Discussion et complot, à la nuit tombée, entre un jeune empereur et une princesse immaculée (PV Orfy)

Plusieurs jours s’étaient écoulés depuis l’annonce des épousailles de la princesse des lumières avec sa bien-aimée, Orfraie Ataliel, et l’empereur des Hommes était désireux de rencontrer cette dernière afin de lui présenter ses meilleurs vœux pour cet évènement fastueux. Le blond avait accueilli cette nouvelle avec une joie sincère et un plaisir non feint, connaissant la profonde affection qui unissaient depuis toujours les deux dragonnières.
Celui-ci avait ouï dire que la belle immortelle accompagnait son amante et se trouvait présentement au sein de l’enceinte de la cité Sélénienne.

C’était là l’occasion rêvée pour passer quelques heures en sa compagnie et discourir de manière informelle, afin que tous deux puissent faire plus ample connaissance, avant de sceller l’importante alliance qui s’annonçait. En effet, Nolan éprouvait un amour tout fraternel envers Luna Duruisseau, qui s’il ne devait rien aux liens du sang n’en demeurait pas moins infrangible et puissant et l’adolescent, en frère protecteur, désirait s’assurer des qualités morales et humaines de celle qui désormais veillerait sur cet être si cher à son cœur.

Non point qu’il nourrisse des doutes ou entretienne une quelconque réticence à l’égard de la princesse aux cheveux de feu, que du contraire, il tenait celle-ci en haute estime, admirant sa fougue et sa bravoure ; néanmoins, le jeune monarque venait de prendre conscience qu’en dépit des années, passées à ses côtés, dans la cité, aujourd’hui disparue d’Aldaria, il ne connaissait que des choses infimes à son sujet, et réciproquement. Jusqu’à ce jour, leurs relations s’étaient limitées à des échanges, somme très protocolaires, et Orfraie lui avait toujours témoigné le respect qui seyait à son rang quand il n’était encore que prince héritier.

Quant à Nolan, ce dernier avait toujours considéré l’Ataliel comme la bien-aimée et l’amante de sa sœur ainée, sans construire une relation plus approfondie avec elle, ne sachant comment l’aborder ou lui dévoiler les pensées qu'abritait son jeune esprit.

Autrefois, la vampiresse à la chevelure incandescente, dotée de la stature imposante du beau peuple et du visage marmoréens des sang-froid l’intimidait de par son aura de ténèbres et le mystère qui nimbait ses mires d’améthystes.

A l’époque où la fille de la nuit résidait à Aldaria et œuvrait en qualité de commandante de la garde écarlate et protectrice personnelle de la Régente, Nolan avait coutume de fuguer et de quitter le carcan étouffant des murs du palais, sitôt le soleil couché. Orfraie connaissait-elle cette irrésistible propension du jeune héritier à se livrer à des escapades nocturnes, pourtant formellement défendues ? Si tel était le cas, la rousse n’en avait jamais rien laissé paraitre, demeurant muette sur le sujet et tolérant que l'adolescent reste libre de ses mouvements.

Cependant, Nolan doutait du fait que ses virées solitaires, hors de la cage dorée où il se sentait souvent captif, soient demeurées inconnues de la vampiresse aux sens sur-aiguisés et à l’instinct prédateur, lui permettant de déceler la moindre présence à des mètres à la ronde. Mais avait-elle compris l’impétuosité de sa jeunesse et compati pour le fardeau de la Royauté qu’il devait déjà endosser à un âge aussi tendre ? Le jeune Kohan l’ignorait, mais il s’était juré intérieurement d’un jour lui poser la question.

A présent, la nuit était tombée et l’orbe opalescent de l’astre lunaire nimbait l’atmosphère nocturne d’un halo argenté. Le gamin décida de sortir à l’extérieur et commença à arpenter les allées du jardin impérial, les lames écarlates sur ses talons, aussi fidèles que son ombre. D’un signe de tête impérieux, il les renvoya et décida de poursuivre seul ses pérégrinations à l’intérieur de ce splendide écrin de nature.

Son intuition lui disait que c’était là qu’il trouverait celle qu’il cherchait ; de même qu’il avait rencontré Luna dans ce parc quelques jours auparavant et où tous deux s’étaient promenés, admirant la beauté des parterres de fleurs et la chatoiement orangé du coucher de soleil.

L’empereur désirait s’entretenir avec la princesse immaculée seul à seul, sans s’encombrer de ces rigidités protocolaires, qui ne feraient que maintenir leurs relations futures dans un cadre formel.

Après avoir déambulé dans ce dédale végétal où les flagrances fleuries chatouillaient agréablement ses narines, le monarque discerna à travers l'obscurité une silhouette ô combien familière. Ainsi son instinct ne l’avait guère trompé et comme il s’y attendait la dragonnière se trouvait dans le jardin du palais, surplombée par la magnificence de la voûte céleste constellée d’étoiles.

Le gamin savait qu’il était inutile de tenter d’approcher à pas feutrés, car les moindres battements de son palpitant trahissaient sa présence et Orfraie avait remarqué son arrivée, bien avant que ses prunelles humaines, peu adaptées à la pénombre nocturne, n'aperçoivent sa silhouette élancée et sa chevelure couleur de brasier.

