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descriptionA la recherche de la légende [Pv. Aldaron] EmptyA la recherche de la légende [Pv. Aldaron]

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Nous étions à quai depuis quelque jour, et, force était de constater que Caladon m’avait profondément manqué. Je n’y avais pas posé les pieds depuis notre départ d’Ambarhùna et la vivante cité cosmopolite n’avait pourtant pas changé. Certes, les habitations, les commerces, les rues et les avenues étaient totalement différentes de l’ancienne cité libre, mais l’âme qui l’habitait était toujours la même. Et c’était cette âme qui m’avait toujours étreint le cœur durant ma vie de serviteur de la Caste, et qui m’avait toujours fait me sentir chez moi. C’était donc nostalgique que j’arpentais ces nouvelles rues, en détaillant chacun des recoins comme par le passé, en attendant que le navire des aigles soit fini d’être chargé. Il serait sans doute temps de repartir en exploration bientôt, mais il me restait encore quelques jours pour profiter de la cité marchande.

Après une longue journée passée à découvrir de nouveaux lieux, je pris le cap de notre embarcation afin d’y passer la nuit. A peine arrivé, je fus accueilli, par Amon, un des jeunes hommes qui avait rejoint les aigles lors de notre arrivée dans la cité libre. Il se présenta à moi avec un salut militaire formel qui m’arracha un léger sourire.

« Bonjour Commandant. Une missive est arrivée pour vous en début d’après-midi. » Dit-il, en me tendant un papier portant le sceau du Bourgmestre. Je récupérais la lettre, avant de lui répondre.

« Merci Amon. Et je t’en prie, Seö suffira, nous ne sommes pas dans l’armée. » Lui lançais-je, tout en commençant à ouvrir la lettre. Une fois fait, je la balayais rapidement la fine écriture à l’encre noire, légèrement surprit par son contenu. Une convocation au palais du Bourgmestre pour le lendemain, qui m’était, surtout, personnellement adressé. Dans une ville aussi marchande que Caladon, il était fréquent que les capitaines de navires destinés à importer et exporter des produits se voient reçus, puisqu’après tout, ils étaient source d’enrichissement matériel et politique, mais nous n’avions pas ce statut. Je n’avais pas ce statut tout du moins, aussi, j’étais étonné que la lettre soit directement adressée à mon nom. Dans tous les cas, il aurait été de mauvais ton de refuser. D’autant plus que ma curiosité était piquée au vif. Leweïnra, j’avais déjà entendu le nom du Bourgmestre quelque part. Conscient d’avoir été plongé dans mes pensées depuis quelques minutes, je reportais mon attention sur le jeune homme qui me faisait face.

« Alors ? Il y a un souci ? » S’inquiéta-t-il.

« Pas le moins du monde, ne t’inquiète pas. Mais je m’absenterais demain pour la journée. » Répondis-je avec un sourire.

Le jeune homme ne s’en étonna pas. Durant ces périodes de pause, je restais très peu avec les aigles et leur laissais la plus grande des libertés. Une liberté méritée par la confiance que je leur portais. Ils n’étaient pas des mercenaires classiques, ni de grands combattants, aussi, je savais qu’ils ne causeraient aucuns problèmes à la cité en mn absence, et seraient là pour le départ lorsque ce dernier serait fixé. Ce fût donc l’âme perdu dans les limbes de mon esprit que je passais la soirée, tâchant de trouver dans mes souvenirs celui qui me parlerait du nom du Bourgmestre, sans succès toutefois.

____________

Le lendemain matin, je me rendais à l’endroit où l’on m’avait convoqué, ayant pris un peu d’avance pour profiter d’une balade dans l’immense marché qui faisait, en partie, la réputation de Caladon. Les effluves des épices, les couleurs des tissus… Comme autant de choses qui me rendaient nostalgique de l’époque où je fréquentais plus régulièrement la cité. L’heure approchait et je mis alors volontairement fin à mes pérégrinations pour rejoindre le palais du Bourgmestre, où m’attendait probablement ce dernier. La nuit n’avait en rien entaché ma curiosité, et j’avais, inconsciemment, hâte de découvrir ce que pouvait bien me vouloir l’homme le plus influent de Caladon. J’avais laissé la totalité de mon équipement sur mon navire, optant simplement pour une tunique de lin claire et unie, qui, même si elle était de bonne fabrique, contrastait beaucoup avec l’équipement qui m’épaulait d’habitude. Mais les armes et armures n’avaient pas vraiment leur place dans une rencontre diplomatique.

Je fus accueilli par les gardes qui, une fois que je leur eus présenté la convocation, me laissèrent passer sans problème, et un serviteur vint me conduire auprès du dirigeant. Ce ne fus que lorsque je l’aperçu qu’un sourire commença à se dessiner sur mon visage, alors que je maudissais ma stupidité. Evidemment que je connaissais le nom de famille de l’homme qui venait m’accueillir. J’avais simplement, par le passé, prit l’habitude de l’apeller par son prénom plus que par son nom. Il avait été, à une époque, un frère d’arme et un ami qui m’était cher, et, bien qu’il se fût installé une légère surprise en le voyant à présent à un poste aussi élevé, ce n’était avec le recul pas si étonnant que ça.

J’avais connu Aldaron alors que nous étions tous les deux membres de la Caste. Il était bien plus âgé que moi, mais nous partagions tous les deux les mêmes valeurs et idéaux, ce qui nous avait immédiatement rapproché. Même appartenant au même ordres, nous ne nous voyions assez peu. Il était un diplomate et un commerçant hors-pairs, alors que je combattais pour ma part aux côtés de Lewyn. Aussi, nous n’avions pas la même fonction, ce qui ne nous empêchait nullement de collaborer et, plus encore, de nous lier d’amitié. Après tout, plus qu’un guerrier, j’étais également un artisan et nous avions eu souvent l’occasion d’échanger à ce sujet. Je lui adressais alors un grand sourire, avant de m’avancer vers lui pour une solide accolade. Je me reculais alors, avant d’ouvrir la discussion.

« Et bien ! Si je m’attendais. Tu as pris du grade depuis le temps Alda’, et je dois t’avouer que ça ne me surprend finalement pas tant que ça. » Lançais-je sur un ton légèrement amusé, avant de reprendre. « Alors, tu m’as fait venir pour prendre des nouvelles ou tu as quelque chose de plus précis en tête ? ».

A vrai dire, c’était une question purement rhétorique. Je connaissais Aldaron et je savais que, bien qu’il puisse être également content de me voir, il avait probablement quelque chose derrière la tête. C’était un diplomate et un commerçant de génie, aussi, il ne plaçait jamais de coups inutiles. Il devait être occupé, trop occupé pour simplement convier un ami à une simple rencontre officielle.

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    Retrouver Caladon, après son voyage interminable au Royaume Elfique, fut salvateur. Une respiration nouvelle, plus saine, pour s'affranchir de la cangue d'acier qui l'avait claquemuré dans ses doutes, ses erreurs et ses questionnements perpétuels. Loin était le temps de l’insouciance passé à Gloria avant le début des affrontements, l’émergence de la haine et des trahisons qui avaient secoué leur ancien continent. Maintenant, il avait à s'interroger, se remettre en cause à chaque instant pour être certain de ne pas commettre les mêmes impairs sur ces terres nouvelles, symbole de ce qu'ils pouvaient construire de merveilleux ou réduire à l'état de cendres. Et surtout... Il devait le faire seul. Disparue, la présence rassurante d'Achroma, leader et fondateur de Caste des Dragonniers. Trépassée, sa fratrie, la Triade sublime donc il n'était plus que le dernier rescapé meurtri. Il devait avancer seul, lui qui avait tant besoin des autres pour l'entourer. Plus que la perte, c'était la solitude qui le dévorait. Les ambitions titanesques qu'il avait pour la paix de l'archipel ne pouvaient être portées que par un unique homme. L'avenir qu'il espérait allait avoir besoin qu'une nouvelle Caste se fonde... Pour gouverner.

    L'elfe avait saisi l'instant idéal, avant la course folle de son travail, à l'aube d'une brûlante journée d'été pour profiter des températures encore tièdes à flâner sur les hautes murailles du quartier intérieur. D'ici, la ville se dessinait merveilleusement comme une étoile qui rayonnait de ses routes terrestres et maritimes, étendant son aura économique comme les balbutiements d'une toile d'araignée à la fois profitable et dangereuse. Lui, qui avait acquis une grande maîtrise des marchés visibles et invisibles, savait combien Caladon pouvait faire peur. L'or était le nerf de la guerre, celui de la paix, celui du pouvoir. Bien naïf était celui qui dédaignait les possessions matérielles, il était de notoriété publique qu'à Caladon, tout s'achetait. Tout avait un prix. Avec le temps l'économie se resserrerait, les fils de l'or deviendraient des cordes sur lesquelles il pourrait tirer pour faire tomber les bellicistes. Il entortillerait les empires voisins autour de son petit doigt, non pas pour s'en servir contre eux, mais pour leur faire sentir l'ombre menaçante du pouvoir de l'argent, si on venait à s'en prendre à la cité libre. Un sourire paternel marquait ses traits calmes, contemplant Caladon comme s'il s'agissait de son propre enfant. Ce n'était d'ailleurs pas qu'une simple image. Aldaron avait fait renaître cette ville, il faisait en sorte qu'elle grandisse dans les meilleures conditions possibles, pour qu'elle ait toutes ses chances face à l'avenir impitoyable qu'ils n'auraient de cesse d'affronter.

    Ses prunelles aux teintes froides de l'émeraude louangeaient mentalement les mats robustes des navires à quai. Il s'étonnait, parfois encore, de connaître chaque pavillon par cœur, les artisans, les maisons marchandes, les emblèmes, les toisons, les armoiries. La diversité ethnique se voyait jusque dans l'allure des bâtiments maritimes, les cris qui parvenaient à ses oreilles pointues, expectorés dans des langues diverses et variées. Il se sentait chez lui, ici, au beau milieu de ce mélange sublime, de ce cœur palpitant qui faisait vivre la cité et lui donnait l'espoir d'un avenir plaisant à vivre... Ensemble. Un navire attira son attention et son sourire s'élargit grandement, comme celui d'un enfant à qui on faisait un cadeau. Son œil avisé parcourut stratégiquement le port et les rues commerçantes en pleine effervescence à cette heure très matinale, jusqu'à se poser sur une silhouette connue. « Toi, ici... » souffla-t-il pour lui-même. Seö reçut sa missive dans l'après-midi même.

    ***

    Il avait avancé son entretien avec le Conseil de la ville afin d'être relâché plus tôt et d'avoir le reste de la matinée pour lui-même. Bien sûr, ses conseillers avaient râlé après son tempérament de girouette, mais Aldaron avait l'art et la manière de panser ces petites plaies avec du miel. A son retour à Caladon, il avait eu à gérer les quelques mauvaises affaires qui avaient éclaté pendant son absence. La jeune Ostiz n'était pas étrangère à l'apaisement des tensions et le maître marchand s'émerveillait toujours autant de la voir évoluer comme une reine dans la fosse aux serpents. Une demoiselle prometteuse qu'il prenait sous son aile bienveillante. Ceci achevé, le calme paisible des affaires commerciales venaient bercer ses jours tel une mère aimante, apportant son lot de défis et de consolation. La salle du Conseil se désemplissait, le laissant seul au bout de cette tablée aux sièges maintenant vides. Les bois et métaux qui décoraient sobrement la pièce étaient des matériaux nobles, de très bonne facture. La table de bois verni reflétait les rayons du soleil, alors qu'une domestique refermait les abat-jour en minces bardeaux roux, puis des fins rideaux en mousseline de soie d'un vert véronèse. Le soleil faisait vite monter les températures, il était alors coutume de se protéger de son agressivité bien avant le zénith. L'été, la cité reprenait de l'activité en fin d'après-midi et ne s'apaisait qu'à peine à la nuit tombée. Remettant la liasse de ses notes à un serviteur, le silence fut le seul compagnon dont il bénéficia alors que l'orientation de ses yeux déclina sur les deux anneaux portés à sa main droite. Le premier était d'argent, des plus simples. Le genre de bijou qui ne tapait pas à l’œil de la noblesse tant il était démuni d'ornement, mais pour le marchand qui avait mis la main dessus, l’artefact Tarenth s'en trouvait être un soutien indéniable par la puissante magie qui en émanait. Il défit le cercle de métal et le posa à plat sur le parchemin.

