14 Juin 1761;
Eleonnora faisait les cents pas dans la tente qui lui servait notoirement de chambre à coucher. Elle détestait cet environnement, ce petit lit de fortune étroit et si peu confortable. Même après les longs mois passés en mer dans des situations précaire pour une aristocrate elle n'avait pas oublié la chaleur de ses draps et la sensation confortable que lui procurait un véritable matelas. Le vent glacé s’engouffra dans ses appartements au moment ou elle décida d'en franchir le seuil. C'était évidement sans parler de cette température effroyable. Elle se dirigea vers le petit foyer créé pour que les nobles de ce district se rejoignent Mais l'atmosphère pesante qui s'en dégageait, malgré le brouhaha ambiant, n'arrangea rien à l'anxiété de la jeune Ostiz. Ce qu'elle détestait par dessus tout était d'avoir les même préoccupations que ces petits nobliaux. Elle aimait penser qu'elle était au dessus de leurs problèmes frivoles mais il n'était plus question de bals et potins.
Le fond de cette anxiété générale portait sur la question de leur rang. Les nobles familles ayant laissé leurs luxueuses demeures et leurs précieuses terres aux griffes des Chimères se trouvaient alors peut-être aussi démunies que n'importe quel roturier. Evidemment, ils n'étaient pas venus les mains vides mais ils s'étaient sensiblement appauvris. Cela portait un coup très dur au moral des nobles dont les moins intelligents s'étaient montrés exécrables pendant la traversée. Il n'en aurait pas fallut plus pour que l'équipage leur cloue le bec. Et alors ça aurait été la débandade. La jeune femme n'oserait même pas imaginer ce qui se serait passé si de simples matelots aurait décidé de faire fit des lois de l'ancien monde pour retourner l'ordre social établit. Rien que d'y penser elle en avait des frissons. Pourtant cela aurait presque paru logique de voir les roturiers devenir plus importants que les les riches de cette société dans un contexte où les talents manuels de chacun étaient nécessaires. Les bourgeois faisaient semblant de superviser la tache de leurs serviteurs mais ils étaient finalement inutiles. S'en rendaient-ils tous compte?
Cependant, quelque soit la race il semblait que les cours des dirigeants respectifs se reformaient. Et telles des abeilles autour de leurs reine, les aristocrates s'étaient empressés de s'installer dans leurs périmètres. Pas seulement pour la renommée et l'opportunité de gagner une place plus avantageuse à l'avenir mais surtout pour profiter de la garde des royaux sujets. Car le peu de soldats qui se chargeaient de la protection des nobles restaient en général à proximité des plus importants. Les autres aidaient à la construction des camps, les travaux d’intérêts généraux, et surtout tentait tant bien que mal de garder l'ordre parmi les peuples désorientés.Les effectifs manquaient à ce qu'elle avait entendu dire. Beaucoup de soldats avaient disparu avec leur regretté terre. La demoiselle repensa à son frère qui était parti au front avec les autres Glorien.
Elle tremblait sous sa fourrure massive mais était ce réellement à cause de la bise glacée qui traversait les murs de fortune? Elle étouffait sous cette tente pourtant trop vaste pour les gens qui s'y entassaient pour retenir la chaleur. Elle salua vaguement un homme qui lui faisait un signe de la main et tourna le talon en direction de la sortie. Sa respiration se faisait rapide et saccadée, elle avait besoin de s'éloigner un peu, ces idiots lui donnaient la nausée. La jeune fille s’inquiétait particulièrement pour la famille de sa sœur qui n'avait pas forcément une place très proche de la cours, mais qui néanmoins lui avait tout de même permis d'avoir un appartement plus que raisonnables par les temps qui courent. Elle aimerait lui rendre la pareille mais elle pouvait difficilement jouer de ses relation pour lui trouver une garde rapprochée auprès des dirigeants. En effet, Il était devenu très facile d'agresser un bourgeois la nuit venue pour lui prendre ses biens.