Le souverain sélénien fit un signe de tête révérencieux devait celle qui, à son instar, possédait dans ses veines un sang royal.

- Mes hommages, dame Ataliel. J’espérais vous trouver en ces lieux et je suis heureux de constater que mon intuition s’est avérée exacte.  Je vous avoue que j’apprécie le fait qu’il en soit ainsi car ce jardin offre un cadre plus paisible et agréable à une future conversation que l’une ou l’autre des salles du palais, où une kyrielle de courtisans auraient épié le moindre de nos faits et gestes. Mais avant toute chose, j’aimerais vous présenter tous mes vœux de bonheur pour vos futures noces avec ma sœur Luna. J’ai appris cette grande nouvelle de sa propre bouche quelques jours auparavant.

Les lippes du gamin s’étirèrent en un sourire qu’il désirait chaleureux et plein d’aménité, mais ses yeux pailletés d’or trahissaient une légère nervosité. Se retrouvant à présent en tête à tête avec la princesse immortelle, il ne savait quel comportement adopté, habitué à jouer son rôle de souverain et son visage aux traits encore juvéniles conservait le masque impénétrable de la dignité courtoise. Pourrait-il s’en défaire et progressivement adopter une attitude plus spontanée avec la liée de feu, qui bientôt deviendrait sa belle-sœur ?  Cela dépendrait en grande partie du bon déroulement de leur entrevue.

Les lucioles qui virevoltaient autour d’eux formaient un nuage de lueurs luminescentes. Un observateur extérieur aurait été frappé par la beauté féerique d’une telle scène, mais pour l’heure nul regard indiscret ne semblait déranger la tranquillité de ce mystérieux tête à tête.
Même Luna, sa sœur adorée était absente lors de cette entrevue et Nolan songea que pour la toute première fois il se retrouvait seul avec Orfraie. Dans un sens cette liberté et cette solitude représentaient une chance inespérée pour chacun d’entre eux de laisser tomber les masques et d’apprendre à se connaitre mutuellement, sans faux-semblants, mais cette proximité soudaine se révélait également troublante.

L’empereur prit alors conscience qu’en dépit de son charisme et de son aisance à la Cour, il était si accoutumé à jouer un rôle et à réciter des paroles toutes faites qu’il se sentait brusquement démuni lors d’une conversation à cœur ouvert avec une quasi inconnue. Quant à sa première rencontre avec Luna, la princesse des lumières, elle avait eu lieu à un âge où Nolan ne connaissait pas encore la gêne des adolescents et agissait avec la candeur et la spontanéité de l’enfance, sans se soucier des immenses responsabilités qui allaient lui incomber. Maintenant qu’il approchait de l’âge adulte, il ne pouvait plus en faire abstraction, du moins pas totalement. Orfraie le dominait en taille malgré le fait que l’adolescent soit déjà d’une haute stature pour un garçon de son âge, ce qui la rendait quelque peu intimidante.

Pourtant la flamboyante Immaculée faisait le nécessaire pour le mettre à l’aise et il sentit ses prunelles violines, aussi chatoyantes que des pierreries, le couvrir d’un regard doux et pénétrant, comme si celle-ci cherchait à percer les secrets de son être.

En croisant ses mires améthystes, Nolan se demanda quels étaient les ressentis de la femme-immaculée à cet instant. Peut-être éprouvait-elle également de l’appréhension ou une certaine gêne en sa présence ; après-tout, il représentait le dernier héritier mâle de la lignée des Kohan, le fils du défunt Korentin et l’empereur des Hommes. Et surtout, il était le frère cadet de Luna, la bien-aimée de la liée de feu. L’amour qu’ils vouaient à cette jeune femme, bien que de nature différente, les unissaient. Le monarque Sélénien l’aimait d’un amour fraternel et la dragonnière d’une manière plus passionnelle et sentimentale. Ces deux sentiments s’égalaient en intensité et tous deux désiraient s’entendre et veiller au bonheur de la princesse des lumières.

Le blond tenta de se détendre, en dépit d’une certaine crispation et leva ses prunelles mordorées en direction de la voûte étoilée, se laissant aller à certaines confidences concernant ses escapades passées et même à questionner l’immaculée aux cheveux de feu avec une pointe d’espièglerie.
Nolan estimait préférable de faire un premier pas en révélant certains éléments personnels, car il n’était sans doute guère aisé pour Orfraie de le questionner directement sur sa vie privée. Sans compter que le gamin était curieux de connaitre sa réponse, car lucide quant au fait que jamais celui-ci n’aurait pu se livrer à un tel manège sans la complicité de l’ancienne commandante des lames écarlates. Et par la même occasion, il en profita pour lui proposer une promenade dans les magnifiques jardins, sublimés par l’atmosphère nocturne.

En entendant ses paroles, la dragonnière éclata d’un rire empreint de gaieté et sans se départir du sourire qui flottait sur ses lippes, celle-ci s’empressa de dissiper tout malentendu auprès de son interlocuteur. Puis tout en continuant à parcourir les allées du parc, elle lui révéla les nombreux points communs qu’ils possédaient. L’adolescent demeura silencieux, l’écoutant parler et ses lèvres esquissèrent un sourire.