    Ce n'était pas lui qui l'intriguait mais le second bijou. Un mystère qui planait encore... Il espérait toutefois avoir visé juste en requérant le soutien de Seö. Il le défit également de son doigt pour le poser près du premier, l'examinant longuement, comme s'il allait soudain lui révéler de lui même ses secrets. Force était de constater que son air songeur n'était que l'émule de son appréhension. Achroma, la Caste des Dragonniers, le Voyageur Tarenth étaient des reliques d'un passé encore douloureux et ce qu'il allait remuer avec Seö était la fois nécessaire et terrifiant. Ses prunelles d'émeraude redressaient sa vision sur la porte qui s'ouvrait à nouveau. Il se levait de sa confortable chaise et commençait à contourner la table lorsqu'on lui annonçait l'arrivée de son convive. L'elfe artisan ne tarda pas à apparaître à son tour, donnant au visage sérieux du bourgmestre un éclat naissant progressivement à l'instar de l'éclosion d'une fleur. « Je suis heureux de te revoir, Seö. » salua-t-il, laissant son sourire percer jusqu'à l'ivoire puis au rire amusé par la surprise qu'il lisait sur les traits de son ami. Et bien ? Il ne s'y attendait pas ? Peut-être. Au fond, ils n'avaient principalement échangé par le passé qu'à coups de prénoms... Et Aldaron n'avait repris son nom de famille de naissance qu'à son arrivée dans l'archipel, lorsque sa dernière sœur de cœur, Corine, eu rendu son souffle de vie. La fratrie avait jadis pris le nom commun de Triade, délaissant, pour l'elfe, celui de Leweïnra au placard.

    Il lui rendit une solide accolade, malgré la maigreur qui lui restait comme la marque visible de son long séjour dans l'infâme prison de Morneflamme. Son corps carencé avait repris des formes moins fragiles et squelettiques que la dernière fois qu'il avait croisé Seö, sur l'ancien continent. Le temps allant, il s'émancipait de la précarité à laquelle il avait été contraint pendant son enfermement et son allure devenait plus harmonieuse chaque jour, sous ses vêtements clairs aux coupes simples, mais de très bonne facture. « Les deux. » fit-il avec un sourire espiègle, comme celui qui avait été pris la main dans le sac à faire d'une pierre deux coups, alors qu'il l'intimait, d'un signe de la tête, à s'intéresser à ce qui reposait sur le parchemin. « Cette fonction ne fait qu'officialiser le rôle que la Triade occupait officieusement. Je t'avoue que cela simplifie beaucoup mon travail. » railla-t-il d'une voix grinçante, l’œil pétillant de malice, même si le fond de son propos était d'une vérité plus qu'authentique tant elle crevait les yeux. Il n'avait plus à manipuler le marché invisible pour parvenir à ses fins quand il détenait le pouvoir exécutif. Il reprit l’anneau d'argent pour le remettre à son doigt, laissant l'autre à l'étude du maître des glyphes, sans lui donner le moindre indice pour le moment, s'écartant pour lui laisser l'aise de travailler comme bon lui semblait. Il l'observait en coin, jaugeant de ce qui pourrait venir marquer ses traits pendant son analyse. En bon marchand et politicien, il... Parlait, comblant le vide d'un silence qu'il ne voulait pas affronter, pas quand Seö touchait de si près, sans le savoir, à un sujet aussi sensible pour Aldaron qu'Achroma, le dernier possesseur de cet anneau singulier.

    « Les gens reviennent inévitablement à Caladon... Comme une ancre entre hier et aujourd'hui. Je finis par me demander pourquoi je me suis évertué dans un voyage jusqu'au royaume elfique... Quand tout le monde revient fatalement ici, comme guidé par les termes d'une irrésistible prophétie. Je n'ai qu'à attendre un peu que le manque assaille ce monde de son souvenir mélancolique et... Tadam ! Te voilà. » Comme bien d'autres. Il marqua une pause avant de poursuivre, ne tenant visiblement pas le silence en ami sur l'instant. « Caladon ne tient pas son nom de Revenante sans motif. Elle est un ersatz du passé, un fragment emporté de notre ancien continent où on remet les pieds comme en une terre de pèlerinage. C'est un moyen de parvenir à dire adieu à des racines qu'on a tranché si vite, dans la précipitation du départ ou bien... A renouer et revivre. Que fais-tu à Caladon ? » finit-il par demander. « Beaucoup disent qu'ils viennent pour les affaires. C'est vrai mais ce n'est pas la complète vérité, tu ne crois pas ? »

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Aldaron n’avait pas vraiment changé, mise à part sans doute qu’il s’était légèrement étoffé depuis notre dernière rencontre. Le peu de personnes qui l’avaient fréquenté de manière un peu plus profonde et amicale connaissaient son histoire et son passé dans la prison de Morneflamme. Cette époque appartenait au passé, et nous évitions généralement d’aborder ce genre de sujet, même si le Bourgmestre avait lui aussi tourné la page. J’étais simplement heureux de le voir en si bonne forme et, surtout, en si bonne position. Je n’affectionnais pas particulièrement la politique, aussi, je ne l’enviais pas vraiment, mais lui, il était simplement taillé pour ce genre de responsabilités, tout son être le clamait par tout ce qu’il avait déjà accompli lors de son existence. Selon ma vision des choses, la position qu’il avait était entièrement méritée, et, au vu de l’importance que j’accordais à la ville de Caladon, je ne pouvais que me réjouir qu’un ami de confiance en soit à la tête.

Ses deux remarques me firent sourire. Aldaron avait toujours eu tendance à parler en énigmes, et, s’il fallait un temps pour s’y habituer, cette façon de faire et d’être m’amusait plus qu’elle ne m’agaçait. Et puis, il fallait avouer que sa réponse était prévisible. L’elfe était trop malin, et maintenant trop important, pour ne s’accorder qu’à des salutations d’usage. Quand bien même j’étais ravi de le revoir, j’aurais peut-être ressenti une pointe de déception s’il n’avait pas quelque chose de bien précis en tête. L’elfe était ce genre de personne intriguante, insaisissable, autour desquelles semblait se créer l’histoire, et pouvoir l’aider en plus de nos retrouvailles était indéniablement ce que j’espérais. Dans tous les cas, il était vrai que sa position à la lumière devait radicalement changer ses habitudes, lui qui avait presque toujours opéré dans l’ombre. Et puis, il s’agissait surement pour lui d’une forme de reconnaissance pour tout ce qu’il avait bien pu sacrifier pour être au service des autres durant toute sa vie. Mais il serait surement bien trop fier pour l’admettre un jour.

Sans dire un mot de plus, l’elfe ôta un curieux anneau de son doigt avant de le déposer dans ma main sans plus de cérémonie. Faite de curieuse facture, elle était en réalité composée de trois anneaux unis pour n’en former qu’un. Il ne me fallut pas longtemps pour comprendre ce qu’attendait Aldaron. Il connaissait mes talents particuliers en ce qui concernait l’identification des glyphes, et souhaitait sans doute en apprendre davantage sur cet anneau singulier. Avant toute chose, je pris le temps d’analyser les écritures qui y étaient inscrites afin d’en tirer un quelconque indice sur les effets. Curieusement, aucun des symboles qui figuraient sur le bijou ne faisait sens. Et pourtant, je connaissais nombre d’anciennes écritures. Mais, celles-ci ne ressemblaient à rien de ce que j’avais déjà pu observer au cours de ma vie. Il s’agissait donc d’un objet singulier, unique, et probablement très ancien, ou provenant d’une civilisation complètement inconnue. Dans tous les cas, ma curiosité ne faisait que grandir, et, observant toujours l’objet, je répondais d’une voix distraite aux propos d’Aldaron.

« Hum… C’est le fonctionnement si particulier de cette cité-état, qui à mon avis, et la source de ces pèlerinages. C’est un endroit de liberté, où cohabitent en paix trois races qui s’affrontent depuis des siècles sans que cela ne semble poser aucun problème en apparence. Caladon était, et est toujours, une promesse d’espoir pour la plupart des gens. Ils y voient un monde d’opportunités, politiques, commerciales, ou idéologiques. Cette ville est le symbole de ce que pourrait donner un monde uni, loin des guerres et de la rivalité des autres royaumes. Bien sûr, elle n’est pas parfaite, mais, pour moi comme pour beaucoup, elle représente énormément plus que sa simple désignation de cité marchande. » Finis-je, toujours concentré sur l’objet, sans le lâcher des yeux. « Pour ma part… Je me suis vu confier le commandement d’une unité d’exploration. Et nous attendons un ravitaillement, c’est aussi simple que ça. »

A ce niveau-là, je n’avais pas vraiment changé. Mon âme aventurière et paisible était toujours la même que quelques années auparavant, et mon idéalisme en attestait. Malgré toutes nos défaites, et toutes nos pertes, j’étais toujours convaincu, qu’un jour, les gens comme moi qui prêtaient leur bras au service des autres seraient obsolètes. Du moins, je l’espérais du fond du cœur. Je sortais de mes pensées pour m’adresser à Aldaron.

« Dis, Alda’, où as-tu trouvé cet anneau ? Je n’arrive même pas à en comprendre les écritures, je dois bien te l’avouer, mais il me parait pourtant étrangement familier… » Dis-je, pensif, avant de m’assoir en tailleur sur le sol, posant le bijou en question devant moi. Je mis ensuite mes deux mains parallèles au sol, l’anneau au centre d’un triangle que formaient mes pouces et mes index. Un geste habituel lorsqu’il s’agissait de simplement définir si un objet était enchanté ou non, et qui me permettait, en me concentrant, de pouvoir en deviner les effets si tel était le cas.

Pourtant, ici, il me sembla nager en plein inconnu. Le flux magique à la fois tranquille et tempétueux de l’objet ne se raccrochait à rien de ce que je connaissais. J’avais pourtant créé des glyphes pour des maitres Baptistrels, et divers individus tous plus différents les uns des autres. Mais, cette fois, tout était plus complexe. Et je mis un temps à pouvoir me rendre compte de la cause de l’étrange sensation que je ressentais. Pourtant, la solution était à la fois simple et parfaitement insensée. Un glyphe permettait d’associer le flux magique d’un être vivant à un objet, mais, dans ce cas précis, tout était différent. L’objet avait son propre rythme, son propre flux magique, comme s’il était lui-même la source de son propre pouvoir. J’avais entendu parler de ces objets éveillés, mais ils étaient tellement rares, tellement légendaire que je n’aurais jamais cru me trouver si simplement, par le fruit du hasard, en la présence de l’un d’eux. Et il me faudrait sans doute plus d’un simple geste pour en appréhender toute la nature. Je me tournais alors vers l’Elfe qui attendait patiemment, sortant de ma concentration léthargique, et lui adressant un petit sourire gêné tout en grattant l’arrière de ma nuque.

« Et bien… Je suis vraiment curieux d’entendre ce que tu as appris sur cet anneau. Dans toute mon existence de maitre des glyphes, je n’en ai jamais croisé de pareils. On dirait qu’il est… vivant… Il fonctionne avec sa propre énergie, son propre chant, contrairement aux glyphes. Je dirais que… Comparé à ce qu’il est, mon art me parait bien terne tout à coup… Et il me faudra surement quelques jours pour vraiment pouvoir ne serait-ce qu’apprécier son fonctionnement. »

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    « Hm... C'est une simagrée comme une autre de dire que tu viens pour les affaires. » conclut-il, un brin railleur. Chacun avait son appellation pour signaler qu'il n'était que de passage. Il trouvait cela saturnien car même s'il n'était pas insolite qu'on vienne à Caladon pour s'y installer et prospérer, beaucoup ne faisaient que transiter avant de voguer vers d'autres horizons. Ce qu'incarnait la cité n'était encore qu'un balbutiement qu'il briguait de devenir un cri du cœur... Était-ce fou et naïf d'envisager que la ville prenne tellement d'ampleur, qu'elle en vienne à absorber les cités et les empires de l'archipel sous sa couronne de paix ? Il se flanqua contre l'encadrement d'une fenêtre, observant à travers les persiennes de bois l'activité au dehors qui se calmait. Comme lui, chacun se calfeutrait, pour un temps de repos, avant l'activité nocturne. Il demeura silencieux un instant, laissant son ami travailler. Sa présence lui convenait : se retrouver dans la même pièce qu'un homme qui partageait sa tolérance et ses ambitions lui faisait véritablement du bien. Le Conseil Caladonnien tenait Selenia et l'Empire Kohan en haine et il était épuisant de devoir sans cesse éviter de mettre de l'huile sur le feu, dompter les bellicistes qui le tannaient à déclencher la guerre et marcher sur l'empire humain. Avec Seö, l'ambiance était apaisée. Il se sentait moins sur ses gardes, il pouvait relâcher l'emprise de sa main de fer et s'accorder une discussion sans accros.

