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descriptionNe me refait plus jamais ça - Seö EmptyNe me refait plus jamais ça - Seö

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18 Octobre 1761

Les Chiens nous encadrent, plusieurs accourent à notre secours. Au moment où je m’effondre, de vigoureux bras me rattrapent et je sens qu’on me soulage du corps de Seö. Mais au lieu de soulagement, c’est une grande détresse qui s’empare de moi. Il faut que je soigne Seö de toute urgence, il est gravement blessé et si on ne fait rien, il va mourir. Je suis guérisseuse, je peux lui venir en aide. Je dois lui venir en aide. Les forces qui m’avait abandonnée me reviennent alors que j’essaye de le dire aux soldats. Mais tout ce qui sort de ma bouche n’est qu’un râlement, suivi d’un cri de détresse étouffé de sanglots. J’entends les Chiens parlaient, me dire quelque chose, mais je ne les écoute pas. Tout ce que je sais, c’est qu’ils m’éloignent de mon compagnon, de l’elfe qui est venu à mon secours et qui risque de le payer de sa vie. Il ne doit pas mourir, il a promis qu’on voyagerait ensemble. Je dois tout faire pour qu’il puisse tenir sa promesse.

Je me débats fébrilement pendant un court moment dans la forte poigne de deux hommes, mais la magie fait toujours effet, et d’un mouvement brusque doté d’une force qui les surprend, je me dégage et me précipite au côté de Seö que les soldats ont allongé par terre que le médecin de la compagnie examine déjà. L’homme a l’air presque aussi jeune que moi, et semble regarder avec circonspection les blessures de Seö. Il perd du temps à se demander comment retirer les flèches et comment faire. Du temps que Seö n’a pas. Je me précipite et m’agenouille près de l’elfe. Avec efficacité, je tire de ma sacoche un couteau, avec lequel d’habitude je cueille les plantes dont j’ai besoin. J’agis mécaniquement, à la fois guidé par la nécessité, l’instinct et les réflexes. Mon cerveau ne peut de toute manière plus fonctionner correctement, puisque la détresse et l’urgence ont y raison de ma raison.

Je teste le fil de la lame du doigt, La lame est toujours bien affutée, j’y veille car c’est important d’avoir des coupures nettes dans bien des cas et puis cela rentre dans l’entretien des équipements. Une ligne de sang apparait sur le gras du pouce. Sans attendre plus lointain, le couteau vole vers la gorge de Seö sous un hoquet de surprise de l’homme à mes côtés, mais la lame vient sectionner habilement les lanières de cuir de sa cuirasse. Un mouvement devenu, hélas, une habitude pendant la guerre, sectionner les lanières était le moyen le plus sûr de libérer la poitrine d’un soldat blessé.

Le cas de Seö est l’un des pires. Les carreaux se sont enfoncés dans son corps, suffisamment pour provoquer de grave dégat à l’entrée comme à la sortie, hélas pas suffisamment pour que la sorte en lui faisant traverser le corps de l’elfe. Cette dernière configuration aurait été la meilleure, car je n’aurai pas eu le risque de lui déchirer des organes et des tissus sur le chemin retour. Je casse les flèches qui dépassent trop, retire la cuirasse, les mouvements sont rapides, précis, automatiques. Je ne vois pas le regard médusé du médecin des Chiens devant mon habilité. Compresses et bandeaux.Quoi ? Le soldat sursaute devant le ton glacial et impétueux de ma voix. Je pousse un grognement énervé et répète mon instruction, presque en lui criant dessus. Compresses et Bandeaux ! Je vais extraire un carreau, vous allez faire pression. Pendant que l’homme trifouille dans sa besace, je tire de la mienne une pince et un flacon d’alcool. Je désinfecte comme je peux mon instrument, de toute manière, je vais lui faire un soin magique en plus. La tête me tourne légèrement et la sueur me pique les yeux, mais je n’ai pas le temps de l’essuyer. Je suis de retour deux ans en arrière, à l’hospital, sauf que je ne soigne pas un inconnu dont la vie est aussi importante que celle d’un autre, mais j’ai entre les mains celle de Seö et pour une raison que j’ignore, sa vie est ce qu’il y a de plus important et est bien plus précieuse que celle de n’importe qui.

Tenez-vous prêt. Le ton est sans appel. J’attrape délicatement la happe avec la pince et commence à tirer le carreau vers l’extérieur. La concentration me fait oublier tout ce qui m’entoure. Les soldats, le sol, Seö. Il n’y a plus que le carreau et la nécessité de le retirer sans accrocher trop de tissus organiques. La pointe est profondément ancrée mais j’arrive à la retirer sans trop de difficultés. Pression ! Le Chien appuie la compresse sur la plaie pour stopper l’hémorragie. En retirant le carreau, j’ai libéré les flots de sangs qu’il bloquait, évitant l’hémorragie interne qui n’aurait pas manqué de se faire doucement. Mais le soldat ne presse pas assez à mon goût. Je lui retire la main sans ménagement mais avec difficulté. Je sens mes forces physiques m’abandonner. Non pas maintenant. Triste supplique envoyée à la Nature. Ma main presse la compresse et j’utilise l’afflux magique qu’il me reste pour cicatriser et réparer les lésions internes. Je ne m’occupe pas de la surface, sinon je n’aurai pas la force de faire plus. Je dois d’abord le stabiliser.

Je m’attèle au second carreau. Il est plus profond, et alors que je le retire, je sens une résistance élastique. J’ai accroché quelque chose. Je renfonce légèrement la pointe et la fais tourner lentement. Je réessaye de la remonter, c’est bon ça passe. Je vois la tête. Pression. Ma voix n’est presque qu’un souffle, mais le Chien obéit. Je place ma main tremblante à côté de la sienne. Le temps s’arrête. Je prends conscience du sol sous moi. La terre est encore humide de la pluie des jours précédents. La poussière mouillée lui donne un contact doux au toucher. Un petit attroupement s’est formé autour de nous, des mines inquiètes et surprises, même le Capitaine semble incrédule, comme s’il n’était pas à sa place. Personne n’est à sa place ici. Un acte chirurgical n’est pas un théâtre. Seö ne devrait pas être allongé par terre, il ne devrait pas être blessé. Je ne devrais pas être aussi épuisée, usant de mes forces vitales pour soigner l’elfe. Ces considérations me traversent l’esprit sans que j’en prenne note. Le ciel au-dessus de nous est dégagé, et les étoiles scintillent doucement. Elles nous font des signes, nous appellent. C’est vrai que de là-haut, nous devons paraitre bien futile à nous débattre ainsi sur notre gros caillou, alors qu’elles sont si libres dans le grand espace du ciel. Les astres nous invitent tous les soirs à les rejoindre.

Mon vertige prend fin, et l’immensité de la tâche qui me reste à accomplir m’accable. Seö est sorti d’affaire, mais ses blessures sont encore ouvertes. Je cesse mon flux magique, sans me rendre compte que ce n’est déjà plus qu’un filet. Je ne peux laisser l’elfe dans la boue pour finir sa guérison, il sera bien mieux dans un lit, dans une caravane. Je me tourne vers les spectateurs. Il lui faut un lit et du repos. Je vais finir de le soigner à l’abri. Vous n’avez qu’à prendre ma caravane, ce sera assez confortable pour vous deux. Je ne sais pas qui a dit ça, mais je me lève pour le remercier. Mais mes jambes ne me portent pas et je m’effondre, surprise. La magie a définitivement quitté mes muscles, mais je suis têtue et je persévère. Je réussis à me lever, je tends une main molle dans la direction approximative des chariots, essaye de dire quelque chose, mais je ne sais plus quoi. La forêt tourne autour de moi, de plus en plus vite. Puis le noir.

Je me réveille en sursaut. Seö ! Son nom est la première chose qui m’est venue à l’esprit. J’ai rêvé de notre rencontre, dans la forêt, mais Cendre était là, et elle nous tirait dessus, Seö s’interposait prenant tous les carreaux à ma place. Je voulais l’en empêcher, je voulais crier, mais c’était impossible. Puis il se met à rire comme un dément, puis Cendre se trouve à ses côtés. Ils se mettent à s’embrasser, ce qui me met dans une rage folle. Mais je ne peux pas bouger. Puis Cendre se met à poignarder l’elfe, encore et encore. Il me regarde d’un air suppliant. Je me réveille en sursaut, me redressant brutalement. Le vertige me prend en même temps que la panique et la peur. Où suis-je ? Je reconnais un lit, puis je sens quelque chose de doux se glisser sous ma main. Je regarde et reconnais le Renard. Mais mon regard voit tout de suite Seö à mes côtés. Il est torse nu, je ne vois pas ses blessures mais je sais qu’elles ne sont pas refermées. Je ne peux pas le laisser comme ça et je sais que ce je vais faire ne va sûrement pas marcher. Mais j’essaye. Je place ma main gauche à l’emplacement supposé de ses blessures mais sur son torse et invoque la magie de toutes mes forces, pour le guérir et le faire cicatriser à travers son corps. Je me rends compte à quel point c’est une mauvaise idée, lorsqu’il est trop tard. J’étais encore trop fatiguée et cet effort demandait trop d’énergie. Je m’évanouie contre lui, avec pour seule pensée. Ca pourrait être pire.

Dernière édition par Aurore Lapsida le Jeu 26 Oct 2017 - 23:19, édité 1 fois

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C’était comme se tenir debout au milieu de rien, sur un sol parfaitement inexistant. Il faisait un noir mat, pourtant, j’y voyais comme en plein jour. Mais comment étais-je arrivé ici ? D’où venais-je ? Je baissais alors les yeux, mettant mes mains devant mon regard. Deux bras gantés d’un cuir blanc immaculé. De la même couleur que la douce armure de cuir qui me revêtait l’intégralité du corps. Pourtant, il n’y avait aucun ennemi ici, aucun adversaire à combattre. Lorsque je me fis ce constat mentalement, l’armure se détacha, semblant se désagréger en fines particules de lumières qui se mirent à flotter devant moi. Tournoyantes, elles se réunirent de nouveau, formant peu à peu la silhouette d’un petit renard Lumineux. N’ayant plus que lui pour seule source de lumière, je me mis alors à le suivre dans le vide qui nous entourait.

Autour de moi, il me semblait apercevoir des formes informes, qui ne m’étaient pourtant pas inconnues. C’était une sorte de théâtre des ombres, poétique et terrifiant à la fois. Ils jouaient une scène d’une rare violence, l’obscurité elle-même s’entre-déchirant sans pitié. Pourtant, même face à ce spectacle, le renard astral continuait d’avancer, sans n’y prêter aucune attention particulière. Je le suivais donc, tâchant d’ignorer tout ce qui se passait autour de moi, comme lui le faisait si bien. Je ne sus vraiment combien de temps j’avais dû marcher, mais, au bout du compte, l’atmosphère sembla se calmer, me relaissant à nouveau entourer de ce vide. Soudain, une douleur sourde se réveilla dans ma poitrine, me faisant mettre le genou à terre. J’avais l’impression que mes chaires se déchiraient de l’intérieur, sans comprendre quelle était l’origine de mes maux. Et soudain, je me rappelais.

La nuit, Aurore, la vampire, le Golem… Toute l’histoire me revint alors par vagues de flashs intenses dans mon esprit. Tout avait commencé par cette puissante et douloureuse vague qui s’était étreint dans ma poitrine lorsque, par les yeux du renard, j’avais vu les lèvres d’Aurore se poser sur celles de l’étrange jeune femme qui l’accompagnait. Mais pourquoi avais-je eu alors ce sentiment ? Même si j’avais ensuite pu voir ce qui se passait, et la façon dont elle trainait mon amie derrière elle, je ne pouvais pas nier qu’une sorte de colère avait enflammé mon cœur bien avant. Et je m’étais ensuite porté à son secours, ce qui paraissait parfaitement normal, puis qu’elle était mon amie. Mais même ici, je m’étais voilé la face. Et je le sentais depuis que j’avais retrouvé Aurore sur le nouvel archipel. Avoir revu une amie m’aurait empli de joie, mais, elle, s’était différent. J’avais encore du mal à comprendre pourquoi, après s’être rencontré une seule fois, elle était aussi chère à mes yeux. Elle n’avait jamais vraiment quitté mes pensées, même si nous ne nous étions pas vus depuis deux ans. Et cette rencontre fortuite qui nous avait enfin réunis… était-ce un simple hasard ?

Toujours était-il que j’avais été imprudent, et que je l’avais payé au prix fort. Même si j’avais pu découvrir une facette d’Aurore que je ne connaissais pas, ce n’était pas ce que j’avais voulu. Non pas qu’être blessé, même aussi gravement, me préoccupait, car c’était le lot de tout combattant, c’était plutôt la peine et la douleur que ma situation paraissait causer à la jeune femme qui me préoccupait. Pour la première fois, depuis bien longtemps, j’avais quelque chose à perdre, et quelqu’un à qui manquer. Et il avait fallu que je sois aux portes de la mort pour m’en rendre compte. Lorsque je m’étais endormi, apaisé par son chant, j’avais senti un immense sentiment de culpabilité m’envahir. Je n’avais pas le droit de la laisser là, seule, affrontant notre ennemi sans mon aide. Je n’avais pas le droit d’être un fardeau pour la baptistrelle. Pourtant, je n’avais pu résister à la tentation de fermer les yeux et de glisser dans ce sommeil artificiel.

