Allié ou ennemis? [PV Vaakin]

La soirée s’annonçait belle. Les nuages étaient peu nombreux dans le ciel, tous poussés vers les plaines de glace par un vent violent. Par endroits, je parvenais à distinguer les étoiles, si brillantes sur la toile sombre du ciel nocturne. J’aimais tant les étoiles … Je rêvais souvent en les observant, me demandant ce qui pouvait bien s’y trouver. Elles avaient souvent guidé mes chasses, elles continuaient encore à le faire aujourd’hui, me permettant de garder le cap. Elles étaient une ancre, une chose intemporelle, la seule chose, j’osais le penser, qui n’avait et n’allait jamais changer dans ma vie. C’était rassurant, quelque part. Car même le plus terrible des chasseurs, même un vétéran comme moi – j’étais vieux pour un Graärh – avait besoin de repères. Et tandis que le vent balayait les flancs de la montagne, j’étais bien à l’abri entre les hauts sapins. Mon camp n’était pas grand, mais à quoi bon? Y accéder était dangereux, la pierre étant traîtresse sous les griffes, mais pour un Lié de la chouette comme moi c’était un jeu d’enfant. Y accéder était dangereux, la pierre étant traîtresse sous les griffes, mais pour un Lié de la chouette comme moi c’était un jeu d’enfant. Et un net avantage sur quiconque venait me chercher des problèmes. D’ici, je dominais toute la petite clairière enneigée se situant en contrebas, elle même étant en pente car sur le flanc de la montagne. Elle était bordée par de hauts sapins aux têtes enneigées qui formaient autant de points d’observation pour ma forme ailée.

Assit dans l’obscurité, je repensais aux derniers événements. Quelques jours auparavant, mes ailes m’avaient permises de pénétrer le royaume des suceurs de sang. Leur cité qu’ils pensaient inviolable n’avait représenté que peu de défi pour moi. Ces êtres arrogants pensaient être à l’abri de tout derrière leurs murailles, sous leurs toits de pierre… Mais cela ne m’avait pas empêché de m’attaquer à leur chef. Beaucoup des miens auraient dit que c’était de l’inconscience, mais j’osais appeler cela de la témérité, du courage et un soupçon de folie. Et j’avais eu raison d’agir, car leur chef, leur prince – un étrange mot à mes oreilles – était mort de mes mains. J’entendais encore ses hurlements tandis que le feu léchait sa peau. Je sentais encore l’odeur de la chair brûlée qui avait empli mes narines et enivrer mes sens. Ma chasse s’était bien déroulée et j’en retirais… une grande satisfaction.

Mais ma soirée n’allait pas être aussi calme que je le pensais, car une odeur vint chatouiller mes sens. Je la reconnaissais sans mal. J’avais suffisamment traqué et évité des suceurs de sang pour en reconnaître l’odeur. L’un d’entre eux avait donc fini par me retrouver au coeur de ces montagnes … Je devais m’avouer impressionné. Et je le fus encore davantage lorsque, perçant la pénombre qui se faisait, j’aperçue une crinière de poils blancs. Ensuite, ce furent les formes d’une femelle que je reconnus et celle-ci n’était pas bien grande. J’aurais sans doute pu la tuer d’un coup de griffe, mais sa chair n’avait pas bon goût et je n’avais pas envie de souiller ma clairière de son sang noir. Les vampires avaient un goût atroces et une seule bouchée m’avait dégoutté à vie. Je n’avais pas envie de retenter l’expérience de sitôt, même si avec quelques épices il était sans doute possible d’obtenir quelque chose de mangeable. Un ragoût de vampire, cette idée me tira un sourire garni de crocs d’ivoire. Je me promis, à cet instant, d’essayer cela un jour et de mourir moins idiot.

Mais en attendant, la femelle se rapprochait. Elle portait un manteau, des bottes et une sorte de robe. Sa tête était aussi coiffée d’un étrange bout de métal. Elle ne semblait définitivement pas une habituée de la montagne, ce n’était clairement pas une tenue appropriée… Mais qu’en avais-je à faire? Au pire finirait-elle par mourir de froid, car cela restait possible pour ces êtres. Quelques cadavres ensevelies sous la neige validaient cette théorie.

Je regardais ma soirée de tranquillité disparaître comme neige au soleil. La venue de cette sang-froid apportait son lot de contrariétés et une partie de mon être souhaitait la voir disparaître. L’autre partie était curieuse de ce qu’elle pouvait bien avoir à dire, car cela devait sans aucun doute être important pour elle. N’avait-elle pas bravée la neige et la montagne pour cela? Tout en s’exposant à moult dangers bien entendus.

