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descriptionQui veut la paix prépare la guerre [Eleonnora et Autone] EmptyQui veut la paix prépare la guerre [Eleonnora et Autone]

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    Matin du 4 Novembre 1762, lendemain de la catastrophe de Cordont

    « Moi, Bourgmestre de la Cité Libre de Caladon, ordonne l'annexion de Cordont la Protégée au territoire de la Revenante. »

    La phrase était tombée comme un couperet, résonnant en écho, dans la caverne. On pouvait s'insurger, on pouvait crier. A l'heure actuelle, les mercenaires présents au lendemain de la catastrophe auraient tôt fait de réduire au silence les bellicistes de Selenia, s'ils osaient montrer les crocs. Quant aux rescapés de Cordont, Aldaron les avait tout bonnement achetés. Des terres à Caladon, l'opportunité de se reconstruire après une telle catastrophe étaient la proposition salvatrice qu'il leur avait accordée pour s'éviter des heurts. Son temps devenait précieux et il savait qu'il tirerait sur la corde sensible de son corps fragilisé par son séjour à Morneflamme. Il n'avait toutefois pas le choix. Dans les prochains jours, il ne serait plus Aldaron. Il serait son rôle, le dirigeant de la Cité Libre de Caladon. Ni plus ni moins que cela et c'était déjà beaucoup.

    Peu après son annonce, il s'était de nouveau isolé. Nolan Kohan ne devrait plus tarder à arriver. Sans doute aucun, l'Empereur irait consulter les siens, en particulier Luna qui serait sur place au moment de la catastrophe et de l'annonce d'Aldaron, pour comprendre l'enjeu qui lui tombait dessus si brutalement. Cela lui laissait le temps de se projeter à Caladon pour retrouver celle à qui il avait laissé les rênes de la ville, pour voir comment elle s'en sortait et surtout... Prévoir la conduite à tenir face à Nolan. L'elfe ferma les yeux, dissipa les bruits des alentours pour le silence le plus complet. La transe vint quelques minutes plus tard et avec elle, l’opportunité qui était la sienne d'être ce passeur d’antan *.

    Dans un lent fondu, la silhouette du Bourgmestre se dessina au côtés de sa protégée, en nuances de gris avant qu'il ne prenne des couleurs et une consistance tout à fait matérielle. Ses prunelles d'un vert forestier portaient en elles une fermeté régalienne, teintée, dans le fond, d'une fatigue latente qui commençait à le tenailler. Une fatigue qui n'était pas prête de s'améliorer pour les jours à venir. Il allait falloir qu'il se plonge en transe pour récupérer d'avantage d'énergie que ses maigres heures de sommeil allaient pouvoir lui procurer, afin de ne pas défaillir. « N'aies craintes, ce n'est que moi. » Rares étaient les personnes qui connaissaient ce sort personnel qu'il avait forgé au temps du Protectorat et de la Théocratie. Quelques têtes du Marché Noir et Seö. Il n'en parlait guère, comme de nombreux autres secrets. Ainsi parvenait-il à garder un atout dans sa manche. La protégée était dans son salon, à prendre un petit déjeuner. Son regard coula sur Autone qui était également présente. C'était parfait, il n'aurait pas besoin de faire une seconde projection pour la trouver.

    Il arqua un sourcil en constatant les vêtements de voyage de la jeune rousse : « Tu vas quelque part ? » Le bateau ne devait probablement pas tarder à partir. Il trouvait touchant que la veuve vienne apporter son soutien à Eleonnora. A moins qu'elle n'était là que pour l'avertir de son départ. Un fin sourire lui marqua les lèvres en douceur : « Oh, je vois. » Il ne lui avait pas fallu longtemps pour comprendre qu'elle devait être en proie à l'appel de Cordont. Ce qui allait s'y produire risquait de virer à la guerre ou aux tensions. Aux yeux du Bourgmestre, cela était inévitable. « Je n'ai que peu de temps. Être ici me coûte. Je viens d'annoncer l'annexion de Cordont à Caladon. Nolan Kohan ne devrait plus tarder à arriver et... Je crois qu'une discussion sera inéluctable eu égard de la situation. A moins qu'il n'ait la salvatrice sottise d'ignorer ce qui s'y trame... Mais j'en doute. » Il poussa un soupir avant de trouver un fauteuil où s'asseoir. Il observa les deux jeunes femmes alternativement. Laquelle des deux allait vider son sac en premier ?



    *
    Sort Unique :

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Elle était restée de marbre devant le conseil, alors que l’annonce la faisait bouiller de l’intérieur. Pourquoi, était le mot qui brûlait réellement en elle. Le discours de paix qu’il avait tenu n’était-il que mensonges? Elle avait tout risqué pour le soutenir, afin que le conflit prenne fin lorsque Caladon serait indépendante. S’il déclarait la guerre une nouvelle fois, ses efforts étaient en vain. Elle savait quelque part que si le conflit éclatait à nouveau, elle n’aurait plus jamais foi en la possibilité d’une paix.

Puis elle avait envoyé un oiseau au corbeau. Elle était rentrée chez elle et elle s’était préparée. Elle avait vu ses enfants et s’est demandé un instant si elle n’était pas une mauvaise mère, à fuir ainsi sans rester près d’eux comme priorité. C’est Satie qui l’avait entendu remuer son équipement. Ne le faisait-elle pas pour eux?

Autone s’arrêta un moment en regardant ses armes. Pourquoi fallait-il toujours faire verser le sang? C’est ce que Matis aurait fait. C’est ce qui l’avait tué mais c’est aussi la partie de lui qu’elle avait aimé. Il se battait pour ce qu’il croyait être bien. Et puis il avait cessé de choisir ses combats, ce n’était plus que des combats.

C’était des guérisseurs dont le Bourgmestre avait besoin. Elle n’allait pas se jeter au front, ou se battre contre des soldats.

***

Elle n’avait pas vraiment averti sa collègue avant de se rendre à sa résidence. Autone resta debout devant Eleonnora, qui était assise dans la salle à manger. Elle lui expliqua qu’elle quittait pour Cordon, entre autres pour répondre à l’appel de guérisseur de Aldaron. Elle n’était pas devenue conseillère pour rester confortable quand les gens étaient dans le besoin après tout. Le rossignol portait ses vêtements de voyages, de bonnes bottes, ses cheveux étaient attachés de manière pratique et son sac était plein. Toujours entièrement en noir.

Autone se pencha devant Eleonnora, accroupie, mais sans poser les genoux à terre.

« J’aurais aimé rester pour vous aider. La présence d’Aldaron me rassurait sur votre sécurité. Et je sais que vous me direz que vous êtes plus forte que je ne le crois. Mais Eleonnora, même le blanc, seul et sans alliés, est vulnérable. »
Elle lui prit les mains.

« Votre père avait des ennemis. Aux yeux de certains, les ennemis de votre famille sont les vôtres, bien que ce soit injuste. Le peuple de Gloria n’a pas apprécié être privé de sa culture, de sa magie quand Fabius s’est allié aux serviteurs du néant. Entre Fabius et la théocratie …
Si quelqu’un vous veut du mal, l’absence de votre allié le plus haut placé sera le moment idéal pour vous atteindre. »


Elle glissa dans les mains de la jeune femme, un anneau doré*, puis les relâcha avant de se relever.

« J’aurais voulu vous défendre moi-même. J’ai appelé un ancien ami à venir à Caladon. Il a prêté sa lame à ma famille, il protègera donc les Falkire d’abord, mais je lui ai demandé de garder un œil sur vous. C’est un anneau des murmures. Si vous avez besoin de conseil, si vous êtes en danger ou quoi que ce soit d’autre, n’hésitez pas à entrer en contact avec moi. »

Eleonnora n’eût pas le temps de lui répondre car la projection d’Aldaron apparut dans la pièce. Autone sursauta légèrement mais bien qu’elle ne sût pas que le bourgmestre sache utiliser un sort pareil, elle n’était pas étonnée de côtoyer la magie.

