Le soleil commençait à fondre dans le ciel, baignant d'une lueur orangée l'horizon où il s'écoulait, laissant un bleu sombre apparaitre face à lui. Le froid commençait à venir caresser la peau fragile des bipèdes. L'écoulement tranquille du Tampocuilë offrait un clapoti calme, régulier, une musique parfaite pour accompagner les esprits sans étouffer leurs chants, une mélodie qui guidait les êtres diurnes vers un repos réparateur.
Légèrement éloignés de la ville des elfes, deux bipèdes se promenaient sans hâte le long du fleuve. L'un avait de soyeux cheveux blancs, et une aura hors du commun. L'autre, plus petit, portait une cape de facture rudimentaire sur ses épaules, et des veinules cuivrées toutes neuves sur le visage, telles des ombres de branchages. Valmys avait accepté d'être le guide d'Aldaron sur ces terres que lui-même connaissait à peine. Force était d'admettre qu'il tenait mieux son rôle de baptistrel de compagnie que de guide. Il avait chanté pour cet elfe, il avait joué de la musique pour lui, tout en lui présentant quelques recoins de la cité que les recherches liées à son maître lui avaient permis de découvrir. Peu à peu, l'ami de Dawan avait su gagner sa confiance, et l'Enwr s'ouvrait de plus en plus à lui, se montrant de moins en moins craintif. Aldaron avait peut-être même dû le surprendre à quelques plaisanteries, lorsqu'ils étaient seuls. Valmys appréciait la conversation que pouvoir avoir le bourgmestre de Caladon, et la gentillesse qu'il avait eu de ne le molester ni le trahir.
Leur promenade crépusculaire les avait menés jusqu'hors de la ville elfique. Loin de son agitation, à l'abri de la chaleur des journées, la sortie ne pouvait être que plus agréable. Ils longeaient des champs, parsemés de palmiers dont les silhouettes élancées se détachaient sur le ciel, avant de laisser la lumière ambrée du soir dégouliner sur leurs feuilles. Il n'y avait rien à craindre, ici. Valmys ne percevait d'autres présences que celle d'un elfe qui avait déjà prouvé sa vertu, et celles d'oiseaux qui pépiaient, invisibles, comme des esprits liés au fleuve. L'ambiance était propice au repos. Tout en entretenant une conversation badine avec son aîné, Valmys songea que le défunt Chanteciel avait définitivement d'excellents goûts en matière d'amis. Avoir à tenir compagnie à Aldaron lui faisait du bien, il en était sûr. A se forcer la main pour accomplir son rôle, l'immaculé tout neuf avait ré-appris ce que cela faisait d'avoir une personne à qui parler chaque jour, avait ré-appris à communiquer de façon autre qu'utilitaire.
Il avait évoqué à Aldaron le périple qu'il avait récemment accompli en remontant le fleuve qu'ils longeaient; comment il avait tenté d'éviter le bateau, comment il était retourné sur le bateau, le temple que lui et son équipe avaient découvert, et les bêtises qu'ils avaient fait une fois à l'intérieur. Le récit n'omettait pas cet elfe masqué qui lui avait plusieurs fois sauvé la vie. Valmys n'avait pas réussi à le re-voir. Ce n'était pas faute de l'avoir cherché du regard, lors de leurs sorties plus citadines. Il en était venu à secrètement s'inquiéter.
Le hasard et les aléas de la conversation menèrent les deux compagnons à évoquer une connaissance commune. Ils quittaient désormais les champs, suivaient un méandre du fleuve, au milieu d'une végétation plus sauvage et d'un chemin moins malmené de pieds et de sabots. Valmys conta ce qu'il savait de cet elfe: son lien avec la lumineuse Aurore, avec les Aigles, et sa volonté de défendre ceux qu'il aimait. Il s'était lancé dans le récit d'un souvenir, son regard perdu sur les cimes qui couvraient leurs têtes. Sa voix portait juste assez pour qu'Aldaron puisse l'entendre malgré l'eau qui courait à leurs côtés.
"- ....Alors je vis un smilodon inerte, et la blessure profonde au niveau de son coeur, puis un second smilodon, allégé de sa tête."
S'il n'y avait de reproche dans sa voix, une sorte de dégoût pouvait néanmoins être perceptible. Un dégoût plus ancien. Un souvenir qui avait été suivi par beaucoup d'autres douloureux instants.
"- Je dois avouer que je savais les elfes capables de décapiter des bipèdes d'un coup. J'ignorais néanmoins qu'ils pouvaient faire de même sur de plus grandes créatures..."
