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descriptionTête à tête dans les hautes sphères EmptyTête à tête dans les hautes sphères

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Septembre 1762

Ah Caladon.... A chaque fois qu'Artane mettait ses pieds dans cette cité, bon nombre de souvenirs lui revenaient en tête. Caladon la Disparue n'avait pas la splendeur et la flamboyance de Caladon la Revenante  Mais qu'est ce qu'il avait pu se sentir à son aise et dans son élément à l'époque, plus encore quand il s'était retrouvé à être dans des petites intrigues de la Cour des Miracles, servant autant sa propre cause qu'était l'argent, que celle d'un ou deux Rois du moment. Il faut dire que cette Caladon là avait eu les sous-sols adaptés pour avoir un véritable réseau, digne d'une ville de surface et qui permettait de mener une petite vie de malfrat. Mais tout cela était fini et bizarrement, cela ne manquait guère à notre capitaine de goélette. Bien qu'il s'était plu à faire des magouilles et des entourloupes à cette époque, bien des choses avaient changé. Et lui-même avait changé.

Maintenant, il était un homme honnête et plus sérieux qu'autrefois, un peu moins peureux. Non qu'il était un couard, mais maintenant, il réagissait bien plus courageusement encore. Mais.... il lui arrivait encore de tremper dans un ou deux petits commerces pas très légales, mais rien de dangereux et qui ne compromettait la vie de personne ! Cela, il s'en était toujours fait un point d'honneur. Et puis, maintenant, il avait une place à tenir en tant que Capitaine. D'accord, il devait un service à un capitaine pirate, mais de l'autre côté, il avait un petit titre de noblesse. Il s'était d'ailleurs bien gardé de le dire ça à Eléonnora.... et à cela, il souriait. Il faut dire qu'il n'y songeait plus à ce titre, un peu ronflant d'ailleurs. Mais bon, maintenant, il devait y accorder plus de valeur. Et il sourit plus encore. C'était à Caladon qu'il avait rencontré Eleonnora.

D'ailleurs, il l'attendait. Il n'était pas loin de la maison du Bourgmestre et il n'arrivait pas à savoir pourquoi. Sa compagne était demeurée bien mystérieuse à ce sujet là et cela, c'était des fois une petite et douce manie chez elle, mais qu'il appréciait tellement. Elle avait demandé à ce qu'ils viennent convenablement vêtu. Chose qu'il avait faite d'ailleurs, en prenant la tenue que tout digne de capitaine.

tenue (avec une chemise plus classe et fermée bien entendu Very Happy) :


*J'ai l'être d'un acteur sorti d'une scène de théâtre...*

Il faut dire qu'il avait l'habitude de porter des tenues plus nobles, ou plus bourgeoises, quand il lui venait l'idée d'offrir l'aventure d'un soir à de jeunes femmes esseulées et qui manquait de sensations fortes dans leur vie de riche. Mais aujourd'hui, c'était du sérieux.

Et désormais, il attendant la venue de sa belle Eléonnora, se demandant dans quoi elle s'était encore fourrée pour avoir besoin de lui. Car ça, ce n'était que secondaire bien entendu. La chose la plus vitale était de le revoir, et de l'embrassera avec fougue comme elle savait si bien le faire. Rien que songer à cela, il eut un petit frisson appréciable. Oh, qu'il avait hâte de la revoir !

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N'avait-elle pas attendu ce moment avec impatience? Malgré la brise automnale qui menaçait de souffler dehors, la demoiselle sentait la chaleur lui monter à la tête. Elle secoua une main moite devant son visage pour la recouvrir d'un gant de dentelle immaculé. Il semblait bien que son anxiété faisait des pieds et des mains pour gâcher l'heureuse retrouvaille qu'elle s’apprêtait à faire. Une servante enveloppa ses épaules d'une légère cape qu'elle fixa autour de son cou d'une broche ornée. Elle devrait se détendre si elle ne voulait pas étouffer dans son corsage. Soulignant sa taille fine, ce dernier était recouvert en partie par une jupe coupée dans un fin tissu azuré dont les motifs délicatement brodés descendaient jusqu'aux chevilles de la demoiselle. Tout comme à son habitude elle avait prit plaisir à soigner sa tenue mais aujourd'hui, l'occasion était bien spéciale. Elle n'allait pas à la rencontre d'un homme mais à celle de deux hommes. Qui plus est deux hommes en qui elle plaçait un grande importance. Cependant ce n'était pas de l'impatience que l'on pouvait lire sur son visage. Elle n'avait jamais pensé être angoissée à l'idée de voir Artane. A l'idée de voir son protecteur non plus en y réfléchissant. C'était le fait de les confronter qui martyrisait sa conscience. De nature prudente, en particulier lorsqu'il s'agissait de son intimité, la jeune femme n'aurait jamais prit cette décision d'elle même. Néanmoins elle s'était promis de changer, et en meilleur. Alors elle allait affronter le jugement du Bourgmestre et lui prouverait qu'il avait tord de se méfier de ses sentiments. Elle inspira longuement et passa le pas de sa porte en poussant un soupir qui se voulait encourageant.

Ce n'était pas qu'elle avait honte de l'ancien malfrat...ou peut-être un peu finalement. Si elle était passée au dessus du fait qu'elle portait dans son coeur une personne d'aussi basse condition, sans titre ni lignée, elle avait encore peur du regard que pourrait porter le monde sur sa relation. Aussi, aller à la rencontre du Bourgmestre était une première étape déterminante pour elle. N'y avait-il pas plus belle preuve d'amour que d'affronter ses peurs pour celui que l'on aimait? Alors qu'elle marchait d'un pas assuré elle visualisait encore et sans cesse les scénarios, surtout les pires, de cette rencontre. Mais il lui semblait presque impossible de calculer l'exacte réaction de ses deux hommes. Ils avaient au moins leur insolence en commun, et ce qui ne lui déplaisait pas d'habitude, la rendait anxieuse aujourd'hui.

Mais c'est en apercevant une silhouette bien connue au coin de la rue que le sourire lui revint aux lèvres comme par miracle. Il ne l'avait pas encore aperçue,è son beau capitaine. Plongé dans ses pensées il avait cette allure mystérieuse qui aurait fait tomber bien des demoiselles dans son genre. Oubliant toute retenue elle souleva ses jupons pour sauter dans ses bras. Et alors qu'elle embrassait passionnément ses lèvres, toutes les pensées qui la torturaient quelques instants plus tôt s'évaporaient. Toutes celles qui ont couru au rendez-vous clandestin, que la passion a jetées dans les bras d’un homme, les connaissent bien ces délicieux baisers.  Qu'est ce que ce contact lui avait manqué. Elle se détacha doucement de son étreinte encore haletante, de sa course, de son baiser, allez savoir. Le détaillant du regard elle arborait une expression de joie qu'elle ne pouvait dissimuler.

"Bienvenue à Caladon!" Elle s'approcha de nouveau pour attraper son chapeau avec un air malin. "Tu t'es surpassé aujoud'hui, dis moi...C'est comme ça que tu fais tomber toutes les bourgeoises qui passent sur ton chemin?"

Elle ne se privait pas de le tester. Après tout Eleonnora Ostiz n'échappait pas à sa jalousie naturelle même si elle tentait d'être indulgente avec celui qu'elle aimait.  Ce genre d'individu...avait été le genre à passer de ménage en ménage pour embrasser les désirs de dames las de leur longues années de mariage sans saveur. On pourrait la penser bien idiote de se lier à un tel coureur de jupons. Mais s'il avait la malheureuse intention de fricoter dans son dos, il ne pourrait même pas imaginer ce qu'elle pouvait lui réserver. Elle lui redonna son couvre chef avec un petit rire taquin. Pour le moment elle lui faisait assez confiance pour ne pas être inquiétée par ce genre de comportement. Par ailleurs, la situation ne devenait-elle pas un peu plus sérieuse dès aujourd'hui?

"Tu dois te demander pourquoi je t'ai donné toutes ses contrainte pour un simple rendez vous...C'est un peu délicat mais je tenais à te faire rencontrer un de mes proches amis. A vrai dire, je le considère comme un...père." Ce mot était encore amère dans sa bouche. Elle entortillait nerveusement une mèche brune le long de ses doigts fins. "Je nous pensais assez sérieux pour rencontrer mon protecteur, enfin, tu vois ce que je veux dire..." Elle aurait donné tout son or pour pouvoir s'enfuir maintenant. Quelle situation embarrassante...Elle soupira devant son manque de confiance. Elle n'avait en rien l'attitude de la jeune femme assurée, la négociatrice intransigeante lorsqu'on en venait au domaine des sentiments. Pudique, maladroite, elle avait tout fait pour fuir ses moments tout en les désirant chèrement. " J'aurai aimé que tu puisses rencontrer mon père, malgré le fait que vous vous connaissiez déjà, mais tu sais..." Elle eu une moue. En y pensant, peut-être vallait-il mieux confronter Artane à Aldaron plutôt qu'à son père.

"Quoiqu'il en soit, je porte Sir Leweïnra dans mon coeur et que le fait de te présenter à lui est la preuve de mon désir de nous voir évoluer." Elle avait plongé ses yeux dans les siens avec force. Elle espérait alors qu'il comprenne l'enjeu de cette rencontre. Elle espérait aussi que son aimé ne se dérobera pas à l'engagement naissant dont ils prenaient le chemin. La boule au ventre elle prit une de ses mains entre les siennes. Elle n'abandonnerait pas pour autant, car quelque soit ses envies et ses peurs, elle était bien décidée à s'emparer pleinement de son coeur. C'est qu'elle était possessive. Elle posa un chatse baiser sur ses doigts et le regarda à nouveau pour rassembler tout son courage.

"Bien, il est temps. Je compte sur toi pour faire bonne figure!"

Dernière édition par Eleonnora Ostiz le Jeu 22 Mar 2018 - 22:59, édité 2 fois

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Et ce frisson fut suivi d'un autre, quand il vit Eléonnora apparaître devant ses yeux, il se figea. Il ne se rappelait pas de l'avoir aussi splendidement vêtue. Même jamais d'ailleurs. Il comprenait mieux son insistance de se douter d'habits plus chics que d'ordinaires. Même en voyant sa belle compagne, il se sentait gauche quand à sa tenue, toujours avec cette impression de sortir d'une pièce de théâtre ; voir de comédie qui sait. Et puis ce col de chemine qui lui serrait le cou et la gorge ! Il comprenait mieux pourquoi les gens de la haute avaient toujours cette allure de coincé et l'esprit toujours de mauvais poil. Mais ce n'était là que des détails qu'il oublia rapidement, n'ayant d'yeux que pour la jeune femme qui se précipita vers lui, faisait fi des convenances en relevant les pans de sa robe. Il l'accueillit avec joie dans ses bras. Et ce baiser ! C'était ce qu'il lui manquait le plus et il sut lui rendre avec la même fougue. Elle aussi lui avait manqué.

Quand ils se détachèrent l'un de l'autre, tous les deux souriant, elle ne manqua pas de lui attraper son couvre chef et de se montrer taquine. Il manqua de prendre un air faussement médusé puis faussement penaud, avant de se défendre :

''J'ai obéi à Ma Dame pour ce qui est de la tenue. Et puis... il y a longtemps que je ne fais plus tomber les bourgeoises... Sinon, je risque de passer un sale quart d'heure non ? L'Artane le Coureur de Jupon n'a pas su faire la traversée... Quel dommage avantageux pour toi ma chère. ''

Et hop, il eut un large sourire taquin à son égard, avant de retrouver son chapeau sur la tête.