« Mais pourquoi? Il y a eu traité, pourquoi provoquer l’empire? Je croyais que vous vouliez la paix entre Selenia et les citées libres. »

À vrai dire, cela la rendait nerveuse, sa plus grande peur était de voir Caladon tenter de conquérir Selenia.

« Allez vous être flexible dans votre intervention avec Nolan Kohan? Qu’avez-vous l’intention de lui dire? »



Prêt à Eleonnora :

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Un scone copieusement tartiné de confiture dans une main, tournant une page de la gazette Caladoniennne d'une autre, Eleonnora Ostiz était attablée comme chaque matin dans le salon baigné de lumière où elle prenait un copieux petit déjeuner. Un tambourinement se fit entendre depuis l'entrée.Apparement il n'y avait pas d'horaire pour faire affaire. Sans prendre la peine de lever le nez de son article, elle avait fait signe à sa domestique d'aller ouvrir à ce matinal opportun. Il n'y avait pas grand monde qui pouvait lui rendre visite de si bon matin. Aussi, elle ne fut pas surprise de voir sa chère collègue faire irruption dans le salon. Elle daigna poser son regard sur elle, repliant dans le même temps son journal. Autone avait cette spontanéité rafraîchissante qui dénotait avec son statut de dame alors elle lui pardonnait de la visiter à des heures incongrues. De plus la demoiselle s'était habituée à ces rendez-vous spontanés depuis que les deux femmes s'étaient alliées à la tête de Caladon en l'absence du Bourgmestre. La cadette avait beau reconnaître ses propres capacités, elle n'était pas sans savoir que la chose dont elle manquait le plus était l'expérience. Avec dame Falkyre à ses côtés, elle se sentait en toute confiance face au reste du conseil. Car elle voyait bien le regard agacé que certains de ses collègues lui lançaient à l'idée qu'une fillette puisse accéder aussi facilement au siège du Bourgmestre. Néanmoins il semblait bien que la présence de sa coéquipière aujourd'hui allait changer la donne. Rien qu'en détaillant sa tenue, elle savait d'avance ce qui s'annonçait.

Elle rendit à son aînée un regard sérieux. Tout s'était tellement accéléré depuis cette catastrophe. Elle sentait que ce n'était que le début des problèmes. Surtout si dorénavant la riche citée devait reposer uniquement sur ses épaules. Le fait d'être seule sur le trône était tout à fait grisant mais elle sentait déjà le poids de la solitude au moment où la veuve lui annonçait ses plans. Jamais elle n'avait été aussi proche du pouvoir et jamais elle n'avait autant douté d'elle même. Le soutiens d'Autone à ses côté l'aidait à ne pas flancher. Serait-elle à la hauteur de sa tâche, ses dernier alliés et amis si loin d'elle? Pourtant, par fierté, elle ne laisserait pas son doute s'exprimer. S'apprêtant à rassurer la jeune femme d'un air déterminé, elle eu à peine le temps d'ouvrir la bouche qu'une apparition surgit devant elle. Par réflexe elle recula, fronçant les sourcils, alors que la silhouette du Bourgmestre, tel un fantôme sorti d'outre tombe, se dessinait lentement. Il avait plus d'un tour dans son sac cet elfe. Elle resserra le léger kimono de soie qu'elle portait négligemment sur ses épaules par soucis de pudeur. Elle était bien heureuse de le revoir mais si son protecteur avait prit la peine de dévoiler cet atout, c'est que la situation nécessitait une consultation d'urgence.Après l'annonce de son amie, elle s'attendait au pire.

Dame Falkyre fut bien plus rapide qu'elle à répondre. Eleonnora avait déjà pu constater son ressenti envers le contexte de Cordont lors du dernier conseil. Car tout le monde l'avait senti à des kilomètres cette confrontation avec Sélénia. Maintenant le tout était de savoir comment cela allait se terminer. En guerre ou en paix. Eleonnora respectait énormément le fervent pacifisme de son aînée tout autant qu'elle ne pouvait croire à une paix durable. Surtout parce qu'elle n'avait aucune sympathie pour leur voisin Sélénien. Elle était d'ailleurs bien heureuse que beaucoup au sein du conseil partageaient son avis. Elle comprenait que les plus militants soient agités par ce contexte qui relevait presque de la bataille idéologique. Toutefois elle avait, à titre personnel, bien d'autres raisons de développer une certaine rancune envers cet empire.

« Je suis d'accord avec Aut-Dame Flakyr, je ne pense pas qu'il soit malin de les provoquer...Cependant la perspective d'un conflit ne doit pas nous faire flancher. Nous devons être inflexible face à la menace, soyons clair. Je refuse que l'on pense que Caladon courbe l'échine devant la dynastie Kohan! »

Elle ne se laisserait pas berner par les Sélénien une seconde fois. Ils avaient réduit sa regrettée Gloria et son peuple à l'état de souvenir. Peu importe comment on pouvait la juger la civilisation Glorienne avait atteint des sommets dans son âge d'or...pour disparaître du jour au lendemain. Ah ça, ça les avait bien arrangé la disparition du vieux régent! Depuis quand les Kohan seraient plus légitime que les Gloriens à gouverner la moitié de l'humanité? Il n'y avait rien qui la faisait plus bouillonner intérieurement que la piétinement de la dignité d'un peuple entier, de sa famille et son nom.

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    Le corps de l'elfe, une fois assis dans le fauteuil, prit forme matérielle, progressivement, si bien qu'on pouvait tout à fait croire qu'il s'était tout bonnement téléporté depuis Cordont. Il avait une consistance physique et une aura telles celles que les deux femmes pouvaient connaître. Il posa ses deux bras sur les accoudoirs, le dos parfaitement droit malgré la fatigue. A s'y méprendre, on l'aurait pris pour un roi assis dans son trône tant il dégageait une force régalienne. Il n'était toutefois qu'un bourgmestre assis dans un fauteuil de salon chez sa fille de cœur : on était bien loin du palais de Gloria. Les observant alternativement, son regard émeraude s'arrêta sur Autone lorsque celle-ci prit la parole. Il était partagé entre déception et acceptation. Il pouvait entendre et comprendre, sa crainte était légitime. Il regrettait que sa foi en lui vienne à faiblir si facilement pour la reléguer à un temps passé. Les humains étaient tous des enfants ingrats en bout de compte. Et ils avaient la mémoire courte. Il l'avait tant appris à ses dépens, lui, l'elfe multicentenaire, que cela ne lui faisait presque plus rien. Il le constatait. Ses prunelles sérieuses coulèrent sur sa seconde protégée, celle qu'il avait mise à la tête de Caladon pendant son absence, puis revinrent se poser calmement sur Autone, ne laissant qu'un silence en première réponse. Au bout d'un instant à chercher ses mots, il répéta les propos de la jeune veuve : « Tu croyais que je voulais la paix... Dois-je comprendre à ce passé révolu que tu n'y crois plus ? Ta foi n'a pas mis plus d'un jour à se décomposer face aux obstacles, en dépit de tout ce que j'ai fait pour obtenir la paix et la préserver, depuis le début de l’insurrection de l'Alliance. » Il n'avait jamais été le genre d'homme à cacher sa déception, lorsqu'elle était là. Eleonnora le savait bien d'avantage : Aldaron était devenu un personnage dur à vivre. Pour autant, les mots crus n'étaient en rien chargés de rancune. Bien souvent, il en avait cure et avait déjà oublié.