Ainsi, son intuition se révélait exacte, Orfraie avait choisi de lui laisser de la liberté, et le fait qu’elle n’ait pas pu en bénéficier au même âge n’y était pas étranger.

Il savait qu’à son instar la princesse écarlate possédait un sang princier et avait grandi au sein d’un palais, caparaçonnée dans un carcan de règles protocolaires. Peu d’individus pouvaient se targuer d’un tel vécu sauf les membres de familles royales et le souverain Sélénien savait à quel point un tel rang constituait à la fois une bénédiction et une malédiction. Sans compter que la jeune femme employait parfois un ton énigmatique, comme si elle désirait rester évasive sur certaines choses, du moins pour le moment.

Les paroles de l’immaculée au sujet de la découverte du monde et du devoir firent écho en lui et un voile de mélancolie assombrit ses prunelles mordorées tandis qu’il se crispait légèrement. A cet instant, Nolan se rappela qu’il n’avait que 17 ans et que sans l’empoisonnement puis la mort tragique de Korentin il n’aurait pas été contraint de monter si jeune sur le trône. Et s’il s’était révélé, à une époque, impatient de gouverner afin de servir son peuple et de mener à bien les grandes réformes entreprises par son père ; d’un autre côté, l’adolescent regrettait son insouciance et ce précieux temps qui lui avait été volé. Néanmoins les propos de l’Ataliel étaient pleins de sagesse.

Tout en discutant, cette dernière s’arrêta près d’un banc, placé à l’ombre d’un arbre et s’y installa en croisant ses jambes avec une grâce féline. A son tour, l’empereur prit place sur le banc, mais se figea dans une posture hiératique qui le faisait ressembler à une statue, se tenant la tête bien droite, comme lorsqu’il s’asseyait sur son trône. Soudain, Orfraie se tourna vers lui, posant sur lui son regard améthyste et son visage arbora un sourire désolé, avant qu’elle n’achève son discours par une phrase humoristique et un geste familier. Le résultat était si drôle et surprenant que Nolan ne put s’empêcher d’éclater de rire, et son corps se détendit, perdant sa roideur digne de souverain. A présent, il ressemblait à ce qu’il était en réalité, un gamin de 17 ans, plein d’impétuosité et qui se dissimulait derrière un masque marmoréen de sérieux.

Reprenant son souffle après cet éclat de rire, le jeune homme répondit d’un ton mi- amusé, mi- taquin :

- Veuillez m’excusez Orfraie mais c’était irrésistible. Je ne cherchais pas à me moquer de vous, mais votre geste et votre attitude étaient à la fois si surprenants et si amusants que je n’ai pas m’empêcher d’éclater de rire. J’ose espérer que vous ne m’en voudrez pas.

Nolan se tourna vers elle et lui adressa un léger sourire :

- En effet il semblerait que nous partagions de nombreux points communs. Nous avons tous deux des origines royales, bien que nous soyons issus de deux peuples différents et vous êtes certainement l’une des rares personnes à pouvoir comprendre le sentiment d’étouffement que je ressens. Désormais je comprends mieux la raison de votre attitude et pourquoi vous m’avez laissé cette liberté lorsque je n’étais encore que le prince héritier d’Aldaria. Déjà à 15 ans je me doutais que je n’aurais jamais pu m’évader du palais si facilement sans votre complicité. Certes j’étais un gamin astucieux, mais pas au point de pouvoir berner si facilement les lames écarlates et surtout vous. Je vous remercie de m’avoir laissé cette liberté à cette époque. J'en avais grand besoin et peut-être encore maintenant…

L’empereur laissa sa phrase en suspens ; en vérité, malgré son rôle de dirigeant de Sélénia le goût des escapades secrètes ne lui était pas encore passé, mais l’Ataliel ne serait guère surprise de l’apprendre.

Puis tournant ses mires pailletées d’or vers le firmament étoilé qu’il contempla d’un air rêveur, il reprit :

- Pour vous aussi vivre une existence cloîtrée durant votre jeunesse n’a guère été une chose simple, sinon vous n’auriez pas si bien compris mon sentiment d’étouffer et de me sentir sans cesse épié par des regards indiscrets. Mais malgré cela, par la suite vous êtes devenue générale des rôdeurs et une archère exceptionnelle, ce qui même pour les elfes représentaient un choix peu conventionnel, surtout pour une princesse.


Le jeune homme ne connaissait pas tous les détails de la longue existence de la princesse à la chevelure de rubis, à côté de laquelle ses 17 printemps représentaient une goutte de pluie dans un océan d’éternité ; mais ce dernier imaginait qu’elle comportait des d’évènements suffisamment marquants pour transformer une princesse Elfique en une fière archère et en générale d’une troupe de guerriers d’élite.

Nolan gardait les yeux rivés sur la voûte céleste, évitant à dessein de regarder la flamboyante jeune femme, pour ne pas susciter une quelconque gêne en raison de cette réflexion et aussi pour ne pas poser la question qui lui brûlait les lèvres. Pourquoi et comment la princesse Orfraie avait-elle quitté sa cage dorée pour se métamorphoser en une fière amazone éprise de liberté ?

