Nuit du 20 Décembre de l'an 7
L’obscurité de la nuit recouvrait le domaine Baptistral d’un voile satiné et dans les cieux, la lune trônait fièrement, entourée des étoiles, ses courtisanes. Ilyanth ne parvenait guère à trouver le sommeil, tant son esprit était accaparé par les récents événements qui frappaient Armanda…
Les chimères, ces créatures maléfiques, avaient déferlé sur le continent, en raison d’une faute commise par les Armandéens et désormais la paix ne représentait qu’un lointain souvenir…
Ô comme il serait doux de pouvoir s’évader dans la béatitude du sommeil afin de gagner les rivages mirifiques du pays des songes. Hélas, même cette délivrance éphémère lui était inaccessible durant ces heures de grande inquiétude. Neolenn décida donc de quitter ses appartements pour se promener dans les jardins du domaine, ce havre de paix qu’il chérissait par-dessus tout. En ces terres sacrées, toute haine, violence ou fureur du monde extérieur étaient abolies et seuls régnaient calme, paix et félicité. C’était son univers, le lieu qui l’avait vu naître et qu’il retrouvait avec bonheur après son long périple à travers les terres désolées. Qu’adviendrait-il à l’avenir ? L’elfe du soleil l’ignorait mais ce dernier était déterminé à lutter de toute son âme et conservait une farouche espérance en un futur meilleur.
Enveloppé dans la quiétude sereine de la nuit, le Baptistrel déambulait dans les allées du parc, laissant ses pensées vagabonder….Il leva un regard rêveur vers la voûte céleste dont les beautés stellaires évoquaient des poussières diamantées et son cœur s’emplit de joie à cette vue. La contemplation du firmament nocturne possédait le mystérieux pouvoir de dissiper ses souffrances et de raviver la flamme de son optimisme.
L’hiver venait de débuter et les jardins étaient recouverts d’un manteau immaculé et scintillant. Dans les cimes Elfiques, en cette saison, le climat était particulièrement rigoureux et le vent hivernal rendait l’atmosphère glaciale. Pourtant, le Rhapsodien n’en souffrait pas, en raison de son lien avec le feu qui réchauffait son corps malgré les assauts du froid.
Il était vêtu simplement et sa tenue se composait d’un pantalon noir et d’une chemise de soie orangée, aux manches courtes. Par-dessus, l’elfe avait revêtu une longue cape, aussi légère et vaporeuse que la brume et qui réfléchissait un magnifique halo bleuté sous la caresse des rayons lunaires.
Le chantefeu marchait doucement, à pas feutrés, laissant des marques dans la poussière neigeuse. Soudain, la perception d’un chant-nom l’avertit d’une présence toute proche.
Alors qu’Ilyanth déambulait à travers les allées du parc, absorbé dans ses pensées, son regard tomba sur ce qui ressemblait à la silhouette d’une jeune femme. Cette dernière semblait également soucieuse et avait manqué de le heurter de plein fouet.
La mystérieuse inconnue portait une robe, d’un blanc aussi éclatant que la nacre d’une perle, surmontée d’une longue cape immaculée. Et ses pieds étaient chaussés de bottines de velours blanc. Au milieu de ce paysage hiémal, elle ressemblait à une apparition spectrale et éthérée.
Le jeune Elfe ne manqua pas de remarquer que l’humaine arborait une chevelure aussi pâle que la neige, mais ce qui le frappa le plus fut l’éclat de ses grands yeux, rouges comme le sang…Cette jeune fille possédait un physique très singulier et paraissait dotée d’une grande beauté, du moins selon les standards humains. Qui était-elle et que faisait elle dehors à une heure si tardive et par un temps si rigoureux ?
Sa présence dans les jardins du domaine, au beau milieu de la nuit, paraissait si incongrue que Neolenn se demanda s’il ne s’agissait pas d’un songe. Après tout, peut-être venait-il de s’endormir sans s’en apercevoir et cette étrange créature n’était que le reflet d’un rêve ou une illusion jaillie de son esprit ? Le Baptistrel la fixait avec étonnement, ne parvenant pas à détacher ses prunelles d’émeraude et de saphir des rubis de l’albinos.
Soudain, celle-ci prit la parole, arrachant le Chantefeu à sa contemplation et le ramena à la réalité. Ainsi elle se nommait Sélène Evgenis et elle recherchait l’aide d’un Baptistrel…Par ailleurs, cette dernière semblait quelque peu désorientée et une vive émotion était perceptible dans sa voix…
Doté d’une grande empathie, le jeune Elfe perçut son malaise et tenta de la rassurer en lui adressant un sourire chaleureux et empli de douceur. De plus, en raison de son totem oiseau du paradis, celui-ci possédait une présence capable d’apaiser son entourage.
- Bonsoir, mon nom est Ilyanth Neolenn et je suis un maître Baptistrel, dit-il calmement. N’ayez crainte, je vais tâcher de m’occuper de votre situation si vous m’expliquez de quoi il retourne…
En effet, la situation paraissait pour le moins mystérieuse et l’inquiétude se lisait dans les yeux écarlates de la jeune fille. Peut-être l’un de ses proches était-il atteint d’une quelconque maladie ou elle-même désirait recevoir des soins ?
Chaque jour, nombre de malades franchissait le seuil sacré du domaine en quête de guérison ou de savoir car outre ses incomparables soigneurs, l’endroit regorgeait d’innombrables bibliothèques.
- Ce lieu est un lieu sacré. Quiconque y pénètre doit venir en paix et nous accueillons de nombreux malades ou des visiteurs désireux d’en connaitre plus sur notre Art et notre savoir. Nulle violence n’est tolérée sur cette terre ainsi que nul mensonge car à nos yeux le mensonge est une souillure qui entache l’harmonie du monde. De plus, lorsque quelqu’un prononce un mensonge en notre présence, cela nous fait ressentir de la douleur…
Des flocons de neige virevoltaient autour d’eux et cette jeune humaine, à la beauté diaphane, lui parut soudain si fragile et si délicate, semblable à une fleur de lune, qu'il ressentit le profond désir de la protéger.
- Vous avez l’air fatiguée et j’imagine que vous avez fait un long voyage pour parvenir jusqu’ici, surtout en plein hiver et avec toute cette neige…J’ai peur que si nous restons dehors et en pleine nuit, vous finissiez par prendre froid…dit l’elfe d’un ton plein de sollicitude. Que diriez-vous de venir dans ma chambre ? Il y fait meilleur qu’ici et vous pourrez me raconter votre histoire sans crainte.
Puis d’un geste gracieux, le Rhapsodien prit la petite main de Sélène dans la sienne, comme pour l’inviter à le suivre. La peau du chantefeu était délicieusement chaude malgré l’atmosphère glaciale qui régnait autour d’eux car son lien avec le feu augmentait la température de son corps et lui donnait un contrôle total sur cet élément.
Le Rhapsodien ne parvenait pas à détacher son regard azuré de l’adolescente à la chevelure lactescente, cette dernière paraissait si jeune et conservait une candeur et une fraîcheur presque enfantine…Quel âge pouvait-elle avoir ? 15 ou 16 ans ? L’elfe éprouvait quelques difficultés à estimer l’âge des humains, en raison de leurs caractéristiques raciales si différentes de celles du beau peuple, et savait pertinemment que les apparences pouvaient s’avérer trompeuses. Lui-même possédait un âge plus élevé que son aspect juvénile ne le laissait supposer.
Une aura de mystère émanait de jeune fille qui ressemblait à une princesse lunaire, tant elle était constituée de blancheur. De même, l’elfe pouvait ressentir sa peur et son inquiétude ainsi que lire une étrange gravité dans ses prunelles de rubis…
Son esprit semblait torturé par une chose dont il ignorait encore la nature…Quels indicibles secrets pouvaient bien se dissimulaient derrière ses yeux d’enfant ? Car à n’en pas douter, cette humaine n’était pas tout à fait ordinaire….
Ilyanth parvenait à le ressentir dans ses vibrations. Toutefois, pour l’heure, ce dernier était prêt à l’écouter patiemment et sans l’ombre d’un jugement afin de connaitre sa singulière histoire.
Les paroles suivantes de Sélène parurent bien sibyllines et hésitantes et elles ne manquèrent guère d’attiser la curiosité du chantefeu :
- « la » laisser faire ? De qui parlez-vous ? S’agit-il d’une de vos connaissances ? demanda-t-il avec douceur.
La jeune femme poursuivit en expliquant venir en paix, tout en précisant que son cas était un peu particulier.
- Je crois comprendre, répondit le Baptistrel d’un ton calme. Je pense que certaines choses sont parfois très difficiles à raconter et qu’il vaut mieux ne pas trop brusquer et attendre de sentir que c’est le bon moment pour les dire.
En effet, le Cawr avait eu l’occasion de rencontrer d’innombrables personnes à l’esprit torturé par de sombres événements du passé ou traumatisés par l’horreur de la guerre. Pour eux parvenir à dévoiler certaines zones d’ombres de leur histoire ou à exorciser certains traumatismes se révélait particulièrement douloureux ou pénible.
