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Ils avaient un navire, ils avaient un capitaine et ils étaient presque prêts à partir, il était donc temps d'aller chercher l'humaine qu'il emmenait dans ses bagages. Officiellement bien entendu, c'était lui, le bagage, mais en réalité, il avait plus encore de raisons de vouloir rejoindre Cordont que la jeune femme. Par bonds magiques, il avançait au travers des rues de Caladon jusqu'à la forge où il savait pouvoir la trouver à ce moment-là, ayant suivit le bruit de son cœur par magie autant que par le souvenir de ce lieu qu'elle lui avait un jour montré. Le trajet ne prit pas plus de quelques instants depuis le port et il manqua de terminer stupidement sa vie dans un des murs de la forge, parvenant à jauger au tout dernier moment de la distance pour s'arrêter nez à planche de bois avec la porte d'entrée sur laquelle il frappa après avoir fait quelques pas en arrière. Dès que la porte s'ouvrit il s'engouffra à l'intérieur et se dirigea vers le cœur de la jeune femme. Il aurait pu fermer les yeux qu'il ne l'aurait pas perdu, pas alors qu'elle était si proche. Avait-elle déjà sentit la suite ? S'attendait-elle à voguer sur les flots en cette journée, pour ne revenir auprès de sa famille que bien plus tard, lorsque la crise serait réglée ? Il n'en savait rien, ça lui importait peu au final, car le résultat serait indubitablement le même.

« Dame Falkire ?  »

Elle était là. Il s'arrêta, laissant s'égrener une poignée de secondes avant de reprendre la parole, n'étant pas là pour badiner. Bien au contraire, il était là pour quelque chose de très sérieux et n'allait pas se mettre à le délayer.

« Le Capitaine Nordane apprête son navire pour une traversée d'urgence vers Cordont… il va embarquer du matériel pour les guérisseurs, ainsi que plusieurs d'entre eux. Il va également vous prendre à son bord. Si ce n'est pas déjà fait, je ne saurais que trop vous conseiller de mettre vos affaires en ordre, il va falloir faire vite  »

Il n'avait pas l'intention d'attendre indéfiniment et s'il devait la prendre sous son bras et la kidnapper de nouveau, il le ferait sans une once de remord. Aldaron avait besoin de lui, mais il aurait aussi besoin de soutiens politiques, et n'était-elle pas justement une alliée ? Elle pourrait l'aider là où lui ne le pouvait pas, elle était donc importante. De plus, cela prouverait que le conseil Caladonien soutenait son elfe… que ce soit vrai ou pas, l'important était ce que croirait Sélénia…

descriptionVers Cordont [PV Autone] EmptyRe: Vers Cordont [PV Autone]

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Et si elle arrivait en retard? Elle achèterait une monture et irait jusqu’à Cordont ainsi. L’idée la rendait nerveuse, mais elle ne pouvait partir sans dire aurevoir à Satie. Elle devait donner ses dernières instructions à Leto. Autone posa son sac à l’entrée et embrassa sa belle sœur sur la joue. La dame semblait inquiète, elle n’aimait pas que Autone quitte ainsi sans savoir quand elle reviendrait. Et les enfants, Satie se gardait toujours de rappeler à Autone que ses enfants avaient besoin d’elle. Inutile de lui dire, c’était sa première préoccupation. Elle partait ainsi par crainte que ses enfants ne voient les atrocités qu’elle avait vu. Et elle n’oubliait pas tout le temps qu’elle leur volait. Mais elle ne pouvait faire autrement.

Satie se retourna quand elle vit entrer le vampire, elle s’étonnait encore de voir entrer des personnages aussi importants dans sa forge. Ses yeux ne perdaient pas leur éclat vif avant qu’elle ait le réflexe de saluer sa clientèle. Cette fois ci, elle se tût à mi-chemin entre le bon et le jour.
Autone croisa le regard d’Ivanyr, elle hocha la tête une seule fois comme à son habitude. La veuve était étonnée que le vampire ait déjà pris soin de tout planifier, qu’il l’attendait alors qu’elle ne l’avait pas encore informé qu’elle partait. Une planification aussi efficace et rapide, c’était un talent de contrebandier.