''Sur mon honneur, c'est fini ces affaires là. Maintenant que tu m'as pris dans tes filets, je ne saurai t'échapper. ''

Il était un homme qui tenait sa parole et depuis, il s'y était tenu. Il y avait bien longtemps qu'on entendait plus parler d'un vaurien qui dupait les maris pour profiter de leur femme le temps d'une nuit. Puis vint le moment sérieux du pourquoi elle lui avait demandé de venir convenablement habillé. et là, Artane vit le changement d'humeur. Elle paraissait un peu moins sûre d'elle, voir même inquiète. Il l'écouta avec attention, veillant à ne pas la couper ou à faire une pointe d'humour pour essayer de la détendre. Il comprenait que la situation était délicate. Maintenant, il comprenait mieux pourquoi elle ne lui avait pas tout révélé depuis le début.

''On va dire que j'étais un peu rôdé avec ton paternel. Donc avec ce ''père'' là, cela devrait le faire. ''

Bizarrement, il regretta de pas être venu armé. Dent Tranchante aurait eu une aura rassurante sur le moment.

Eleonnora termina de réunir son courage et fit un baiser très léger sur les mains d'Artane qu'elle tenait, comme pour trouver sa force en lui. Mais n'était ce pas le cas sur le moment ? Il lui adressa un sourire sincère.

''Je vais faire tout mon possible pour ne pas te décevoir. ''

Il s'écarta d'un pas, tenant toujours une main de sa bien-aimée, il prit de sa main libre son chapeau et fit une magnifique révérence comme on le faisait si bien au sein d'une cour digne de ce nom. Et son couvre-chef aida à parfaire sa posture.

''Gente Dame....''

Et il lui offrit un baise-main tout aussi chaste. Et ensuite, il lui offrit un charmant sourire.

''Je suis disposé à vous accompagner désormais. Ordonnez et j'obtempérerai. Je ne peux rien vous refuser, vous le savez. ''

Il lui tendit le bras, comme on le faisait quand on accompagnait une dame chez quelqu'un d'importance. Là, il démontrait quelques talents qu'il avait acquis et qui n'avaient guère rouillés depuis.

descriptionTête à tête dans les hautes sphères EmptyRe: Tête à tête dans les hautes sphères

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    Elle avait accepté de relever le défi qu'il lui avait soumis, juste avant son départ pour les terres elfiques. Aldaron avait été satisfait de son enthousiasme et de sa persévérance, sans pour autant perdre de son point de vue biaisé au sujet de cet amour qui pouvait être une tragique duperie. Aussi avait-il accepté le rendez-vous sans rechigner, lui offrant même l'intimité de sa propre demeure pour cet échange, tout comme ils avaient pu, en juillet, évoquer des sujets plus personnels à l'abri des oreilles indiscrètes.

    Septembre apportait avec lui un vent nouveau d'opportunités étranges, apaisant la chaleur de l'été, pour le plus grand bonheur de l'elfe qui n'appréciait guère les hautes températures, depuis Morneflamme, trop propice à lui faire ressentir la caresse effrayante de ses cauchemars. Septembre était d'un autre acabit, surtout depuis qu'il avait de nouveau croisé le regard d'un bleu céladon d'Achroma. Ou du moins l'être qu'il était devenu à présent et que le bourgmestre essayait de décrypter. Un être d'une intelligence fine et pourtant si loin de l'humanité qu'il lui aurait conféré de bon gré des années auparavant. Cela l'intriguait... Mais pour l'heure il lui fallait délaisser ce proche ami d'autrefois.

    « Surveillez vos paroles ou elle vous prendra au mot. » fit-il, dans le dos des deux jeunes, si jeunes humains, les prenant par surprise. Si sa carrure était moins développée que celle d'Artane, en raison de ses carences acquises à Morneflamme, il était toutefois un peu plus grand et portait ses yeux émeraude sur lui, comme s'il le jaugeait en silence, derrière un sourire amical et railleur. La plaisanterie. Voilà qui était son masque d'aujourd'hui, lui qui savait si bien mentir. L'apparence avenante était impeccable, sans fausse note, telle une habitude consumée. Il n'y avait bien qu'Eleonnora pour savoir quel était le point de vue de l'elfe au sujet d'Artane et en déduire combien cette amabilité n'était que de façade. Dangereusement de façade. Puisque le revers de main, n'en serait que plus douloureux au moindre faux pas du prétendant. Aldaron allait mettre cet homme à l'aise, pour qu'il s'ouvre à lui et croit que tout soit gagné... Et puis, lorsqu'il serait certain d'avoir les prises pour refermer ses griffes, le masque tomberait avec violence.

    Mais comment Artane pourrait le deviner, quand, dans un trait d'humour le bougmestre ajoutait, à la manière d'une connivente coalition masculine face au requin que pouvait être Eleonnora, un : « Êtes-vous bien certain de savoir où vous mettez les pieds, Monsieur ? » La jeune Ostiz n'entendrait, elle, pas la plaisanterie mais la menace sous-jacente à son propos. Ce n'était pas d'elle qu'Artane devait se méfier cet après-midi : c'était de lui. Il serra la main de cet inconnu d'une manière ferme, à la sincérité feintée et une courtoisie affable, véritable parangon de politique. On aurait presque dit que les deux hommes étaient les meilleurs amis du monde.

    Relâchant la main d'Artane, ce fut celle de sa protégée qu'il vint chercher, effleurant à peine de ses lèvres le gant immaculé dans un baise-main à la noblesse et la réserve impeccable, rigoureux sur l'étiquette et les manières. « Vous êtes ravissante, comme toujours, Eleonnora. Je vous en prie, entrons donc. Ne restons pas sur le pas de la porte. » Le ton frôlait les notes joviales, mais probablement serait-il le seul à s'amuser lorsque cet homme se prendrait la fessée de sa vie et ne reviendrait jamais plus à proximité des jupons de sa protégée. La porte s'ouvrit sur une demeure très sobre. Si les matériaux étaient d'une qualité remarquable, force était de constater qu'il n'y avait que très peu d'ornements au delà du nécessaire dans la décoration de sa maisonnée. Le dirigeant de Marché Noir était riche... Mais il était aussi un homme qui avait jadis dormi sous les ponts et avait su rester humble dans son opulence. Il les invita à s'installer autour d'une table au bois lustré, tant qu'on pouvait presque y voir son reflet. Sa domestique vint leur porter boissons et petite collation : des mets légers mais raffinés, majoritairement sucrés. Il expliqua même à Eleonnora qu'il avait rapporté ces biscuits rouges du royaume elfique pour qu'elle puisse les goûter.

    Ses mots étaient alignés avec une bienséance accueillante avant qu'il ne puisse étouffer la curiosité qui l'étrillait petit à petit, une fois qu'ils furent confortablement installés et servis : « Je dois vous avouer qu'Eleonnora m'avait prévenu que je ne vous connaissais pas... Mais je pensais pouvoir la détromper. En vain. » Essayait-il de rassurer Eleonnora dans le discours double qu'il lui servait ? Comme s'il s'était soudain rangé à l'avis de sa protégée au sujet de l'amour ? Peut-être bien qu'il feintait... Ou peut-être que ses retrouvailles sibyllines avec Achroma avaient changé la donne. « Auriez-vous la bonté de m'éclairer ? » Qui était-il ? D'où venait-il ? Que faisait-il ? Quelles étaient ses ambitions, ses rêves, ses affections ? Autant dire qu'il serait gourmand sur la réponse et aurait bien du mal à se contenter d'un prénom et d'un nom. Ses yeux, pétillants d'une attente policée, l'exprimaient sans nul double, cachant à merveille la monstruosité qui logeait au fond de son âme, prête à mordre comme un serpent.

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Son coeur rata un battement. Le Bourgmestre s'était faufilé dans leur dos; Et alors qu'ils n'avaient d'yeux que pour l'un et pour l'autre, son apparition manqua de faire sursauter la demoiselle. Depuis combien de temps les observait-il? La jeune fille se sentie quelque peu embarrassée à l'idée que son protecteur ai pu assister à un de ses moments d'intimité. Elle était préoccupée par un simple baiser? Allons, il fallait qu'elle se reprenne, car le pire était encore à venir. Cachant sa surprise, elle prit une moue faussement irritée en levant les yeux au ciel. Finalement elle était tout aussi heureuse de le voir. Après tout elle n'avait pas encore eu l'occasion de le visiter après son retour du royaume elfique, qui, disait-on avait été éprouvant.
Elle le trouva en forme. Et même d'attaque, dirait-on. Comme un félin guettant sa proie, on sentait peser son regard sur le jeune couple. Eleonnora fit comme si de rien était. Elle savait pertinemment que ce regard pesant n'était pas tournée vers sa personne. Artane ne savait pas encore ce qui l'attendait...Elle reconnaissait bien trop cet air de mielleux qu'arborait le Bourgmestre dans toute sa splendeur. Car si le sarcasme n'était pas encore implicitement présent dans ses propos, elle le connaissait assez pour avoir l'impression d'apporter son amant en pâture au lion. Néanmoins, tant qu'elle sera à ses côtés, il n'y avait pas de raison pour que cela tourne au vinaigre. Elle avait foi en son compagnon et si son protecteur voulait déceler ses mauvaises intentions, il sera bien déçu de se retrouver bredouille au terme de cette confrontation.

« Il n'a plus vraiment le choix, maintenant qu'il est engagé dans cette voie. »

Avant même qu'Artane n'ai pu ouvrir la bouche, elle s'était interposée en douceur à ses côtés, répondant fermement à la remarque sous-jacente. Le message était clair; Elle était prête à prendre parti si la mesquinerie devenait trop récalcitrante. Cependant son objectif aujourd'hui était de maintenir la paix entre deux hommes, qui, même avant de se connaitre, endossaient une rivalité. Ce serait un dur travail que de contenir les réactions de l'un et de l'autre. Eleonnora assista, impuissante, à une poignée de main qui ressemblait d'avantage, de son point de vue, à l'engagement d'un combat. Entortillant nerveusement une mèches brune entre ses doigts, elle priait mentalement pour que son compagnon soit moins sanguin qu'elle dans la situation à venir et qu'il ait la patience d'apprivoiser l'elfe méfiant qui lui faisait face. D'un point de vue extérieur, cette confrontation l'aurait bien amusée. Mais son intégrité morale ne tenait plus qu'à un fil désormais alors elle n'avait pas réellement de quoi en rigoler.

Elle tenta tant bien que mal de cacher sa nervosité tandis que l'elfe s'attardait de nouveau vers elle pour la saluer dans une sobriété et une élégance parfaitement contrôlée. Il réussi tout de même à lui arracher un sourire malgré ses préoccupations. Si ce n'était pas ses intentions, sa présence avait toujours le don de la rassurer. Ce n'était pas un homme inconscient et elle serait bien décontenancée de lui découvrir un caractère intempestif. C'est d'un air jovial que le Bourgmestre les invita à rejoindre sa demeure. Alors qu'il prenait les devants, la demoiselle chercha la main de son beau capitaine. Elle le prévint d'une simple pression que le moindre faux pas serait alors sanctionné. Et ce n'était pas forcément d'elle qu'il devait avoir peur. Elle lui adressa un sourire encourageant avant de précéder l'elfe. Tout était désormais entre ses mains. Et elle ne serait en aucun cas l'avocat du diable. Celui qui aura le malheur de déclencher la dispute pourra se passer de son soutien.

Si elle n'aurait surement pas l'occasion d'en savoir plus quand à son voyage en terres elfiques, il semblait que son ami avait eu une pensée pour elle, même en plein périple. Une expression sincère illumina son visage à cette pensée. D'autant plus lorsqu'elle accueillit les sucreries avec un regard scintillant de gourmandise. Malgré son désir inconvenant de se goinfrer, elle s'attarda à respecter les bonnes manières et ne put que remercier le peuple elfique de lui procurer autant de plaisir gustatif. La raison de sa venue lui revint à l'esprit tandis que les deux hommes commençaient à prendre contact. Malgré sa difficulté à déchiffrer les intention du Bourgmestre, la jeune femme décida d'assister prudemment mais impartialement à ce dialogue qui prenait place. Quelque part elle était curieuse de savoir comment Artane se débrouillerait. Elle ne se faisait pas d'illusion, sachant pertinemment que son protecteur n'avait pas la même vision de l'amour, qu'il chercherait à tester le capitaine mais elle était certaine qu'il n'aurait pas l'intention de la blesser. Du moins, pas intentionnellement.