Je me levais donc, presque silencieux. Si ses sens étaient aussi développés que ceux de ses congénères, elle allait m’entendre. Et cela ne manqua pas. Je sentis son regard se braquer sur moi bien avant que je pose le mien sur elle. Dans la pénombre, je la distinguais sans problèmes, tandis qu’elle devait peiner à en faire de même. J’avais grandi sur cette île, je la connaissais par cœur et étais capable de m’y dissimuler, d’utiliser les ombres et la nature à mon avantage…

Puis la voix de la petite vampire perça le silence de la forêt. Elle me parvenait très clairement, portée par le vent, un vent qui m’apportait également son odeur. Celle-ci, je ne comptais pas l’oublier car mon instinct me murmurait que je n’avais pas fini d’entendre parler de cette bipède-à-la-peau lisse… Celle-ci parlait bien, au demeurant. Mieux que la plupart de ses congénères, du moins. Elle était prudente, c’était évident, et elle avait raison de l’être. À la vue de son accoutrement, elle n’était clairement pas en position de force ici, ni même habitué à se battre. Cela, tout du moins, je le supposais. Restait à voir si le temps me donnerait raison… ou non.

D’un bon, je quittais mon promontoire rocheux pour la haute branche d’un sapin. Mes griffes se plantèrent dans le bois aussi certainement qu’un couteau dans du beurre, me permettant de garder un parfait équilibre. Accroupi, j’étais désormais plus proche d’elle, à environs six ou sept mètres. Assez pour pouvoir bondir sur elle et l’achever si elle se montrait hostile. Ou si ce qu’elle avait à dire ne me plaisait pas. Et, bien sûr, je ne comptais pas lui facilité la tâche.

- Une atteinte à ma tranquillité, mais certainement pas une intrusion. Vous autres, bipèdes-à-la-peau-lisse, avaient la fâcheuse tendance à vous approprier absolument tout ce que vous croisez. Sachez, sang-froid, que la nature n’appartient à personne et, de ce fait, cet endroit n’est pas mon domaine.

Tout mon corps laissait transparaître mon mécontentement. Ma voix, grave et sans détour, ma queue, qui battait l’air, ma posture accroupie mais prête à bondir…. Même mes oreilles étaient couchés en arrière tandis que quelques rayons de lune se reflétaient sur mes tapetum lucidum et faisaient briller mes yeux d’une lueur bien malaisante.

- Quant à Grand’griffes, que lui veux-tu ? Demandais-je, prudent.

Dernière édition par Vaakin Lene’Tamaasik le Ven 29 Sep 2017 - 4:21, édité 1 fois

Mes griffes se fracassaient, en un rythme régulier, contre la branche où je m’étais accroupi. Clic clic clic. Clic clic clic. Un bruit au combien agaçant qui marquait un peu plus encore le peu de patience que j’étais disposé à offrir à la nouvelle venue. Celle-ci avait sans aucun doute compris pourquoi je m’étais ainsi placé en hauteur, non loin d’elle, mais si elle ressentait de la peur je devais reconnaître une chose : elle savait la cacher. Même en humant l’air ambiant, je ne parvenais pas à en saisir les fragrances pourtant si communes.

Par la suite, après mes remontrances, la petite vampire ne tarda pas à faire machine arrière sur ses propos. Etait-elle sincère ? J’en doutais fortement. Il n’y avait qu’à voir la cité de ces peaux-froides ou, plus simplement encore, ce qu’ils avaient fait à mon peuple.

- Pourtant, votre race ose réduire les miens en esclavage. N’est-ce pas là disposer de la nature, dont nous faisons tous partie, comme si elle vous appartenait ? Vous brisez le cycle naturel de la vie.

Un grognement purement animal m’échappa. La lueur de la lune se reflétait sur mes crocs. Ces bipèdes ne comprenaient rien à rien et je commençais réellement à me demander pourquoi celle-ci était encore en vie. Ah oui, parce qu’elle attendait quelque chose de Grand’griffes et que j’étais curieux… Et j’avais eu raison d’épargner sa vie, car elle parvint à capter mon attention quelques instants plus tard. Ses propos m’intéressaient vraiment, cette fois-ci et firent naître un semblant d’espoir dans ma poitrine. Toutefois, j’éteignis ces braises avant qu’elles prennent feu, car il était hors de question de me faire de faux espoir. En revanche, afin de lui montrer qu’elle avait capté mon attention et qu’elle n’avait, pour l’instant, rien à craindre de moi, je m’assaillais sur la branche où je me trouvais, les pieds dans le vide.