    « Sais-tu comment j'ai obtenu la paix à Calastin en juin dernier ? » Le ton de sa question laissait entrevoir qu'il allait donner une réponse inattendue, une réponse qui sortait du pragmatisme rationnel... Et ce fut le cas : « En faisant la guerre. Lorsque les Glacernois, déracinés de leurs terres natales, ont combattu les chimères... J'étais là. Avec les Anciens et la Triade, nous sommes remontés au front pour nous battre plutôt que de fuir. Nous avons été des frères dans cette bataille, nous avons battu le fer et le sang ensemble, nous avons pleuré nos morts ensemble et nous avons vibré de rage ensemble. Caladon et Délimar sont bien dissemblables, sans quoi nous n'aurions placé qu'un seul organe directeur à la tête de l'Alliance et pour autant... Quand je me suis déplacé à l'Océanique pour amorcer l'Armistice, ils m'ont entendu. » Un soupir souleva le torse de l'elfe et il posait son regard froid et dur sur Eleonnora : « Nous, Caladon, ne désirions qu'une seule chose : notre indépendance. Nous avons toujours été attaché à notre fonctionnement propre et à notre liberté. Délimar, en revanche, a en son cœur une blessure bien plus profonde. Un peu... Comme une histoire d'amour qui aurait tourné au drame, une colère inassouvie, qui gronde comme un volcan prêt à exploser. Il leur plairait beaucoup de voir la tête de Nolan Kohan et tous ses nobles sur une pique. Calmer les bellicistes de Caladon a été un jeu d'enfant à côté de Delimar... » Il eut un sourire en coin, amusé par le souvenir : « Je vous assure que ces colosses de plus de deux mètres qui fulminent comme des taureaux... M'ont laissé plusieurs fois quelques sueurs froides, au cours des négociations. Et le pire d'entre eux était une femme. »

    Le peuple avait été, à ce moment, bien trop occupé au front ou à pleurer ses morts pour se demander comment Aldaron avait pu survivre à une pareille rencontre sans avoir été pris pour un traître à la solde des Kohans et pendu haut et court pour ce crime. Une des nombreuses choses que le dernier Triade parvenait à faire passer entre les mailles du filet, invisibles. Il observa les deux, un instant : « Que se serait-il passé, à votre avis, si je n'avais rien fait à Cordont ? » Réécrire l'histoire était plus compliqué. Lui n'avait eu, au moment opportun, qu'à imaginer la suite des événements. « Délimar n'attend que ce genre de choses pour mettre le feu aux poudres et même aujourd'hui... J'ignore si j'arriverai à les retenir, dans deux semaines, lorsqu'ils arriveront sur place et qu'ils auront envie de décapiter quelques Séléniens pour le sport. Le danger ne vient pas que d'en face. Si j'ai annexé Cordont, ce n'est pas par provocation. C'est pour argumenter auprès de Délimar et leur assurer qu'aucun Sélénien n'a mis les pieds dans les souterrains. Et c'est aussi pour argumenter auprès de Selenia et leur assurer qu'aucun Glacernois n'ira dans ces souterrains. N'avez-vous pas remarqué... » Son regard se figea sur Autone avant d'achever sa phrase : « Que j'avais annexé Cordont au territoire de Caladon... Et non à celui de l'Alliance des Cités Libres ? » La nuance était subtile, mais elle était bien là. Dans cette affaire, il n'était pas le provocateur belliciste, il serait le tampon pacifiste entre Sélénia et Delimar. « Ce que j'ai fait, Autone, je l'ai fait avec prudence et prévoyance. Je l'ai fait pour me donner le plus de cartes en main pour avancer dans la paix... Et pour avoir la main mise sur un territoire stratégique si jamais les événements tournent au vinaigre. » Car ils le pouvaient... Aldaron n'avait rien d'omnipotent et il y avait encore beaucoup de données indéterminées dans l'équation pour savoir avec exactitude à quel résultat ils aboutiraient. La seule chose qu'il pouvait faire, c'était placer ses pions sur le damier et jouer la partie d'échecs.

    Ses yeux d'un vert tranchant revinrent sur Eleonnora : « Caladon ne veut pas que le pouvoir soit entre les mains d'un seul et même homme, ils ne vont peut-être pas aimer que j'ai pris des initiatives sans soumettre au Conseil l’entièreté de mes décisions. Surtout que cela risque de ne pas être les seules au cours des jours et semaines à venir. » Il biaisait le système évidemment. La Triade avait toujours biaisé le système économique, en quoi celui de la politique serait différent ? « J'aimerais tu les apaises : j'expliquerai chacun de mes choix, aussi tôt que possible, mais je serai souvent contraint par le temps de les avoir mis en œuvre avant d'obtenir leur approbation. Si le Conseil désapprouve l'un de mes l'actes et qu'il n'est plus possible de les défaire, j'en répondrai devant un tribunal, à mon retour. Penses-tu pouvoir faire cela ? »

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Eleonnora avait le plus grand respect pour ceux qui dont la stature était égale à la puissance qu'ils représentaient. Chaque fois qu'elle voyait le Bourgmestre se comporter en tant que tel, elle revoyait ce modèle qu'elle avait tant poursuivit et qu'elle tentait encore d'atteindre. Elle se redressa pour faire honneur à son invité, corrigeant alors sa position négligée. Elle transperça d'un regard perçant l'apparition qui se tenait de l'autre côté de la table. En dépit de sa toilette d’intérieur relâchée, le menton relevé en un geste de fierté, personne n'aurait pensé qu'elle prenait tranquillement son petit déjeuner quelques minutes plus tôt. Elle semblait prête à faire face à un roi. Et c'est ce dont il était question. Si ce n'était pas Aldaron qu'elle devait affronter, ce serait la dynastie Kohan qu'ils devraient confronter.

Il n'y avait alors plus aucun doute sur les liens qu'entretenaient les citées libres et l'empire. Et rêver de paix était plus une lubie naïve qui ne les mèneraient à leur perte. Ce serait courir après quelque chose de vain. La jeune Ostiz était profondément persuadée qu'une cohabitation était impossible dans une telle situation. Du moins, pas tant que Sélénia restait une menace aux yeux de tous. Evidemment les traités étaient égaux, l'elfe avait sans aucun doute fait un travail remarquable pour que personne ne puisse les révoquer. C'était le système Sélénien en tant que tel était un danger. Elle écouta avec attention les paroles de son supérieur qui résumait alors l'étendue complexité de la relation entre les citées libres et l'empire ces mois derniers et peut-être même avant. Elle ne put réprimer une grimace lorsqu'il aborda le sujet des chimères. En particulier lorsqu'il était question de bravoure et de combats...La fuite de Sélénia lui avait été providentielle. A croire que la lâcheté de cet empire avait triomphé sur le courage des Gloriens. Elle n'avait pas répondu au regard froid de son protecteur pourtant elle comprenait qu'il serrait intransigeant à la moindre pensée enflammée qu'elle oserait exprimer. Il connaissait l'esprit bouillonnant de sa fille de cœur et qu'elle pouvait à tout moment balancer du côté de Delimar par simple rancune. Mais Eleonnora n'avait rien à voir avec cette troupe de guerrier fulminants. Car la violence n'était rien que l'échec des mots. Or elle avait foi en la puissance diplomatique de Caladon et de son dirigeant, bien que dans cette situation, il se retrouve entre le marteau et l'enclume.


«Je m'engage à être votre digne représentante et ne mettre vos décision en doute qu'à titre personnel....bien que j'espère ne pas avoir à le faire. » Faisant fit du poids des responsabilités qui s'ajoutaient inlassablement sur ses épaules, la jeune conseillère inclina la tête en signe d’approbation. Elle se sentait assez proche de son avis pour ne pas provoquer de contexte chaotique lors de son absence. Toutefois elle se sentait légèrement inquiète quand à cette tâche, sachant que certains ne soutenaient pas élévation. Ils verraient de quel bois elle se chauffe!