Dans tous les cas, le jeune elfe était prêt à faire preuve de patience et à attendre que la jeune femme soit prête. Il ajouta avec un magnifique sourire :
- Si vous ne parvenez pas à me dévoiler ce qui vous tourmente et si vous souhaitez malgré tout que j’en sache davantage à votre sujet, il m’est possible d’user de mon pouvoir afin de déchiffrer votre chant-nom. Mais pour cela, il me faut votre autorisation car en le lisant, je connaîtrais tout de votre être, de votre passé et les moindres secrets de votre âme me seront connus. Peut-être trouvez-vous qu’il s’agit d’une démarche un peu trop intrusive ?
Après que Neolenn lui ait pris la main pour la guider vers ses appartements, l’humaine se hasarda à lui poser une question pour le moins embarrassante. Pourquoi donc son corps était-il empreint d'une telle chaleur et cela en dépit de la froidure hivernale ? Était-il fiévreux ?
Dès après, l’adolescente se mordit les lèvres, maudissant sans doute son indiscrétion et baissa les yeux avant d’avouer ressentir une vive inquiétude à son sujet.
En entendant ses mots, le chantefeu sentit ses joues dorées s’empourprer violemment et il bredouilla :
- Euh…c’est-à-dire que….c’est à cause…de mon lien avec le feu…c’est ce qui me rend…si chaud….N’ayez crainte, je ne souffre pas et je suis même en pleine forme….Mais merci de vous inquiéter de ma santé…
Submergé par un accès de timidité, l’elfe luttait intérieurement pour retrouver un semblant de calme et la maîtrise de lui-même. Habitué à évoluer au sein du domaine Baptistral où son état de chantefeu était connu de tous, ce dernier ne prêtait plus attention aux changements induits par son lien avec cet élément. Cependant, pour les profanes une telle élévation de la température corporelle devait s’avérer bien déroutante...
Le Rhapsodien la guida à travers les allées enneigées vers le bâtiment où se trouvait sa chambre. La neige se mit à tomber plus drue, recouvrant de poussière diamantée les jardins du domaine et dissimulant les traces de leurs pas.
Enfin, l’imposante bâtisse, d’une blancheur opalescente, se profila à travers l’obscurité nocturne et la brume hiémale. Les murs étaient ornés de motifs floraux et végétaux, rappelant l’actuel continent ainsi que l’ancienne forêt Elfique. Ilyanth s’arrêta devant une porte à double battants, en bois massif, et l’ouvrit, avant d’inviter l’Albinos à pénétrer à l’intérieur.
Une fois dans le couloir, celui-ci lui murmura à l’oreille :
- Je pense qu’il vaut mieux que nous ne fassions pas de bruit car à cette heure-ci la plupart des occupants du domaine sont endormis. Je vais vous guider à travers le bâtiment jusqu’à ma chambre.
Puis pour éclairer la pénombre, le chantefeu utilisa un sortilège de magie Elfique et effectua le geste clé qui consistait à lever la paume vers le haut pour faire apparaître une boule lumineuse :
Citation :
[Invocation] Lux
Crée une boule de lumière qui précède le lanceur sur son chemin, l'éclairant dans un petit périmètre. Le périmètre dépendra de la taille de la boule lumineuse. La boule persistera après avoir été lancée jusqu'à ce que son lanceur l'"éteigne" ou jusqu'à ce qu'un autre mage l'"éteigne" ou si son lanceur tombe inconscient, quelque soit le type d'inconscience (endormissement, assommage)
Geste clé : Paume dirigée vers le haut et s'ouvrant doucement au fur et à mesure que la boule lumineuse grandit. Le geste peut être relâchée une fois la boule formée et mise en lévitation.
Pour l'éteindre, un geste enveloppant la boule suffit.
Au fur et à mesure de leur conversation, l’elfe du soleil sentait sa curiosité croître à l’égard de cette mystérieuse fille de lune…Ses paroles paraissaient bien étranges, vagues et nébuleuses, de même que la lueur qui luisait dans son regard écarlate, mais celle-ci avait juré de dévoiler toute la vérité à son sujet.
Sa seule certitude à cet instant était que Sélène différait profondément des autres individus qu’il avait eu l’occasion de rencontrer…En quoi exactement ? Ce dernier n’aurait su le dire car il s’agissait d’un ensemble diffus de sensations sur lesquelles il ne parvenait pas à mettre de mots…
Cependant, la patience était une grande vertu et il sentait que bientôt toute la lumière serait faite sur cette sombre affaire…Du reste, mieux valait que cela se fasse dans le calme et la sécurité de sa chambre, qu’au beau milieu des jardins, nimbés de la froidure de décembre et soumis aux assauts du vent hivernal.
- Je vous fais confiance…se contenta-t-il de répondre lorsque l’albinos lui promis de lui confier sous peu l’objet de ces tourments.
Ensuite cette dernière avoua de ne pas savoir ce qu’était un chant-nom et cette remarque n’étonna guère le Cawr. En effet, les seuls à avoir accès à ce savoir étaient les maîtres bardes et ceux-ci n’employaient cet immense pouvoir que quand la situation l’exigeait, car lire dans l’âme d’un autre être constituait une violation de son intimité. Etant donné son ignorance, Neolenn crut bon de lui donner quelques précisions à ce propos :
- Chaque créature possède ce qu’on nomme un chant-nom, car tout être et tout objet dès sa naissance ou sa création reçoit une note de la gamme majeure, puis au fil du temps il gagne d’autres notes, majeures en cas de grave changement ou mineures, suite à certains aléas de l’existence. Cet ensemble se nomme chant-nom et seuls les Baptistrels peuvent les apprendre ou les chanter.
Pour ces mages-guérisseurs l’univers tout entier ressemblait à une magnifique symphonie, faite de beauté, de paix et d’harmonie, et leurs cœurs battaient à l’unisson avec les vibrations du monde.
De sa voix douce et mélodieuse, la blanche lui avoua la noirceur de ce passé qui la torturait et qu’elle peinait à lui révéler, par crainte de l’effrayer…
En entendant ces paroles, le Rhapsodien comprit que la situation était probablement plus grave que celui-ci ne l’avait imaginé de prime abord…Le visage diaphane et délicat de l’humaine arborait une soudaine gravité qui contrastait avec son jeune âge, ce qui ne manqua pas de le frapper...
- Je comprends…en dépit de votre jeunesse, je lis dans vos yeux que votre histoire est certainement emplie de noirceur et de désespoir…
Quelle tristesse que de songer à ce que cette fleur lunaire avait enduré avant de parvenir jusqu’ici, dans ce lieu de paix, en quête d’une ultime délivrance. Nul ne méritait de souffrir ainsi et encore moins une âme pure…Le fils du feu était déterminé à utiliser tout son pouvoir et à user sa magie, s’il le fallait, pour lui venir en aide. Soulager la souffrance et délivrer les âmes en peine, tel était son devoir, la raison pour laquelle il luttait chaque jour et qui donnait un sens à sa vie.
- J’ai été jusqu’à braver la mort sur des champs de bataille afin de soigner les blessés et accompagner les mourants, dit-il avec douceur. Peut-être éprouverais-je de la peur lorsque je découvrirais le lourd secret que vous gardez en vous depuis tout ce temps. Mais je veux tenter de faire mon possible pour vous soulager de ce terrible fardeau.
L’adolescente opalescente paraissait très embarrassée d’avoir mis le Chantefeu mal à l’aise en s’étonnant de sa forte température corporelle, semblable aux pires fièvres qui consumaient certains malades.
Certes, en raison de son naturel hypersensible et de sa timidité, Ilyanth s’empourprait facilement ou perdait toute contenance face à une question embarrassante ; néanmoins, la jeune fille n’avait rien à se reprocher à ce sujet et ses questionnements étaient tout à fait légitimes. Bien au contraire, celle-ci faisait preuve d’une grande sollicitude à son égard et l’elfe en fut touché.
- N’ayez crainte, votre étonnement et votre inquiétude sont pour le moins légitimes. En me posant une telle question, vous ne m’avez causé aucun tort, au contraire, je suis touché par le fait que vous faisiez preuve d’une telle prévenance envers moi et vis-à-vis d’autrui. A mes yeux, il s’agit d’une grande qualité qui démontre une noblesse de cœur.
La jeune humaine semblait emplie de douceur voire même d’une certaine pureté, rappelant la blancheur lactescente de l’astre lunaire. Pourtant, tout en la contemplant, le Baptistrel sentit une sensation désagréable sourdre en lui, semblable à ce malaise inexplicable que l’on ressent quand on se sent épié à son insu ou que notre instinct nous révèle la présence d’un danger tout proche…
Était-ce son imagination qui lui jouait des tours ? Peut-être s’agissait-il simplement de la fatigue ressentie après son périple à travers Armanda ? Ils étaient seuls à l’intérieur de ce parc et celui-ci ne percevait aucune autre présence…Machinalement, le Cawr porta la main au pendentif qu’il portait autour du cou et dont la pierre s’illuminait d’une lumière rougeâtre, en présence d'une menace imminente.