    La voix du maître des glyphes le sortit de son immobilisme et il porta ses prunelles d'émeraude sur son compagnon. Où avait-il trouvé cet anneau ? Dans les affaires d'Achroma. La réponse était simple et pourtant ses lèvres restèrent scellées dans un mutisme régalien. Une aubaine que Seö soit attaché à résoudre l'énigme qu'il lui posait, cela donnait à Aldaron des motivations à son silence, préférant lui octroyer du temps à ses investigations préliminaires que de s'empresser à l'orienter dans une direction précise. Il n'était pas rare que la subjectivité fasse faire des erreurs, l'avis de l'elfe-artisan serait plus authentique et c'était précisément dans cet optique qu'il avait requis ses compétences. Pour autant, les traits du dragonnier d'argent remplissaient toutes ses pensées. Les yeux céladons avait mis son esprit en abîme, la sensation effacée de sa peau pâle et froide sous la pulpe de ses doigts. Aldaron avait toujours été à la fois gourmand et discret dans ses relations charnelles, mais il était de notoriété publique qu'il entretenait une très grande amitié et une profonde admiration pour le fondateur de la Caste des dragonniers. Sa mort, lors de la première bataille contre les forces du Tyran Blanc, avait été un déchirement auquel il n'avait pu se soustraire et duquel il n'avait pu se cacher. Seö avait l'air lui-même en pleine réflexion : eh bien ? L'anneau lui donnait du fil à retordre ? Un sourire torve marqua ses lèvres : sa satisfaction à lui poser une colle, ainsi que le renfort de sa plus ferme volonté lui permirent de reclasser Achroma dans les souvenirs douloureux qui nimbaient le fond de son esprit.

    Son verdict confirmait alors bien des pistes, notamment celles qu'il soupçonnait au sujet de la magie Tarenth, et lui permettait de mettre des mots sur ce qu'il avait pu expérimenter jusqu'alors. C'était à son tour de l'éclairer, à présent. Alors qu'il revenait vers lui, il laissa sa tête retomber en arrière, comme s'il cherchait par où commencer tant il avait d'éléments à lui apporter. « L'écriture est celle de la langue Tarenth. Peut-être as-tu entendu parler de ce peuple, il semblerait qu'il ait habité Ambarhùna avant nous. Avant l'arrivée des elfes, puis des hommes. Je ne sais pas ce qu'il y a d'écrit, en revanche, et les traces de ce peuple sont trop rares pour que quelqu'un se soit penché véritablement sur cette langue. » Il défit l'anneau d'argent qu'il portait à sa main droite et le tendit à Seö. « Ce n'est pas la première relique Tarenth qui soit tombée entre mes mains. J'ai également celle-ci et son fonctionnement semble correspondre à ce que tu décris. Notre magie se nourrit principalement de la trame qui nous entoure, celle des Tarenths a l'air plus intrinsèque aux mages et aux objets qui l'usent. » Il marqua une pause avant d'ajouter : « Elle est aussi plus puissante et... Épuisante. Elle permet de repousser les limites de ce que la trame octroie, quitte à aller irrémédiablement trop loin. » Et mourir d'usage abusif. « Par exemple, la magie humaine permet de former une projection astrale de soi, d'envoyer son esprit dans un autre lieu. Ceci... » Il désigna l'anneau d'argent à présent dans la main de son compagnon : « Me permet de créer une projection matérielle de moi. Un double physique. * » Il eut un sourire en coin, ajoutant : « On m'a appelé le Passeur, au Protectorat. Ils ne savaient pas vraiment comment je faisais pour me rendre en Théocratie sans être vu, dans un temps record. Ils ont mis ça sur le compte de l’efficacité de la Triade mais... La réalité n'était pas exactement où ils la croyaient. » Il haussa les épaules : « Enfin, pas totalement. » Cela n'enlevait en rien l'efficience du Marche Noir, mais cela aurait brisé quelques fantasmes, c'était certain. Chacun avait ses ficelles et ses combines, la Triade plus que tout le monde.

    Il joignit ses mains sur son ventre, prenant une nouvelle inspiration pour poursuivre : « Ces deux anneaux ont appartenu à celui qui se faisait nommer le Voyageur. Celui qui a appelé à combattre Néant, ou du moins les manifestations désastreuses que nous avions de lui sur nos terres. » Les perles, pour commencer et toute une série de cataclysmes par la suite. « Un Tarenth et... » Il pinça ses lèvres : « Le premier des dragonniers. Le premier à avoir découvert, entretenu, perfectionné le Lien.... Et à avoir été détruit par lui. Le Voyageur était le dragonnier du Tyran Blanc et c'est sous l'emprise de la marque de Sombre Allégeance*... » Il s'arrêta, ne s'attendant par à devoir parler de lui, soudain : « Qu'Achroma Seithvelj a tué le Voyageur. » Il serra les dents, détournant brièvement le regard. Sous cette même marque de Sombre Allégeance, Achroma avait été à deux doigts de tuer Aldaron, dans l'ancienne Caladon. Là non plus, ce n'était quelque chose qu'on pouvait ignorer : une partie de l'ancienne ville marchande avait été rasée par leur affrontement. Difficile de passer à côté de la nouvelle. Encore plus pour Aldaron qui s'était retrouvé littéralement éviscéré quelques semaines après sa fuite de Morneflamme. Le genre de souvenir qui ne s'oubliait pas. Il finit par s'éloigner de son ami, détournant son attention sur l'extérieur. « Il y a fort à parier que cet anneau se rapporte de près ou de loin au Lien. Le Tyran Blanc était un dragon albinos que peut représenter l'alfénide. L'or est symbole de mariage. Quant à l'obsidienne... Rien n'est vraiment sûr, mais on pourrait faire l'hypothèse que l'épouse du voyageur ait été également dragonnière d'un lié aux couleurs des Ténèbres. »

    Ravalant ses pensées, il reporta son attention sur Seö : « L'anneau du Premier des dragonniers... Pour les lier, les réunir. C'est le Voyageur qui avait soufflé à Achroma de fonder la Caste, pour poursuivre des ambitions qu'il avait déjà, de toutes évidences. » Il eut un sourire tendre à son propos. « Tu comprends combien cet anneau m'est plus cher qu'aucune relique au monde. » Lui qui partageait avec Aldaron, les ambitions de la caste des Dragonniers. « Combien de temps disposes-tu pour l'étudier avant que tu ne quittes la ville ? » Et puis finalement, il eut un sourire malicieux en haussant les épaules : « Enfin, je suppose qu'un ravitaillement, ça peut se perdre, Commandant. » C'était tout à fait dans ses cordes de truand du Marché Noir... Et l'idée l'amusait beaucoup.

    *** :

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J’avais encore bien du mal à réaliser à quel point l’objet qui était en ma présence pouvait être à la fois fabuleux et terrifiant. C’était la première fois que je ressentais autant de plénitude et de magie contenue dans un objet, et la sensation était grisante, bien que je me savais pertinemment incapable de reproduire un schéma aussi complexe de flux magiques. Et si, encore, il n’y avait eu que de la complexité dans l’anneau. Non, c’était encore bien différent que ce simple fait. L’anneau en lui-même dégageait tant de sérénité et d’émotions que j’étais presque convaincu que lui seul était plus puissant que tout ce que j’étais et serais à l’avenir. Et je ne parvenais pas à l’expliquer autrement que par ce que j’avais décrits à Aldaron. L’anneau était dangereux, pas de part sa nature, mais de part son existence et sa puissance même.

Ce fut alors que le Bourgmestre daigna enfin me fournir plus d’informations au sujet de l’anneau. Les Tarenth m’étaient simplement connus de nom, et je n’avais encore jamais eu l’occasion de connaitre une relique de leur prestigieux passé. Peut être cette origine simple suffisait à expliquer mon manque de compréhension de l’objet, pourtant, la démonstration de mon ami me confirma l’inverse, alors que je prenais son deuxième anneau dans les mains. La marque magique était semblable, ce qui attestait de sa provenance, mais, pourtant, j’avais bien moins de mal à en déceler le flux, bien qu’il ne s’agisse pas de glyphes. Et puis, la réputation d’Aldaron n’avait pas attendu aujourd’hui pour arriver à mes oreilles, et, bien qu’étant curieux de nature, je ne l’avais jamais spécialement questionné sur le sujet. Après tout, je ne me mêlais à l’époque que très peu des affaires du marché noir et de la Triade, et jugeais que, s’il ne dévoilait pas ses secrets, c’était qu’Aldaron avait une bonne raison de le faire. Maintenant, je comprenais un peu mieux la raison de toutes les questions dont il pouvait bien faire l’objet, et surtout, pourquoi personne n’en avait jamais trouvé la raison. Comme il l’avait dit, la raison était simple : la magie qu’il utilisait permettait de dépasser certaines limites qu’imposaient d’ordinaire la trame, au prix de grands efforts. Quelque chose d’inimaginable, en somme, pour quelqu’un qui ne l’aurait vu de ses propres yeux. Je lui répondais alors, un léger sourire en coin.

« Je n’aurais jamais vraiment pu imaginer quelque chose d’aussi… unique. Mais après tout, rien ne devrait me surprendre venant du légendaire passeur. Cette faculté couplée au talent de la Triade, je ne suis pas vraiment étonné que vous ayez tant réussi à faire prospérer vos voies durant le règle du Tyran blanc. » Lui lançais-je, presque amusé par cette aura mystérieuse de laquelle il s’était volontairement habillé.

J’écoutais ensuite ses explications plus précises sur le provenance de l’objet, ainsi que tous les indices et informations qu’il possédait pour tenter de mieux comprendre. Achroma, les tarenths, le premier des dragonniers, ainsi que le voyageur… Comme autant de noms qui attestaient de la lignée extraordinaire de cet anneau. Pourtant, tout ce dont me parlait Aldaron concordait et, tout en m’imprégnant de son discours, je reposais la main sur le bijou comme je l’avais fait précédemment, essayant de me raccrocher à des sensations que je connaissais d’autres glyphes. Même un minuscule rapprochement, qui me permettrait au moins d’orienter mes pensées et de réfléchir avec logique au fonctionnement de l’anneau. Mais l’exercice était difficile, et la magie bouillonnante de l’objet me perdait en permanence, et m’empêchait d’avancer dans la direction voulue. Je poussais un léger soupir, faisant une légère pause pour remettre mes idées en place, et me tournant vers Aldaron.

« En revanche… Je pense que sa seule origine ne suffit pas à expliquer mon sentiment lorsque je l’analyse. Ton anneau du passeur, et cet anneau… Ils sont très différents l’un de l’autre. L’anneau dont tu ignore le pouvoir et loin, très loin d’être un simple catalyseur. C’est… Comme s’il était doué d’une volonté propre, enfin, je ne sais pas trop comment le décrire en réalité. Mais c’est… Impressionnant, je n’ai pas d’autre mots. C’est comme s’il se rendait compte que j’essayais de le comprendre, et qu’il me rejetait en arrière, en permanence, et m’empêchait de l’atteindre. » Je réfléchissais alors un instant. M’évertuer à forcer la résolution d’une énigme par essence insoluble ne servirait qu’à nous faire perdre notre temps, à tous les deux. Si la bague était entrée en possession d’Aldaron, c’était bien parce qu’il y avait une raison. Je me relevais alors, me dirigeant à la hauteur de mon ami, avant de reprendre la parole.

« Je ne pense pas arriver à trouver seul, dans tous les cas. L’anneau est le tien, et j’ai l’impression qu’il en rejette presque une autre magie que la tienne. Nous allons donc tenter autre chose, à deux cette fois. Porte ton anneau, et insuffle ta magie comme tu le fais pour utiliser le bijou du passeur. Je vais essayer de te guider ton flux magique, et de le diriger dans celui de l’anneau. C’est un peu particulier dis comme ça, je le conçois, mais c’est ainsi que je procède pour créer des glyphes draconiques. Bien sûr, ce n’est pas tout à fait pareil, mais j’ai bon espoir que, se faisant, je puisse en découvrir davantage sur les pouvoirs de cette relique. Mais je tiens à te prévenir que tout ça est très… expérimental, car je n’ai jamais essayé avec une telle magie. » J’attendais alors qu’Aldaron ait fini de se préparer, lui lançant, un léger sourire en coin. « Et pour mon départ, je dirais que nous disposons d’environ une semaine avant que je ne sois obligé de reprendre la mer, donc nul besoin de ralentir davantage la livraison de la cargaison. » Dis-je, sur un ton un peu moins formel.

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    Était-ce de la crainte ou de l'admiration que le bourgmestre pouvait lire sur le visage familier de Seö ? Il n'aurait pu trancher tant qu'il préféra croire aux deux. L'artefact était effrayant par sa terrible puissance et se trouvait si plein de glorieuses opportunités à la fois. Il restait à connaître l'usage qu'il pourrait en être fait car même le plus pur des joyaux pouvaient devenir une arme contondante entre des mains mal intentionnées. Lentement, il entrevoyait ce que les mots n'avaient fait encore qu'effleurer, l'abîme périlleux qui s'ouvrait sous ses pieds comme les tréfonds béants et brûlants de la terre. Jugulant le vertige grisant, pour le bien-être de sa santé mentale, il assimila de façon pragmatique les fragments d'indices pour reconstruire le casse-tête, joignant faisceau après faisceau les bribes qui feraient lumière. Il se prit à ne pas regretter d'avoir convié le maître des glyphes. Cela faisait bien plus d'une année qu'il possédait cet objet et il avait enfin l'impression d'avancer dans sa compréhension. Il ne pouvait que s'enthousiasmer de l'immense bond en avant qu'il allait enfin pouvoir faire. Pourtant... N'aurait-il pas pu le faire bien avant ? N'avait-il pas eu Seö sous la main plus souvent qu'aujourd'hui, grâce à la Caste des Dragonniers ? Il avait renoncé, sûrement par douleur, mais maintenant qu'il y pensait, il priait pour qu'il ne s'agisse pas du petit détail d'importance qui lui fasse regretter un grand nombre de ses choix.