Seul à seul en compagnie de l’Ataliel, lors de ce rendez-vous secret organisé en pleine nuit sous les luminaires stellaires, le jeune empereur se déridait peu à peu, sentant se fissurer le masque des apparences qui recouvrait son véritable visage. De même Orfraie, derrière ses traits marmoréens, à la beauté prédatrice, laissait apparaitre sa spontanéité, tentant même d’établir un début de connivence avec le souverain Sélénien.
Nolan la découvrait sous un jour nouveau, et le voile de mystère qui nimbait ses mires d’améthyste semblait se dissiper. Qui était vraiment la princesse immaculée ? Quelle femme se cachait derrière ce sourire carnassier et ces yeux de pierreries ?

Tandis que ses prunelles de Topaze contemplaient le firmament nocturne, le jeune homme sentait le regard de la flamboyante rivé sur son profil pendant qu’elle s’adressait à lui.

Un sourire énigmatique s’afficha sur les lèvres du monarque Sélénien lorsque la liée de feu fit allusion aux innombrables possibilités que lui offraient sa nouvelle condition de Dragonnier. A peine quelques mois s’étaient écoulés depuis que le dragon d'Améthyste lui avait offert le lien et pourtant à ses yeux cela ressemblait à une éternité. En devenant la moitié de son âme, Cynoe l’avait comblé plus aucun être auparavant et désormais une nouvelle existence s’ouvrait à lui.

L’adolescent brûlait du désir de découvrir l’ancienne existence d’Orfraie, aussi écouta-t-il attentivement le récit que celle-ci fit de sa jeunesse. Comme il le supposait, la générale des rôdeurs Elfique avait vécu, à son instar, une existence cloitrée, guidée par les lourdeurs protocolaires.
Les paroles de l’immaculée aux mires violets faisaient écho en lui et il imaginait sans peine sa jeune vie de princesse. Cependant, la jeune Elfe qu’elle était à l’époque ne semblait pas prête à accepter cette destinée toute tracée et préféra défier les conventions, plutôt que de se renier, en refusant une union imposée et devenir Baptistrelle. Nolan ne pût s’empêcher de rire à cette idée et lui glissa d’un ton humoristique:

- Votre père a dû en faire une tête.

Puis, le jeune souverain laissa la rouquine poursuivre son récit qui peu à peu se teinta de gravité et de mélancolie quand celle-ci évoqua la perte tragique entraînée par la rupture de son serment Baptistral. Le visage de l’adolescent se fit plus grave à son tour car il imaginait sans peine le drame que représentait pour un maître-barde le fait de transgresser un tel serment et de se voir priver de cette connexion sacrée avec les vibrations du monde, impossible à ressentir pour un non-initié. L’adolescent frissonna en songeant à la terrible amputation de l’âme que représenterait la rupture de son lien avec son dragon. Dès lors, celui-ci éprouva une sincère compassion pour l’ancienne Baptistrelle et acquiesça de la tête à ses paroles :

- Je pense aussi que les épreuves nous aident à mûrir et que l’on peut sortir grandi des plus grands drames à condition d’en retenir les leçons. Ce n’est que dans l’adversité qu’il est possible de découvrir sa véritable force et relever les défis de la vie nous permet de progresser et de devenir adulte. Tout ce qui ne te tue pas te rend plus fort ! C’est ce que je ne cesse de me répéter afin de devenir le meilleur homme et empereur possible, dit-il avec la fougue et l’ardeur propres à sa jeunesse.

C’est alors que le jeune homme sentit la main droite d’Orfraie se poser sur son épaule, surpris par ce contact inattendu, son premier réflexe fut de tressaillir, puis lentement il tourna son regard doré vers elle et fut happé par ses prunelles améthystes, miroirs de l’âme où se reflétaient toutes ses peines.

L’empereur se sentit touché par la mélancolie cette femme-Elfe, dont la longue existence avait été jalonnée de tant d'événements tragiques et ses propres mires dévoilèrent ses émotions de tristesse et de compassion, en dépit du calme impassible qu’arborait son visage.

Demeurant silencieux, ce dernier laissa l’Ataliel achever tranquillement son récit. Puis celle-ci après s’être tue un bref instant, reprit la parole et Nolan remarqua qu’elle avait abandonné la formalité du vouvoiement en faveur du registre plus familier du tutoiement. Le blond ne s’en formalisa pas outre mesure, sentant s’effacer progressivement l’austère distance que leur avait imposé le protocole des années durant et il répondit sur le même ton.

- Merci de m’avoir raconté ton histoire. Ta confiance m’honore. J’avais déjà entendu des rumeurs sur ton passé, mais c’est une chose que d’entendre des ouï-dire et une autre que d’entendre ce récit de ta propre bouche. A présent, j’ai le sentiment d’un peu mieux te connaitre et de te voir sous un jour nouveau.

