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descriptionÊtre à la hauteur [Eleonnora] EmptyÊtre à la hauteur [Eleonnora]

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1e Juillet 1762, fin de matinée – Caladon la Revenante, Palais

Ils étaient tristes, ces murs, quand il s'agissait d'un défi à relever seul. Ils avaient l'aspect de la cendre à l'ombre des rayons du soleil alors que cela aurait tant sied à la Triade au complet de se trouver à la direction de la Cité Libre de Caladon. La mission qui lui incombait lui convenait aisément. Ici, Aldaron avait la poigne pour agir, au moins un peu, pour préserver la paix entre les Hommes, plutôt que de les voir s’entre-déchirer comme sur l'ancien continent et ne pouvoir que les soutenir dans leurs stériles querelles. L'aube avait été douce et les chaleurs estivales ne tarderaient pas à diluer la foule dans les rues de Caladon, avant que l’effervescence ne reprenne en fin d'après-midi, lorsque le feu du zénith aurait fait son office.

Un soupir et il achevait de sa lecture, pliant proprement le parchemin de la désolante missive, à la dextérité de ses doigts. Son regard paisible d'émeraude s'élevait vers la porte lorsque le battant de bois finement gravé se mut sur ses gonds d'étain. Puis, ses prunelles attentives s'attachèrent à la silhouette qui entrait, appréciant le raffinement de ses vêtements et de son allure dignement porté par l'une des héritiers d'un ami disparu. Un bref instant, son attention se détacha d'elle pour s'offrir le loisir de la brillance des armures de fer forgé, congédiant sa garde d'un signe de tête entendu, pour un entretien privé. Il l'avait faite venir à lui, avant que le conseil ne débute cet après-midi, comme pour lui accorder la préséance de ses annonces à venir.

Les souliers de cuir sur le parquet ciré claquaient dans un rythme régulier et ferme alors qu'il s'approchait d'elle pour l’accueillir, glissant ses doigts sous l'une de ses mains afin de l'apporter près de ses lèvres. Il s'y inclina et seul le souffle calme de se respiration vint effleurer la peau de cette dextre fine dans un prude baise-main. « Mes hommages, Mademoiselle Ostiz. » Il se redressa et plongea ses prunelles dans les siennes en poursuivant : « Je suis navré de vous convoquer plus tôt, j'espère ne pas avoir perturbé vos vacations personnelles. » Il était bien élevé, ou du moins avait-il appris à l'être en apparence. La politesse et la courtoisie décoraient ses propos d'une douceur attentive et son regard, posé sur elle, semblait sonder les émotions et réactions des traits de son visage.

L'expression désolée et sereine de l'elfe s'éclaira d'un fin sourire alors qu'il annonçait : « J'ai un présent pour vous. » Il reculait de quelques pas en arrière avant de détourner les talons. Ses doigts, à la force écumée par une maigreur échue de son séjour dans la prison de Morneflamme, caressèrent à son passage, l'emballage de tissu qui reposait sur le guéridon. Il la laissa découvrir son cadeau alors qu'il se dirigeait à la fenêtre avec toute la patience de son peuple de naissance. Il prenait son temps et pouvait aisément se le permettre. Les pertes de son cœur lui avaient appris à temporiser les instants qui pouvaient s'avérer agréables. « Je vais m'absenter de Caladon quelques jours. Quelques semaines en vérité. » Il ne lui précisait pas encore où et ne savait pas s'il serait nécessaire de le faire.

Il croisa les bras sur sa tunique légère. Ses habits étaient toujours de bonne facture, mais très sobres en décoration. Il avait vécu suffisamment parmi les Hommes pour avoir vu passer bien des modes vestimentaires. S'il les suivaient, ce n'était qu'en surface, son habillage sans fioriture se faisait intemporel et, parfois, rappelait la finesse élégante de son peuple natal. Ses lisses cheveux blancs tombaient dans son dos avec la légèreté innée à son peuple. Ses yeux verts observaient la populace commencer à se calfeutrer à l'abri des bâtisses. « Je vais demander à Aaron Denrys de me suppléer pendant ce temps. Je lui transmettrai quelques directives. » Aaron était, comme Eleonnora, l'un de ses conseillers. Un homme en qui il avait confiance et à qui il pouvait confier Caladon sans craintes.

D'un geste fluide, il se retournait vers elle : « Cela vous plaît-il ? » Il parlait du cadeau, mais la position de la question dans la conversation pouvait aussi se référer à la nomination provisoire de Denrys. De l'écrin de tissu se révélait une robe à la magie singulière. N'était-il pas en train d'acheter sa tranquillité pendant son absence ?

Robe Métamorphose :

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Sagement occupée à examiner les ordres du jour sous la chaste lumière qui filtrait à travers le vitrage, la jeune Ostiz fut surprise qu'un visiteur vienne la perturber de si bon matin. Levant les yeux de sa lecture matinale, elle scruta le pas de la porte, attendant qu'un quelconque collègue fasse son entrée. Les coups se faisant plus insistants contre la porte d'ébène, elle soupira et se leva péniblement de derrière son bureau pour accueillir cet importun. Ce dernier avait intérêt à avoir un bon prétexte pour la déranger à quelques heures d'un conseil.

Le jeune valet semblait contenir sa nervosité devant la demoiselle alors qu'il lui tendait une missive de la part du Bourgmestre. Elle haussa un sourcil et s'empara du parchemin qu'elle déplia prestement. Les trois lignes qu'elle parcouru la convoquaient clairement dans le bureau de son supérieur hiérarchique. Elle ne s'attendait pas à ce qu'il la convoque en audience privée, mais en tant que conseillère elle se doutait qu'il y ait des points que le Bourgmestre souhaite aborder en prévention du conseil qui prendrait bientôt place. Elle souffla un remerciement froid au serviteur, lui remettant en main le message et sans prendre le temps de retourner à son propre cabinet, la conseillère commença à longer les grand couloirs déserts de la mairie de Caladon.

Elle avait encore un peu de mal à se faire à cet environnement qui ne ressemblait en rien au palais de sa regretté Gloria. Elle n'avait cependant pas pu se résoudre à travailler sous l'injonction du nouveau roi Aldarien. Elle avait amèrement gardé cette défaite du royaume glorien à l'esprit. Ce peuple n'était désormais plus qu'un vague souvenir, et tous s'étaient regroupés sous un seul et unique étendard. Aussi, la situation d'Humanity était incontestablement avantageuse, car son union ne pouvait que faire sa force, surtout dans un moment aussi confus. Néanmoins Eleonnora était persuadée que si son père n'avait pas fait profil bas et ne s'était pas lâchement dérobé à ses responsabilités de régent, la puissance et la noblesse glorienne aurait gardé son essence. Malgré son ressentiment envers les agissements de son propre père, la jeune femme avait continué à servir sa réputation et celle de son nom en prenant place aux côtés d'un vieil ami de la famille à la tête de la riche ville de Caladon. Evidemment ses ambitions ne s’arrêtaient pas là, ce ne serait pas digne d'elle, pas digne d'une Ostiz.

La demoiselle s'arrêta un instant pour arranger une dernière fois sa coiffure avant de franchir les intimidants panneaux de bois qui la séparaient de Leweïnra Aldaron. Dans un froissement de tissus elle s'appliqua à le saluer avec la formalité que son rang lui imposait. Pourtant cela n'empêchait pas une expression sincère de naître sur ses lèvres à la vision de la silhouette gracile de l'elfe. C'était toujours un ravissement de poser les yeux sur un être dont le charme elfique ne pouvait laisser de glace et avait sans aucun doute fait des ravages.

« Ne vous préoccupez pas pour si peu; Tout ce qui concerne mes vocations personnelles passe après votre décret, évidemment.  »

Si elle n'avait pas l'esprit accaparé par son ambition auprès du rang qu'il occupe, peut-être serait elle tombée sous son charme comme de nombreuses femmes avant elle. Car sous ses airs de politesse se cachait un politicien aussi acerbe qu'elle et malgré l'attachement qu'elle avait pour lui, elle ne pouvait se permettre de baisser sa garde. Aussi, un prompt étonnement passa sur le visage de la jeune femme, ne sachant comment interpréter cette marque d'attention inattendue. Elle approcha prudemment de l'emballage qui lui était destiné et d'un geste léger et précis elle défit le ruban qui retenait le tissu révélant ce mystérieux présent au grand jour. Un sourire se dessina alors sur ses lèvres. Un tel tissu, aussi raffiné, était si rare et coûteux...Il n'y avait pas plus belle offrande pour qui connaissait son goût pour le raffinement et les beaux ornements.

« Je ne saurai comment vous remercier...Mais en quel honneur aurai-je le droit à un tel présent? »

La réponse du Bourgmestre l'arracha à sa contemplation. Elle observa son profil gracile, attendant la suite de ses paroles. Bien sur qu'elle savait où il voulait en venir. Si le Bourgmestre devait s'absenter, il faudrait évidemment une personne qualifiée pour le remplacer le temps de son déplacement. Une lueur d'espoir naquit dans les yeux de la jeune conseillère. Qui de mieux placé qu'une conseillère, jeune et dynamique, avec qui il partageait une certaine intimité? Aaron? Le sourire d'Eleonnora se flétrit à l'instant même où le nom de son collègue franchit les lèvres de son supérieur.

Elle recula d'un pas, s'éloignant de son cadeau. Elle s’efforça tout de même de garder un sourire poli, quoique hypocrite vu le désarroi qu'elle ressentait à cet instant même. Alors cette attention particulière n'était qu'une simple tentative de corruption? Déçue, la demoiselle retourna son attention sur la précieuse étoffe qui devait lui revenir. Qui aurait cru un instant que ceci était une marque d'affection? Elle était devenue bien trop sentimentale. Elle soupira et retourna un regard froid à son supérieur.

« Je suis au regret de vous annoncer qu'il m'est impossible d'accepter ceci. »

Elle croisa les bras sur sa poitrine pour sonder un instant l'expression de son interlocuteur.

« Vous savez très bien que ce n'est pas à mon goût. La corruption tout comme le fait d'être doublée par...un de mes collègues. .»

Elle s'avança lentement vers l'elfe sans le lâcher du regard. Laisser une occasion comme celle ci lui filer entre les doigts? Hors de question. Il ne la trouvait pas à la hauteur? Touchée dans son estime, elle se sentait irritée à cette pensée.

« Tout comme vous vous doutez que, en toute modestie, j'aurai prit plaisir à montrer mes talents à ce poste. N'est ce pas un peu cruel de votre part de me convoquer pour m'apprendre qu'il n'en sera pas le cas?  »

Elle prit une grande inspiration, elle devait se calmer. Cela serait contre productif d'insulter le Bourgmestre. Elle n'arriverait jamais à ces fins ainsi.

« Néanmoins, permettez moi, si Sir Denrys semble apte à gouverner, de soumettre à juste valeur ma candidature. Je trouve, qu'en tant que conseillère, au même rang que mon collègue, je devrait être à égalité dans vos jugements. Qu'en pensez vous? »

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    Le bourgmestre s'était bien attendu à une réaction semblable de la part d'Eleonnora. Il avait, à son égard, suffisamment de respect pour ne pas s'amuser de la voir ainsi se vexer, croiser les bras et défendre ardemment sa candidature. Elle n'était pas satisfaite et s'il avait été certain de ne pas avoir à remonter les manches dans cette tâche, il ne l'aurait pas convoquée avant le conseil. Il se trouvait peiné de devoir argumenter mais se satisfaisait de la voir ainsi protester, marquer sa place du sceau de son auguste nom. Il l'observa, le visage impassible, le regard teinté d'aucune froideur ni d'aucune rudesse pour répondre aux prunelles vindicatives de la demoiselle. Il rassembla ses doigts, les enlaçant les uns dans les autres dans un calme olympien, comme une montagne affrontait dignement la tempête. La fougueuse jeunesse : il se sentait parfois devenir vieux lorsqu'il se montrait plus flegmatique et paisible que d'autres. Si elle faisait des efforts pour camoufler les agacements de son cœur, il avait hérité de sa race des traits plus lisses et marmoréens. Ses sourcils vinrent délicatement se froncer avant qu'il n'entame avec lenteur une réponse dont il pesait chacun des mots : « C'est cruel, en effet, de ma part. » confirma-t-il, sans animosité aucune, rien qu'une sincère compassion à la hauteur de la situation déplaisante dans laquelle il la mettait. « Il aurait été toutefois plus cruel encore que de vous l'annoncer tout à l'heure, devant le Conseil. Ici, les tressautements de votre humeur n'ont de spectateur que moi-même, votre intégrité préservée à l'abri de mon silence, comme tant d'autres choses. » Il parlait probablement des couches culottes qu'il l'avait vue porter en son jeune âge, jadis, à Gloria ou bien des éclats de son caractère enfantin lorsqu'elle jouait encore à la poupée banquière. Il marquait son acte du sceau de sa bienveillance, quand bien même il ne niait pas devoir être cruel pour ce faire. Rien n'était parfaitement blanc, ni parfaitement noir ; ses propres errances lui avaient appris à voir le monde en milliers de nuances de gris.

