Mars de l'an 1761
Deux mois s’étaient écoulés depuis que les navires des Ambarhùnéens avaient accosté sur les rivages de cette nouvelle contrée. Cependant, ce lieu ne semblait guère satisfaire leurs espérances car cette terre désertique était recouverte d’une épaisse couche de glace. Le printemps naissant parvenait à peine à réchauffer l’atmosphère glaciale de cette ile boréale, qui serait plus tard nommée Nyn-Tiamat, et des flocons neigeux virevoltaient, emportés par le vent.
Keetech se tenait un peu à l’écart du campement des humains, préférant garder ses distances avec les « deux-pattes », comme elle avait coutume de les nommer. Verith parlait d’eux en des termes forts peu élogieux et évoquait souvent la folie destructrice qui les animait, les mettant en garde, elle et Nynsith, contre leur perfidie. Cependant, la dragonne de Quartz estimait que certaines de ces créatures pouvaient se révéler distrayantes pour peu qu’on apprenne à les connaitre. Même si, bien entendu, aucune d’entre-elles n’étaient capables de rivaliser en intelligence et en puissance avec l’un des sauriens.
Leur civilisation lui semblait si étrange pour elle qui venait d’un continent lointain, situé au-delà des mers, et qu’aucun bipède n’avait jamais foulé de ses pieds. Parfois, l’orageuse songeait avec nostalgie à la terre qui l’avait vu naître et qu’elle ne reverrait probablement pas avant des années voire des décennies. En venant sur Ambarhùna en compagnie de sa fille pour retrouver son mâle, celle-ci s’était jurée de le suivre où qu’il aille afin que leur famille soit réunie.
Keetech était posée à côté d’un pic rocheux, un peu abritée du souffle du vent, et avait replié ses longues ailes d’or et de suie. Les rayons du soleil faisaient briller ses écailles et les cristaux bleutés qui ornaient le sommet de son crâne et l’écailleuse venait de revenir d'une de ses parties de chasse et ses proies, des rênes, se trouvaient à ses pieds. Soudain ses prunelles azurées aperçurent une petite forme, vraisemblablement un bipède, et celui-ci paraissait s’acheminer dans sa direction. Était-ce un humain, un elfe ou un vampire ? La fille des tempêtes l’ignorait, guère habituée à faire la distinction entre ces trois races ; c’était un deux-pas et cela lui suffisait comme information.
L’orageuse darda son regard sur lui, se demandant si ce dernier oserait s’approcher et s’adresser à elle. La dragonne de Quartz adoptait un comportement neutre vis-à-vis des bipèdes, à condition que ceux-ci fasse preuve du respect due à sa race ; néanmoins sa stature d’environ 150 mètres avait de quoi frapper certains esprits, même si la reptilienne se montrait souvent plus abordable que Verith ou Nynsith.
Keetech demeura silencieuse, attendant que le bipède parvienne à sa hauteur et prenne la parole en premier pour lui adresser les salutations d’usage et les formules de politesse.