    Sa dernière phrase, au sujet de la cargaison, changea son expression en une fausse moue adolescente, comme si on l'avait privé de sorties pendant un mois entier : « Rabat-joie. » répliqua-t-il railleur, en croisant les bras. Toute l'ivresse et l'allégresse de voir Seö courir à l'autre bout de la ville pour retrouver sa cargaison qui avait été livrée étrangement à la mauvaise adresse venait de tomber comme un soufflé. Rah la la ! Si on ne pouvait même plus s'amuser ! Il se mit à rire, n'ayant pas réellement perdu de sa gaîté en définitive, et ajouta : « Je vois : il a mauvais caractère. » Ça n'était pas exactement le cas, mais c'était l'impression qui découlait des mots de son ami. Il lui semblait dépeindre un objet emprunt d'une personnalité propre, destiné à choisir son possesseur et rejeter d'autres figures. Il n'était toutefois pas initialement destiné à cet anneau. Il avait été forgé pour le Voyageur. Achroma l'avait récupéré à sa mort et Aldaron en avait fait autant lors du trépas de l'Aîné. En fin de compte, il n'était grossièrement qu'un pilleur de cadavre... Mais... Le doute subsistait en lui, alors que les mots de Seö faisaient leur chemin dans son esprit. A bien y regarder, l'alliance du Premier était passé entre les mains de personnes aptes à diriger la Caste de Dragonniers. Le Voyageur l'avait fondé, il y avait plusieurs millénaires déjà et Achroma en avait été le reconstructeur. Des ruines, il avait tiré cette union et... N'était-ce pas ce que désirait ardemment Aldaron ?

    Il lui fit un signe de tête pour l'inviter à le suivre : « Viens, nous risquons d'être importunés dans la salle du Conseil. » Lui-même tourna les talons et passa une porte de bois gravé. Les murs de pierre les abritaient de la chaleur extérieure efficacement ; la traversée du couloir, qui desservait quelques salles sur la gauche, en fut agréable. Ils montèrent un escalier en colimaçon avant de tomber sur un salon. Il congédia aimablement la domestique affairée à ses tâches ménagères et l'invita à faire en sorte qu'ils ne soient pas dérangés. La pièce était bien plus petite que la salle du Conseil, moins imposante et formelle. Rectangulaire, plusieurs tapis recouvraient son sol et le mobilier de bois était de bonne facture, en nombre nécessaire et suffisant : c'est à dire très peu. Une bibliothèque bordait deux pans de murs et les persiennes, sous les voiles des rideaux, en occupaient un troisième. Quelques coussins reposaient, amassés, et de nombreux livres, encore ouverts, jonchaient un coin de la pièce : visiblement, la domestique n'avait pas eu le temps de tous les ranger. Une odeur d'encens et de camphre flottait dans l'air, déversant sur ses occupants une aura d'apaisement et de spiritualité : l'endroit était idéal pour la lecture... Et pour ce qui les concernait.

    Une fois seuls, il ferma la porte de bois et reprit possession de l'alliance du Premier, laissant l'anneau du Passeur entre les mains expertes de Seö... D'une part parce qu'il ne voulait en porter qu'un à la fois pour ne pas risquer d'envoyer sa magie au mauvais endroit tant qu'il ne la maîtrisait pas et d'autre part, il ne savait pas encore si Seö pouvait avoir besoin d'un catalyseur par la suite. Eu égard de l'ignorance qu'ils avaient sur l'anneau or, platine et obsidienne, mieux valait être en mesure de parer à toute éventualité. « Bien, tu vas avoir le temps de prendre une boisson et de la savourer. Il me faut un état de transe. » Autant dire qu'il n'y parvenait pas en un claquement de doigts. S'il l'habitude de l'exercice l'avait rendu plus apte à y conclure rapidement, cela restait un temps suffisant pour que Seö prenne un verre. Il désigna la théière et la carafe d'alcool. « Enfin, c'est ainsi que je m'y prends avec l'anneau du Passeur. » Sur ces mots, il passa l'alliance à son doigt et s'installa en tailleur, près des coussins. Il lui adressa un dernier regard ainsi un sourire confiant et assuré. L'éclat de l’appréhension toutefois vint ternir cette image solide, juste avant qu'il ne ferme les yeux.

    Dans l'obscurité artificielle de ses paupières, il focalisa sa concentration accoutumée sur sa respiration, l'apaisant, la ralentissant. Elle devint progressivement silencieuse, à peine perceptible et pourtant existante. Son pouls fut modéré, réduit à une fréquence semblable à celle d'un sommeil paisible. Les voix à l'extérieur du Palais disparurent de sa perception, puis ce fut le tour de la respiration de son ami. Bientôt, il ne distingua plus sa présence, allant jusqu'à oublier qu'il était là, tout en sachant qu'il l'accompagnait. Il perdit la notion du temps et de l'espace, sa conscience se détacha de son être, libre des préoccupations des quidams mortels. Il ne sentait plus les astreintes de son être physique et s'éveilla dans cet état second où il parvenait à se détacher de la trame pour s'orienter vers l'anneau qu'il portait au doigt. Il avait déjà essayé une première fois, dans cet état second et il avait senti... Comme s'il s'était projeté dans le creux de l'esprit de Luna Duruisseau. Craintif à l'idée de blesser la dragonnière, elle n'était toutefois que sa seule piste d'investigation. Comme un regard qui se tournait vers la jeune femme, il définissait sa trajectoire, nonobstant les kilomètres qui pouvaient les séparer. Il n'avait plus conscience de l'espace alors... Elle pouvait bien être à côté de lui, s'il ne voulait et il le voulait.

    Bientôt, il perçut distinctement sa proximité, comme si la demoiselle se trouvait là, à côté de lui. Il sentait sa présence, son sourire comme sa douceur. Dans cette salle de lecture où les deux amis se trouvaient, ses paupières s'ouvrirent... Mais ses prunelles d'émeraude ne voyaient pas son propre environnement, pas plus qu'il n'était capable de discerner le maître des glyphes. Comme aveugle, il ne répondait pas aux stimuli de la réalité. Il était ailleurs ou du moins voyait-il autre chose d'extrêmement nébuleux, comme s'il marchait en plein brouillard. Il percevait un jeu de lumière, devant lui et cherchait à percer le filigrane qui obstruait sa vision. Il sentait une force le pousser vers l'avant, et sa raison l'entraîna à supposer qu'il s'agissait de Seö. Pourtant, il ne parvenait à pas à franchir le voile éthéré qui le séparait de son objectif. Ses efforts semblaient être vains. Sa respiration s’accéléra lentement jusqu'à un rythme normal pour une personne consciente, ses battements de cœur suivant le même tempo. Il avait cette impression sordide de marcher sans repères jusqu'à ce qu'il y ait un déclic, brusque, et qu'il soit propulsé à travers la bruine. La frayeur s'empara toutefois rudement de lui, lorsque là, sous ses yeux, il se retrouva nez à nez avec le dragon de cuivre. Sursautant, après cette image apparue à peine un fragment de seconde, il vint très vite à se fustiger d'avoir eu si peu de résistance à la surprise. Il croisa le regard de Seö puis cligna des yeux, n'ayant pas la moindre idée du temps qui s'était écoulé, combien de minutes ou d'heures il avait navigué en eaux troubles. Il cligna des yeux. « J'.. Je.. » Il balbutiait comme si son esprit lié du Saumon s'était fait la malle, lui aussi.

    Il ferma les yeux, inspira profondément et tâcha de se recentrer. « Alkythis. » finit-il par lâcher comme si ça pouvait tout expliquer. « J'ai vu Alkytis... De près. De très près et... » Nouvelle respiration, profonde et il ouvrait les yeux. « En fait, je pensais à Luna Duruisseau. La dernière fois que j'ai essayé d'utiliser cette alliance, il y a quelques jours, j'avais senti sa présence. Vraiment. Comme si j'étais posé sur son épaule et que je pouvais murmurer à son oreille. Alors je... » Il réalisa qu'il était à court de souffle, les battements de son cœur avaient saisi un rythme de course en sortant de la transe... Alors il se laissa lentement tomber en arrière, le temps que cela se calme. « Alors je suis parti avec cette idée en tête... Je crois que je volais... »

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La remarque railleuse d’Aldaron m’arrache un léger sourire en coin. Se voir confier le commandement d’une unité n’était déjà pas une chose aisée pour quelqu’un comme moi, mais si en plus de tout cela mon ami s’amusait à me mettre des bâtons dans les roues, je n’allais vraiment pas m’en sortir. Surtout que les jeunes hommes et femmes qui avaient rejoint les aigles rêvaient d’aventures folles et enrichissantes dans des contrées lointaines, pas d’une interminable et ennuyeuse escale dans une grande ville, aussi agréable puisse-t-elle être. Mais cela revêtait certainement moins d’importance aux yeux d’Aldaron. Non pas par un égoïsme quelconque, simplement parce que, bien que frères d’armes, nous étions fondamentalement différents l’un de l’autre. Commander ne lui avait jamais semblé être une difficulté, et sa position actuelle en apportait indéniablement la preuve. Et puis, il était une personnalité publique, vouée à la résolution d’intrigues politiques complexes, ce qui n’était absolument pas mon cas. Le souvenir de tous les êtres, portés par leurs différences, que j’avais rencontré par le biais de la Caste m’étreint un instant le cœur, mais nous n’avions de toute façon pas d’autre choix que d’en faire fit, à présent. Cette époque appartenait au passé, pour lui, comme pour moi. Amusé par sa remarque, je repris alors.

« C’est toi qui voit après tout, je m’en voudrais de contrarier tes plans… » Raillais-je, avant de poursuivre. « Mais j’en déduis que, si ton souhait est absolument de me retarder, tu es prêt à accueillir dans ton immense manoir les cinquante hommes et femmes qui n’attendent que de reprendre la mer. » Finis-je en lui lançant un clin d’œil amical.

Son commentaire sur le caractère de l’anneau agrandit alors mon sourire. Il arrivait à dédramatiser une situation en un temps que j’avais toujours trouvé prodigieux, c’était impressionnant à voir. Nous étions sans doute en présence de l’un des objets les plus puissants et importants de notre époque et de l’ancienne, et il parvenait à s’en amuser, et, par-dessus tout, à m’en amuser également. Je levais les yeux au ciel en souriant, faussement exaspéré comme j’avais l’habitude de le faire pour rallier mon ami sur son attitude aux allures, quelques fois, insouciantes, puis je lui répondais.

« On peut… Presque résumer ça comme ça, effectivement. Ou alors, il est d’une possessivité extrême, ce qui revient un peu à dire la même chose. Dans tous les cas, impossible d’y comprendre quoi que ce soit sans que tu n’y mettes la main à la pâte, mon cher. » Lançais-je, conservant mon air légèrement amusé.

Je suivais ensuite le dirigeant Caladonien dans un long couloir suivi d’un petit escalier. Au sommet de celui-ci se trouvait un petit salon, aux allures plus conviviales que la grande salle formelle qui trônait un peu plus bas. Plus intéressant encore, outre ses aspects indiciblement confortables, la pièce était murée par le savoir. Une grande bibliothèque s’étalait sous mes yeux, et il aurait fallu être fou ou stupide pour ne pas en voir la richesse. Elle était une invitation à étudier, à comprendre, à partager quelque chose qui, finalement, nous liait presque tous. La curiosité, la soif de connaissance, sous toutes ses formes. Je reportais alors mon attention sur Aldaron. La réputation et la richesse du Bourgmestre et de la cité libre n’était donc en rien usurpée, et, au moins, cette dernière était entre de bonnes mains. J’avais trop foi en mon ami pour craindre qu’il ne laisse dépérir cette chance inouïe qu’il avait de posséder sa position actuelle. Je lui lançais alors un léger sourire.

« Et bien… Je vois que tu sais apprécier ta réussite convenablement… » C’était une taquinerie plutôt simple, et, surtout, une remarque parfaitement injustifiée si elle avait été sérieuse. Aldaron n’avait pas changé, du moins, pas selon mes impressions, et ne se comportait pas différemment de quand je l’avais rencontré pour la première fois à la Caste. Il avait certes plus de responsabilités à présent, mais il restait l’ami que j’avais connu. Je le laissais alors congédier le serviteur, puis fermer la porte derrière nous. L’endroit était parfait. Calme, tempéré, il n’y avait pas vraiment meilleur lieu pour pouvoir se concentrer en profondeur, et, visiblement, Aldaron allait en avoir grand besoin. Je le laissais s’installer et me confier son précieux anneau du passeur, que je déposais pour le moment délicatement sur l’un des meubles de bois qui décorait la salle où nous nous trouvions. Il m’expliqua ensuite rapidement qu’il allait avoir besoin d’un certain temps, ce qui ne me dérangeait nullement. Au vu de ce qu’il m’avait déjà raconté sur le fonctionnement de l’anneau et sa magie ancienne, j’en comprenais parfaitement la raison et ne me serait pas vraiment attendu à autre chose. Une fois qu’il fut installé, je lui répondais.