J’ouvrais brutalement les yeux, incapable d’esquisser le moindre mouvement. Mon esprit était encore embrouillé, totalement incapable de définir où je me trouvais. Ma vue était trouble, et mes yeux mi-clos n’aidaient certainement pas. Je sentis alors que, où que je pouvais être, je n’étais pas seul. Incapable de définir une quelconque notion de temps, je parvins, au bout d’un moment, à mieux comprendre. J’étais dans un lit, lui-même dans une grande caravane qui paraissait à l’arrêt. Aurore se trouvait à côté de moi, ou plutôt contre moi. Sa proximité me réchauffa soudain, et je me demandais si je ne rêvais pas encore. Il m’était impossible de savoir si je me trouvais dans le domaine de la réalité ou le domaine onirique, et, de toute façon trop affaibli, je décidais de fermer à nouveau les yeux, profitant de sa douce présence. Quelle qu’était la dimension dans laquelle je me trouvais, elle était sauve, et c’était bien tout ce qui m’importait.

Ce fut un froid mordant qui me réveilla à nouveau. Je me sentais un peu mieux que lors de mon précédent réveil, et la douleur dans ma poitrine avait cette fois presque disparu. J’étais aussi moins affaibli, quoique bien loin d’être en pleine forme. Je me trouvais toujours dans ce lit, dans cette caravane que je ne connaissais pas, mais qui me semblait étrangement familière. Elle ressemblait à celle des colons, quoique beaucoup plus spacieuse. Dehors, il fait nuit, et l’on peut facilement entendre le bruit de la pluie battre contre le tissu qui recouvre l’abris. Pourtant, dans mes souvenirs, il n’y avait pas le moindre nuage en vue durant la nuit où j’avais été blessé. Combien de temps avais-je bien pu dormir. Soudain, une pensée frappa mon esprit. Ou plutôt un nom. Aurore. Je tournais les yeux, et vis que j’étais seul cette fois. Mon précédent réveil n’avait-il était qu’un rêve ?

Je tournais alors totalement la tête. Simplement éclairée par une petite lanterne, j’aperçu la silhouette de la Baptistrelle installée au bureau positionné contre la paroi de la caravane. L’espace n’étant pas très grand, la chaise qu’occupait la jeune femme était calée contre le rebord du lit que j’occupais. Une vague chaleureuse étreignit alors ma poitrine. Elle allait bien, et ne paraissait pas blessée le moins du monde. Elle avait donc réussi, sans que je sache comment, à me ramener et à me soigner malgré sa magie déjà bien épuisée par son combat. Une prouesse absolument fantastique qui n’amenait qu’à un seul fait : Aurore m’avait sauvé la vie. Prenant mon temps, et respirant profondément, je me redressais sur les coudes, prenant une grande bouffée d’air frais, et faisant alors glisser les draps de mes épaules, découvrant l’épais bandage qui entourait mon torse. Aurore ne semblait pas avoir repéré mon mouvement. Maintenant que je pouvais mieux observer ce qui m’entourait, je vis qu’elle était extrêmement concentrée sur une préparation à base d’herbes diverses. Quoi de plus normal après tout, puis qu’elle était herboriste. Mais, et bien que cet aspect n’altère en rien la beauté sauvage de la jeune femme, elle paraissait fatiguée, et légèrement anxieuse.

« Tu devrais… Prendre le temps de te reposer. » Articulais-je difficilement, la voix un peu rauque, et adressant un sourire franc, bien que fatigué, à la jeune baptistrelle.

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Deux jours. Cela faisait deux jours que Seö dormait. D’abord inquiète, car je n’avais pas eu le temps de refermer entièrement ses blessures, je dus avouer que le baume avait été efficace et correcte. C’est aussi avec stupeur et surprise que je compris ce que j’avais fait. Partir seule en exploration, la nuit, en territoire inconnu, ce fut déjà une grossière erreur qui aurait dû me couter la vie. La chance ne sera pas toujours à mes côtés, ni un ange gardien. Il était plus que temps que je grandisse. Non, en réalité, que je rajeunisse et me rappelle les enseignements de papa. Le temps du voyage innocent et du rêve est révolu, enfin presque. Je ne permettrai plus qu’on risque sa vie pour protéger la mienne sans raison. Je recommencerai sérieusement à m’entrainer à grimper aux arbres dès que Seö ira beaucoup mieux. La deuxième erreur, la plus terrible, fut mon entêtement à vouloir soigner Seö. Cela lui a peut-être sauvé la vie, mais ça aurait bien pu échouer et j’aurai pu mourir avec lui, en empêchant quiconque de le sauver. Bizarrement, j’étais prête à mourir pour le sauver, car je n’imagine pas une vie où l’elfe n’est plus. Mais c’est une réaction égoïste. Si j’étais morte en lui sauvant la vie, ne s’en serait-il pas voulu lui aussi toute son existence, qui aurait été bien longue que la mienne. Ou peut-être je me fais un roman. Peut-être qu’il ne tient pas tant que ça à moi. D’ailleurs c’est vrai, pourquoi le ferait-il ? Qu’importe, je dois chasser ces appréhensions de mon esprit. Vivre l’instant présent.

Ce fut deux jours très longs. J’alternais phase de sommeil profond et de sommeil éveillé, incapable de sortir complètement de ma torpeur. Par un instinct que je ne comprenais pas, ou alors grâce à la lumière qui filtrait d’une petite ouverture, j’arrivais à compter le temps qui passe. Mais vint un moment où la nécessité me frappa. Je n’avais pas fini de soigner Seö. Cette révélation finit de me sortir de ma torpeur. Prenant pied dans la réalité, je notais que je m’étais endormie serrée contre l’elfe. Et c’était agréable. Après mettre réveillée tout contre sa poitrine, il me fut difficile de m’en détacher. J’étais encore très fatiguée, épuisée par l’utilisation déraisonnable de la magie et nos mésaventures nocturnes. Je suis restée, je dois l’avouer, blottie contre lui plus que nécessaire, savourant la douce chaleur de son corps. Mais le souvenir de sa blessure était encore trop fort. Il me fallut me raisonner pour examiner mon blessé. En me redressant, je vis que le Renard avait disparu, sûrement parti chasser, un repas pour lui, car il en avait apporté un pour nous. Deux mulots morts gisaient au bout du lit. Il faudra que je m’en débarrasse discrètement pour ne pas vexer le Renard et pour éviter d’attirer les parasites. Me retournant de nouveau vers Seö, je le regarde dormir sans m’en rendre compte. Il a l’air si paisible malgré ce qui s’est passé et ce qu’il a subi. Je ne sais pas combien de temps je suis restée pensive. Mais le constat est évident. Je ne peux pas refermer les plaies magiquement, je suis trop faible. Je reconnais les onguents, ils sont efficaces mais rudimentaires. La cicatrisation prendra du temps et les tissus resteront fragile encore plus longtemps. Je penchais donc pour un baume que maman m’a appris. Je remarquai ma sacoche à côté du lit. Doucement pour ne pas réveiller Seö, je me dirigeais vers elle. Je sortis du lit, me leva et fut prise d’un brusque vertige de fatigue. Je n’avais pas assez récupéré et fut obligée de me rasseoir. Ma mésaventure m’avait épuisé plus que de raison et ma propre stupidité avait causé des dégâts que seul le temps et du repos pourraient réparer. Toutefois, cela attendre la fin de convalescence de Seö. Pour l’instant, il me fallait finir ce que j’avais commencé. Un bureau était placé face à la paroi et une chaise pouvait en être tirée. Je m’y installai, m’y glissant plus que je ne m’y assis, car elle se trouva vite bloquée par le lit. Je tirai les éléments nécessaires à la confection de ce baume. C’était une préparation complexe d’ingrédient commun pour une herboriste et rapidement, mes tracas s’envolèrent alors que mon esprit s’afférait à la touche.

Si concentrée par ma préparation, le monde cessa d’exister autour de moi. Il en est toujours ainsi lorsque je travaille, que ce soit en sculpture ou dans l’art de la guérison et des apothicaires. Mes doigts virevoltaient de ma sacoche posée sur la table aux pots et au pilon, roulant les herbes concassant les grands, secouant des fioles en créant des mélanges homogènes. Mes yeux inspectaient chaque étape avec suspicion, et critique. La fatigue me força à recommencer deux fois mon travail. Je me rouspétai en silence, me rappelant les conseils de préparation de maman quand il était trop tard. La première fois, je m’étais trompée dans l’ordre des ingrédients dans une partie de la préparation. Le fluide obtenu avait prix une teinte olive, plutôt que bordeaux. Par réflexe, j’avais fait un sirop contre la toux et le mal de poitrine, une lotion qui pouvait se boire où en y ajoutant quelques éléments en plus, badigeonner sur les zones douloureuses. Après avoir recommencer et obtenu mon liquide bordeaux, qui aiderait la cicatrisation, je me suis rendu compte trop tard et à temps que j’ai inversé deux ingrédients. Trop tard pour mon baume, à temps pour empêcher Seö de mourir lentement et dans une démence terrible. Les graines que j’utilise ont une jumelle maléfique, comme toute chose en ce monde, le bien est contrebalancé par son mal équivalent, permettant l’équilibre et l’harmonie. Les graines nécessaires aux baumes aident le corps à accepter le remède, absorbant ainsi plus facilement les principes actifs. Mais leurs jumelles, si elles ont le même effet, détraquent en plus le système nerveux, les muscles d’abord, provoquant des tétanies à répétition, des fibrillations du cœur en remontant vers le cerveau. L’individu se retrouve piéger dans son corps en voyant ses capacités intellectuelles et physiques disparaitre dans des spasmes douloureux. La mémoire est le dernier élément à disparaitre, obligeant l’empoisonné à se souvenir de ses maux mais aussi de son passé d’être libre et fort. C’est l’horrible destin que j’ai failli affliger à Seö, mais grâce aux conseils de papa, j’ai vérifié les ingrédients ajoutés et l’ai vu à temps. Si seulement ces graines ne servaient pas de puissants anti-douleurs, si préparées convenablement, elles n’auraient pas été dans ma sacoche.

La troisième fois fut la bonne, je finissais de moudre une feuille pour rendre mon baume, pour l’instant liquide, plus élastique et facile à appliquer lorsqu’une voix me fit sursauter. Je reconnu tout de suite la voix de Seö et par réflexe, pensant qu’il avait besoin d’aide, j’allai me précipiter à son chevet. Le sursaut mêlé à l’empressement, me fait me lever trop brusquement. La chaise bascule sur le côté, tombant sur son flanc, pendant j’entame un demi-tour empressé. L’espace est petit, et le plafond est bas. Mon genou cogne le pied de la table avec énergie, de même que le haut de ma tête percute une armoire suspendue. La douleur est vive et m’arrête momentanément dans mon élan. Je me frotte la tête de la main en plissant les yeux de douleur avant de vite cesser et de reporter mon attention sur l’elfe, accoudé dans le lit. La douleur attendra, cet elfe a besoin de soin et de mon attention.

Son sourire franc me désarçonne quelque peu, mais si ma réponse est bégayante au début, ce n’est que très court. Prendre le temps de me reposer ? Pas avant que tu sois pleinement guéri. Je me porte à ses côtés pour le forcer à se rallonger. Tu ne dois pas bouger, tu risquerais de rouvrir tes blessures. Comment te sens-tu ? As-tu du mal à respirer ? Des vertiges ? Des nausées ? Une migraine ? Tu veux boire ou manger quelque chose ? Une inquiétude vis-à-vis de son bien-être m’éprend. Moi-même la position debout que je viens de reprendre n’est pas très confortable à cause de mon épuisement. Je prends le bol contenant le baume et finis de mélanger le tout à l’aide d’une cuiller, avant de me rasseoir à ses côtés. Laisse-moi regarder. Je n’ai pas pu cicatriser magiquement tes blessures, juste empêcher les hémorragies. Ce baume que tu portes actuellement n’est pas le mien non plus. Je crains que tu ne te retrouves avec deux vilaines cicatrices, malgré l’onguent que j’ai là et qui devrait les faire disparaitre un peu plus. De toute manière, il parait que les cicatrices plaisent aux filles. Sans vraiment savoir pourquoi, je ressens comme une pointe de jalousie, à l’idée que d’autres femmes puissent être attirées par l’elfe. Une sensation que j’écarte rapidement, car ce n’est pas juste de vouloir empêcher Seö de trouver le bonheur dans les bras d’une femme. C’est juste que l’idée me déplait fortement. Peut-être à cause de cet odieux cauchemar.

Je ne résiste pas à la tentation de lui raconter ce rêve. Comme à mon habitude, entre mes propos, je laisse trop peu de temps pour que mon interlocuteur puisse me répondre. Pendant ta convalescence non terminée et un peu la mienne, j’ai fait un rêve, assez horrible. J’ai vécu de nouveau cette scène dans la forêt et Cendre te tirait dessus s’en s’arrêter. Et je ne pouvais rien faire. Ma voix tremble un peu, mon air se trouble. Et puis elle t’a… embrassé. Je rougis, de colère et de d’embarras à cette idée, mais aussi d’horreur. Ca m’a… enfin je… Je ne sais pas quoi dire, ni même pourquoi je lui en ai parlé.Je… Je ne sais pas pourquoi je t’ennuie avec cette histoire. Il ne faut pas que tu t’épuises. Ne bouge pas, je vais changer l’onguent. Je me penche vers lui, retire doucement l’onguent du médecins des Chiens et commence à étalait le mien à la main, massant doucement pour qu’il imbibe bien les tissus.