La gemme était tiède et ne brillait pas…
Ensuite, ils s’acheminèrent à travers les allées du domaine, enveloppés des ténèbres nocturnes et fouettés par des rafales de vent glacé. Sélène frissonnait, frigorifiée par cette atmosphère glaciale et l’elfe se rapprocha d’elle pour la serrer dans ses bras, faisant rempart de son corps et tentant de la réchauffer grâce à sa chaleur corporelle.
C’est donc avec un vif soulagement qu’ils discernèrent les contours du bâtiment où se trouvaient les appartements de Neolenn. Celui-ci songea qu’une fois dans sa chambre, l’humaine pourrait se réchauffer en ôtant sa cape recouverte de neige et en buvant une boisson chaude.
A l’instant où les deux compagnons pénètrent dans le couloir obscur, le Chantefeu glissa à l’oreille de la jeune femme qu’il valait mieux de ne pas faire de bruit, afin de ne pas troubler le sommeil des autres occupants du domaine.
Puis, il fit apparaître à l’aide d’un sortilège de magie Elfique une petite boule luminescente afin d’éclairer leur route. La sphère de lumière dorée se mit à voltiger dans les airs, éclairant les couloirs de marbre blancs et dans les murs étaient ornés de magnifiques motifs Elfiques représentants des plantes et des animaux.
Après avoir parcouru un dédale de couloirs et monter plusieurs escaliers, ils parvinrent enfin devant la porte de la chambre où logeait le chantefeu.
D’un geste gracieux et empreint de courtoisie, ce dernier invita la demoiselle de nacre à entrer dans la pièce, et prononça le mot « Aur » qui signifiait « lumière » en Elfique. Aussitôt une douce lumière tamisée émanant du plafond illumina la pièce.
La fresque enchantée du plafond représentait la voûte céleste, avec la lune et les étoiles et l’ensemble était d’un réalisme si frappant, qu’on se serait presque crû dans une pièce à ciel ouvert…
La chambre du Rhapsodien était spacieuse et décorée dans un style simple, sans luxe ostentatoire, mais plein de goût et de fantaisie. On y trouvait des meubles, armoires, commodes, malles en bois couleur ivoire, ornés de motifs runiques, floraux ou stellaires.
Au centre de la pièce se trouvait un grand lit, de forme ovale, recouvert d’un grand couvre-lit, qui semblant fait dans une matière très soyeuse et délicate, ressemblant à une brume blanchâtre. Les coussins de forme ronde, semblaient faits dans une matière étrange et translucide, qui les faisaient ressembler à des bulles d’eau. Le sol, quant à lui, était recouvert d’un tapis duveteux et terriblement moelleux, qui donnait très envie d’ôter ses souliers pour y marcher à pieds nus.
Les murs étaient décorés de magnifiques fresques murales, représentant des oiseaux prêts à prendre leur envol vers un firmament d’un bleu éclatant. D’autres dessins rendaient hommage à la splendeur de l’ancienne forêt Elfique, désormais disparue, mais dont le souvenir l’emplissait d’une douloureuse nostalgie. Neolenn avait peint lui-même ses décorations afin d’exprimer sa sensibilité artistique et donner une touche plus personnelle à sa chambre.
En marchant à travers la pièce, Il caressa du bout des doigts les oiseaux aux couleurs chatoyantes, qui s’animèrent, comme s’ils venaient de prendre vie.
Le maître Barde conduisit la jeune fille jusqu’à une table de bois blanc où se trouvaient deux chaises et l’invita à s’asseoir ainsi qu'à se mettre à l’aise.
Puis, celui-ci s’installa sur l’une des chaises et dit d’un ton posé :
- Est-ce que vous désirez que nous commencions maintenant ou préférez-vous boire une boisson chaude d’abord afin de vous réchauffer ?
HRP: désolée pour le pavé, je me suis un peu lâché... Embarassed
Quand ils pénétrèrent dans la chambre du Chantefeu, la rose lunaire ouvrit de grands yeux émerveillés, devant cette magnifique décoration, qui devait lui apparaître comme féerique et enchanteresse.
Ilyanth esquissa un sourire amusé à cette vue et l’invita à s’asseoir pendant qu’il irait chercher des boissons chaudes. En effet, Sélène semblait épuisée et frigorifiée après son long voyage à travers les cimes Elfiques et le Baptistrel espérait que boire un breuvage pourrait l’aider à reprendre des forces.
Ce dernier se rendit donc à l’autre bout de la pièce et versa une boisson Elfique, spécialement connue pour ses propriétés revigorantes, à l’intérieur de deux tasses, qu’il déposa sur la table, en souriant. Une senteur agréable émanait du nectar fumant, à la douce couleur ambrée.
- Voilà une spécialité Elfique, qui en plus de réchauffer possède également la propriété de redonner des forces. Vous m’en direz des nouvelles.
Tout d’un coup, la voix de Noxia retentit à ses oreilles et un frisson lui parcourut l’échine lorsqu’il croisa son regard incandescent. La jeune fille arborait un sourire énigmatique et ses prunelles écarlates luisaient d’un éclat sardonique.
Interloqué, Neolenn sentit un étrange pressentiment sourdre dans son cœur et les pensées se bousculaient dans son esprit. Noxia Evgnenis ? La comtesse sanglante ? Qu’est-ce que cela signifiait ? La jeune fille n’avait-elle pas dit se nommer Sélène Evgenis ?
- Noxia ? Je ne comprends pas…N’êtes-vous pas Sélène ? demanda le Rhapsodien avec prudence, sentant l’inquiétude le gagner à la vue de l’étrange métamorphose qui s’était opérée chez l’Albinos. Son apparence demeurait identique, pourtant un changement indéfinissable s’était opéré en elle et son aura patibulaire le glaça d’effroi.
Les rubis de Noxia perdirent leur teinte rougeoyante et se mirent à briller d’un éclat adamantin. Dès après, elle le questionna pour savoir de quelle façon celui-ci comptait aider Sélène.
La situation devenait de plus en plus étrange et le maître Barde ne savait comment réagir face à cette jeune femme, en présence de laquelle il ressentait un malaise inexplicable. Sa seule certitude était que cette « Noxia » différait en tout point de Sélène, malgré leur ressemblance troublante…S’agissait-il d’un double maléfique ? Le seul moyen de résoudre cette énigme était d’user de son pouvoir pour lire le chant-nom de l’humaine afin de découvrir comment une telle chose se révélait possible.
Le Cawr se concentra sur les vibrations de la fille de Lune et aussitôt celles-ci lui révélèrent son passé et les secrets de son âme. Une myriade d’images, de sons, d’odeurs emplirent son esprit et l’histoire de l’adolescente défila à toute vitesse dans sa tête. Tel un spectateur invisible, il pouvait observer l’enfant qu’elle avait été, ressentir ses émotions et sonder les tréfonds de son être…C’est ainsi que lui furent révélés les sombres traditions de la famille Evgenis, les atrocités auxquels ceux-ci se livraient et la souffrance de la jeune Sélène, victime impuissante d’inceste…Il assista à la naissance de Noxia et fut le témoin de l’irrésistible emprise qu’elle avait sur l’adolescente innocente…
Ces visions ne durèrent que quelques secondes mais pour le chantefeu cela sembla une éternité, faite de noirceur et de douleur…
Ce dernier regarda la fille de la nuit avec horreur et il dit d’une voix éteinte :
- A présent, je connais la vérité à votre sujet, je sais à quels actes épouvantables vous vous livrez sur tous ces malheureux mendiants et votre redoutable emprise sur Sélène. Mais je n’ai pas l’intention de vous laisser continuer…Je veux l’aider à se débarrasser de vous….J’en ai le pouvoir grâce à ma magie et en utilisant l’immense pouvoir du chant-nom…Grâce à lui, je peux tenter de vous faire disparaître et d’anéantir la malédiction que vous représentez pour Sélène…
Le fils du soleil savait que recourir à un tel procédé n’était pas sans risques et constituait un tabou chez les Baptistrels ; pourtant la vision des horreurs perpétrées par Noxia lui glaçait le sang et l’emplissait d’horreur. Jamais Sélène ne pourrait mener une existence paisible et harmonieuse tant que cette jumelle maléfique conserverait sa néfaste influence sur son être. Si la douce jeune fille symbolisait la pureté et la blancheur lunaire, ce double, quant à lui, incarnait la face cachée, le côté obscur…
La voix suave de l’albinos devint glaciale et métallique avant de se charger de menaces.
Soudain, la pierre du pendentif de Neolenn se mit à briller d’une lueur rougeâtre pour l’avertir de l’imminence d’un danger…Et la seconde d’après, une faux apparut dans la main de la comtesse sanglante…
A cette vue, le lié de feu sentit la peur s’insinuer dans son esprit, en raison d’une phobie des armes, à tel point que celles-ci faisaient parfois naître de véritables crises de paniques chez lui. La raison en était le violent traumatisme qu’il avait vécu lors de la terrible bataille de Sandur, responsable de tant de vies perdues.