- Et comment comptes tu faire une chose pareil, au juste? De ce que j’ai vu, les vôtres sont particulièrement belliqueux et peu portés sur la parole. Tu es la première, depuis longtemps, avec qui il m’est possible de dialoguer. Et, bien que je n’aime pas me fier aux apparences, tu n’as rien d’une combattante. Je plissais les yeux un instant, la détaillant. Non, vraiment, elle n’avait pas la carrure d’une guerrière. Mais il se dégageait d’elle une certaine force malgré tout, ainsi qu’un certain charisme. A moins que tu possèdes sous ta robe quelque chose qui explique tant d’assurance de ta part.

Je fronçais les sourcils face à son sourire, n’en comprenant pas le sens. Était-elle en train de se payer ma tête? Un grondement naquit en fond de ma gorge tandis que je sentais mon poil se hérisser malgré moi. Ma queue fouettait l’air en un parfait réflexe. J’étais agaçais et la vampiresse sembla le mesurer car elle m’offrit rapidement quelques éclaircissements, que j’écoutais sans un mot.

Ils firent échos en moi. L’honneur, voilà une notion qui m’était très familière et qui avait une grande place dans ma vie. Toutefois, je n’étais pas graärh à manier les mots, je préférais le tranchant des armes. Cela ne faisait pas de moi un idiot pour autant, ou un simple d’esprit. Si cela avait été le cas, sans doute aurais-je rejoint mes ancêtres depuis longtemps, mes cendres allant se mêler à la neige immaculée.

Pouvais-je donc avoir confiance en ces mots que j’entendais? Pouvais-je ne serait-ce qu’y accorder un peu de crédit? Un espoir fou me murmurait d’essayer, de saisir cette patte tendue. Mais à quel prix? Car c’était certain qu’il y en avait un. Il y en avait toujours un. Je pris donc un moment pour réfléchir, lorsqu’elle me demanda mon avis. Et pour m’aider à réfléchir, j’entrepris de remplir ma pipe d’herbe à fumer, que j’allumais ensuite d’un claquement de doigts. Le bout de l’instrument portait quelques marques de dents, signe d’une utilisation certaine au fils des mois, mais était parfaitement fonctionnel. L’odeur se répandit rapidement dans la clairière, tandis qu’un petit nuage de fumée s’élevait tranquillement vers les cieux. A intervalle régulier, les braises rougeoyantes venait éclairer mon regard azuré.

- Dans notre culture, l’honneur est ce qu’il y a de plus précieux pour un Graärh. Plus un être est honorable, plus son rang au sein de sa tribu ou de sa légion est élevé. Notre plus grande crainte est de perdre cet honneur. Quant à vous, bipèdes-à-la-peau-lisse, j’ignore quelle importance cela peut avoir, mais si toi, tu jures sur ton honneur, alors je me dois de t’accorder le bénéfice du doute.

Je me laissais glisser de ma branche et atterris souplement dans la neige. Sous mes pattes, elle semblait légèrement fondre tandis que je m’approchais de la petite vampire, ma pipe à la main. De si près, je devais avouer qu’il se dégageait d’elle une indéniable beauté, s’en était même troublant. Du reste, je la dominais de toute ma hauteur, mais mon regard ne cherchait pas à la faire se sentir petite. Je la regardais d’égal à égal.

- Nous accordons peu d’importance aux choses matériel et, bien que je connaisse l’utilité d’une bourse rempli d’or, ce n’est pas ma priorité et ne sera sans doute pas celle des miens, bien qu’il m’est impossible de parler en leur nom. Aide moi à libérer mon peuple des griffes de tes semblables, nous verrons ensuite pour le reste, car les vampires ne sont malheureusement pas les seuls à nous enchaîner. Je portais la fine tige de bois à ma bouche, en mordillant l’extrémité. - Pour l’heure, je réserve mon jugement. Nous verrons qui tu es vraiment. Mais si tu trahis ta parole, sois certaine qu’il n’y a nul endroit en ce monde où tu pourras te cacher de moi. Je suis un chasseur patient.

La menace était réelle. Je n’avais pas confiance, elle le savait, et allait devoir me prouver sa bonne foi. Elle non plus n’avait sans doute aucune confiance en moi, ce qui était normal. Nous allions devoir faire nos preuves si une alliance était scellée ce soir.

- Nous avons donc à parler. Toutefois, bien que nous accordions peu d’importance au nom, j’aimerais connaître le tien. Ensuite, nous pourrons nous asseoir autour d’un feu pour parlementer.

Pourtant, n’étais-je pas là, pieds-nus dans la neige et le torse exposé aux quatre vents? Je parlais bien pour elle, car de ce que j’avais appris, sa race pouvait mourir de froid et si alliance il devait y avoir, je me devais d’être un bon hôte.