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En voyant Aurore sursautais, je me maudissais d’avoir été aussi direct. J’aurais très bien pu attendre qu’elle se retourne pour qu’elle constate que j’étais réveillé, mais, au lieu de ça, j’avais surpris la jeune femme. Cette dernière c’était alors levée en toute hâte pour se retourner, mais nous n’étions pas non plus dans une chambre des plus spacieuse. C’était une caravane, et la chaise tomba brusquement sur le côté. Je constatais alors, bien impuissant, qu’Aurore se cognait et le genou, et la tête, m’arrachant un grimacement de douleur d’empathie. J’allais m’enquérir de son état, mais la baptistrelle avait d’ores et déjà repris ses esprits, se portant immédiatement à mon chevet.

Elle s’assit alors à mes côtés, me rallongeant doucement. Je m’étais un peu attendu à ce genre de réaction, car l’aspect professionnel médical de mon amie semblait avoir prit le pas sur l’émotion. Et pour cause, j’étais après tout toujours en vie, malgré la blessure on ne peut plus mortelle que j’avais subie. Ne souhaitant pas l’inquiéter davantage, car je pensais l’avoir déjà suffisamment fait, je m’exécutais. Bien que faible, je ne ressentais pas spécialement une grande douleur dans la poitrine. Les plaies n’avaient peut-être pas cicatrisé totalement, mais, pour ce qui était des blessures internes, je semblais tiré d’affaire. Grâce à elle. Une fois confortable installée, la jeune femme me posa une série de questions sans que je n’aie le temps de lui apporter une seule réponse, ce qui étira mon sourire. Avant que j’aie eu le temps de lui faire part d’un éventuel besoin, bien qu’heureusement ce n’était pas le cas, elle parti au bureau pour récupérer la mixture qu’elle mélangeait alors. Je l’observais du coin de l’œil, ne voulant pas à nouveau me redresser et m’attiser une once de sa colère. J’en profitais pour lui répondre.

« Je vais bien Aurore. Sincèrement. Et c’est grâce à toi. Donc je renouvelle mon offre, tu devrais te reposer un peu. » Lui dis-je, une pointe d’amusement et de fatigue à la fois dans la voix.

La jeune femme se rassit alors à côté de moi, examinant les blessures que j’avais au niveau du torse. Installé comme je l’étais, je ne pouvais que difficilement les voir, mais peu m’importait. Ce n’étaient pas les premières blessures qui venaient zébrer mon corps, en attestait d’ailleurs celles qui ornaient mon cou, et, malheureusement, ce ne serait probablement pas les dernières. La remarque finale d’Aurore me fit sourire, et rougir à la fois. Je n’avais jamais trouvé les cicatrices très gracieuses, loin de là, et je n’avais pas non plus l’impression que cet « ornement » attirait spécialement la gente féminine. Même si elle avait probablement dit ça comme elle aurait dit ça à un soldat blessé pour le rassurer, je ne pus m’empêcher de me demander, inconsciemment, si c’était aussi son cas. Là encore, mon imagination fatiguée me jouait encore des tours, et je chassais ces pensées pour lui répondre.

« Ne t’inquiète pas, ce ne sont pas les premières à s’imprégner dans ma peau de toute façon. » Dis-je, toujours souriant, mais un peu gêné, occultant volontairement la dernière partie de sa phrase. Heureusement, elle ne semblait pas l’avoir remarqué, ou alors elle n’avait rien dit.

La pluie avait, dehors, redoublé d’intensité, résonnant sur la bâche de la caravane, et rafraichissant davantage l’air à l’intérieur de l’habitacle. Je n’avais pourtant pas spécialement froid, ou alors, je n’y prêtais juste aucune attention, écoutant Aurore me raconter le rêve qu’elle avait fait lors de notre convalescence. Je me rappelais d’ailleurs assez nettement la petite phase éveillée durant laquelle j’avais pu constater que la jeune femme dormait blottie contre moi, et je sentis rapidement le feu me monter aux joues. Je choisissais donc de me taire pour écouter son histoire, qui commençait de manière, il fallait dire, plutôt classique. Il s’agissait d’un souvenir de cette nuit sordide durant laquelle j’avais été blessé, de manière certes un peu exagérée. Et quoi de plus normal, après tout, car tout ce qui s’était passé avait largement de quoi marquer les esprits et les mémoires. Pourtant, je n’aurais jamais pu m’attendre à ce qui suivi.

C’était paradoxal, comme pouvait l’être un rêve, mais ce n’était pas seulement ça. Ce n’était pas non plus tant le récit du songe qui m’interpella, mais plutôt la réaction de la jeune femme, qui semblait presque plus perturbée par cette idée que part les blessures répétées que m’aurait infligé la jeune vampire. Je ne pus alors m’empêcher de repenser au sentiment qui m’avait étreint le cœur lorsque, par les yeux du goupil, j’avais vu mon amie unir ses lèvres à celle qui m’avait, par la suite, tiré dessus. Un flot de sentiments m’envahis alors, brouillant légèrement mes pensées et mes sens. J’avais, depuis nos retrouvailles, comme refoulé cette évidence, ainsi que les sentiments que j’éprouvais pour la jeune femme. Mais je n’étais plus non plus à l’aube de ma mort, où tout paraissait plus clair et plus limpide et, pour la première fois, je me sentis comme paralysé, incapable de réfléchir, de raisonner ou de penser comme j’avais pourtant l’habitude de faire dans des situations qui pouvaient paraitre critiques à n’importe qui. Une douleur sourde envahit alors ma poitrine, mais elle n’était nullement liée aux blessures qui m’avaient laissé dans cet état. C’était davantage la sensation que l’on pouvait avoir avant de se jeter dans le vide, sans vraiment voir ce qu’il y avait au fond de l’immense abîme qui s’étendait à nos pieds. Cette sensation était beaucoup plus effrayante que tout ce que j’avais pu vivre jusqu’alors. Ni la guerre, ni les décrépis, ni les chimères ne pouvaient rivaliser avec ce que je vivais en ce moment.

Ne pouvant plus vraiment raisonner comme j’en avais l’habitude je me laissais, pour la première fois depuis bien longtemps, complètement guider par mon instinct, le cœur battant la chamade. Alors qu’Aurore appliquait l’onguent sur mon torse, contact qui était par ailleurs loin d’être désagréable, je me redressais, supportant tous mon corps sur mon bras gauche. Heureusement, la force des elfes étant plus grande que celle des humains normaux, je n’eus, malgré ma légère fatigue, aucun mal à me maintenir dans cette position. Je glissais ma main droite sur la joue de la jeune femme, comme une douce caresse, puis j’approchais mon visage du sien. Tout me sembla ralentir autour de nous, à mesure que mes lèvres s’approchaient des siennes. Le monde extérieur et toutes ses influences semblaient avoir totalement disparu, ne nous laissant que nous, au centre de notre univers. Chaque centimètre qui nous séparait me paraissait un monde entier à parcourir, jusqu’à ce que, finalement, mes lèvres rencontrent les siennes.

Mon cœur sembla rater un battement, alors que je savourais pour la première fois ce contact avec Aurore. Ma main sur sa joue n’était qu’un geste doux, sans emprise, laissant à la jeune femme tout le loisir de se désister si tel était son désir. Je ne sus réellement combien de temps notre baiser se prolongea, et ça m’importait peu. Mes sentiments étaient en désordre, mais la chaleur des lèvres de la baptistrelle m’apaisait peu à peu. Je repensais alors au chemin que nous avions tous les deux parcouru depuis notre rencontre. Rien n’aurait pu prédire, au départ, que nous puissions ressentir des sentiments aussi profonds l’un pour l’autre, et pourtant… Pourtant, il n’y avait qu’avec elle que je me voyais avancer à présent.

Au bout d’un temps qui me paru à la fois interminable et bien trop court, mes lèvres se décrochèrent des siennes, ne restant qu’à quelques centimètres toutefois. Le souffle court, et les joues en feux, j’attendais la réaction d’Aurore.

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Seö se laisse recoucher et me répond comme les enfants malades et qui veulent retourner jouer. Bien sûr qu’il va bien, tant qu’il ne bouge pas trop et reste allonger sagement en attendant une cicatrisation complète. Je ne pourrais me reposer, une fois le travail accompli, seulement là. Alors tiens-toi tranquille. Sinon, ton état va empirer. J’ai failli rajouter, qu’il pourra retourner jouer avec ses copains très vite, à condition de rester sage. Mais je me retiens, ce n’est pas un des enfants dont j’ai eu la garde. Je lui souris indulgemment Ses vieilles cicatrices forment des dessins étranges, pourtant, je n’y avais jamais vraiment prêté attention. Je m’occupe juste qu’il n’en ait pas de nouvelles trop marquées mais surtout qu’elles guérissent vite et bien.

Pendant que je lui étale le baume, la pluie semble revenir à la charge. Sa douce mélodie me rappelle ce premier soir, quand il est arrivé dans la caravane. La douceur de ce moment qui semblait unique, se répète. Nous deux, dans la chaleur d’un abri, le tambourinement des gouttes sur le toit, et son contact. Ma main sur son torse me procure comme un frisson, comme des papillons dans le ventre alors que je m’applique à la tâche. Mes yeux sont rivés sur mon ouvrage alors que je rougis sans raison apparente. Je n’ose pas regarder Seö, sans savoir pourquoi. Peut-être mes doigts restent plus longtemps qu’ils ne devraient sur la peau de l’elfe. Je parle de mon rêve pour cacher mon trouble mais cela ne fait que l’empirer. Lui parler du baiser que la vampire lui volait dans ce cauchemar me rend… jalouse, c’est le terme.

Il me fallait chasser ce sentiment de mon esprit, car je ne pouvais pas demander aux autres de ne vivre que pour moi. Pourtant, l’idée qu’une autre s’approche de Seö, essaye de le séduire m’est insupportable. Me concentrant sur mon ouvrage, la sensation de bien-être qui se diffusait de mon bras vers le reste de mon corps m’apporta ma réponse. Si peu que nous nous connaissions, j’avais trouvé un miroir en Seö, un être pareil à moi, et pourtant différent. Et qui surtout répondait aux appels de mon cœur. A l’instant de cette révélation, mon cœur s’emballe alors que je le sens se redresser sur son bras gauche. J’aurai dû le forcer à se recoucher, mais tout ce que je fais, c’est tourner mon visage vers lui doucement. Le contact de sa main sur ma joue me fait légèrement sursauter car je ne m’y attendais pas. Mais je ne recule pas, ni le repousse. Cette caresse est chaude, douce. Le temps n’a plus d’emprise sur nous. La pluie se fait lointaine, il n’y a plus de caravane, de marchands, de soldats, de vampires ou de renard. Il n’y a que Seö, sa main et moi.

Son visage s’approche doucement, trop lentement de mon visage. Mon cœur cesse de battre dans l’expectative du moment que j’ai toujours attendu. Maintenant je le sais, je le sens. Ce lien, ce bonheur que j’ai à être avec lui, ce n’est pas de l’amitié, c’est parce que c’est lui. Nos lèvres entre en contact, se presse l’une contre l’autre. Je cesse de respirer le temps du baiser. Je ferme les yeux savourant l’instant. Une déferlante de bonheur m’envahit, comme je n’en ai jamais ressenti de semblable. J’ai vécu une vie heureuse, et c’est autre chose aujourd’hui, autre chose est à l’œuvre, une magie jusque-là inconnue.

Lorsqu’il retire son visage, après un temps qui me sembla une éternité et qui aurait pu durer encore. Je remarque que je respire que par un filet léger. Je rouvre lentement les yeux, fixant mon regard bleu dans l’ambre du sien. Je le contemple un instant, savourant ce moment, court et intense. Ce moment d’attente, d’hésitation, pendant lequel je ne sais pas que faire. Mes pensées ont cessé, il ne reste que les sensations. De toute manière, réfléchir est superflue. Je laisse mon cœur agir comme d’habitude. Je laisse ainsi filer quelques secondes, savourant le suspense et les battements de mon cœur qui s’excite dans l’attente d’un nouveau contact. Je souris doucement devant cette béatitude avec de rapprocher de nouveau mon visage, pressant moi-même mes lèvres contre les siennes et regoûtant à ce que j’attendais depuis notre première rencontre. Ce manque léger et discret est aujourd’hui rempli.

Je me presse doucement contre lui, ma poitrine contre son torse, sa main toujours contre ma joue. Délicatement, ma main gauche va chercher son bras droit, sur lequel l’elfe s’appuie. Ma main remonte son avant-bras jusqu’à son coude. Mon corps agit instinctivement, mon cœur étant obnubilé par cet amour grandissant. Il était toujours, là depuis notre rencontre, ruisselet n’attendant que la pluie pour devenir torrent et tel une averse fraiche, ravir mon âme de ce tendre bonheur. Ma main retire son appui à Seö, mon autre main l’aida à redescendre lentement vers la couche. Une part de mon esprit me pousse à l’allonger car il ne doit pas faire d’effort et qu’il me faut finir l’application du baume, mais à part le geste de l’allonger, elle n’est pas écoutée. L’instant est trop doux, pour être interrompu.