La jeune femme posa un arrêt, comme si elle allait se raviser d'en rajouter. Mais tant qu'on y était... « L'empire est en pleine hémorragie, il n'est plus qu'un cadavre renversé, représentant d'un monde révolu. Le futur, c'est les citées libres. Nous nous battons pour cette liberté et nous ne pouvons l'éprouver pleinement tant que nous sommes tenus par cette recherche perpétuelle et vaine de la paix. Ainsi il serait facile pour Sélénia de prendre avantage de cette lubie et renverser les traités en sa faveur. Nous ne pouvons reculer par peur de voir vaciller la paix. Dame Flakyre, nous ne pouvons, non, nous devons pas réfléchir avec notre peur. » Elle avait tourné ses pupilles d'acier vers son aînée et secoué la tête d'un réprobateur. «Caladon la revenante est assez forte pour lui tenir tête et c'est avec fierté que je constate que c'est déjà le cas depuis bien longtemps. » On ne pouvait taire la lutte économique qu'avait mené le Bourgmestre à la tête du marché noir ces quelques mois durant. « Cependant, nous devons dépasser les questions de dominations qui mettraient en péril l'entente précaire que nous maintenons et comme le dit si bien notre cher Bourgmestre, la seule chose à valoriser auprès des autres partis, est notre liberté d'agir. » voilà le maître mot de la politique Caladonnienne, la liberté.

«Au delà des compromis...comme vous le disiez si bien, Caladon ne veut pas que le pouvoir soit entre les main d'un seul homme; Alors comment peut-on accepter Sélénia comme égal avec un tel régime à sa tête? Je ne donne pas ici mon accord pour un conflit néanmoins je vous demande, à tout les deux, de réfléchir à ceci qui relève de l'avenir de l'humanité. Allons nous nous positionner à égalité avec un système qui peut à tout moment et d'un claquement de doigt bafouer les libertés de ses citoyens? Il n'y a pas plus barbare que ce concept. Aussi, j'ai peur de ne pas être aussi flexible avec l'empire que vous. Car la dynastie Kohan n'a de légitimé que d'avoir rescapé au naufrage de l'humanité.» Contrairement à d'autres.

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Elle ne savait plus d’où elle tirait la force de rester impassible lorsqu’elle bouillait de l’intérieur. En écoutant les mots d’Aldaron, ceux d’Eleonnora, elle sentait son cœur battre dans toute ses veines alors que ses joues s’empourpraient. Elle serra les dents en réalisant que c’était un réflexe, d’une vie depuis longtemps abandonnée. Un réflexe alimenté par un instinct de survie. Ça lui était utile, à présent, alors pourquoi s’en débarrasser? Elle se relâchait cependant en entendant les explications du Bourgmestre. Cela lui semblait justifié, bien que les mots d’Eleonnora l’énervaient. Elle lui pardonnait, parce que c’était elle, mais cela ne l’empêcherait pas d’être rigoureuse avec la jeune conseillère. Eleonnora n’avait pas assez vu, pas assez vécu et le jour ou la guerre prendrait ce qu’elle aime, tout ce qu’elle avait, Autone ne le pardonnerait pas. Elle ne voulait pas que Eleonnora ne comprenne que lorsqu’il serait trop tard.

Elle prit le temps de respirer avant de prendre la parole. Elle tenta de calmer le sang qui lui montait au visage. La veuve détourna le regard de l’elfe et garda la tête haute en fixant devant elle :

« Être flexible ne signifie pas courber l’échine. Cela permet de s’adapter aux impacts, plutôt que de briser. »

Son ton se voulait catégorique, mais calme, elle ne criât pas. Elle respira à nouveau avant de croiser le regard d’émeraude de son supérieur. « Je n’ai pas perdu ma foi Aldaron, ni en Caladon ni en vous. Je vous questionne, je doute, comme il est normal de le faire dans cette situation. Je crois que mon incompréhension était légitime. »  

Elle tourna la tête légèrement, sans la baisser, posa ses yeux sur sa cadette. « J’ai peur. »  dit-elle sans perdre la voix. Et son regard fût bienveillant un moment, comme si quelque chose la rassurait. « Et tu ne devrais pas me le déconseiller. Parce que les gens ont peur. Et rien ne sème plus la révolte qu'un souverain ou un dirigeant froid et indifférent aux craintes de son peuple. C'est l'une des choses que je reproche aux Kohan.

C’est ma force, mon courage. Je sais reconnaitre le mal, celui contre lequel il faut se battre. C’est pour cela que je me suis battue contre le blanc, jusqu’à la fin.

Je sais qu’il faut se battre pour Caladon, pour son indépendance. Je crois en Caladon car je crois, comme toi, qu’elle est le futur de notre monde. Je crois que les maîtres et les rois qui se font Dieux doivent être abattus.

Mais si tu veux une guerre Eleonora, je te prie de voir un champ de bataille, de plonger dans cette foule, de tuer de tes mains tes ennemis et de guérir tes alliés de ces mêmes mains. Tu n’as pas le droit de déclarer un conflit avant de connaitre la valeur du sang sur tes mains. Que proposes tu? Marcher sur Selenia? Massacrer les Seleniens? Les soldats seuls, ou les civils aussi? Y-a-t-il une différence? Pense à ta conscience. La honte est indélébile, alors réfléchis avant de poser des gestes belliqueux. »


Elle avait fini par baisser la tête pour s’adresser à elle sans la regarder de haut. « Mes mots sont durs pour une réalité équivalente que tu n’as pas vue. Je ne te le dis pas par haine, mais parce que je ne veux pas que tu le voies. Ce monde a suffisamment perdu. Et toi aussi. Nous tous. Entre Néant, le blanc et les chimères. Il ne s’agit plus d’un mal inhumain, ni de noir ou de blanc…Comme en temps de théocratie.
Aussi tragique soit-il, nous devons nous souvenir du message des chimères. La perte de nos terres n’est que poésie pour tous les deuils que nous nous sommes infligés.

Nous sommes libres, Eleonnora. Si tu en veux au Kohan, ne dis pas que c’est une question d’indépendance. Si j’en crois tes mots, tu positionne les Séléniens comme des victimes des Kohan. Si c’est le cas, massacrer les citoyens de Selenia est-il vraiment la solution? »  


Elle soupira en sentant la culpabilité la prendre. Elle avait peur de prendre trop de temps à Aldaron et que ses mots tombent dans l'oreille d'un sourd de toutes manières. « Vous avez mon appui, Aldaron, je comprend à présent vos raisons. Elles sont légitimes. »

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    Les prunelles d'émeraude se posèrent d’abord sur Eleonnora. Froides, tranchantes, mais aussi fières. Elle aurait pu faire une bonne reine si elle avait décidé de rester auprès des Kohans. Elle avait cette dose d'impérialisme qui rendait ce bout de femme si fort. Elle aurait été malheureuse, certes, mais la royauté avait cela de complexe que malgré la foule qui vous entourait et vous adulait, l'on était en réalité bien seul. Aldaron n'était pas vraiment un roi, il ne portait pas de couronne, mais il n'avait pas besoin de ce titre pompeux pour agir comme tel et savoir combien on pouvait être démuni dans cette fosse aux serpents. Il écouta longuement les paroles d'Autone, sans l'interrompre, posant son menton dans la paume de l'une de ses mains. Le débat qu'il entendait était très intéressant. Il aurait pu y mettre son grain de sel mais cela aurait relancé la machine, et il n'avait pas tout ce temps là à accorder aux deux jeunes femmes. Peut-être aurait-il une autre occasion de le faire... Pour l'heure, il se contentait de s'amuser, en son for intérieur. Comme un grand enfant. Il était très drôle de les voir arguer de leurs avis, partager leur expérience. L'elfe s'entendait à dire qu'Autone saurait apporter le poids de son expérience sur les palabres innocentes de sa fille de cœur, et qu'Eleonnora serait probablement le vecteur qui ouvrirait les yeux sur l'illégitimité des Kohans à régner. Le silence revint après que ses conseillères lui ait confirmer leur aval et leur accord. Leur confiance était un soutien rassurant, sans doute aucun, mais ni l'une ni l'autre n'avait idée de l'ampleur de l'erreur. Avaient-elles seulement conscience de ce qu'Aldaron était ? De ce qu'elles réfutaient, dans la royauté Sélénienne, mais qu'elle accordaient, par leur confiance et leur acceptation au dirigeant du marché noir ? Dans l'ombre, il était ce roi, il était ce maître qui tirait les ficelles de la Cité Libre. Et même lorsqu'il réclamait à bafouer le fonctionnement politique de Caladon, on le lui accordait. Il avait bien présenté cela, certes, mais en définitive... Il avait annoncé qu'il agirait sans l'approbation du Conseil de Caladon, et qu'il ne ferait que payer ses fautes si elles venaient à lui incomber. Mais parviendrait-on vraiment à le juger coupable si, comme pour l'annexion de Cordont, il leur expliquait, orientait leur jugement, les manipulait ?