    Marquant une pause pour qu'elle assimile son propos et accepte l'idée qu'il ne lui désirait aucun mal, il poursuivit : « J'ai étudié votre candidature, Mademoiselle Ostiz, probablement plus longuement que celle de tout autre. Pourtant, mon choix s'est porté sur Aaron Denrys. C'est un homme expérimenté et ingénieux qui a démontré sa capacité à travailler avec la Triade, y compris dans les terres hostiles de la Théocratie. Ce n'est pas un homme charismatique, hélas. Certainement est-ce là le pendant défaillant de son efficacité. Vous être une femme brillante et bien éduquée. Je retrouve en vous bien des talents de votre père. Votre ambition, malheureusement, vous pousse vers des sommets bien trop prématurément, si bien qu'à vous y retrouver sans les armes pour vous battre, vous devenez une proie fragile et la situation précaire des cités libres vous placerait en première ligne pour recevoir des coups. Je crois en vos compétences, je crois en vous. C'est au nom de cette croyance que je refuse de faire de vous de la chair à canons. » Il appuya sur elle son regard tranchant comme l'émeraude et pourtant tendre dans les sentiments protecteurs qu'il lui portait. « Si je pense que le moment est assez stable pour me permettre ce voyage, je suis aussi intimement convaincu que cela ne se passera pas sans heurts. Mes détracteurs me reprochent la proximité que j'ai entretenu avec les Kohan et ils vous la reprocheraient au même titre. » Il avait côtoyé les Rois de Hommes tout autant que des générations de la noble lignée Ostiz. « Il s'agit de mon premier voyage hors de la cité de Caladon. Je partirai ce soir, personne n'en a été averti à l'exception du Capitaine qui me recevra et vous-même. J'en aviserai le Conseil tout à l'heure et je gage qu'ainsi, nul n'aura eu le temps de prévoir de méfaits. J'ignore ce qui va se passer pendant mon absence. J'ignore qui va oser se dresser, ni comment. Je mise sur vos compétences à soutenir Sir Denrys, la réussite de sa mission est également la vôtre. Si ce voyage se passe bien, probablement en referai-je d'autres. A la lumière de vos actes pendant celui-ci et que l'état politique de Caladon, j'étudierai votre candidature à nouveau. »

    Ce n'était pas une promesse de nomination, mais l'assurance certaine qu'il jaugerait de ses actes avec minutie et mérite. Il inspira avant de soupirer et de s'avancer vers le guéridon qui supportait le présent offert et refusé. Il posa l'extrémité des cinq doigts de sa main droite sur le tissu. « Acceptez, Mademoiselle Ostiz, la place que je vous assigne. » Nul ordre, rien de plus qu'une demande d'obtempérer. « Ceci... » Ses yeux se baissèrent sur la robe sous ses doigts avant de redresser ses prunelles dans les siennes : « Est de la corruption. Je ne saurais nier ce que votre intelligence a mis à jour. » Il voulait acheter son calme et sa coopération pendant ce voyage. Pour se protéger autant que vous la protéger elle. « Mais ceci... » poursuivit-il « Est avant tout le gage de la tendresse que j'éprouve à votre égard... » Même si elle appelait à des actes moins glorieux comme la corruption pour la préserver : « Et à l'égard de votre famille. »

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La jeune fille se surprit à rougir sous l'assaut des commentaires honnêtement justifiés par le Bourgmestre. La honte de se dévoiler aussi intempestive devant un être pour lequel elle avait le plus grand respect lui montait aux joues. Elle détourna les yeux, essayant d'échapper au regard sage de cet homme, qui, on pouvait bien l'avouer, la surplombait dans bien des domaines. Mais, il ne pouvait pas la blâmer d'agir ainsi, de faire de son mieux et de revendiquer avec une fougue digne de sa jeunesse pour obtenir ce à quoi elle tient. Pourtant face à l'elfe elle avait l'impression d'être David combattant Goliath. Avec une pointe de nostalgie, elle retrouvait en son supérieur la grandeur de son père qui, autrefois, n'avait besoin que d'un regard pour lui faire regretter ses erreurs. Mais surement émanait-il moins de froideur, plus de bienveillance que ce dernier. Ce qui n'était pas pour lui déplaire car, malgré les reproches dissimulés qu'il exprimait, elle reconnaissait la douceur d'un vieil ami s'adressant à elle.
Elle ne put retenir un sourire en dépit son embarras; Car elle pourrait en dire autant à son sujet quand à ces anecdotes qui seraient "préservées à l'abri de son silence". Elle n'était peut-être qu'une enfant lorsqu'il avait commencé à côtoyer son père et que l’existence d'un elfe ne se compte pas en années mais elle pouvait en dire bien plus à son sujet que beaucoup de monde ici bas. Aussi, elle savait de quoi il était capable et que son aide ne pourrait qu'être bénéfique dans sa quête.

Néanmoins, comme il le pointait bien du doigt, la demoiselle semblait se hâter à arriver à ses fins, allant jusqu'à sauter des étapes. Elle ne connaissait Sir Denrys que dans le cadre de son métier mais elle savait que, réputation, il avait une bien plus grande expérience du pouvoir qu'elle. Même en sachant pertinemment que travailler aux côtés d'hommes chevronnés elle ne pouvait que s'améliorer, pressée par son impatience et son ambition, elle enrageait intérieurement d'être aussi impuissante et de ne figurer qu'au second rang. Or elle devait bien se résoudre à accepter le fait que les caprices de l'enfant gâtée qu'elle avait été n'aboutissaient plus à rien.Ses rêves de grandeurs seraient bien naïfs si elle dégringolait au moindre obstacle par son ignorance. Elle se fichait bien du royaume mais ne voudrait pas faire du tort à son ami en devenant nuisible à sa position. Alors la jeune conseillère devrait faire preuve de patience car, pour une fois, tout ne lui arriverait pas entre les mains en un claquement de doigt.

« Veuillez pardonner mon impertinence, j'ai réagi en toute ignorance de cause... »

Les excuses semblaient lui arracher la gorge, ayant toujours du mal à accepter ce qu'elle pouvait qualifier de défaite car pétrie de fierté. Elle avait presque l'impression de se faire réprimander telle une enfant. Par orgueil, elle ne pouvait baisser la tête indéfiniment et confronta son regard de fer à la douceur de l'elfe.

« Monsieur, c'est bien puisque que je vous connais, et que mon père vous considérait comme un ami, que j'ai une entière confiance en vos qualités. Je pense que les rois font de même, ils placent des hommes dont ils reconnaissent personnellement les qualités à leurs côtés, s'ils ne sont ni fous ni despotiques. Je ne vous demande pas de traitement de faveur, bien au contraire, mais ce que j'essaye de vous dire c'est que je ferait en sorte de vous prouver ma valeur. »

Il lui semblait que cette occurrence venait la tirailler même après la disparition de son père. Crissolorio Ostiz avait-il réellement reconnu la valeur de sa fille comme elle le rêvait tant? Et maintenant qu'il n'appartenait plus à son monde, il lui fallait qu'un autre le remplace. Mais un jour, oui un jour bientôt, le nom Ostiz sera célèbre par delà les pics acérés de Nyn-Tiamat ou bien les déserts arides de Keet-Tiamat, et ce jour il reviendra, c'est sur, il reviendra lui dire qu'elle avait réussi et qu'il était fier d'elle. Elle retrouva son sourire, encore quelque peu écorché par l'avertissement dont elle avait été gratifiée plus tôt, mais sans aucun ressentiment. Elle avait beau être têtue et bornée, son esprit n'était pas assez atteint pour qu'elle persévère dans l'erreur et balaye les conseils précieux de son sage supérieur.

«Aussi, si vous avez foi en Sir Denrys et ses capacités je ferais au mieux pour le supporter dans sa tâche mais comptez sur moi pour rester sur mes gardes tant que vous ne serez pas présent pour veiller au bon déroulement de la vie à Caladon. C'est alors avec honneur que j'accepte la place que vous m'avez réservée. »

Elle ponctua ses parole d'une révérence respectueuse et assurée à son adresse. Mais alors qu'il désignait le cadeau qu'elle avait refusé quelques temps plus tôt, Eleonnora eu un pincement au cœur. Cela faisait bien longtemps que l'on avait pas éprouvé de tendresse envers son nom. Autrefois glorifié, il n'était plus que le fantôme d'une époque révolue. Tout comme le reste de ses proches, disparus. La jeune femme s'avança avec toute la tranquillité qu'elle avait retrouvé après cet échange. Elle couvrit en douceur les longs doigts fluets de l'elfe de sa paume.

« Je serai ravie d'accepter ce présent s'il ne représente que le gage de votre amitié; Et je me sent touchée de l'hommage que vous faites à ma famille...si bien que nous puissions pas vous rendre la pareille pour des causes évidentes.» Elle manqua d'étrangler ses derniers mots mais continua sans perdre son sang froid:«En contre partie, veuillez accepter mon inquiétude à votre sujet car si vos sentiments sont sincères, je ne pourrais m'empêcher de dévoiler ma propre bonté envers vous. Sous l'effet de l'irritation je n'ai fait que penser à ma personne, c'est là l'un de mes nombreux défauts malheureusement, mais permettez moi de me soucier des raisons de votre déplacements. »

Evidemment ce n'était pas le regard d'une conseillère qu'elle plongeait dans le vert sombre des iris elfiques, mais bien celui d'une amie.

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    Les rougeurs gênées de son adorable visage lui permirent de mesurer l'impact de ses paroles sur elle et d'en espérer un retour prometteur. En silence, il lui accorda le temps d'en capter l'essence et s'amusa de la risette qu'elle apposait à ses lèvres malgré l’embarras, concevant que leur proximité commune n'avait fait que servir des secrets réciproques. Aldaron n'avait acquis cette mesure et ce calme olympien qu'à l'enseignement du défunt dragonnier Achroma. Autrefois à Gloria, l'elfe avait eu des cheveux bruns et courts, comme beaucoup d'hommes avec lesquels il avait appris à vivre depuis des siècles. Sa carrure plus développée avait été engloutie et dévorée par les trois années qu'il avait passée dans la prison de Morneflamme. Maigre et carencé, si son corps avait aujourd'hui récupéré une allure assez bellement dessinée, il était assez loin de ce qu'il fut jadis. Les épreuves l'avait marqué jusque dans son caractère, lui qui avait été plus oisif, plus fougueux, plus rêveur. Il avait été un marchand hors paires, capable de faire croire au plus irrévérencieux mensonge, séduisant par l'exotisme de son charme elfique, au sein de cette population Glorienne qui ne voyait pas beaucoup de son espèce. Il avait connu des heures heureuses et des claques magistrales, de francs succès et des loupés mémorables que l'enfant, puis l'adolescente qu'avait été Eleonnora n'avait pas manqué d'observer de temps à autre. A sa demande de pardon, il avait acquiescé lentement la tête, de manière assez évasive pour lui signifier qu'il était loin de lui en tenir rigueur. S'il y avait bien un trait qu'il n'avait pas hérité des elfes, c'était bien celui de se vexer pour un rien. Il était déjà passé à tout autre chose, s’inquiétant en bien plus grande mesure de ce qui pourrait advenir de l'héritière Ostiz au cours de son absence.

    Il prêta une oreille attentive aux résolutions et à l'acceptation de la jeune femme, qu'il accueillit avec un certain soulagement. Elle ne s'entêtait guère et il établissait en cela une certaine abnégation fort appréciable en dépit du projet de carrière dont elle rêvait. « Je vous remercie. Je me manquerai pas de garder un œil sur la pertinence de vos initiatives. Si vous nourrissez cette ambition, je ferai en sorte que vous y parveniez dans les meilleures conditions possibles. Mon absence n'est pas de ces épreuves qui puisse vous éprouver de façon épanouissante. A mon retour, je veillerai à vous confier quelques tâches qui exerceront et développeront vos compétences. J'espère que vous y trouverez l'inspiration adéquate pour prouver votre valeur... Et pas seulement à moi, en vérité. Dans cette cité, je ne serai qu'un électeur parmi d'autres. » S'il appréciait qu'elle désira démontrer son potentiel à ses yeux, il estimait encore plus important que le peuple Caladonnien s'en rende compte et lui attribue ses victoires méritées. Sans quoi, elle ne serait jamais élue bourgmestre à sa suite. Il prit la main qui reposait sur la sienne pour l'enserrer avec douceur, touché par la compassion et la douceur de son regard : « Apaisez vos craintes, Mademoiselle Ostiz. Je ne suis contraint à ce voyage que par mon propre désir. Depuis que nous nous sommes établis ici, j'ai concentré mes efforts dans le chronophage objectif de préserver la paix entre les royaumes humains. Je n'ai pas eu l'occasion de découvrir cet archipel et d'aller à la rencontre des autres dirigeants. Le peuple elfique est toujours resté mien en dépit de nos divergences, c'est dans leur île que je me rends. » Ce qui impliquait un long voyage dont le bourgmestre ne reviendrait pas avant la mi-août.

    « Il est des paix qui ne se négocient que les yeux dans les yeux. » confia-t-il paisiblement, soufflant à demi-mots qu'il serait également dans ses projets que de rencontrer à nouveau Nolan Kohan pour réduire les tensions. Un pari risqué et dangereux mais tellement nécessaire s'il ne voulait pas voir les peuplades reprendre les armes et mettre à feu les cités en plein essor, notamment économique. Par extension, il parlait également de leur entrevue actuelle où il avait préféré discuter en privé avec elle que de proclamer ses décisions de façon impersonnelle. « Je serai toutefois en capacité de revenir ponctuellement près de vous, si le besoin s'en faisait sentir à Caladon. Envoyez-moi une lettre : les oiseaux volent plus vite que les bateaux ne naviguent. D'accord ? » Il leva une main pour replacer l'une des mèches brunes de la demoiselle dans sa coiffure. Un geste paternel, signe d'une amitié ambiguë, à la fois protectrice et réservée. Si elle était purement sincère, le caractère si éphémère de l'humanité face à sa longue existence, réclamait qu'il prenne ses distances. La mort de sa sœur de cœur Corinne lui avait suffisamment servi de leçon en la matière pour qu'il se refuse à se faire à nouveau du mal dans un attachement au-delà du raisonnable, hélas. Cela lui rappelait encore Ô combien il aurait préféré naître Homme plutôt qu'elfe. Il relâcha sa main et s'éloigna, refermant par une télékinésie habituée le paquet de son offrande. Allant à la porte, il ouvrit le battant de bois pour s'adresser à un serviteur. « Portez ceci chez Mademoiselle Ostiz, je vous prie. » Le jeune homme entra pour venir prendre l'étoffe et la conduire dans la demeure de la demoiselle. Aldaron n'aurait pas laissé une dame de lignée se promener avec son paquetage sous le bras.

    Il y avait une autre raison qui le conduisait à se rendre au Royaume Elfique. Sa boussole du cœur pointait l'endroit et il espérait bien découvrir ce qu'elle désignait depuis tant d'années, quand bien même il en avait une bien claire idée. Il souhaitait plus en avoir le cœur net pour mieux y renoncer. Il avait tourné le dos à son fils, il y avait 350 ans. Renouer était au delà de ses forces, l'ignorer était une faiblesse pour laquelle il acceptait de souffrir. Parfois, il se demandait encore pourquoi il se lançait alors dans une aventure si inutile. Au fond de lui, il espérait encore avoir ce déclic, cet instinct paternel qu'il arrivait à éprouver à l'égard des progénitures humaines qui n'étaient pas les siennes. Il se sentait si lâche en bout de course, et certainement désespéré. Il orienta à nouveau son regard sur l'humaine, s'apercevant qu'elle avait bien grandi depuis tout ce temps. Peut-être la prenait-il encore un peu trop pour une enfant. Une enfant qui avait, elle aussi perdu un père. « Avez-vous... » Il marqua un temps d'hésitation et poursuivit : « Avez-vous des nouvelles de Crissolorio ? » se risqua-t-il avant de proposer, presque aussitôt, comme pour effacer sa précédente demande : « Puis-je vous inviter à déjeuner ? » Au moins, elle aurait tout le loisir de choisir comment aborder la disparition paternelle et ne serait pas obligée de répondre immédiatement.

