux-ci, quels étaient ceux auxquels Elros avait également assisté. De plus, Valmys n'étant pas spécialement un amateur de très jeunes bambins, il allait pouvoir deviner si oui on non il allait oser approcher son... Petit-neveu ? Etait-ce bien cela ? Et s'il arrivait à délier la langue d'Ilyanth, peut-être découvrirait-il l'identité de l'heureuse élue qui avait donné naissance au fils de l'elfe doré. À moins que, comme Valmys, Elros fut adopté...?

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En cette saison, la chaleur qui régnait sur la savane de Néthéril était caniculaire car la mousson n’avait pas encore déversé ses pluies torrentielles sur les flancs escarpés de l’ile. Ilyanth aimait cette chaleur torride et la lumière éblouissante de l’astre du jour ; ce qui pour autrui ressemblait à une morsure brûlante n’était qu’une tendre caresse sur son corps couleur de sable d’or.

Les longues traversées du désert d’Estefia évoquaient à ses yeux une agréable promenade, à l’intérieur d’un cocon de douceur flamboyante, alors que pour la plupart des bipèdes ce lieu ne représentait qu’une fournaise mortelle.
Parfois l’immensité du désert lui manquait car à l’époque ce dernier appréciait d’y passer des heures, seul, à rêvasser et à méditer, comme plongé dans un havre de paix et sérénité.

L’elfe solaire était l’enfant du feu et son élément influençait la moindre parcelle de son être, sa chair et son âme. Tout en lui respirait la luminosité et l’incandescence, aussi bien sa peau délicieusement ambrée que ses tenues aux couleurs chatoyantes, aussi vives que la passion qui l’animait.
Cependant son empathie lui permis de deviner sans peine la gêne qu’éprouvait son cousin face à cette température élevée et désireux d’atténuer cette sensation, Ilyanth fit souffler sur l’Enwr une brise rafraichissante. Entouré par des vents magiques, l’atmosphère autour d’eux devint moins suffocante voire même aussi plaisante que celle d’une soirée de printemps.

Après les épreuves qu’il venait de traverser, Valmys demeurait encore fragile, à la fois sur le plan physique et psychologique. En le regardant, assis au pied de cet arbre, le Baptistrel ressentit la profonde envie de le protéger et de veiller à ce que nul malheur ne ternisse plus jamais l’éclat de son regard.

Pourtant, une pointe de mélancolie apparut dans son cœur à l’idée qu’un tel désir se révélait souvent illusoire…L’existence comportait son lot de joies et de peines, d’instants de bonheur arrachés à l’éternité et d’indicibles souffrances…Le jeune apprenti devrait certainement un jour faire de nouveau face à l’adversité. Cependant, à présent que tous deux s’étaient retrouvés, le chanteur désirait se tenir à ses côtés et l’aider à les surmonter.
Les caprices du destin avaient apporté d’innombrables moments de douleur, comme l’abandon et la perte des êtres aimés, mais aussi de grands instants de joie, de rires et de découvertes. La réalité n’était jamais entièrement blanche ou noire, elle savait donner mais aussi reprendre. Parfois, il fallait à l’image de l’eau, se faire fluide et changeant afin de contourner les obstacles dressés sur notre route.

D’ailleurs, conscient que l’Enwr approchait de la fin de sa formation, le Chantefeu se demanda à quel élément celui-ci pourrait se lier. Le jeune homme dégageait une certaine douceur et de la délicatesse, à l’image de son esprit-lié l’hermine et ses prunelles étincelantes rappelaient la pureté des étoiles.

La magie Baptistrale et leur amour commun pour l’art les unissaient avec une rare intensité, en dépit de leur vécu si dissemblable. D’ailleurs, il était amusant de constater que malgré leur enfance dans un environnement si différent, les deux cousins avaient choisi d’arpenter le chemin des soigneurs-musiciens.

Le son de leurs instruments s’éleva longuement, faisant naitre des notes aux sonorités pures et cristallines. La musique résonnait, les faisant pénétrer à l’intérieur d’un univers de féérie et d’harmonie, et leurs deux cœurs vibraient au diapason avec la symphonie du monde.

Pendant que ses doigts effilés caressaient avec douceur les cordes de sa harpe, le lié du feu éprouvait ineffable sensation de ne former plus qu’un avec elle, ainsi qu’avec les notes qui s’en échappaient et les vibrations du monde, comme si toute frontière était abolie, laissant place à la félicité de la symbiose. Un tel ressenti était indescriptible et demeurerait à jamais un mystère pour un non-initié à l’art des Baptistrels.