Les paroles de la Dragonnière concernant l’avenir du jeune souverain et la possibilité pour lui de laisser un jour son trône à sa descendance pour vivre d’autres aventures le laissèrent pensif, avant qu’il n’esquisse un sourire amusé et lui lance un regard complice.

- En tant que Dragonnier je jouis en effet d’une longévité accrue et qui sait de quoi mon avenir sera fait ! Il y a tant de choix possibles que j’en ai le tournis, c’est comme si je pouvais vivre plusieurs existences et accomplir tout ce que j’ai rêvé de faire. Mais pour la descendance, n’allons pas trop vite en besogne, pour l’instant je ne suis pas encore marié et les enfants ne seront sans doute pas pour tout de suite ! dit-il en gloussant de rire.

Ensuite, retrouvant son sérieux, le souverain Sélénien continua :

- Il est vrai qu’à présent que je suis le lié de l’Améthyste, je découvre progressivement les multiples possibilités d’un lien si précieux. Avant cet événement, je n’imaginais pas que l’un de ses magnifiques sauriens ferait de moi son lié, ni même n’en nourrissais le secret espoir. La famille Kohan comptait déjà plusieurs dragonniers, dont mon père autrefois lié à la dragonne d’émeraude Ashy et la princesse Esmelda. Par ailleurs, j’étais déjà Empereur des Hommes, portant le fardeau de la couronne malgré mon jeune âge et j’imaginais que devenir Dragonnier ne ferait qu’accroitre mes lourdes responsabilités. Mais les choses se sont déroulées si vite…et d’une manière si inattendue qu’encore aujourd’hui je peine à réaliser !

Sans doute, la princesse aux cheveux de feu avait entendu les rumeurs au sujet de l’enlèvement pour le moins rocambolesque du jeune l’empereur sur son balcon par un mystérieux écailleux, aux teintes violacées, n’hésitant pas à mettre le palais sans dessus-dessous.  

- Je me suis retrouvé arraché à mon existence et mené dans un lieu inconnu par Cynoe qui m’a ensuite proposé le lien. A ce moment-là, le doute et la peur m’ont envahi, et j’ai ressenti la crainte de me perdre à travers lui ou d’appartenir totalement à un autre, en sacrifiant ma propre liberté. Lorsque j’étais enfant, je voyais souvent mon père en compagnie d’Ashy et je savais qu’un lien spécial les unissait et j’avoue que parfois je m’en sentais exclu, comme si j’étais l’observateur extérieur d’une mystérieuse connivence et leurs conversations télépathiques en aparté m’évoquaient un langage secret auquel je n’avais pas accès.  

Le visage de Nolan sembla ensuite s’illuminer d’une joie profonde tandis qu’il poursuivait son récit :

- Pourtant dès que l’instant où la fusion des âmes a opéré, j’ai compris à quel point je me méprenais…Me lier à Cynoe ne m’a emprisonné, mais m’a au contraire libéré, et permis de révélé l’être que je suis vraiment à l’intérieur, sans les oripeaux des faux-semblants. Le lien n’est pas une captivité, mais une chose précieuse et d’une rare intensité, et seuls les dragonniers peuvent en comprendre la profondeur. Comme tu l’as dit l’existence est faite de changements et nul ne sait de quoi demain sera fait. Mais désormais je sais que je suis à fois Empereur mais aussi Dragonnier et que mon dragon sera toujours à mes côtés pour me guider, me permettre de gouverner sagement mais aussi vivre de merveilleuses aventures hors de l’enceinte du palais.
Soudain une idée germa à l’esprit du jeune empereur et il s'empressa d'en faire part à la princesse Immaculée :

- Comme tu le sais le 21 Septembre est le jour de l’anniversaire de Luna. J’aimerais tant lui organiser la plus belle des fêtes en secret et aussi cela sera l’occasion pour elle de rencontrer mon cher lié. Acceptes-tu de m’aider à l’organiser ?

Nolan savourait la fraîcheur de cette nuit de fin d’été et éprouvait un vif plaisir lors de cette conversation avec la princesse immaculée, en qui il avait trouvé une interlocutrice sympathique et une oreille attentive. Ce dernier songea avec amusement qu’en l’espace d’une courte soirée tous deux avaient échangé plus que durant les années passées à Aldaria. A l’époque, leurs discussions se résumaient à des échanges formels en raison du carcan protocolaire qui régnait à la Cour Aldarienne. Et l’’ancienne commandante des lames écarlates lui apparaissait alors comme une femme pleine de caractère et de prestance, mais un tantinet inaccessible.

A présent que la princesse immaculée et l’empereur Sélénien acceptaient de laisser tomber les masques des apparences et de se départir de leurs rôles respectifs ; l’adolescent s’apercevait des similarités qui existaient au sein de leurs passés respectifs et de la proximité de leurs aspirations. A l’instar du jeune humain, la flamboyante dragonière avait connu ce dilemme cornélien, opposant son sens du devoir et son désir de liberté. Au final, les sentiments l’avaient emporté sur la raison, permettant à Orfraie d’échapper à sa cage dorée afin de devenir Baptistrelle et de forger sa propre destinée.
Le jeune empereur appréciait particulièrement l’agréabilité de la liée de feu qui, en dépit de son rang, n’en demeurait pas moins pleine de simplicité et d’espièglerie, à en juger par son sens de l’humour et le grand sourire qu’elle arborait.  La question de cette dernière concernant ses amours lui arracha un petit rire, qui derrière une apparente gaieté dissimulait une pointe de mélancolie.