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Eleonnora fut un tant soit peu soulagée que le Bourgmestre effectue ce voyage de son plein gré. Ce secret si bien gardé avait attisé son inquiétude et elle avait douté un instant qu'il n'ai préservé cette information uniquement pour sa sécurité. Elle s'en voulait quelque peu d'avoir pensé à sa carrière et son ambition avant de se soucier du voyage de son ami. Mais elle n'aurait pas pensé le temps venu pour Caladon de franchir les frontières du royaume des humains. Après tout, leur ville vivait sous l'insigne du commerce et toutes les races s'y mélangeaient, faisant office de carrefour entre les peuples. La jeune conseillère en était d'ailleurs très fière.

Puis en y réfléchissant bien, l'elfe avait bien ses propres raisons pour naviguer jusqu'à à l'autre bout de Tiamaranta. La notion de découverte et d'aventure avait souvent chatouillé l'esprit de la jeune femme et elle se surprit à penser qu'il lui était toujours possible, du jour au lendemain, de sauter sur le pont de la Goelette de son capitaine favori et partir au large sans se retourner. Elle aurait bien rigolé à cette rêverie. Elle n'était plus l'adolescente insouciante qui était un jour partie en quête de la cours des miracles pour y trouver frissons et suspens. Elle n'était pas non plus une immortelle et son misérable temps était compté. Aussi, Elle ne pouvait perdre de vue ses objectifs à jouer les aventurières effarouchées. La demoiselle eu tout de même une pensée pour Artane, son beau capitaine pour qui elle prenait le risque de se faire répugner par la noblesse si sa relation devenait publique. Cette aventure là lui suffisait amplement au final...

Néanmoins, elle savait que le Bourgmestre n'allait pas là bas pour s'amuser. Il avait d'ailleurs bien changé depuis qu'elle l'avait connu dans son enfance. Tout comme elle, son insouciance s'était envolée pour être remplacée par le poids des pertes et des responsabilités. Cela se voyait dans son regard, sur sa peau émaciée, ses joues creusées et sa chevelure immaculée. La jeune Ostiz se reposait sur lui tout comme elle espérait qu'il se reposerait sur elle le moment venu. Sa tâche ne serait pas de tout repos et il aurait besoin de soutiens. Par extension, il ne siégeait pas seul sur Caladon et quelque soit ses ambitions, elles seront appuyées par le reste du conseil. Ainsi, la Conseillère Ostiz hocha la tête avec un air entendu. Elle se doutait que son périple ne serait pas anodin pour l'avenir de la citée.

« Partez sans crainte. Vous laissez Caladon en de bonnes mains alors n'y a aucune raison qu'un problème qui nécessite votre attention ne survienne. Toutefois, je promet de vous écrire. Votre voyage sera bien long; il faudra donc que vous restiez informé de la situation de la citée....Promettez moi aussi que vous donnerez de vos nouvelles. On ne sait pas ce qui peut arriver dans ce monde inconnu...Je ne voudrais pas que vous en profitiez pour vous échapper sans laisser de traces! »

La demoiselle avait ponctué ses paroles d'un petit gloussement taquin mais elle n'en était pas moins sérieuse. Il comprendrait qu'elle faisait référence à Crissolorio. C'était un avertissement bien dissimulé. Elle refusait de perdre à nouveau de vue un être qui lui était cher. Tandis qu'il approchait sa main gracile de sa chevelure, elle mesurait l'affection qu'elle lui portait. Sa présence satisferait-elle le vide que l'absence du vieux régent avait créée et que même un amant n'avait pu combler?  
Elle savait que son père était parti en sachant qu'elle était désormais prête à prendre sa vie en main et faire de grandes choses par elle même, sans son aide. Mais au fond, elle avait peur de ne pas se sentir assez forte pour affronter tant de changements seule. Et même si ce n'était pas pour mener une conversation diplomatique ou gérer un budget;  Où sera t-il quand elle se sentira seule dans sa grande maison? Où sera t-il quand les enfants de sa soeur seront grands? Où sera t-il quand à son tour elle se mariera? Quand elle aura des enfants? Elle sentit sa poitrine se serrer. Et alors qu'il détachait son regard d'elle, là où ses pensées devraient être envahi par la colère, une vague de tristesse s'empara de son être. Elle profita que l'attention de l'elfe soit tournée ailleurs pour passer des mains tremblantes sur son visage.

Elle ne se retourna pas lorsqu'il lui adressa cette question, dissimulant l'expression d'une faiblesse qu'elle ne voulait montrer à personne et surtout pas à son supérieur. Frapper son ennemi tant qu'il est à terre, hein? Evidemment, il ne le savait pas que leur entrevue avait ravivé des émotions qu'elle avait cru enfouies bien plus profondément. Elle marqua un temps avant de répondre. Elle déglutit rassemblant son courage.


« A vrai dire, j'espérais en venant ici vous poser cette même question...Vous m’ôtez les mots de la bouche! »

Elle se retourna enfin, un sourire radieux aux lèvres, pour reprendre place aux côtés de la gracieuse silhouette. Un sourire sans âme était mieux qu'une mine déconfite. Elle ne pouvait pas se laisser aller avec le Bourgmestre. Elle n'avait pas envie d'importuner son hôte de ses chagrins! Son invitation fut des plus convenues et la jeune femme put souffler quand au changement de sujet. Elle tentrait de chasser de ses pensées la mélancolie qui s'était éprise de son âme quelques instants plus tôt en proférant les banalités d'une jeune aristocrate.

« Ce serait avec plaisir! Où allons nous? Dans le bourg? Ou bien peut-être aurais-je l'honneur d'être invitée à votre table? Oh mais, je ne suis pas présentable pour un dîner...veuillez m'excuser! »

Mais s'il voudrait à nouveau parler de son père disparu, et bien, soit. Elle se montrerait brave. Après tout elle n'était pas la seule à avoir perdu des proches.

Dernière édition par Eleonnora Ostiz le Lun 22 Jan 2018 - 18:02, édité 1 fois

descriptionÊtre à la hauteur [Eleonnora] EmptyRe: Être à la hauteur [Eleonnora]

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    Partir sans craintes. Aldaron aurait bien aimé pouvoir sereinement suivre son salutaire conseil, mais il connaissait le rouge cœur en colère des hommes, le nom des traîtrises qui se hissaient à la surface du visible quand le délectable profit se découpait au large de la ligne d’horizon, comme une cible à percer en son centre. Peut-être se faisait-il du soucis pour rien, peut-être ne s’était-il que trop frotté à la noirceur de ce monde pour parvenir à se détacher de ses doutes pernicieux. Morneflamme l’avait rendu un tant soit peu paranoïaque ; il voyait, dans l’ombre, des pairs prêts à le tuer à l’instant où il baisserait sa garde. Il avait déjà tant perdu par son insouciance qu’il en était devenu maniaque et avait besoin de contrôler avant de subir. En partant, il inversait ses habitudes instaurées depuis sa nomination. Il changeait les règles du jeu auxquelles il tenait pourtant tellement. Alors, il ne pouvait pas partir en toute quiétude, son propre caractère faisait barrage à l’oisiveté de jadis qu’il avait enterrée. La risette marqua le coin de ses lèvres lorsqu’elle lui réclama de lui écrire, mais il fut absorbé par ses pensées au moment où il voulu lui confirmer qu’il prendrait le temps de lui apporter des nouvelles. Sa dernière phrase l’avait claquemuré dans un silence méditatif, tant le sous-entendu était aussi visible qu’une baleine sous un gravier. Il n’osa pas immédiatement rebondir sur la thématique, préférant distiller le temps pour apaiser la jeune femme. Il aurait aimé qu’elle lui parle de ce qu’elle supposait, de ce que Crissolorio avait pu laisser derrière lui, dusse-t-il sécher ses larmes pour lui permettre de s’exprimer et de vider son sac. « Vous savez bien que je ne suis pas de ceux à qui votre habillement déplaira, Mademoiselle Ostiz. Vous êtes ravissante. » avoua-t-il, profitant de cet instant de relâche pour chasser au loin la disparition de Crissolorio… Au moins pour le temps qu’il lui serait nécessaire à ménager Eleonnora. Aldaron n’était pas né avec une cuillère en argent dans la bouche, du moins chez les Humains. Il avait commencé sa fuite du royaume elfique par quelques nuits sous les ponts et le ventre qui criait famine. Les cancans vestimentaires n’étaient certainement pas sa priorité. Sur ces paroles, il lui proposa son bras pour quitter la pièce puis le palais de justice. « Déjeunons chez moi, votre tenue ne vous chagrinera plus ainsi. » Elle n’aurait pas à subir les regards des autres… Et pas que pour ses habits. Ils pourraient être à l’abri des regards pour poursuivre leur discussion.

    L’elfe n’habitait pas très loin mais dans les rues, le soleil tapait déjà assez fort. Il n’avait jamais eu de soucis avec la chaleur jusqu’à son enfermement à Morneflamme, dans le cratère d’un volcan. Maintenant il tenait les montées de température en horreur et se sentait mal à l’aise. Aussi marcha-t-il à l’ombre des hauts bâtiments, de façon inconsciente. « Je ne manquerai pas de vous écrire et de répondre à vos lettres, jusqu’à mon retour. Je n’ai rien qui m’attend dans ces îles inconnues. » Pas même son fils resté au royaume des elfes. Voilà bien des siècles qu’il avait tiré un trait là-dessus et ne se sentait pas réellement prêt à renouer avec un peuple qui avait blâmé ses choix de vie. « Ma place est ici, à Caladon. La Triade avait fait de l’ancienne Caladon un havre de paix pour le commerce, y compris pendant l’occupation de la Théocratie. Je compte bien faire de la Revenante une cité d’or. Alors non... » Il porta sur elle son regard d’émeraude alors qu’ils arrivaient sur le pas de de sa porte. « Je ne vous abandonnerai pas, Eleonnora, soyez-en assurée. » fit-il plus bas, à l’usage de son prénom. Il ouvrit la porte et la laissa entrer la première. Les domestiques s’occupèrent de leur effets avant de s’éclipser pour dresser la table. Il s’avança dans la pièce adjacente après avoir invité la demoiselle à le suivre d’un léger signe de tête entendu. Le salon était assez vaste sans pour autant avoir des allures de château, bien au contraire. Les murs et plafond était laqués de bois coûteux et habilement travaillés, d'une teinte sombre aux nervures ambrées. Le parquet, lustré, était couvert de larges tapis brodés de fil bleu et d'argent. Les sofas étaient confortables, et la décoration générale était riche mais sobre et épurée. Elle recelait de matières premières de très bonne qualité, que ce soit dans le choix des bois ou celui des métaux, mais les lignes étaient dénuées d'arabesques ou de fioritures. Il n’était pas le genre de personne à surcharger sa demeure de marques ostentatoires de sa richesse, tout n’était que suggéré. Il prit deux coupes en argent pour y verser un alcool doux, ambré et raffiné et en tendre une à son invitée, le temps que le repas soit préparé. « Prenez place, vous êtes ici comme chez vous. » Il s’assit dans l’un des canapés et tapota doucement la place à ses côtés pour qu’elle le rejoigne.

    Il l’observa un instant avant de finalement poursuivre : « Votre bien-être m’importe. Vous entendre craindre ma disparition suscite mon inquiétude, autant que je suis certain de la raison qui vous fait prononcer de tels mots. » Crissolorio en était à l’origine et son propos se composait de tant d’indices sur les souffrances camouflées dans ce corps de femme au sourire vide de vie. « Être à la hauteur de votre nom, de votre père ne signifie pas qu’il vous faille dissimuler ce que vous ressentez, car vos ambitions, vos actes et vos mots transpirent de la détresse qui est la vôtre. Il suffirait de tirer sur un fil pour détruire l’étoffe de votre masque de dignité et mettre à jour l’océan d’incertitude dans lequel vous nagez. Je vais tirer sur ce fil, Eleonnora... » Et crever l’abcès. C’était cruel, encore, de sa part. Au risque de passer pour le méchant dans cette histoire, il savait ce qu’il était et le ferait la conscience en paix, dusse-t-il lui faire du mal pour la libérer : « Parce que je ne veux pas que quelqu’un de mal intentionné le fasse à ma place. » Il resta un instant à la fixer avant de boire une gorgée de sa coupe et de la poser sur la table basse. « Je n’ai pas de nouvelles de votre père, mais vous le connaissez probablement mieux que moi. Ce monde inconnu recèle d’opportunités et de dangers, et selon vos propres mots, ce n’est pas ma mort que vous craignez, c’est que je… ‘’M’échappe’’. Alors… Est-ce votre douleur qui vous empêche d’envisager le deuil de votre père... » Et donc de conclure que Crissolorio soit mort pendant le voyage. « Ou avez-vous des informations, des indices, des arguments pour croire qu’il est toujours en vie ? Qu’est ce qui nourrit le sentiment d’abandon qui étreint votre cœur si ce n’est votre certitude que c’est ce qu’il a fait ? » D’un geste presque invisible, il était venu placer deux doigts sous le menton de la jeune humaine pour orienter son visage vers lui et planter dans ses yeux l’émeraude à la fois ferme et protectrice de ses prunelles.

    Il reprit d’une voix calme et lente : « Vous n’avez pas à vous tenir droite et robuste à tout prix, croire qu’il est parti parce qu’il vous pensait prête et qu’il vous faille honorer ce pari. S’il a décidé de s’éclipser, ce n’est pas parce que c’était le moment de le faire. Il y a une différence entre saisir une opportunité et choisir le bon moment. Par chance, ils peuvent aller de pair, mais dans d’autres cas, ils sont d’intérêts totalement divergeant. Mais vous le savez, n’est-ce pas ? » Oui, elle le savait : elle était intelligente. Si Crissolorio était en vie, il avait fait le choix de se cacher, avec les avantages et les inconvénients que cela représentait pour lui et son entourage. « La solitude vous fait peur. »

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La jeune femme était quelque peu soulagée qu'il la mène à un endroit où elle ne pourrait pas se donner en spectacle. La blessure ouverte qu'elle tentait de dissimuler semblait comme un poids supplémentaire sur ses frêles épaules et qui sait à quel moment elle pouvait s’affaisser. Elle avait l'impression qu'en la  présence de l'elfe tout était possible. La chaleur estivale en paraissait d'autant plus étouffante. Elle se fit la réflexion que la robe de soie fine, laissant ses épaules dénudées d'une manière élégante et surtout rafraîchissante, était des plus bienvenues. La jeune femme remarqua d'ailleurs qu'elle n'était pas la seule à difficilement supporter la chaleur tandis qu'elle répondait d'un hochement de tête évasif au ton rassurant de son compagnon. Elle voyait bien qu'il essayait de l’apaiser en lui soufflant ces paroles, en lui confiant ses espoirs et ses ambitions; Et cela prouvait d'avantage sa bonté d'âme. Cependant Eleonnora évitait son regard perçant. Cela malgré le fait que, de la bouche de son cher ami, étaient sorti les mots que son cœur réclamait secrètement. Sans aucun doute avait-il percé à jour la faiblesse qui l'accablait. Elle s'en voulait terriblement. Un doux sourire naquit néanmoins sur ses lèvres. Elle ne savait pas encore si elle devait chérir ce moment, ou bien le maudire.