Irina Faust… Il était certain que je garderais ce nom en mémoire désormais. Cette femelle pouvait être une clé vers la libération des miens, c’était non négligeable. Mais encore devait-elle être en mesure d’aller en ce sens et pour cela j’allais devoir l’aider. J’ignorais encore en quoi, mais je ne ressentais pas de peur.

- Tu es donc membre de la confrérie des pirates, si mes connaissances sont justes. Eux aussi utilisent les miens en tant qu’esclave… Votre … Capitaine des Esclaves est d’ailleurs une vielle amie à moi, dis-je d’un ton qui ne laissait aucun doute sur l’animosité que je ressentais envers Kalza.

Quant au reste, ces noms n’évoquaient rien pour moi. Kohan? Était-ce une importante famille? Cela semblait le cas, mais ce nom sonnait creux dans mon esprit. Nous n’étions pas du même monde, tout simplement, et je ne m’attendais pas non plus à ce que les noms des miens sonnent familièrement aux oreilles des envahisseurs.

Je me détournais de ma, désormais, invitée et avançais rapidement dans la neige, qui semblait toujours fondre sous mes pas. Je formais ainsi un simulacre de chemin qu’Irina pouvait emprunter pour plus de facilité. Ensuite, face à la paroi rocheuse qui menait à mon repère, je fus tenté d’user de mon esprit-lié, mais il s’agissait d’un atout qu’il était bon de conserver pour le moment. Ce fut donc à l’aide de mes griffes et de mes muscles que je grimpais vers le promontoire rocheux.

- Prend garde, la pierre est coupe et glisse, me sentis-je obliger de préciser. Après tout, je l’invitais chez moi, d’une certaine façon, et j’avais le sens de l’hospitalité. Il aurait été déshonorant de ne pas veiller à sa sécurité, à présent.

D’un geste, je l’invitais à s’asseoir tandis que je m’afférais à remettre du bois dans le feu. Je posais une branche sur ma jambe et la brisais d’un coup, puis je la mettais dans le foyer de façon à former une pyramide. Lorsqu’il y eu suffisamment de bois à mes yeux, je pris tranquillement place de l’autre côté du foyer, en tailleur, et allumais le brasier d’un claquement de doigts. Les flammes jaillirent aussitôt et vinrent réchauffer l’atmosphère tout en nous prêtant une lumière plus que bienvenue pour ce face-à-face. Tout en bourrant de nouveau ma pipe, j’écoutais mon invitée d’une oreille attentive, qui s’était d’ailleurs littéralement tournée vers elle.

- Commençons par les vampires, dont le « royaume » est tout proche. Ce sera un bon début et une excellente façon d’apprendre à nous connaître. L’ancien chef est mort de ma main, il te suffit de prendre sa place. Chez moi, nos chefs sont toujours des femelles. Et si une femelle veut défier le chef, c’est au cours d’un duel à mort, sous le regard de trois juges… J’ai cru comprendre que la façon de faire des vampires y ressemblait, est-ce exact?

Je portais la tige de bois à ma bouche et inspirais. Je me demandais si cela allait être compliqué ou si, au contraire, les choses seraient plutôt simple. Je ne pouvais que m’en remettre à Irina et, je devais l’avouer, cela me déplaisait fortement.

- Que veux-tu dire par «  nous n’avons pas la possibilité de revenir d’où nous venons. »? Qu’est-il arrivé à votre monde? Demandais-je, réellement curieux d’en apprendre plus sur ces bipèdes-sans-poils.

J’ignorais beaucoup de choses sur les vampires, c’était un fait. Je connaissais cette race depuis quelques mois à peine et le peu que j’en avais vu m’avait poussé à me retrancher sur des a priori pas forcément bienvenues. J’avais, autrefois, entendu les plus sages des Graärh dirent qu’il ne faut pas juger un livre à sa couverture. Pourtant, c’était ce que j’avais fini par faire avec les sangs-froid. Et plus Irina me parlait, plus je me rendais compte de mon erreur. J’acceptais cette dernière sans sourciller, cela arrivait à tout le monde, et j’écoutais mon invitée avec une attention redoublée.

J’appris ainsi que la loi du plus fort prévalait chez les vampires. Quelque part, cela me rappelait la façon de faire de mon peuple, mais chez les non-morts une donnée importante manquait pour que cela soit identique aux Graärh : L’honneur. De plus, les trois juges s’assuraient également que les chefs soient aptes, qu’ils aient les connaissances et l’intelligence nécessaire pour veiller au bien de la tribu… Ce qui n’était pas non plus le cas au sein du royaume de la nuit. Décidément, ce peuple me paraissait décadent. Comment avaient-ils survécu si longtemps?