Une fois l’elfe allongé, prenant appui sur mon bras gauche, je ne relâche pas mon étreinte, ma main droite se posant sur son épaule, comme pour être sûre qu’il ne s’en aille pas. Sa peau est tiède quand ma main se referme dessus. Le temps semble figé, si bien que je n’entends pas la porte s’ouvrir et se refermer rapidement, ni les deux voix étouffées par la toile. Alors vous entrez ou quoi ? Pourquoi vous refermez la porte ? – Les deux jeunes gens ont besoin de repos, il ne vaut mieux pas les déranger. – Mais il y a à peine deux minutes, vous disiez qu’il fallait aller voir comment ils allaient. – Et puis je les ai vus et ils vont bien. – Vous avez aussi dit qu’il fallait aussi vérifier les blessures de l’elfe. – Je sais ce que je dis, ce n’est juste pas le bon mom… - Et bien moi je rentre, je m’inquiète alors je vais voir. Le non, du médecin des Chiens se perd dans la bousculade.

La porte s’ouvre avec fracas, laissant entrer un Amont Bauval, d’abord énervé par le soldat, surpris par la scène, pour finir souriant de satisfaction. Un sourire qui disparait rapidement devant ma mine furibonde. Surprise par le bruit, je quitte la tendre étreinte de Seö, ne sachant pas ce qui se passait, et le traumatisme de notre nuit étant encore fortement présent dans mon esprit, je m’interpose entre le porte et Seö. Il a déjà assez souffert comme ça et même épuisée je suis prête à en découdre avec quiconque lui voudrait du mal. Le sourire du marchand me met définitivement hors de moi. Maman disait toujours que j’étais, en plus de têtue, ronchon quand j’étais contrariée ou fatiguée. Là, je ressens pour la première fois une vraie colère. Pas juste, mais intense. En entrant ainsi, en plus de me faire peur et imaginer le pire, Amont m’a volé un instant que j’attendais secrètement depuis plus d’un an.

Le gros homme s’apprête à bafouiller une excuse mais je suis plus rapide. Ma voix est cassante et sans être un hurlement, résonne dans la pièce. Maître Bauval, depuis quand rentre-t-on ainsi s’en s’annoncer et surtout, avec un tel fracas dans la chambre d’un convalescent ! Où vous croyez-vous ? Sortez tout de suite ! Il essaya de bafouiller des excuses, un espèce de ‘’c’est un de mes chariots… désolé… je ne… ‘’ Mais il sortit en reculant comme un enfant puni, qui ne veut pas tourner le dos à ses parents de peur de prendre un coup de pied au fesse.

Cette réaction ne me ressemble pas. Je devrai m’excuser plus tard auprès du marchand, mais pour le moment, je ne réfléchis pas. La poussée d’adrénaline me monte à la tête et me donne le vertige. Je porte ma main vers la porte pour la fermer sous le regard effaré du médecin des Chiens. Je voudrai bien la fermer, mais elle bouge beaucoup trop, tout comme le décor. Je me croirais revenu sur un bateau. Puis je comprends vaguement ce qu’il m’arrive. J’aurais dû écouter. J’arrive à prendre appui sur un mur. On me parle mais je ne comprends pas bien ce qui se dit. Tout devient flou, puis noir. Pourtant, tout était si merveilleux il y a quelques instants.

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Du haut de toutes mes années d’existence, il ne m’avait jamais semblé ressentir un bonheur aussi intense. Peut être était-ce parce que l’instant qui suivait notre premier baiser contrastait tant avec la vie que je menais depuis que je l’avais quittée. Peut être était-ce aussi parce que les sentiments que j’avais pour elle, et que j’avais enfoui au plus profond de moi, germaient de nouveau, sans que je n’aie aucun contrôle ni emprise sur eux. En réalité, il n’y avait qu’une seule raison pour laquelle je me sentais autant en paix. Une seule raison qui m’avait poussée à entreprendre un geste aussi instinctif. J’aimais Aurore, c’était aussi simple que ça, et il n’y avait rien d’autre à comprendre. Sa proximité, sa chaleur, sa voix, son regard, comme autant de détails qui avaient le don d’embraser ma poitrine. J’étais à la fois soulagé, et à la fois terrifié d’avoir été aussi cavalier. J’attendais donc la réaction de la jeune femme, comme une réponse. Elle ne m’avait pas repoussé, mais la surprise avait très bien pu la paralyser quelques instants. J’avais sauté à pied joint dans l’inconnu, sans vraiment être sûr de ce qui pouvait m’y attendre.

Les secondes s’écoulaient comme des heures, alors que nos deux visages restaient proches, ne mêlant que nos souffles. Mon cœur battait la chamade, et mon être me criait corps et âme de goûter à nouveau à la douceur des lèvres de la jeune baptistrelle. Mais je ne pouvais pas agir. Pas avant qu’elle n’ait apporté cette réponse que j’attendais tant. Le sourire qu’elle m’adressa alors tenu ses promesses, et je ne pus m’empêcher de lui rendre, fermant doucement les yeux alors qu’Aurore pressait à son tour ses lèvres contre les miennes. Notre baiser devint alors moins fébrile, plus confiant, à mesure que nous nous découvrions sous un autre jour. Le corps de la jeune femme se pressa alors contre le mien, et, glissant le long de mon bras d’appui, sa main s’arrêta au niveau de mon coude. Son contact me fit frissonner, mais je gardais les yeux fermés, et je me laissais allonger, retenu par le second bras d’Aurore, sans toutefois desserrer notre étreinte.

Mais la jeune femme ne semblait avoir nulle envie de mettre fin à ce moment qui nous était si cher, à tous les deux. Son corps allongé sur le mien me fit frissonner une nouvelle fois, et je l’enlaçais, posant ma main gauche sur le bas de son dos, au creux de ses reins, et l’autre main au niveau de ses omoplates, savourant chacun des instants de nos premiers baisers. Je ne m’étais jamais senti aussi comblé, et, je pris enfin conscience de la puissance de mes sentiments pour la jeune femme. Quelques jours plus tôt, je n’aurais jamais ne serait-ce qu’espéré la revoir, et aujourd’hui, nous étions lovés l’un contre l’autre, partageant l’un des moments que seuls deux amants sincères pouvaient connaitre. Je voulais prolonger le plus possible cet instant, et ne plus me soucier de rien d’autre que d’Aurore. Je n’entendis pas le chahut à l’extérieur du chariot, n’ayant d’yeux que pour l’humaine blottie contre moi.

Mais soudain, l’entrée fracassante d’Amont nous surprit tous les deux. Alors qu’Aurore se levait précipitamment, se positionnant entre nous et les intrus, je me redressais également. Les cicatrices sur mon corps tirèrent, légèrement douloureuses, m’arrachant une légère grimace, tandis que ma main, par instinct, chercha Ahavarion que j’avais l’habitude d’entreposer à mon chevet. Bien sûr, la double lame n’était pas là, pourquoi l’aurait-elle été. Elle n’avait pas sa place dans le havre de paix qu’était la proximité de la jeune femme. Du moins, elle n’aurait jamais dû y avoir sa place. Je m’asseyais alors sur le bord du lit, étonné par le ton et la réaction d’Aurore, qui dénotaient tant avec ce que nous étions en train de vivre. Il fallait dire qu’Amont venait d’interrompre un moment particulièrement fort, que nous semblions attendre tous les deux depuis un moment. Je retrouvais dans la voix d’Aurore quelque aspects du ton qu’elle avait employé contre la vampire qui avait bien failli mettre un terme à ma vie quelques jours plus tôt. Du moins, c’était à peu près ce dont je me souvenais, car je devais bien avouer ne pas avoir été bien lucide à cet instant. Même si j’éprouvais, comme elle, une pointe de frustration et de colère envers le marchand, l’ire de la jeune femme semblait, elle, beaucoup plus forte.

A peine je le voyais s’appuyer sur la toile tendue par l’eau qui ruisselait, j’avais déjà réagi. J’avais beau être fatigué, ma vitesse et mes réflexes étaient toujours nettement supérieurs à ceux des soldats ou des humains normaux. Alors qu’elle s’écroulait, je la réceptionnais en douceur dans mes bras. L’impression que j’avais eu à mon réveil ne m’avait pas trompé. La jeune baptistrelle était littéralement à bout de force et, s’il était certain que j’avais besoin de convalescence, il en était de même pour celle de qui j’étais tant épris. Je jetais alors un regard calme, mais insistant, au médecin et à Amont qui ne savaient, quant à eux, plus comment réagir. Je pus voir au regard du jeune soigneur qu’il s’inquiétait également pour mes blessures, au vu de son regard insistant sur mes cicatrices. Mais il fallait avouer que la baptistrelle avait fait un travail impressionnant, et que ces dernières tenaient bon. Bien que tirant légèrement dans ma poitrine, les blessures ne semblaient pas vouloir se rouvrir. Amont était toujours sans voix, visiblement abasourdi par la situation. Je pouvais aisément lire dans ses yeux une pointe de culpabilité, mais, même si sa politesse laissait parfois à désirer, il n’y était pas pour grand-chose. Le médecin, lui, avait reprit de l’aplomb. Sans monter dans le chariot, il me donna ses instructions.

« Elle doit être épuisée par toute l’énergie qu’elle a dépensée en se battant et en vous soignant. Il n’y a pas grand-chose à faire, à part la forcer au repos. Allongez-là, et couvrez là. Il est probable qu’elle ait quelques poussées de fièvres dans les prochaines heures. Un linge mouillé avec de l’eau fraiche fera amplement l’affaire. Il faut juste qu’elle se repose et, surtout, qu’elle ne prenne pas froid. » Me dit-il, visiblement sérieux et particulièrement concerné par la santé de la jeune femme.

Je n’avais aucune raison de mettre en doute ses paroles, aussi, je m’exécutais sans discuter. Portant délicatement Aurore dans mes bras, je l’allongeais, comme elle l’avait sans doute fait pour moi, sur le lit que j’occupais quelques minutes auparavant. Une fois qu’elle fut installée, je la couvrais d’une chaude couverture, prenant garde à ne pas laisser dépasser la moindre parcelle de sa peau. Il fallait dire que la tempête n’avait pas l’air de passer, et que la pluie et le vent redoublaient d’intensité. Je me retournais alors vers le médecin, et vers Amont, qui semblaient plus que pressés d’échapper à l’ondée menaçante. Je leur fis un léger sourire.

« Allez-vous abritez, je crois pouvoir m’occuper d’elle en suivant vos conseils. » Lançais-je simplement. Il fallait dire qu’inconsciemment, je n’avais pas non plus envie que la caravane se remplisse pour être au chevet d’Aurore. C’était loin d’être ce qui lui fallait pour se reposer et, d’un côté, c’était à mon tour de veiller à sa convalescence, comme elle l’avait fait pour moi. Je me sentais légèrement coupable au sujet de son état. Elle m’avait protégé, et soigné, risquant sa propre santé. Ce qui était une joie intense quelques instants plus tôt se transforma en une légère amertume. Mon imprudence avait failli coûter la vie à celle que j’aimais. Contrairement à lorsque j’étais seul, j’avais enfin quelque chose à perdre. Ce sentiment n’avait plus fait surface chez moi depuis des années. Il était magnifique, et terrifiant à la fois. Il allait falloir que je sois plus fort, à l’avenir. Des bruits de pas se firent alors entendre dehors, et la toile s’ouvrit à nouveau.

« Désolé de vous redéranger, Messire Seö mais… » Il semblait particulièrement gêné, et mit un petit moment avant d’oser continuer. « Je n’ai pas envie qu’Aurore m’en veuille de ne pas avoir veillé sur vous pendant sa convalescence, ou qu’il vous arrive quoi que ce soit. Je ne suis pas sur qu’elle nous le pardonnerait. Donc je vous… ordonne, à vous aussi, de vous reposer. Je… Je suis désolé, mais vous devez comprendre. » Lança-t-il, toujours hésitant. Il n’avait visiblement pas tant l’habitude que ça de croiser, ni de côtoyer des membres de ma race, et ne semblait pas trop savoir ce qu’il avait à faire. Je lui souriais, m’apprêtant à lui répondre, lorsqu’une boule orange trempée jusqu’au os sauta sur le plancher de la caravane, me regardant avec inquiétude. Lorsqu’il vit Aurore, il s’apprêta à bondir sur le lit, mais je l’attrapais au vol, provoquant de sa part un glapissement de surprise.

« Non, toi, tu ne vas nulle part sans être sec. » Lui dis-je, sur un ton qui trahissait tout de même un peu ma fatigue, et mon amusement. Je reportais alors mon attention sur le jeune homme. « Ne vous inquiétez pas, je ne risque pas de faire de folies dans mon état. Vous pouvez dormir sur vos deux oreilles. » Il hocha la tête, d’un air reconnaissant, et fit marche arrière, disparaissant dans l’orage naissant.

Je pris alors une couverture avec laquelle je tâchais de sécher le poil du renard. Celui-ci protestait, mais je n’allais certainement pas l’autoriser à venir voir son amie et risquer de la rendre malade. Une fois que le résultat fut satisfaisant, il sauta sur le bout du lit, avant de s’y rouler en boule, tel un protecteur silencieux qui montait vaillamment la garde. Je m’approchais alors du chevet de la jeune femme, ne pouvant pas m’empêcher d’admirer la finesse des traits de son visage. Ma poitrine se souleva à nouveau l’espace d’un instant, alors que, d’une simple caresse, j’ôtais l’une des mèches rebelles qui s’était aventurée le long de sa joue. La jeune femme, même endormie, et à bout de force, était magnifique. Elle avait l’air paisible, et son sommeil n’était pour l’instant pas agité, j’aurais pu rester à l’observer ainsi durant des nuits, tant son être transpirait la douceur et la sérénité. Je me repris toutefois, posant le dos de ma main sur son front. Comme l’avait indiqué le jeune médecin, la fièvre semblait poindre. Je récupérais alors un bout de tissu, et je laissais l’orage l’imbiber de sa fraicheur. Une fois que ce fut fait, je m’asseyais au bord du lit, posant délicatement le linge humide sur le sommet de son front. Elle s’agita quelques instants, avant de finalement s’apaiser.