    Leur crédit lui laissait les mains libres. Il n'en ferait pas de mauvaises choses, assurément, et probablement était-ce pour cela qu'il arrivait si facilement à obtenir ce qu'il voulait. Mais il était grisant de constater l'ampleur du pouvoir qu'on lui remettait si gracieusement au creux de sa poigne de meneur. Ça aurait rendu plus d'un homme fou. L'était-il ? Non, heureusement qu'il n'avait pas de mauvaises intentions. C'était ce qu'il se répétait en boucle, pour se rassurer. Car en fin de compte, tout ceci était extrêmement effrayant. Les voir, toutes deux, protester contre la liberté bafouée des citoyens, contre les rois et maîtres, et lui octroyer, à l'inverse de leurs mots, toute légitimité pour décider et transiger avec Nolan Kohan, ne faisait que prouver combien les attitudes et pensées étaient à des milliers de lieux des comportements réels. En avaient-elles conscience ? Réalisaient-elles qu'elles lui donnaient ce qu'elles dénigraient tant chez les Kohans ? Et pourquoi ? Parce qu'elles avaient confiance ? Parce qu'il avait demandé gentiment ? Ainsi naissait les leaders charismatiques et leurs déviances, si elles n'étaient pas arrêtées à temps. Personne ne l'arrêterait. Caladon n'était qu'une place pour cinq ans, à la suite desquelles, Eleonnora prendrait certainement sa suite. Lui, il garderait le marché noir. Il mènerait la baguette l'économie de Tiamaranta. Il serait le maître de cette royauté qui se jouait dans l'ombre, là où l'or irait. Et l'or n'avait pas de frontières. Comme ils étaient adorables... Tous ces êtres, à croire en leur liberté alors qu'il avait les mains liés de fils de monnaie. Faire tomber une tête était si facile, Nolan en serait l'exemple même. Mettre une tête à la lumière était tout aussi aisé. N'était-ce pas ce qu'il offrait à Eleonnora par les fonctions qu'il lui cédait ? Et l'empereur des elfes ? Probablement finirait-il même par désigner, par ses accords, la tête qui succéderait à Nolan Kohan, après la faillite de l'Empire. Son torse se souleva d'un soupir et ses lèvres scellées finissaient par s'ouvrir.... mais pas sur le contenu de ses pensées. Pourquoi leur soufflerait-il la vérité ? Jouer ? Mettre du piment dans son inévitable ascension ? Devenait-il mégalomane ? Etait-il fou ?

    « Je transigerai avec Nolan Kohan, parce qu'il n'est pas là question à s'interroger sur sa légitimité à être mon vis-à-vis. Cela fait quelques mois que les Cités Libres ont acquis leur indépendance. Nos frontières ont ouvertes à qui ne se sent plus d'adhérer à la suprématie de la lignée décadente, et pourtant, nombreux sont ceux qui suivent toujours cet enfant-roi. Faire la guerre... Leur imposer notre façon de voir l'Empire est aussi despotique que ce que nous refusons. Nous ne devons pas leur dire ce qu'ils doivent voir. La solution n'est pas de chasser l'ombre... mais d'allumer quelques bougies. Faire la lumière dans leur esprit. Leur prouver qu'ils ont tord de croire en Nolan Kohan. Qu'il n'est pas capable de les protéger, de les diriger. Mais cela, Eleonnora... Ce n'est pas la bataille que nous devons mener à Cordont. Il y a bien trop de vies en jeu et j'ai un autre moyen de le faire. Un moyen sans fer ni sang. Et vous le savez. » Contrairement aux croyances populaires, le Marché Noir n'était pas mort. Il était la menace qui planait sur Selenia et qui finirait par engloutir son économie si Nolan ne réagissait pas à temps. Mais au fond, qui serait de taille à affronter la dernière tête de la Triade quand même le Tyran Blanc n'en était pas venu à bout ? « Je vais lui proposer d'interdire l'accès au souterrains de Calastin. Ses troupes pourront s'installer sur les terres de Cordont la Protégée pour veiller à ce que je ne manque pas à ma parole. Les forces de l'Alliance s'assureront de la réciproque. Mais cette situation tendue ne pourra pas durer. Je vais lui proposer également que nous formions une équipe d'exploration, composée de membres dont nous pouvons avoir tout deux confiance : la guilde des explorateurs, les chevaliers du domaine baptistral, des hommes stables de Selenia, Delimar et Caladon, pour vérifier ce qu'il y a sous nos pieds, désamorcer les dangers... Cela demandera du temps, mais c'est encore la seule échappatoire qui nous soit donnée pour éviter l’affrontement. »

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Eleonnora levait les yeux d'un air exaspéré. Pourquoi autant de blabla pour, au final, que le Bourgmestre face selon ses envies? Car personne n'était dupe, Aldaron Leweïnra était le seul, là bas, sur Cordont, à avoir le poids nécessaire pour soulever des troupes et retourner des esprits en tant que représentant de Caladon. Grand bien lui fasse, la jeune femme était en accord avec ses convictions et avait confiance en son expérience. Elle avait même presque du mal à comprendre pourquoi il venait s'entretenir avec ses conseillères, si ce n'était uniquement pour les informer de la situation. De toute manière, pour rien au monde elle ne l'aurait suivit dans cet endroit sinistre où elle n'aurait été rien de plus qu'un pion parmi d'autres. Elle n'avait aucune compétences de combat ni de guérison comme Autone, aussi, elle n'aurait fait que gêner. D'autre part elle avait saisi sa chance de se tenir à la place de son protecteur aussi longtemps que la crise de Cordont ne lui permettait. C'était au sein et surtout à la tête du conseil qu'elle serait capable d’exercer le plus pouvoir, bien que ce soit temporaire. Elle se demandait d'ailleurs si l'elfe lui donnait une confiance aveugle? La demoiselle n'en était pas moins heureuse de voir son protecteur se reposer sur elle alors qu'il avait hésité à le faire quelques mois plus tôt.

« Dame Falkyre, m'avez vous entendu évoquer la nécessité d'un conflit armé, ne serait-ce qu'une fois? Vous me connaissez, je suis une femme de mot, jamais je ne ma laisserait aller à créer une situation que je ne pourrais contrôler. Alors évidemment qu'il faut éviter ce genre de confrontation à tout prix. Chaque enfant de ce monde sait que la guerre est la pire chose qui puisse nous arriver. » Elle dévia son regard entre ses deux collègues. « Je ne peux pas vous assurer que moi, comme le Bourgmestre, soient les personnes les plus miséricordieuses que vous pourrez croiser...mais je ne peux que me ranger de son côté pour un point; Peut-être que vous perdez vite foi face aux obstacles, tout cela par de simples spéculations d'esprit. » Surement y était-elle allé un peu fort...Blessée dans son estime pour qu'on la considère comme une enfant, elle avait eu du mal à appréhender les paroles de son aînée. Pourtant elle avait conscience que ce n'était pas son rôle de la raisonner ainsi. Elle baissa la tête un instant pour ne pas à avoir affronter la mine d'Autone. « Enfin, nous n'avons pas de temps à perdre avec de telles inepties...voyez m'excuser. » Elle s'était emportée, elle l'admettait. Et elle n'avait aucune envie d'échanger de mauvais mots avec sa consœur à quelques minutes de son départ.

