Caladon la Revenante, voilà un nom qui n'engageait pas réellement à s'y aventurer et pourtant, derrière la marée de voiles blanches ou encore les hauteurs étourdissantes des murailles, se cachait une véritable merveille de culture et de commerce. Les rues pavées s'étendaient en un réseau complexe qui naissait d'une grande artère pour se ramifier ensuite jusqu'en ruelles étroites et étouffantes. Tel un arbre majestueux, son tronc s'ancrait solidement dans la volonté commune d'un peuple déraciné qui émergeait au vœux collectif d'un nouveau départ, d'une prospérité inégalée. Dominant ce joyaux d'humanité cosmopolite, un ciel d'un bleu limpide paraissait si haut, si pur, tel une coupe de lapis-lazuli où seuls les mouettes et goélands jouaient les éclats furtifs de sa robe intense lorsque leurs plumes captaient les rayons d'un soleil engorgé malgré ses passages de plus en plus déclinants. Et bien plus bas, parcourant les branches pavées de la cité, quelques milliers d'hommes et de femmes fourmillaient en tout sens ; certains travaillaient depuis les quais jusqu'aux places bondées, courbés sous le poids des paniers et des caisses de marchandises tandis que d'autres tenaient les échoppes qui fleurissaient sur les trottoirs, appelant aux badauds d'approcher leurs étales, puis venaient ceux qui se baladaient simplement au rythme de leurs envies, nez en l'air et sourire appréciateur aux lèvres. La cacophonie était constante par ces centaines de conversations, de disputes ou de rires qui rebondissaient ensuite sur les murs de la cité comme autant de billes discordantes. Pour autant, elles formaient un son étrangement envoûtant, presque rassurant tant il finissait en une mélopée qui appelait à la vie, hymne à l’exubérance, l'espoir et l'unité après toutes ces épreuves.
Malheureusement, au regard extérieur d'un peuple stigmatisé par ses anciennes défaites, Caladon paraissait brouillonne, voire angoissante. À plus forte raison lorsque les orbes qui miraient l'artère principale venaient d'une contrée froide, n'ayant ni frontières ni limites en ses plaines de gel et de neige. La symétrie des constructions agressait l'esprit du contemplateur habitué à l'absence de géométrie chez les instables créations de la nature, tandis que la profusion de sons affolait ses sens au même titre que toutes les odeurs qui lui parvenaient par ressacs râpeux. Telle une manticore, Caladon était la création folle de plusieurs peuples opposés, créature recousue maladroitement, elle lui soufflait ses relents d'épices, de sueurs, de graisse de cuisine, de matières fécales et d'urine en un souffle lourd et écœurant. Les hautes façades retenaient l'iode de la mer, mais aussi les poissons cuits par le soleil et rongés par les mouches sur les étales en contrebas tandis qu'en hauteur se trouvait la viande parfois faisandée de quelques boucheries présentées à l'ombre des voiles tendues par delà les têtes, réseau bigarré de recyclages de navires échoués. À cela s'ajoutait une surpopulation effarante : tant de visages et de cœurs qui battaient à l'unisson, tant de dangers à peine effleurés et tant de possibilités à saisir que le graärh sentait son cœur s'emballer. Pupilles dilatées, narines frémissantes et griffes plantées dans les replis de sa cape, sa longue queue avait quasiment doublée de volume tant sa fourrure se hérissait d'appréhension. Plaqué à la porte vermoulue d'une petite maison au porche ré-haussé par quelques marches salvatrices, l'herboriste s'était perché là pour échapper à la vague constante de la foule et s'offrir quelques minutes pour calmer ses angoisses.