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Qui mène la danse ?

Artane manqua d'à moitié sursauter en entendant une voix d'homme retentit derrière eux. Bien entendu, notre capitaine s'était retourné vers le nouveau venu, essayant de reprendre contenance et une posture plus ou moins digne. L'origine de cette voix venait d'un elfe qui était un peu plus grand qu'Artane. Rien que sur l'instant, leur face à face en disait long sur la dualité qui se préparait .  Ainsi, le bourgmestre avait pris un malin plaisir à venir directement vers eux. Que c'était aimable de sa part. Ce n'était pas l'impatience de revoir la jeune femme qui l'avait poussé à se déplacer en personne vers le jeune couple, avait songé Artane. Les choses promettaient et déjà, il sentait la tension chez sa compagne. Il connaissait assez Eléonnora pour la savoir déjà dans tous ses états intérieurement. Mais heureusement, l'humain ne put que revêtir sur son visage un très léger sourire, quand à la réplique qu'il avait lui-même énoncé. S'il savait seulement... Il se demandait jusqu'à quel point le Messire Leweïnra connaissant la jeune femme qu'il couvait comme si elle était sa fille. Car nul doute qu'il la considérait comme tel. Eléonnora lui avait dit qu'il était comme un père... Alors, forcément, il y avait un effet rétroactif.

Puisqu'il pensait à Eléonnora, celle-ci intervint d'emblée, prenant les devants quand à la réponse à apporter à l'interrogation qui laissait déjà planer un ton léger de menace.  Et cette poignée de main... C'était bien le panache des bourgeois, des nobles et des dirigeants, peu importait leur importance, de jouer sur les apparences. Sa jeune compagne n'était pas dupe. Et lui encore moi. Il connaissait ce milieu, à sa manière. Alors il ne se gênait pas à rendre sa prise de main tout aussi ferme. Et pour le moment, il se garda de répondre. Eleonnora l'avait fait pour lui et tendue comme elle était, puisqu'elle s'était rapprochée de lui pour lui faire sentir son soutien inconditionnel si jamais les choses allaient trop loin, il ne voulait pas la mettre en mauvaise posture. Et pour le moment, il devait se réserver. Prendre la parole maintenant n'aurait pas été des plus convenables et de plus.... cela aurait été entrer d'emblée dans le jeu du Bourgmestre.

Aldaron salua comme il se devait la jeune fille de Crissolorio et prit les devants pour les inviter dans sa demeure. Il sentit la main d'Eleonnora chercher la sienne et il lui offrit, lui offrant un sourire qu'il voulait rassurant et confiant. Mais au fond de lui, il savait qu'il s'attaquait à un très gros poisson, dans le genre requin, vous savez, ces grosses bêtes qui tournent autour de vous, le temps de patiemment vous sonder. Et quand vient le moment de frapper, il agit sans prévenir et de manière prompte et sournoise. Donc, Artane n'avait guère droit à l'erreur. Il était loin le temps de jouer les ''nobles'' quand il s'invitait autrefois à des fêtes mondaines ou quand il venait en exploration nocturne dans certaines maisonnées.... Mais ça, c'était au passé et cela demeurera au passé. Il garda la main de sa compagne dans la sienne, espérant la rassurer un peu et lui montrer qu'il appréciait son soutien du moment.

Une fois à l'intérieur, il retira son chapeau. Et forcément, en hôte de marque, Aldaron les reçut comme il se devait. Et une fois le petit passage du voyage des biscuits elfique jusqu'ici et que la servante eut fait le tour des gens pour servir collations et boissons, Artane ne put qu'apprécier la sobriété des lieux. Mais là aussi, tout se jouait sur les apparences. Plusieurs messages pouvaient passer rien qu'à travers la modeste opulence de ces lieux. Aldaron pouvait consacrer son argent à autre chose qu'à des futilités de riche. Afficher sa richesse était un gaspillage sans nom... Donc si on dépensait son argent autre part, on pouvait avoir de très bons contacts chez les Grands de ce monde ect.... voir avoir un empire sans qu'on le sache... Plein de choses de ce genre. Mais le capitaine de la Rosée du Matin n'était pas la cible de ce genre d'extravagance. Il était la cible du Bourgmestre pour un sujet qui lui tenait à coeur : Eleonnora.

Puis, vint le moyen où le requin entamait son cercle d'observation. Un requin qui avaient des oreilles pointues. Artane n'était pas dupe quand à sa manière de poser la question. Il comprenait très bien qu'il n'approuvait pas qu'Eleonnora puisse être avec un individu comme lui. L'idée de jouer d'office la bravade lui chatouille l'esprit. Jouer des pics oraux, il aimait et là Aldaron lui ouvrait une telle opportunité. Mais là, il ne jouait pas. C'était du sérieux.

''Votre interrogation est très large, Seigneur Leweïnra. Mais je comprends que vous ne souhaitez pas vous montrez trop pressant à mon égard. Je sais que vous ne me mordrez pas. Vous ne doutez pas de mon nom et de mon prénom. Mais soit. Artane Nordan, capitaine de la fière goélette Rosée du Matin. Peut-être aurez-vous déjà entendu parlé de ses aventures, car je ne doute pas que vos affaires sont pour certaines étroitement liées au commerce maritime, qui est en pleine expansion. ''

Après tout, hormis voler à dos de dragon, les navires restaient le seul moyen de se déplacer dans l'Archipel.

''J'ai d'excellentes références. Et certaines personnes pourront se porter garantes de moi, en plus de Dame Eléonnora.''

Il se gardait bien de dire qui et d'où. Si le bourgmestre était assez futé, ou s'il disposait d'un réseau d'informations comme jadis Crissolorio, alors il aurait de quoi confirmer. Mais le requin elfique ne faisait que commencer son manège. Chaque pas était donc à poser avec prudence....

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    Maintenant que l'elfe était attablé, il pouvait plus aisément porter son regard sur ce prétendant sans que cela détonne ou surprenne : n'était-ce pas poli et bien élevé que d'observer son interlocuteur quand on lui parlait ? Cet homme était plus âgé que sa protégée. Cela était assez courant, en vérité, et cela ne le surpris pas tant. Il déplorait toutefois qu'Eleonnora ait à porter le deuil de cet homme, plus tard, si leur relation se solidifiait. Malheureusement, les veuves étaient monnaie courante et il n'y avait rien qu'il puisse faire pour y remédier. Les guerres et les écarts d'âge menaient naturellement à ce genre de peine. Le teint sombre de la peau de cet homme lui en disait long sur son statut social. Le soleil ne cuisait pas le derme délicat des nobles ou bien moindrement que ce que celui-ci affichait. A en juger par ses vêtements et son attitude, il supposait à un roturier, peut-être un petit bourgeois. Aldaron n'était guère attaché aux niveaux sociaux, lui même avait dormi sous les ponts, bien des siècles plus tôt... Mais il cherchait encore ce qu'il pouvait bien apporter à la jeune Eleonnora. Car là était tout le but de cette entrevue : qu'il parvienne à trouver quel genre de bonheur ou de malheur Artane Nordan offrirait à Dame Ostiz.

    La cicatrice qui barrait son visage était ignoble et il se demandait dans quel exploit ou situation embarrassante ce capitaine s'était fourré pour récolter une pareille balafre. L'elfe avait lui-même des marques atroces sur le corps, héritées des batailles et de Morneflamme, à l'abri, sous ses vêtements mais il avait fait soigné par Dawan les parties les plus visibles. Son visage et ses mains étaient immaculées, comme si rien de toute l'horreur qu'il avait traversée n'avait eu lieu. Le baptistrel avait fait un travail remarquable même si le dirigeant de marché noir avait refusé, à l'époque, que Dawan utilise son chant-nom. Il y avait dans celui-ci trop de monstruosité à sa sortie de prison qu'il craignait de faire du mal à son ami et... il en avait eu extrêmement honte pendant très longtemps. Il ne pouvait toutefois pas demander à Artane où il avait eu de telles blessures, du moins pas tout de suite. Il prit un peu de sucre et remua doucement le contenu ambré de sa tasse. Il arqua un sourcil, feintant l'amusement. Il ne le mordrait pas, vraiment ? « Rassurez-vous : la dernière que j'ai mangé de la chair humaine, je ne m'en suis pas très bien remis. Je ne suis pas prêt de vouloir retenter l'expérience. » Il fit tinter deux fois sa cuillère sur le bord de la tasse avant de la poser avec délicatesse sur la table de bois. Il releva les yeux sur Artane. Il savait que son propos était extrêmement dérangeant, mais ce qui était encore plus dérangeant, c'étaient la simplicité avec laquelle il évoquait une chose aussi horrible, le sérieux dans le fond de ses yeux qui soulignait combien ce n'était pas une plaisanterie et l'humour morbide qui se cachait sous ses propos.

    Morneflamme était une prison qu'on avait dite infâme, sordide. On en avait fait des récits d'horreurs, mais jamais on ne pouvait exprimer ce que cet endroit était, car l'épouvante y avait dépassé de très loin les limites de l'imagination humaine. Les deux avaient-ils entendus que les prisonniers avaient été nourris avec les cadavres des détenus trépassés ? Prenant une distance remarquable avec le contenu de ses propres mots, il porta sa tasse à ses lèvres avant de la reposé assez vite après avoir eu la brève impression de boire du sang. Son sourire s'étira, plus rassurant avant qu'il n'oriente son regard sur Eleonnora : « Pardonnez-moi, ma chère. » Il n'avait pas eu l'intention de lui couper l’appétit. Ou peut-être que si. Les biscuits elfiques n'étaient-il pas rouges ? Le terrible bourreau qu'il faisait. Au fond, n'espérait-il pas qu'Artane prenne ses jambes à son cou en se disant qu'il venait de rentrer dans la demeure d'un psychopathe ? Et bien, à quel point tenait-il à Eleonnora ? Assez pour lui résister ? Comme le bourgmestre s'amusait, en son fort intérieur. Mettant un terme au malaise qu'il avait fait doucement durer, il reprit la conversation : « Je n'ai pas entendu parler des aventures de la Rosée du Matin, Capitaine. Peut-être pouvez-vous m'en compter quelques unes. J'adore les aventures, pas vous Eleonnora ? » Le pire sûrement, c'était qu'il était réellement enjoué par ces contes d'aventures. Les récits héroïques, qu'avait ce cher Artane à lui narrer ? « J'espère que vous en êtes le protagoniste, Capitaine, que je puisse me réjouir d'un si bon parti pour ma douce protégée. Cela expliquerait vos excellentes références. Dites-moi qui sont ces personnes à se porter garantes de vous ? Vous avez du leur rendre un fier service pour mériter une telle renommée. Oh peut-être pouvez-vous me conter aussi de ses exploits, Eleonnora, vous devez en connaître ! » Une renommée dont il ignorait tout : il ne connaissait pas de Capitaine Artane Nordan.