Il avait fait de son mieux pour donner à sa voix un ton neutre, ne voulant ni accuser ni honorer le geste de Seö. Ce dernier lui avait offert un discours bien plus baptistralement acceptable par la suite. Valmys allait l'évoquer, lorsque son regard passa directement des cimes vers le sol, pour y trouver une forme inattendue, qui capta toute son attention.
Intrigué, le Sainnûr s'en approcha. Assez vite, il vit qu'il s'agissait d'un habit.
"- Aldaron, avez-vous vu ceci ?"
Il s'en était saisi, et s'était retourné vers son camarade pour le lui montrer. C'était vraiment très très étrange ! Hélas, si certains neurones de Valmys aimaient à se tenir la main, les deux qui auraient dû se rapprocher l'un de l'autre étaient actuellement en froid. Le jeune être ne songea pas un seul moment que, peut-être, le possesseur de la tunique pouvait être dans les environs. Au lieu de cela, pour trouver les réponses à ses questions, il inspecta le bout de tissu sous toutes ses coutures. Il ne trouva rien de spécial, mais... Quelque chose titilla ses narines. Il enfonça son nez dans le vêtement, et inspira un grand coup. Eh ! Il ne savait pas ce que c'était comme odeur, ni pourquoi elle l'intriguait autant, mais il l'aimait beaucoup.
Il fallut l'intervention d'Aldaron pour le sortir de son investigation peu fructueuse, et orienter son attention ailleurs. Alors, il le vit. Là, dans le fleuve, la lumière et l'eau ruisselant sur son anatomie impeccable. Le pauvre coeur de Valmys n'était pas prêt à une telle vision. Si une partie de lui hurlait au danger par la présence d'un mâle peu vêtu, une autre partie, qu'il avait enterrée après l'avoir rouée de coups, revenait d'entre les morts. Paralysé, la bouche entrouverte et le regard fixe, Valmys resta beaucoup trop longtemps à admirer la vision qui s'offrait à lui pour que c'en soit poli et décent.
Néanmoins, il n'interprêta pas sa propre réaction comme elle devait l'être. Pour lui, le danger était revenu, tout proche, et traître, et son corps menaçait encore de le trahir. Il valait mieux fuir. Bouger était cependant incroyablement compliqué. Il parvint tout juste à se cacher derrière Aldaron, sa trouvaille de tissu serrée contre lui comme pour lui donner du courage. Au moment où il s'apprêtait à intimer à son aîné de fuir, une lumière se fit -enfin !- dans son esprit. Il connaissait cet elfe. C'était un des rares à qui il avait accordé sa confiance. Le regard arrondi de surprise, il était pour le moment bien trop perdu et choqué pour pouvoir énoncer quoi que ce soit.
Légèrement éloignés de la ville des elfes, deux bipèdes se promenaient sans hâte le long du fleuve. L'un avait de soyeux cheveux blancs, et une aura hors du commun. L'autre, plus petit, portait une cape de facture rudimentaire sur ses épaules, et des veinules cuivrées toutes neuves sur le visage, telles des ombres de branchages. Valmys avait accepté d'être le guide d'Aldaron sur ces terres que lui-même connaissait à peine. Force était d'admettre qu'il tenait mieux son rôle de baptistrel de compagnie que de guide. Il avait chanté pour cet elfe, il avait joué de la musique pour lui, tout en lui présentant quelques recoins de la cité que les recherches liées à son maître lui avaient permis de découvrir. Peu à peu, l'ami de Dawan avait su gagner sa confiance, et l'Enwr s'ouvrait de plus en plus à lui, se montrant de moins en moins craintif. Aldaron avait peut-être même dû le surprendre à quelques plaisanteries, lorsqu'ils étaient seuls. Valmys appréciait la conversation que pouvoir avoir le bourgmestre de Caladon, et la gentillesse qu'il avait eu de ne le molester ni le trahir.
Leur promenade crépusculaire les avait menés jusqu'hors de la ville elfique. Loin de son agitation, à l'abri de la chaleur des journées, la sortie ne pouvait être que plus agréable. Ils longeaient des champs, parsemés de palmiers dont les silhouettes élancées se détachaient sur le ciel, avant de laisser la lumière ambrée du soir dégouliner sur leurs feuilles. Il n'y avait rien à craindre, ici. Valmys ne percevait d'autres présences que celle d'un elfe qui avait déjà prouvé sa vertu, et celles d'oiseaux qui pépiaient, invisibles, comme des esprits liés au fleuve. L'ambiance était propice au repos. Tout en entretenant une conversation badine avec son aîné, Valmys songea que le défunt Chanteciel avait définitivement d'excellents goûts en matière d'amis. Avoir à tenir compagnie à Aldaron lui faisait du bien, il en était sûr. A se forcer la main pour accomplir son rôle, l'immaculé tout neuf avait ré-appris ce que cela faisait d'avoir une personne à qui parler chaque jour, avait ré-appris à communiquer de façon autre qu'utilitaire.