La jeune femme avait beau savoir que Caladon tenait tête à l'empire elle ne put s'empêcher d'arquer un sourcil aux paroles de son supérieur qui avait passé outre les tempéraments de ses conseillères. Était-il sur de lui au point d'être convaincu de sa victoire? Eleonnora aimait cette audace dont-il faisait preuve mais de là à se montrer arrogant face à Sélénia...elle les avait traité avec animosité dans ses paroles quelques minutes plus tôt mais cela ne voulait pas dire qu'elle les sous estimait. Aldaron devrait, lui aussi, rester sur ses gardes. Car qui savait ce que Nolan Kohan prendrait comme décision à l'issu de leur confrontation? Bien sur qu'il serait idiot de sa part de refuser une collaboration. On ne le connaissait pas comme un roi despotique prêt à tout pour écraser ses ennemis, au contraire. Mais l'esprit d'un homme pouvait être imprévisible à bien des égards. De plus que cette situation risquait d'être plus que tendue...de faire cohabiter ainsi des soldats de camps ennemis sur les même terres. La moindre étincelle pourrait enflammer la révolte. Néanmoins elle savait qu'en temps de crise il fallait savoir faire des choix, tandis que le temps était compté, et en assumer les conséquences. C'était ce à quoi s'engageait un leader, si on pouvait appeler le Bourgmestre ainsi. Il serait le seul responsable de ce qui allait se passer sur une terre si lointaine de leur cité. Il pensait pouvoir gérer seul le futur de Caladon comme il avait régit le marché noir à l'encontre de Sélénia? Soit, mais contrairement au marché noir il n'en sera jamais roi car un roi n'encourt aucune peine s'il mène sa population à la famine, la guerre et la décadence. Personne ne laissera un Bourgmestre irresponsable siéger en tant que despote à la tête des citées libres. Personne, ce qui l'incluait évidemment. En y réfléchissant, elle aurait une place de choix si ce dernier échouait...

« Et si l’empereur refuse cette proposition? C'est une supposition qu'il est important de planifier je suppose. » Et c'est ainsi qu'elles connaîtraient la véritable position de leur Bourgmestre. « Pouvez vous nous parler de votre plan de secours plus en détail? »

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    Perdre patience ? Non, pas pour lui. Pourtant le temps lui était compté ici. Il n'avait pas à les recentrer, les divergences d'opinion faisaient partie de l'amitié. Elle se forgeait ainsi : parfois on se ressemblait et parfois on ne pouvait pas s'entendre. Être liés, c'était aussi composer avec l'ego de l'autre, plus ou moins imbu, plus ou moins ouvert. C'était s'habituer à ses cris du cœur, à ses blessures, à ses combats et à ses fiertés. Il n'était pas mécontent que les deux jeunes femmes soient à débattre de leurs idées, de leurs préceptes. Même si ça n'était pas vraiment le moment. Il s'en moquait, il y avait beaucoup de richesse dans leurs mots respectifs, plus que tout l'or du monde ne pourrait jamais combler. Cela lui rappelait pourquoi il aimait tant les humains et leur spontanéité, loin de l'hypocrisie raide et silencieuse des elfes. Il étira un sourire courtois en direction de sa fille de cœur, indéchiffrable. On ne pouvait lire sur ses traits le fond de sa pensée, la peine autant que la satisfaction de les voir s'arguer de la sorte. Il aurait préféré que cela reste poli et tendre mais... Qu'importait ? Les prises de bec étaient monnaie courante.

    « S'il refuse, j'entendrai évidement ce qu'il a à me proposer. L'on peut réfuter, mais être un dirigeant, c'est prendre des décisions. Crier au loin contre la guerre revenue et insulter l'honneur de celui qui n'a pas réussi à garder la paix, c'est le rôle du peuple. » Ingrat. S'il n'avait pas ajouté ce mot, il semblait s'entendre comme s'il l'avait prononcé tant il était une suite logique. « Il ne pourra pas simplement refuser ma proposition. Dire qu'elle engendre trop de tensions et se défausser des conséquences tragiques de son adoption. » Il posa son regard sur chacune d'elle, espérant qu'elles saisiraient la perche qu'il leur tendait, avant d'affirmer plus fermement le fond de sa pensée : « Êtes-vous le Conseil de la Cité Libre de Caladon ou les sujets d'un roi ? »

    Ses prunelles d'émeraude allaient de l'une vers l'autre, alternativement : « Je suis venu vous porter des nouvelles et entendre vos avis ainsi que vos conseils. Je n'entends que vos silences, tout au plus vos questions. » Ainsi naissaient les despotes. Les peuples avaient beau hurler sa souffrance, par la suite, lorsqu'il était trop tard. Probablement oubliaient-ils qu'ils criaient tant parce qu'il s'étaient trop tu. On pouvait blâmer un roi. Assurément. Aldaron était persuadé que le peuple était autant à blâmer. Les Kohans ne seraient pas restés aussi longuement au pouvoir s'ils n'avaient eu personne pour les soutenir. Et l'elfe avait été de ces hommes. « Je n'ai pas de plan de secours, Eleonnora. Crois-tu qu'il s'agit d'un buffet de gala où l'on choisi ce qu'on va manger ? » L'ironie plaisante ne tarissait pas le fond de ses mots, ni le calme olympien dont il faisait preuve. « Le plat est servi et il est répugnant, mais il faudra s'en contenter. C'est cela ou de la chair humaine. » L'écho de Morneflamme vibrait dans sa voix, nul doute qu'Autone en serait plus impactée que sa consœur.

    « Avez-vous des suggestions ? Des plans de paix que je puisse étudier ? Si nous n'en avons pas, ce sera la guerre. Nous serons obligés de suivre si Selenia veut prendre Cordont par la force ou si Delimar n'est pas apaisé. »

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Oui, elle l’avait entendu. La recherche de la paix, que Eleonnora disait vaine. C’était là, qu’elle avait mentionné le conflit armé. C’était dans ces mots qu’elle encourageait cette possibilité. Et si elle ne s’en apercevait pas c’était encore pire. En tant que conseillère, elle devait savoir le poids de chaque mot. Autone l’apprenait encore, ce n’était pas un apprentissage agréable ni doux.

Elle était plutôt de l’avis d’Aldaron. Les gens devaient être éduqués, les combattre ne ferait que les rassurer qu’ils soient du bon côté de l’histoire. Autone respira un coup en décidant de ne pas continuer ce débat plus longtemps. Elle faisait perdre son temps au bourgmestre. Eleonnora et Autone pourraient discuter plus tard de cela. Enfin, la veuve espérait qu’il y ait temps pour cette discussion et qu’un conflit ne l’interrompe pas.
La veuve serra les dents au souvenir de morneflame. Elle servit un regard enflammé à Aldaron pour avoir ramené le sujet sur la table ainsi. La mettait-il intentionnellement en colère pour provoquer une réaction?

« Nolan n’est pas un Roi fou. Mais son âge affecte sa crédibilité. Et à cause de cela, il doit poser des gestes politiques pour prouver à son peuple qu’il n’est pas faible.

