- Une dernière danse -
Ambarhuna, an 1760, détroit d'Ëoma
Une brise, un simple courant d'air. Le léger souffle qui avait parcouru le monde à ses cotés, se tenait avec lui même dans la fin. Il n'avait besoin que de lui, ce léger courant d'air qui s'infiltrait dans ses vêtements et en agitait les robes en de petit rouleaux de tissus. Serpents, il aimait cette sensation. Il aimait le sentir à ses cotés. Son ami de toujours, son protégé, son protecteur, le vent.
Une brise, ni plus ni moins, agitait ses cheveux noués d'une seule natte, libres des décorations et tresses dont il a pu par le passé apprécié la personnalité qu'elles offraient. Une brise qui allégeait le poid de son masque de métal, collé à sa peau à la manière d'un visage. Le temps était venu, ils étaient parti et l'avaient laissé seul dans le détroit, les valeureux guerriers qui avaient voulu le suivre avaient entendu ses paroles et avaient rejoins le reste du convoi. Il n'était pas sûr, mais peut-être que, même si cela n'avait rien d'important vis à vis du nombre d'âmes qu'il protégeait par ce sacrifice, les blonds et soyeux cheveux qu'il avait aperçut, avant de détourner pour la dernière fois le regard de son peuple, appartenaient à son frère. Peut-être aura-t-il réussi à dire “pardon” avant de mourrir, mais tout était effacé par cette brise, ce vent, cette brise, l'accompagnait dans une toute dernière danse.
Il sifflait au fur et à mesure qu'il l'invoquait, s'engouffrant dans le détroit comme pour freiner la horde qui se dirigeait vers lui, pourtant il la survolait. Au fur et à mesure que la musique raisonnait, il serpentait entre les membres des possédés, sondant leur postures, leurs forces et leurs faiblesses. Innombrables, insensibles, monstrueux. Une force innarêtable qui dévorait corps et âme le monde d'Armanda. Il sentait déjà les esprits du vide tenter de pénétrer son esprit, se bousculant pour en prendre le contrôle. Mais son esprit était mort, il n'était pas accessible, il n'y avait pas d'âme à pervertir, trop bien dissimulée. Seulement une volonté forte, puissante, de protéger au péril de sa vie, les âmes innocentes qu'il a massacré jadis.
Il grimpa dans les aigus, il hurlait, criait la fin de cette vie misérable, de la libération de son âme cachée derrière son masque. Il chantait au jour de la rédemption, car c'était maintenant, et aujourd'huis que le masque tombait. Il acheva le chant de sa flûte dans les aigus, à présent, le vent tournoyait autour de lui et allégeait chacun de ses vêtements. Les possédés n'avaient plus qu'une centaine de mètres à franchir, ils essaieraient de le contourner pour passer, mais la force du vent couplé à ses rapides mouvements les en empêcheraient, ils n'étaient qu'animeaux, ils étaient prévisibles. Ils étaient des milliers, il était seul. Mais le but n'était pas de survivre, lentement, il détacha le masque de sa peau, et là ou il n'aurait dû être qu'un sans visage, il était redevenu Aeglos Evanealle, du moins en apparence. Il était libre, c'était la fin et il avait réussi.
Porté par le vent, il s'élança et dansa, parmis les lances et les épées, jusqu'à être battu par la force du vide. Jusqu'à s'écrouler dans son propre sang, mais avec le masque à la main, et le sourire aux lèvres.