- Oui et non, lorsque l’on occupe le trône d’empereur les relations humaines ne sont jamais aussi simples. De nombreuses belles jeunes femmes et des godelureaux se pressent autour de moi dans l’espoir de me charmer et d’obtenir mes faveurs que cela soit pour une nuit ou pour la vie. Or ce qui attise leur convoitise ce n’est pas moi en tant qu’individu mais la Couronne et le pouvoir que j’incarne. Dès lors, il m’est difficile de reconnaître la sincérité derrière tous ces sourires radieux ou ces visages ravissants.

Le gamin poussa un soupir et se tut un bref instant avant de poursuivre :

- En tant que souverain de Sélénia et héritier de la dynastie Kohan, j’ai toujours grandi dans le luxe et l’opulence et était destiné depuis mon plus jeune âge à régner sur un empire. Pourtant deux choses essentielles que ne peuvent procurer ni l’or ni le pouvoir m’ont souvent paru inaccessibles, c’est l’amitié profonde et l’amour véritable.

Le jeune Kohan tourna la tête en direction de la princesse aux cheveux de feu et l’or de ses prunelles rencontrèrent les deux améthystes. A travers ce regard de topaze, celle-ci pouvait lire tous les doutes et les peurs qui hantaient son cœur, ainsi que ses espoirs.

- J’ignore si un jour je rencontrerais celui ou celle qui fera battre mon cœur et m’aimera pour ce que je suis vraiment, sans s’attarder outre mesure à mon rôle politique. Mais je ne suis pas naïf au point de croire que cet aspect n’interviendra nullement car la personne qui désirerait partager ma vie sera inévitablement confrontée aux diverses obligations liées au trône que j’occupe.

A cet instant, Nolan songea à quel point il devait être plaisant de se sentir libre d’aimer qui l'on voulait et de s’enfuir avec cet être, enfermé à l’intérieur d’une bulle de bien-être, loin du tumulte du monde.

- Malgré ma jeunesse, certains de mes conseillers me pressent pour que je prenne une épouse ou du moins que je me fiance. A leurs yeux, mon devoir d’empereur m’impose de perpétuer ma lignée en donnant à l’empire un futur héritier. Par ailleurs, une union politique augmenterait l’influence ainsi que la puissance de Sélénia. Pour le moment, j’élude sans cesse cette question et repousse le moment fatidique, mais un jour Orfraie je devrais faire un choix, comme toi autrefois.

Le jeune dragonnier se sentait tiraillé entre son désir de liberté et son sens du devoir. Par ailleurs, ce dernier chérissait ses sujets par-dessus-tout, au point de consentir à d’innombrables sacrifices afin d’assurer leur bonheur et leur prospérité. Choisirait-il la voie de la raison ou au contraire succomberait-il au brasier de la passion ? Pour l’heure, rien n’était décidé et ses deux pôles opposés se disputaient l’âme du jeune homme. Seul l’avenir répondrait à cette mystérieuse question.

- Cynoe est en effet très…drôle et possède un certain théâtralisme. Je pense qu’il te plairait si tu le rencontrais. D’ailleurs j’aimerais beaucoup te le présenter prochainement et qui sait rencontrer un jour ton lié.

Les lèvres du jeune empereur se plissèrent en un sourire quand celui-ci entendit la proposition de l’Ataliel de le guider, ainsi que Luna, durant son apprentissage de Dragonnier :

- C’est volontiers que j’accepterais vos conseils car j’estime préférable d’être accompagné durant mes premiers pas de Dragonnier. Le lien est une énorme bénédiction et je ne possède pas de mots assez forts pour la décrire ; toutefois, cet immense bonheur ne saurait occulter la responsabilité qui m’incombe. Un grand pouvoir implique une grande responsabilité et en acceptant de lier ma destinée à celle de Cynoe, je me suis aussi en quelque sorte engagé à veiller à la bonne marche du monde, et non plus aux seuls intérêts de mon empire.

Ensuite, Nolan détourna ses mires mordorées de la générale des rôdeurs et contempla le firmament étoilé avec un mélange de nostalgie et de tristesse :

- Mon père était un souverain et un dragonnier remarquable et souvent j’éprouve le regret de n’avoir pas pu passer plus d’années avec lui car des guerres incessantes nous séparaient. Il aurait pu me guider dans ces deux rôles majeurs qui viennent de m’échoir. Hélas il n’est plus et je ne pourrais jamais rattraper ce temps précieux qui nous a été volé. La seule consolation qui me reste c’est le désir de tenir la promesse que je lui ai faite, celle de régner du mieux possible et de toujours me montrer digne des valeurs qu’il m’a inculquées.

Le son de sa voix trahissait ses émotions et l’adolescent sentait que cette conversation commençait à éveiller de douloureux souvenirs et à raviver les blessures du passé. Aussi s’empressa-t-il de changer de sujet, passant du coq à l’âne, afin d’évoquer l’approche de l’anniversaire de Luna. Sans l’ombre d’une hésitation, il s’agissait d’un thème plus gai et plus léger que celui de la mort de Korentin.