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Eleonnora manqua de s'étouffer. Interloquée, elle déposa prudemment le gâteau qu'elle s’apprêtait à avaler sans détacher le Bourgmestre du regard. Qu'est qui pouvait bien lui prendre? Elle osa à peine vérifier l'état d'Artane après cette remarque des plus...surprenantes. Par tout les esprits, comment allait-elle se débrouiller pour convaincre son compagnon de la bonne foi de cet elfe qui venait de plaisanter à propos des tortures de Morneflamme?  Face à ces deux hommes au passé sombre et crasseux, elle ne pouvait émettre aucun jugement de valeur. Néanmoins, bien qu'elle aurait aimé rester impartiale dans ce débat, elle ne put s'empêcher de ressentir un certain écœurement lorsqu'elle distingua cette lueur carnassière dans le regard d'émeraude. Elle porta alors une main à ses lèvres par inquiétude qu'une grimace ne s'y forme. Ainsi contribuant au silence gênant qui s'était installé suite à ces étranges propos, la jeune femme eu peine à réagir proprement. Un sourire d'incompréhension marquait son visage dans un mutisme interrogatif. Si c'était un frisson qu'il tentait causer, il savait comment y faire. Et il ne serait pas étonnant qu'il leur réserve bien d'autres anecdotes tout aussi morbides les unes que les autres.

« Mais il n'y a pas de quoi vous excuser. Nous sommes à même d'apprécier les traits d'humour sordide dont Morneflamme vous a munit. Même si cela m'étonnerait que ce soit une histoire que sortiriez en société. Devrions nous nous sentir privilégiers? »

Ces mots sarcastiques prononcés avec un sourire détendu aux lèvres exprimaient  clairement son désaccord. La jeune Ostiz ne comptait pas laisser l'elfe dérouter le marin aussi facilement. Elle s'était improvisée gardienne de la paix entre ces deux partis et comptait s'y tenir; Même si cette tâche s'annonçait rude. Elle avait des doutes quant à la tenue d'artane mais peut être est-ce celle d'Aldaron dont elle aurait dû se méfier. Elle savait qu'il allait le tester...mais au point de passer pour un fou cannibal? Il y avait des limites à la mesquinerie tout de même. Aussi, la demoiselle avait cru prudent de mentionner son passé de prisonnier pour justifier son comportement auprès de son amant.

Tandis que l'elfe renchérissait sur la réputation fantôme du capitaine de la Rosée du Matin, elle reteint un soupir. C'était peut-être moins une pour cette fois mais les esprits ne faisaient que s'échauffer. Elle ne s'attendait cependant pas à ce qu'il lui pose ce genre de question à elle et pas directement à l'intéressé. Les aventures d'Artane Nordan? ça, pour en connaitre, elle en connaissait. Le tout était d'en trouver quelques une qui puisse le mettre en valeur aux yeux de son protecteur.

«Bien évidemment; Vous connaissez tout deux mon caractère...intrépide. » Pour ne pas dire inconsciente. « Alors je ne me lasse pas de rêver au prochaines aventures que je pourrais vivre au côtés du Capitaine Nordan!»  

Elle adressa un sourire complice au dénommé capitaine. C'était ce frisson quotidien qu'il lui apportait que la jeune femme aimait particulièrement chez le capitaine. Il n'était peut-être pas si sage de mentionner les tracas qu'ils s'étaient attirés en face du Bourgmestre. Après tout il serait bien capable d'en rendre Artane coupable. Car le sarcasme dont il faisait preuve montrait à quel point il était peu convaincu de la réputation du marin. Un nom lui venait bien en tête mes elle avait peur qu'il vienne écorcher ses lèvres par l'amertume qu'il portait.

« Mais assez parler de moi...Tu ne m'avais pas dit que tu connaissais Dame Luna Duruisseau?  »

A vrai dire, déjà qu'elle n'avait pas d'affinité particulière avec les Séléniens, elle était restée perplexe quant à la proximité de la jeune femme et de son amant. Qu'il côtoie aussi simplement une guerrière belle et talentueuse de surcroît faisait ressortir chez la demoiselle une méfiance propre à ceux qui tiennent à garder leur biens. Oui, elle était un peu jalouse. Qui viendrait l'en blâmer? Il ne s'était d'ailleurs pas prononcé sur les circonstances de leur rencontre. Enfin, elle aurait peut-être l'occasion de la croiser, si ce n'est pas dans le domaine professionnel. Car elle ne doutait pas que ce nom soit connu d'Aldaron. Mais était ce une bonne manœuvre que de citer l'ex régente au service des Kohan?

« Je ne saurai conter aussi bien les aventures de mon fieffé coquin mais il a su donner le goût du large à la conseillère Sélénienne. Oh, je ne vous parle pas de la fois où nous avons mit le seigneur Damotha aux verrous. » Elle eu un petit rire des plus charmants. Cela lui paraissait si lointain et pourtant ces incidents ne remontaient qu'à à peine quelques mois.

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Il y avait de quoi se demander si on était dans la maison d'un Bourgmestre ou d'un aliéné quand on vient à entendre, comme cela à la débottée, les paroles d'Aldaron, qui sans aucune raison, se mettait à évoquer le fait qu'il avait mangé de la chair humaine. Oh, il savait par Eléonnora qu'Aldaron avait fait un long et difficile séjour à Morneflamme, pendant que lui, avait rejoint les forces rebelles pour contrer l'ambition du Tyran Blanc. Mais de là à apprendre de la propre bouche de l'elfe qu'il avait été contraint de manger de la chair de... Il croisa le regard du Bourgmestre et il n'avait nul besoin de se voir dans un miroir pour se savoir blême. Même s'il avait vécu bien des aventures, il y avait des choses auxquelles on n'était jamais préparé. Et le pire était que si cette conversation avait eu lieu à une époque plus lointaine, alors qu'il était un Artane à l'époque plus couard, il aurait détalé dans demander son reste. Mais aujourd'hui, il était avec Eléonnora, une jeune femme qu'il aimait par dessus tout et qu'il ne pouvait laisser planter devant une situation qui était morbide. Oui, Aldaron aurait aisément gagné à une certaine époque. Mais cet Artane là n''existait plus.

Eleonnora sut rester digne et Artane aussi, même s'il était devenu blanc comme un linge et qu'il sentait la sueur froide lui couler le long des omoplates. Il déglutit et darda un regard assez particulier à Aldaron, dans le genre ''perdue mais bien essayé''. En tout cas, il préféra garder le silence, laissant le soin à sa compagne de rebondir sur les ''excuses du Bourgmestre de s'être permis tel sujet si soudain. Après tout, il s'était confondu en excuses rien que pour elle, pas pour lui. Autant ne pas relever et faire comme s'il ne s'en sentait pas offusqué. Mais Aldaron ne l'oubliait pas. Au contraire ! L'elfe sut rebondir sur ses évocations aventureuses énoncées précédemment ! Et Eléonnora était si merveilleuse à rebondir avec intelligence. Cette femme ! Son coeur bondit plus encore dans sa poitrine et il sentit le courage lui revenir. Il souriait avec enthousiasme cette fois, rendant même un clin d'oeil complice à sa belle et jeune compagne.

''Oh pour sûr que je la connais. Je ne doute pas que vous-même, Sieur Aldaron, ayez quelques relations avec Dame Luna Duruisseau. Après tout, elle a été Régente à la Cour Impériale des Kohan, en plus d'avoir été une farouche guerrière durant la lutte contre le Tyran blanc et qui est une puissante dragonnière. Vous seriez étonné de savoir que je la considère un peu comme une grande soeur....''

Là il apportait une précision qui s'adressait plus à Eléonnora que pour son ''père'' elfique. Il ne lisait pas dans ses pensées, mais il avait assez d'expériences avec les femmes pour savoir qu'elles avaient toutes une pointe de jalousie quand on causait de d'autres femmes, se sentant alors en concurrence.

''Et que d'aventures.... Lui apprendre à naviguer sur les eaux de ces terres a été une découverte pour elle et un plaisir pour moi. La mer est une si grande source d'inspiration de libertés et.... de quelques petites farces...Vous auriez dû la voir... une véritable enfant quand on a été voir le corail sous la mer, jusqu'à ce qu'une espèce de sirène décide de nous embêter. Mes hommes ont su la pêcher, et dès que le filet eut cédé... J'ai eu la malchance d'avoir un bien étrange baiser visqueux d'une poiscaille un peu gluante.... Vous devriez essayer...''

Il but du bout des lèvres son verre. Et il était toujours sourire.

''Mes marins ont eu la langue trop pendus et cela se sait dans quelques capitaineries. Je suis étonné que cela ne soit pas arrivé à vos oreilles. Après tout, Dame Duruisseau ne passe pas si inaperçue que cela. Sauf si vous n'avez.... et je suis navré de le découvrir... aucune connaissance dans le milieu maritime. C'est navrant. Mais tout peut se rattraper en temps et en heure n'est ce pas ? ''

A son tour de jouer le même petit jeu que l'Elfe... Même s'il savait qu'il risquait de se prendre un revers verbal subtil et insultant à la fois.

''Ah oui, Sieur Damotha, qui a cherché à attenter à la vie de Dame Eléonnora. Heureusement qu'il y a encore des gens dans ce bas monde pour ne pas se laisser corrompre par les plus riches et qui savent punir les crapuleux pour les empêcher de nuire sur le dos des innocents. J'espère que vous contribuez à ce qu'on fasse tomber les têtes des nobles et bourgeois corrompus qui tentent de se venger sur les gens de leur propre milieu dès qu'ils se sentent floués.... Eléonnora a été très courageuse vous savez. Et ensemble, nous avons fait tomber ce vil individu... ''

Il termina son verre.

''Excellent ce crû.... Hum et j'avais oublié aussi... Je suis navré Eléonnora, je n'ai pas songé à t'en parler. Mais tu seras heureuse d'apprendre qu'en plus de Luna Duruisseau, j'ai une autre connaissance qui saura confirmer ma personne... Voyez vous, Messire, j'ai été adoubé Chevalier à la Cour Sélénienne. Un modeste titre que j'oublie, il est vrai. J'ai servi l'Empereur Nolan Kohan le temps d'une rude mission qui mettait en péril ses affaires royales. ''
*et hop là mes référence, mon cher Aldaron ! Si tu pensais que j'allais te servir que du vent, voilà du concret ! *

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    Le sarcasme fin d'Eleonnora était brillant. L'elfe ne put réprimer le léger mouvement de ses lèvres, bref sourire, aveu de son approbation admirative avant que son visage ne rejoindre le marbre charismatique de la réserve et la droiture. Elle s'en sortait à merveille, même contre lui. Elle avait les mots justes pour corriger l'intolérable insolence qu'il avait osé avoir à leur égard et bon joueur, il s'avouait vaincu. Autant que satisfait par la pâleur dont revêtait le Capitaine. Et bien quoi ? Madame était plus résistante que Monsieur ? Cela ne l'étonnait guère, Eleonnora était un diamant brut qu'il lui restait à tailler pour convenir à l'avenir de Caladon. Il ne l'avait pas prise sous son aile par simple affection. S'il tenait à elle, il rêvait aussi de la voir déployer toute l'envergure magnifique de son talent, un jour, lorsqu'elle serait prête : « Vous êtes miséricordieuse d'accepter comme un privilège ce qui est une faute. Cela ne se reproduira plus. » lui concéda-t-il. Il allait falloir qu'il joue cette partie autrement. Mettre mal l'aise son gendre était très amusant, mais peu rentable. Peut-être se montrait-il un peu trop obtus d'esprit. Il prit une gorgée de sa tasse de thé, le temps de voir les choses différemment. Pouvait-il au moins lui laisser une chance ? Son instinct infaillible de marchand classait déjà cet homme dans la catégorie 'catastrophe ambulante', qui détonnait tellement avec le raffinement de sa protégée. Elle lui avait fait connaître son envie de ne point se marier à un homme qui lui faisait de l'ombre, politiquement. Elle ne lui avait pas menti sur le sujet. Il ne voyait absolument par Artane faire de la politique, si ce n'était pour jouer le charlatan. Ah ! Voilà le mot ! Artane lui donnait l'impression d'être un charlatan. Un homme qui surjouait ses bonnes manières au lieu de les maîtriser avec soin. Peut-être pourrait-il lui apprendre, un jour, si son union avec Eleonnora venait à se pérenniser. Cela lui servirait sans aucun doute pour se montrer au bras de la jeune Ostiz.