Quant à Irina, celle-ci devint bien mystérieuse, mais je compris rapidement qu’elle possédait un atout dans sa manche, quelque chose qui pouvait lui donner l’ascendant sur l’esprit d’un autre. Était-ce un esprit-lié? Ou un objet magique? Sans doute allais-je le découvrir par moi même tôt ou tard. D’un mouvement de la tête, je la remerciais de ne pas user de ce subterfuge sur moi… Mais m’en serais-je rendu compte si elle l’avait fait ?

Enfin, elle m’expliqua la raison de leur venue sur mon archipel. Ainsi, ces trois peuples avaient été victimes de créatures qu’ils étaient incapables de combattre. Pendant un instant, la pensée de trouver en ces créatures des alliés contre eux traversa mon esprit. Mais quelque chose dans l’expression qu’Irina abordait refréna cette pensée.

- Je comprends mieux la raison de votre venue. Je te remercie de me l’avoir expliqué, dis-je sincèrement en expirant une bouffée de fumée. Puisque tu es ici désormais, qu’attend tu de moi exactement? Que je t’accompagne en plein coeur de la cité des vampires et que je tue quiconque souhaite s’en prendre à toi? Demandais-je, plaisantant seulement à moitié. Quelque chose me disait que je n’étais pas loin de la vérité.

Quel étrange tableau nous formions. Elle, une vampire et envahisseur et moi, un chasseur Graärh bannis. Tous, absolument tous, nous opposaient. Et pourtant, nous discutions au coin du feu tels de vieux amis ne s'étant pas vue depuis plusieurs lunes. Moi, tirant sur ma pipe et elle, profitant de la chaleur réconfortante de mon feu. Ce soir, je me surprenais moi-même.

À présent, j'étais entré dans le vif du sujet. Plus question de tourner autour du pot, il était temps qu'Irina me révèle de façon plus précise ce qu'elle attendait de moi et de ceux qui accepteraient de m'aider. Eux, je doutais qu'ils soient nombreux, mais peu m'importait. S'il le fallait, j'agirais seul.

Irina me répondit enfin sans détour. J'avais donc presque tapé dans le mille, semblait-il. Mais qu'est-ce qui m'avait échappé ? Ne jouait-elle pas simplement sur les mots en souhaitant que je ramène ses "opposants" sur "le droit chemin" ? Du peu que j'en savais sur les vampire, ils ne me paraissaient pas du genre à se laisser simplement raisonner, même à coups de poing. Le sang allait coulait, c'était une évidence. Est-ce que cela me dérangeait ? Certainement pas. J'en tirerais sûrement un certain plaisir, même.

- Très bien. Bien que je doute être en mesure de ramener quiconque sur le droit chemin sans me servir de mes poings, j'accepte de t'aider. Toutefois, je ne pourrais rester auprès de toi continuellement, sois en consciente. Mais de ceux que nous parviendrons à libérer, j'ai espoir de parvenir à les convaincre de signer ce contrat.

J'expirais un peu de fumée, puis vidais les cendres de ma pipe dans le feu. Je rangeais ensuite l'objet dans ma sacoche, que j'avais déposé à côté de moi.

- Ton honneur et le mien sont en jeu. Déçois-moi et tu sais ce qu'il t'en coûtera. Si c'est moi qui ne suis pas à la hauteur de ce contrat, je comprendrais que tu déchaînes tes foudres sur ma personne.

Sans me relever, je me penchais un peu en avant et tendis mon bras par-dessus le feu, afin qu'elle puisse le serrer. Les flammes léchèrent ma fourrure sans parvenir à la brûler et je ne ressentais pas le moindre inconfort, là où n'importe qui d'autre aurait glapis de douleur.

- Marché conclu ?, proposais-je. Si tu le veux bien, en gage de ta bonne foi, il y a un campement de vampire non loin d'ici. Ils ramènent parfois quelques un des miens vers votre capitale afin de les vendre. Allons les libérer et peut être accepteront-ils de t'aider, eux aussi.

Un accord avait été trouvé en cette froide nuit d'été. Les flammes léchaient ma fourrure sans parvenir à la faire brûler tandis que je scruter ma vis à vis, sans sourciller. De sa main de filette, elle vint finalement serrer la patte que je venais de lui tendre. Sa force me surprit un peu mais était bien en dessous de ce que j'avais pu voir en combattant ses semblables. Je comprenais mieux pourquoi elle avait besoin de moi. Quant au reste, peu m'importait comment mon peuple allait me voir désormais. J'étais déjà un banni pour la Légion de Nyn-Tiamat. Celle de Néthéril n'était pas non plus sans l'ignorer mais n'en avait rien à faire... Et c'était pour le mieux.

- Mon honneur est inexistant pour la Légion de cette île. Je n'ai que faire de ce qu'ils diront temps que je parviens à accomplir mon objectif.