« Je te remercie, mais il est sans doute mieux que je commence directement, qu’importe le temps que cela prendra. Je veux comprendre et accompagner le processus de bout en bout, sinon, je n’en comprendrais pas le cheminement. » Et ce n’était pas vraiment négociable, car il s’agissait probablement du seul moyen pour moi de venir en aide à l’elfe. Par mesure de précaution, et peut être simplement pour mettre toutes les chances de notre côté, je déposais l’anneau du passeur à mes côtés. Peut-être, sans doute même, pourrait-il me venir en aide en cas de besoin.

Aldaron avait d’ores et déjà fermé les yeux, et je ne tardais pas vraiment à faire de même. Je connaissais trop bien cet état, dans lequel je me trouvais également lorsque j’apposais des glyphes. Une dimension presque parallèle ou politiques, supercheries, sentiments n’avaient même pas leur place. Un univers infiniment plus complexe et plus simple, qui jouait de ses propres règles, de ses propres notes pour avancer. Je mis alors mes mains jointes au-dessus de l’anneau porté par mon ami, m’asseyant en tailleurs, mes index et mes pouces formant toujours le même triangle. Puis, à mon tour, je fermais doucement les yeux pour me concentrer sur l’anneau et le flux magique de l’elfe, sans cette fois, tenter de le forcer à réagir à ma magie. J’observais simplement les courants, les flux magiques qui en émanaient sans m’y engouffrer, guettant une faille, un chemin que la magie d’Aldaron permettrait de créer. Observer toute cette énergie était fascinant, et je ne pus vraiment dire combien de temps s’écoula alors que j’apprenais ses courants, ou plutôt que je les appréhendais.

Mais soudain, une impression familière se glissa au milieu du tumulte. Une magie puissante, et calme, à l’image de celle de l’impératrice sur bien des aspects, tout en restant toutefois radicalement différente. Je tentais alors de me glisser à sa suite, afin de déceler les défauts que pourraient avoir l’union des deux flux magiques. Mais celui d’Aldaron était bien plus précis, plus fin, et plus accepté que le mien. Contrairement à l’impression que j’avais eu lors de ma première tentative de compréhension, la volonté de l’anneau ne rejetait pas la magie du Bourgmestre comme elle l’avait fait avec la mienne. Non, leur union, leur communion, tout était différent. Elles se cherchaient, sans arriver à se trouver de points d’ancrage. Les deux rivières se touchaient, se percutaient, s’emmêlaient pour à chaque fois se séparer, inexorablement, comme deux êtres faits l’un pour l’autre, mais tant blessés qu’ils leur étaient impossible de s’aimer. Aldaron n’avait donc fait qu’effleurer la surface de la puissance de cet artéfact, même s’il l’avait ressentie profondément. Ainsi, il ne pouvait pas la comprendre. Il ne pouvait pas ne serait-ce qu’essayer, ou même espérer d’y arriver un jour. La magie Tarenth était trop forte, trop impétueuse pour qu’il lui soit possible de s’y rattacher sans une aide extérieure, ou un coup du sort. Mais, moi, je pouvais au moins essayer. Non pas de prétendre à comprendre la relique, mais à permettre à mon ami de le faire. Comme j’en avais l’habitude avec les glyphes, je tachais de raccorder son flux magique à celui de l’anneau. L’exercice était toutefois plus complexe, plus délicat, et, hors du temps, j’essuyais bon nombre d’échecs, sans toutefois ressentir de lassitude, ou de démotivation. L’instant était unique, et grisant. L’impression d’œuvrer pour quelque chose de plus grand que moi me forçait à recommencer inlassablement jusqu’à ce qu’enfin, une accroche ne se mette à tenir. Un petit nœud, une petite étreinte sur laquelle j’avais concentré toutes mes forces et toute mon énergie. De ce petit espoir, naquis peu à peu un chemin, plus lumineux, que je m’empressais de suivre et dont je renforçais le lien. La voie était créée, et, si ça ne suffirait surement pas pour comprendre totalement l’anneau, Aldaron avait désormais les atouts pour y parvenir un jour.

J’en oubliais alors la fatigue, l’adrénaline, la curiosité et surtout l’excitation d’explorer un territoire inconnu réussissant à pallier l’épuisement de mon âme, et je suivais le flux unis d’Aldaron et des Tarenth. La moindre information, le moindre indice était bon à prendre, et je ne voulais pas en rester là. Alors que le flux se faisait soudain moins violent, et plus harmonieux, j’entraperçu alors quelques bribes de sa complexité. Une sensation étrange s’empara alors de moi. La sensation d’être dans une impasse, ou plutôt un îlot esseulé au milieu d’un océan astral. Esseulé, et pourtant au centre de tout. Une magie différente s’étalait à présent sous mon âme. Pas celle des Tarenth dont je commençais à connaitre l’impression, ni celle d’Aldaron. Ou plutôt, pas seulement. Une composante inconnue liait l’espace-temps, et son épicentre paraissait être l’anneau d’Aldaron. Je ne voyais pas vraiment, mais je ressentais des émotions qui n’étaient pas les miennes, et pas seulement celles d’Aldaron. Une impression, une proximité féminine qui m’était parfaitement étrangère, mais aussi une sensation de liberté absolue, d’affranchissement presque des lois de la nature. Une sensation magique hors du commun, ou plutôt, plusieurs à la fois, venant de part et d’autre de l’océan que j’observais. Puis, tout s’effondra, et je me sentis basculer en arrière, une brulante sensation dans les pouces et les index. Je repris alors conscience, en face d’Aldaron, retirant brutalement mes mains qui recouvraient l’objet. Mon souffle était court, comme si je venais de puiser dans mes dernières réserves d’énergies. Aldaron, lui, semblait totalement perdu un court instant, et bafouilla ses premiers mots.

J’écoutais alors son ressentit, lui qui venait de vivre sans doute plus précisément que moi cette aventure transcendante. Si j’en avais étudié les fondations, lui avait pu profiter d’un panorama unique que lui seul pouvait contempler. Sans doute que, mis bout à bout, nos expériences différentes permettraient de faire le premier pas vers une meilleure compréhension de l’artéfact si présent. Et il ne fallut pas longtemps pour que, lorsqu’il me parla de Luna Duruisseau et de son Lié, je puisse assembler une pièce cruciale dans l’énigme que nous posait cet anneau. La troisième magie, la troisième impression qui m’avait étreint lorsque je me tenais face à l’océan astral, c’était celle du lien. Je n’aurais jamais pu le deviner sans la description d’Aldaron tant cet aspect m’était parfaitement inconnu. Mais il faisait sens. Les sensations féminines, cette impression de toute puissance, et cet océan qui reliait tout ce tumulte. L’anneau était au centre d’un univers incroyable et inconnu, et je comprenais maintenant mieux en quoi la magie des Tarenth était légendaire. Les dernières paroles confiées à Achroma par le Voyageur juste avant sa mort prenaient alors tous leur sens. Cet anneau réagissait à la magie du lien, et permettait à son porteur d’être à son tour tributaire de cette relation si particulière. Je me penchais alors en arrière, mon poids soutenu par mes deux bras, finissant par éclater de rire l’espace d’un instant alors que l’adrénaline retombait. Toujours souriant, je reportais alors mon attention sur Aldaron.

« Tu ne peux pas savoir à quel niveau tu as de la chance, ou de la malchance mon ami. A vrai dire… Je n’aurais jamais cru, même en connaissant le fonctionnement de ta magie du passeur, qu’un tel objet puisse seulement espérer exister. » Lançais-je presque amusé, et incroyablement grisé par la découverte. « Je… suis maitre des glyphes depuis longtemps, et j’en possède de nombreuses liées aux dragons, mais de là à imaginer qu’une magie aussi spéciale et unique que celle du lien puisse-t-être imprégnée dans un objet… Non, vraiment. Là, je m’avoue vaincu et définitivement incrédule. » Je précisais ensuite, un peu plus sérieusement, ma pensée à mon ami. « Je ne pourrais pas encore te dire la réelle portée de cet artéfact, Aldaron. Je pourrais te conseiller de t’en méfier mais ce serait une folie. Il est trop important. Que tu vois Luna, ou Alkhytis comme s’ils étaient à côté de toi ne m’étonne guère. Cet anneau arrive, grâce à la magie Tarenth et la tienne, à capter celle du lien, et de t’en faire profiter certains aspects. Lesquels, je ne sais pas encore. Mais j’ai uni un peu plus profondément vos deux magies, et tu pourras sans doute le découvrir avec le temps. Et surtout, tu ne t’aventureras plus par erreur dans l’esprit des deux dragonnières les plus réputées de Tiamaranta. » La dernière phrase était une simple pique visant à rendre l’atmosphère moins lourde, tandis que nous récupérions tous deux notre souffle.

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    Le souffle lui revenait, plus quiet, plus lent, alors qu'allongé sur le dos, il observait le plafond en bois sculpté où des rosaces s'imbriquaient les unes dans les autres avec harmonie. L'art de cet ouvrage soigné faisait travailler spontanément sa réflexion, lui offrant un point ancrage pour illustrer la complexité que ce qu'ils étaient en train d'étudier. Son visage songeur s'éclaira d'un sourire à la dernière phrase lancée par le maître des glyphes avant de railler d'une voix grinçante : « Ça n'était pas désagréable. » Luna et Orfraie, bien qu'elles n'aient guère rejoint la Caste des Dragonniers, avaient été accompagnées à leurs débuts de Liées et Aldaron avait toujours été en bon rapport avec elles, et ce, malgré leurs trajectoires de vie. La vampiresse avait été objet de tolérance de la part de l'elfe, loin de lui jeter la pierre et la façon dont elle avait été blâmée par son peuple de naissance les avait beaucoup rapprochés, ayant lui-même à subir les foudres de ces hypocrites orgueilleux. Pour d'autres raisons, certes : il avait abandonné son enfant avant sa naissance, ne pouvant se résoudre, pas plus qu'aujourd'hui, à endosser ses responsabilités de père. Luna, elle, malgré le soutien naturel qu'elle apportait à son frère Nolan, n'avait jamais pu être cataloguée parmi les ennemis du bourgmestre... A tord où à raison. Dans les deux cas, la réplique ne faisait que souligner combien la compagnie des deux Liées ne l'importunait aucunement... C'était même assez grisant de sentir de Lien palpiter sous ses doigts comme un cœur pulsant de ces sensations orignales. L'aura draconique était d'autant plus enivrante qu'elle était précieuse et puissante. Il ne détestait pas rejoindre l'esprit de la Liée-Dorée, bien qu'il aurait mille fois préféré être maître de ce qu'il faisait plutôt que d'hasarder avec le pouvoir qu'il avait entre les mains.

    Il lui faudrait l’appréhender, le dompter et lui donner un sens pour qu'il ne puisse être l'objet d'impairs catastrophiques. Mille et unes réflexions allaient et venaient dans son esprit, autant que la culpabilité s'insinuait sournoisement dans ses pensées. Respiration apaisée promptement, il se redressa pour s'asseoir, repliant les jambes dans une position en tailleur, plus confortable. Les yeux baissés, il semblait méditatif et de toutes évidences, quelque chose le chiffonnait bien qu'il n'exprima pas immédiatement de vive voix la notion délicate de ses doutes, ses appréhensions et des suppositions. Face à l'océan d'inconnu, il pouvait tout imaginer, tout croire, espérer ou craindre sans parvenir à se mettre des barrières ou des gardes-fous : ce que lui exposait Seö n'était-il pas déjà bien en-dehors de tout entendement ? Le Lien, cette magie singulière qui unissait un dragon à un bipède, n'aurait du être à la portée d'un lambda mortel. Il avait l'impression dérangeante de mettre le nez dans une histoire intime et personnelle sans y avoir été convié : « J'ai l'impression d'être un voyeur. Un voleur. » Tout cela ne lui appartenait pas : cet amour inexplicable, cette infinie complicité, il n'en faisait pas partie et il avait la désagréable sensation de dérober à d'autres cet ersatz d'affection, s'introduire dans une union qui ne l'avait jamais réclamé. C'était dérangeant et inconfortable. « Je te remercie... » souffla-t-il avant de relever ses prunelles d'émeraude sur le maître des glyphes : « Avec ton travail, je vais pouvoir approfondir progressivement ce dont il est question. Tu as raison, il serait sot de ne pas user d'un tel présent... Mais, je ne le ferai pas sans en aviser les principaux concernés. J'ai suffisamment de respect pour elles et pour leurs dragons pour m'introduire dans une double union à laquelle je n'appartiens pas. C'est... Gênant. » confia-t-il avant de continuer : « Et, plus que d'ignorer l'ampleur de ce qui m'est accessible, je ne voudrais pas naïvement altérer leurs Liens, le corrompre ou même... Le détruire. » Là était sa plus grande crainte et ce qui le fâcherait plus que tout le reste.