    Enjoué par les mots de l'humaine, Aldaron porta son regard émeraude sur Artane, attendant le récit de ses aventures. Le rire et l'engouement de sa protégée lui donnait envie de se montrer ouvert à ce qui pourrait lui être conté. S'il n'appréciait guère les Kohan, Luna restait à ces yeux cette chère orpheline qui l'avait affectueusement étranglé, manipulée par néant, lors de leur première rencontre. Il avait alors découvert une jeune femme pleine de bons sentiments et d'altruisme, dont il avait défendu l'innocence devant Korentin Kohan. Quel dommage qu'elle ait été faite princesse par Nolan, il y avait de cela quelques jours. Le nom qu'elle portait à présent ne faisait que la lier plus encore à l'Empire Sélénien. Un sourire sincère vint sertir ses lèvres comme une pierre précieuse tant cela était rare dans leur discussion actuelle où sa joie n'avait été que factice. Savoir Luna heureuse le satisfaisait... Se prendre une insulte en plein visage était d'un autre acabit. Certes, il avait été mesquin dans son approche, mais il n'avait pas remis en cause ouvertement l'intégrité de cet homme. Lui ? Maître du Marché Noir oublié, Bourgmestre de la Cité Marchande de Caladon... N'avoir aucune connaissance dans le milieu maritime ? Il était tombé sur la tête. Son ton fut net, sec, mais bordé d'une douceur polie malgré le fond du propos, lui qu'il répliqua : « Il existe une très grande différence entre méconnaître le milieu maritime et ne pas s'intéresser aux personnages secondaires, Capitaine Nordan. » Luna était le joyau protagoniste de cette histoire, Artane un homme dans le décor. Ainsi le remettait-il à sa place, lui qui avait manqué, de toutes évidences, une occasion de se taire.

    Bon prince, il laissa cette bavure de côté pour s’intéresser à la suite. Il ne répondit pas, à sujet du Seigneur Damotha, si ce n'était par un fin sourire de complaisance, masque de politique. Le monde n'était pas aussi manichéen que cela. Il n'y avait pas les vils individus profiteurs d'un côté et les bons héros de l'autre. Aldaron était persuadé que tout un chacun se positionnait dans cet entre-deux extrêmes, dans un équilibre plus ou moins noir et plus ou moins blanc. Lui-même était un homme qui jouait avec l'or, qui achetait ce qui lui convenait, qui usait de la corruption et des bienfaits du marché noir. Pour autant, on lui concédait un caractère pacifiste qui luttait contre la guerre des armes tout en menant celle, invisible, de l'économie. Pas de sang. Mais l'or serait capable de détruire Sélénia si on lui laissait le temps et les mains libres pour son méfait. Il était, dès lors, lui aussi, cet homme peu scrupuleux qui œuvrait à faire tomber les hommes du même niveau social que lui : Nolan Kohan était un roi, lui aussi, en un sens. Et il s'était senti floué par la famille Kohan. Il était sûrement plus proche du Seigneur Damotha que ce qu'Artane pouvait le penser. En son for intérieur, il riait beaucoup. Son silence était courtois mais probablement qu'Eleonnora en comprendrait la cause. Il ne pouvait pas révéler à n'importe qui que le marché noir existait et œuvrait toujours. Sans quoi il finirait par voir son œuvre démasquée trop facilement, ce qui n'était pas le but. Il reprit une gorgée de sa tasse de thé, se satisfaisant toutefois que la vie de sa protégée ait été préservée. Cela faisait enfin un bon point pour Artane.

    Un bon point qu'il perdit aussitôt, d'ailleurs. Ses prunelles devinrent aussi tranchante qu'un éclat d'émeraude alors qu'il répondait : « Je mets souvent en péril les affaires royales. » Autrement dit : 'tu as probablement agi à l'encontre de mes manœuvres et tu oses venir t'en vanter devant moi ?'. Le regard qu'il lui jetait, emprunt de son immense charisme, du certainement glacer le sang du Capitaine tant il était aussi froid que le vent neigeux qui secouait jadis Glacern, l'Oubliée. Un Chevalier servait son roi et le voir tourner autour d'Eleonnora sonnait le glas du danger, aux yeux du Bourgmestre. Il ne pouvait pas laisser cela se poursuivre. Ses prunelles coulèrent sur sa protégée, l'observant un long moment, en silence. Était-elle au courant ? Non, probablement pas, comme le disait Artane. Elle ne pouvait être complice d'une pareille traîtrise... Alors, elle ne comprendrait qu'il voit en ce Capitaine un menteur et un profiteur qui avait abusé de sa protégée pour servir les intérêts de la Couronne des Kohan. Il serra les dents, ses mâchoires crispées trahissaient combien cela lui prenait au cœur. Il aimait Eleonnora comme sa propre fille : l'imaginer pour cible d'un homme aussi vil lui donnait des envies de meurtres. Il posa sa main sur celle d'Eleonnora, sur la table, caressant délicatement sa peau. « Vous feriez mieux de sortir de chez moi, Chevalier Nordan. » Le ton de sa voix était d'un calme trompeur, tel le souverain qui affrontait dignement la tempête. « Je vous laisse quatre heures pour quitter la ville et ne plus y revenir. » L'expulsion était une mesure moins drastique que la mort, non ? Il se modérait et se jugulait, sans quoi il l'aurait probablement attrapé par les cheveux pour lui exploser le crâne contre la table. Eleonnora devait sûrement sentir cette tension retenue, dans les nerfs de sa main. Comment pouvait-il avoir la sottise de venir lui tenir de pareils propos ? A lui, Bourgmestre de la Cité Libre ? Etait-il fou ? Inconscient ?

    Et même s'il était innocent, il ne pouvait pas laisser sa protégée être mise dans de beaux draps, tôt ou tard, par un homme qui mangeait à tous les râteliers. « Je vous interdis de revoir ma fille. » Étrange lapsus. Il ne l'avait jamais appelée 'sa fille', mais les émotions qui le tiraillaient resserrait son lien avec Eleonnora. C'était comme un père qu'il ordonnait pareille décision. « Parce que je vous assure que vous vous retrouverez avec une flèche entre les deux yeux, dans le cas contraire. N'abusez pas de ma clémence. Me suis-je bien fait comprendre ? »

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Eleonnora fronça des sourcils. Les paroles si assurées du capitaine avaient frappées sa compagne. Avec prudence, elle regarda Aldaron; il avait l'air aussi troublé qu'elle. Elle regarda Artane; Son expression digne ne mentait pas. Alors qu'elle ne savait plus ou donner de la tête, bifurquant d'un homme à l'autre, la jeune femme sentait le contrôle de la situation lui glisser entre les doigts. Comment pouvait-elle défendre cet idiot devant de telles révélations?  Le défendre? C'était ce qu'elle pensait devoir faire au cours de cette conversation...A vrai dire cette confession menaçait de chambouler les plans de la demoiselle. En conséquent, elle détestait l'admettre, mais le doute commençait à s'emparer d'elle. A quoi pouvait-il bien penser en hissant le drapeau de Sélénia au sein même de la demeure de son ennemi?
Et elle alors? En s'entichant d'un chevalier Sélénien se rendait-elle coupable de fricoter avec l'opposant? Néanmoins elle ne pensait pas acceptable qu'une personne dans l'amour, soit traînée devant la cour? C'est son âme qui devait alors être jugée; Celle qui vibre sous les plus profonds sentiments d'amour, celle qui est universelle à l'expression la plus merveilleuse et sincère de l'être humain. Son cœur ne pouvait être jugé. Pourtant..l'entrée de cet homme au cœur de Caladon était sa responsabilité. Aussi, elle accusa une expression troublée et désolée en direction de son protecteur. Puis, se dérobant à son interrogation muette, elle se tourna vers ce visage emprunt de fierté. Elle posa sur lui des iris d'un gris froid et métallique emprunts de reproches.
J'aurai peut-être préféré que tu m'en informe avant.
Mais quel crétin! La mettait-il dans l'embarras de son plein gré?! Ah, s'ils étaient tout les deux ça ne se serait pas passé aussi silencieusement!

Le contact de l'elfe sur sa main crispée lui fit lever les yeux sur un visage tendu et des iris tranchants. Le mal était fait et ce que la demoiselle redoutait tant se produit. Le sang du Bourgmestre n'avait fait qu'un tour. On devinait la ligne de sa mâchoire tressaillir à chacun de ses mots, fissurant  toujours un peu plus son masque de tranquillité. Elle dégluti, sentant au creux de sa main la bombe à retardement qu'était son protecteur. Elle ne pouvait qu'écouter avec tourment les revendications de ce dernier, n'osant pas élever la voix contre lui. Cependant les menaces de mort étaient en trop! Elle s'empara de sa mains dans l'espoir de capter son attention avant que ses gestes ne dépassent sa pensée...
La jeune femme enveloppa de ses mains celle du bourgmestre avec une telle délicatesse qu'on aurait dit qu'elle manipulait un bijou de cristal menaçant de se briser à tout instant.  « Aldaron...Je vous en prie.» L'avait-elle déjà appelé par son prénom? Sa familiarité, en réponse à la sienne,aurait pu la faire sourire dans d'autres circonstances. « Donnez lui donc une chance de s'expliquer...Je ne vous reconnais plus....» Elle même n'avait jamais réussi à le rendre aussi furieux. « Où sont passés vos idéaux de paix? Je croyais que vous souteniez fermement la paix envers Sélénia, à l'encontre de l'avis général et même de celui de vos conseillers.» Elle en faisait parti d'ailleurs. « Il n'y a pas de paix sans justice alors voulez vous vraiment insulter un émissaire Sélénien, si c'est ainsi que vous le voyez, vous dérober ainsi à des années de compromis...Et vous effrayez mon bon sens à me croire aussi naïve.»  Un sourire maladroit se dessina aussi vite qu'il perdit son éclat face aux émeraudes tranchants. Prise d'un élan de courage, elle s'était glissée à ses côtés. Elle avait du lutter contre son aura imposante qui avait instauré dans la pièce une pression telle qu'elle sentait couler des sueurs froides dans son dos. Glissant une main sur son épaule, elle pu faire front  face au capitaine Sélénien fermant son visage d'un air inflexible.

« Qu'en penses tu? Tu comprendras qu'il m'est impossible de me réjouir de ton allégeance  à Sélénia... » Comment avait-il pu penser un instant que, elle, Eleonnora Ostiz, fille du régent de la regrettée Gloria et dorénavant conseillère à Caladon aurait pu ressentir la moindre sympathie envers un servant des Kohan? « ...car les titres ont plus de signification qu'une simple médaille de mérite dans notre monde.» Elle avait appuyé ses mots d'un regard sévère. 'Dans notre monde'...En se rangeant  délibérément du côté de son père adoptif, la jeune femme érigeait une nouvelle barrière entre elle et Artane. Derrière son expression intransigeante, une pointe de culpabilité étreignait  son cœur. Elle n'aimait pas se montrer aussi cruelle envers lui. Et bien que ce soit à contre cœur qu'elle le réprimandait, elle souhaitait l’inciter à faire profil bas devant le Bourgmestre encore à chaud. Elle ne voyait pas d'autre moyen de le préserver du courroux de l'elfe que l'obliger à s'incliner. Elle savait qu'Artane était un vagabond qu'un roi ne pouvait contraindre que par les chaîne. Un titre de noblesse n'avait de signification que la gloire qui s'y raccrochait. Peut-être voulait-il lui faire plaisir, se rapprocher un peu plus de 'son monde'...en réalité cela semblait presque impossible. De toute façon c'était du voyageur, de l'aventurier, libre comme l'air, charmeur et menteur dont elle s'était éprise; Pas d'un quelconque nobliau.
«Je sais que tu as servit l’empereur Kohan, et je ne sais à quel point ton lien avec son royaume est étroit mais...si tu souhaites me fréquenter...enfin vois-tu, il serait préférable que tu renonces à ce titre... » C'était elle ou Sélénia. Cela suffira-t-il à apaiser l'elfe? La demoiselle se mordilla la lèvre. Elle n'avait pu soutenir plus longtemps son expression sévère laissant alors place à la tourmente. Elle avait peur. Peur qu'il tourne les talons. Peur que le Bourgmestre ne revienne pas sur ses paroles. Peur de s'être trompée sur lui, sur elle, sur l'amour, sur tout et le reste. Car oui elle était amoureuse d'Artane. Elle avait cru pouvoir, devant l'embarcadère, accepter cette attente aux profondeurs insondables, accepter de perdre pied dans les eaux superficielles du port. Alors ces flots mornes et immobiles seraient devenu un océan d'euphorie merveilleuse, un giron tendre et doux au sein duquel elle aurait attendu, confiante, invincible, le retour de l'être aimé. Mais quand le doute s’immisçait dans la partie, il ne manquerait plus qu'il noie toute trace d'espoir.
Reste. Je t'en prie, reste.