Prenant appui sur mes genoux, je me relevais tranquillement et, d'un geste de la main au-dessus du feu, l'éteignit. L'obscurité reprit immédiatement ses droits mais ce n'était pas pour me déplaire, loin de là. Le chasseur que j'étais se trouvait désormais dans son élément, dissimulé par la nature elle-même.

Ce fut sans un mot de plus que je sautais en bas du promontoire, la couche de neige amortissant ma chute. Lorsqu'Irina m'eut rejointe, nous nous mîmes en route. Le vent continuait de souffler dans les cimes, hurlant comme un fantôme. L'ambiance avait un quelque chose de mystérieux et sinistre qui aurait fait fuir les petits Graärh. Cette sensation constante d'être observé... Même à mon âge je la ressentais encore. Toutefois, cela faisait longtemps que je ne me retournais plus.

Arriver jusqu'au campement demanda plus de temps que prévu. Contrairement à moi, Irina était handicapée par sa taille et ses vêtements. Toutefois, nous y étions finalement parvenu et j'apercevais au loin la lueur d'un feu et la clameur des voix, dissimulées par d'importantes congères. Les odeurs confirmaient la présence de vampires et de graärh dont j'entendais les coeurs battre. À présent, nous devions trouver un angle d'attaque. Il était trop dangereux, à nous deux, d'attaquer de front. J'avais besoin d'informations et, bien que je pouvais envoyer Irina qui était l'une des leurs, je craignais qu'ils se méfis et la tue. Les vampires étaient bien trop imprévisibles.

- Reste ici. Je vais partir en éclaireur.

Mon visage commença alors à changer, puis mes membres, ma queue ... Retrouver ma forme ailée était particulièrement agréable et, dans un hullulement, je m'éloignais vers le ciel. Mes grands yeux jaunes scrutaient le campement et, aidé par l'éclat de la lune, un plan se dessina dans mon esprit. Les miens étaient enfermés dans des cages mises un peu à l'écart et faiblement gardé. L'heure était aux réjouissances, semblaient-il, et nous procurait un avantage. Fort de mon plan, je revins auprès d'Irina et reprit ma forme originelle.

- Nous allons attaquer par le flanc droit. Les cages sont là bas, faiblement gardées pour l'heure. Nous serons contre le vent. Nous tuons discrètement les gardiens, nous libérons les miens et nous nous occupons des autres sangsues. Nous aurons alors l'avantage du nombre et l'effet de surprise pour nous. Prête ?

Le plan était simple et la situation à notre avantage. Une partie de moi se montrait méfiante face à cette situation presque trop belle pour être réelle, mais j’avais confiance en mes sens de changeforme, Je savais ce que j’avais vue et sentis et, quoi qu’il en soit, j’étais prêt à prendre ce risque pour les miens.

D’un hochement de tête j’acceptais la requête d’Irina, puis nous partîmes à l’assaut de nos proies. Je devais avouer que la magie de mon compère était pratique pour mieux nous dissimuler encore et notre approche du camp fut particulièrement simple. Toutefois, cela ne m’empêcha pas de demeurer sur mes gardes, tous les sens aux aguets.

Lorsque je vis enfin les cages, je sentis le bonheur étreindre mon coeur le temps d’une demi-seconde. Les miens s’y trouvaient, en vie, et cela me faisait grand plaisir. Malheureusement, la première personne qu’ils virent fut Irina et je dû rapidement me placer à ses côtés, prenant ainsi le risque de faire plus de bruit, pour qu’ils gardent le silence. L’avantage pour nous autres était notre capacité à dialoguer sans parole. Ainsi, par ma simple gestuelle, je parvins à leur demander calme et silence sans qu’Irina n’en sache jamais rien.

Par la suite, j’assistais à une démonstration du terrible pouvoir de mon alliée du moment. Cela fit naître une profonde méfiance en moi, car je jugeais une telle pratique peu honorable. C’était une ruse bien pensée, évidemment, mais je n’étais pas friand de tant de subtilité. Sans un mot, toutefois, je laissais Irina jouer avec ses semblables jusqu’à ce qu’elle récupère enfin les clés des cages à mon grand soulagement.

Le métal était froid entre mes doigts, mais j’étais satisfait. Sans un regard de plus pour la vampiresse, je m’approchais des cages à pas de loup et entrepris de glisser la tige de métal dans la première serrure, puis l’y tourner doucement. J’ouvris ensuite la grille avec le plus de délicatesse possible afin de ne pas trop en faire grincer les charnières partiellement attaquées par la rouille. S’en suivis ensuite un long dialogue avec les premiers prisonniers sur la base de gestuelles incompréhensibles pour Irina, puis de sons animal : feulement, grognement… Satisfait de mon échange, je confiais les clés au plus robuste et rejoignais Irina, qui prit doucement la parole.