Luttant intérieurement pour conserver un semblant de calme, malgré la terreur que lui inspirait cette lame acérée, le Baptistrel recula lentement et s'écria:
- Moi non plus je ne compte pas me laisser faire…Il y va de la vie et du bonheur de Sélène…Il faut que je trouve un moyen de vous neutraliser et de vous mettre hors d'état de nuire...
Le chantefeu avait conscience du fait qu’il se trouvait en fâcheuse posture, seul et désarmé face à cette créature ténébreuse et cruelle qu’était Noxia…Cependant, ce dernier se devait de trouver une solution pour la mettre hors d’état de nuire, mais sans la blesser car elle et la fille onirique partageait le même corps. Que faire ? Peut-être pourrait-il tenter d’utiliser la magie pour la désarmer ou l’assommer à l’aide d’un objet ? Dans tous les cas, celui devrait se montrer très prudent car la Comtesse Sanglante n’avait probablement pas dit son dernier mot.
L’obscurité de la nuit recouvrait le domaine Baptistral d’un voile satiné et dans les cieux, la lune trônait fièrement, entourée des étoiles, ses courtisanes. Ilyanth ne parvenait guère à trouver le sommeil, tant son esprit était accaparé par les récents événements qui frappaient Armanda…
Les chimères, ces créatures maléfiques, avaient déferlé sur le continent, en raison d’une faute commise par les Armandéens et désormais la paix ne représentait qu’un lointain souvenir…
Ô comme il serait doux de pouvoir s’évader dans la béatitude du sommeil afin de gagner les rivages mirifiques du pays des songes. Hélas, même cette délivrance éphémère lui était inaccessible durant ces heures de grande inquiétude. Neolenn décida donc de quitter ses appartements pour se promener dans les jardins du domaine, ce havre de paix qu’il chérissait par-dessus tout. En ces terres sacrées, toute haine, violence ou fureur du monde extérieur étaient abolies et seuls régnaient calme, paix et félicité. C’était son univers, le lieu qui l’avait vu naître et qu’il retrouvait avec bonheur après son long périple à travers les terres désolées. Qu’adviendrait-il à l’avenir ? L’elfe du soleil l’ignorait mais ce dernier était déterminé à lutter de toute son âme et conservait une farouche espérance en un futur meilleur.
Enveloppé dans la quiétude sereine de la nuit, le Baptistrel déambulait dans les allées du parc, laissant ses pensées vagabonder….Il leva un regard rêveur vers la voûte céleste dont les beautés stellaires évoquaient des poussières diamantées et son cœur s’emplit de joie à cette vue. La contemplation du firmament nocturne possédait le mystérieux pouvoir de dissiper ses souffrances et de raviver la flamme de son optimisme.
L’hiver venait de débuter et les jardins étaient recouverts d’un manteau immaculé et scintillant. Dans les cimes Elfiques, en cette saison, le climat était particulièrement rigoureux et le vent hivernal rendait l’atmosphère glaciale. Pourtant, le Rhapsodien n’en souffrait pas, en raison de son lien avec le feu qui réchauffait son corps malgré les assauts du froid.
Il était vêtu simplement et sa tenue se composait d’un pantalon noir et d’une chemise de soie orangée, aux manches courtes. Par-dessus, l’elfe avait revêtu une longue cape, aussi légère et vaporeuse que la brume et qui réfléchissait un magnifique halo bleuté sous la caresse des rayons lunaires.
Le chantefeu marchait doucement, à pas feutrés, laissant des marques dans la poussière neigeuse. Soudain, la perception d’un chant-nom l’avertit d’une présence toute proche.
Sélène Evgenis a écrit:La jeune albinos qu’était Sélène avait voyagé durant des semaines afin de se rendre au Domaine Baptistral. Noxia n’avait pas donné signe de vie durant tout le voyage et c’était aussi bien. Cela avait fait des vacances à la jeune femme et l’avait conforté dans son hypothèse du fait que Noxia n’était pas habituée à des réactions aussi violentes de sa part et par conséquent, qu’elle devait essayer de s’en remettre.
Alors qu’elle avait gravit le chemin qui menait au domaine sous les rayons de ce soir de fin décembre, il avait neigé et le paysage entier était recouvert d’un doux manteau, blanc et délicieusement froid. Mais elle avait choisi de changer sa robe métamorphose en une longue robe de laine épaisse, à manches longue et col doublé de fourrure, de couleur aussi blanche que la neige. Par-dessus elle portait une grande cape de laine, blanche elle aussi, ainsi que des bottines de velours blanc. Tout cela la protégeait du froid ambiant.
Elle avait laissé son cheval à l’entrée du Domaine et, n’étant pas armée, elle n’avait pas eu à déposer une quelconque arme dans les râteliers prévus à cet effet.
Et désormais, elle déambulait dans le parc couvert de neige, ne sachant pas vraiment où trouver un baptistrel qui aurait pu l’aider à résoudre son problème. Il était tard après tout, les résidents du Domaine devaient certainement dormir.
Elle regardait les plantes du parc en se demandant comment elle pourrait bien expliquer son problème et en espérant que Noxia ne viendrait pas y ajouter son grain de sel intempestif et malvenu. Toute à ses réflexions, elle n’avait pas vu que quelqu’un se promenait également dans le parc et failli le bousculer.
Mais elle releva la tête en entendant les pas feutrés sur la neige et se retrouva presque nez à nez avec un jeune elfe. Il avait la peau dorée, même sous le clair de lune, des cheveux d’un blond cendré et de magnifiques yeux aigue marine et il ne portait qu’un pantalon noir, une chemise orangée à manches courtes et une cape reflétant le halo bleuté de la lune. Comment ne pouvait-il pas avoir froid vêtu de la sorte… ? La jeune albinos ne savait pas.
Elle décida de l’aborder, même si elle ne savait pas réellement comment expliquer son souci de double personnalité malfaisante :
- Bonsoir… pardonnez-moi de vous déranger à cette heure si tardive… Je m’appelle Sélène Evgenis et… j’aurai besoin de l’aide d’un baptistrel… Je ne suis encore jamais venue au Domaine… Je ne connais pas les règles des lieux, si ce n’est qu’il est interdit de venir armé… Je suis désolée, tout cela est un peu confus… Je ne sais pas même à qui m’adresser ni même si quelqu’un pourra me venir en aide…
La jeune albinos ne savait pas où se mettre, après tout c’était la première fois qu’elle rencontrait un elfe et elle avait bien failli lui rentrer dedans… Et elle ne savait pas comment lui expliquer sans le brusquer ou sans qu'il ne la trouve étrange…
Alors qu’Ilyanth déambulait à travers les allées du parc, absorbé dans ses pensées, son regard tomba sur ce qui ressemblait à la silhouette d’une jeune femme. Cette dernière semblait également soucieuse et avait manqué de le heurter de plein fouet.
La mystérieuse inconnue portait une robe, d’un blanc aussi éclatant que la nacre d’une perle, surmontée d’une longue cape immaculée. Et ses pieds étaient chaussés de bottines de velours blanc. Au milieu de ce paysage hiémal, elle ressemblait à une apparition spectrale et éthérée.
Le jeune Elfe ne manqua pas de remarquer que l’humaine arborait une chevelure aussi pâle que la neige, mais ce qui le frappa le plus fut l’éclat de ses grands yeux, rouges comme le sang…Cette jeune fille possédait un physique très singulier et paraissait dotée d’une grande beauté, du moins selon les standards humains. Qui était-elle et que faisait elle dehors à une heure si tardive et par un temps si rigoureux ?
Sa présence dans les jardins du domaine, au beau milieu de la nuit, paraissait si incongrue que Neolenn se demanda s’il ne s’agissait pas d’un songe. Après tout, peut-être venait-il de s’endormir sans s’en apercevoir et cette étrange créature n’était que le reflet d’un rêve ou une illusion jaillie de son esprit ? Le Baptistrel la fixait avec étonnement, ne parvenant pas à détacher ses prunelles d’émeraude et de saphir des rubis de l’albinos.
Soudain, celle-ci prit la parole, arrachant le Chantefeu à sa contemplation et le ramena à la réalité. Ainsi elle se nommait Sélène Evgenis et elle recherchait l’aide d’un Baptistrel…Par ailleurs, cette dernière semblait quelque peu désorientée et une vive émotion était perceptible dans sa voix…
Doté d’une grande empathie, le jeune Elfe perçut son malaise et tenta de la rassurer en lui adressant un sourire chaleureux et empli de douceur. De plus, en raison de son totem oiseau du paradis, celui-ci possédait une présence capable d’apaiser son entourage.