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Les choses avaient très vite dégénérés et là, pour l'une des rares fois de sa vie , Artane perdait le contrôle de la situation. D'ordinaire, il savait rebondir, arrivait toujours à trouver une idée, une réflexion, une voie de sortie ou d'esquive. Mais là.... En même temps, la situation était très différente de ce qu'il avait connu. Autrefois, il jouait d'entourloupe, d'arnaques, et il arrivait toujours à s'en sortir avec des parades ou avec l'usage d'un de ses talents. Mais là, devant l'Elfe, c'était un véritable combat, qui avait un dénouement encore imprécis mais qui impacterait son existence. C'était d'autant plus déroutant et angoissant qu'il se rendait compte qu'il était rouillé quand à jouer des manières nobles et politiques. Tellement rouillé qu'il ne s'était même pas interrogé sur l'état des relations qui existaient entre Sélénia et Caladon quand il avait ''joué'' avec le titre pompeux de chevalier. Il savait pourtant que la situation était un peu... tendu, mais pas au point de voir le dirigeant de Caladon en personne apporter un ordre tranchant. Car oui, c'était un ordre et qui se voulait clair ! A cela, se rajoutait le posé de main de l'Elfe sur celle d'Eléonnora comme pour la soutenir et affirmer sa protection envers elle... contre l'humain. Chose certaine était que s'il n 'y avait pas eu la jeune femme de présente, Aldaron se serait jeté sur lui, ça, Artane l'aurait parié à coup sûr.

L'injonction menaçante d'e l'Elfe avait provoqué un léger frisson chez le capitaine, avec une pointe de sueurs froides entre ses omoplates. L'injonction ? Plutôt la menace de mort oui ! Avant le Tyran Blanc, avant de connaître Eléonnora, avant qu'elle lui donne un bon cul de pied au cul pour se ressaisir quand ils s'étaient retrouvé après l'exode, il aurait pris ces paroles très au sérieux et aurait rapidement décampé, sans demander son reste. Mais aujourd'hui, les choses étaient différente. Autrefois, il avait été lâche. Il ne l'était plus. Il ne fuira pas. Face à l'avertissement, il gardait son regard planté dans celui d'Aldaron, gardant pour le moment le silence. On voyait bien qu'il était tendu malgré tout, face à la perte de son sourire précédent et à la main qui serrait son verre, qu'il posa sur la table d'ailleurs.

Il se sentit bien plus mal quand Eléonnora tenta d'adoucir les choses en parlant avec son père adoptif. Par ses bêtises, il la mettait en mauvaise posture, creusant un ravin émotionnel entre lui et l'Elfe. Il s'en voulait grandement. Il s'était montré d'une grande maladresse qu'il la blessait. D'ailleurs, il regrettait amèrement de pas avoir causé de cet épisode passé, avec Nolan, qui n'était que Prince à l'époque. Et d'assister à sa tentative d'adoucir les choses entre les deux hommes, pour ne pas souffrir... Elle était prise entre le marteau et l'enclume. A cause de lui, elle s'imposait un choix qu'elle évoqua de manière très éloquente. A cause de lui, son coeur souffrait. Et Artane ne voulait pas la voir souffrir. Il voulait maintenant son sourire, son esprit fier et déterminé, comme avant d'entrer dans la demeure du Bourgmestre.

Il devait tenter de réparer sa maladresse. Et elle n'était pas petite celle là.

Il regarda sa bien-aimé, voyant bien ce qu'elle attendait silencieusement de lui. Il crut voir une lueur de crainte. La peur était sienne. Peur de le voir s'enfoncer dans sa propre bêtise ? De jouer de son propre égo vis à vis d'Aldaron ou de tourner les talons pour sauver sa peau à cause de la menace de mort proférée ? Oh, qu'il s'en voulait ! Il n'était qu'un imbécile !

''Je suis désolé, Eléonnora. J'aurai dû t'en parler. Cela aurait évité tout ce cirque. Peut-être que je t'avais pas parlé de cette aventure là parce que je redoutais que tu trouves cela ronflant. Je sais que tu aimes te sentir libre, loin de tout ce qui touche de loin ou de près à la noblesse, à ce qui touche à ta position.Je sais que tu aimes tellement te sentir...toi-même. Quand on s'était rencontré pour la première fois et que tu voulais absolument entrer dans la Cour des Miracles, tu étais cette femme qui rêvait de liberté et d'aventures, et de rébellion vis à vis de son véritable paternel...''

Il se rappelait aussi de la réaction qu'il avait eu quand il avait appris de sa bouche qu'elle était la fille de Crissolorio, qu'il servait pour ne pas finir en geôle. Ahahah, la tête qu'Eléonnora avait eu, en savourant victorieusement la réaction du mercenaire, qu'elle le tenait...

''Et à Néant, la délicatesse hypocrite du parler bourgeois et de la politesse feinte ! Je ne veux pas te blesser en jouant un individu que je ne suis pas. ''

Il espérait que son ton sérieux n'allait pas l'effrayer. Car il ne faisait que commencer son plaidoyer. Il allait être lui-même, comme Eléonnora l'aimait, et pas à jouer le rôle d'un autre individu, rien que pour plaire à un dirigeant ! Vu que cela ne lui réussissait pas, autant cesser la casse non ?

''Vous savez quoi, Messire Leweïnra ? Sans vouloir vous vexer plus encore....Je pense que de trop intriguer en politique ou dans je ne sais pas quoi d'autres ne vous aide pas à voir les choses clairement. C'est une chose de défendre ses intérêts, sa cité, sa population et sa fille... adoptive. Mais si vous aviez eu un réseau étendu d'informations sur toute l'Archipel, je pense que vous auriez rapidement appris que des gens secondaire, comme moi, qui auraient été adoubé par un Kohan aurait été officialisé non ? Le titre que j'ai reçu est Chevalier du Royal Canin, offert par Nolan, quand il était encore qu'un jeune prince, qui n'était pas en âge d'avoir son fessier sur le trône, du temps où c'était Luna Duruisseau qui endossait la régence de son royaume. Où est l'officialisation ? Oui, il était prince, mais cela change pas que cela n'a pas été soumis à décision de la Régente... Donc, ce n'est pas Chevalier Nordan, mais Capitaine Nordan. Chevalier, c'était pour un toutou d'un gamin pourri gâté de bien avant l'arrivée des Chimères et que j'ai sauvé d'un stupide kidnapping, en plus de sauver le derrière de ce gosse ! Enfin gosse... C'est un homme maintenant. ''

Et dire qu'il avait manqué d'y laisser sa peau ! Tout cela parce que Nolan avait préféré jouer comme un héros pour retrouver son chien....Heureusement que le cadeau qui lui avait offert en plus de cet adoubement version mascarade n'était pas apte à être échangé contre une rançon. Qui voudrait de Marron ?

''Je ne suis pas rentré dans les détails, Eléonnora, mais ma pseudo allégeance sélénienne n'a rien de réel. J'ai servi Nolan pour cela et rien de plus. Et puis, si j'avais été réellement chevalier... tu m'aurais pas trouvé là où tu m'as trouvé...J'ai commis la maladresse irréparable de causer comme un nobliau et on voit le résultat....''

C'est à dire quand il avait été garde quand il était dans sa phase morose. Puis il darda son regard déterminé dans ceux froids et meurtriers d'Aldaron

''Donc, Messire, faites ce que vous voulez avec Sélénia, vos intrigues à l'égard de l'Empire et tout le reste. Et j'ai bien compris votre message. Ce n'est pas pour autant que je vais tourner les talons......''

Là il savait qu'il mettait un pied en avant de manière définitive. Il ne pouvait plus reculer. Puis, il se rapprocha d'Eleonnora, malgré la présence proche de son père adoptif. Il lui prit la main.

''J'espère que tu pourras me pardonner. Je ne voulais pas te blesser de la sorte. Mais tu me connais, je peux être un vrai crétin des fois. ''

Il fit un timide sourire et toujours en tenant sa main dans la sienne, il plia un genou pour s'agenouiller devant elle, gardant son regard porté vers son visage, espérant revoir rapidement ses sourires.

"Pour toi, pour ton coeur.... Je suis prêt à tout renoncer pour rester à tes côtés, pour continuer à t'aimer. Même si je dois renoncer à la Rosée du Matin....''

De tels mots n'étaient pas rien pour Artane. Sa goélette avait été un tremplin pour se remettre de la voie d'une existence dite... normale. Elle avait une valeur qui allait au delà de l'aspect financier. Puis, le temps d'un bref moment, il retira sa main de celle de la jeune femme, retira sa bague, qui était basique, guère de valeur, mais qui avait elle aussi une certaine importance...

''Eléonnora....''

Il glissa cette bague à l'index de la jeune femme. Et même là, Aldaron comprendra le choix de ce doigt. Artane ne l'avait pas choisi par hasard. L'index bagué était le signe d'autorité, qui démontrait qu'on devait respecter et obéir....

''Ce n'est pas une demande en mariage, une femme comme toi doit rester libre... cette bague m'a aidé à me sortir de bien des pétrins.

Et ça, elle le savait.

'''' Vois cette bague comme une allégeance envers toi....Je ne suis pour aucun drapeau, aucun étendard, aucune bannière. Je ne suis que toi et rien que toi. Je t'aime, Eléonnora. Et je n'appartiens qu'à toi et à personne d'autres. ''


Spoiler :
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    Les prunelles émeraudes du bourgmestre vinrent se planter dans celles de sa fille de cœur, avec une intensité régalienne, emprunte d'une souveraineté ferme et légitime. Sa main dans la sienne s'apaisait : il faisait cet effort, pour tout l'amour qu'il éprouvait à son égard, afin de laisser à cet humain une chance de s'expliquer sur les paroles malheureuses qu'il avait eues. Aldaron n'était pas obtus d'esprit et pouvait bien accepter de revoir son jugement si on lui apportait des éléments concrets à la défense d'Artane. Aussi acquiesça-t-il d'un lent et bref signe de tête, avant de s'orienter vers le Capitaine, prêt à l'écouter malgré l'éclat tranchant de ses yeux meurtriers. Et pour être honnête.... Il ne sut dire s'il aurait préféré être sourd que d'entendre cela ou s'il parvenait à accepter certaines bribes de son discours. Lorsqu'Artane s'était agenouillé, l'elfe s'était levé pour se détourner, marquant là la pudeur qu'il réservait à sa fille : il n'avait pas à être témoin d'une pareille scène, qui aurait bien mieux eu sa place dans l'intimité d'un couple. Il marcha vers la fenêtre et posa ses mains aux doigts émaciés sur le rebord, portant son attention sur l'extérieur pour ne pas ressentir de la gêne. Il ne put s'empêcher de penser à Ivanyr et ses yeux d'un bleu céladons vinrent hanter sa psyché. Autrefois, les mires d'Achroma le faisait pleurer, dans son sommeil, à le scier de la douleur de sa perte. Aujourd'hui, il pouvait à nouveau se laisser bercer par l'océan pur de ses prunelles. Cela lui faisait du bien, autant que son cœur se pinçait de regrets. Il ferma les paupières, plein d'abnégation, pour vider son esprit de la crainte viscérale qu'il avait éprouvée : il n'aimait pas savoir Eleonnora en proie à la cupidité des hommes, à leur tromperie vile et à leurs jeux destructeurs. L'anneau qu'il portait à sa main gauche ne pouvait pas le tromper. Si mensonge il y avait eu, le glyphe le lui aurait fait sentir. En dépit de toute l'absurdité de ce couple improbable, l'amour de cet homme était sincère et c'était tout ce qu'il désirait. Le reste n'était qu'une déception entourant une satisfaction primaire. Ce n'était pas la panacée, mais cela lui convenait.