    Il remit à son doigt l'anneau du Passeur, et observa les deux alliances à la main droite. Il était comme cet anneau d'argent, au fond. Le mariage unirait bientôt les deux dragonnières : ces cercles entrelacés ne s'accrochaient pas à lui. Il était extérieur mais il s'agissait surtout d'une première appréhension face à le nouveauté... Dans quelques années peut-être, il se trouverait stupide d'avoir ainsi fait les pieds froids. « Et s'il m'était à portée de main de pouvoir détruire le Lien, tu n'imagines pas à quel point je me sentirai coupable de n'avoir fait attention à cela bien plus tôt, quand Silarae pouvait encore être sauvée. » La dragonne s'était laissée mourir de chagrin au trépas d'Achroma. A ses côtés, il avait été impuissant... Mais s'il venait à découvrir qu'il aurait pu lui porter assistance, il subirait rudement le poids des remords. Il eut un sourire triste et en son for intérieur, il espérait mais... Le Voyageur avait été un dragonnier d'exception, un mage extrêmement puissant et rompre le Lien aurait pu être à sa portée... Alors, pouvait-il vraiment enterrer cette supposition sordide ? Ce ne serait qu'un fardeau de plus à trimballer avec lui, en surplus de la monstruosité qu'il s'était découverte à Morneflamme. Il eut un sourire en coin, loin de n'avoir en tête qu'un tableau noir. Il nourrissait bien des espoirs salvateurs, et Seö ne pouvait pas en douter. Toutefois, leur amitié lui permettait de partager ce qui lui tracassait la psyché sans n'avoir à afficher que la joie et l'assurance euphorique qu'un tel artefact déclenchait en lui. « C'est exaltant et effrayant... » Il avait envie d'aller plus loin et en avait peur... Mais il irait de l'avant dans sa découverte. Il ne sut comment il en vint à poser le regard sur les mains de Seö mais il fronça les sourcils : « Tu es blessé ? » Il lui laissa le temps d'un jeter un coup d’œil : « Avec quoi t'es tu brûlé ? » demanda-t-il en observant la pièce à la recherche de ce qui avait pu brûler son ami. Sans trouver, il tendit ses mains pour qu'il lui donne les siennes : « Je dois pouvoir te soigner si tu veux... » Il avait appris cela chez les humains.

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Une étrange sensation avait envahi mes paumes. Comme une brûlure intérieure qui, partant des pouces et des index, était progressivement redescendue dans ma main elle-même. Mais ce n’était pas vraiment une douleur physique, plutôt… Comme une sorte de court-circuit magique, créé par deux courants opposés qui refusaient de s’accorder. Puisque l’impression ressemblait énormément à celle que j’avais eu lorsque j’avais exploré l’objet légendaire d’Aldaron, il était plus que probable qu’il s’agisse en réalité de « retombées » progressives de notre découverte. Et quelle découverte nous venions de vivre tous les deux. Ni Aldaron ni moi ne semblions réellement capables d’appréhender un tel anneau. Qu’un être humain autre qu’un dragonnier ou son dragon puisse approcher ce qu’était la magie du lien était une aberration, ou quelque chose d’unique en soit. Cela dépendait des points de vue. Mais il était évident que nous ne pouvions pas nous permettre de garder cette nouvelle pour nous. Il y avait tout de même les principaux concernés à prévenir, non seulement parce qu’ils étaient directement visés par la magie de l’anneau, mais aussi parce qu’ils seraient surement plus à même de le comprendre que quelqu’un comme moi qui n’avait jamais approché cette forme de magie de près.

Aussi, je ne pouvais que comprendre la gêne d’Aldaron quant à ce don qui lui était offert. Il pouvait effectivement se montrer particulièrement utile, mais, dans la mesure où il ne pouvait pas encore totalement le maitriser, il pouvait parfaitement envahir une intimité qui, en outre, ne l’intéressait ni ne le concernait. Mais ça n’était qu’une question de temps et de pratique, pour cet aspect tout du moins. L’anneau ne se limitait surement pas à une simple communication entre ceux qui partageait le lien. La télépathie était après tout l’une des formes de ce type de magie, mais n’était pas la seule. Il y avait donc fort à parier que l’anneau était, en réalité, bien plus puissant et complet que ce seul fait. Aldaron soulevait donc un point particulièrement important. Cet artefact venu directement du passé pouvait parfaitement altérer le lien, si ce n’est le détruire. Cette idée pouvait paraitre abominable pour un Dragonnier, mais c’était une possibilité logique. Qui pouvait bien prédire qu’elle était la réelle puissance de cet anneau ? Je souriais donc à mon ami avant de lui répondre.

« Hum… Tu n’es pas vraiment un voyeur, ça n’est pas volontaire après tout. Il te suffit jusque, et je sais que ce n’est pas si simple, d’apprendre à maitriser cet aspect des pouvoirs de l’anneau. Pour ce qui est du reste, je rejoins ton avis. Il te faut observer la plus grande prudence quant à cet anneau. Jusque ici, il n’a été en possession que de personnages à l’aura globalement bénéfique. Il est donc probable que, même en étudiant le passé, nous ne puissions pas découvrir toutes les facettes de cet anneau. Altérer le lien peut être une bonne comme une mauvaise chose, si c’est réellement de ça dont il s’agit. J’ose difficilement imaginer ce qu’il pourrait se passer pour les Dragons-Liés et les dragonniers si cet anneau tombait entre de mauvaises mains. » Fis-je, sérieusement, avant de poursuivre. « J’ai entendu parler de Silarae, et, sur ce point, je suis en désaccord avec toi. Nous ne savons pas quel est la puissance de cet anneau, mais, même si je perdais un être cher, je ne voudrais en rien que mes souvenirs ou mon lien avec elle ne soit altéré simplement pour ne pas souffrir. Il y a des choses à assumer et, même si c’est une triste fin que celle de Silarae, elle aura conservé un lien qui lui tenait à cœur jusqu’à la fin. De toute façon, nul besoin de te reprocher quoique ce soit Aldaron. Nous ne pourrons pas revenir en arrière même si nous le voulions, alors autant se concentrer sur l’avenir. » Mon ton c’était adouci, et je lui parlais avec un petit sourire qui se voulait réconfortant. Je me doutais que cette histoire l’avait affecté, surtout maintenant qu’il envisageait qu’il aurait été possible d’en être autrement, mais nous avions encore trop à faire avec le présent et l’avenir.

Sa question me rappela ensuite à la brûlure que je ressentais dans mes paumes. Elle était toujours présente, mais moindre, comme si la magie avait cessée de se battre contre elle-même pour s’apaiser. Toutefois, le Bourgmestre semblait légèrement inquiet. Je le rassurais donc avec un ton amusé. « Ne t’en fais pas, ça va. C’est surement un contrecoup de notre exploration, ça s’est déjà atténué. Pour tout te dire, c’était une sorte de Brulure magique que j’ai ressentie dans les pouces et les index, mais je ne penses pas que ça soit très grave. Après, je te connais, donc si tu veux t’en assurer, je te fais confiance. » Dis-je en lui présentant mes mains.

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    Colère et douleur dans ses prunelles et pourtant, un mutisme souverain avait étroitement serré ses lèvres pour qu'il ne formule pas le fond de sa pensée outrée. Il savait qu'il avait un avis biaisé sur la nature humaine, ou peut-être était-ce le monde entier qui pouvait être qualifié de naïf par cette manière candide de croire en la vertu et l'amour éternel. Il avait côtoyé le vice dans son plus simple appareil, il avait été habité et dévoré par lui, plongé dans un état de bestialité primaire où il avait perdu sa foi en l'humanité. Était-ce alors utile de débattre ? Seö était un ami, un homme qui le rassurait et apaisait ses croyances fallacieuses pour restaurer un point de vue moindrement subjectif, loin des horreurs qu'Aldaron avait pu fréquenter, trois années durant, dans ce cratère brûlant. Alors non, il ne cracherait pas sa colère contre lui : il ne la méritait pas. C'était contre lui-même qu'il était terriblement en colère. Il tendit ses mains au dessus des siennes, paumes orientées vers le sol. « Tu as confiance... » Répéta-t-il comme si c'était surprenant, tout bas mais un elfe avait l'ouïe assez fine pour en percevoir les mots. Seö savait-il combien ses mots le touchaient, là, maintenant, lorsque le fléau de la tourmente agitait ses pensées courroucées ? Le marchand n'avait lui-même plus confiance en lui depuis qu'il savait de quelles atrocités il avait été capable. On pouvait bien le pardonner, lui dire qu'il y avait été contraint. Ils avaient tord, tous. Ils n'avaient pas vu cette ligne nette tracée entre le vice et la vertu qu'il avait franchi sans un regard en arrière. Il avait réalisé combien elle était trop facile à passer outre. Il avait été monstrueux, et pourtant, ils étaient nombreux ceux qui lui faisaient confiance. A commencer par ces fous qui l'avaient élu bourgmestre de Caladon. Une lumière douce émana de ses paumes, faisant disparaître, trop promptement à son goût, des brûlures effectivement magiques.

    Il referma ses mains alors qu'il les éloignait de celles, soignées, de son ami, pour venir les laisser retomber mollement sur ces cuisses. Ces mains, en lesquelles Seö avaient confiance, avaient encerclé des gorges. Elles avaient serré, sans relâcher leur étreinte, quand bien même les corps s'étaient longuement débattus. Il avait empêché l'air de rentrer, jusqu'à, quelques minutes plus tard, n'avoir plus qu'un cadavre immobile, bouche béante d'asphyxie, sous son emprise. Ces mains, en lesquelles Seö avait confiance, avaient saisi des chevelures crasseuses au creux de sa poigne pour frapper les crânes auxquelles elles appartenaient contre la pierre ardente des murs et des sols. Ces mains avaient fracassé ces boites osseuses, sans parvenir à se repaître du sang qui jaillissait en abondance des plaies, tant que sa victime fut encore reconnaissable. Il avait recommencé son geste, encore et encore, agité par la terreur, la crainte sordide du manteau de la mort, préférant honteusement le faire porter à d'autres plutôt qu'à lui-même. Ses mains avaient arraché la viande humaine pour s'en repaître, désolidarisé la chair des tendons et des os, pour survivre avec une nourriture inappropriée à sa nature elfique. Il s'était damné et... Seö avait confiance en lui. C'était à la fois surréaliste et naturel. Pour Aldaron, le Mal n'était pas qu'un concept bordé par des dogmes flous et les commandements divins, il était une incarnation réelle qui logeait dans le cœur de chaque être vivant de ce monde, et qui pouvait somnoler... Mais jamais dormir.