Sans oser porter une fois de plus son regard sur lui, elle entra dans la demeure où il l'invitait d'un geste galant. Elle n'avait jamais eu l'occasion de le visiter, du fait qu'il ne se côtoyaient depuis peu. Alors qu'ils s’avançaient vers la salon, la demoiselle put ainsi admirer la décoration sobre et épurée mais pourtant élégante de sa résidence. Elle ne pu s’empêcher de penser que cette dernière paraissait sensiblement plus vaste que la sienne et en tira la conclusion que le Bourgmestre devait rester sur échelon toujours plus haut, y compris en ce qui concernait les apparences. Elle reconnaissait néanmoins le goût elfique pour l'authenticité, rangeant au rang de superficiel tout ornements et détails dont la noblesse raffolait.
Eleonnora, un tant soit peu impressionnée, était restée poliment à attendre que son hôte l'autorise à s’asseoir à ses côtés. Aussi, avec un sourire courtois elle avait prit la coupe qu'il lui tendait et ramassa ses jupons pour s'installer à la place qu'il venait de désigner.

A vrai dire elle se sentait angoissée, seule face au Bourgmestre, et malgré l'intimité qui les liai, elle n'en menait pas large. Mais c'était particulièrement en raison de la suite de la conversation qu'elle semblait prévoir. Elle comprit en écoutant les propos de son ami, qu'en venant ici son répit serait de courte durée. De cette manière, elle avait l'impression de s'être jetée dans la gueule du loup. Lorsqu'elle remarqua que ses doigts se crispaient autour la coupe en argent, elle la porta à ses lèvres un instant pour ensuite se hâter de la déposer sur la table basse, espérant que ces signes d’anxiété passent inaperçus. Le visage de la demoiselle se ferma alors qu'il en venait à sa conclusion. Il ne la croyait pas assez forte? Peut-être avait-il raison...mais s'il avait l'orgueil de penser qu'il pourrait la libérer aussi facilement...Elle qui était restée silencieuse depuis son entrée, éleva la voix pour répondre d'un ton froid.                            

« Faites donc, je vous prie. Si vous croyez  pouvoir exorciser mes démons, faites. J'ai autant de détresse que tout un chacun sur cette terre et s'il existait un moyen de nous en soulager, la réalité serait bien différente.... »

Elle lui avait aussitôt bien communiqué que l'idée cet interrogatoire presque forcé l'irritait. Elle n'aimait pas, comme tout un chacun diriez vous, qu'on lui force la main mais elle savait que ce serait la seule solution. Pourtant  en quoi aurait-elle plus besoin d'un thérapie que lui d'abord? Combien de deuil devait-il porter ? Combien de fantômes hantaient ses nuits? Elle ne savait pas ce qui la retenais de se lever et lui dire d'arrêter de se préoccuper d'elle...

Toutefois elle ne pu fuir plus longtemps le regard inquisiteur lorsqu'il orienta délicatement son visage face au sien. La gorge nouée, elle suspendit sa respiration pour plonger ses yeux d'un gris froid et métallique dans les émeraudes des pupilles qui semblaient sonder son âme. Pour la première fois depuis longtemps elle se sentait nue face à son interlocuteur. Elle se sentait complètement désarmée, privée son éloquence. Les mots semblaient douloureusement coincés au travers de sa gorge.

« Comme vous le disiez, je connais mon père mieux que vous et que personne d'autre. » répliqua t-elle avec une pointe de défi dans la voix. Enfin c'est ce qu'elle croyait avant qu'il ne l'abandonne à son sort. «...Il est impossible que Crissolorio Ostiz soit mort dans le silence, sans laisser de trace. La seule chose qui aurait pu l'achever serait...les Chimères. Et tel un capitaine coulant avec son navire, il aurait refusé de quitter la terre de nos ancêtres...Mais c'est un homme bien trop pragmatique, voyez vous. Il ne ferait rien d'aussi vain...Ou du moins m'aurait-il prévenue avant mon départ...enfin, je ne suis plus sûre de rien finalement.... » Elle balaya d'un revers de la mains les doigts qui soutenaient son regard et secoua la tête avec une expression de regret. Elle se souvenait avoir lutté en vain contre son rapatriement vers le port. Elle n'avait jamais eu l'intention de partir sans son père. Surement avait-il déjà planifié sa disparition à ce moment là...

Elle soupira lentement, les yeux dans le vague, puis reprit avec un air plus apaisé: « Quand aux véritables indices que j'ai...ce ne sont que des rumeurs, des informations floues rapportées par des voyageurs, des mercenaires...Ne trouvez vous pas cela pathétique? Moi, sa propre fille, en saurait moins que de simples roturiers?  Et au final peu importe qu'il soit...mort, ou bien disparu, puisqu'il n'a même pas prit la peine de venir voir ses propres enfants une dernière fois, de leur laisser un mot, un indice. Quel genre de père ferait cela? »

Un rire nerveux la secoua. Il était vrai que la seule motivation qui lui permettait de rester droite n'était que l'ombre d'un fantôme. Mais que lui restait-il si elle devait renoncer à tout espoir de le revoir? Devait-elle faire autant table rase sur son passé que sur les rêves qui l'avaient poussés jusque là? Elle n'avait qu'une seule et réelle ambition depuis le départ...et sans son père elle n'avait plus aucun sens. Sans quelqu'un pour veiller sur elle, pour l'estimer, pour lui dire qu'elle avait fait du bon boulot, qu'elle le méritait...à quoi bon tout ces efforts? Penser au deuil creusait un vide immense en elle. Au creux de sa poitrine elle sentait son cœur se dilater, se contracter, s'enfler puis exploser. N'y tenant plus, elle se leva vivement. Elle se dirigea vers la fenêtre, repliant ses bras sur sa poitrine comme pour empêcher le chagrin d'en sortir.

« Je n'ai jamais envisagé ma vie sans mon père, sans quelqu'un pour m'aider à aller de l'avant...Et maintenant, suis-je assez forte pour affronter tout ceci seule?...Ma faiblesse, ce manque, est bien trop visible et vous devez trouver ça bien ridicule...Eleonnora Ostiz, la fille du régent. Moi qui détestait ce sobriquet, d'être toujours dans son ombre, je regrette de ne pas avoir remarqué plus tôt qu'il était mon seul point d'encrage. Et voila que lorsque je me retrouve seule face à moi même, je me rends compte que...je ne suis rien sans lui! Alors...ne m'enlevez pas l'espoir de le revoir un jour...je vous en prie... »

Ces suppliques étaient vaines car déjà ses épaules tressautaient dans le silence de la grande pièce. Une main plaquée sur sa bouche elle pleurait la mort de ses rêves. Elle pleurait la mort d'une partie d'elle même.

« Me faire reconnaître que mes espoirs étaient vains...là étaient votre but, n'est ce pas?  »

Elle ne savait sur qui rejeter la faute...sur sa propre faiblesse, sur l'indifférence son père ou sur la cruauté de l'elfe. Elle ne savait plus rien de toute façon. Qu'allait-il advenir d'elle? Derrière les apparences de femme indépendante et forte qu'elle se donnait, elle n'était qu'une enfant d'aristocrate pourrie gâtée. Elle avait à peine l'étoffe d'une conseillère.

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    Qu'elle se débatte était encore le signe de son intelligence, celle qui lui faisait pré-sentir combien le bourgmestre était en train de refermer ses griffes manipulatrices sur elle. Il aurait été plus aimable, plus courtois de sa part que de la laisser en paix, mais il ne parvenait pas à se résoudre à l'abandonner avec tous ses espoirs vains qui finiraient par la ronger. Ne pas lui faire du mal aujourd'hui pour la laisser souffrir encore, il n'en était pas question. Lui-même était passé par cette phase où il faut faire son deuil, aussi douloureux soit-il, afin d'avancer, se projeter dans l'avenir, le construire et le rendre aussi riche de le passé révolu, plutôt que de rester prisonnier de ce qui n'existait plus. Il accueillit son irritation et son invective en silence, puis ses doutes pernicieux, ses questions, sa détresse, sa douleur... Il la laissa tracer son chemin, seule, dans les méandres de ses réflexions, sans appuyer ni refuser aucune de ses palabres de ses prunelles pourtant attentives. Il l'écoutait, il absorbait, comme une éponge qui espérait la laver de la peine qui exsudait d'elle. Lorsque les larmes vinrent, il se leva pour la rejoindre et se cala dans son dos. Il posa ses deux mains sur ses épaules élégamment dénudées pour la soutenir, tant psychologiquement, que pour lui donner un appui la forçant à rester droite dans la tempête. « Oui... Et non. » finit-il par répondre. Ironiquement, il songea que c'était bien une réponse de politicien, et qu'elle n'avait pas besoin de cela. « Tous vos espoirs ne sont pas vains. Certaines de vos attentes peuvent se concrétiser dans le futur et d'autres doivent être abandonnées. » Il serra délicatement sa poigne sur ses épaules, ses pouces caressaient sa peau pour l'apaiser : « Espérer retrouver votre père est vain. Qu'il ait trépassé ou qu'il soit en vie, sa route a quitté la vôtre et s'il est vivant, il ne souhaite pas revenir. » Pourquoi lui infligerait-il la torture de son absence ? Pourquoi la maltraiterait-il s'il ne s'agissait que d'un départ ponctuel ? Il poussa un soupir et vint poser un baiser dans sa chevelure brune de sa protégée.

    « C'est le seul espoir que je souhaite vous voir abandonner, parce que son insatisfaction répétitive ne fera que vous causer du tord. Une douleur dont j'aimerais que vous soyez épargnée. Vous n'avez pas à vivre avec. Si votre père est votre ancre, la désillusion quotidienne de son absence la fera s'enfoncer dans le sol jusqu'à ce que vous finissiez à terre. Vous-même vous le savez, vous la sentez s’effriter entre vos doigts et je comprends que cela vous fasse peur. » Ne l'avait-il pas vu lui-même disparaître cet ancre, entre ses doigts, lorsque la mort avait emporté Achroma, puis son frère et enfin sa sœur ? Quand le destin avait démoli les espoirs qu'incarnait, pour Aldaron, la castre de Dragonniers ? Quand la fatalité l'avait privé de sa fratrie, si chère à son cœur ? Quand la solitude le frappait face à l'immensité de ses ambitions de paix pour cet archipel ? Tout le travail à accomplir... Seul ? « Il existe un moyen de soulager notre détresse et pour autant, la réalité qui nous entoure n'est pas différente. Parce qu'il est difficile d'avancer sans repère, tout un chacun, meurtri, ne fait que s'accrocher à des jalons révolus, qui n'ont plus aucun sens pour l'avenir, alors qu'ils en avaient pour le passé. C'est à vous qu'il appartient de recréer les piliers de votre vie, sans chercher inexorablement à reconstruire des ruines. Édifiez vos ancrages, choisissez ceux qui pourront vous entourer, ceux qui pourront incarner vos convictions, vos ambitions, vos désirs. Entourez-vous d'un cercle d'amis solide, que vous pourrez soutenir autant qu'il vous apporteront votre force. Prenez un époux, fondez une famille. Formez le havre de paix sur lequel vous pourrez vous reposer. » Il relâcha ses épaules pour venir lui faire face et chercher son regard pour plonger le sien en son âme. « Si vous le souhaitez, si mon conseil vous importe, à mon retour ou quand votre cœur sera prêt, je pourrai rencontrer vos prétendants comme votre père l'aurait fait. »

    Il prit délicatement ses mains dans les siennes : « Le passé n'est que le terreau dans lequel on peut bâtir ses lendemains... Mais en aucun cas, il n'est ce que nous y faisons pousser. » Il marqua une pause avant de conclure, sombrement mais affectueusement : « Je suis certain que... Ces roturiers, dont vous parlez, vous ont dit de ne pas vous en faire, que votre père se porte bien et que vous finirez par le retrouver un jour. Et je dois vous paraître, une fois de plus, bien cruel... Mais c'est encore le meilleur conseil que je puisse vous donner. Faites votre deuil, Eleonnora. Je vous en supplie, ne restez pas en compagnie de ce qui vous ronge. »

    [HJ : Erm, vu la tournure que prend ce RP, tu vas finir par pouvoir le prendre comme formation en force mentale pour ton personnage ! XD *patpat Eleo*]

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Sa fierté émoussée par les larmes qui coulaient le long de ses joues lui permit d'apprécier un instant le soutien de l'elfe. Sa chaleur se propageait à travers l'âme glacée de la jeune femme. Et bien qu'elle puisse lui en vouloir d'avoir arraché à ses pensées ces confessions des plus intimes, il l'avait écoutée sans rechigner, attentivement. Malgré les tourments qui menaçaient de l'emporter, elle sentait qu'en la présence de son ami elle serait capable d'y faire face. Alors, tant qu'il posait avec douceur ses mains sur les épaules de la jeune fille, cette dernière essuya d'un revers de la mains les larmes amères qui mouillaient ses joues.

Elle aurait bien ricané à cette réponse incertaine mais cela ne l'aida pas à retrouver le sourire...Elle savait déjà ce qu'il allait dire et rien que d'y penser les larmes lui montaient à nouveau aux yeux. Il voulait qu'elle abandonne son père; Ou bien l'espoir de le retrouver un jour mais cela revenait au même pour elle. En dépit de la douceur de ses gestes et ses intentions, Eleonnora ne pouvait se résoudre à se ranger à son avis. Elle était une véritable tête brûlée, en particulier lorsqu'on essayait d’empiéter sur des convictions qui lui étaient chères. De plus elle connaissait mieux que personne que la manipulation était le propre des politiciens. Et même si le Bourgmestre tentait de éradiquer le poison qui semblait la ronger, il lui paraissait impossible d'imaginer la mort de son père avant d'avoir été au pied de sa tombe. Peu importe que cela dure une vie entière, jamais elle ne rejoindrai l'avis des masses. Elle ne laissera pas Crissolorio Ostiz mourir sans lui offrir la sépulture qu'il mérite pour qu'alors son esprit puisse reposer en paix. Pour cela il faudrait déjà être sur qu'il soit parti.

Cependant, comme il lui soufflait si bien, elle ne pouvait pas vivre éternellement avec la douleur de son absence...Evidemment qu'elle voyait ses repères changer du tout au tout, que son absence avait noyé sa perception des choses, qu'elle se débattait dans le brouillard à la recherche d'une chose à laquelle s'accrocher et qu'elle sentait l'immensité de ses ambitions peser un poids que, seule, ne pourrait supporter bien longtemps. Mais en dévoilant ses yeux rougit aux pupilles perçantes, elle comprit que ce qu'elle cherchait était peut-être à porté de main. Elle renifla et lui adressa un maigre sourire, légèrement amusé par sa dernière réflexion.