Les miens s’étaient rassemblés en un quasi-demi cercle et, de leur haute stature, dominaient la petite femme. Posté légèrement derrière elle, Irina ne pouvait me voir, mais si elle avait prit la peine de se retourner sans doute aurait-elle distingué mes crocs dans l’obscurité. Toutefois, pareil avertissement n’était pas destiné à la vampiresse mais bien à mes semblables qu’elle venait de sauver.

S’en suivit plusieurs grognements rageurs et colériques, vite maîtrisés par ma propre voix. Notre mode de communication était incompréhensible pour la sang-froid mais la teneur de nos échanges ne pouvait pas vraiment lui échapper. Cela dura quelques instants, puis le groupe commença doucement à se disperser alentours, avançant ensemble telle une vrai meute de loups. Bientôt, ils furent tous disparus, cachés dans l’obscurité et la neige. L’on entendait tout juste les gardes, plus loin, qui n’avaient rien entendu semblait-il.

Ce fut finalement à mon tour de m’approcher doucement. La neige crissait sous mes pieds, mais le ronflement du feu parvenait encore à en dissimuler le bruit. Lorsque je me jugeai suffisamment proche, je levai doucement une patte en l’air, paume ouverte, avant de la refermer brusquement. Aussitôt, le feu quitta son lit et vint lécher la peau et les vêtements de ceux qui en étaient trop proches en une boule de flamme immense et destructrice. On entendit l’eau bouillir, la neige ayant fondu d’un coup, puis des ombres sortirent de nul part et fondirent sur les proies qui s’offraient à elle, en une parfaite synchronisation.

Le spectacle était grandiose. Sitôt que les flammes eurent retrouvé une taille normale, mes semblables quittèrent le couvert des ombres pour un assaut aussi rapide que sanglant. Ayant déjà prélevé le sang de mes ennemis, je laissais bien volontiers les autres non-morts à mes frères et sœur et rejoignit donc Irina près du feu, dont les flammes rougeoyantes n’étaient pas sans me rappeler l’effusion de sang ayant lieu tout autour de moi.

Entendre la jeune femme chantonner alors qu’un tel carnage avait lieu tout autour de nous avait quelque chose de profondément amusant pour moi et, tandis que je glissais un regard en coin vers elle, je ne pue retenir un petit ricanement – bien qu’il fut plus semblable à un grognement pour elle -. Quelques minutes plus tard et le silence retomba. L’on entendait plus que le crépitement du feu et le souffle du vent. Mes congénères vinrent briser ce silence en s’approchant à leur tour des flammes et, par mon ouïe, je devinais que l’un d’entre nous était blessé à la jambe.

La présence d’une femelle me força à garder le silence lorsque Irina prit la parole. De part son sexe, elle était celle qui pouvait légitimement commander notre troupe. Toutefois, je demeurais sur mes gardes et étais prêt à intervenir en cas de besoin. Mais Irina était une bonne oratrice… En revanche, plusieurs mots qu’elle utilisa ne faisait pas de sens aux oreilles des miens et, par notre langage si particulier, j’offris des traductions lorsque cela fut nécessaire.

Au terme de sa tirade, mon regard balaya l’assemblée. Les bras croisés sur mon torse, je m’attardais davantage sur l’unique femelle du groupe. Les autres mâles avaient tous les oreilles couchés sur le côté et la queue basse, signe de leur soumission. C’était donc elle qu’il fallait convaincre avant toute chose. Je fis donc quelques pas dans la neige, me tenant bien droit par rapport aux autres afin de lui monter que je prenais mes propres décisions. Je savais que cela allait lui déplaire, mais en étant banni j’avais appris à me fier uniquement à moi.

- Une guerre ouverte contre les vampires n’est pas la solution. Je sais que cette idée se murmure parmi les nôtres, mais les vampires sont forts. Nous aurions l’avantage du terrain mais eux du nombre. De plus, les deux autres races pourraient venir les aider à nous combattre. Ce qu’elle propose est risqué, dis-je en la désignant de ma patte. Ce serait une prise de risques énorme, j’en conviens, mais une telle manœuvre pourrait nous permettre de protéger les nôtres, d’éviter un bain de sang. De plus, même ceux qui ne se trouve pas sur Paadshail auraient une chance de s’en tirer. Nous sommes des chasseurs, nous savons nous montrer patients et attendre le bon moment pour frapper. C’est ce qu’elle nous propose ici et maintenant.

Nous nous fixions depuis le début de ma prise de parole et, désormais, je voyais en fond de son regard qu’elle réfléchissait. Je me doutais également que les autres Graärh méditaient mes mots.

