- Renaissance -
L'archipel,1761,Nyn-Tiamat
Ténèbres et obscurité
N'étaient maintenant plus que sa seule vérité.
De ce ciel vide d'étoiles
filait-elle envelopée de son fin voile
une comète délaissée de toute chaleur
consciente de sa faible lueur
Qui maintenait contre son coeur
Le cadavre de son âme soeur
Parcourant le manteau sans astre, sans essence
Dépourvue de tout reflet dans la glace
Dépourvue de toute substance, de toute existence
gelée par la rose vermeille fanée et désséchée, craquelée jusqu'en sa surface.
N'étaient maintenant plus que sa seule vérité.
De ce ciel vide d'étoiles
filait-elle envelopée de son fin voile
une comète délaissée de toute chaleur
consciente de sa faible lueur
Qui maintenait contre son coeur
Le cadavre de son âme soeur
Parcourant le manteau sans astre, sans essence
Dépourvue de tout reflet dans la glace
Dépourvue de toute substance, de toute existence
gelée par la rose vermeille fanée et désséchée, craquelée jusqu'en sa surface.
Pourtant, au lieu de lentement dépérir jusqu'à ne plus être, à nouveau, qu'un caillou mort au fond d'un lac, au lieu de s'évanouir dans le noir total, dans l'obscurité absolue de cette nuit sans lune. De planer continuellement, battre des ailes jusqu'à s'épuiser au dessus de l'océan, puis couler encore et cette fois, pour toujours. Peut-être pouvait-elle disparaître en brillant une dernière fois. Puisque plus personne ne viendrait contenir la force de son désespoir, la rassurer, la réconforter, elle pouvait laisser éclater ce qu'elle avait de plus profond en elle, au fond de son corps et de son être. Et marquer ce nouveau monde de sa brûlante empreinte, de sa colère divine. Balayer les mortels de sa puissance titanesque, et honorer l'ultime trahison qu'ils lui avaient infligé.
Elle s'écrasa donc au sol au millieux de grands arbres et d'un petit convoi de caravanes, et laissa son esprit s'étendre, ses ronces proliférer, son essence brûler tout ce qui se trouvait autour d'elle. Elle laissa ses griffes déchiqueter, son feu tout consumer, son âme tout dévorer. Elle transforma la forêt enneigée de Nyn-Tiamat en un océan de flammes, et les derniers survivants en cadavres sanguilonants. La lune, morte, n'éclairerait plus jamais son chemin, plus jamais ne se refleterait-elle dans ses écailles et plus jamais ne la ferait-elle exister. C'était son seul moyen de rester en vie , créer des reflets dans ses écailles, le reflet des flammes ! C'est ainsi qu'elle faisait naître la lumière au milieu de la nuit noire. Elle consumerait tout ! Elle dévorerait tout ! Elle brûlerait tout ! Ce n'était même pas par vengeance, c'était par nécéssité, c'était pour survivre. Et c'est en un hurlement ultime au millieu de la nuit qu'elle fit trembler le sol, et déversa sa haine et sa souffrance dans ce monde tout entier, la gueule ouverte vers le ciel dépourvu de lune, le cou arqué et les griffes couvertes de sang, le corps tendu et tremblant de colère ou de fatigue, son ventre et ses ailes bombés pour protéger le cadavre de la défunte des flammes. Aïasil hurlait à la mort en concert avec les pilliers de flammes qui rugissaient avec elle.
Elle refusait de s'éteindre, cette faible flamèche, ce petit rien au millieu de la nuit. En son embrasement intérieur someillait le désir de vivre. De son feu purificateur s'évaporait la glace, de ses flammes sentimentales elle forgeait une nouvelle carapace, d'une couleur plus sombre que ses écailles. Un coeur de roc et de feu, un coeur d'obsidienne. Et Pourtant, ce nouveau et précieux artefact n'avait pas de sens à l'existence. Aïasil contempla une dernière fois le regard mort de l'elfe. Elle aurait voulu mieux se battre, elle aurait du résister plus longtemps. Elle aurait du survivre à cette trahison et embraser le monde de son infinie colère. Mais elle avait déversé tout le feu de son âme sur ces êtres inférieurs et maintenant son coeur était vide, sensible au vent glacé qui revenait toujours, l'ultime solitude et l'aveuglement n'étaient plus que sa seule vérité, elle ne savait même pas ce qu'elle avait massacré. Des hommes, des enfants, des elfes ou des vampires ? Des bandits ou des marchands ? Elle s'écroula aux cotés de la rose fanée, son souffle accéléré, son regard vide. Son menton longeait le sol et sa gueule buvait la terre liquide et les retombées brûlantes. A mesure que l'incendie mourrait s'éteignaient les dernières lumières, et elle laissa son coeur rouler dans la neige, agonisant là ou jonchaient les cadavres et les restes d'abres calcinés, enroulée autour de Mëryl alors que toutes deux étaient lentement revouvertes de douces retombées de neige et de cendres.
Elle jetta un dernier regard à la lune, et se laissa mourrir, achevée par son absence.