Une vague de fatigue traversa alors mon corps, me rappelant à l’ordre. Je n’étais pas non plus pleinement remis, et j’avais suffisamment créé de soucis à la baptistrelle comme ça. Timidement, je me glissais à ses côtés, calant mes mains derrière ma tête. J’observais le plafond, mes yeux se fermant doucement. La présence d’Aurore à mes côtés, et son souffle discret, me firent peu à peu oublier la caravane, l’orage, et le monde qui nous entouraient, puis je sombrais dans un profond sommeil.

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Le monde vacille lentement au début, avant que tout bascule, le décor devient flou, c’est si une épaisse brume transparente venait de se déposer devant mes yeux. Je n’ai plus la force de reste debout, ni même l’idée. Je ne sais pas pourquoi mon corps bascule, Amont et le médecin ont laissé place au plafond. Mes genoux cèdent sous moi, et je me vois tomber au ralenti. Je devrais être inquiète de cette situation et pourtant mais esprit analyse le moment autrement. J’ai poussé mon corps trop loin. J’aurais dû me reposer et faire confiance au médecin des Chiens plutôt que de vouloir soigner Seö. Seö… non. Seö est à moi, je ne pourrai jamais cesser de m’occuper de lui. Il m’aime j’en suis sûre. Son baiser était chaud, son contact était tendre. Son cœur s’est ouvert à moi et le mien au sien et sans un mot nous nous sommes tout dit. Quel dommage que cela n’est pas duré toujours. Seö…

Penser à lui le fait apparaitre dans ma vision chancelante. Je n’aurai pas cru qu’il puisse se déplacer aussi vite, pas avec ses blessures. Pourtant il est là, qui me prend dans ses bras, après tout c’est un elfe, un être hors du commun. Pourquoi m’a-t-il choisi ? Peut-être se joue-t-il de moi. Non, je sais que c’est réciproque, ce n’était pas prémédité, c’était instinctif, comme cette gêne plaisante que nous avons connu le jour de nos retrouvailles. Aujourd’hui, je suis dans ses bras. Nous nous sommes embrassés et il a su embraser mon cœur d’un sentiment que je connaissais mais qu’il a su décupler. Maintenant je repose dans ses bras. Ce n’est pas l’étreinte que nous avons eu tout à l’heure mais l’effet pour moi est le même. Avec mes dernières forces et consciences, je me blottis contre lui, puis perd connaissance, le sourire aux lèvres.

Je flotte dans un autre monde. Plus blanc et lumineux, plus doux et plus chaud. Une silhouette s’agite au-dessus de moi. Je ne la reconnais pas, mais je sais qui elle est. Je lui souris dans mon rêve. Une partie inconsciente de moi se réjouie de ce contact avec l’elfe qui pour une raison inconnue ravi mon cœur par le simple fait d’exister. La partie consciente de mon esprit se contente de savourer l’instant. Mon corps est si lourd, en quête de repos. Mais je résiste. Cette sensation est bien trop agréable pour qu’elle cesse. Toutefois, je me sens partir, m’éloigner de ce bonheur intense. Finalement, le noir m’enveloppe alors que je plonge dans un sommeil profond et réparateur. Ma dernière pensée fut pour celui qui prenait soin de moi. Seö

Un frémissement me ramena doucement à la surface. Je remonte doucement vers la réalité. Un bruit faussement régulier frappe mes oreilles faiblement. Un crissement et de petit choc. L’odeur de l’endroit est étrange, un mélange d’humidité, d’odeur humaine, de plantes, de forêt. Je tressaille légèrement, car le fond de l’air est frais. Sous ma main gauche et contre mon bras gauche, je peux sentir quelque chose de doux, chaud. Il me faut un instant pour reconnaitre de la fourrure. Je sens les battements de cœur du renard. Ma main bouge lentement, en un geste hésitant, remontant le corps de l’animal et redescendant en une caresse. Il se met à bouger. De petites pressions apparaissent sur mon épaule puis un objet humide me touche la joue, provocant des petites chatouilles. C’est la truffe du renard, et je rigole doucement, un acte qui me fait un peu mal au ventre. J’ai donc des courbatures.
Le renard commence à me lécher le visage. Je ramène doucement mes bras, retenant un râle de douleur devant l’effort. Je recule tendrement la tête du renard et ouvre les yeux. Je souris au rouquin en lui grattant l’arrière des oreilles. J’essaye de me redresser, mais de violents vertiges me prennent alors que je n’arrive même pas à soulever les épaules. Poussa un soupir, je tourne ma tête vers Seö. Je souris encore plus fortement, en repensant à notre baiser. C’était peut-être un rêve, mais alors un rêve qui m’a révélé ce que je ressens vraiment pour l’elfe. Plus fort que l’amitié, plus tendre que de la fraternité, mettre un mot à ce sentiment me fait un peu peur. C’est de l’Amour. Pourtant, une infime partie de moi récalcitre devant cet amour. J’ignore son âge, mais il sera toujours plus âgé que moi, mais surtout, il ne vieillira pas comme moi. Cependant, ces sombres pensées ne m’effleurent pas, j’en suis parfaitement inconsciente.

Seö dort paisiblement, les bras derrière la tête. Comme j’aimerai me coller à lui, l’enlaçait. Mais je suis trop faible et je ne veux pas le réveiller. Le renard s’allonge sur ma poitrine et me regarde, incrédule. Je lui caresse la tête distraitement, réfléchissant à la santé de l’elfe et la mienne. Vu mon état de fatigue, chaque mouvement de mon corps étant douloureux, l’épuisement magique quasi-totale, il me faudrait plusieurs mois de repos pour retrouver une forme correcte. Des mois que je ne pourrais pas passer en présence de Seö. Ma décision fut prise. Je ne pouvais pas me permettre une longue période de rétablissement. La caravane allait finir son voyage et je ne voulais pas tenir le lit alors qu’il y avait tant de chose à découvrir.

J’essaye de bouger le renard de ma poitrine, mais l’animal ne comprend pas mon intention, et pense que je veux jouer avec lui. Il se mets à mordiller gentiment ma main droite. Je la repose donc à côté de moi, exténuer par l’effort, pourtant faible. Le renard la suit et recommence à jouer avec. Je n’ai vraiment pas la force de m’opposer à lui. Je ramène alors mes bras en croix sur ma poitrine et exhale profondément, activant un cocon de soin, qui accélèrera ma convalescence. Une source m’enveloppe et je plonge une nouvelle fois dans une inconscience vide. En cas de danger, je ne pourrais pas me réveiller. Mais tout va bien, Seö veille sur moi.

Quand je rouvre les yeux. Je n’ai plus mal nulle part. Je me sens encore un peu étourdi, comme au réveil d’un profond sommeil, mais mon corps n’est plus douloureux et mes mouvements sont aisés. Je ressens l’énergie magique en moi. Je me forte les yeux et m’étire avant de me redresser. Il fait froid dans la caravane. Il n’y a personne à mes côtés, ni le renard ni Seö. Une angoisse me prend devant leur absence. Que leur est-il arrivé ? Probablement rien me raisonne-je, ils sont partis faire un tour. Puis je remarque que le chariot ne bouge pas. Et qu’il y a d’étranges bruit étouffer à l’extérieur. Je me lève doucement, notant que la robe que je porte est la même que celle du jour de notre sinistre rencontre. J’ouvre la porte vers l’extérieur.

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Je me réveillais en douceur, l’esprit encore embrumé. Le soleil devait déjà être haut dans le ciel, à en juger par la lumière qui filtrait de la toile tendue qui enrobait le chariot. Je me redressais doucement, le torse toujours légèrement douloureux, glissant alors en dehors de la couette, et tâchant de me remémorer les évènements de la nuit. Assis sur le couchage, je jetais alors un œil à Aurore qui dormait paisiblement à mes côtés, le renard lové contre elle. Je pouvais sentir sa magie à l’œuvre, ce qui me permit de comprendre rapidement que la baptistrelle usait de ses soins pour accélérer sa convalescence. J’aurais aimé pouvoir l’aider plus que je ne le faisais tant je me sentais coupable de son état, mais je n’étais pas soigneur. La seule chose que je pouvais faire à présent, c’était veiller sur elle, sur son repos et sa guérison.

Je gardais mes yeux posés sur son visage endormi, un léger sourire naissant sur le mien alors que je repensais à notre nuit. Je posais à nouveau le dos de ma main sur son front, constatant que la fièvre s’en était allée. Instinctivement, ma main glissa alors sur sa joue en une tendre caresse, mes pensées dérivant sur ce qui nous était arrivé cette nuit. J’avais pris conscience des sentiments qui m’unissaient à la jeune femme, et, prit d’une sorte de pulsion, d’une folie insensée, je les lui avais dévoilés silencieusement. D’aucun aurait pu dire qu’il ne s’agissait que de la conséquence de ce que nous avions vécu, et de cette dramatique soirée qui nous avait tant rapproché, mais je savais que ce n’était pas le cas. Non, ces sentiments étaient déjà bien antérieurs à cet évènement. La joie de nos retrouvailles, ce léger manque qui m’avait étreint le cœur après notre séparation et qui avait persisté, attendant sereinement l’heure où il serait enfin satisfait. J’aimais la jeune femme et elle m’aimait en retour. Toutes les réflexions possibles et imaginables sur la viabilité d’un couple aussi particulier que le nôtre ne m’atteignaient même pas. Je voulais juste vivre à ses côtés, et partager sa vie. Ce besoin était bien plus puissant que tout ce que l’aventure, l’amitié, ou la fraternité n’avaient jamais pu faire naitre en moi.

Maintenant que nous étions tous deux hors de danger, et que je savais que sa guérison était assurée, quand bien même elle puisse être longue, je glissais doucement un regard vers notre avenir, qui me paraissait bien moins sombre à présent que la baptistrelle endormie était à mes côtés. Je devais bien avouer que regarder son visage angélique et apaisé faisait naitre en moi l’envie de m’emparer de ses lèvres à nouveau, et d’à nouveau goûter à cet instant si particulier où rien d’autre n’existait à part elle, moi, et notre union. Une légère crainte s’éveilla dans mon cœur, comme une lente mélopée progressant doucement au crescendo. J’étais certain de ce que j’éprouvais pour elle, mais en était-il de même de son côté ? N’avait-elle pas simplement cédé à une pulsion primaire que la peur et la crainte de perdre un ami avaient amplifié au point de ne plus la rendre supportable ? Non, la jeune femme était trop pure, trop douce, pour que je puisse avoir de telles pensées. Elle avait après tout conservé la fleur offerte lors de notre première rencontre, comme un fragment de mon âme qui lui était resté attaché durant tout ce temps, alors que je rêvais, inconsciemment et en secret, d’avoir un jour la joie de replonger mon regard dans l’azur de ses yeux, et de partager à nouveau, ne serait-ce que quelques secondes, un instant à ses côtés. Une puissante vague de chaleur étreignit alors ma poitrine, tant je peinais à me raccrocher à la réalité. Non pas que je n’étais pas heureux, c’était d’ailleurs parfaitement l’inverse, mais tout était arrivé si vite que je n’arrivais pas à apprécier ma chance à sa juste valeur. J’aurais pu rester assis des heures à simplement regarder la jeune femme dormir paisiblement tant l’instant me semblait doux et unique.

Le mouvement du renard me tira alors de mes pensées oniriques. Ce dernier s’était doucement relevé, étirant ses pattes. Il me jeta un coup d’œil, ainsi qu’à la baptistrelle, puis il sauta au sol avant de disparaitre dans le pan ouvert de la toile. Notre ami était après tout un animal sauvage, et l’appel de la nature, ainsi que son instinct de chasseur, devaient former un appel trop fort pour qu’il ne puisse espérer y résister. Il nous laissa alors seuls, et le silence s’installa à nouveau. Je me glissais délicatement hors des draps, veillant à ne pas réveiller mon amante endormie. J’aurais préféré rester à ses côtés, mais je savais que la plupart des habitants de la caravane devaient attendre des nouvelles de leur guérisseuse. Je veillais donc à ce que les couvertures, après mon départ, ne laissent pas la peau de la baptistrelle à la merci du froid, puis, dans la plus grande discrétion qu’il m’était possible d’observer, j’enfilais mes bottes enchantées à l’aide de mouvements délicats. Mes cicatrices encore fraiches tiraient un peu sur ma peau, mais je savais qu’elles n’avaient aucune chance de se rouvrir.

Lorsque j’entrouvris la toile, le soleil m’aveugla brutalement. Il fallait dire que mes pupilles n’avaient plus été habituées à sa clarté depuis quelques jours maintenant. Le contact brûlant des rayons de l’astre solaire réchauffèrent mon corps, et je fermais les yeux pour profiter de cette douce chaleur. La tempête était finalement passée et le terrain, bien qu’encore gorgé de l’ondée de la nuit, semblait avoir retrouvé sa sérénité. L’air redevenait doux, tranquillement, et le grand ciel bleu annonçait une journée radieuse, bien qu’elle fût déjà bien avancée. Je mis alors ma main en visière, laissant ma vue s’habituer, et constatant, au vu de la courbe de l’astre, que nous étions en début d’après-midi. Je jetais alors un regard à Aurore, regrettant de l’abandonner à ses songes durant quelques instants, puis je posais pied sur la terre légèrement spongieuse. Il ne faisait pas si froid, puisque, même torse nu, l’air ambiant ne me faisait pas frissonner, et les environs étaient, pour l’instant déserts.