Tambour carmin battant sous les côtes, gorge serrée et gueule sèche, il vint ployer ses postérieurs en une posture massée. Mains sur les genoux et extrémité de la queue mordue à pleine gueule, il ferma les yeux et entama un exercice de longues et profondes respirations afin de retrouver un certain contrôle. Lui qui avait confronté Ivanyr afin qu'il reste au port à l'attendre, espérant le préserver de tout l'afflux de nouveautés, le voilà bien avancé ! Il éprouvait une violente nausée de même qu'un fond de migraine alors qu'il avait l'impression d'avoir le souffle de tous ces gens grouillant jusque sous sa peau. Après de longues minutes à méditer, Purnendu redressa subitement les oreilles lorsqu'il entendit un groupe d'étrangers passer non loin de sa cachette. Si quasiment rien ne les différenciait du reste de la populace, l'absence d'odeur corporelle et de battements de cœurs trahissaient leur condition anormale aux sens aiguisés du grand fauve. Ouvrant les yeux, il riva ses orbes d'absinthe sur les vampires qui flânaient de ci et de là sans qu'aucun de ses muscles ne frémissent à la nouvelle tension qui l'habitait. Entrouvrant la mâchoire, il laissa la queue ondoyer jusqu'au sol et changea lentement de posture. A celle défensive de tantôt, il adopta un maintient beaucoup plus prédateur et roula bientôt des épaules, accompagné d'un frémissement excité des moustaches. Voilà exactement ce qu'il lui fallait ! Ces créatures mort-vivant sauraient très probablement le renseigner vue combien elles semblaient prolixes durant leur ballade. Venaient-elles de Nyn-Tiamat ou encore de plus loin sur les îles ? Leurs aventures devaient être riches et obtenir des réponses, aisé. Ses babines se retroussèrent d'un sourire satisfait alors qu'il déployait souplement sa haute silhouette pour bondir au bas des marches et fendre aussitôt le flot épais de circulation pour rejoindre ses proies.
Sa franche approche ne passa pas inaperçue et avant qu'il ne comprenne réellement la chose, une situation qui aurait dû rester en toute courtoisie termina en un pugilat aisément dominé par le graärh. Sa patience inébranlable en temps normal venait d'être mise à bas par quelques moqueries. Était-ce dû au passé commun et conflictuel des deux races ou simplement sur un malentendu, mais l'un des jeunes vampires se retrouva à faire un sublime vol plané au travers de la petite place sur laquelle ils se trouvaient, en bordure de l'artère principale. Il s'écrasa tête la première aux pieds d'un elfe escorté par deux gardes aux couleurs de la Revenante. Sonné par le choc, il resta nez dans la poussière à pousser quelques plaintes inarticulées avant qu'une immense ombre ne se projette sur le groupe infortuné. Purnendu avait déployé l'aura intimidante de son esprit-lié l’hippopotame et depuis ses 2 mètres 10, il paraissait encore plus grand et massif. Sa fourrure grise et beige s'était hérissée alors que sa puissante musculature gonflait son armure et qu'un puissant feulement sourd s'échappait en continu de son large poitrail. Sa queue balayait furieusement l'air derrière lui alors que ses mains aux griffes acérées se tendaient pour attraper le vampire au sol afin de le relever sans douceur et le mettre de force sur ses pieds. Malgré toute cette démonstration d'hostilité, le graärh n'avait ni révélé ses crocs ni équipé les armes qui ceignaient ses hanches. Son regard n'était que deux puits d'encres bordés d'un anneau au vert malsain, brûlant d'une haine profonde et vivace qui, pour autant, s'estompa dès qu'il remarqua la présence de l'elfe et de son escorte sur la défensive. Ses yeux s'adoucirent, puis se lustrèrent de cynisme tandis qu'un vague sourire amusé ourlait les babines du fauve. D'une main, il tenta de défroisser le vampire toujours sonné avec quelques petites tapes désabusées sur ses vêtements crottés alors qu'il prenait la parole d'une voix profonde, rauque et lacée d'un flegme taquin.
- Mes excuses, elfe. J'ai mal jaugé de ma force. Après avoir constaté le nombre de couches que tenait celui-là, je l'aurais cru bien plus lourd à lancer… Tu n'as rien ?
Son aura reflua et il sembla lui-même se masser en une posture moins impressionnante. Une part de sa tension le quitta même s'il resta sur le qui-vive avec l'approche des trois autres vampire qui, eux aussi, paraissaient un peu froissés. Purnendu les surveilla du coin de l’œil, mais son intérêt resta principalement tourné sur les trois nouveaux arrivants embarqués bien malgré eux dans cette histoire. Les vampires récupérèrent leur compagnon d'infortune et si le graärh sembla récalcitrant à lâcher sa proie, il finit par plier de mauvaise grâce en prétextant s'inquiéter pour lui.