    Alors, oui, il était touché par ses mots bien qu'il en chassa l'existence, les emportant au loin dans son esprit avec tous ces souvenirs parasites d'odeur de souffre, de goût de métal, de sensations visqueuses, de bruit de succions et de râles de douleur... Et la vision de ces prunelles sans lumière que la vie avait quittées. Il releva les siennes à l'éclat d'émeraude sur le maître des glyphes, hésitant un instant. Comment pouvait-il savoir ce que désirerait son cœur à l'article de la mort ? Lui aussi, il avait cru le savoir. Il avait cru qu'il resterait toujours droit dans ses bottes, jusqu'à la dernière heure, qu'il n'abandonnerait jamais ce qui lui était cher mais il avait souillé les fondements mêmes de ses croyances. Il secoua la tête de gauche à droite, amère et rongé par la culpabilité. Il lui fit signe de la main de laisser tomber : Aldaron savait qu'il se fourvoyait. C'était d'ailleurs parce qu'il avait conscience de ses positions biaisées qu'il parvenait à rectifier le tir de lui-même : sans réussir à se sauver de son enfer revécu en boucle, il savait au moins que ses pensées étaient faussées négativement et que son optimisme s'était fait la malle pour s'établir à l'autre bout du monde. Cela lui faisait du bien d'entendre ses mots, il afficha un fin sourire énigmatique qui sembla effacer tout le silence qui avait couvert l'instant précédent. Comme si rien n'était. « Tu as raison, c'est du passé : je ne peux pas le réécrire. » Pour autant, il était ancré en lui et ne parvenait pas à s'en défaire. Parfois, il se demandait s'il n'était pas resté bloqué à l'époque de Morneflamme à vouloir rattraper les erreurs faites depuis. « J'ai un peu de mal à me rentrer ça dans le crâne. » avoua-t-il tel un mea culpa. Il eut alors comme un arrêt dans ses réflexions alors qu'il se repassait en mémoire les paroles de son ami et... Elle ? Un large sourire s'étira sur ses lèvres, ravi de la nouvelle avouée sur un lapsus : « Tiens donc... » commença-t-il d'une voix grinçante : « J'en connais une qui te fait tourner la tête pour que tu sois persuadé de refuser de l'oublier, même à l'article de la mort. » Il fronça les sourcils avant d'ajouter : « Enfin je connais peut-être. Le monde est si vaste : qui est-ce ? Une Caladonienne ? » Ce qui expliquerait que Seö ne soit pas là que pour cette affaire de marchandises ! « Et.. C'est du sérieux ? » Son expression expectative attendait à ce que son ami crache le morceau, sincèrement ravi qu'il ait trouvé chaussure à son pied. Étrangement, il s'enthousiasmait sur ces nouvelles d'unions qui fleurissaient de part et d'autres de l'archipel. Cela signifiait que la population commençait à refaire des projets... Même s'il n'avait lui-même jamais réussi à se stabiliser dans une relation fixe et n'en voyait absolument pas la nécessité. « Tu n'imagines pas le nombre de mariages qu'on m'annonce en ce moment. » Luna et Ofraie, les Dalis... Et maintenant même Seö s'y mettait. « Vous êtes tous tombés sur la tête.. » railla-t-il, trop volage et instable pour être piqué par cette même mouche. « Ne me dis pas qu'elle porte déjà ton enfant ? Il semblerait que les elfes poussent comme des champignons à Endëaerumë... »


    Sort- Magie humaine :

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Le simple souffle d’Aldaron était parvenu à mes oreilles avec douceur. Il trahissait son étonnement comme son regard trahissait la tristesse et la lassitude. Je ne répondis rien, me contentant de continuer de l’observer. Il n’y avait rien à dire, car la raison pour laquelle nous étions si proches était qu’Aldaron était un écho de ce que j’étais moi-même. Malgré notre bonté d’âme, notre désir du bien et de la paix, nous étions de ceux qui nous étions sali les mains. Je ne connaissais pas les détails du passé du Bourgmestre, mais je ne connaissais que trop bien son sentiment. Un sentiment qui m’avait étreint le cœur et qui continuait de me hanter malgré tous les bonheurs de ma vie. Nous avions nous aussi semé le malheur, et l’avoir fait pour une prétendue bonne cause n’excusait en rien la nature de nos actions. A notre manière, nous étions des combattants et avions fait le choix de l’être, qu’importe ce que pouvaient penser les autres. Nous avions douloureusement déchiré nos âmes pour agir, et étions aussi coupables que tout ceux qui empruntaient la même voie que celle qu’était la nôtre.

Parler de destinée était bien grandiloquent, non, c’était simplement une logique pure et indicible. Nous agissions à la mesure que nous le permettaient nos capacités. Je n’avais aucune sensibilité à la magie baptistrale, et, même si je louais et enviais la ligne de vie des Bardes, elle n’était pas exactement la mienne. J’étais, pour mon plus grand malheur, capable de combattre et de vaincre. Si beaucoup y prêtaient une pensée et une idéologie héroïque, ce n’était pas mon cas. J’étais convaincu, qu’un jour, les gens comme moi devraient cesser d’exister, et n’auraient plus leur place dans ce monde. Et j’attendais avec impatience ce jour où raccrocher mes armes ne me paraitrait plus aussi absurde et lourd de conséquence qu’il ne l’était aujourd’hui. Aujourd’hui, j’avais des gens à protéger, dans un territoire qui ne nous était en rien hospitalier, et accéder à la demande de mon âme aurait été une terrible désillusion. Comment aurais-je pu me pardonner de ne pas avoir fait tout ce qui était en mon pouvoir pour permettre à ce monde, mon monde, d’avancer, même si cela devait à chaque fois mettre en pièce ce que j’étais fondamentalement. C’était logique, peut-être réducteur comme raisonnement. Mais il m’avait permis de protéger ce à quoi je tenais, et d’essayer, au moins, de faire avancer les choses.

Alors, Aldaron et moi n’étions pas les mêmes, et pourtant, nous nous ressemblions énormément. Et cette proximité n’avait pas besoin d’être réellement exprimée. Elle justifiait simplement la confiance que j’avais envers lui, et celle qu’il avait envers moi. Nous étions deux personnages faits d’une multitude de contrastes, complexes et aussi terribles qu’ils pouvaient être beau. La magie d’Aldaron fit finalement effet, faisant disparaitre rapidement la douleur d’une origine inconnue, et la relayant presque instantanément au rang du souvenir. Lorsqu’il finit par reprendre la parole, ponctuant alors notre long échange silencieux, il m’arracha un léger sourire. J’avais peut-être un léger avantage sur lui, alors, qui paraissait sans faiblesses apparentes. La capacité à tourner la page n’était pas une qualité qui me faisait défaut, et elle m’avait sauvé bien des fois.

Mais le Bourgmestre changea rapidement de sujet, et m’arracha, chose assez rare, un léger rougissement. S’il était bien quelque chose qui était susceptible de me déstabiliser, c’était cet aspect de ma vie que je ne maitrisais pas encore tout à fait. Il était encore tellement chaotique mais limpide à la fois qu’il m’était difficile de ne pas en rougir naturellement. Geste machinal trahissant ma gêne, je grattais l’arrière de ma chevelure argentée en détournant un instant la tête, regardant ailleurs, avant qu’un léger sourire ne finisse de poindre sur le bout de mes lèvres.

« … Je pense qu’il est inutile pour moi d’essayer de vraiment le cacher, surtout qu’il ne s’agit pas d’un secret non plus. Et puis, même si je le voulais, tu as suffisamment de bagou pour me convaincre de répondre à tes questions. » Commençais-je, légèrement amusé. « Non, elle n’est pas Caladonienne. Nous nous sommes rencontrés sur le vieux continent, et retrouvés ici après deux années sans nouvelles. Par un pur hasard d’ailleurs. C’est une baptistrelle, du moins, une Enwr, qui vit au domaine quand elle n’explore pas le monde. »

Les remarques qui suivirent m’arrachèrent alors un grand éclat de rire que je peinais à contrôler. Effectivement, Aldaron devait logiquement penser qu’il s’agissait d’une elfe et non d’une humaine, ce qui expliquait sa question. Il m’apprenait également que mon peuple avait vu sa natalité augmenter ces derniers mois, ce qui me réconfortait. Je ne participerais surement pas à leur développement démographique, mais, au moins, c’était le symbole montrant que les nôtres se remettaient peu à peu de leurs blessures. Une fois mon éclat de rire passé, je repris la parole.

« Non, elle n’est pas enceinte, rassure-toi. Ce serait un peu tôt pour ça. Et, de toute façon, ça n’est pas vraiment possible. Aurore est une humaine, pas une elfe. » Dis-je en souriant. « Quant à savoir si c’est sérieux… Je dirais avoir eu l’impression d’avoir finalement rencontré mon âme sœur. C’est un sentiment difficile à exprimer par des mots. Je… Compte la demander en mariage lorsque je rentrerais au domaine, ou que je sentirais le moment venu. Donc j’imagine que tu pourras bientôt m’ajouter sur ta liste. » Dis-je, amusé, alors qu’une idée, ou plutôt, une envie, commençait à germer dans mon esprit. « D’ailleurs… Je te sais très occupé avec tes fonctions, mais tu es l’ami le plus proche qui me soit donné d’avoir, aussi… » Commençais-je, avant de prendre une longue respiration. « … Même si rien n’est encore fait, tu accepterais d’être hum… en quelque sorte… mon témoin ? »

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    De son vivant, il n'avait jamais vu Seö rougir. Il fallait dire qu'au sein de la Caste des Dragonniers, leurs échanges avaient été plus sérieux que connivents. Aldaron avait surtout été extrêmement frappé par le trépas soudain d'Achroma et les catastrophes, qui s'accumulaient sur leur ancien continent, ne leur avait laissé que peu de répits. Ils n'avaient pas eu le temps à cela et il eut un soupçon de regret à l'idée de le mettre mal à l'aise. Bien des hommes et des femmes avaient de pareilles réactions lorsque l'affection qu'ils portaient à leur moitié était sincère. Aldaron n'avait jamais eu de telles rougeurs, n'ayant guère eu à justifier de ses relations sérieuses avec qui que ce soit, les ayant cultivées dans le secret. Il se trouvait homme bien froid, à côté de Seö, tant il était aussi inflexible que le marbre, en apparence : glacial gardien de ses morts retenant, en son sein, la confidence dérobée, loin de toute ostentation de ses propres sentiments. Il se trouvait vide, derrière la vertu chevaleresque de ses actes, comme un soldat de la paix qui ne savait que se battre pour ce qu'il considérait être juste et qui ne parvenait à retrouver le réconfort intime d'une famille bien formée, lorsque tombait le rideau après le spectacle. Ainsi était-il un clown.

    La première réplique eut toutefois le don de le rassurer et de le détendre : si Seö le prenait à l'amusement, il n'avait plus aucune raison de blâmer sa curiosité, la laissant dès lors s'exprimer. « Je ferai un terrible bourreau, tiens... » S'il devait lui sortir les vers du nez. Il raillait et plaisantait mais il n'en demeurait pas moins vrai qu'il maniait les mots avec une aisance telle qu'il parvenait à faire avouer tout ce qu'il voulait. La pauvre Eleonnora en avait fait les frais avant son départ, début juillet, lorsqu'il l'avait soumise à l’exercice politique. Sans violence et sans pression, il prenait au piège sa victime, alliant propos formé avec soin et bienveillance. Il était cruel dans le doigté impeccable qu'il maniait dans chacune de ses prises de paroles, si bien qu'on pouvait le trouver aussi efficace qu'effrayant. A l'heure actuelle, il n'aurait pas forcé. Pas avec Seö. Son verbe acéré avait pour limite le respect qu'il vouait à ses amis. Seö n'était pas Eleonnora, il n'avait pas à le pousser dans ses derniers retranchements pour qu'il apprenne à se sortir d'une discussion tactique avec un diplomate intrusif. La réponse lui vint toutefois, chargé de la confidence touchante à laquelle il s'était attendu. Un sourire tendre, presque paternel, marquait progressivement ses lèvres. Son petit Seö devenait grand et partait à la découverte des étreintes du cœur. Il ne pouvait qu'être ravi de son bonheur.

    Lorsque l'artisan évoqua qu'il était bien trop tôt pour que sa dulcinée soit enceinte, Aldaron arqua un sourcil d'un air de dire qu'il ne voyait pas où était le problème. Lui-même n'avait guère attendu pour faire porter à une elfe sa progéniture indésirée. Il avait une facilité certaine pour se rapprocher très vite et très physiquement de ses partenaires, si bien qu'il passait souvent par la case 'draps' avant de passer, éventuellement, par celle des sentiments... Mais ce n'était pas ainsi que fonctionnait le monde et si l'histoire entre cette fameuse Aurore et Seö était effectivement sérieuse, il était évident que l'amitié avait du naître avant l'amour et que tout le reste viendrait ensuite, probablement après le... Mariage ? Il cligna des yeux, surpris par la demande du maître des glyphes et touché. D'ordinaire, on le conviait à ces mariages par intérêt politique, par courtoisie ou par amitié de façade. Dans le cas présent, il ne s'agissait pas d'une invitation polie, Seö n'avait tant d'intérêt à s'octroyer la présence d'une figure politique. Il y eut deux secondes de blanc pendant lequel Aldaron jaugea de la plaisanterie avant de se rendre à l'évidence : ça n'en était pas une. Ses lèvres se marquèrent d'un nouveau sourire, après la disparition de son prédécesseur, emporté par la surprise : « C'est un amour extrêmement courageux que tu portes à Aurore. »

    Le bourgmestre avait passé 450 ans parmi les humains, auprès des descendants successifs de grandes lignées comme celle des Kohan. Il les avait vu naître, vivre et mourir. Si l'union était merveilleuse aux yeux d'Aldaron, il ne savait que trop bien quel drame solderait cette idylle. Elle partirait probablement avant l'elfe. En cela, c'était courageux que d'aimer une humaine. En surcroît de la difficulté de chacun sur cet archipel à accepter une union entre deux races différentes et qu'il leur faudrait affronter. « Un amour que je ne peux qu'admirer et soutenir. » N'avait-il pas lui-même formé une pionnière fratrie avec une humaine et un vampire, avant même que les trois races ne se décident de collaborer pour l'avenir de leur île ? Ne prônait-il pas l'union des peuplades, n'avait-il pas agit dans cette optique au sein de la Caste des Dragonniers ? Ce qui unissait Aurore et Seö était l'alchimie qu'il voulait voir incarner dans le cœur de chacun. Que son ami éprouve de pareils sentiments ne faisait de prouver, une fois de plus, combien les deux elfes partageaient une vision du monde très similaire. Ils marquaient leurs actes du sceau de ce en quoi ils croyaient, ils se battaient, ils se mettaient en danger, se détruisaient, se salissaient les mains et ressortaient victorieux ensemble. L'amitié qui les unissait s'était formée de manière tacite. Cette confiance et cette proximité, qui semblaient sortir de nulle part, n'étaient pas aussi étrange qu'Aldaron l'avait perçue. Elle était, au contraire, extrêmement saine, naturelle et authentique. « Mes fonctions... » Officielles, comme officieuses : Aldaron avaient toujours joué sur les marchés visibles et invisibles, régulant les échanges et les richesses avec le premier et drainant l'économie des autres peuplades au profit de Caladon avec le second. « Attendront que j'ai fini de témoigner de votre union. Je me réjouis de ton bonheur, Seö, tu le mérites tellement. » La sincérité de son propos crevait les yeux tant ses prunelles brillaient d'enthousiasme.