Un dirigeant ne pourrait pas laisser passer une trahison même s’il savait que l’histoire a des nuances qui innocente partiellement quelqu’un. C’est tout ou rien. Lorsqu’un souverain a besoin de montrer sa crédibilité, il sera tendu de force vers le « tout ».

Ne mentionnez pas son âge. Ne mentionnez pas son manque de crédibilité face au peuple, dû à son âge. Il pourrait déclencher une guerre juste pour préserver son image. Il est probablement en route rien que pour son image. Il ne peut pas juste…éviter de réagir.

Considérez les actions qu’il doit faire par principe et pour son image. Observez les choses qu’il dira seulement pour préserver son image. Si vous arrivez à les cibler, vous pouvez les désarmer.

Il aura probablement ses conditions. Sans les acceptez toutes, je vous conseille d’être flexible et d’en accepter certaines, ou au moins négocier. Soyez conscient que la plupart de ces conditions serviront à protéger son image. Tentez de trouver un milieu entre la sienne et la vôtre.

C’est une bonne idée de lui permettre d’avoir des yeux dans l’exploration. Il voudra peut-être choisir l’une des personnes lui-même. Permettez-lui, dans la mesure du raisonnable. »


Elle respira audiblement avant de reprendre. Elle n'avait pas vraiment envie de se contenir, mais si elle laissait sa colère parler, elle ne laisserait rien d'utile à cette conversation.

« En effet, crier contre la guerre revenue est le rôle du peuple. Je viens du peuple et si vous pensez ainsi, soit, je serai le reflet de sa colère. Un reflet dont vous avez besoin pour prendre des décisions, Aldaron. Nous ne sommes pas à cette place pour nous mais pour eux. »

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Eleonnora se demandait depuis le départ pourquoi le Bourgmestre était apparu chez elle si ce n'était pour les prévenir de la situation à Cordont. Puisqu'il qu'il aurait très bien pu leur faire parvenir par message. Ce n'était surement pas non plus pour leur demander de quelle façon réagir face à cette crise comme il semblait avoir déjà prit les décisions tout seul. Et pour le peu qu'elle pouvait prétendre le connaitre, elle savait qu'il était inutile de débattre sur ses résolutions. Ces conseillères pouvaient d'ailleurs le constater avec amertume. Chaque réfutation leur avait valu des retours secs de sa part. Elle en alla jusqu'à ce demander s'il avait été justifié de se prendre le bec avec sa collègue. Et pourtant elle n'était pas du genre à revenir sur ses propos. Et c'est, déjà irritée par cette confrontation d'idées, qu'elle accueilli le sarcasme de son supérieur. Elle avait arqué un sourcil et un pli nerveux s'était formé au coin de sa bouche. Des conseils? Il souhaitait des conseils de ces chères conseillères? Cette visite ressemblait plus à une formalité pour que l'on ne crie pas au tyran une fois qu'il aura posé son poing sur la table des négociations. Elle croisa les bras sans mouvement brusque. Elle commençait à s'échauffer et ce n'était pas le meilleur moyen de rassurer une personne qui était sur le point de décider de l'avenir de la moitié de l'humanité; Bien que cette dite personne était particulièrement confiante. Mais elle pouvait tout autant avouer sa mauvaise foi. Cette obsession du contrôle était ce que l'on attendait d'un véritable chef. Bien qu'ici il devait se reposer, en tant que bourgmestre élu par son peuple, sur son conseil.

Elle voyait d'ailleurs qu'elle n'avait pas été la seule blessée par les retour de l'elfe. Même si en ce qui concernait cet état de paix lâche elle était du bord d'Aldaron, cela la détendit malgré l’atmosphère qui s'était fait plus pesante suite à toutes ces contestations.
« C'est aussi pour eux que nous devons nous montrer dignes et forts. » Souvent le peuple n'a pas le recul nécessaire pour savoir ce dont il a besoin. C'est pour ça qu'ils étaient là. Et c'est aussi pour ça qu'il se faisaient huer.

Elle décida de ne pas s'étaler d'aventage sur sa vision du peuple face à sa collègue, sachant pertinemment que leurs points de vues divergeant pourraient rendre de nouveau le débat houleux. « Surement Nolan Kohan n'est-il pas fou, mais qui sait qui souffle à son oreille? Il est encore jeune et influençable. D'ailleurs, un roi, contrairement à un Bourgmestre n'a as réellement à ses soucier de l'avis de son peuple...Même si on le croit faible, il restera sur le trône. Aussi, imaginons que Sélénia se défausse de toute responsabilité quand à Cordont, considérant ce tas de pierre comme indigne d'intéret pour sa majesté. Sur un plan économique nous seront perdants...Car ils savent que nous ne baisserons pas les bras, que nous ferons tout pour éliminer la menace. Nous devrions alors payer l'intégralité de l'expédition. Enfin ce n'est qu'une broutille, nous savons que les caisses de Caladons sont bien plus remplies que celles de Sélénia en dépit de son vaste territoire. » Il fallait évaluer toutes les possibilités. Même celle où le jeune roi se transformerait en despote se fichant de l'avis de son peuple puisqu'il n'avait aucun besoin de le consulter. Peut-être que l'empreur aurait la tentation de jouer un jeu économique, bien que dangereux pour prendre à revers la guerre qe lui faisait le marché noir? Triturant frénétiquement une de ces mèches brunes, la jeune femme se replongea dans ces pensées. « Par ailleurs, nous nous inquiétons beaucoup de Sélénia mais restons sur nos gardes quand à Délimar...Ce que nous avons investi dans notre merveilleux port de commerce inter archipel, ils l'ont dépensé en puissance de feu. Et ils sont peut-être plus à fleur de peau que les Séléniens. Nous avons beau former une alliance, il pourraient très mal prendre que l'on se porte garant de leur parole, que l'on essaye de tout contrôler à leur place. Donc ils ne sont pas à museler par la force. Disons qu'il faudra les tenir à distance des Séléniens et jouer un rôle tampon entre les deux partis...enfin surtout pour retenir ces brutes. » Sans vouloir les insulter. Certains possédaient encore un cerveau évidemment. Du moins, espérons le. Une raison de plus qui confirmait à quel point elle souhaitait rester à Caladon. Les champs de bataille, très peu pour elle.

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    L'elfe à la peau sombre mirait le feu qu'il avait fait naître croître et s'étouffer dans le cœur d'Autone, toujours aussi fasciné de son propre pouvoir, dès qu'il alignait quelques mots. C'était grisant et terrifiant à la fois, la jouissance du pouvoir lui apportait tellement. Il pansait la plaie de son impuissance, celle qui l'avait asservi à Morneflamme. Il pouvait faire plier ceux qui l'entouraient... Mais ils ne serait pas le tyran que beaucoup craignaient d'un leader charismatique. Il n'était pas le fléau qui prend par égoïsme et ne laisse que des miettes et des ruines derrière lui. Ce qu'il obtenait servait des objectifs qui le dépassait. Il servait la paix, la science, la croissance. Il servait à détruire la gangrène, à frapper les germes de l'obscurité avant que la fleur noire n'éclose. Aldaron se leva de son fauteuil et ses prunelles d'un vert tranchant contemplaient son écho de brisure. Il leva une main pour prendre celle de la jeune femme à la chevelure rousse et la serra délicatement. « Je serai conciliant, si c'est ce que tu me demandes. Si c'est ce que tu attends de moi. Mais cela ne sera pas moi. Si je m'écoutais, je me dresserai devant lui en affirmant avec aplomb que s'il veut mettre un orteil à Cordont... Il faudra me prendre la ville avant. » Sa voix avait grondé, sourde et grave, dans un impérialisme dompté.