- C'est que j'ai peut-être endommagé son oreille interne…
Expliqua-t-il avec une nonchalance accompagnée d'un petit gonflement de babines boudeur. Il croisa ensuite les bras et enroula son interminable queue autour de ses jarrets pour attendre confortablement la suite. Les étrangers malmenés commencèrent alors à se plaindre, réclamant que l'animal soit saisi puis jeté aux fers alors qu'eux méritaient compensation à se faire agresser de la sorte en plein jour, au cœur même de Caladon. Plus d'une fois l'herboriste roula des yeux avec exagération, quelques soupirs échappant à sa truffe en une note à la patience de nouveau éprouvée. Pour autant il ne chercha pas à les interrompre et attendit sagement que son tour de parole débute, persuadé que le droit aussi primaire de s'exprimer ne lui serait pas refusé en cette ville qui se prétendait avant-gardiste et égalitaire sur les droits de tout un chacun.
Dernière édition par Purnendu Chikitsak le Sam 28 Avr 2018 - 11:56, édité 1 fois
Malheureusement, au regard extérieur d'un peuple stigmatisé par ses anciennes défaites, Caladon paraissait brouillonne, voire angoissante. À plus forte raison lorsque les orbes qui miraient l'artère principale venaient d'une contrée froide, n'ayant ni frontières ni limites en ses plaines de gel et de neige. La symétrie des constructions agressait l'esprit du contemplateur habitué à l'absence de géométrie chez les instables créations de la nature, tandis que la profusion de sons affolait ses sens au même titre que toutes les odeurs qui lui parvenaient par ressacs râpeux. Telle une manticore, Caladon était la création folle de plusieurs peuples opposés, créature recousue maladroitement, elle lui soufflait ses relents d'épices, de sueurs, de graisse de cuisine, de matières fécales et d'urine en un souffle lourd et écœurant. Les hautes façades retenaient l'iode de la mer, mais aussi les poissons cuits par le soleil et rongés par les mouches sur les étales en contrebas tandis qu'en hauteur se trouvait la viande parfois faisandée de quelques boucheries présentées à l'ombre des voiles tendues par delà les têtes, réseau bigarré de recyclages de navires échoués. À cela s'ajoutait une surpopulation effarante : tant de visages et de cœurs qui battaient à l'unisson, tant de dangers à peine effleurés et tant de possibilités à saisir que le graärh sentait son cœur s'emballer. Pupilles dilatées, narines frémissantes et griffes plantées dans les replis de sa cape, sa longue queue avait quasiment doublée de volume tant sa fourrure se hérissait d'appréhension. Plaqué à la porte vermoulue d'une petite maison au porche ré-haussé par quelques marches salvatrices, l'herboriste s'était perché là pour échapper à la vague constante de la foule et s'offrir quelques minutes pour calmer ses angoisses.
Tambour carmin battant sous les côtes, gorge serrée et gueule sèche, il vint ployer ses postérieurs en une posture massée. Mains sur les genoux et extrémité de la queue mordue à pleine gueule, il ferma les yeux et entama un exercice de longues et profondes respirations afin de retrouver un certain contrôle. Lui qui avait confronté Ivanyr afin qu'il reste au port à l'attendre, espérant le préserver de tout l'afflux de nouveautés, le voilà bien avancé ! Il éprouvait une violente nausée de même qu'un fond de migraine alors qu'il avait l'impression d'avoir le souffle de tous ces gens grouillant jusque sous sa peau. Après de longues minutes à méditer, Purnendu redressa subitement les oreilles lorsqu'il entendit un groupe d'étrangers passer non loin de sa cachette. Si quasiment rien ne les différenciait du reste de la populace, l'absence d'odeur corporelle et de battements de cœurs trahissaient leur condition anormale aux sens aiguisés du grand fauve. Ouvrant les yeux, il riva ses orbes d'absinthe sur les vampires qui flânaient de ci et de là sans qu'aucun de ses muscles ne frémissent à la nouvelle tension qui l'habitait. Entrouvrant la mâchoire, il laissa la queue ondoyer jusqu'au sol et changea lentement de posture. A celle défensive de tantôt, il adopta un maintient beaucoup plus prédateur et roula bientôt des épaules, accompagné d'un frémissement excité des moustaches. Voilà exactement ce qu'il lui fallait ! Ces créatures mort-vivant sauraient très probablement le renseigner vue combien elles semblaient prolixes durant leur ballade. Venaient-elles de Nyn-Tiamat ou encore de plus loin sur les îles ? Leurs aventures devaient être riches et obtenir des réponses, aisé. Ses babines se retroussèrent d'un sourire satisfait alors qu'il déployait souplement sa haute silhouette pour bondir au bas des marches et fendre aussitôt le flot épais de circulation pour rejoindre ses proies.