Je me mis alors en quête de la diligence des chiens, afin d’y retrouver le capitaine, ainsi que le médecin, pour les rassurer au sujet de l’état de la baptistrelle. Alors que je me rapprochais du centre organisé de la ville nomade, je sentis de plus en plus le poids des regards sur mes épaules. Les gens avaient dû, par diverses rumeurs, être mis au courant de nos états respectifs. Même s’ils avaient peu de raisons de s’inquiéter pour moi, un inconnu, il n’en était pas de même pour la jeune femme qui les accompagnait depuis le début de leur périple. Mais, leurs attitudes, à tous, me surprit un peu. Si je m’étais attendu à une avalanche de question qui aurait pu me mettre mal à l’aise, il n’en fut rien. La décence, et la courtoisie qui découlait de l’attitude des colons me réchauffèrent le cœur. Ils se contentaient de me saluer, ou de me sourire avec douceur, comme s’ils étaient soulagés de me voir en bonne santé, sans pour autant me connaitre le moins du monde. Les rares enfants qui s’aventuraient près de moi, plus audacieux que leurs ainés, étaient rapidement rattrapés par ces derniers. Ces petites scènes m’arrachèrent un sourire, et je compris pourquoi Aurore semblait si sereine en leur compagnie.

Après avoir erré quelques minutes, et demandé mon chemin plusieurs fois aux familles que je pouvais croiser, j’arrivais finalement devant la tente du capitaine, dressée provisoirement aux côtés de celles de ses hommes. Je m’annonçais, et la voix grave du quarantenaire m’indiqua d’entrer. L’homme avait l’air particulièrement heureux de me voir, et soulagé aussi. Il fallait dire qu’Aurore et moi lui avions causé de bien belles frayeurs quelques jours auparavant, et que tout était à présent rentré dans l’ordre. Je le remerciais à mon tour pour toute l’aide qu’il nous avait apportée, avant de lui faire état de la santé de la jeune femme et de la mienne. L’homme ne cacha pas sa joie de pouvoir annoncer, finalement, une bonne nouvelle au reste de la caravane, éclatant de rire et m’assénant une grande tape dans le dos, avant d’immédiatement s’excuser d’avoir eu une attitude aussi violente envers un convalescent. Je le rassurais, lui souriant amicalement, et, estimant ma tâche remplie, je tournais les talons vers le chariot où m’attendait, endormie, la femme dont j’étais épris. La voix du capitaine m’arrêta un instant.

« Des nouvelles comme celles que vous venez de m’apporter s’accompagnent souvent d’une petite fête, afin de remonter le moral de la caravane. Comptez-vous être des nôtres ce soir ? » Me demanda-t-il, même si je savais qu’il se doutait de ma probable réponse. Ne me retournant pas complètement, lui jetant simplement un regard par-dessus mon épaule, je lui répondais, sur un ton ferme, mais amical.

« Je vous remercie Sire O’Malay. Mais j’aurais tout le loisir de fêter cette nouvelle avec Aurore lorsqu’elle sera réveillée. » Pensant ma réponse un peu brutale, et la brutalité n’étant en rien dans mes intentions, j’ajoutais, sur un ton plus léger. « Après tout, je suis encore convalescent, et je ne voudrais pas m’attirer l’ire d’une baptistrelle si je venais à faire trop d’efforts. » Finis-je, avant de sortir de la tente.

Je retournais tranquillement auprès de mon amante. Elle était toujours endormie, dans la même position qu’auparavant. Je repris alors place à ses côtés, sans toutefois m’allonger, restant assis contre la tête de notre couchage. Je fermais alors les yeux, heureux de sentir le corps de la jeune femme non loin du mien. Son souffle était doux, régulier, battant une mesure tranquille et apaisante. Cette même mesure qui commença doucement à me bercer, commençant à me faire sombrer dans les bras de Morphée. Je m’allongeais donc à mon tour, profitant de cet instant de paix pour récupérer encore un peu de forces. Mon sommeil ne fut pas bien profond, même s’il fut réparateur. J’entendis, dans la soirée, les éclats de voix et les bruits de fête au loin, mais je n’y prêtais pas plus d’attention. Seule comptait Aurore et sa présence.

Le lendemain, je me réveillais cette fois alors que le crépuscule dardait ses derniers rayons de soleil sur la caravane, et force était de constater que j’allais beaucoup mieux. Mon corps était guéri, et, même s’il allait surement falloir encore quelques temps avant que je ne sois capable, je me sentais tout de même bien mieux. Comme à chaque fois que je m’éveillais, la prochaine chose que je fis fut de m’enquérir de l’état de santé de la jeune femme qui dormait toujours près de moi. Le flux magique qui entourait son corps avait disparu, du moins, je ne le sentais plus en activité, mais la femme que j’aimais avait repris de ses couleurs, emplissant mon cœur d’un profond soulagement. Et d’une petite crainte, qui commença doucement à poindre. Mais je la chassais bien vite, m’asseyant à nouveau contre la tête du lit. J’entendis alors un glapissement, à l’extérieur du chariot. Il s’agissait probablement du goupil qui attendait une invitation pour remonter, visiblement sensible à la fragilité de l’état d’Aurore. J’enfilais alors mes bottes, avant de me rendre à l’entrée de notre couchage de fortune, écartant le tissu davantage, et glissant la tête dehors.

Le renard attendait, assis tranquillement face au chariot. Lorsqu’il me vit, il fit demi-tour, avant de partir en courant vers la forêt, s’arrêtant à sa lisière, et glapissant à nouveau à mon encontre. Il voulait que je le suive, et je fronçais un instant les sourcils, n’ayant pas envie d’abandonner la baptistrelle alors que la nuit était en train de tomber. Mais mon ami animal n’en démordait pas. Il continuait inlassablement son manège. Je vis alors deux soldats qui patrouillaient, ce qui me rassura un peu. Les chiens étaient des mercenaires de très haute réputation, et, plus curieux encore, parmi les rares guerriers auxquels je pouvais accorder ma confiance. Soucieux de ne pas perdre de temps, je ne pris pas le temps d’enfiler un haut, restant torse nu, en pantalon et en bottes, et m’élançant à la suite de l’animal.

Je veillais à ne pas trop forcer, même si mon corps répondait plutôt bien aux impulsions de mon esprit, et que l’énergie coulait à flot dans mon être. La course me fit du bien aérant mon esprit, et l’ordonnant à nouveau. Pourtant, l’image de la jeune femme n’en disparaissait jamais, présente à chacun de mes pas à travers la forêt. J’avais la sensation que, depuis que je l’avais retrouvée, les sensations que pouvaient m’apporter mes errances solitaires ne seraient plus jamais les mêmes. Elles ne seraient plus aussi belles, pures et enivrantes que celles que me procuraient tous les moments que je pouvais passer en compagnie de la femme dont j’avais découvert être épris.

Mes pensées, et mon guide animal, m’amenèrent à nouveau dans une clairière, illuminée seulement par la Lune naissante. Le renard s’était assis, sagement, au pied d’un nouveau buisson aux fleurs irisées. Moi qui n’aurais jamais pensé en revoir, voilà quand l’espace de quelques jours, c’était la deuxième fois que je me trouvais devant un buisson de fleurs élémentaires. Ces dernières étaient toujours aussi belles, et leur pétales toujours aussi fascinantes. Je m’approchais doucement, pensant à la forte symbolique qu’elles avaient pour moi. L’image de la jeune baptistrelle y était attachée à jamais. Le regard plongé dans l’arc-en-ciel de couleurs que m’offraient les pétales, je ne remarquais pas que le renard était reparti en direction du campement.

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Le fond de l’air est frais et me fait frissonner. Le ciel est couvert, comme depuis quelques jours, mais au moins il ne pleut pas. Je ne crains pas la pluie mais vu mon état et malgré mon rétablissement magique je crains de tomber malade. Je m’apprête à aller chercher une couverture pour me couvrir mais j’aperçois alors le renard. Il sera de la forêt en trottant, regardant avec méfiance les abords de la forêt, et ne voyant pas d’autres humains, il se dirige vers moi. Puis il fait des petits cabriolent pour m’inviter à le suivre. J’hésite un instant. Si jamais Seö revenait et que je n’étais pas là ? Et si le renard voulait me mener à lui. Et s’il voulait me montrer autre chose. La curiosité l’emporte sur la prudence.

Je referme la porte derrière moi et suis le renard. La forêt a des formes lugubres sous le crépuscule et la pénombre qui s’installe. La luminosité entre chien et loup rend les détails difficiles à percevoir. Le renard semble presser, mais je préfère assurer le posé de mes pieds et ne pas m’épuiser car ma convalescence n’est pas encore terminée. Le temps d’arriver à destination, la lune s’est levée et les nuages lui ont laissé la place pour illuminer la clairière d’une blanche clarté.

Le renard rejoint à buisson qui brille de mille couleurs à la lueur de l’astre nocturne. Je ne reconnais pas la clairière de la dernière fois mais je sais que ce buisson a des fleurs élémentaires. Je m’arrête à l’entrée de la clairière, regarda la silhouette qui me tourne le dos. Je n’ai pas peur d’elle car j’ai reconnu l’elfe qui m’a ravi le cœur. Pourtant j’appréhende ces fausses retrouvailles. Des doutes m’assaillent. S’il n’avait fait que réagir à mes soins ? Et si la proximité de la mort et la victoire de la vie l’avait poussé à m’embrasser plus que des sentiments ? Et s’il ne m’aimait tout simplement pas comme je l’aime. Le voyant de dos, devant ce buisson, éclairé par la lune, je le sais maintenant : je l’aime. C’est tellement évident. Dès ma chute de l’arbre, je l’ai aimé. Même terrifié, une partie de moi se sentait attirer par lui.

Je meurs d’envie de courir le prendre dans mes bras, le serrer. Mais je suis assailli de doutes alors je reste sur place en regardant l’elfe que j’aime. Le renard lui signale ma présence en arrachant une fleur du buisson et en me l’apportant. Il me grimpe dessus à l’aide de ses pattes avant en jappant les dents serrées. Instinctivement, comme s’il avait parlé, je comprends ce qu’il veut. Je tire de ma sacoche, le bocal, l’ouvre puis prends la fleur qu’il me tend et qui rejoint les deux autres. Il a raison, il fait partie en quelque sorte de notre relation. Il était là au début et a servi de lien entre nous sans qu’on s’en rende compte.

Je referme le bocal sur les trois fleurs, marquant notre union. Puis je reporte mon attention vers Seö. Je lui souris timidement, mais baisse un peu la tête. Je ne sais pas quoi faire. Aller vers lui ? L’enlacer ? L’embrasser ? Et je ne sais toujours pas comment il réagira. Alors je reste là, bêtement, sous le regard du renard qui alterne le sien entre moi et l’elfe.

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Le temps qui suivit le départ du renard semblait s’être arrêté. Seul, au milieu de la clairière, j’attendais, comme instinctivement, le retour de l’animal. Après tout, il n’avait en rien perdu sa liberté et son caractère sauvage. Pourtant, j’avais l’impression que, silencieusement, il m’avait demandé de rester ici, de prendre mon mal en patience, et de résister au froid qui commençait progressivement à m’assaillir. Après tout, je n’avais pour seul vêtement sur la partie haute du corps que les bandages qui protégeaient mes fraiches cicatrices. Je détournais alors le regard sur le buisson aux fleurs multicolores. Je ne pus vraiment dire combien de temps j’étais resté là, contemplant simplement les reflets irisés et les couleurs de ce qui avait autrefois été l’occasion d’une magnifique rencontre. Cette dernière semblait avoir germé, pour finalement éclore, timide, fragile, et inquiète de s’ouvrir pour la première fois au monde.

Un bruit me fit alors sortir de mes pensées oniriques, et je tournais la tête. Le goupil était revenu, et avait récolté l’une de ces fleurs si spéciales. Je le suivais alors du regard, et je me relevais lorsque j’aperçus finalement la personne vers qui il se dirigeait. Aurore s’était finalement réveillée, et se tenait debout, devant moi. La jeune baptistrelle était toujours aussi magnifique, et ma poitrine s’embrasa à nouveau. Elle récolta avec douceur la fleur du renard dans le bocal où les deux nôtres cohabitaient désormais, scellant ainsi une promesse secrète dont seul notre trio pouvait en comprendre l’importance et la signification. Elle se releva ensuite, me faisant face avec douceur, un sourire timide aux lèvres. Même légèrement caché, ou peu assuré, son sourire fait, depuis notre rencontre, battre mon cœur un peu plus vite, et toute mon âme cria alors à mon corps d’aller à sa rencontre, de l’étreindre pour ne plus jamais être loin d’elle, de l’embrasser pour que nos deux âmes si proches se réunissent à nouveau pour éternellement fusionner. Mais je restais immobile, les muscles tétanisés. Non, la voir ainsi, cet instant était trop beau pour qu’aucune de mes actions ne viennent risquer de l’entacher. Mais l’appel se fait plus fort, plus intense, comme si une force invisible, qui n’avait jamais cessé de nous rapprocher et de nous lier, me poussait vers elle. Une sensation plus forte que toutes les autres, comme un élan irrépressible qui me poussait vers l’avant. Aurore n’était pas simplement une amie, elle n’était pas non plus une sœur, ni une amante de passage. Elle était-elle, tout simplement, âme sœur qui m’attendait depuis déjà bien trop longtemps, bien qu’inconsciemment, et que tout mon être aspirait à retrouver.