Lorsqu’Orfraie lui fit part du fait que la princesse des lumières aimerait certainement danser, le visage juvénile de l’empereur s’éclaira d’un grand sourire :

- Je crois qu’il me vient une idée ! Pourquoi ne pas organiser une réception dans un chapiteau placé au fond du parc et muni d'une piste de danse ainsi que du mobilier pour les festivités ? Je pense être en mesure d'organiser la réception...mais il faudrait que quelqu'un s'occupe de détourner l'attention de Luna. Peux-tu t'en charger ?  

Les paroles de l’Ataliel étaient pleines de sagesse et Nolan adhéra au fait que même s’il existait des personnes malhonnêtes, capables de ruser afin de s’attirer ses faveurs, d’autres en revanche pouvaient faire preuve de sincérité. Les choses étaient souvent plus complexes qu’elles ne le paraissaient de prime abord et les envisager de manière manichéenne, comme totalement blanches ou noires, serait réducteur, de même que l’âme des créatures, semblable à un kaléidoscope de couleurs, se composait d'innombrables facettes et nuances. Et si ce dernier  pouvait difficilement occulter l’existence d’individus manipulateurs, à moins de faire preuve d’angélisme, l’inverse se révélait tout aussi vrai et il se devait de reconnaître que certains êtres étaient capables d’aller au-delà des apparences et de ne pas s’arrêter à son rang d’Empereur. D’ailleurs le dragon d’Améthyste ne l’avait-il pas prouvé en se liant à lui en dépit de son important rôle politique et des immenses responsabilités qui en découlaient ? Orfraie également se montrait désireuse d’apprendre à le connaitre sous son véritable jour et de découvrir l’adolescent qui se cachait derrière son masque protocolaire plutôt que de le réduit à son statut de tête couronnée.

-  Je crois que les choses sont complexes et qu’il faut garder l’esprit ouvert face à ce que l’avenir nous réserve, dit en affichant un léger sourire. Concernant la quête de l’âme sœur, je ressens une certaine ambivalence à ce sujet, à dire vrai une part de moi, la plus idéaliste est convaincue, tout comme toi, que chacun d’entre nous possède une personne qui nous attend quelque part et qui nous est en quelque sorte destinée. Et une autre part de moi cherche à demeurer les pieds sur terre et à faire preuve de réalisme car lucide concernant les difficultés à trouver cette bonne personne, à fortiori lorsque comme moi on se trouve à la tête d’un Royaume, ce qui indéniablement attire les convoitises. Ces deux parties semblent se livrer un combat perpétuel dans mon cœur et j’ignore laquelle l’emportera, même si j'ai tendance à me laisser dominer par mes émotions et que c'est le reproche que certains me font. Mais peut-être qu’il ne faut pas nécessairement que l’une ou l’autre de ces deux tendances l’emporte sur l’autre et qu’elles peuvent coexister en formant un harmonieux équilibre.

La princesse Immaculée tout en arborant un large sourire n’avait pas hésité à joindre le geste à la parole en posant sa main gauche sur l’épaule du jeune homme, mettant en évidence le superbe anneau qui ornait son annulaire. Nolan l’admira un bref instant avant de lancer un regard complice à celle qui deviendrait dans quelques mois sa belle-sœur.

- Je trouve que toi et Luna formait un couple magnifique et j’admire beaucoup le fait que vous ayez su faire fi des conventions sociales afin de vivre votre amour au grand jour. Car au jour d’aujourd’hui, même si une telle union n’est pas interdite dans l’Empire elle demeure contraire aux mœurs de la plupart des habitants et suscite des questionnements ou de la gêne.

L’adolescent demeura ensuite silencieux, s’interrogeant sur la part d’imprévisibilité dans le choix d’un partenaire amoureux avant d’ajouter d'un ton rêveur:

- Si je tombais amoureux d’un homme, d’un vampire ou d’un elfe, cela ferait énormément jaser mes conseillers qui y verraient une atteinte à la stabilité de l’empire. Et si une part de moi est soucieuse de son devoir envers la Couronne, je sais aussi que si un jour je devais m’éprendre profondément de quelqu’un et que notre union fasse polémique je me battrais pour cette personne afin de lui prouver mon amour.


Ensuite Orfraie expliqua avec gravité qu’elle désirait garder sa liberté et que son mariage avec Luna ne signifiait nullement qu’elle deviendrait l’allié de l’empereur des Hommes par défaut, ce que l’adolescent comprenait parfaitement :

- Ne t’inquiète pas, je n’avais jamais escompté qu’une telle union serait un prétexte à une alliance politique ni que tu me soutiendrais si cela allait à l’encontre de tes valeurs et de tes idéaux.