    Ses lèvres fines vinrent de sceller un instant et sa tête se penchait un peu sur le côté. Il leva la main d'Autone jusqu'à lui, pour y déposer un baiser : « Ta colère... Je la connais. Ta douleur aussi. Je sais ce qui te fait peur, je sais que la guerre t'effraie et en cela, tu te trompes. C'est la Mort qui t'arrache ceux que tu aimes, la guerre n'est qu'un outil. Un moyen. » Il relâcha doucement sa main, libérant ses doigts petit à petit. « Un parmi tant d'autres. Qu'un groupuscule dissident serpente dans la terre creuse de Calastin et réveille d'éventuels golems sous notre ville... Voilà un autre outil, plus dévastateur encore. Les survivants hurleront leur colère car je ne les aurais pas protégés. Et si je fais la guerre pour les protéger, ils hurleront leur colère d'avoir perdu un frère, un père... Un mari que j'aurais envoyé sur le front. La colère est injuste et la colère viendra, quoiqu'il se passe à Cordont. Je suis voué à la subir. Alors je l'endurerai en ayant fait le choix qui me semble le plus juste. Seras-tu en colère ? » Son souffle tombait sur elle, domestiqué et enchaîné pour être long et fluide, mais dans sa propre colère, face à l'ingratitude de ce peuple, la respiration tranquille n'était pas des plus aisées. Il savait se contrôler, garder une maîtrise toujours parfaite de son être. Morneflamme lui avait appris à beaucoup endurer.

    « Je serai conciliant, si tu me le demandes... Mais je ne pourrais pas abdiquer. Laisser Sélénia accéder librement à Cordont. Parfois... Il n'est pas possible d'arriver à un accord et si tel est le cas, je te fais le serment d'être le premier homme au combat. Je ne resterai pas en arrière, je n'ai pas peur de la mort et je n'agirai pas pour mon image. Je ne me battrai pas pour mon image. Je laisse cela à Nolan. Si je me bats, c'est pour ceux que j'aime. Si je meurs, c'est pour ceux que j'aime. Pas pour ma couronne. Pas pour mon honneur. Pas pour mes valeurs. Pas pour la gloire. Pas pour moi. Seras-tu en colère ? » Relevant légèrement le menton, à la fois en signe régalien qu'en défi : « N'oublies pas qui je suis. » Il se détourna d'elle et posa son regard sur Eleonnora. Il lui tendit une main altière pour l'aider à se lever et lui faire face, à son tour. « Cordont va être coûteuse, quoiqu'il y aboutisse. Régler l'expédition sera encore le cadet de nos soucis à côté de l'entretien et le paiement de nos troupes, en cas de guerre. Un moindre mal dont je rêve. » Et qu'il craignait bien de ne voir jamais se réaliser. Il posa doucement ses deux mains sur les épaules fines de sa protégée : « Délimar est notre allié. La seul chose qu'ils craignent, c'est la trahison. Tant qu'ils n'ont pas de preuve nette que j'agis à leur encontre, nous ne craignons rien d'eux. Si nous agissons pour le seul bien de Caladon, nous perdrons leur estime et leur loyauté. Je ne cherche pas à contrôler l'Alliance, ni à les museler à tout prix. Je cherches à les tenir suffisamment dans le calme nécessaire à l'Armistice. » Mais il était possible qu'il échoue... Et dans l'insuccès, il honorerait le serment de l'Alliance. Avec eux, il se battrait.

    Il poussa un soupir et caressa du bout des doigts la forme douce et encore bien jeune du visage de sa fille. Il se perdait dans la contemplation de ses prunelles, leur éclat plein de fraîcheur. Serait-elle prête, s'il mourrait ? Il avait bien donné des ordres au Marché Noir... Au cas où les choses tourneraient mal. Elle serait le prochain Bourgmestre de Caladon... Les élections n'étaient pas un obstacle pour qui savait manier le pot-de-vin et la propagande. Mais serait-elle prête ? Elle le devrait. Il posa un baiser sur son front alors que les formes de son corps s'estompaient. Il partait. Le sort était bien trop coûteux en énergie et il avait tout ce dont il avait besoin. « Je t'aime, ma fille. » Il la mirait et il se demandait si c'était la dernière fois qu'il la voyait. Mourir à Cordont était une probabilité assez grande et cette incertitude le faisait se questionner. Pour autant, il restait droit et fort, refusant de lui laisser, à elle, entrevoir cette possibilité. Y avait-elle songé ? Lui, ça ne lui avait pas échappé.

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L'admiration qu'Eleonnora éprouvait pour son supérieur dépassait le simple respect de la fonction. Il était de ces hommes que l'on disait grand. Ces hommes au regard lointain, fixant un objectif que le commun des mortels ne pourrait atteindre; Ces hommes là, elle les connaissait. Ceux qui avaient de l'ambition, les plus téméraires, pret à braver les tempêtes ou juste ceux qui avaient cette capacité à mieux dissimuler leurs défauts...Et là était leur ultime faiblesse. A regarder le monde ainsi on ne peux que tomber de haut. Aussi, les grands hommes font les grandes fautes; Puisque, ironiquement,  tout ce qui vient d'eux porte l'empreinte de leur génie. Crissolorio Ostiz avait commit une erreur en abandonnant Gloria et ainsi son espoir de refaire surface un jour. Il avait laissé derrière lui des centaines d'orphelins qui partageaient sans le savoir le malheur d'une seule. Qui sait ce qu'Aldaron Leweïnra fera? Le déchaînement furieux d'Autone en était l'avertissement tout comme la prémonition. La moindre étincelle que le Bourgmestre provoquait consumait immédiatement les cœurs et les passions. La politique n'était pas un jeu simple car il est certainement bien difficile à ceux qui réussissent d'obtenir l'admiration de ceux qui échouent. Autant que le pouvoir, grisant, rendait aveugle ceux qui le possèdent. L'éloquence de l'elfe était une arme à double tranchant. Le moindre sous entendu, trop amère ou mal perçu pourrait faire de l'incendie un ravage. Toutefois ce n'étais pas de lui que la demoiselle s'inquiétait le plus. Que le monde brûle en enfer elle s'en ficherait bien, tant que, lui, ne disparaissait pas. C'était bien pour lui qu'elle s'inquiétait. Et alors que l'elfe avançait une main délicate vers elle le doute effaça son expression impérieuse.

Soudain le temps sembla s'accélérer et dans sa détresse elle perdit le fil; Elle perdit le temps car avec lui tout s'en va. A la conseillère s'était substituée une fillette qui voyait son père s'évaporer lentement tel un fantôme tout droit sorti d'outre tombe. Elle regardait bouger ses lèvres sur d'ultimes mots sans queue ni tête. Sur le décor de du salon se superposait la scène de son départ. Ce n'était pas la même voix, pas la même personne, ni le même moment mais c'était ,de toute évidence, les mêmes mots. Et elle connaissait leur signification comme elle connaissait déjà la fin de l'histoire. Et elle le regardait s'éloigner, sans bouger, attendant quelque chose, une suite peut-être, elle ne savait pas... « Attends! » Sa main se referma sur du vide.  « Attends... »  Sa voix se dissipa dans les air. Oh qu'elle aurait aimé se débattre, lui crier de revenir, lui dire qu'elle tenait à lui, qu'il lui manquera et que savait-elle... Elle n'avait pas envie de se donner en spectacle. Après tout elle était la futur Bourgmestre. Elle servit un pâle adieu à son amie qui, s'en était allée comme une furie, plus brûlante que jamais. Une fois que la porte fut claquée, la jeune conseillère s'affaissa sur un fauteuil, se laissant aller à tout les sentiments que cet entretien avait remué en elle. Elle prit sa tête entre ses mains ne sachant si elle devait pleurer ou être en colère. Mais les larmes ne vinrent pas. Son esprit était déjà trop occupé par ses futurs scénarios. Les plus fous comme les plus tragiques, ils la promettaient tous à un destin des plus remarquables. Les sentiments ne pourraient la dévier d'un destin aussi glorieux.

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