« Me proposez vous de remplacer mon père dans sa fonction de protecteur? Je ne saurais quoi vous répondre....mais il est clair que votre conseil m'importe plus que n'importe qui, soyez en assuré...Bien que mes prétendants ne soient pas ce que puisse espérer venant de moi.» Elle gloussa en repensant à l'élu de son coeur. Aurait-elle un jour le courage de le présenter au Bourgmestre de Caladon? «Et aussi, peut-être avez vous raison: si vous pensez que je mérite votre attention, accepteriez vous de me considérer comme une intime? »

Trouverait-il dans cette tirade un certain manque d'affection qu'elle ne mettait pas en avant intentionnellement? Contrairement à ceux qui, à l’épreuve de la solitude, renoncent à tout espoir de s'attacher en voyant leurs proches partir les uns après les autres, la demoiselle avait toujours plus besoin qu'on la soutienne. En regardant l'elfe elle voyait un homme puissant, sage pour qui elle pourrait avoir autant d'estime que pour son propre père. Il était possible qu'elle trouve en lui la figure paternelle qu'elle recherchait ardemment. Cela pouvait alors paraître enfantin de sa part de ne pas pouvoir faire sa vie sans se reposer sur un protecteur pourtant elle ne voyait que cette solution pour guérir sa douleur; Surement réussirait-elle à combler le vide que l'absence de Crissolorio avait créée par la présence d'Aldaron. Avant elle aurait hésité à mettre sa confiance en quelqu'un d'autre que son père mais elle avait bien changé. Et ce n'était que le début. Comme pour chaque être ayant posé le pied sur ses nouvelle terre, une nouvelle vie était à bâtir pour elle. Aussi, c'était une façon comme une autre pour la jeune femme d'enfin prendre sa vie en main.

Cette dernière note positive ne manqua pas de redonner des couleurs à Eleonnora. Elle ne lui en voulut pas lorsqu'il revint au but même de sa demande mais avec douceur elle se dégagea de l'étreinte de son protecteur, annonçant dès lors son refus.

« Vos paroles ont été un phare dans l'océan de mes tourments, cependant, je ne puis me résoudre à abandonner la mémoire mon père. » Elle marqua une pose pour replonger avec la force de sa détermination son regard d'acier dans le sien. « Ne le prenez pas personnellement, d’ailleurs je ne peut que me plier à votre raisonnement; Et ainsi je peux vous promettre de redonner au passé la place qui lui appartient, cependant...faire le deuil en pleine incertitude m'est tout simplement impossible. Je peux considérer Crissolorio Ostiz comme ne faisant plus partie de ma vie, comme un souvenir nostalgique, comme une personne que...je ne reverrais probablement jamais, respectant peut-être sa volonté, mais je ne peux pas considérer un homme comme mort sans que j'en ai la certitude. »

On pouvait bien la traiter de tête brûlée, elle n'en restait pas moins une négociatrice imperturbable. Certainement aurait-elle du lui clamer ce qu'il voulait entendre. Que, oui, elle se porterait bien et que, oui, elle commencerait son deuil dès l'instant où elle avait renoncé à retrouver son père. Or elle avait préféré la franchise, car il lui avait bien semblé avoir dévoilé les méandres de son cœur il y a quelques instants, alors tant qu'elle y était.

« La culpabilité me rongerait d'avantage et je me mentirais à moi même si je devait proclamer le deuil de mon père. »

Elle savait qu'il serait embêté, peut-être même qu'il essayerait d'argumenter d'avantage, mais s'il la connaissait il savait qu'elle ne bougerait pas de ses gonds tant qu'une preuve tangible ne lui sera pas apportée. Elle soupira lentement et un doux sourire passa sur ses lèvres.

« Sachez à quel point je suis désolée de vous dire que vous êtes impuissant face à espoir nuisible mais si vous vous souhaitez un tant soit peu l'atténuer, restez à mes côtés.Votre présence, ainsi que celle de ceux qui me sont encore chers, parait largement suffisante à me détourner de cette malédiction. Qui sait, avec le temps je finirai peut-être par oublier que j'avais eu besoin d'un père. » Elle ne voulait qu'une chose, c'est qu'il accepte cette douleur que seul le temps pourra guérir. Elle s'approcha à nouveau du Bourgmestre et reprit: « Aussi, si vous m'acceptez, je serais moi aussi à vos côtés pour vous rattraper du mieux que je le pourrait si la pente devient trop glissante. »

Sentait-elle avoir contracté une forme de dette envers lui dès lors où il avait commencé à l'écouter et séché ses larmes? Non, c'était bien plus que ça. Il n'y avait pas de dette lorsque l'affection rentrais en jeu.

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    L'observer à sécher par elle-même ses larmes fut un soulagement dans leur situation, comme un dénouement bénéfique. Il espéra, pour elle, et ne put qu'être subjugué la capacité de résilience que couvait l'intégralité de ses propos. Sa mine inquiète vint lentement à s’habiller de calme, et puis au terme, un sourire tendre s'installa sur ses lèvres, à la fois admiratif et touché par sa proposition. « Je vous remercie, Eleonnora, d'être bienveillante à mon égard. Si mon cœur accepte votre soutien, je crois bien que mon esprit s'est résolu d'avoir perdu à jamais son essence à Morneflamme. » Faisant le lien avec leur sujet actuel : « J'ai fait mon deuil de ce que j'ai pu être autrefois, peut-être prématurément. Je ne désespère pas de renaître de ces cendres douloureuses, mais je serai autre. Ce que j'ai perdu est révolu, mais ce que je peux être, demain, ne sera forgé que par mes actes et par ceux qui m'entourent. » Il ne cherchait plus à se soigner, à panser ses plaies, elles étaient bien trop profondes et il avait saigné en abondance. Aujourd'hui, il était une coquille vide, démunie de son cœur, qu'il lui faudrait remplir plutôt que de tenter en vain de retenir ce qui l'avait déjà abandonné : son humanité. Il la retrouverait, avec le temps. Mais elle serait différente de la vision candide qu'il avait eu autrefois. Elle serait enrichie et dévorée par son traumatisme, plus faible et plus forte à la fois. « Soit. Vous m'avez convaincu. » se laissa-t-il à approuver. Une part de lui regrettait d'avoir à la laisser encore vainement espérer... Mais il ne pouvait assassiner l'effort qu'elle acceptait de faire. Un début d'acceptation était toujours mieux d'un déni. Et puis, les arguments elle évoquait n'étaient pas dénués de sens. Il n'était pas aisé de faire le deuil de personnes dont on n'avait pu constater la mort dans son état le plus brut. Pour Aldaron, cela avait été plus facile et à la fois plus pénible. Il avait vu leurs corps : Achroma, Cercëe, Corinne... Il n'y avait pas de doute à avoir : ils n'étaient plus de ce monde.

    Il prit une lente inspiration pour poursuivre : « Je comprends votre position et je l'accepte en priant que cela ne vienne jamais à tarir votre résilience. Je veillerai à vos côtés. » Il leva les yeux vers un serviteur qui venait annoncé du regard que le repas était prêt. Il lui fit un signe de tête entendu avant que poser à nouveau ses prunelles sur sa convive. « Et vous pourrez veiller aux miens. » Si tel était le souhait de la demoiselle, mais elle se rendrait très vite compte qu'il était un homme vide, seulement tenu par sa volonté d'être juste pour ce monde qu'il contrôlerait petit à petit, lorsque la toile du Marché Noir et l'ombre de Caladon, serait assez grande pour lui permettre des manœuvres de réunification et de pacifisme. « Je ne suis pas certain d'être le meilleur père en ce monde... » N'avait-il pas abandonné lâchement le sien avant même qu'il ne naisse, 450 ans plus tôt ? Il était pour son peuple l'Indigne, celui qui avait fit ses responsabilités. Il aurait du être conseiller, comme son père et prendre soin de sa famille. Il avait tourné le dos à tout cela et pour quoi ? Exactement la même chose chez les hommes. Il s'était marqué en politique et il prenait tous son aile la petite Ostiz. « Mais je ferai de mon mieux pour vous protéger. » Il l'invita d'un signe de main et d'un premier pas de le suivre pour déjeuner. En chemin, il l'interrogea : « Pourquoi vos prétendants ne seraient pas ceux que l'on attendrait de vous ? » l'interrogea-t-il, avec un sourire en coin, intrigué : « Dois-je en conclure que votre cœur a déjà été remis entre les mains d'un être chéri ? » Il lui tira sa chaise pour qu'elle s'installe à table. Étaient servi un repas essentiellement végétarien, bien qu'on eut cuisiné également une délicieuse pièce de viande pour son hôte, si elle le désirait. « Vous piquez ma curiosité : qui est-ce ? » Il vint à s'installer à table également, tirant délicatement la serviette pour en couvrir ses cuisses. Son regard d'émeraude brillaient d'une lueur taquine.

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La jeune femme fut soulagée de ne pas rencontrer de désaccord de la part du Bourgmestre qui avait sans aucun doute comprit qu'elle ne reviendrait pas sur ses positions. Malgré la fermeté de ses opinions, elle ne pouvait qu’acquiescer devant la sagesse des conseils de ce dernier. Elle aurait beaucoup à apprendre d'un être ayant tant vécu...Elle comprenait alors aisément que, s'il la portait ne serait ce qu'un peu dans son cœur, il ne voulait pas la voir répéter les erreurs qui l'avait mené ici.On pouvait toujours frissonner en pensant à Morneflamme  qui restait dans l'imaginaire collectif un enfer terrestre. Aussi, elle sentait que le poids de ses malheurs était bien insignifiant comparé à celui que devait porter quotidiennement l'elfe. C'était surement là un des désavantages de sa longue existence. L'accumulation de souffrances, de deuils qui était toujours plus difficile à oublier que les bons moments. N'étant pas en mesure de comprendre, voir d'imaginer, combien cela pouvait être pénible, la demoiselle ne pouvait que mesurer le poids en constatant le changement drastique de son protecteur. Il n'était en rien le jeune elfe insouciant qui côtoyait sa famille lors des beaux jours à Gloria. Comme si sa vie dans cet endroit sordide avait éteint le feu qui brûlait passionnément au sein de son âme. En le voyant ainsi elle pourrait presque ressentir de la pitié à son égard. La solitude gravée dans son regard lui faisait bien comprendre que se serait une tâche ardue que de parvenir toucher son cœur. Mais ce n'était pas ça qui allait décourager la jeune Ostiz, bien au contraire.

« Je vous avoue qu'après cette...conversation ma foi ne s'est vue que renforcée et je ne laisserais personne d'autre exploiter cette faille. Soyez flatté d'avoir pu être le seul à se délecter de ma torture.  »

Elle ne gloussa pas, l'ombre d'un sourire passa sur ses lèvres uniquement par formalité. Devait-il comprendre qu'elle préparerait des représailles à l'avenir? Rien de méchant évidemment, le cœur n'y serait pas. Mais elle saurait se montrer aussi impitoyable que lui à l'avenir. Pour une fois qu'elle se liait à un puissant pour une toute autre raison que par simple opportunisme, elle ne le ménagerait pas. Car elle savait qu'elle n'était pas la seule à avoir des plaies béantes. Et c'était à ceci qu'elle s'était engagée en lui accordant sa tendresse. Car s'il avait montré aujourd'hui, surement exceptionnellement, qu'il pouvait faire preuve d'attention, elle ne pensait pas que le salut de son âme était sans espoir. Il restait au fond de lui une lueur d'espoir, elle le savait. Du moins elle l'espérait.

 « Contentez vous de rester Aladron Leweïnra et j'en serai fort aise. Mais si j'ai besoin d'un père ça ne sera surement pas pour me protéger, je ne suis plus une enfant figurez vous! »  Avec une moue boudeuse elle suivit le geste de son hôte qui la conviait alors à le suivre pour déjeuner. Elle ne mêlerait jamais l'elfe à ses problèmes, aussi indélicats qu'ils étaient. Ou du moins si un jour elle avait besoin de lui cela sera pour son influence politique. Elle ne perdait pas les avantages de vue. « Si j'ai besoin d'aide se sera au Bourgmestre que je m'adresserai. Faites bien attention à ne pas mêler vie privée et professionnelle. »

Son sourire malicieux perdit de sa superbe alors qu'il approchaient de la table bien dressée d'où s'élevaient des senteurs qui pourraient ouvrir d'avantage l’appétit de la demoiselle si elle n'était pas aussi embarrassée par ce nouvel interrogatoire...Elle se maudit une dernière fois pour ne pas avoir tenu sa langue en sa présence. Cet elfe était vraiment à l’affût du moindre propos préoccupant! Elle s'assit sur la chaise qu'il avait tiré d'un geste galant, se taisant sous le flot de questions. Elle attendit qu'il soit assit à son tour pour soupirer d'agacement. C'est en rencontrant son regard avide de commérage qu'elle comprit qu'il n'était pas prêt de lâcher le morceau. Elle leva les yeux au ciel et entreprit de se servir en salade avant de se contraindre à parler.

« Si mon coeur est prit? comment pouvez en arriver à une conclusion aussi hâtive...?»  Elle remuait frénétiquement sa salade en soufflant ces derniers mots. N'avait-il pas visé juste une fois de plus? C'en était terriblement irritant. «Eh bien...vous serez peut-être étonné venant de ma part mais il semble que mes critères ne se soient pas portés sur ce que l'on pourrait attendre d'une jeune fille de bonne famille...le rang, la fortune, la puissance...  »
Alors que le rouge commençait à lui monter aux joues elle décida d'attaquer cette pièce de viande qui lui faisait tant envie. Elle n'allait pas se priver, puisqu'elle était là pour son bon plaisir. Et tranchant frénétiquement la chair, les yeux rivés sur son assiette, elle reprit.
 « Je ne pense pas pouvoir vous renseigner son nom...de toute façon vous n'avez surement jamais entendu parler de lui!  L'élu de mon cœur est..d'un autre monde.» un roturier. « C'est un homme plein de ressources, avec un grand sens des affaires et charmant de surcroît. » Roublard, goupil et coureur de jupon. Pourtant elle l'aimait tel qu'il l'était alors pourquoi n'osait-elle pas parler de lui ouvertement? Avait-elle honte d'Artane? C'était une question qu'il était temps de se poser. Elle était troublée par sa propre réaction mais le regard de la société comptait bien trop. Surtout en politique. Comment pourrait-elle se montrer aux côtés d'un petit capitaine de goélette? Elle se détestait pour oser penser ainsi...Dans quel monde s'infligeait-on de la honte à aimer?  