L’effort me parut colossal, pourtant, le pas en avant ne paraissait pas l’être. Il ne s’agissait que d’un pas, mais je brisais alors un tableau magique qui témoignait de notre union. Mais la force, celle qui me poussait vers la jeune femme, était bien plus forte que tout. Imposante, impétueuse, mais à la fois douce et calme comme le courant d’une rivière qui progresse, lentement mais surement, vers sa destination. Je m’approchais alors doucement de la jeune femme, sans la quitter une seule seconde des yeux. Le froid ou le monde extérieur n’avait plus d’emprise sur moi. Lorsque nos corps ne furent qu’à une dizaine de centimètre l’un de l’autre, la tête baissée vers le visage d’Aurore, je m’arrêtais. J’avais l’impression d’être trop maladroit, trop cavalier ou encore de ne pas mériter ce moment, mais je tachais d’écarter ces pensées. Comme la première fois où j’avais uni mes lèvres aux siennes, plongeant dans l’inconnu, je posais ma main sur sa joue, avec douceur, me contentant d’apprécier ce moment où seuls nos souffles, et rien d’autre, ne se mêlaient.

Un bruit fit tressailler mes oreilles d’elfes, mettant fin à cet instant magique. Je me concentrais doucement, puis des cris se firent entendre. Pas vindicatifs, non, il s’agissait de cris d’inquiétude, comme des soldats qui communiquent dans la nuit noire pour s’assurer que leurs compatriotes ne sont pas loin d’eux. Ils devinrent rapidement audibles pour la jeune humaine, comme pour moi. Et je me figeais, réfléchissant à toute vitesse.

« Capitaine ! Vous les avez trouvés ? » Cria une voix, loin dans l’obscurité. « Non ! Continuez vos recherches, je refuse qu’il arrive un nouveau drame au sein de cette caravane ! » Répondit alors une voix plus autoritaire, que nous connaissions tous les deux comme étant celle du capitaine des chiens.

La situation tombait sous le sens. Nous avions disparu et, jouant de malchance, il avait suffi que le médecin ne jette un œil pour s’assurer de notre état pour qu’il sonne l’alarme. Et comment les en blâmer, au vu de tout ce qui s’était déjà passé durant notre dernière escapade. Pourtant, cette fois, je n’avais pas envie d’aller à leur rencontre pour les rassurer. Amont, ainsi que le capitaine, m’avaient déjà inconsciemment volé deux des plus beaux moments de ma vie, et, pour cette fois, et cette fois seulement me promis-je, j’allais me montrer égoïste. Je fis alors un sourire à Aurore, prenant sa main, et l’entrainant à ma suite pour nous éloigner de la source des voix. Je courais à une vitesse très modérée, veillant à ce qu’elle ne s’épuise pas trop. Nous étions tous deux convalescents, et j’accordais une trop grande importance à la santé et à la vie de la jeune femme pour prendre de trop grands risques. Mais la battue fraternelle organisée pour nous retrouver était bien organisée, et j’avouais avoir un peu de mal à lui échapper. Je pris alors la jeune femme dans mes bras, accélérant légèrement l’allure, et éclatant presque d’un rire enfantin. Nous étions pareils à un amour adolescent que les valeurs et vertus familiales s’efforçaient de mettre à mal, mais qui, louvoyant et insaisissable, cherchait toujours à échapper à cette fatalité.

Nous arrivâmes devant une petite rivière, qui mit fin à notre course. Derrière, les pas se rapprochaient doucement. Je vis alors un arbre, légèrement isolé, presque au bord de l’eau, qui s’élevait comme notre salut. Je m’y dirigeais alors, déposant Aurore et nous cachant à la vue de nos amicaux poursuivant. Les racines du géant silencieux formaient un abri, et la mousse couplée à l’herbe fraiche une couche de fortune. Soucieux d’échapper au regard de la troupe du capitaine, nous nous blottîmes inconsciemment l’un contre l’autre, protégés par les fondations de notre ami immobile. Jetant un regard et un sourire légèrement malicieux et enfantin à Aurore, je passais rapidement la tête au-dessus de notre abri pour constater que les recherches s’étaient tournées dans une autre direction. Je revins alors aux côtés de la jeune femme que j’aimais.

Nous nous retrouvâmes alors allongé l’un contre l’autre sur un confortable tapis de mousse et d’herbe, sans personne autour de nous qui ne puisse une nouvelle fois espérer gâcher cet instant. Mais ce qui m’avait tétanisé revint alors que je plongeais mon regard dans les yeux azurs de la jeune femme. Elle était celle que j’aimais, et que j’aimerais pour le reste de ma vie, mais je ne savais pas quoi faire. Tout autour d’elle me semblait flou, vague, et indigne d’un quelconque intérêt. Allongé face à elle, je passais une nouvelle fois, timidement, ma main sur sa joue, ôtant une boucle blonde qui s’y était aventurée. Doucement, je me laissais à nouveau gagner par cette force irrépressible, et j’approchais mes lèvres des siennes.

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Je n’ose pas le regarder dans les yeux. Je crains de ne pas y lire ce que je voudrai y lire. Je crains de ne pas y voir l’amour que j’ai pour lui, et qui n’a cessé de grandir depuis notre séparation. Je crains qu’il ne veuille pas combler ce vide qu’il a laissé sans que je me rende compte. Il est là, illuminé par la lune, par les étoiles. Son torse nu luit sous cette clarté timide, mat sous les bandages, marqué par ses cicatrices anciennes. Son regard est doux, je le devine dans cette obscurité. Mais je n’ose pas le regarder de peur de me tromper.

L’instant s’étend à l’infini, la tension est douce, presque délicieuse, car c’est adorable, on se devine à peine. Je ne vois que la blancheur d’un corps blessé, lui ne vois que le bleuté de ma robe déchirée. Sous les frondaisons, je ne suis qu’une ombre, il n’est que clarté. C’est si délicieux, si nouveau pour moi. C’est si nouveau, un amour sincère, la peur d’être rejeté au cœur me resserre. Un élan soudain et je veux me lancer dans ses bras, mais le temps s’écoule et retient ma course. Je voudrai lui dire tous ces mots que je retiens depuis trop longtemps sans le deviner : je t’aime, j’étouffe, je suis folle, je n’en peux plus c’est trop. Son nom est dans mon cœur comme un grelot, tout le temps le grelot s’agite et je frissonne, tout le temps le grelot frissonne et le nom de Seö résonne. Ce sentiment qui m’envahit, terrible et jaloux, c’est vraiment de l’amour, il en a toute la furie triste. De l’amour, et pourtant il n’est pas égoïste. Que pour son bonheur, je donnerai le mien, quand même il ne devrait n’e savoir jamais rien, s’il pouvait parfois de loin, j’entendisse, rire un peu le bonheur né de mon sacrifice. Chaque regard de lui suscite une vertu nouvelle. Vraiment ce soi c’est trop beau, c’est trop doux. Cette nuit, ces parfums, cette heure, cette Nature, je me laisse d’un seul regard de ses astres, désarmée de tout ce qui est artificiel. Je crains encore une fois. Je crains tant que notre alchimie exquise, le vrai du sentiment, ne se volatilise et que l’âme ne se vide à ces passe-temps vains, et que le fin du fin ne soit la fin des fins. Il n’y a pas de mots pour habiller cet instant car chaque mot rendrait triste cette situation. Je plains ceux qui ne connaitront jamais de l’amour ces doux artifices.

L’elfe fait enfin un peu en avant puis un autre. Il se rapproche et son approche ne brise en rien la douce agonie qui nous étreint. Je relève la tête et regarde cet être que j’aime de tout le mien. Ce ne sont pas mes yeux qui le voient mais mon cœur. Il est devant moi maintenant et je peux sentir sa chaleur et son amour. La peur et les craintes s’envolent, il ne reste que nous quatre. Une jeune femme, un bel elfe, un renard et l’Amour. Les dieux eux-mêmes bénissent dans leur exile ce moment de bonheur ultime. Sa main sur ma joue et comme une promesse. Je pose ma main sur la sienne, ferme les yeux et avance doucement mes lèvres vers les sienne. Il viendra ce moment de vertige enivré où nos bouches iront l’une vers l’autre.

Mais son geste est arrêté. Mon cœur est paralysé. Je ne comprends pas ce qui l’en empêche. Je suis tout à lui et il ne me prend pas. Je rouvre les yeux, qui plonge tout de suite dans les siens. Son sourire est une promesse, et l’instant, sans ce baiser, était finalement exquis à souhait. Sa main se glisse dans la mienne, et il m’entraine à sa suite, plus loin dans le bois. L’amour rien aveugle et le souvenir d’une course dans les bois, il y a si peu, ne me vient même pas. Puis il m’enlace et me porte à bout de bras. Je me colle à lui, tout contre son torse, écoutant son cœur battant, les yeux fermés.

Il courut éternellement, mon âme dans la sienne. Puis le chant de l’eau revint à mes oreilles et il me dépose. Je regarde où il m’a emmenée. Les racines d’un grand arbre forme un abri idyllique. L’elfe semble surveiller quelque chose, mais quoi. Je ne sais et je m’en moque, seul Seö compte. Il revient vers moi et je me colle à la lui.

Sa main revient prendre sa place sur ma joue. Son visage s’avance doucement vers le mien. Un baiser. Un nouveau baiser. Mais à tout prendre qu’est-ce. Un serment fait d’un peu plus près, une promesse plus précise, un aveu qui se confirme. Un point rose qui se met sur le i du verbe aimer. Cette attente est trop longue. Je presse mes lèvres contre les siennes, transformant ces années d’attente en instant d’infini. C’est une communion au goût de fleurs. Ma main sur son torse remonte et se glisse derrière sa tête, le pressant doucement contre moi.

L’air est froid, mais je ne le sens pas. Il y a des voix, mais je ne les entends pas. L’instant est trop doux, l’instant et trop lent. Je recule après quelques secondes de cette pression. Je regarde Seö dans les yeux. Je devrais lui dire, il doit savoir ce que je ressens pour lui. Mais hélas, rien ne sort, rien ne vient. Les mots seraient des poisons à cet instant si tendre. Je lui souris, enlaçant son cou, glissant mon visage dans sa nuque. Je respire ses cheveux courts. La mousse est confortable, ma main gauche court sur son torse, suit les contours de des cicatrices qui marquent son coup, des bandages qui protègent ses plaies.

La rivière chante une chanson que je connais et je sens l’humidité s’infiltrer sous ma robe. La nuit sera fraîche et si ce moment est parfait, je ne peux me permettre de le faire durer. Mon esprit de guérisseuse chasse peu à peu la jeune fille. Cela prend du temps. Un temps pendant lequel, sans un mot, j’enlace Seö et échange avec lui des baisers passionnés. L’amour me tien chaud un temps, et il aurait pu le faire éternellement. Mais la raison est souvent la plus forte et le cœur doit s’avouer vaincu.

Je me redresse doucement. D’une voix douce mais qui brise l’harmonie du silence. Seö… Je… Je pense qu’on devrait rentrer maintenant. Les autres risquent de s’inquiéter et de partir à notre recherche. Je ne veux pas qu’ils interrompent un instant de ce que nous vivons. Je… Je… Pourquoi les mots sont si durs à sortir. C’est la vérité de mon cœur, mais je n’arrive pas à les exprimer. Je suis heureuse que tu m’es retrouvé. Je dépose un dernier baiser sur ses lèvres chéries. Puis je l’aide à se relever.

Sur la route du retour, je me glisse sous bras, enlaça sa hanche, me serra contre lui. Je ne vois pas comment pour le moment je pourrai me détacher de lui. Le trajet se fait comme dans un autre monde. Je savoure chaque instant de cette marche et surveille chacune des réactions du corps de Seö. Son cœur bat normalement et ses plaies ne sont pas réouvertes. La préoccupation s’oppose à la passion dans cette balade nocturne.

Nous arrivons finalement à la caravane. Des feux sont allumés encore. Je ne change pas de position, peu m’importe qu’ils nous voient ainsi. Je ne voulais juste pas qu’ils nous gênent, comme Amont l’avait fait. Des hommes nous regardent passer et nous sourient d’un air entendu. Les familles doivent être couchées depuis longtemps, seuls les Chiens veillent. Leur Capitaine vint nous voir, un sourire inquiet sur le visage. La balade nocturne a été bonne ? Nous nous sommes inquiétés un peu mais le renard nous a fait comprendre que tout allait bien. Ne nous refaites plus jamais ça tout de même, pas avec le drame qui a eu lieu. Allez-vous reposer, vous en avez encore besoin. Sa voix n’était pas autoritaire, mais douce, comme celle d’un oncle conciliant après avoir surpris ses neveux faire une bêtise qu’il avait fait dans sa jeunesse.

J’emmène donc mon amant au chariot qui nous a été alloué. Nous nous allongeons et en appui sur un coude je le regarde droit dans les yeux. Merci. Merci d’être venu me chercher. Merci de m’avoir protégée. Merci d’exister. Mais, ne risque plus ta vie comme ça. Plus jamais. Ne me refait plus jamais ça. Je ne saurais ce que je deviendrai si tu disparaissais. Puis je ne lui laisse pas le temps de répondre. Je l’embrasse avec fougue et passion.