- Bonsoir, mon nom est Ilyanth Neolenn et je suis un maître Baptistrel, dit-il calmement. N’ayez crainte, je vais tâcher de m’occuper de votre situation si vous m’expliquez de quoi il retourne…
En effet, la situation paraissait pour le moins mystérieuse et l’inquiétude se lisait dans les yeux écarlates de la jeune fille. Peut-être l’un de ses proches était-il atteint d’une quelconque maladie ou elle-même désirait recevoir des soins ?
Chaque jour, nombre de malades franchissait le seuil sacré du domaine en quête de guérison ou de savoir car outre ses incomparables soigneurs, l’endroit regorgeait d’innombrables bibliothèques.
- Ce lieu est un lieu sacré. Quiconque y pénètre doit venir en paix et nous accueillons de nombreux malades ou des visiteurs désireux d’en connaitre plus sur notre Art et notre savoir. Nulle violence n’est tolérée sur cette terre ainsi que nul mensonge car à nos yeux le mensonge est une souillure qui entache l’harmonie du monde. De plus, lorsque quelqu’un prononce un mensonge en notre présence, cela nous fait ressentir de la douleur…
Des flocons de neige virevoltaient autour d’eux et cette jeune humaine, à la beauté diaphane, lui parut soudain si fragile et si délicate, semblable à une fleur de lune, qu'il ressentit le profond désir de la protéger.
- Vous avez l’air fatiguée et j’imagine que vous avez fait un long voyage pour parvenir jusqu’ici, surtout en plein hiver et avec toute cette neige…J’ai peur que si nous restons dehors et en pleine nuit, vous finissiez par prendre froid…dit l’elfe d’un ton plein de sollicitude. Que diriez-vous de venir dans ma chambre ? Il y fait meilleur qu’ici et vous pourrez me raconter votre histoire sans crainte.
Puis d’un geste gracieux, le Rhapsodien prit la petite main de Sélène dans la sienne, comme pour l’inviter à le suivre. La peau du chantefeu était délicieusement chaude malgré l’atmosphère glaciale qui régnait autour d’eux car son lien avec le feu augmentait la température de son corps et lui donnait un contrôle total sur cet élément.
Sélène Evgenis a écrit:Après qu’elle eut parlé, le jeune elfe lui adressa un doux sourire, comme pour la rassurer. Il se présenta et lui dit qu’il allait tâcher de lui venir en aide, il suffisait à l’albinos de lui expliquer de quoi il retournait. Mais comment faire pour lui parler de Noxia sans lui faire peur… ?
Puis il lui expliqua les règles des lieux, car, après tout, elle n’était jamais venue au Domaine et ne savait pas non plus comment se comporter face à un elfe sans l’offenser…
- On ne peut malheureusement pas dire que je sois en paix… pas que j’ai des intentions hostiles, plutôt… c’est plutôt le sujet de ma visite qui m’inquiète… Je ne peux plus la laisser faire…
La jeune femme avait conscience que ce qu’elle venait de dire était de nature sibylline, mystérieuse, mais elle ne voulait pas brusquer ce jeune elfe en lui déballant tout à trac la raison de sa venue.
Elle ajouta, à la mention sur le mensonge :
- Loin de moi l’idée de vous mentir ou de mentir à quiconque de l’Ordre… Je ne souhaite tout simplement pas vous faire peur… après tout mon cas est un peu particulier…
La jeune albinos hocha la tête à la mention d’Ilyanth sur le fait qu’elle devait être fatiguée et qu’elle avait sans doute fait un long voyage pour venir jusqu’au Domaine. C’était peu dire. Elle était épuisée par son voyage depuis Caladon. Elle avait mis peut-être plus d’un mois pour y parvenir et ne s’était pas reposée réellement durant ce voyage.
Elle était inquiète. Et si Noxia décidait d’attaquer ce jeune elfe qui allait essayer d’aider la demoiselle onirique ? Elle ne pourrait pas la laisser faire, mais dans son état, elle avait quelques doutes quant à si elle était capable de lui résister. Peut-être Noxia n’attendait-elle que cela ? Un instant de faiblesse de sa part pour prendre le dessus ?
Quand Ilyanth lui prit la main afin de la conduire à sa chambre où ils pourraient parler en toute quiétude, la jeune femme fut surprise par la température corporelle du jeune elfe. Comment pouvait-il avoir si chaud par un tel froid… ? Etait-il souffrant… ? Avait-il quelque fièvre étrange… ?
Elle se décida à lui poser la question sur le chemin de retour dans les bâtiments :
- Pardonnez-moi de vous poser cette question indiscrète… Souffrez-vous de quelque fièvre Ilyanth… ? Je suis étonnée que votre température corporelle soit si élevée par de telles froideurs extérieures…
Puis elle se mordit la lèvre inférieure et baissa les yeux au sol, s’en voulant de son indiscrétion.
- Vous… vous n’êtes pas obligé de répondre… je… je n’aurai pas dû vous demander une chose que je juge si personnelle… mais… je m’inquiète un peu pour votre état tout de même…
Et c’était vrai, le fait qu’Ilyanth ait une température anormalement élevée l’alarmait, car elle n’avait croisé ce genre de symptômes que dans des cas de graves fièvres chez certains mendiants d’Aldaria qu’elle avait essayé d’aider.
Le Rhapsodien ne parvenait pas à détacher son regard azuré de l’adolescente à la chevelure lactescente, cette dernière paraissait si jeune et conservait une candeur et une fraîcheur presque enfantine…Quel âge pouvait-elle avoir ? 15 ou 16 ans ? L’elfe éprouvait quelques difficultés à estimer l’âge des humains, en raison de leurs caractéristiques raciales si différentes de celles du beau peuple, et savait pertinemment que les apparences pouvaient s’avérer trompeuses. Lui-même possédait un âge plus élevé que son aspect juvénile ne le laissait supposer.
Une aura de mystère émanait de jeune fille qui ressemblait à une princesse lunaire, tant elle était constituée de blancheur. De même, l’elfe pouvait ressentir sa peur et son inquiétude ainsi que lire une étrange gravité dans ses prunelles de rubis…
Son esprit semblait torturé par une chose dont il ignorait encore la nature…Quels indicibles secrets pouvaient bien se dissimulaient derrière ses yeux d’enfant ? Car à n’en pas douter, cette humaine n’était pas tout à fait ordinaire….
Ilyanth parvenait à le ressentir dans ses vibrations. Toutefois, pour l’heure, ce dernier était prêt à l’écouter patiemment et sans l’ombre d’un jugement afin de connaitre sa singulière histoire.
Les paroles suivantes de Sélène parurent bien sibyllines et hésitantes et elles ne manquèrent guère d’attiser la curiosité du chantefeu :
- « la » laisser faire ? De qui parlez-vous ? S’agit-il d’une de vos connaissances ? demanda-t-il avec douceur.
La jeune femme poursuivit en expliquant venir en paix, tout en précisant que son cas était un peu particulier.
- Je crois comprendre, répondit le Baptistrel d’un ton calme. Je pense que certaines choses sont parfois très difficiles à raconter et qu’il vaut mieux ne pas trop brusquer et attendre de sentir que c’est le bon moment pour les dire.
En effet, le Cawr avait eu l’occasion de rencontrer d’innombrables personnes à l’esprit torturé par de sombres événements du passé ou traumatisés par l’horreur de la guerre. Pour eux parvenir à dévoiler certaines zones d’ombres de leur histoire ou à exorciser certains traumatismes se révélait particulièrement douloureux ou pénible.
Dans tous les cas, le jeune elfe était prêt à faire preuve de patience et à attendre que la jeune femme soit prête. Il ajouta avec un magnifique sourire :
- Si vous ne parvenez pas à me dévoiler ce qui vous tourmente et si vous souhaitez malgré tout que j’en sache davantage à votre sujet, il m’est possible d’user de mon pouvoir afin de déchiffrer votre chant-nom. Mais pour cela, il me faut votre autorisation car en le lisant, je connaîtrais tout de votre être, de votre passé et les moindres secrets de votre âme me seront connus. Peut-être trouvez-vous qu’il s’agit d’une démarche un peu trop intrusive ?
Après que Neolenn lui ait pris la main pour la guider vers ses appartements, l’humaine se hasarda à lui poser une question pour le moins embarrassante. Pourquoi donc son corps était-il empreint d'une telle chaleur et cela en dépit de la froidure hivernale ? Était-il fiévreux ?
Dès après, l’adolescente se mordit les lèvres, maudissant sans doute son indiscrétion et baissa les yeux avant d’avouer ressentir une vive inquiétude à son sujet.
En entendant ses mots, le chantefeu sentit ses joues dorées s’empourprer violemment et il bredouilla :
- Euh…c’est-à-dire que….c’est à cause…de mon lien avec le feu…c’est ce qui me rend…si chaud….N’ayez crainte, je ne souffre pas et je suis même en pleine forme….Mais merci de vous inquiéter de ma santé…
Submergé par un accès de timidité, l’elfe luttait intérieurement pour retrouver un semblant de calme et la maîtrise de lui-même. Habitué à évoluer au sein du domaine Baptistral où son état de chantefeu était connu de tous, ce dernier ne prêtait plus attention aux changements induits par son lien avec cet élément. Cependant, pour les profanes une telle élévation de la température corporelle devait s’avérer bien déroutante...