    Il recomposa les traits de son visage dans une fermeté royale lors qu'il ouvrit les yeux et se retourna doucement vers eux. Il se racla délicatement la gorge, en croisant les bras, comme pour faire comprendre à Artane qu'il serait de bon ton qu'il se relève à présent. Il ne sut si cet homme eut enfin un éclair de génie qui lui traversa l'esprit ou si Eleonnora lui avait traduit la demande dans la pression de sa main, mais l'homme s'était finalement relevé. L'elfe s'approcha d'eux et s'adressa à sa protégée : « S'il est l'homme que désire ton cœur... » Il laissa sa phrase en suspens, comme pour jauger de ce qu'il en était pour la jeune femme. Lui-même était clairement désabusé par la situation. Artane n'aurait-il pas pu être clair depuis le début ? Il orienta son visage et son regard sur l'humain : « Alors vous avez ma bénédiction, Artane Nordan. » Son ton était d'une neutralité déconcertante, ni doux, ni cruel. Il exposait son accord, sans le moindre sourire, seulement cette même fermeté régalienne. Son attention revint sur Eleonnora. Il savait bien que ce n'était pas ce qu'elle attendait, que cette bénédiction n'était pas vraiment ce qui la mettrait pleinement en joie. Elle avait voulu lui prouver qu'Artane serait bon pour elle, pour son avenir. Même sans être subjectif, cette entrevue avait été un désastre et cette bénédiction n'était qu'une fin douce amère pour camoufler la déception paternelle dans une acceptation acquise par défaut de mieux. Mais comment pouvait-il lui objectivement lui accorder mieux ? « Je ne peux pas faire d'avantage. J'espère que tu le comprends. » Il était revenu sur sa décision et avait offert sa bénédiction. Il ne pouvait pas feinter le bonheur qu'il ne ressentait, au risque de le faire sonner faux. « Toi et moi savions que je le mettrai à l'épreuve. » N'était-ce qu'ils avaient convenu ? N'était-ce pas son rôle ? Celui de jauger ce prétendant et à Artane de lui complaire ? C'était un échec cuisant et pour autant, il avait accepté cet homme pour sa fille de cœur.

    « Toi et moi savions que je le mettrai dos au mur. » Parce qu'il était très doué pour cela. Aussi avouait-il sa faute légitime. Il avait poussé Artane à l'erreur, mais il n'était ni le premier ni le dernier à se prendre les pieds dans le tapis avec lui. Bien souvent, c'était ainsi qu'il parvenait à obtenir de la sincérité, car leur entrevue en avait manqué cruellement dès le début, lorsque le Capitaine s'était vanté de ses exploits et de ses références. Une brèche dans laquelle le bourgmestre s'était engouffré avec toute la politesse d'une conversation biaisée. « J'ignorai, en revanche, que je ne finirai qu'à peine le premier quart de mon thé avant cela. » Penchant doucement la tête sur le côté, il afficha une expression désabusée et blasée. Son propos était sans équivoque : il était déçu. Cet homme n'arrivait pas à la cheville de sa protégée. Une chance qu'il ne se soit agit 'que' de lui, Aldaron Triade : il n'aurait pas donné cher de sa peau si Artane avait tenu un pareil discours à Delimar où la rébellion envers Selenia était bien plus haineuse et viscérale qu'à Caladon. Il vint reposer ses prunelles sur l'humain et reprit d'un ton calme : « Capitaine Nordan, avant que nous nous quittions, j'aimerais vous rappeler que je ne suis qu'un homme. Mes sentiments, comme ma capacité à tout savoir, limitent mes possibilités et mes actions. Je vous prierai de m'accorder votre tolérance : au fond, je ne vous ai pas reproché d'ignorer que Selenia et l'Alliance des Cités Libres étaient en guerre il y a encore quelques mois. » Ce qui était autrement plus ridicule que d'ignorer qui avait été officiellement adoubé chevalier ou non à la Cour Sélénienne. Autrement dit : il n'avait pas à recevoir de conseils de la part d'un homme qui s'était lamentablement vautré devant lui en voulant faire le paon aristocrate. Sa place était faite à Caladon et il trouvait même presque risible qu'un vulgaire péon vienne lui donner des leçons en la matière. Pour qui se prenait-il ? Avait-il la moindre idée de ce qu'était diriger une Cité ? Alors de quoi se permettait-il de parler ? Au risque de passer pour le méchant... Il était contraint de le remettre à sa place : il était le bourgmestre de Caladon, non pas l'homme qui pouvait se laisser marcher sur les pieds par le premier venu, sans rien dire. De quoi aurait-il eu l'air ?

    Pourtant, il le faisait en douceur, et probablement qu'Eleonnora comprendrait qu'Artane n'avait pas à en rajouter une couche, au risque qu'il se montre moins clément. « Aujourd'hui, Eleonnora vous a présenté à moi parce que cela lui tenait à cœur. Parce que cela était important pour elle. Lui demander pardon est tout à votre honneur. Je n'ai ni l'orgueil ni la susceptibilité de vous réclamer d'en faire autant à mon égard. Je pensais que pour le bien-être d'Eleonnora, vous vous résoudriez à cela par vous même. Je ne peux toutefois accepter que vous insultiez ma compétence et ma clairvoyance, dans l'unique but de me mettre sur un pied d'égalité fautif avec vous. Nous ne sommes pas sur un pied d'égalité dans cette rencontre. Nous n'avions pas les mêmes enjeux ni les mêmes objectifs. Mon rôle est celui d'un père qui jauge le prétendant de sa fille. Que je vous mette en déroute et que je creuse vos affirmations oisives étaient dans mes intentions légitimes. M'insulter... N'est pas vraiment que qu'on peut appeler 'faire bonne figure'. Vous m'avez déçu et vous n'avez ma bénédiction que pour la sincérité de notre commun amour pour Eleonnora. » C'était ce qui l'avait convaincu. Autant que son affection pour sa fille de cœur lui avait fait passé outre les insultes et la catastrophe de cette entrevue. Il posa son regard sur la jeune femme et leva une main pour lui effleurer l'os de la mâchoire, dans un geste tendre. Il déposa un baiser sur le front de sa fille avant de reculer : « Si vous le voulez bien, je vais me retirer à présent. » Il avait assez perdu de son temps pour un pareil clown.

    HRP : Je t'aime Artane ♥️

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Eleonnora n'avait pas manqué de rougir au discours enflammé de son compagnon. Quel soulagement ces paroles avaient-elles été. Même si pour cela il devait perdre toute espoir de s'approprier l'estime du Bourgmestre, elle pensa que c'était mieux que de le retrouver pendu sur la place publique. Mais, finalement, peut-être que ses accès meurtriers auraient pu lui éviter les embarras que lui infligeait le capitaine. C'était le prix à payer pour s'être éprise d'une tierce personne qui n'avait la connaissance ni des manières ni des convenances en société. En particulier de la façon dont on parle à une jeune femme en présence de son père! Cette indécence assumée fit glousser la demoiselle, qui se réfugiait de son mieux derrière sa main gantée. Elle le confirmait avec plaisir, il était un vrai crétin. Pourtant cela avait l'air de lui plaire plus qu'autre chose. Il était pareil à un vent de fraîcheur, une bourrasque qui faisait s'envoler les fétus des conventions. Des fois on dit que l'amour a le pouvoir de conférer noblesse et beauté aux choses viles et ordinaires. Et elle le voyait bien, au travers du regard suffisant que son protecteur portait sur cet homme: Il n'était que le fruit de la banalité et la vulgarité humaine. On en trouvait surement mille comme lui sur les quais. On dit aussi que l'amour rend aveugle. Ainsi elle était incapable d'accuser ses erreurs. Et dès l'instant où il avait effleuré sa main, elle lui avait tout pardonné. Sous la teinte virginale qui colorait ses joues, un sourire avait détendu le visage de la demoiselle. Elle avait levé les yeux aux ciel devant tant de beaux mots et d'une pression de la main le priait de se relever afin d'écourter la gêne de son protecteur. Elle ne pouvait dissimuler le plaisir qu'être ainsi courtisée lui procurait néanmoins le but initial n'était pas de conquérir son cœur mais celui de son têtu de père. Au demeurant, il semblait que cette mission soit un échec total.  La jeune femme referma lentement ses doigts sur cette bague, qui, l'air de rien, était plus précieuse que tout ce qu'elle pouvait posséder. Encore à cause de cette bêtise qu'est l'amour. Elle trouva le courage d'affronter le regard désabusé de l'elfe, lui répondant par un sourire radieux, à s'y méprendre.  
Il aurait surement dardé le même regard froid. Il aurait surement porté les mêmes propos amères.
Le retour sur terre était quelque peu douloureux. Un poids vient accabler son esprit qui était alors tendrement aliéné par ce moment d'intimité. Décontenancée par ce revirement d'atmosphère elle lui répondit d'un ton cynique, sur la défensive.

« Vous êtes trop aimable de consentir à mes désirs. »

En lui rappelant que, quelque soit son choix, la décision finale ne lui appartiendrait jamais, c'était sans aucun doute la frustration d'une petite défaite ou d'une victoire imparfaite qui parlait.
Quelques années plus tôt elle aurait, avec insolence, soutenu le regard de son vieux père. Rebelle, elle aurait exhibé ses propres sentiments dans le seul but de provoquer un regard, une colère, une remise en question. Elle serait allée jusqu'à présenter Nolan Kohan rien que pour l'embêter. Mais la donne avait changé. Toutes ces manœuvres mesquines, digne d'une adolescente en manque d'attention n'étaient plus à l'ordre du jour. Elle aurait voulu rattraper le temps qu'elle passait à claquer les portes, à lui crier dessus, à s'enfuir et tomber amoureuse d'un malfrat. Car désormais elle savait que cela la rapprochait fatalement de ce qu'elle appréhendait le plus; La déception d'un père. Et c'est ce que lui renvoyait les émeraudes tranchants fixant tour à tour les deux amants. Elle aurait voulu lui dire à quel point son jugement était cher à ses yeux. A quel point sa considération comptait pour elle. La séparation de ce souvenir était encore difficile autant que la dissociation entre lui et l'elfe qui avait prit sa place.

Devant lui, pour ne pas s'enfoncer dans cette cuisante défaite qui n'était en vérité une victoire pour personne, la jeune Ostiz taira le doute qui commençait à germer en elle. Ses propres sentiments la déshonorait. Elle se demandait alors si elle serait, à l'avenir, capable de soutenir ce regard méprisable à chaque fois qu'elle se présenterait au bras de son bien aimé. Elle ne pouvait blâmer Artane pour sa maladresse attendrissante. Elle ne pouvait blâmer Aldaron pour pointer ses défauts. La seule personne à blâmer ici était, elle, elle et encore elle! Avec amertume, elle se rendit compte que sa première erreur en mettant les pieds ici était de se croire externe au conflit des deux hommes. Elle en ressortirait de cette entrevue bien plus blessée que n'importe lequel des deux. De voir l'elfe délibérément réprimander son compagnon la couvrait de honte autant pour l'un que pour l'autre. Elle lutta pour préserver son masque de fierté, détournant le regard à l'approche de son père, qui déposait un baiser sur son front. Puis elle le regarda tourner les talons sans autre forme de procès.  