- Je refuse de travailler avec l’une de ces kshay. J’inclinais la tête, attendant la suite. Mais vous êtes libre de vos choix, ajouta la femelle en fixant chaque guerrier à tour de rôle. Pour ma part, je relevais la tête et fis de même tandis que la femelle commençait déjà à s’éloigner. Elle fut suivie par quelques autres guerriers, mais une partie demeura immobile. Il n’y avait que des mâles. C’était la première fois que je voyais une troupe uniquement composée de mâles.

- Voici tes premiers Shikaaree, tes guerriers.

Nous étions sept en me comptant, mais c’était bien plus que je l’avais espéré. Tous avaient le regard rivé sur Irina, moitié méfiant, moitié intéressé. Je poussais alors plusieurs bruits, entre le ronronnement et le grognement, puis me tournais vers Irina.

- Je serais leur Aaleeshaan, leur chef.

Les événements avaient prit une tournure inattendue. Voilà que, en quelques heures à peine, j’étais passé du statut d’ermite reclus au sommet de sa montagne à celui de chef d’une troupe. C’était, de plus, une bien étrange sensation que de ne plus être considéré comme un paria. En effet, dans le regard des guerriers qui me faisaient face, je décelais du respect. Je savais que mon non, Grand’griffes, étaient connus parmi les miens et je me doutais que ce fait n’était pas étranger à la lueur que je voyais dans leurs prunelles.

À mon tour, je les observais. C’était une façon silencieuse de leur montrer mon propre respect envers eux mais également marquer ma position de chef. En effet, ma posture pouvait en témoigner pour qui était coutumier de notre langage. Là où ma queue formait un angle de plus de quarante-cinq degrés, celle de mes compagnons étaient presque verticale. J’étais le mâle dominant en l’absence d’une femelle, une première, je le pensais.

Je me tournais ensuite vers Irina, offrant mon dos aux guerriers et mon regard la vampiresse. Adepte des grands discours, je l’avais deviné, j’allais devoir lui apprendre à aller droit au but avec nous autre. En effet, ma connaissance de sa langue était acceptable mais ce n’était certainement pas le cas de tous, ce qui pouvait rendre ses discours incompréhensibles et me forçait à traduire. À termes, elle risquait même d’agacer les miens sans le vouloir et déclencher ainsi une réaction non-voulue, telle un coup de griffe mal placé. Ou pire, pour les plus belliqueux. Mais pour cette fois encore, j’offris une traduction.

La surprise se fit rapidement sentir dans nos rangs. Pour ma part, je fixais la demoiselle, le regard indéchiffrable. Sa demande était, je le pensais, stratégique plutôt que prise avec le coeur. En devenant ‘l’une des nôtres’ , elle s’assurait d’obtenir le respect de mes pairs.

- Il existe en effet un tel rite. Mais ce n’est pas pour les faibles, commençais-je. Je vins m’asseoir dans la neige, en tailleur, et sortis tranquillement ma pipe de ma sacoche. Tout en la remplissant d’herbes à fumer, j’entrepris d’expliquer à Irina ce à quoi je songeais. Lorsqu’un jeune Graärh atteint l’âge de six ans, il doit quitter sa famille et apprendre un métier par lui-même. Pour chacun d’entre nous, ce fut guerrier ou chasseur. Je m’arrêtais, fixant tour à tour Irina et mes semblables. La fumée de ma pipe se mélangeait à celle dégagée par le feu tandis que je tirais dessus. La neige qui s’était retrouvée piégée par mon pelage commençait, elle, doucement à fondre. Nous donnons beaucoup d’importance à l’honneur et aux exploits guerriers. Tu devras en faire un, tel que chasser l’une des dangereuses bêtes qui peuples cette île. Cela me laissera le temps de songer à un symbole pour représenter la tribu que nous formons, continuais-je en tournant cette fois-ci mon regard uniquement vers les miens. Si tu parviens à rapporter un trophée de chasse, je te marquerais comme nous nous marquerons entre nous. Alors, tu seras l’une des nôtres, terminais-je, la mine grave.

- Cela ne se fera certainement pas en un jour.

- Non, en effet. Et afin de s’assurer que tes méthodes sont honorables, j’entends par ici que tu te débrouilles seule, je t’accompagnerais afin de m’en assurer.

Cette précision tira plusieurs grognements de satisfaction chez les miens. Je plongeais alors mon regard dans celui de la petite vampire.

- Te sens-tu l’âme d’un vrai chasseur, alors ?

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HRP : Je pense que nous pourrons couper notre RP en deux grâce à cette chasse que nous pourrons résumer dans nos posts d'intro d'un RP suivant.
Pour la marque tribale, ce sera une scarification représentant je ne sais pas encore quel symbole 8D