NdA :

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Mon cœur battait la chamade alors que j’approchais à nouveau du visage de la jeune femme. Ce moment que j’avais tant attendu, qui s’était enfin manifesté avant d’être brutalement interrompu, déjà à deux reprises, par le monde autour de nous. Par deux fois, nous avions été tirés de ces baisers à la douce saveur onirique, bien contre notre gré. Pourtant, cette fois, rien ne pourrait briser ce moment. Nous étions seuls, dissimulés par notre immense ami végétal, qui nous protégeait même de la vue de l’astre lunaire dont l’œil était tant attiré par les amants. Ainsi donc, plus personne ne pourrait attenter à notre geste, et il n’y aurait, une fois que nous aurions à nouveau plongé dans cet inconnu si terrifiant et délicieux à la fois, plus possibilité de faire une quelconque marche arrière. Nous goûtions alors à ces derniers instants, si intenses et éphémères, qui précéderaient l’union de nos deux âmes. Aurore prit les devants, comblant elle-même la distance qui séparait mes lèvres des siennes.

La même émotion que j’avais ressentie lorsque, pour la première fois, nos souffles s’étaient mêlés, envahit ma poitrine. Un flot brûlant de sensations et de sentiments m’envahirent alors que le corps de la jeune Baptistrelle se blottissait davantage contre le mien. Partageant ainsi nos cœurs et nos âmes, le temps sembla s’arrêter autour de nous. Notre union dura quelques secondes, ou quelques heures durant lesquelles notre étreinte fit de ce tumulte une douce harmonie. La sensation d’avoir enfin trouvé, en la jeune femme, une âme sœur comme les contes pour enfants pouvaient la décrire. Nos lèvres se détachèrent alors avec une douceur infinie, mais nos corps à l’unissons restèrent blottis l’un contre l’autre.

La jeune baptistrelle plongea alors son visage dans mon cou, et un grand frisson traversa mon échine, alors que mes bras raffermissaient notre étreinte. Aurore n’était pas seulement la femme que j’aimais, elle était mon monde, tout simplement. Un monde d’une douceur, d’une pureté et d’une beauté incomparable, que je ne pensais même pas mériter. Pourtant elle était là, elle m’avait choisi comme je l’avais choisie des années auparavant, sans même le savoir ou prétendre l’avoir supposé. Pour la première fois de mon existence, je me sentais à ma place. Que ce soit le destin, le hasard, ou un énième caprice de nos dieux disparus, le monde nous avait réuni, et nous avions enfin répondus à ses espoirs. Mon cœur était comblé, et l’instant aurait pu durer éternellement.

La jeune femme frissonna contre moi. L’air était frais et humide, et notre abri de fortune ne nous protégeais que des regards, pas des intempéries. Aurore se releva légèrement, et, alors que je croyais qu’elle allait se relever pour me proposer de rentrer au campement, au grand malheur de mon cœur qui m’exhortait de la retenir dans mes bras, elle posa à nouveau ses douces et chaudes lèvres sur les miennes. Notre union et nos baisers se firent alors plus pressant, plus brûlants, et plus passionnés à mesure que nous nous découvrions l’un l’autre. Comme une évidence, et comme si tout cela avait toujours été leur destinée, nos âmes chantaient à l’unisson. Je dessinais, du bout des doigts, les contours du dos de la jeune femme, la maintenant toujours contre moi alors que la légère pression de sa main derrière ma nuque faisait de même. Mais la réalité du monde finit par nous rattraper, et nos lèvres se détachèrent une nouvelle fois, alors que nos regards plongeaient l’un dans l’autre.

Même la voix d’Aurore semblait ravir mon cœur. Même si elle avait sans doute l’impression que sa raison avait interrompu ce moment, il n’en était rien. Elle était toujours là, à mes côtés, et je n’aurais pu être plus comblé que je ne l’étais ce soir. Elle peinait un peu à trouver ses mots, et comment pouvais-je l’en blâmer, moi-même n’arrivant même pas à lui dire à quel point je l’aimais, et à quel point elle était tout pour moi. Elle n’avait pas besoin de me remercier, car ces retrouvailles n’étaient que le fruit du besoin de nos âmes jumelles qui avaient passé trop de temps éloignées. Je hochais doucement la tête à sa proposition, et je me relevais, la main dans la sienne.

Le trajet retour fut comme un doux rêve. Bras dessus, bras dessous, comme deux amants de toujours, nous avancions dans la pénombre, seulement éclairés par les rayons de l’astre lunaire. Pourtant, ni le froid, ni l’inquiétude, ni la peur ne semblaient pouvoir nous atteindre. L’amour qui nous unissait semblait de taille à affronter, ce soir, n’importe quel obstacle tant son rayonnement paraissait intense. Aussi, tant j’appréciais ce moment, notre balade me parut bien trop courte, et le campement fût rapidement en vue. Mon cœur se réchauffa à nouveau lorsque je sentis que le bras d’Aurore ne souhaitait pas le moins du monde se desserrer de ma hanche. Il n’était plus temps de nous cacher aux yeux de tous, puisque, dans tous les cas, tout le monde était sûrement au courant des sentiments qui nous unissaient, la baptistrelle et moi.

Le capitaine, bienveillant, vint rapidement à notre rencontre, visiblement soulagé de nous revoir. S’il comprenait notre attitude, je comprenais également la sienne. Son attitude paternaliste me fit légèrement sourire, mais il avait raison, nous étions convalescents, et rester dans le froid ne nous aiderais pas à reprendre des forces. C’était ce que me dictais ma raison, mais le chant de mon âme était, lui, tout autre. Comme indéfectiblement liée à celle d’Aurore, elle n’aspirait qu’à la retrouver de nouveau. Notre si magique et merveilleuse nuit n’était pas encore finie, et je ne souhaitais qu’une chose : Dans la chaleur de notre foyer de fortune, retrouver la chaleur de la femme que j’aimais.

Une fois arrivés dans le chariot où nous avions, Aurore et moi, logé durant les derniers jours, nous nous allongeâmes l’un à côté de l’autre. J’écoutais alors la douce voix de la baptistrelle prendre la parole. Ce qu’elle me disait, les remerciements qu’elle me faisait, je pouvais les lui retourner. Elle m’avait sauvé, elle m’avait protégé, et, plus important pour mon âme encore, elle avait autant peur de me perdre que moi de la perdre. Dans aucun monde, que ce soit ici, ou ailleurs, autre part, passé ou futur, je ne pouvais envisager de passer une seule seconde, un seul instant, sans ressentir l’amour que je portais à Aurore, et qu’elle me portait en retour. La jeune femme ne me laissa pas le temps de lui répondre, et ses lèvres se posèrent à nouveau sur les miennes.

Notre étreinte fut incomparable à la première, et pourtant, les mêmes sentiments les animaient toutes les dents. Nos âmes prenaient doucement confiance l’une dans l’autre, et, assoiffées de cet amour qui nous enivrait tant, elles cherchaient à se découvrir plus profondément, plus intensément encore. Nos baisers se firent plus fougueux, et notre étreinte plus brûlante, alors qu’un tumulte de sentiments nouveaux envahissaient ma poitrine, comme si, jusque alors, mon existence entière n’avait été qu’un rêve dont je venais de me réveiller. Exister à ses yeux était tout ce que je demandais, tout ce qu’il me fallait, et tout ce qui comptait. Nous étions prédestinés à nous aimer, et mon être n’aurait su être complet sans cet amour. Après un long baiser au goût extatique, je reculais doucement mon visage, plongeant mon regard d’ambre dans le bleu des yeux d’Aurore, répondant, certes tardivement, à sa déclaration amoureuse.

« Aurore… Je… » Balbutiais-je, tâchant de trouver des mots sur ce que je ressentais. C’était si simple et si complexe à la fois. Le moment était trop doux, trop important. En un mot, je pouvais empoisonner les instants que nous vivions, et pourtant… Pourtant il fallait que je lui dise ce que je ressentais pour elle. « Je ne peux pas vivre sans toi, Aurore, je ne veux pas vivre sans toi. Je sais que tout ça est si soudain, je suis moi-même presque complètement perdu… » Dis-je, laissant échapper un petit éclat de rire nerveux, avant de me ragaillardir, et de trouver la force qui m’était nécessaire pour continuer. « Mais, si je suis sûr d’une seule chose, une seule… » Je pris une inspiration, et ce qui suivi ne fut qu’un souffle.

« Je t’aime Aurore, comme je n’aurais jamais pensé qu’il fut possible d’aimer. » Finis-je, le regard plongé dans le sien.

Tout ce que nous avions vécu, tout ce qui c’était passé depuis nos retrouvailles, cette soirée maudite durant laquelle nous avions failli être privés du bonheur de se trouver l’un l’autre, tout ça me semblait à présent dérisoire. Nous étions ensembles, nos âmes étaient comblées et, pourtant, je n’avais jamais autant douté, ni ressenti autant d’appréhension qu’en cet instant, alors que j’attendais la réaction de la baptistrelle blottie contre moi.

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Suis-je éveillée ? Ou alors est-ce un rêve ? Si c’est un rêve, je ne veux plus me réveiller. Si c’est la réalité, alors c’est que je suis morte, et que les dieux ont décidé de ne pas me ramener dans le monde des vivants pour me garder à leur côté, avec Seö comme gardien. Aucun bonheur ne peut être aussi doux, aucun miel ne peut être aussi sucré, aucun soleil ne peut être aussi brillant que l’amour qui brille au fond de moi. Je voudrai lui dire, mais mon cœur est trop gros et son oreille trop fine, il n’y aurait pas assez pour dire ce que je ressens. Je voudrais lui montrer, lui faire ressentir, mais une vie, un siècle, un millénaire, une éternité ne seraient pas suffisant lui offrir le dixième de ce qu’il me donne par le simple biais d’existe.

Marchant tout contre lui, dans la fraîcheur de la nuit, ma joue contre son torse, son cœur berçant le mien, son souffle rythmant ses pas. Même le vent semble murmurer l’amour qui nous lie tous les deux, comme un être unique, fait pour être réuni à nouveau. Que la forêt silencieuse, que l’arbre majestueux, que la feuille éphémère, roche, pierre, que tout ce qui vie, que tout ce qui meurt, puisse dire qu’ils se sont aimés. Maman et papa me racontaient, petite, que le monde tournait et essayait toujours de se maintenir dans la paix, l’équilibre et l’harmonie. J’ai toujours vécu pour que cet équilibre et cette harmonie adviennent. Je n’aurais jamais cru la trouver dans les proies de Seö, ni pouvoir la vivre pour moi. La solution est si simple.

Maintenant qu’il est là, maintenant qu’il va bien, je n’ai plus peur. Plus rien ne peut nous arriver, rien d’insurmontable car nous sommes ensembles. Je peux sentir sa force et sa gentillesse couler à travers mes veines. Il n’y a plus de passé, plus de futur, juste l’instant, un instant fort, qui s’étire hors du temps pour que les minutes cessent de s’égrener. Serrer l’un contre l’autre, le temps ordinaire n’est plus, il ne reste que le temps subjectif, un temps qui n’appartient qu’à nous et que nous contrôlons à notre guise, l’allongeant ou le raccourcissant à volonté. Le monde cesse pour n’obéir qu’à nous.

La caravane où nous nous sommes embrassés pour la première fois, le lieu où notre amour à pour la première fois, fleuri au grand jour. Si longtemps endormi, il s’éveilla plein et magnifique, océan sans fin de bonheur. Nous y sommes de nouveaux, découvrant l’autre sans avoir besoin de mots. Goûtant à la présence de notre âme sœur, car c’est ce que nous sommes, deux âmes dédiées l’une à l’autre. Cette nuit, à peine remis de nos blessures physique ou psychologique, je découvre naturellement ce qu’est l’amour, le cœur gros, rempli des choses nouvelles. Le rêve est trop vrai pour n’être qu’un rêve et le réveil risque d’être un cauchemar. Pourtant il ne vient pas et chaque instant au contact de Seö est de la même intensité.

Après un long baiser, mon regard plonge dans l’ambre du sien. Il n’y a rien de mauvais, rien d’horrible dans son regard, rien de cacher. Juste de l’amour, le même que le mien. Mon sourire est discret, ravit, timide et franc, tout cela à la fois. Ma main caresse sa joue alors que je rapproche de nouveau ma tête pour l’embrasser à nouveau. Sa voix interrompt mon geste. Il y a peu, j’aurai ressenti de la peur, la crainte de ne pas voir mes sentiments se refléter en lui. Maintenant que je sais, que je le vois, je n’ai pas peur. Malgré son air hésitant, je sais que nous ressentons la même chose, l’un pour l’autre.

Je voudrais l’interrompre. Les mots, même les plus doux, sont des poisons car jamais ils ne peuvent refléter pleinement la vérité. Mais son regard m’en dissuade. Il est déterminé à me dire ce qu’il a sur le cœur, alors je lui souris, les yeux brillant de bonheur et d’amour. Je n’aurai pas cru que des mots puissent faire autant de biens. Je savais qu’il m’aimait, et je pensais que le dire ne servirai à rien. Et pourtant, l’entendre me le dire fait bondir mon cœur en avant. Du miel coule dans mes veines, et des fourmillements font frissonner les extrémités.

Je l’embrasse avec fougue et passion. Riant doucement de bonheur, de légères larmes sur les joues. Je n’aurai jamais cru que je puisse être aussi heureuse. Mais être avec toi est ce qui me procure la plus grande choix.Je l’embrasse de nouveau avant de me blottir contre son torse. J’aimerai que toutes mes nuits, que tous mes jours soient ainsi. Et ils le seront. Tant que Seö existera.

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