Le Rhapsodien la guida à travers les allées enneigées vers le bâtiment où se trouvait sa chambre. La neige se mit à tomber plus drue, recouvrant de poussière diamantée les jardins du domaine et dissimulant les traces de leurs pas.
Enfin, l’imposante bâtisse, d’une blancheur opalescente, se profila à travers l’obscurité nocturne et la brume hiémale. Les murs étaient ornés de motifs floraux et végétaux, rappelant l’actuel continent ainsi que l’ancienne forêt Elfique. Ilyanth s’arrêta devant une porte à double battants, en bois massif, et l’ouvrit, avant d’inviter l’Albinos à pénétrer à l’intérieur.
Une fois dans le couloir, celui-ci lui murmura à l’oreille :
- Je pense qu’il vaut mieux que nous ne fassions pas de bruit car à cette heure-ci la plupart des occupants du domaine sont endormis. Je vais vous guider à travers le bâtiment jusqu’à ma chambre.
Puis pour éclairer la pénombre, le chantefeu utilisa un sortilège de magie Elfique et effectua le geste clé qui consistait à lever la paume vers le haut pour faire apparaître une boule lumineuse :
Citation :
[Invocation] Lux
Crée une boule de lumière qui précède le lanceur sur son chemin, l'éclairant dans un petit périmètre. Le périmètre dépendra de la taille de la boule lumineuse. La boule persistera après avoir été lancée jusqu'à ce que son lanceur l'"éteigne" ou jusqu'à ce qu'un autre mage l'"éteigne" ou si son lanceur tombe inconscient, quelque soit le type d'inconscience (endormissement, assommage)
Geste clé : Paume dirigée vers le haut et s'ouvrant doucement au fur et à mesure que la boule lumineuse grandit. Le geste peut être relâchée une fois la boule formée et mise en lévitation.
Pour l'éteindre, un geste enveloppant la boule suffit.
Sélène Evgenis a écrit:Aux mots qu’avait eu la jeune albinos « Je ne peux plus la laisser faire », Ilyanth avait apparemment été intrigué et lui avait demandé si la jeune femme parlait d’une de ses connaissances. S’il avait su que celle dont ils parlaient était bien plus proche d’eux qu’aucune autre personne en cette instant, le jeune elfe aurait sans doute été étonné.
- Je vous expliquerai tout cela bientôt, ne vous en faites pas.
En tant que baptistrel, il devait avoir côtoyé bien des gens, malades ou souffrants d’autres maux, mais Sélène se disait que son cas ne devait pas être si répandu que cela. Et Noxia devenait bien trop dangereuse avec le temps pour que la demoiselle onirique ne continue à la laisser faire bien gentiment.
Quand Ilyanth mentionna que, d’après lui certaines choses étaient parfois bien difficiles à conter et qu’il fallait laisser le temps et trouver le bon moment pour dire les choses, la jeune femme acquiesça : en effet, ce qu’elle avait à dire à son sujet n’était pas des plus glorieux. Elle avait un sombre passé. Mais elle se doutait qu’elle n’était pas la seule, en Armanda, à posséder ce genre de passé torturé. Après tout, les guerriers pouvaient ne pas être fiers de ce qu’ils faisaient ou encore certains guérisseurs ne parvenant pas à sauver leurs patients s’en voulaient certainement, mais elle, c’était différents.
Elle le vit ensuite sourire et ajouter qu’il pouvait lire son chant-nom mais qu’il lui fallait son autorisation, car ainsi, il connaitrait tout de son être. La jeune femme ne savait pas ce qu’était le chant-nom d’une personne, mais cela allait sans doute être plus simple que de livrer elle-même sa vie à Ilyanth. Malgré tout elle préféra le mettre en garde contre ce qu’il pourrait voir ou percevoir en lisant son chant-nom :
- Je ne sais pas ce qu’est le chant-nom, mais je dois vous avertir, Ilyanth… mon passé est difficile à porter, même pour moi… je n’ai pas envie de vous faire peur…
Puis, après qu’elle lui eut posé la question indiscrète sur sa température corporelle anormalement élevée, le jeune elfe sembla gêné… Ce n’était aucunement son intention, mais elle fut rassurée quand il lui expliqua que le fait qu’il ait la peau si chaude était dû au fait qu’il soit lié au feu. Il n’était donc pas malade le moins du monde.
- Je ne voulais pas vous mettre mal à l’aise… Je suis désolée… mais je suis heureuse que vous ne souffriez pas de quelque fièvre maligne. J’ai tendance à beaucoup m’inquiéter pour les gens que je rencontre… Et j’essaye de les aider au mieux, dans la limite de mes maigres ressources…
Alors qu’il se mettait à neiger plus fortement, la jeune albinos eut un violent frisson. A croire que sa robe de laine et sa cape ne suffisaient pas à la protéger du froid insidieux qui s’infiltrait entre les plis de ses vêtements. Elle se sentait gelée et cela n'arrangeait pas à la fatigue qui la gagnait peu à peu.
Ilyanth guida Sélène jusqu’à un imposant bâtiment de couleur blanche aux murs ornés de magnifiques motifs floraux et végétaux. Elle qui n’avait jamais vu d’architecture elfique fut ébahie par la beauté du lieu.
Puis le jeune elfe s’arrêta devant une lourde porte en bois et l’ouvrit avant d’inviter Sélène à entrer dans le couloir qui s’ensuivait. Et il lui murmura à l’oreille qu’il valait mieux ne pas faire de bruit tant qu’ils seraient dans le couloir, car, à cette heure, la majorité, si ce n’était la totalité des autres habitants du Domaine dormaient. Sentir le souffle chaud du jeune elfe sur sa peau refroidie par l’air du dehors arracha un frisson à la jeune albinos, mais elle acquiesça tout de même. Il aurait en effet été dommage de réveiller les dormeurs à cette heure pour le moins indue de la nuit.
Puis il leva la main vers le haut, ce qui fit apparaitre une boule de lumière qui les précéda dans le couloir afin qu’ils puissent s’orienter dans le dédale de corridors que devait être le bâtiment et ils se rendirent tous deux jusqu'à la chambre d'Ilyanth.
Au fur et à mesure de leur conversation, l’elfe du soleil sentait sa curiosité croître à l’égard de cette mystérieuse fille de lune…Ses paroles paraissaient bien étranges, vagues et nébuleuses, de même que la lueur qui luisait dans son regard écarlate, mais celle-ci avait juré de dévoiler toute la vérité à son sujet.
Sa seule certitude à cet instant était que Sélène différait profondément des autres individus qu’il avait eu l’occasion de rencontrer…En quoi exactement ? Ce dernier n’aurait su le dire car il s’agissait d’un ensemble diffus de sensations sur lesquelles il ne parvenait pas à mettre de mots…
Cependant, la patience était une grande vertu et il sentait que bientôt toute la lumière serait faite sur cette sombre affaire…Du reste, mieux valait que cela se fasse dans le calme et la sécurité de sa chambre, qu’au beau milieu des jardins, nimbés de la froidure de décembre et soumis aux assauts du vent hivernal.
- Je vous fais confiance…se contenta-t-il de répondre lorsque l’albinos lui promis de lui confier sous peu l’objet de ces tourments.
Ensuite cette dernière avoua de ne pas savoir ce qu’était un chant-nom et cette remarque n’étonna guère le Cawr. En effet, les seuls à avoir accès à ce savoir étaient les maîtres bardes et ceux-ci n’employaient cet immense pouvoir que quand la situation l’exigeait, car lire dans l’âme d’un autre être constituait une violation de son intimité. Etant donné son ignorance, Neolenn crut bon de lui donner quelques précisions à ce propos :
- Chaque créature possède ce qu’on nomme un chant-nom, car tout être et tout objet dès sa naissance ou sa création reçoit une note de la gamme majeure, puis au fil du temps il gagne d’autres notes, majeures en cas de grave changement ou mineures, suite à certains aléas de l’existence. Cet ensemble se nomme chant-nom et seuls les Baptistrels peuvent les apprendre ou les chanter.
Pour ces mages-guérisseurs l’univers tout entier ressemblait à une magnifique symphonie, faite de beauté, de paix et d’harmonie, et leurs cœurs battaient à l’unisson avec les vibrations du monde.
De sa voix douce et mélodieuse, la blanche lui avoua la noirceur de ce passé qui la torturait et qu’elle peinait à lui révéler, par crainte de l’effrayer…
En entendant ces paroles, le Rhapsodien comprit que la situation était probablement plus grave que celui-ci ne l’avait imaginé de prime abord…Le visage diaphane et délicat de l’humaine arborait une soudaine gravité qui contrastait avec son jeune âge, ce qui ne manqua pas de le frapper...