Ilyanth baignait depuis si longtemps dans l’univers des maitres-bardes qu’il n’imaginait pas être un jour privé de cette relation fusionnelle avec la symphonie de l’univers. Une telle sensation serait semblable à une amputation, à la perte d’une part de lui-même…

Les dernières notes s’éteignirent, mettant fin à l’enchantement. Il était temps de quitter les cimes mirifiques d’un univers onirique afin de regagner le monde de la réalité. Depuis toujours, le Chantefeu ressentait un léger pincement au cœur lors de ce moment fatidique où la musique s’arrêtait, laissant place au silence.

L’elfe fixa son cousin et remarqua son regard songeur. Quelles pensées se dissimulaient derrière les voiles de mystères de ses grands yeux clairs ?
Le jeune homme se mit alors à le questionner, comme avide d’en apprendre davantage à son sujet, faisant naître un sourire sur les lippes du chanteur à la voix ardente.

Valmys qui n’était encore qu’un apprenti ne pouvait pas écouter son chant-nom ni avoir accès aux moindres secrets de son âme. Seul Ilyanth pouvait lui révéler les paysages d’ombre et de lumière de son monde intérieur grâce au concours des mots, même si ceux-ci ne pourraient jamais décrire les évènements de sa vie ou ses ressentis avec la même intensité que la mélodie de l’être.

Le Cawr était âgé de 550 ans et tant d’évènements avaient parsemé cette existence incomparablement plus longue que celle d’un humain qui, en comparaison, ressemblait au passage d’une saison éphémère. Cependant, certains moments et certaines rencontres marquantes avaient fait du Chantefeu celui qu’il était aujourd’hui. Si Valmys les apprenait de sa bouche, alors il en saurait plus à son sujet en quelques heures qu’après des années à échanger des banalités.

- Oui j’ai eu cette immense chance d’apprendre énormément de choses aux côtés des maitres et de me nourrir du savoir contenus dans les livres de la bibliothèque. J’ai eu une enfance bénie, au sein d’une famille unie où en ma qualité de fils unique j’ai été choyé comme un trésor. Ma mère Niniel désespérait de mettre au monde un enfant, l’espérant depuis tant d’années en vain. Aussi le jour où son ventre s’est arrondi, elle y a vu un signe, une bénédiction…

Ilyanth s’arrêta un bref instant avant de poursuivre d’un air rêveur :

- C’est sans doute la raison pour laquelle elle m’a tellement surprotégé, et aussi à cause de ma sensibilité à fleur de peau qui me faisait m’émouvoir des moindres larmes d’un autre être et vibrer de compassion pour toutes les formes de vie.

Le Rhapsodsien avait conscient qu’en dépit du fait qu’il ait atteint l’âge adulte, une grande part de lui-même conserverait éternellement la candeur de l’enfance, l’impétuosité de la jeunesse et un indestructible idéalisme, aussi flamboyant qu’un magnifique coucher de soleil.
Souvent malhabile socialement, en raison de sa spontanéité, voire de sa naïveté, l’elfe commettait parfois certaines maladresses ou peinait à déchiffrer certaines conventions du monde qui l’entourait.

Inconscient de sa propre beauté, le lié du feu était souvent absorbé par son monde de rêverie, et ne remarquait pas les regards énamourés et l’ardent désir que celui-ci suscitait chez certains de ses Enwrs. Combien de cœurs avait-il brisé par inadvertance, laissant croire à l’indifférence ou à de la cruauté là où il n’y avait que de l’innocence voire de la pureté ?

Pourtant, si le maitre-barde avait, sans le vouloir, fait couler bien des larmes, plusieurs de ses rêves s’étaient brisés face à la réalité…
Ilyanth, le doux rêveur, l’elfe insouciant à la sensibilité à fleur de peau, avait connu ses premières pertes et ses premiers regrets :

- Pendant longtemps j’ai vécu au domaine, me sentant dans ces murs comme dans un cocon douillet, mais la vie m’a amené à voyager, à m’ouvrir et à découvrir le monde extérieur. Un univers qui me semblait effrayant et très attirant à la fois. J’ai eu une première Cawr, une chantepluie, avec elle j’ai appris le calme et la méditation.

Il marqua une courte pause avant de reprendre :

- Malheureusement elle est morte lors d’un voyage et j’ai longtemps pleuré sa disparition. Puis un jour, j’ai rencontré Aramis Threde la Chantebrise, elle m’a pris sous son aile et m’a appris une grande partie de ce que je connais à présent. C’est elle qui m’a poussé à voyager, à découvrir le monde et à suivre l’ardent désir qui m’habitait. J’ai également vécu durant plusieurs années au Protectorat où j’ai eu l’occasion de rencontrer de nombreuses personnes et de vivre de grandes choses.