Quant aux paroles suivantes de l’Ataliel concernant le fait que si le jeune monarque succombait à la tentation de l’Impérialisme ou se montrait tyranique, elle se dresserait sur sa route et, comme pour appuyer ses propos, la jeune femme darda ses magnifiques prunelles d’Améthyste au lustre adamantin, dans celles du gamin, lui signifiant par ce geste sa froide détermination; Nolan ne détourna pas son regard de topaze, la fixant avec une même gravité mais au bout de quelques minutes, celui-ci ne pût s’empêcher d’éclater de rire et répondit d’un ton amusé :

- Voilà qui a le mérite d’être clair, me voilà prévenu. En vérité, je suis convaincu qu’il vaut mieux t’avoir comme alliée que comme ennemi, mais c’est rassurant de savoir que tu n’appuieras jamais un régime totalitaire et que tu te battras toujours pour défendre tes convictions. Par ailleurs je ne désire qu’on m’appuie par défaut ou par obligation en raison d’une quelconque allégeance, mais parce qu’on partage mes valeurs et les idéaux. De même, bien des gens n’osent pas me contredire, même lorsqu’ils estiment que j’ai tort de crainte de tomber en disgrâce ou de souffrir maintes représailles car je suis l’empereur de Sélénia, mais quitte à choisir je préfère la franchise que l’hypocrisie, même si certaines paroles seront certainement désagréables à entendre sur le moment, mais pourront me faire réfléchir par la suite et m’aideront à faire évoluer certaines de mes idées préconçues ou  ébranleront l’édifice de mes certitudes.

Puis, la flamboyante Dragonnière baissa la tête et son visage aux traits délicats afficha une expression de contrition avant qu’elle ne s’excuse pour l’ardeur de ses paroles, l’expliquant par le cloisonnement de sa propre jeunesse :

- Je peux comprendre à quel point tu chéris ta liberté si durement acquise après des années passées dans le carcan de ta vie de princesse. C’est la raison pour laquelle je ne tenterai pas de t’en priver et que je respecterais ton choix de demeurer neutre dans les affaires politiques ou de suivre ta propre ligne de conduite sans chercher à tout prix à te rallier à ma cause. Quant à laisser mes conseillers me dicter ma conduite, disons qu’en me conseillant de conclure une union favorisant la pérennité de mon Empire, ils ne font que jouer leur rôle et je ne suis pas insensible à leurs arguments, même si au final en tant qu’Empereur c’est à moi et à moi seul qu’il incombera de faire un choix, ajouta-t-il avec un sourire énigmatique.

Par la suite leur conversation dériva sur le sujet de la Caste des Dragonniers qui à l’époque de son existence défendait des valeurs de pacifisme et d’universalisme, ouvrant ses portes aux dragonniers issues des différentes races et de tous horizons. Aussi écouta-t-il avec attention les propos de la princesse écarlate :

- En effet, du temps de son existence la Caste des Dragonniers avait pour vocation d’accomplir de grandes choses et guidait les dragonniers naissants afin de les aider à maitriser leurs pouvoirs et à s’approprier progressivement leurs nouvelles responsabilités envers le monde. Ainsi tu aimerais la recréer et aller au-delà-de l’œuvre des précurseurs de cette œuvre, qu’as-tu en tête à ce sujet ? demanda le gamin intrigué.

Nolan désirait ardemment entendre ce qu’Orfraie avait à l’esprit et en songeant à la Caste aujourd’hui dissolue une image venue de son passé lui revient en mémoire : celle du dragonnier Achroma qui autrefois lui avait sauvé la vie en l’arrachant aux griffes d’Aldakin du Néant pour le ramener à son père Korentin. Jamais le jeune empereur n’avait pu oublier cette silhouette immense, aux longs cheveux vaporeux et aux yeux d’un bleu d’acier…
D’ailleurs, même l’ombre du défunt Korentin, disparu dans des circonstances tragiques, continuait à hanter le dernier héritier de la dynastie Kohan et l’évoquer fit renaître en lui un profond sentiment de mélancolie. Aussi s’empressa de changer rapidement de sujet, sentant la gêne que cela éveillait chez son interlocutrice et sa propre douleur que ce souvenir ravivait, afin d’aborder le sujet plus léger de l’anniversaire de Luna. Et la lié de feu accepta avec empressement et enthousiasme de devenir la Co-instigatrice de cet événement secret ajoutant à leur complicité naissante la délicieuse saveur du complot.

- Il ne reste que quelques jours avant son anniversaire et il faudra mettre les bouchées doubles pour organiser une telle réception, dit-il songeur. Mais j’ai déjà quelques idées en tête pour la décoration et certaines personnes qualifiées pour cette tâche se trouvent présentement à Sélénia. C’est donc l’occasion rêvée ! Quant à Cynoe, puisque tu désires le rencontrer, je compte lui demander de participer à cette fête d’anniversaire afin de vous le présenter à toutes les deux. J’espère que celui-ci vous plaira car c’est un dragon formidable plein de sagesse et de bonté et dont le but est d’aider les bipèdes du mieux possible.

Nolan n’était pas peu fier de son lié et son affection pour Cynoe se percevait dans ses propos dithyrambiques. A peine quelques mois s’étaient écoulés depuis la création de ce lien d’âme, mais le gamin se sentait déjà profondément attaché au dragon violine et ce sentiment ne faisait que croître au fil du temps.