- Je comprends…en dépit de votre jeunesse, je lis dans vos yeux que votre histoire est certainement emplie de noirceur et de désespoir…
Quelle tristesse que de songer à ce que cette fleur lunaire avait enduré avant de parvenir jusqu’ici, dans ce lieu de paix, en quête d’une ultime délivrance. Nul ne méritait de souffrir ainsi et encore moins une âme pure…Le fils du feu était déterminé à utiliser tout son pouvoir et à user sa magie, s’il le fallait, pour lui venir en aide. Soulager la souffrance et délivrer les âmes en peine, tel était son devoir, la raison pour laquelle il luttait chaque jour et qui donnait un sens à sa vie.
- J’ai été jusqu’à braver la mort sur des champs de bataille afin de soigner les blessés et accompagner les mourants, dit-il avec douceur. Peut-être éprouverais-je de la peur lorsque je découvrirais le lourd secret que vous gardez en vous depuis tout ce temps. Mais je veux tenter de faire mon possible pour vous soulager de ce terrible fardeau.
L’adolescente opalescente paraissait très embarrassée d’avoir mis le Chantefeu mal à l’aise en s’étonnant de sa forte température corporelle, semblable aux pires fièvres qui consumaient certains malades.
Certes, en raison de son naturel hypersensible et de sa timidité, Ilyanth s’empourprait facilement ou perdait toute contenance face à une question embarrassante ; néanmoins, la jeune fille n’avait rien à se reprocher à ce sujet et ses questionnements étaient tout à fait légitimes. Bien au contraire, celle-ci faisait preuve d’une grande sollicitude à son égard et l’elfe en fut touché.
- N’ayez crainte, votre étonnement et votre inquiétude sont pour le moins légitimes. En me posant une telle question, vous ne m’avez causé aucun tort, au contraire, je suis touché par le fait que vous faisiez preuve d’une telle prévenance envers moi et vis-à-vis d’autrui. A mes yeux, il s’agit d’une grande qualité qui démontre une noblesse de cœur.
La jeune humaine semblait emplie de douceur voire même d’une certaine pureté, rappelant la blancheur lactescente de l’astre lunaire. Pourtant, tout en la contemplant, le Baptistrel sentit une sensation désagréable sourdre en lui, semblable à ce malaise inexplicable que l’on ressent quand on se sent épié à son insu ou que notre instinct nous révèle la présence d’un danger tout proche…
Était-ce son imagination qui lui jouait des tours ? Peut-être s’agissait-il simplement de la fatigue ressentie après son périple à travers Armanda ? Ils étaient seuls à l’intérieur de ce parc et celui-ci ne percevait aucune autre présence…Machinalement, le Cawr porta la main au pendentif qu’il portait autour du cou et dont la pierre s’illuminait d’une lumière rougeâtre, en présence d'une menace imminente.
La gemme était tiède et ne brillait pas…
Ensuite, ils s’acheminèrent à travers les allées du domaine, enveloppés des ténèbres nocturnes et fouettés par des rafales de vent glacé. Sélène frissonnait, frigorifiée par cette atmosphère glaciale et l’elfe se rapprocha d’elle pour la serrer dans ses bras, faisant rempart de son corps et tentant de la réchauffer grâce à sa chaleur corporelle.
C’est donc avec un vif soulagement qu’ils discernèrent les contours du bâtiment où se trouvaient les appartements de Neolenn. Celui-ci songea qu’une fois dans sa chambre, l’humaine pourrait se réchauffer en ôtant sa cape recouverte de neige et en buvant une boisson chaude.
A l’instant où les deux compagnons pénètrent dans le couloir obscur, le Chantefeu glissa à l’oreille de la jeune femme qu’il valait mieux de ne pas faire de bruit, afin de ne pas troubler le sommeil des autres occupants du domaine.
Puis, il fit apparaître à l’aide d’un sortilège de magie Elfique une petite boule luminescente afin d’éclairer leur route. La sphère de lumière dorée se mit à voltiger dans les airs, éclairant les couloirs de marbre blancs et dans les murs étaient ornés de magnifiques motifs Elfiques représentants des plantes et des animaux.
Après avoir parcouru un dédale de couloirs et monter plusieurs escaliers, ils parvinrent enfin devant la porte de la chambre où logeait le chantefeu.
D’un geste gracieux et empreint de courtoisie, ce dernier invita la demoiselle de nacre à entrer dans la pièce, et prononça le mot « Aur » qui signifiait « lumière » en Elfique. Aussitôt une douce lumière tamisée émanant du plafond illumina la pièce.
La fresque enchantée du plafond représentait la voûte céleste, avec la lune et les étoiles et l’ensemble était d’un réalisme si frappant, qu’on se serait presque crû dans une pièce à ciel ouvert…
La chambre du Rhapsodien était spacieuse et décorée dans un style simple, sans luxe ostentatoire, mais plein de goût et de fantaisie. On y trouvait des meubles, armoires, commodes, malles en bois couleur ivoire, ornés de motifs runiques, floraux ou stellaires.
Au centre de la pièce se trouvait un grand lit, de forme ovale, recouvert d’un grand couvre-lit, qui semblant fait dans une matière très soyeuse et délicate, ressemblant à une brume blanchâtre. Les coussins de forme ronde, semblaient faits dans une matière étrange et translucide, qui les faisaient ressembler à des bulles d’eau. Le sol, quant à lui, était recouvert d’un tapis duveteux et terriblement moelleux, qui donnait très envie d’ôter ses souliers pour y marcher à pieds nus.
Les murs étaient décorés de magnifiques fresques murales, représentant des oiseaux prêts à prendre leur envol vers un firmament d’un bleu éclatant. D’autres dessins rendaient hommage à la splendeur de l’ancienne forêt Elfique, désormais disparue, mais dont le souvenir l’emplissait d’une douloureuse nostalgie. Neolenn avait peint lui-même ses décorations afin d’exprimer sa sensibilité artistique et donner une touche plus personnelle à sa chambre.
En marchant à travers la pièce, Il caressa du bout des doigts les oiseaux aux couleurs chatoyantes, qui s’animèrent, comme s’ils venaient de prendre vie.
Le maître Barde conduisit la jeune fille jusqu’à une table de bois blanc où se trouvaient deux chaises et l’invita à s’asseoir ainsi qu'à se mettre à l’aise.
Puis, celui-ci s’installa sur l’une des chaises et dit d’un ton posé :
- Est-ce que vous désirez que nous commencions maintenant ou préférez-vous boire une boisson chaude d’abord afin de vous réchauffer ?
HRP: désolée pour le pavé, je me suis un peu lâché... Embarassed
Sélène Evgenis a écrit:La jeune albinos écouta avec attention l’explication sur le chant-nom que lui donna Ilyanth. Ainsi, même les objets possédaient un chant-nom ? Etrange, mais pourquoi pas après tout ? Armanda était un monde empli de magie, tout y était possible. Le meilleur comme le pire.
Puis, quand elle expliqua elle-même au jeune elfe qu’elle ne souhaitait pas l’effrayer par la noirceur de son passé, il lui répondit qu’il comprenait et qu’il lisait dans ses yeux que l’histoire de la jeune femme était sûrement empreinte de noirceur et de désespoir. Et il avait vu juste. Après tout, la jeune albinos qu’était Sélène, tout juste âgée maintenant de 17 ans, qu’elle avait eu en toute fin d’Octobre dernier, avait déjà tenté par deux fois de mettre un terme définitif à sa vie.
Mais c’était une chose qu’elle ne reproduirait plus. Maintenant qu’elle avait trouvé Toryné, elle ne laisserait plus Noxia diriger sa vie aux grès de ses envies meurtrières. Il fallait qu’elle trouve une solution à cette grosse écharde dans son pied et qui l’empêchait parfois d’avancer. Elle allait devoir la retirer.
Ilyanth lui expliqua ensuite qu’il avait été jusqu’à braver la mort sur les champs de bataille afin de venir en aide aux blessés et mourants et que, peut-être il aurait peur quand il découvrirait le passé de la jeune Fille de Lune, mais qu’il ferait son possible pour l’aider tout de même.
Puis il la rassura sur le fait qu’elle ne lui avait causé aucun tord quand elle lui avait parlé de sa chaleur corporelle anormalement élevée et que cette sollicitude dont elle avait fait preuve démontrait pour lui qu’elle avait un cœur noble et qu’il s’agissait là d’une qualité.
Une fois arrivés devant la chambre du jeune elfe, et ce dernier l’invita courtoisement à y entrer. Après avoir prononcé le mot « Aur » qui devait être un mot elfique, une douce lumière nimba la pièce depuis le plafond.
En portant ses yeux sur ledit plafond, la jeune femme remarqua une fresque d’un réalisme saisissant représentant un ciel nocturne rempli d’étoiles veillées par la lune. Sélène ne put s’empêcher de rester ébahie par la beauté de la chambre et des fresques qui la décoraient.
- C’est merveilleux… murmura-t-elle dans un souffle tant la décoration lui paraissait grandiose.
