25 juillet 1762, aux abords du Tampocuilë.
Il avait été aperçu par certain, côtoyé par d’autres. Porté par le vent où par les ailes d’un dragon nacré, son fils était en vie et sur cette île. Le soulagement était venu étreindre le coeur d’Orfraie lorsque son second lui avait rapporté la nouvelle, à elle seule. Elle lui en avait été reconnaissante, car le masqué n’était pas le bienvenu sur le territoire des elfes. S’il était pris par les Rôdeurs, la Liée de Feu n’aurait d’autres choix que de faire son devoir.
En début d’après-midi, elle avait quitté la protection et la fraîcheur des murs de la cité pour la chaleur du désert. Tout du moins, pendant un temps, car bien vite elle se rendit au bord du fleuve là où l’air était plus respirable. Les champs fertiles accueillaient les travailleurs qui avaient la lourde responsabilité de nourrir le peuple tout entier et la végétation offrait un certain camouflage. Cela n’empêcha pas quelques elfes de se redresser à son passage, l’observant avec curiosité, respect ou animosité.
Son fils était-il encore sur Keet-Tiamat? C’était une hypothèse qu’Orfraie ne pouvait écarter. Peut-être était-il déjà reparti. Selon les rumeurs, il avait été aperçu en compagnie d’un dragon nacré qui ne pouvait qu’être Kaalys. Serait-il lié? Songea t-elle en observant le ciel bleu. L’idée même qu’il soit partit sans venir la voir lui brisait le coeur, mais leur lien n’était plus ce qu’il avait été. Le masqué le lui avait dit trois ans plus tôt : Aeglos n’était plus, il n’était qu’une coquille vide. La guerrière avait tenté à ce moment-là de lui faire entendre raison… sans succès.
Orfraie s’arrêta finalement et se tourna vers le fleuve. Elle en apercevait l’autre rive, au loin, et quelques bateaux empruntaient cette voie jusqu’au port qui se trouvait plus haut. Combien de temps avait-elle marché, absorbée par ses pensées? Quelques heures à en juger par le changement de luminosité, bien que celui-ci ne gênât absolument pas la vampiresse. Celle-ci décida de s’asseoir au bord de l’eau et quitta donc le sentier qu’elle avait suivi. Il suivait plus ou moins le même tracé que la voie royale, mais au bord du fleuve. Il était surtout emprunté par les agriculteurs mais c’était un endroit sympathique où marcher lorsqu’on voulait un peu de calme.
La terre était humide, gorgée d’eau, mais la guerrière sauta agilement sur un rocher plat. La pierre était sèche et, sans attendre, elle s’y assit. De ses doigts agiles, elle délassa alors ses bottes et les posa à côté d’elle. Ce fut ensuite au tour de son pantalon d’être remonté sur ses chevilles, qu’elle laissa ensuite tremper dans l’eau fraîche du fleuve. À cause de la chaleur, Orfraie ne portait qu’une fine chemise en lin blanche qui dévoilait agréablement ses épaules. Son corset en os de baleine soulignait sa taille fine et maintenait le vêtement en place. À son cou, une fine chaîne d’argent retenait non pas un, mais deux pendentifs. L’un était une pierre rougeâtre, comme un rubis, tandis que l’autre était une écaille de dragon appartenant à Firindal et de laquelle provenait une puissante magie qui venait fortifier celle d’Orfraie.
C’était agréable de profiter ainsi de la quiétude du lieu. Les paupières de la vampiresse tombèrent sur ses améthystes tandis que son esprit voyageait loin de son corps, rampent entre les hautes herbes. La télépathie était un art compliqué qu’Orfraie pratiquait régulièrement de cette façon afin de s’y habituer. Sa conscience rencontra rapidement celle d’autres Elfes dont elle pouvait deviner l’humeur ainsi que d’animaux. Sentir l’esprit d’un animal était toutefois plutôt étrange car à miles lieux de celui d’un bipède. Puis soudain, elle rencontra une nouvelle conscience qui dégageait un sentiment de déjà vue.