Sa franche approche ne passa pas inaperçue et avant qu'il ne comprenne réellement la chose, une situation qui aurait dû rester en toute courtoisie termina en un pugilat aisément dominé par le graärh. Sa patience inébranlable en temps normal venait d'être mise à bas par quelques moqueries. Était-ce dû au passé commun et conflictuel des deux races ou simplement sur un malentendu, mais l'un des jeunes vampires se retrouva à faire un sublime vol plané au travers de la petite place sur laquelle ils se trouvaient, en bordure de l'artère principale. Il s'écrasa tête la première aux pieds d'un elfe escorté par deux gardes aux couleurs de la Revenante. Sonné par le choc, il resta nez dans la poussière à pousser quelques plaintes inarticulées avant qu'une immense ombre ne se projette sur le groupe infortuné. Purnendu avait déployé l'aura intimidante de son esprit-lié l’hippopotame et depuis ses 2 mètres 10, il paraissait encore plus grand et massif. Sa fourrure grise et beige s'était hérissée alors que sa puissante musculature gonflait son armure et qu'un puissant feulement sourd s'échappait en continu de son large poitrail. Sa queue balayait furieusement l'air derrière lui alors que ses mains aux griffes acérées se tendaient pour attraper le vampire au sol afin de le relever sans douceur et le mettre de force sur ses pieds. Malgré toute cette démonstration d'hostilité, le graärh n'avait ni révélé ses crocs ni équipé les armes qui ceignaient ses hanches. Son regard n'était que deux puits d'encres bordés d'un anneau au vert malsain, brûlant d'une haine profonde et vivace qui, pour autant, s'estompa dès qu'il remarqua la présence de l'elfe et de son escorte sur la défensive. Ses yeux s'adoucirent, puis se lustrèrent de cynisme tandis qu'un vague sourire amusé ourlait les babines du fauve. D'une main, il tenta de défroisser le vampire toujours sonné avec quelques petites tapes désabusées sur ses vêtements crottés alors qu'il prenait la parole d'une voix profonde, rauque et lacée d'un flegme taquin.
- Mes excuses, elfe. J'ai mal jaugé de ma force. Après avoir constaté le nombre de couches que tenait celui-là, je l'aurais cru bien plus lourd à lancer… Tu n'as rien ?
Son aura reflua et il sembla lui-même se masser en une posture moins impressionnante. Une part de sa tension le quitta même s'il resta sur le qui-vive avec l'approche des trois autres vampire qui, eux aussi, paraissaient un peu froissés. Purnendu les surveilla du coin de l’œil, mais son intérêt resta principalement tourné sur les trois nouveaux arrivants embarqués bien malgré eux dans cette histoire. Les vampires récupérèrent leur compagnon d'infortune et si le graärh sembla récalcitrant à lâcher sa proie, il finit par plier de mauvaise grâce en prétextant s'inquiéter pour lui.
- C'est que j'ai peut-être endommagé son oreille interne…
Expliqua-t-il avec une nonchalance accompagnée d'un petit gonflement de babines boudeur. Il croisa ensuite les bras et enroula son interminable queue autour de ses jarrets pour attendre confortablement la suite. Les étrangers malmenés commencèrent alors à se plaindre, réclamant que l'animal soit saisi puis jeté aux fers alors qu'eux méritaient compensation à se faire agresser de la sorte en plein jour, au cœur même de Caladon. Plus d'une fois l'herboriste roula des yeux avec exagération, quelques soupirs échappant à sa truffe en une note à la patience de nouveau éprouvée. Pour autant il ne chercha pas à les interrompre et attendit sagement que son tour de parole débute, persuadé que le droit aussi primaire de s'exprimer ne lui serait pas refusé en cette ville qui se prétendait avant-gardiste et égalitaire sur les droits de tout un chacun.
Dernière édition par Purnendu Chikitsak le Sam 28 Avr 2018 - 11:56, édité 1 fois