 « Mais et vous? Un Bourgmestre aussi talentueux que beau doit attirer bien des convoitises...je vous ai connu bien plus dégourdi mon cher. Néanmoins il semble que vous ayez mûrit de ce côté là, n'est ce pas? le mariage, ne seraisse pas uniquement par amour mais surtout par ambition politique est un bon moyen de s'allier à de puissants personnages. » Tentative de changement de sujet réussit.

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    L'attention silencieuse qu'il lui portait lui donnait des allures régaliennes, armées d'un bouclier de pragmatisme et d'une épée d'agilité rhétorique. Ses prunelles d'émeraude notaient soigneusement la frénésie gênée des gestes de sa conseillère aussi que le rouge traître qui lui montait aux joues. Il n'appuya pas d'avantage la demande manifeste, la meilleure des questions était bien souvent le silence que ses interlocuteurs, décontenancés, tentaient vainement de combler. Et c'était là que les secrets tombaient bien souvent : non pas dans le feu d'un interrogatoire mais dans la relâche froide et acérée de l'attention muette. Elle était habile toutefois, à lui retourner ainsi la demande. Il eut un petit sourire en coin avant de porter un morceau de légume à ses lèvres, ravi qu'elle expérimente sur lui des tactiques de discussion politique. Il se demandait jusqu'où il pourrait la pousser ainsi, l'entraîner et aiguiser ses crocs de requin pour qu'elle puisse en user habilement par la suite. S'il voulait la protéger, la meilleure défense qu'il puisse renforcer, c'était d'abord elle-même. Avec un paisible aplomb, il répliqua alors : « Ou permettre à d'autres personnages moins puissants de monter sur la scène politique de plus grands. » Il appuya longuement son regard sur elle, dans un sous-entendu délicat. Il parlait d'elle, l'épouser ferait d'elle une puissance montante à Caladon. Il y gagnerait bien d'avantage à créer une Première Dame plutôt qu'à l'importer d'il ne savait quel peuple au risque d'être un jour en guerre malgré tout. Ainsi lui avait-il également retourné la réplique. Se croyait-elle sortie d'affaire ? La lueur rebelle qui éclairait les prunelles d'Aldaron semblait indiquer que non. Bien sûr, il ne lui avait pas clairement proposé et en vérité, l'idée de son propre mariage le rebutait depuis des siècles entiers. Cette image n'avait clairement jamais été envisagée pour lui qui s'éternisait sans un célibat oisif.... Certes bien moins oisif qu'au temps jadis, comme elle lui faisait si bien remarquer. Il n'était toutefois pas inactif : il le faisait avec bien plus de parcimonie et de discrétion... Tant pour son étiquette de pour l'image qu'il devait porter. Il représentait Caladon à présent et portait le poids d'un masque de vertu.

    Il prit un morceau de légume qu'il mâcha longuement avant de poser doucement ses couverts et laisser son dos retomber dans le fond de son assise. Il se demandait quel chemin elle allait prendre maintenant. Sauterait-elle à pieds joints sur l'idée qu'il lui soumettait pour en arracher son épingle du jeu... Ou son affection pour cet illustre inconnu serait-elle suffisamment freinante pour qu'elle se refuse à pareille union ? Oh... Et s'il la titillait ? Oui, voilà qui allait être drôle. De qui prendrait-elle la défense ? « Dites-moi, un point me chagrine : s'il est charmant, plein de ressources et un grand sens des affaires... Comment se fait-il qu'il ne possède ni richesse, ni étiquette, ni influence sociale ? C'est assez contradictoire, vous ne trouvez pas ? Votre amour vous ferait-il surestimer ses compétences ? » S'il affichait un visage patient et froissé par l'incohérence, en son for intérieur, il riait grandement. « Ou serait-il affublé d'une terrible malchance ? » Comme se serait étonnant que tant de mal repose sur une seule et même personne. Son visage se détendit enfin dans un large sourire amusé. Ce n'était pas par sadisme, il appréciait seulement de la taquiner de telle façon à la faire avancer dans ses réflexions. Ne lui avait-elle pas dit un peu plus tôt avoir de grandes ambitions ? Et voilà que ce parti roturier se faisait une place dans l'avenir de la demoiselle. « Je ne suis plus tout à fait certain de vous suivre. Vous m'indiquiez vos espoirs un peu plus tôt autant que votre dédain pour les petites gents... Et voilà que vous me surprenez par cette affection soudaine et en parfaite contradiction avec les objectifs que vous vous fixez pour vous-même. Un peu de défi n'a jamais fait de mal à personne, certes, mais là, vous vous tirez sacrément dans le pied. » Il marqua un pause, l'observant et la jaugeant en silence avant de reprenne. « Je viens moi-même de la rue, Mademoiselle Ostiz, je ne saurai blâmer cet homme ou pointer du doigt ce qui pourrait être qualifié d'honteuse relation par la haute société... Je trouve au contraire que les liens, quels qu’ils soient, doivent surplomber les ambitions solitaires. Je serai même prêt à croire que s'il est un homme doué en affaires, il saura tirer son épingle du jeu et s'élever, pour vous rejoindre sans que vous n'ayez à rougir de son nom.... Je serai le premier à me réjouir de votre bonheur. Mais je ne voudrais pas que sa bonne affaire, ce soit justement vous, Eleonnora. »

    Il laissa son regard appuyé marquer nettement les mots qu'il venait de prononcer dans l'esprit de la jeune femme. « Auquel cas... Il vaudrait mieux que je ne sois point moi-même marié. » Pour reprendre sous son aile l'oiseau blessé et l'extirper du lac d’opprobre dans lequel un vil profiteur l'aurait plongée. Elle était amoureuse, et son regard paternel semblait souligner combien il priait pour que cette relation soit d'une réciprocité exemplaire. Il n'avait que trop connu le cœur vicié des hommes et la corruption sordide qui les habitait pour accepter naïvement cette idylle et en voir le jeune Ostiz en faire les frais. Mais qu'importe ce qu'il dirait... N'allait-elle pas lui répondre qu'elle savait se défendre, qu'elle n'était pas une enfant, qu'elle ne se faisait pas duper et que son amant était sincère ? Reprenant sa fourchette, il prit un nouveau morceau de légume.

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Il était peut-être temps de se reprendre. Le Bourgmestre ne semblait pas enclin à lui laisser ne serrait ce qu'un seul instant de répit, même après la conversation tumultueuse et angoissante qu'il venait de faire subir à sa conseillère. Il profitait de ce relâchement de sa part pour revenir à la charge. Peut-être ne devrait-elle jamais baisser sa garde devant un tel homme? Cependant elle n'allait pas se plaindre de son comportement, car elle ne s'avouait pas vaincue. Surement se sentait-il en position de supériorité face une demoiselle rougissante lorsque l'on abordait le sujet de ses amours. Il y avait de quoi. Mais cette demoiselle n'était pas n'importe quelle demoiselle et surement avait-il tendance à l'oublier.
Aussi, s'esclaffa t-elle doucement à la dernière remarque de son hôte. Elle comprit évidemment que le sous entendu ne servait qu'à la faire réagir. Elle le connaissait assez pour savoir que l'idée du mariage le rebutait mais qui sait combien avait-il changé? Elle se rendit compte qu'il ne s'en arrêterait pas là et qu'elle devrait s'attendre à des répliques d'autant plus interpellatrices. Il la mettait à l'épreuve et elle ne demandait que ça. Ainsi elle ne lui ferait pas le plaisir de rougir de ces propos.

« Mieux vaut s'allier aux personnes que l'on ne peut pas vaincre, n'est ce pas? »

Elle comprenait son point de vue en tant que Bourgmestre: se constituer un entourage fidèle et sur. Mais elle n'avait rien d'un soldat qui travaillait à la solde de son maître main dans la main. Si l'exemple était quelque peu exagéré, il resterait toujours en position de supériorité barrant la route, par ce lien qui les unirait, à ses aspirations de grandeur. Il serait de son devoir de rester veiller sur Caladon en tant que première dame sans réel espoir de prendre son indépendance. Elle n'avait aucune envie de se marier avec quelqu'un dont elle envihait la position.Il pourrait bien comprendre que cela n'était pas du gout de l'ambitieuse jeune femme.  Mais peut-être que l'idée de ce mariage ne la repoussait uniquement parce qu'elle n'avait de pensée que pour un seul homme. En effet, malgré son avidité particulière, elle était restée une romantique invétérée.
Son pragmatisme titillait cependant son esprit...et si elle s'alliait par le mariage, cela reviendrait-il à une trahison envers son amant? La question semblait bien idiote.
Elle releva les yeux vers l'elfe lorsqu'il se mita renchérir de plus belle. Elle essaya de se détendre mais c'était mal parti en prenant en compte son envie irrésistible de lui jeter un morceau de viande à la figure. Elle essaya de ne rien faire paraître et piqua un morceau pour l'apporter à ses lèvres.

« Je n'ai aucunement précisé ses fonctions, ainsi que sa situation sociale; Il se peut que dans son...monde il soit reconnu qu'on ne le pense. Je prend la mesure de la difficulté qu'il y a pour les petites gens, même muni de talents, de s'élever à un rang égal au notre. Je comprend que la tentation du pouvoir doit grande, j'en fait moi même les frais, mais est ce là le vœux de tout le monde? Ne pensez cependant pas que j'ai pu jeter mon dévolu sur un homme sans ambition, loin de là. Ses aspirations sont seulement...différentes des miennes. »

La froideur de son ton contrastait sans aucun doute avec la jovialité de son interlocuteur qui semblait prendre un malin plaisir à la titiller. Elle ne lui ferait pas le plaisir de se mettre en colère. Et puis il touchait un point qu'elle même avait du mal à comprendre. Pour une personne aussi rationnelle qu'Eleonnora, cet amour était un vrai calvaire. Pourtant elle avait décidé de ne pas y renoncer, de ne pas le fuir, peu importe ce que cela impliquait.

« Le cœur à ses raisons que la raison n'a pas. Et n'est ce pas vous qui m'avez répondu qu'il m'était vital de m'entourer de personnes m'apportant force et foi en mes propres convictions? Autant vous dire que je ne ressent pas cet amour comme un frein à mes objectifs, bien au contraire. N'aurait-il pas été pire que je m'amourache d'une personne dont je veux prendre la place?  »

Le sous entendu répondait assez clairement à sa précédente allusion. Même si en son fort intérieur elle souriait de satisfaction, rien ne vint détendre la mine sérieuse qu'elle abordait. Elle comprenait que le Bourgmestre se méfie d'un homme qu'il ne connaissait pas et sa réaction ne choqua pas sa protégée malgré le fait qu'elle n'apprécie pas particulièrement qu'on porte injure à un être auquel elle tenait tant. Elle ne pouvait pas douter, ne voulait pas douter d'Artane. Et comme elle l'avait dit plus tôt il semblait qu'une personne que même un empereur ne pouvait contraindre soit du genre à laisser tomber sa liberté pour s'élever à un rang supérieur au sien. Cela l'arrangeait comme cela la chagrinait car elle vivait dans l'incertitude de le voir revenir à chaque fois qu'il prenait le large. Que dirait-il s'il avait été dans sa situation? Son absence était supportable tandis qu'elle était assez occupée pour l'oublier mais elle sentait ce vide au creux de sa poitrine alors que ses pensées ses tournaient vers lui. Tout serait tellement plus clair et indubitable en sa présence.

« Ne me serais-je pas présenté à son bras plus tôt s'il était si avide de pouvoir? je comprends que vous ne souhaitez que ma protection et ainsi m'éloigner des mauvaises intentions mais vous vous douterez cependant que je me refuse de douter d'un homme que j'aime tendrement...Cela fut déjà le cas pendant bien longtemps, assez longtemps pour être persuadée qu'il soit de bonne foi. Figurez vous que j-nous n'avons pas prit en compte le lien du mariage dont vous parlez comme un tour inévitable. Peut-être que sur ce point vous avez raison, pourtant votre vision de ce lien me déroute quelque peu...Vous ne semblez y voir que des jeux d'influences et de pouvoir. Ici aussi je ne peux que vous donner raison mais, dans ce cas là pourquoi même les gens de basses conditions se marient? » Elle répondit à l’instance de son regard avec insolence, ne brisant pas le contact avec les iris d'émeraude laissant les réponses équivoques se placer dans son esprit. L'amour. En avait-il peur? Ou bien ne le connaissait-il plus? Elle savait qu'il n'était pas vide d'empathie mais surement avait-il trop été confronté à la noirceur des cœurs pour ne penser qu'à ça. « Avant de questionner l'aveuglement de mes sentiments, faites en sorte de penser à ce qu'est aimer. Peut-être avez vous oublié que les sentiments vont au delà avec des rangs, biens matériels et ambitions. »

Sa réponse sèche acheva la bataille de regard qu'elle menait afin de s'attarder sur son verre vide. Le pichet étant hors de portée elle intima un domestique de venir la servir. Une fois la coupe remplie d'un liquide écarlate, elle s'en empara pour faire valser d'un air pensif la solution dans le récipient. Peut-être avait-elle une vision de l'amour bien trop enjolivée pour la réalité qu'il reconnaissait mais elle ne voulait pas briser la beauté de cette illusion.

descriptionÊtre à la hauteur [Eleonnora] EmptyRe: Être à la hauteur [Eleonnora]

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    Son sourire se crocheta, en coin des lèvres, de satisfaction, dès la première réplique de son invitée. Ses rougeurs se firent remarquer par leur salvatrice absence et le verbe acéré de sa protégée ne fut que du pain béni pour son contentement. Aldaron était ravi de la voir prendre les armes, mots pour épée, port altier pour bouclier. Il ne lui laissait aucun repos, aucun répits. A peine avait-il un peu pitié d'elle pour lui offrir de brefs instants de relâche dans le confort d'une amitié et d'un attachement sincère. Pour le reste, il se devait de l’entraîner, de l'exercer sans cessation, sans se montrer tendre ou laxiste car l'ennemi ne serait jamais indulgent. « Pourquoi voudrais-je vous vaincre, Eleonnora ? » avait-il répondu, comme pour l'ébranler dans son jugement. Croyait-elle qu'il désira la faire taire, la réduire à moins que lui pour asseoir la moindre souveraineté ? S'il avait désiré ceci, il n'aurait jamais accepté d'être la première figure de Caladon. La cité marchande portait en son sein une foison de politiciens prêts à en découdre, à duper, tromper pour s'élever dans de plus hautes strates encore. Les vaincre tous aurait été une sottise autant qu'une perte de temps auréolée de vanité. Il n'avait qu'à en vaincre quelques uns et accepter les défaites d'autres. Eleonnora faisait partie de ces autres à qui il tendrait la joue pour qu'elle y claque une dextre, préférant son joug plutôt qu'un autre. Elle était une amie, et si elle avait la possibilité à portée de main que de l'accabler d'un coup bas, il savait aussi qu'elle se montrerait lucide lorsque la situation l'exigerait.