Contrairement à sa sœur, ses relations s'étendait au delà de la cours et il lui sera surement plus simple de payer un mercenaire qui aurait déjà commercé avec elle dans le passé. Elle s'était fait quelques liens de confiances chez les roturiers des bas fonds, ces derniers seraient sans doute surpris de connaitre sa véritable identité. Néanmoins ils ne pourraient refuser une telle offre.
Eleonnora sorti alors des districts nobles pour arriver dans les rues désordonnées ou la neige était devenue grise et poisseuse sous l'effet des nombreuses allées et venues. Les gens de tous ages et tous horizons se pressaient dans l'allée principale. Reconnaîtront-ils son visage? Ils sont bien trop occupés pour ça. Dans un sens son anonymat ne lui déplaît pas. Elle peut alors admirer l'activité de cette fourmilière de pr--
La seconde qui suivit la petite jeune femme était les quatre fer à l'air, étalée dans la neige grisatre. Elle pressa un regard étourdit vers l'obstacle qui l'avait ainsi projetée. Ce dernier déniât à peine lui jeter un regard méprisant, comme si elle n'avait été qu'un insecte sur son chemin. Il se prit une boule de cette neige répugnante dans la nuque et se retourna pour se retrouver fac à l'expression furibonde d'une petite femme.
"Vous pourriez au moins vous excusez, malappris!"
D'abord surpris puis clairement agacée par cette petite peste, l'homme sembla vouloir se débarrasser d'elle d'un léger haussement d'épaule ce qui énerva d'avantage la demoiselle.
"Je n'aurai pas donné cher de votre peau si vous aviez bousculé Eleonnora Ostiz quelques mois plus tôt!"
Ce nom sembla retenir son attention et il se mit ricaner.
" Qu'est ce que tu vas faire? Tu crois vraiment que je vais m'agenouiller devant la fille d'un vieux régent aussi mort que ce qu'il gouvernait. "
Pouvait-elle encore prétendre au titre de fille du régent de la Gloria déchue? Une fille sans père et sans mari, voilà ce qu'elle était.
Allait-elle se désespérer pour autant? Evidemment que non! D'ailleurs elle n'avait pas besoin de mari pour avoir une renommée, et son père ne tarderait à pointer le bout de son nez. Les camps étaient juste trop mal organisés et il avait du se retrouver dans une cours inconnue. Elle avait confiance en ce dernier et le savait plein de ressource donc ne se faisait aucun soucis de ce côté. Non, il n'était pas mort, c'était tout bonnement impossible.
"Je ne vous autorise pas à parler ainsi de mon père! Vous feriez mieux de déguerpir avant que la famille Ostiz reprenne du grade avec son retour!"
"Si même les nobles perdent la tête...Crissolorio Ostiz, ce vieux pingre est MORT. Laisse donc les honnêtes gens travailler."
Il ne prit pas le temps d'écouter sa réplique et tourna les talon, traversant l'assemblée qui s'était formée autour d'eux.
Jamais elle ne s'était sentie aussi humiliée!!
Elle dégluti, ravalant des larmes de rage. Comment un tel petit homme pouvait-il s'adresser à elle de cette manière? Pour insulter son père? Elle passa un regard furieux autour des derniers passant qui la fixaient pour apercevoir ses réactions et, ravalant sa fierté se remit en marche, ignorant les regards qui sillonnaient son passage. Mort? C'était ridicule! C'est ce que les gens pensaient? Étaient-ils idiots à ce point? Elle renifla bruyamment, mince encore un rhume? Il méritait à peine qu'elle lui adresse la parole! Elle passa une main glacée, tremblante sur son visage rougit alors que sa vision se brouillait peu à peu.
Mince...Jamais elle ne s'était sentie aussi humiliée...
Dernière édition par Eleonnora Ostiz le Sam 20 Jan 2018 - 22:42, édité 4 fois