Caladon, dans la nuit du vingt-quatre au vingt-cinq décembre, dans la Forge d’Alvis.
Le repas avait été succulent, et la soirée, un vrai régal. Malgré un comité réduit, composé d’un elfe aux cheveux argentés, d’un père, d’une mère, et de trois enfants, l’ambiance n’était jamais venue à manquer. Tout le monde débarrassait joyeusement la table, à grand coups de rires et de piques lancées à tord et à travers. Aucuns des convives n’étaient fatigués, pas même Léo, le petit dernier, à peine âgé d’une dizaine d’années. Son grand frère, Amon, devait alors avoir une quinzaine d’années, alors que Maya, la plus âgée, en avait dix-sept. Ils étaient tous les trois restés à table, accompagné de l’elfe aux yeux ambrés, alors qu’Amon taquinait son petit frère.
«
Je t’ai dit que ce n’était que des bêtises, ces histoires de père Noël. » Lançait-il, sous l’œil agacé de Maya, qui semblait désapprouver l’attitude de son frangin.
«
Arrête de lui dire ça, tu sais très bien que tu racontes n’importe quoi. » Rétorquait-elle, sous l’œil amusé de l’elfe installé à ses côtés.
«
Je ne dis que la vérité, et tu le sais très bien. Ce genre de choses n’existent pas ! » Dit-il, sans se démonter.
«
Oh, et quel genre de choses alors, Amon ? » Taquina alors l’homme aux oreilles pointues.
«
Et bah, toutes ces histoires, les légendes et les contes pour enfant ! Les armes légendaires, les monstres, les créatures immortelles... » Répliqua-t-il fièrement, arrachant un sourire malicieux à Seö, l’elfe aux cheveux argentés, qui se garda bien de répondre. Le plus petit, Léo, vint alors vers lui, et lui demanda d’une voix timide.
«
Et toi… Papa dit que tu peux faire des trucs magiques sur les objets, alors tu dois bien savoir ce qui existe ou pas, non ? » Devant son regard touchant, l’elfe se leva de sa chaise, s’étira, et parti chercher un petit sac dans le fond de la pièce. Il revint alors, un sourire énigmatique aux lèvres, avant de s’installer de nouveau à table.
«
Moi ? Je n’en sais rien, mais, en revanche, je suis sur qu’on peut l’apprendre tous les quatres. Après, je vous laisserais dire si vous pensez que le père Noël existe ou pas. Ça vous dit ? » Leur demanda-t-il, avec un sourire amusé sur le visage. Les enfants hochèrent alors vivement la tête, leur curiosité prenant le pas sur le conflit.
«
Comme le disait ton Papa, Léo, je suis un artisan. Un artisan bien particulier, parce que je fabrique des glyphes, enfin, des enchantements qui rendent des objets magiques. Ce qu’il y a de beau, dans tout ça, c’est qu’il est presque possible de tout faire, et d’exaucer tous les vœux du porteur. Mais c’est aussi un art compliqué, et dangereux. » Commença-t-il, sortant alors de son sac une curieuse coupe dorée devant les yeux écarquillés des deux plus jeunes, et le sourire de l’ainée.
«
Par exemple, cette coupe. Si je vous disais qu’elle a le pouvoir de soigner toutes les blessures si l’on en bois le breuvage, vous me croiriez ? » Amon hocha négativement la tête. «
Tu as raison Amont, il pourrait très bien s’agir en réalité d’un piège… » L’elfe aux cheveux argentés passa alors la main devant la coupe, qui prit en un instant l’aspect d’une dague effilée noire, à l’allure meurtrière. «
Comme d’une dague capable d’effacer toute vie en un doux murmure. » Léo poussa un cri, alors qu’Amont écarquillait le yeux devant la transformation de l’objet. Satisfait de son effet, l’elfe continua. «
Mais peut être que ce sont que des apparences, qui revêtent simplement les souhaits de leurs porteurs… » L’elfe passa alors à nouveau sa main devant la dague, et, lorsqu’elle fut de nouveau visible, il ne s’agissait plus que d’une rose de bois, finement sculptée. «
… Aussi, cette rose pourrait parfaitement permettre à son porteur d’être guidé vers l’amour. C’est ce qui est magnifique avec la magie, pour peu d’avoir suffisamment de volonté. » Finit l’elfe avec un doux sourire. Il y eut alors un instant de flottement, de sérénité, avant que Léo ne reprenne.
«
Mais, ça ne répond pas à notre question, est-ce que le Père Noël, c’est quelque chose de réel ? » Demanda-t-il.
«
Et bien... Je suis réel non ? » Les enfants hochèrent la tête. «
Et ce couteau, que tu as utilisé pour manger ta Dinde, il est réel non ? » Ils opinèrent une nouvelle fois du chef. «
Alors, si je suis ta logique, Amon, et que je plante ce couteau dans ma main, je devrais me blesser, c’est exact ? » Une nouvelle réponse affirmative. L’elfe, qui revêtait son armure blanche, prit alors le couteau, le leva, et le planta dans la paume de sa main, alors que les enfants poussaient un cri horrifié. Pourtant, la lame ne rencontra qu’une légère brume, dans lequel s’était enveloppé Seö durant un court instant. L’homme aux oreilles pointues se rassit alors, adressant un léger sourire aux trois enfants bouches bée, avant de reprendre.
«
Ce que je veux dire, c’est que la magie permet, et permettra toujours de créer des miracles de la nature. Je ne suis qu’un simple enchanteur, alors imaginez ce qu’il est possible d’accomplir avec son aide. Palantir, le Mur thoracique, et bien d’autres légendes encore… Elles sont bel et bien réelles. Les armes dont parlent les contes existent, j’ai même eu l’occasion d’en rencontrer, brièvement, l’une des porteuses. Alors si de telles choses, immuables et intemporelles, parcourent notre monde… Pourquoi le père Noël ne serait, lui, qu’une simple et belle histoire ? » Dit-il alors, lançant un clin d’œil aux trois enfants installés à table. Puis il se redressa, perdant son ton énigmatique pour des paroles moins sérieuses.
«
Mais peut être que je fabule. Peut être que ce que je vous ais décris n’existe malheureusement pas. Et peut-être, je dis bien peut-être, que mon histoire vous a captivé suffisamment longtemps pour qu’un très cher ami à moi, que vous ne pensez pas exister, ait le temps de faire son travail. » Lança-t-il, amusé, arborant un sourire malicieux.
Les enfants mirent quelques secondes à comprendre ses dernières paroles, et, lorsqu’ils se retournèrent, une pile soigneusement empaquetée de cadeaux avait pris place au pied du sapin.