    La froideur de son ton lui fit réaliser toute la colère qu'elle camouflait avec brio, œuvrant par le discours à réhabiliter son opinion, lui donner un tranchant moins marqué. Par un calme appréciateur, l'elfe pencha doucement la tête sur le côté, absorbant en silence la réplique qu'on lui servait, donnant l'impression presque agaçante qu'il allait encore trouver la faille dans son discours et s'infiltrer dedans, comme un prédateur à l'affût qui menaçait d'enfoncer ses griffes dans sa chair noble. Ainsi la laissa-t-il dérouler son plaidoyer, sans l'interrompre, sans la ralentir, sans lui répondre, calculant le rythme de son propos, analysant les pensées sous-jacentes qui la faisaient passer d'un argument à l'autre jusqu'au point culminant de son allocution. Elle se trompait, du moins en partie. Il n'avait pas oublier ce qu'était qu'aimer, comment le pouvait-il ? « Au delà de tout ce que peut offrir l'imagination.. » poursuivit-il, comme s'il appuyait son propos. « De telle sorte qu'aimer ne souffre d'aucune prévisibilité, ni d'aucune compréhension raisonné. Non, je n'ai pas oublié que par amour, l'on peut perdre jusqu'à son humanité. » Ses relations avaient toujours été oisives, et c'était l'image qu'avait pu avoir Eleonnora de lui, alors qu'ils habitaient tout deux à Gloria. Il avait cependant aimé, sincèrement, et c'était cette affection dévorante qui l'avait conduit à Morneflamme, qui lui avait donné la force de se battre, de tuer, pour retrouver l'être aimé. Tout cela pour quoi ? Le voir mourir sous ses yeux désespérés.

    Aujourd'hui, il ne lui restait plus que la désillusion et la froideur de la solitude, autant que l’amertume délétère qui avait happé son essence pour la laisser prisonnière de Morneflamme. Et lui était cette coquille vide dont on pouvait dire qu'il avait oublié ce que c'était que d'aimer. C'était à la fois vrai et faux.Il n'était plus en capacité de ressentir la douce chaleur de l'amour et pourtant, il en était irradié et hanté, brûlé et dévoré au quotidien. Il était cependant loin d'être sourd aux mots de sa conseillère. Il savait qu'il était sec et que ses jugements étaient biaisés, défaits de tout optimisme. Il jugulait la noirceur de ses pensées qui entachait l'humanité comme du sang inlavable aux mains. « Ma place... Sera un siège à prendre dans cinq années. Je ne suis pas un roi, cela ne me sera dévolu que si personne n'est en mesure de l'occuper mieux que moi. Je ne suis pas un frein à vos ambitions, Eleonnora. J'en suis un moteur. Je ne veux pas vous vaincre : j'attends l'heure où je pourrai être défait. Par vous. Par quelqu'un d'autre. Une personne à la hauteur. » Il poussa un soupir alors que son regard d'émeraude bifurquait dans le vague. « Voyez-vous... Je ne suis pas un soleil. Je suis, plutôt une lune. Lorsque l'on me voit, je reflète la lumière de mon astre, je m'affiche comme son soutien. Lorsqu'on ne me voit pas, c'est que je travaille dans l'ombre à laquelle j'appartiens. Aujourd'hui, je suis à la fois la lune et le soleil. Je joue sur le visible et l'invisible. C'est un travail aussi fatiguant que nécessaire et si j'aspire à retrouver ma place nocturne, il ne m'est pas possible de refléter la lumière du vide... Ou de la médiocrité. »

    Ses prunelles vertes vinrent se reposer sur sa protégée, comme s'il jaugeait de sa capacité à incarner ce soleil avant que son expression ne pâlisse par l'insatisfaction : elle n'était pas prête pour cela. Par encore. Peut-être un jour. Mais pas pour l'heure. « Quant à votre soupirant, je gage de vous aurez le courage de me le présenter. Si vous ne pouvez vous résoudre à douter de lui, ce que je peux comprendre au demeurant, il est d'autant plus ma tâche que de mettre à l'épreuve les sentiments qu'il a à votre égard. Je serai heureux de vous annoncer que vous aviez raison aujourd'hui. » Avoir tord, sans commune autre mesure : il l'espérait et l'exigeait sincèrement.

descriptionÊtre à la hauteur [Eleonnora] EmptyRe: Être à la hauteur [Eleonnora]

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A coup de remarques acerbes, la jeune femme espérait voir l'ombre d'une expression sérieuse planer sur le visage du Bourgmestre. Néanmoins elle fut bien obligée de se résoudre à comprendre qu'il ne la prendra jamais au sérieux. Du moins pas temps qu'elle ne lui avait pas fait ses preuves. Elle avait alors la déplorable impression de s'enfoncer à essayer de le faire réagir à tout prix. Même si elle s'y était faite avec le temps, elle détestait ça. Sans cesse et toujours, on lui répétait qu'elle n'était qu'une enfant, une gosse de riche qui plus est, alors maintenant qu'elle était arrivée à un des sommets de sa carrière, elle espérait qu'on commence à la respecter. Peut-être qu'en la prenant sous son aile l'elfe faisait preuve d'affection mais inconsciemment il la voyait désormais encore moins comme une conseillère, comme une adulte responsable qui pouvait assurer sa propre protection. Pourtant c'est comme ça qu'ils la voyaient tous: une petite chose fragile, une fille à papa. Les apparences étaient trompeuses après tout, et ceux qui en avaient fait les frais pouvaient en témoigner. Jusqu’où pourrait-elle aller pour lui montrer qu'elle était bien plus dangereuse qu'il ne le soupçonnait? Surement ne se doutait-il pas de la noirceur qui se cachait en elle. Elle n'était en rien pure et gentille. Même si elle faisait de son mieux pour préserver de ce mal ceux qu'elle aimait, elle serait capable par simple orgueil de trahir leur confiance pour leur montrer de quoi elle est réellement capable. Surtout lorsqu'on cherchait à exacerber sa fierté. médiocrité. Il avait été clair. Et elle ne pensait pas que ces paroles soit adressées à quelqu'un d'autre qu'elle. Un sourire se crispa sur ses lèvres. Un sourire d'agacement, nerveux.

.« Et de quel astre reflétez vous la lumière aujourd'hui? Celui de l'empereur Kohan? » En tant que Bourgmestre de Caladon il était au centre de la scène. Eleonnora qui n'aspirait qu'à briller toujours plus regardait son supérieur avec hautain.
.« Ne me regardez pas comme ça, je vous en prie...ce regard, il m'est beaucoup trop familier. Je sais que je ne représente aucune menace à vos yeux, ainsi pourquoi vouloir me vaincre? Comme vous le dites, ce n'est pas à vous de me vaincre mais à moi de vous surpasser. Peut-être que le peu de prévenance que vous avez à mon égard est en ma faveur, une façon de pouvoir vous surprendre aisément mais en tant qu'amie, je vous conseille tout de même de vous méfier. Car peut-être qu'un jour nos chemins divergerons... » Elle quitta le regard de l'elfe pour mener à ses lèvre le liquide carmin. . «  Et qu'à ce moment là nous ne serons probablement plus du même bord. »

Avait-elle déjà quelques projets en tête? Bien évidemment, des choses qu'elle avait pensé bien avant son admission à Caladon. Aussi, elle se demanda si l'affection qu'elle portait à son supérieur ne l'encombrait au moment où elle devra se battre sur plusieurs fronts.

.« Je n'aurai de gage à vous rendre que pour vous montrer que cette fois ci vous avez tord. » lança t-elle non sans animosité. Elle avait du mal à chasser de son esprit l'irritation qu'il avait fait naître par ses propos. Se rendant compte du ridicule de son comportement, elle soupira. Elle se laissa aller sur son dossier et rejeta la tête en arrière avec un petit rire nerveux. Peut-être que le vin commençait lui faire perdre le contrôle de ses émotions.

.« Ecoutez, je sais pertinemment que je n'arriverai pas à cette place en un claquement de doigts. Mais j'aime penser que les efforts que j'ai fait pour en arriver jusqu'ici je ne les doit qu'à moi seule, contrairement au temps où je me reposait sans cesse sur la réputation de mon père. J'aimerai ne pas perdre mon temps à chercher vainement les félicitations de ceux que je respecte. Car il se veut qu'aucun d'eux ne soit jamais satisfait de moi, ou ne sache jamais le montrer du moins. » La jeune Ostiz secoua la tête. Elle était fatiguée de ce genre de relation à sens unique. « Et si vous n'êtes plus capable d'exprimer votre affection, c'est peut-être parce que vous êtes tout simplement un être vide. »

C'est ce qu'il voulait entendre, n'est ce pas?
Elle regrettera surement ces mots méchamment sortis de sa bouche.

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    Le silence vint scier leur conversation en deux temps distincts, sans que le bourgmestre ne sache pour l’heure si cela signifiait que leur conversation prendrait un virage radical. Tout dépendrait de la manière dont l’esprit de la jeune femme comprendrait son propos. Probablement avait-il été trop léger ou rapide dans ses palabres et qu’il lui faudrait s’étaler d’avantage en explication, afin de se montrer plus pédagogue, au lieu de la laisser mariner dans sa colère vexée et et son orgueil vindicatif. Il inspira l’air longuement, gonflant des poumons d’oxygène avant qu’il ne soupir pour laisser échapper sa fourbure. Pourtant, son regard la fixait sans animosité, en dépit du coup qu’il avait reçu et qu’il avait blessé de sa vérité. Pouvait-il vraiment lui en vouloir ? En vérité, il n’en voulait à personne de se montrer lucide. Sa dernière phrase était probablement la plus sensée de sa tirade. Il chercha pensivement, quelques secondes encore, par où débuter ses éclaircissements, ravalant sa propre acidité qu’il aurait pu lui envoyer au visage. Il n’était pas homme à mettre de l’huile sur le feu. Il n’aurait d’ailleurs jamais réussi à signer une armistice avec Nolan Kohan s’il lui avait claqué ses quatre vérités en face. Cela aurait été contre productif… Tout comme, il était contre-productif de renchérir. Ses lèvres s’ouvrirent enfin sur un silence d’une à deux secondes avant qu’il n’entame : « La Guilde Marchande est une organisation qui régulait l’économie à Caladon, la faisait fleurir. Son travail, aujourd’hui, n’a guère changé. Elle établit les lois du marché et certains de ses membres, comme Sir Denrys ou Lady Falkire, ont été naturellement élus au sein de ce Conseil. Ma place actuelle n’est que la reconnaissance implicite de ce que j’ai apporté à la communauté marchande avec le Marché Noir. »

    Le Marché Noir avait été formé par la Triade, dont Aldaron fut l’une des trois têtes, lorsque Korentin Kohan, contraint de s’exiler, avait nécessité des fonds. Le brillant travail du Marché Noir avait permis la survie de la rébellion par sa capacité à drainer, en secret, l’or et les armes de l’Empire, au profit d’Aigue-Royale. Par la suite, son travail s’était raffermi sous le règne du Tyran Blanc, puisque le Protectorat avait bénéficié des mêmes mesures. Le Marché Noir s’était infiltré au sein de la Théocratie, bravant le danger, pour garantir la pérennité de Fort Espérance. L’ombre, telle une insidieuse toile d’araignée, du Marché Noir était terriblement célèbre et l’efficacité de la Triade avait naturellemen placé Aldaron en position de bourgmestre de Caladon. « A l’instar des actions visibles de la Guilde Marchande au profit de la Cité Libre de Caladon, le Marché Noir, invisible, n’est jamais resté inactif, même si on n’en entend officiellement plus parler. Je draine l’économie de Selenia afin que Caladon se développe et prospère, et la Guilde Marchande se félicite de ‘son’ brillant travail. Mais pourquoi irai-je chercher les lauriers que je mérite et leur avouer mon action ? Je suis bien, à l’ombre et il me plaît de les voir s’extasier de ‘leurs’ pseudos exploits. Ils prennent confiance en eux, cela est bon pour les affaires mais comprenez combien je ris de ceux et celles qui me conseillent de me méfier d’eux. » Eleonnora, en l’espèce, venait de la faire. Aussi ne mâchait-il pas ses mots et pourtant lui expliquait, d'un ton paisible et patient, pourquoi il se permettait un tel jugement. « Bien sûr, je ne suis pas invulnérable, imparable, ni invincible. Mais je le suis bien plus que tant de monde et comme je vous l’ai dit… Il me tarde d’être vaincu. Cela signifierait que quelqu’un de plus doué que moi en aura été capable. »

    Il marqua une pause, le temps d’inspirer avec le même calme régalien qu’il affichait depuis le début de leur discussion. « Vous, peut-être. Ou quelqu’un d’autre. Qu’importe ? Puisqu’il ou elle aura l’aval du peuple et sa coopération favorable. C’est à vous de me vaincre, Eleonnora. A vous de me surpasser, de croître, jour après jour. Détrompez vous du regard que je porte sur vous. Si je vous mets à l’épreuve, si je vous exerce, c’est parce que je crois que vous êtes capable d’y résister. Parce que les poignards que je plante en vous ne sont que de misérables cure-dents en comparaison de ce que peuvent vous planter, avec la volonté de vous nuire et de vous vaincre, les politiciens de Caladon et les représentants des autres peuplades qui ne sont pas nous. Ainsi je suis certain qu’en vous relevant mes piqûres instructives, vous soyez capable de parer les coups de ceux qui veulent vous détruire. » Appuyant son propos d’un regard perçant, il ajouta : « Vous pouvez refuser mon tutorat, Eleonnora. Je ne suis guère tendre avec mes protégés. Morneflamme m’a appris à être cruel parce qu’il s’agit de la pire part, qui hante le cœur des hommes, à laquelle vous serez confrontée. Je pars du principe que si vous survivez à cela, vous survivrez à tout le reste. » Il la jaugea du regard, un instant, avant de lui tendre une main invisible pour qu’elle se dégage de son emprise, si c’était ce qu’elle voulait : « Si vous le souhaitez, je cesserai de vous malmener. Je vous donnerai les félicitations et la reconnaissance que votre ego réclame corps et âme… Mais à quoi cela vous servirait ? » Il arqua un sourcil, marquant là toute l’absurdité qu’il pensait de la chose. Mais tout un chacun pouvait penser différemment. Aldaron avait été confronté à l’horreur et à la dureté de la vie. Il n’était plus capable d’apprécier la douceur de la vie à sa juste valeur et son jugement était dès lors biaisé… Mais de là être erroné ? Pas tant. « Considérez toutefois ceci : une journée comporte vingt-quatre heure. Mon temps est limité et contraint par mes fonctions officielles et officieuses. Ainsi chaque minute de mon temps libre est précieuse et chaque fois que je vous en octroie, c’est que j’estime ne pas le perdre en vanité. Je ne vous ai pas menti : je crois en vous. Il y a certains talents sur lesquels je ne peux fermer les yeux, encore faut-il qu’ils acceptent la main que je leur tends. »