    En vérité, il était bien heureux d'avoir une grande maîtrise de lui-même : la fougue de sa joie ne faisait que luire dans l'émeraude de ses iris à défaut de pouvoir sautiller de joie à travers la pièce, perdant irrévocablement sa dignité. « Je risque de ne jamais pouvoir te retourner la pareille, en revanche. » plaisanta-t-il, soulignant là qu'il était loin d'être homme à se fixer. « Vous êtes tous les deux invités à séjourner chez moi, si vous venez à vous rendre ensemble à Caladon. Il me tarde de la rencontrer pour lui offrir mon amitié et mes vœux de bonheur. » Il afficha soudain un air de réprobation amusé : « Enfin, si tu n'es pas trop occupé à décapiter des smilodons. » Oui, Valmys lui en avait parlé évidement. C'est fou comme on pouvait avoir un certain nombre d'informations quand on portait une oreille attentive et qu'on offrait un poney au petit baptistrel égaré. Il croisa les bras sur son torse avant de rouler des yeux : « Néthéril est donc ta prochaine destination ? Si tu y vois Valmys, salue-le de ma part. » Avoua-t-il, trahissant le nom de son informateur sans pitié. Il se doutait bien que Seö ne se montrerait pas malveillant à son égard, le baptistrel n'avait rien à craindre, en revanche le maître des glyphes ne tarderait guère à se faire une réputation auprès du peuple félin à grandes dents. « Et... Reviens de temps à temps à Caladon ou écris-moi. Cela nous évitera de nous perdre à nouveau de vue. » Ici, dans la Revenante, il parvenait à retisser des liens défaits par la guerre et la débâcle. Si le temps lui était donné de pouvoir panser ses plaies et de tourner la page, il ne parviendrait à la tâche qu'entouré d'une fratrie solide. Ayant quitté très tôt le royaume elfique, la seule famille qu'il eut, ne fut que composé que ses amis les plus proches et les lourdes pertes qu'il avait subi au cours des dernières années lui avait fait fermer les yeux sur ce qui lui restait encore.

    Ses retrouvailles avec Seö lui donnaient de l'espoir, non pas pour leur archipel et ses peuplades... Mais pour lui-même, égoïstement. « Je crois que tu as connu un certain nombre de péripéties et d'aventures qu'il me tarde de connaître. Je suis sûr que tu les racontes encore mieux avec quelques verres dans le nez. » ricana-t-il, curieux de savoir quelle explication irrationnelle son empire alcoolique sélectionnerait pour expliquer cette histoire de smilodon et bien d'autres encore. « Que dirais-tu de profiter d'une virée nocturne, ce soir ? Caladon est une ville très vivante, surtout la nuit, en été. » Ce qui serait encore plus drôle ? Que Seö accepte et doive chercher sa cargaison envoyée miraculeusement à l'autre bout de la ville, tout en ayant une superbe gueule de bois, au lendemain de leur soirée.

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Je ne pouvais m’empêcher de m’amuser intérieurement de la réaction d’Aldaron. Je connaissais suffisamment mon ami pour savoir que, malgré son stoïcisme politique et la maitrise quasi-parfaite de ses émotions, il devait exulter sous son masque. Nous avions toujours tout deux portés en notre âme le souhait de considérer chacune des races comme égale. Et c’était un serment silencieux que nous n’avions jamais oublié. Si Aldaron avait été le premier à le traduire publiquement grâce à la triade qu’il formait avec un frère vampire et une sœur humaine, il était mon tour de rendre cet état d’âme concret grâce à mon amante et âme sœur. Je cultivais, étrangement, à cet instant, une sorte de satisfaction égoïste. Mon ami avait toujours revêtu une sorte de manteau de mentor de part l’importance de son rôle au sein du marché noir et de la Caste, je me sentais aujourd’hui un peu plus comme son égal. C’était sans doute une pensée futile, mais, grâce à elle, je me sentais plus proche de lui que je ne l’avais été lorsque nous nous étions rencontrés. Certaines barrières entre nous s’étaient abaissées avec le temps, et rendaient notre complicité bien plus nette qu’auparavant.

Ainsi, l’acceptation de mon ami me réchauffa le cœur. Je n’avais nul doute quant aux élans immédiats de son âme pour donner son accord et témoigner de notre union, seulement je le savais déterminé à assurer la régence de Caladon d’une main de maitre, ce qui aurait pu justifier un refus. Si lui-même décrétait aisément que respecter ma demande ne mettrait en péril ni sa position ni ses missions, alors j’en étais soulagé. Du moins…partiellement. Il fallait bien avouer que la plus grande partie du travail restait encore à accomplir. Même pour quelqu’un qui avait vécu tant d’aventures et d’épreuves, cette demande encore inconnue de la belle revêtait une inquiétude surement démesurée à mes yeux. Je m’en gardais toutefois d’en faire le commentaire. Non pas que je n’avais pas confiance en Aldaron, mais plutôt parce que je sentais l’elfe de bonne humeur, guilleret, et donc, par conséquent, prompt aux taquineries. Je reportais alors mon attention sur lui avant de lui répondre.

« Ça me touche beaucoup, et je pèse mes mots, crois-moi. Je n’ai jamais été doué en effusion de sentiments alors… Simplement merci, ton accord me va droit au cœur. » Et j’étais sincère. La présence d’Aldaron comptait sans doute bien plus qu’il ne pouvait l’imaginer. Il incarnait, avec Aurore, l’un de mes deux points d’accroches sur ce nouveau continent. N’étant pas vraiment à l’aise avec ce genre de situations, je fus soulagé de voir qu’Aldaron changeait de sujet de lui-même, et je prenais note de son invitation. Après tout, il serait surement plus agréable et moins onéreux de résider chez mon ami, en plus d’avoir l’occasion de profiter de sa présence. J’allais répondre, mais sa remarque suivante me laissa perplexe. Comment avait-il bien pu faire pour entendre parler de ces histoires peu glorieuses ? De la part du loup solitaire, c’était peu probable, et Aurore n’avait surement pas eu l’occasion de rencontrer le Bourgmestre, et encore moins de parler de moi. Eleonnora alors ? Peut-être, mais peu probable. Si la jeune femme m’avait confié, lors de notre rencontre, être particulièrement proche d’Aldaron, je n’avais en sa présence fait que suppléer son chant pour calmer un smilodon, non pas pour le pourfendre.

Mais j’eus rapidement ma réponse. J’ignorais que Valmys connaissait Aldaron, et j’étais d’autant plus surpris que ce dernier ait pu faire fuiter le récit de notre rencontre à un personnage de l’importance du Bourgmestre. Je ne lui en voulais pas le moins du monde, puisqu’avec du recul, cette histoire était tout de même assez atypique. Toujours le sourire aux lèvres, j’attendais que mon ami ait fini sa tirade pour lui répondre.

« Et bien… C’est une longue histoire, et j’ignorais que tu connaissais Valmys. Il m’a d’ailleurs passé un léger savon à ce sujet, mais ce sont des détails. » Dis-je, légèrement amusé. Il fallait dire que, si Aldaron connaissait effectivement Valmys, alors l’idée de voir l’elfe aux oreilles rondes faire la leçon à un elfe en arme pouvait avoir de quoi surprendre.

Pour le reste, Aldaron avait raison. Nous avions tous les deux beaucoup de choses à nous raconter et il ne suffirait surement pas d’une seule soirée pour tout entendre. Cependant, l’idée de profiter de ces retrouvailles quelques heures de plus en flânant et visitant la nouvelle Caladon me séduisait. Je n’avais guère eu le temps de jouer les touristes, et encore moins de découvrir la cité libre en compagnie d’un ami. Et puis, je savais Aldaron suffisamment persuasif pour parvenir à me convaincre, d’autant plus que je n’avais finalement aucune raison de refuser sa proposition.

« Je te rappelle que, de nous deux, je crois que c’est toi qui tiens le moins bien la boisson. Il y a donc fort à parier que, si nous buvons jusqu’à un état d’ébriété avancé, ce soit toi qui ne te souviennes même pas de toutes les histoires que j’aurais pu te raconter. » Le taquinais-je. Il fallait dire que je trichais légèrement. La ou ma résistance et ma constitution avaient pu augmenter au long de mes voyages, Aldaron avait vu la sienne amoindrie par son séjour Morneflamme. Mais il n’était guère le temps de parler de ce genre de choses, aussi, je ne perdais pas mon sourire, continuant ma tirade.

« Et je t’ai dit que je t’aiderais avec cet anneau durant les prochains jours, alors ne fait pas comme si je devais immédiatement repartir ! Quoiqu’il en soit, j’accepte ta proposition. Je suis certain que tu as également beaucoup de chose à me raconter et il me tarde d’entendre à nouveau tes aventures. En revanche, je dois admettre que je ne connais que peu la nouvelle Caladon, tu devras donc te transformer en guide l’espace d’une soirée. » Lui dis-je, toujours souriant.

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    L'acceptation sembla réjouir son ami et d'un écho entendu, le sourire à ses lèvres vint signifier sa satisfaction à le rendre heureux. Le cœur était de ces choses qui avait le moins compris. Probablement parce qu'il n'avait GUERE éprouvé ce si célèbre Amour avec un grand A. Mais il l'avait côtoyé, bien des fois, siècle après siècle, dans ces histoires qui étreignaient le peuple humain. Il comprenait combien cela importait à ceux qui en étaient atteint et combien cela pouvait être extrêmement fort, constructeur comme destructeur. Paradoxalement, cela vint à lui rappeler sa propre solitude et ses éternelles insatisfactions, incapable qu'il était de trouver chaussure à son pied. Et quand il crut avoir saisi un ersatz d'accroche, cela avait disparu, balayé par à-coups répétés, par la faux. Qu'importait ? Cela faisait quelques années à présent qu'il avait renoncé à toute prétention en la matière. Aujourd'hui, il était un dirigeant, un maître. Ne comptait plus que son rôle, faire avancer ce monde solidement, et parfois, quand l'occasion lui permettait, une bulle éphémère de complicité, comme il en vivait une avec Seö pour l'heure.  

    L'évocation de Valmys l'amusait. Il avait beaucoup apprécié cet elfe et ne désespérait pas de le retrouver tôt ou tard. Il éveillait chez lui un curieux instinct paternel. « Et tu t'es laissé faire ? » se moqua-t-il, pour le taquiner, en imaginant la silhouette frêle du baptistrel disputer un homme en armure de GUERRE, penaud. C'était assez risible, mais il savait également que Seö n'était pas le genre d'homme à mettre une gifle à Valmys pour une question de divergence d'opinion. « J'ai rencontré Valmys au Royaume Elfique, il a été de très bonne compagnie pendant mon séjour. Ce qui m'a changé de la tenace rancune que les elfes continuent d'avoir à mon égard. » Il soupira après avoir ostensiblement roulé des yeux pour signifier toute la lassitude qu'il éprouvait à l'égard de son peuple de naissance. C'était de bonne GUERRE : Aldaron n'avait eu que le malheur de ne pas rentrer dans leurs critères pré-établis. Et il avait eu un enfant beaucoup trop jeune. 100 ans, cela correspondait à 16 ans chez les humains et Aldaron ne s'était pas senti prêt à assumer son rôle si important. Aujourd'hui, il commençait à avoir cette maturité sincère et un lien filial lui manquait petit à petit. Valmys n'avait plus de parents. Pourrait-il lui proposer de devenir son fils ? L'idée lui trottait en tête et la réplique au sujet de l'alcool l'en sortit. Avec un large sourire, il railla : « Oh... Je n'ai jamais dit que j'allais boire, moi. » Non, il avait dit qu'il allait même quelques verres dans le nez de Seö. Nuance ! Et Aldaron était très doué pour les jeux de nuances et tournures de phrases biaisées. Il projetèrent de se retrouver le soir... Et Aldaron fit de la soirée de Seö un superbe trou noir. Pris au jeu, il fut ben heureux que sa garde les raccompagne chez eux. Il avait payé les histoires ivres de son ami au prix d'un accompagnement alcoolisé. Et puis, cela lui fit énormément bien d'oublier, le temps d'une soirée tout ce qu'il avait traversé jusqu'alors. Les pertes, la douleur. La GUERRE.

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