Il avait évoqué à Aldaron le périple qu'il avait récemment accompli en remontant le fleuve qu'ils longeaient; comment il avait tenté d'éviter le bateau, comment il était retourné sur le bateau, le temple que lui et son équipe avaient découvert, et les bêtises qu'ils avaient fait une fois à l'intérieur. Le récit n'omettait pas cet elfe masqué qui lui avait plusieurs fois sauvé la vie. Valmys n'avait pas réussi à le re-voir. Ce n'était pas faute de l'avoir cherché du regard, lors de leurs sorties plus citadines. Il en était venu à secrètement s'inquiéter.
Le hasard et les aléas de la conversation menèrent les deux compagnons à évoquer une connaissance commune. Ils quittaient désormais les champs, suivaient un méandre du fleuve, au milieu d'une végétation plus sauvage et d'un chemin moins malmené de pieds et de sabots. Valmys conta ce qu'il savait de cet elfe: son lien avec la lumineuse Aurore, avec les Aigles, et sa volonté de défendre ceux qu'il aimait. Il s'était lancé dans le récit d'un souvenir, son regard perdu sur les cimes qui couvraient leurs têtes. Sa voix portait juste assez pour qu'Aldaron puisse l'entendre malgré l'eau qui courait à leurs côtés.
"- ....Alors je vis un smilodon inerte, et la blessure profonde au niveau de son coeur, puis un second smilodon, allégé de sa tête."
S'il n'y avait de reproche dans sa voix, une sorte de dégoût pouvait néanmoins être perceptible. Un dégoût plus ancien. Un souvenir qui avait été suivi par beaucoup d'autres douloureux instants.
"- Je dois avouer que je savais les elfes capables de décapiter des bipèdes d'un coup. J'ignorais néanmoins qu'ils pouvaient faire de même sur de plus grandes créatures..."
Il avait fait de son mieux pour donner à sa voix un ton neutre, ne voulant ni accuser ni honorer le geste de Seö. Ce dernier lui avait offert un discours bien plus baptistralement acceptable par la suite. Valmys allait l'évoquer, lorsque son regard passa directement des cimes vers le sol, pour y trouver une forme inattendue, qui capta toute son attention.
Intrigué, le Sainnûr s'en approcha. Assez vite, il vit qu'il s'agissait d'un habit.
"- Aldaron, avez-vous vu ceci ?"
Il s'en était saisi, et s'était retourné vers son camarade pour le lui montrer. C'était vraiment très très étrange ! Hélas, si certains neurones de Valmys aimaient à se tenir la main, les deux qui auraient dû se rapprocher l'un de l'autre étaient actuellement en froid. Le jeune être ne songea pas un seul moment que, peut-être, le possesseur de la tunique pouvait être dans les environs. Au lieu de cela, pour trouver les réponses à ses questions, il inspecta le bout de tissu sous toutes ses coutures. Il ne trouva rien de spécial, mais... Quelque chose titilla ses narines. Il enfonça son nez dans le vêtement, et inspira un grand coup. Eh ! Il ne savait pas ce que c'était comme odeur, ni pourquoi elle l'intriguait autant, mais il l'aimait beaucoup.
Il fallut l'intervention d'Aldaron pour le sortir de son investigation peu fructueuse, et orienter son attention ailleurs. Alors, il le vit. Là, dans le fleuve, la lumière et l'eau ruisselant sur son anatomie impeccable. Le pauvre coeur de Valmys n'était pas prêt à une telle vision. Si une partie de lui hurlait au danger par la présence d'un mâle peu vêtu, une autre partie, qu'il avait enterrée après l'avoir rouée de coups, revenait d'entre les morts. Paralysé, la bouche entrouverte et le regard fixe, Valmys resta beaucoup trop longtemps à admirer la vision qui s'offrait à lui pour que c'en soit poli et décent.
Néanmoins, il n'interprêta pas sa propre réaction comme elle devait l'être. Pour lui, le danger était revenu, tout proche, et traître, et son corps menaçait encore de le trahir. Il valait mieux fuir. Bouger était cependant incroyablement compliqué. Il parvint tout juste à se cacher derrière Aldaron, sa trouvaille de tissu serrée contre lui comme pour lui donner du courage. Au moment où il s'apprêtait à intimer à son aîné de fuir, une lumière se fit -enfin !- dans son esprit. Il connaissait cet elfe. C'était un des rares à qui il avait accordé sa confiance. Le regard arrondi de surprise, il était pour le moment bien trop perdu et choqué pour pouvoir énoncer quoi que ce soit.