La demoiselle onirique n’arrivait pas à trouver d’autres mots pour décrire ce qu’elle ressentait en voyant la chambre.
Elle s’arracha cependant à sa contemplation après plusieurs dizaines de secondes afin de rejoindre Ilyanth à une table de bois blanc et s’assit sur l’autre chaise après avoir enlevé sa cape.
- Quelque chose de chaud ne serait pas de refus… et cela me permettra peut-être de reprendre un peu des forces, je me sens totalement épuisée…
Le jeune elfe parti à la recherche de la boisson. Pendant ce temps, la demoiselle onirique senti Noxia s’agiter un peu dans son esprit. Mais Sélène était malheureusement trop faible pour pouvoir tenter quoi que ce fut pour la retenir…
Elle ferma ses yeux de sang pendant un court instant. Mais lorsqu’elle les rouvrit, ce n’était plus Sélène qui était aux commandes.
Une douce odeur arrivait aux narines de la Comtesse Sanglante et elle s’aperçue que l’elfe avait ramené une boisson fumante, à la teinte ambrée, dans une grande coupe en verre.
Noxia sourit au jeune elfe qui lui faisait face désormais. Mais pas un des doux sourires de Sélène. Non, un sourire cruel. Un sourire qui en disait long sur ce qu’elle aurait voulu faire à Ilyanth. Sa voix se fit soyeuse, presque comme si elle cherchait à le séduire :
- Bonsoir petit elfe… Je me présente, je suis Noxia Evgenis, aussi appelée Comtesse Sanglante.
Son regard rouge si doux envers Ilyanth quelques instants plus tôt, devint de glace.
- Pourrai-je savoir ce que tu comptes me faire afin d’aider cette pauvre petite chose qu’est Sélène à se débarrasser de moi ?
Sa voix, auparavant suave était devenue aussi tranchante que de l’acier.
- Je te préviens, je ne te laisserai pas faire.
Aussitôt ces mots prononcés, la Comtesse Sanglante, toujours assise, fit apparaitre sa faux dans sa main droite, d’un simple appel mental. Mais elle n’attaqua pas pour autant, pour l’heure, elle comptait simplement effrayer ce petit elfe comme il fallait pour qu’il refuse d’aider Sélène, quelle qu’ait été la manière dont il aurait voulu s’y prendre.
*Noxia, arrête, il ne t'a rien fait ! Laisse-le tranquille ! Ne lui fait pas de mal ! Je t'interdit de lui faire quoi que ce soit !* cria la demoiselle onirique dans l'esprit de la Comtesse Sanglante.
Mais cette dernière était bien loin de se soucier de cette voix, certes dérangeante, mais tellement insignifiante.
- La ferme Sélène. Tu ne voie pas que je discute avec notre hôte ? lui répondit tout de même, le ton de sa voix toujours aussi acéré. Alors ? Que compte-tu me faire petit elfe ?
Quand ils pénétrèrent dans la chambre du Chantefeu, la rose lunaire ouvrit de grands yeux émerveillés, devant cette magnifique décoration, qui devait lui apparaître comme féerique et enchanteresse.
Ilyanth esquissa un sourire amusé à cette vue et l’invita à s’asseoir pendant qu’il irait chercher des boissons chaudes. En effet, Sélène semblait épuisée et frigorifiée après son long voyage à travers les cimes Elfiques et le Baptistrel espérait que boire un breuvage pourrait l’aider à reprendre des forces.
Ce dernier se rendit donc à l’autre bout de la pièce et versa une boisson Elfique, spécialement connue pour ses propriétés revigorantes, à l’intérieur de deux tasses, qu’il déposa sur la table, en souriant. Une senteur agréable émanait du nectar fumant, à la douce couleur ambrée.
- Voilà une spécialité Elfique, qui en plus de réchauffer possède également la propriété de redonner des forces. Vous m’en direz des nouvelles.
Tout d’un coup, la voix de Noxia retentit à ses oreilles et un frisson lui parcourut l’échine lorsqu’il croisa son regard incandescent. La jeune fille arborait un sourire énigmatique et ses prunelles écarlates luisaient d’un éclat sardonique.
Interloqué, Neolenn sentit un étrange pressentiment sourdre dans son cœur et les pensées se bousculaient dans son esprit. Noxia Evgnenis ? La comtesse sanglante ? Qu’est-ce que cela signifiait ? La jeune fille n’avait-elle pas dit se nommer Sélène Evgenis ?
- Noxia ? Je ne comprends pas…N’êtes-vous pas Sélène ? demanda le Rhapsodien avec prudence, sentant l’inquiétude le gagner à la vue de l’étrange métamorphose qui s’était opérée chez l’Albinos. Son apparence demeurait identique, pourtant un changement indéfinissable s’était opéré en elle et son aura patibulaire le glaça d’effroi.
Les rubis de Noxia perdirent leur teinte rougeoyante et se mirent à briller d’un éclat adamantin. Dès après, elle le questionna pour savoir de quelle façon celui-ci comptait aider Sélène.
La situation devenait de plus en plus étrange et le maître Barde ne savait comment réagir face à cette jeune femme, en présence de laquelle il ressentait un malaise inexplicable. Sa seule certitude était que cette « Noxia » différait en tout point de Sélène, malgré leur ressemblance troublante…S’agissait-il d’un double maléfique ? Le seul moyen de résoudre cette énigme était d’user de son pouvoir pour lire le chant-nom de l’humaine afin de découvrir comment une telle chose se révélait possible.
Le Cawr se concentra sur les vibrations de la fille de Lune et aussitôt celles-ci lui révélèrent son passé et les secrets de son âme. Une myriade d’images, de sons, d’odeurs emplirent son esprit et l’histoire de l’adolescente défila à toute vitesse dans sa tête. Tel un spectateur invisible, il pouvait observer l’enfant qu’elle avait été, ressentir ses émotions et sonder les tréfonds de son être…C’est ainsi que lui furent révélés les sombres traditions de la famille Evgenis, les atrocités auxquels ceux-ci se livraient et la souffrance de la jeune Sélène, victime impuissante d’inceste…Il assista à la naissance de Noxia et fut le témoin de l’irrésistible emprise qu’elle avait sur l’adolescente innocente…
Ces visions ne durèrent que quelques secondes mais pour le chantefeu cela sembla une éternité, faite de noirceur et de douleur…
Ce dernier regarda la fille de la nuit avec horreur et il dit d’une voix éteinte :
- A présent, je connais la vérité à votre sujet, je sais à quels actes épouvantables vous vous livrez sur tous ces malheureux mendiants et votre redoutable emprise sur Sélène. Mais je n’ai pas l’intention de vous laisser continuer…Je veux l’aider à se débarrasser de vous….J’en ai le pouvoir grâce à ma magie et en utilisant l’immense pouvoir du chant-nom…Grâce à lui, je peux tenter de vous faire disparaître et d’anéantir la malédiction que vous représentez pour Sélène…
Le fils du soleil savait que recourir à un tel procédé n’était pas sans risques et constituait un tabou chez les Baptistrels ; pourtant la vision des horreurs perpétrées par Noxia lui glaçait le sang et l’emplissait d’horreur. Jamais Sélène ne pourrait mener une existence paisible et harmonieuse tant que cette jumelle maléfique conserverait sa néfaste influence sur son être. Si la douce jeune fille symbolisait la pureté et la blancheur lunaire, ce double, quant à lui, incarnait la face cachée, le côté obscur…
La voix suave de l’albinos devint glaciale et métallique avant de se charger de menaces.
Soudain, la pierre du pendentif de Neolenn se mit à briller d’une lueur rougeâtre pour l’avertir de l’imminence d’un danger…Et la seconde d’après, une faux apparut dans la main de la comtesse sanglante…
A cette vue, le lié de feu sentit la peur s’insinuer dans son esprit, en raison d’une phobie des armes, à tel point que celles-ci faisaient parfois naître de véritables crises de paniques chez lui. La raison en était le violent traumatisme qu’il avait vécu lors de la terrible bataille de Sandur, responsable de tant de vies perdues.
Luttant intérieurement pour conserver un semblant de calme, malgré la terreur que lui inspirait cette lame acérée, le Baptistrel recula lentement et s'écria:
- Moi non plus je ne compte pas me laisser faire…Il y va de la vie et du bonheur de Sélène…Il faut que je trouve un moyen de vous neutraliser et de vous mettre hors d'état de nuire...
Le chantefeu avait conscience du fait qu’il se trouvait en fâcheuse posture, seul et désarmé face à cette créature ténébreuse et cruelle qu’était Noxia…Cependant, ce dernier se devait de trouver une solution pour la mettre hors d’état de nuire, mais sans la blesser car elle et la fille onirique partageait le même corps. Que faire ? Peut-être pourrait-il tenter d’utiliser la magie pour la désarmer ou l’assommer à l’aide d’un objet ? Dans tous les cas, celui devrait se montrer très prudent car la Comtesse Sanglante n’avait probablement pas dit son dernier mot.