« Mais c'est pas vrai! »

Un fracas, à la hauteur de la force d'une demoiselle, se fit entendre. Laissant son aigreur parler, elle avait ponctué ses paroles d'un poing sur la table lustrée, faisant au passage sursauter la servante qui s'approchait pour desservir le thé. Elle maîtrisait bien moins son irritation que le Bourgmestre. Comment pouvait-elle être heureuse devant une déception paternelle aussi palpable? Sa main lui lançait douloureusement depuis son contact avec l'ébène. Cette entrevue était surement la pire décision qu'elle n'avait jamais prise. De quoi lui faire regretter d'être transparente et honnête. En particulier si elle misait dessus des choses comme son bonheur.
Sans un regard pour son amant elle s'en alla telle une furie, provoquant le plus de boucan possible sur son passage. Elle aboya furieusement sur la domestique qui avait le malheur de lui tendre sa cape et claqua la porte avec rage. Elle était très mauvaise perdante. Une fois sur le pas de la porte, elle retourna un regard noir vers l'homme qui avait eu le génie ou la folie de la suivre. En apercevant son expression elle se rendit vite compte qu'elle s'était peut-être, rien qu'un peu, emportée. Ce n'était pas à lui qu'elle en voulait, pas à l'elfe non plus d'ailleurs, alors il était idiot de se défouler sur cet imbécile heureux. Elle soupira et croisa les bras sur sa poitrine d'un air résigné.

« Je t'avais pourtant prévenu idiot...Ma famille ne comporte pas d'enfant de chœur. Que ce soit Aldaron Leweïnra ou Crissolorio Ostiz, tu n'es pas parti du bon pied pour être le gendre parfait...Après il s'attendait à quoi ce vieux...» Elle laissa sa phrase en suspend, tentant de prendre un peu plus sur elle. Ce n'était pas les manières d'une dame voyons! « Artane...je ne t'ai pas défendu comme il se le devait, excuses en moi; Cependant tu auras compris que j'entretiens pour celui qui tient une place de père dans mon coeur, un grand respect. Aussi, son jugement me tient plus à coeur que n'importe qui d'autre. N'importe qui d'autre à part peut-être toi. » Elle détourna un visage gêné du regard de son interlocuteur. « Car, par des machinations que je ne pourrait expliquer, mon coeur n'obéit plus à ma raison. Je crois...que je suis éprise de toi. » Ces mots sortaient de sa bouche comme si cela relevait d'une indéniable fatalité. Le Bourgmestre avait une fois de plus sut pointer sa faiblesse. Il était sa faiblesse. Pourra t-il être sa force?

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Le temps qui s'écoulait après la fin de sa déclaration sincère et haute en sentiments paraissait être interminable. Artane savait qu'il s'était mis en avant, sans espoir de fuite ou d'esquive si jamais les choses prenaient un tournant final. Et comme pour espérer, il gardait son regard plongé dans celui de sa bien-aimée. Mais le supplice ne fut que de très courte durée, même s'il n'en donnait pas cette première impression. Un raclement de gorge brisa ce poids invisible. Le capitaine avait porté son regard sur Aldaron, comprenant le sens caché de ce simple son. En même temps, il était fort possible que Eléonnora lui ait serré la main pour lui demander de se redresser. Il se releva donc et le Bourgmestre s'était rapproché d'eux.

Artane demeura silencieux, essayant de paraître le moins tendu que possible. Y arrivait-il seulement ? En attendant, l'Elfe s'approcha et fit une brève entrée à laquelle on ne pouvait guère s'attendre en fait : Il accordait sa bénédiction. Par contre, quand il conversa après coup avec Eléonnora, Artane sentit le poids de son remords dans son propre coeur. A cause de lui, la jeune femme était dans une position délicate vis à vis de son père adoptif. Il n'imaginait que trop ce qu'elle était en train de ressentir en ce moment, après ce fiasco.

Aldaron revint sur Artane, pour la suite de ce qu'il avait à énoncer. A travers ces mots, l'humaine comprenait très bien les sous-entendus et se garda d'ouvrir sa bouche. Il avait fait assez de mal comme cela pour jouer encore de cette arrogance qu'il n'avait pas su contrôler. Le Bourgmestre le remettait à sa place, malgré la bénédiction qu'il lui avait offert. Artane n'était qu'un humaine, un simple nanti parmi les modestes, et qu'il ne devait pas chercher à affronter plus haut que lui... Voilà une partie du message qu'il fallait comprendre. Ca et bien d'autres choses dans lesquelles Artane avait un peu perdu la main depuis qu'il était devenu un combattant dans la rébellion contre le Tyran Blanc, depuis qu'il avait commencé à prendre une voie un peu moins illégal. Et loà, il se rendait compte de ce qu'il avait perdu... mais le prix en valait la peine... Bien plus qu'un simple prix d'ailleurs. Même s'il s'était vautré en beauté, au détriment malheureusement de sa belle Eléonnora, il savait que ce qu'il avait perdu n'était rien par rapport à ce qu'il avait obtenu depuis la fin de l'exode, depuis qu'il avait retrouvé la jeune femme.

Aldaron tourna les talons, pour se retirer ; comme il l'avait dit.

''Messire, attendez. ''

Au moins, si Aldaron permettait à l'humain de s'exprimer...

''Je ne suis aussi, un simple homme, humain de surcroît. Ce qui est fait est fait et ne pourra pas changer. Mais Je tiens à m'excuser de mon attitude et de mon comportement à votre égard. . ''

Le mal était fait. Le Bourgmestre s'était déjà fait une idée sur sa personne. Mais l'essentiel était que...Sa pensée fut stoppée net par le coup de poing d'Eléonnora sur la table, avec une exclamation assez vive. Sans rien attendre de plus, la jeune femme s'en retourna et alla vers la sortie, engueulant au passage le malheureux domestique qui s'était empressé de prendre et préparer son manteau.

''Eleonnora ! ''

Sans une ni deux, Artane n'était pas resté planté sur ses pieds, s'étant précipité à sa poursuite. Quand il la rejoignit, elle était sur le palier de la porte, lui faisait dos. Il ne sut quoi faire, de peur de la contrarier plus encore. Et quand elle se tourna pour lui jeter un regard noir comme jamais il n'en avait vu chez elle, il fut un peu démuni sur comment réagir et quoi penser. La peur de rajouter une couche douloureuse dans le coeur de la jeune femme ? Sans doute était-ce cela qu'il redoutait. Il l'avait déjà blessé et sérieusement. En même temps, peut être que cela venait du fait qu'il n'avait jamais eu de père... Il venait d'en prendre conscience et rien que ce grain de sable avait fait foirer tout l'engrenage, mettant à mal sa bien-aimée en l'emprisonnant dedans.

Quand elle eut fini de parler, Artane la regardait toujours. Il fit un sourire désolé et posa sa paume chaude sur la joue fraîche de la jeune femme.

''S'il y a une personne qui doit s'en vouloir de tout ce désastre, c'est moi. Je pensais être à la hauteur des exigences attendues et je me suis bien loupé. Ne t'en veux pas. Et tu n'as pas à t'excuser auprès de moi. Tu étais pris entre deux hommes que ton coeur aime de toute sa force. Comment réussir à unir les deux sans que les deux souffrent ? Surtout quand l'un d'eux est un grand nigaud qui pensait jouer le malin. Au lieu de te faire honneur, j'ai enfoncé une longue dague bien douloureuse...Nul besoin d'être aveugle pour voir que ton père t'aime et se fait un tel soucis pour toi. Surtout, ne crois pas qu'il cessera de t'aimer pour autant...''

Si les mots d'Aldaron étaient exactes, de ce qu'il avait dit tout à l'heure, alors il aura toujours le même désir de protéger sa fille et le même amour. Il porta sa seconde paume à la seconde joue de le jeune femme.

''Et que tu sois éprise de moi ne fait pas de toi une femme affaiblie par ce sentiment. Tu es une femme comme on en rencontre rarement Eleonnora Ostiz. Tu sais mieux contrôler ta raison que tu ne pourrais le croire, même si ton coeur te pousse énormément à agir par les émotions et par la sagesse de tes pensées. Tu sais bien plus concilier les deux que tu ne l'imagines. Je t'aime Eleonnora...Je suis prêt à tout pour pas te voir souffrir. ''

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    Consentir à ses désirs ? Était-ce vraiment ce qu'elle désirait, au fond ? Ce fiasco ? Il en doutait et même d'amertume, il ne pouvait lui offrir une autre issue à cette entrevue. Il fronça sensiblement les sourcils à la phrase lâchée au hasard, sur la défensive. A moins que... Jouait-elle les rebelles avec lui ? L'enfant effrontée qui bravait les décisions paternelles ? Croyait-elle qu'elle aurait pu passer outre son autorité ? Quelle naïve innocence. Si ses doutes avaient été confirmés au sujet du double-jeu d'Artane pour le compte des Kohan, il aurait fait en sorte que cet homme disparaisse du champ de vision de sa protégée. Parfois il fallait faire des choses pour remédier aux défaillances du cœur. Car le cœur était trop faible pour entendre la raison. Aldaron l'aurait entendu pour elle, aussi cruel dusse-il être. Morneflamme n'avait pas fait de lui un enfant de chœur.

    Pour autant, par ces mots, il se retrouvait plongé, comme les deux amants, dans la défaite. L'image pure venait de se fêler et l'éclat de la brisure lui semblait aussi évident que le nez au milieu de la figure. Le regard qu'il portait sur sa fille de cœur, alors que celle-ci évitait son regard ne fit que se marquer de l'insatisfaction qui étreignait son cœur. Puis il se détourna et son geste fut suspendu à mi-chemin. A demi tourné, il toisait l'homme en silence, jaugeant son propos méticuleusement. Son regard s'orienta vers Eleonnora qui perdait patience. Ah... Les éclats de la jeunesse. Il leva une main pour la poser délicatement sur l'épaule d'Artane, avant de lui octroyer un geste de compassion. Il lui souhaitait bien du courage. Peut-être.... Que le cœur bouillonnant de sa protégée serait être d'une punition à la hauteur de l'apprentissage qu'Artane nécessitait. Oui... Au fond, tout n'était pas perdu. Il le salua d'un signe de tête, avant de les regarder tout deux quitter son salon.

    Le silence retombait dans la pièce, après l'agitation. Son regard d'émeraude, las, se levait vers la haute silhouette qui approchait et dont le bruit des pas sur le parquet avait indéniablement attiré son attention. Le cœur avait ses défaillances et le sien n'était pas plus épargné par ces tourments, quand bien même il aurait voulu s'en préserver... A moins que ce ne soit ses traits, inculqués par Morneflamme, qui ne veuillent l'éloigner de sa clé. Si Ivanyr était la réponse à son errance ? S'il était la main qui saurait recoudre les lambeaux de sa vie ? L'elfe détourna le regard et s'en fut dans le hall d'entrée où on s'affaira à le couvrir de sa cape et à la lisser avec soin. La prison du Tyran Blanc avait été une école aux méthodes radicales qui ne laissaient pas la place à la faiblesse, l'amour pour venin suprême. Et plus on était haut dans les sphères de la société et plus le tranchant de la lame du bourreau était affûté. L'amour, c'était bien pour sa fille, sa protégée. Lui... Lui, il s'occuperait du bourreau qui tournait autour d'elle. Le Marché Noir avait toujours été l'ombre bienfaitrice qui couvait de beaux projets. Et le Marché Noir, c'était lui.

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