    Il haussa finalement les épaules : « Pour répondre à votre question… Nolan Kolan est la médiocrité que j’évoquais un peu plus tôt. C’est un homme qui détient son pouvoir du sang qui coule dans ses veines et dont j’attends, comme pour beaucoup, en définitive, qu’il prouve sa valeur, qu’il fasse ses preuves. Pour l’heure, il n’est à mes yeux qu’un usurpateur de pouvoir qui ne mérite mon attention que pour préserver l’indépendance de Caladon. » Le dédain et l’amertume étaient légèrement palpable dans ses mots. « L’astre dont je reflète la lumière aujourd’hui est le souvenir qui s’estompe d’Achroma Seithvelj. Il incarnait les idéaux que je voulais voir vivre et lui survivre. Il a placé la barre haute… C’est probablement ce qui me rend si intraitable. » Il avait été son ombre, mais son soleil lui manquait tant à titre de figure politique qu’à celui d’ami. « Oui, je suis une coquille vide, ma chère. Beaucoup on périt à Morneflamme, et ceux qui s’en sont échappé ont préféré oublier ou nier que cela avait existé. Ils se cachent de leur mémoire et l’étouffent là où je la regarde en face et vis avec. C’est un flambeau que je porte par fierté de l’enseignement limpide qu’il m’apporte, tout fardeau destructeur que cela puisse être. Pour toute l’affection que je vous porte, pourquoi vous offrirai-je l’accès à ma psyché ravagée ? Vous effrayer ? Vous contaminer ? » Il arqua un sourcil, septique. « Considérez mon silence et mon rejet comme l’expression de mon envie de vous en préserver. »

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De longs soupirs. En levant les yeux sur l'expression d'amertume contrôlée de l'elfe, la jeune femme se rendit compte qu'elle était allée trop loin. Elle semblait avoir réussi son coup...elle l'avait atteint et elle l'avait blessé. Pourtant elle n'en était plus si fière finalement. Elle pestait mentalement devant les conséquences de son acte de rébellion. Ne devait-elle pas se sentir allégée d'avoir obtenu vengeance alors qu'il ne s'était pas privé de la faire souffrir en tirant sur la corde de la vérité? Non, dans son estomac une boule d'angoisse avait remplacé la colère qui lui chauffait les sangs. Il était cependant trop tard pour s'excuser. Elle ne reculerait pas. Après tout ne l'avait-il pas bien mérité?

Elle ne laissa pas paraître sa culpabilité, toujours quelque peu échauffée par l'agacement. Les yeux rivés sur son assiette, elle écouta sans une protestation le discours du Bourgmestre. Dans un premier temps elle eu du mal comprendre où il voulait en venir. Étalant avec justesse et calme sa position, il fut pédagogue dans ses propos jusqu'à sa conclusion. Evidemment qu'il avait accumulé des années d'expérience, autant qu'elle ne pourrait jamais amasser. Et elle avait eu l'insolence de prétendre qu'il devait se méfier d'elle. Les mots restaient coincés au travers de sa gorge tandis que son regard bifurquait de façon coupable. Elle ne pouvait néanmoins pas approuver sa position. Ils n'étaient pas fait du même bois, voilà tout. Elle le battrait à sa manière et il verra bien à ce moment là! Pestant mentalement contre son protecteur, la demoiselle semblait presque rechigner les explications calmes et patientes de son interlocuteur. Parce que quelque part il avait tort. Non, rien ne pouvait plus la blesser que le reproche d'un ami, d'un proche, de quelqu'un qu'elle estime. Peut-être ne saisit-elle pas encore l'étendue de la souffrance que certains pourraient lui faire subir pour arriver à leurs fins du haut de ses petites années d’existence. Lui savait. Cela se voyait le long de ses doigts émaciés, dans sa chevelure immaculée et ses yeux fixant le vide à la recherche de l'on ne savait quoi.  Alors peut-être pensait-il que son âme l'avait abandonné depuis longtemps, mais la jeune femme n'en pensait pas un mot. D'ailleurs elle avait simplement craché ce venin méchamment. Elle aurait peut-être prouvé qu'il était, ne serait ce qu'un petit peu, capable de ressentir, de s'indigner.

Devant tant d'efforts et de calme de sa part elle se résigna à enfin le regarder en face. Elle l'avait bien prétendu elle même, elle n'était plus une enfant. Alors plus question de bouder, de se rebeller vainement. Elle avait peine à reconnaître ses erreurs mais il était tout autant hors de question de fuir. Elle prenait frontalement, la mâchoire serrée, les remarques de son si strict protecteur. Alors que l'elfe semblait mettre un point final à son monologue, elle inspira comme pour marquer la fin de ce long moment où elle avait du encaisser sans rechigner. Puisqu'en définitif, devant

« Je ne souhaite pas me défaire de votre emprise. Je sais que les personnes strictes avec leurs élèves sont tout d'abord strictes avec elles même, c'est là la marque des grands. Connaissant les avantages de ce genre...d'éducation, j'ai conscience que j'y perdrais beaucoup si je m'y dérobais. » La jeune Ostiz devait bien avouer sa défaite cette fois ci. C'est tout de même cette touche de déception qui la mena à compléter ses propos après une courte pose réflective. «...Cependant j'avais pensé que peut-être, possiblement, ce serait différent...mais c'est surement mieux ainsi. Les protecteurs doivent montrer l'exemple, inflexibles et rigoureux.» En débarquant ici elle avait espéré une vie nouvelle du tout au tout, pouvoir corriger ce qu'elle n'avait pas aimé. Elle ne savait plus comment exprimer sa frustration, maintenant que la colère était partie, elle s'obligea à ne pas céder à la mélancolie qui menaçait de franchir les portes de son esprit. Sans aucun doute que tout ceci n'était qu'un mal pour un bien.

«Surement n'ai je jamais vu votre véritable visage, sous votre masque de glace, mais m'en préserver ne fait que creuser un fossé entre vous et ceux qui vous soutiennent. » Après tout sa blessure était surement encore trop vive, mais combien de temps la sera t-elle encore? Elle se sentait redevable de l'avoir libéré de ses tourments, elle aimerait faire de même quand il se sentira prêt. « Il y a bien des choses dont je n'ai aucune envie de m'excuser cependant, j'exprime mon regret de vous avoir désigné ainsi. Car, je vous en fait la promesse, je n'en pensais pas un mot.» La frustration de ne rien pouvoir faire pour soulager son ami la tourmentait toujours plus qu'il se qualifiait lui même aussi mal. « Car, non vous n'êtes pas une coquille vide. Non, vous n'êtes pas insensible à la misère de l'homme. Non, vous n'avez pas abandonné espoir! Sur quelle épaule irez vous pleurer lorsque le poids de vos malheurs sera trop grands? Comment voulez vous vous défaire de cette maladie qui vous gangrène de jours en jours si vous repoussez l'aide de ceux qui vous affectionnent? » Elle se rendit compte que dans la flamme de son discours passionné, elle avait haussé d'un ton et s'était légèrement relevée de son assise. Elle reprit sa contenance en éclaircissant sa gorge pour retrouver une position appropriée.
« Quoi qu'il en soit, je ne voudrais en rien brusquer les choses mais je ne perds pas espoir qu'un jour viendra où vous pourrez vous confier à moi. Ce serait ainsi la meilleure façon de vous rendre la pareille pour chaque seconde que vous accordez à une écervelée telle que moi.»
Elle 'espérait de tout cœur que ces mots l'atteindront bien plus que le poison qui avait pu sortir de sa bouche revêche quelques instants plus tôt. Il n'y avait là ni flatterie, ni réconfort. Quelque part elle faisait preuve de pénitence en révélant le bon qu'elle pouvait penser pour contrebalancer le mauvais qu'elle avait pu dire.

Elle eu un faible sourire, sincère néanmoins, à son égard.«Vous vous êtes engagé dans une voie à risques. Je suis une forte tête et je vous donnerai du fil à retordre. Ce n'est pas si simple d'élever un enfant figurez vous. » Elle se moquait de son propre comportement légèrement excessif et, on pouvait le mentionner, enfantin. Après tout il avait décidé de prendre le flambeau de Crissolorio Ostiz, il en assumerait les conséquences. Elle lui faisait confiance, et aujourd'hui il lui avait prouvé qu'il était de la même trempe que le vieux régent.

« A vos côtés je suis sure de pouvoir briller bien plus que je ne pourrais le rêver; Nolan Kohan ne sais pas ce qu'il rate car la lumière qui irradiera de Caladon finira par l'éblouir s'il ne fait pas attention. » Eleonnora avait caché sa surprise de voir le Bourgmestre se positionner aussi vigoureusement à l'encontre de l'empereur, lui qui faisait toujours attention à ne pas en dévoiler plus que nécessaire. Par ailleurs, la jeune femme était bien heureuse de voir que même la tête du conseil de Caladon appréciait la dynastie des Kohan avec amertume. Aussi, ce n'était pas seulement une opinion isolée mais il semblait bien que Caladon entière soit habitée par un désaccord avec l'empire. Car un jour, Caladon ne se contentera plus d'être indépendante sous l'égide de l'empire de cet usurpateur comme le disait si bien son supérieur.

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    Le regard qu'Aldaron portait sur la jeune femme semblait immuable, comme s'il avait été forgé d'acier. Il ne la quitta pas un instant de ses prunelles d'émeraude, alors qu'elle baissait et levait les yeux. Probablement était-ce ce qui faisait toute son aura de marchand, cette capacité qu'il avait à regarder son entourage droit dans les yeux avec une franchise impossible à briser. Il avait cette force, en lui, bien plus vibrante que tout ce qui pouvait le composer, cette même force qui l'avait fait survivre toutes ces années, résister au pire des fléaux. C'était avec ce regard affirmé, où brillait une féroce volonté, qu'il avait affronté le Tyran Blanc et avait refusé de s'agenouiller devant lui. Il était un insoumis que même la terreur n'avait pas réussi faire ployer et les stigmates que portaient son cœur, son corps et son esprit ne rendaient son âme que plus résistante encore... Au point de ne plus rien sentir... ou presque. Sa discussion actuelle avec Eleonnora lui prouvait qu'il pouvait de nouveau percevoir les picotements de la peine, les vibrations de la colère, le tumulte de l'affection. Cela lui revenait, petit à petit, pas à pas, comme un enfant qui découvrait le monde... Et pourtant un adulte qui faisait les pieds froids. Il n'y allait pas avec la candeur naïve d'un bambin, il se présentait devant ce monde avec une réserve qui lui était propre, celle de la peur ancrée dans son essence même. Était-ce lâche de refuser ainsi la proximité d'Eleonnora ? Sûrement bien un peu. Derrière les mots et son altruisme de façade, il y avait des intérêts plus personnels. Cela ne signifiait pas qu'il ne pensait pas ce qu'il disait, seulement qu'il ne disait pas tout ce qu'il pensait. Un jour, peut-être, il lui dirait, combien il aurait été plus salvateur pour lui que pour elle qu'il ne lui montre pas immédiatement toute l'horreur qui s'était logé dans son cœur. Sa souffrance... Était aussi violente qu'intime et les siècles de vie avait fait de lui un homme discret sur ses sentiments.

    Il la laissa terminer et un petit sourire vint légèrement marquer le coin de ses lèvres, l'expression toujours aussi bienveillante : « Je suis heureux que vous acceptiez de rester à mes côtés, Eleonnora. » S'il parlait ouvertement du fait qu'elle accepte son tutorat, le sous-entendu implicite, lui, allait plus loin que ce qu'il agréait d'exprimer de vive voix. Il se satisfaisait de son amitié et sa proximité le touchait. « Si vous apprenez de moi, je peux bien apprendre également à être père avec vous. » Ainsi l'échange était-il complet. Là aussi, il parlait peu, mais la profondeur de ses mots allaient plus loin que leur sens premier. Aldaron avait, quatre siècles plus tôt, quitté le royaume elfique, laissant derrière lui une amante qui portait son enfant. L'éducation, il n'y avait été confronté que ponctuellement, avec les rejetons des autres. Mais il n'avait jamais été père à proprement parlé. Toutfois, son fils était devenu un homme à présent, il n'y avait plus rien de tel à faire. Alors pourquoi se rendait-il dans l'île désertique des elfes ? Quelle force étrange le poussait vers ces horizons inconnus pour cet enfant qu'il refuserait ? Il avait beau constater par lui-même l'absurdité de son comportement : il ferait ce voyage malgré lui.

    Il n'alla pas au-delà dans la discussion. Alors qu'il reprenait la fin de son repas, il orienta la conversation sur des termes plus politiques, rebondissant que les derniers propos de sa conseillère au sujet de Nolan. Il lui donnait des instructions, des conseils, des pistes de réflexion à creuser pendant son absence. Il lui léguait les dernières armes, sous forme de recommandations, pour qu'elle puisse garder la tête haute jusqu'à la mi-août, aux côtés de Sir Denrys. Il veillait à ne pas lui donner des ordres, mais au contraire, il lui expliquait, avec une pédagogie ferme, les raisons sous-jacentes à ces choix, à première vue peu fructueux. S'il y avait bien une chose qu'il ne pouvait pas reprocher à la fille de Crissolorio, c'était bien la force de sa volonté. L'âge lui apporterait de la sagesse, mais elle devait, pour l'heure, profiter de sa fougue. Si elle était dangereuse, elle était aussi promesse d’aventure et c'était bien ainsi qu'on forgeait sa personnalité. Il avait foi en elle... Et en vérité, elle n'était pas la seule à nourrir l'espoir qu'il finisse par s'ouvrir à elle. Cela viendrait sûrement, avec du temps et de la confiance. On ne guérissait pas de Morneflamme en un claquement de doigts, et si la proximité d'amis pouvait l'aider à se relever, il savait tout autant que la solitude était son refuge à lui, l'homme de l'ombre. Il n'était pas un soleil non plus, pour ses sentiments. Il était une lune et s'il pouvait être vu, grâce aux rayons du soleil, une très large part de lui restait dans l'obscurité la plus complète. Les ténèbres était le terreau fertile où il avait développé le Marché Noir et où, depuis sa sortie de Morneflamme, il retissait la trame brisée des lambeaux de sa vie. Et lorsqu'il se sentirait prêt... Il saurait où la trouver.

    Lorsqu'ils eurent fini repas et conversation, un bref regard sur l'horloge le rappela à l'ordre : il avait un conseil à tenir.

    --- end ---

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