L’elfe solaire se remémora le traumatisme de la bataille de Sandur, cette terrible plaie qui ne semblait jamais se cicatriser totalement. La vue des horreurs de la guerre l’avait plongé dans un gouffre de mélancolie et manqué d’anéantir son esprit. Raconterait-il ce drame qui avait marqué son existence à Valmys ? Peut-être, mais plus tard.

C’est alors que son cousin l’interrogea sur Elros, son fils et le Cawr put lire une question muette sur ses lèvres. Comment Ilyanth était-il devenu le père de cet enfant ? Pourrait-il aborder ce chapitre de son histoire sans évoquer celle qui lui avait donné la vie, sans parler de sa mort ?
Les magnifiques prunelles couleur d’aigue-marine de l’elfe s’assombrirent comme un ciel d’été obscurcit par le passage de nuages noirs.

- Elros a un an maintenant. Fëanturi, sa mère est morte lorsqu’il n’avait que quelques mois…Elle a été tuée par des créatures sauvages de l’ile de Néthéril sous mes yeux. Je n’ai rien pu faire pour l’empêcher et cela demeure mon plus grand regret…

A présent, l’émotion était palpable et envahissait le cœur du Baptistrel, telle une gigantesque tempête. Allait-il se mettre à trembler ou verser des larmes de douleur devant son cousin ? Tentant de reprendre son calme et sa respiration, le chanteur poursuivit son récit, décidant de dévoiler une part importante de son intimité.

- Durant mon existence de plus de 500 ans, je ne suis tombé amoureux qu’à deux reprises et avec deux êtres aussi dissemblables que possible et d’un amour différent. La première fois, je suis tombé amoureux d’un elfe et le sentiment que j’ai ressenti était violent, soudain et irrésistible. C’est arrivé sans que je m’y attende et cette passion m’a dévorée et fait souffrir durant des années. La seconde fois que c’était avec une femme-elfe, celle qui est devenue la mère de mon enfant. Les sentiments amoureux sont nés peu à peu, ils étaient si discrets que je ne me suis aperçu de leur intensité que le jour où j’ai crû l’avoir perdue.

Le premier amour du Baptistrel n’était autre qu’Aegnor, l’empereur des Elfes, mais jamais, au grand jamais, il ne révélerait ce secret à quiconque. Ilyanth n’oublierait jamais le trouble qui l’avait saisi à sa vue, son corps transi semblait se consumer, comme au travers des flammes d’un brasier et un sentiment mystérieux déchira son âme. Pourtant, le chanteur n’avait rencontré ce dernier qu’à de rares occasions, lors des négociations, mais une fièvre nouvelle prenait possession de son être. Subjugué par son empereur, l’elfe tenta en vain de chasser cette passion coupable qui le torturait et l’emplissait de culpabilité.

Aegnor n’était autre que l’époux d’Aramis sa Cawr et jamais le Chantefeu n’aurait supporté de la peiner. Il avait donc vécu des années durant, taisant ce secret inavouable et souffrant en silence dans les affres d’un amour interdit.

Un jour, le maitre-barde avait rencontré celle qui allait devenir son épouse et donnerait naissance à Elros. C’était une femme-elfe, mais différente de toutes celles qu’il avait rencontré jusqu’à ce jour-là. Fëanturi incarnait une âme meurtrie, hantée par les démons de son passé et le lié du feu avait voulu guérir ses blessures, la délivrer du mal-être intérieur qui la rongeait. L’amour qu’il avait ressenti pour elle n’était pas un brasier incandescent mais ressemblait à la sérénité d’un lac éternel.

Des deux amours du Rhapsodien, l’un ne s’était jamais concrétisé et l’autre avait traversé le firmament de son existence, laissant dans son sillage une pluie d’étoiles, avant de disparaitre à jamais.

L’elfe solaire regrettait-il d’avoir aimé ? De laisser quelqu’un s’emparer de son cœur et de lui offrir l’indescriptible pouvoir de le briser ? Marqué par ces pertes, aimerait-il de nouveau, telle la braise sous la cendre attendant l’étincelle qui la ferait renaître ?

Le cœur flamboyant lui-même ne possédait pas les réponses à ces épineuses questions. Il jeta un regard à Valmys, se demandant si ce dernier pourrait jamais laisser quelqu’un l’approcher après les terribles sévices qu’il venait de subir.

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