La petite veuve se retourna vers Leto qui était sage, sentant sa tension et la colère dans laquelle elle était entrée dans la pièce. Il remua la queue alors qu’elle se penchait pour lui offrir une dernière caresse. « Tu restes ici. Ta priorité est de garder Ophélie et Kyran. Si … s’il n’y a plus d’espoir, va voir Eleonnora. »

Le rossignol se leva.  « Cette femme est votre voie de communication avec moi en cas d’urgence. J’ai envoyé quelqu’un pour garder un œil sur vous pendant mon absence. Soyez prudent. »

La jeune femme s’en voulait d’être moins chaleureuse avec eux. Aldaron l’avait enflammé de colère. Elle s’était retenue d’envoyer des boules de feu dans la forge. Elle ramassa son sac, avec une envie incroyable de le lancer de toutes ses forces. Elle voulait cesser cette colère en elle et cela semblait impossible si elle devait rester impassible. Un soupir fit soulever ton torse, puis elle franchit la porte et se mit en marche vers le port.

« J’allais partir. Merci de t’être occupé du transport. As-tu déjà payé le capitaine? Si c’est le cas je te rembourserai. »

Elle soupira à nouveau, sans vraiment savoir pourquoi, elle tentait juste d’évacuer ce qui l’énervait et elle ne savait plus toutes les raisons qui l’avaient mise dans cet état. Les décisions d’Aldaron, les propos d’Eleonnora, ou lui qui les supportait. Et Ivanyr était la dernière personne à qui elle pouvait confier cela. Quelque chose se passait, s’était passé… Ivanyr serait du côté d’Aldaron.

« Il m’énerve… »
marmonna-t-elle impulsivement. Il, ils, ceux qui n’avaient rien vu, et qui voulaient cette guerre. Et celui qui lui échappait, qu’elle ne comprenait pas. Pourquoi poser cette action et prétendre servir la paix avant d’affirmer qu’elle était vaine.  

« La paix n’est pas vaine… »
Pensa-t-elle à voix haute, cette fois. Autone soupira à nouveau et cacha son visage dans ses mains avant de les laisser retomber. « Les gens que j’apprécie sont incompréhensibles…Et…Pourquoi était tu aussi formel? » Elle croisa les bras, faisant la moue. « Tu peux m’appeler Autone. »

descriptionVers Cordont [PV Autone] EmptyRe: Vers Cordont [PV Autone]

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Le regard profond, clair, restait posé sur la jeune femme, l’observant sans toutefois qu’elle restât parfaitement matérielle. Par instant, ses mires la traversaient, cherchant autre chose, se lustrant ainsi d’une pellicule plus sombre, qui renforçait encore l’effet que la tension de ses traits régaliens provoquait. Qu’elle se dépêche donc, il était au-delà de toute retenue pour cela, et il lui fallait se faire violence pour considérer les sentiments qui pouvaient habiter le corps frêle de la conseillère. L’atrophie de son empathie prenait ainsi tout son sens, et seuls comptaient ses propres affects, pas ceux de l’humaine, dont il n’imaginait pas les troubles. Le gouffre ouvert par l’absence d’Aldaron était béant en lui, la froideur qu’il provoquait le gagnait comme l’hiver sur une plaine, inexpugnable. Fort heureusement, elle ne traînât pas trop, et ils furent rapidement à l’extérieur, marchant de concert vers les quais. La question, comprise un peu tard, il lui décocher un regard oblique à la conseillère.

«  Non, il a accepté d’attendre un peu. Et surtout, il a compris qu’il y avait plus important sur le moment »

Elle avait eu l’intention de partir également hein ? Il n’allait pas arguer, cela tombait bien et peu importait si c’était son idée ou la sienne, l’important, c’était qu’ils prennent ce maudit navire et qu’ils larguent les amarres aussi vite que possible. Chaque minute perdue était une minute de moins auprès de son compagnon. Maintenant qu’il y repensait, il avait été d’une stupidité sans borne d’accepter de rester en arrière et de le laisser partir là-bas tout seul, et désormais il en payait le prix. C’était la dernière fois qu’il faisait une telle erreur, personne ne l’empêcherait de rester aux côtés de son elfe désormais, même avec les meilleures raisons du monde. Il était largement prêt à en payer le prix, pour ce que ça lui offrirait de positif. Mais d’abord, il allait dire franchement à Aldaron ce qu’il pensait. L’idée ne le réconfortait pas vraiment mais il y était bien décidé.

«  Qui t’énerve ? »

Le ton était neutre, seule courtoisie qu’il était prêt à sacrifier sur l’instant. De quoi parlait-elle exactement ? La suite lui fit lever un sourcil. La paix n’était pas vaine, hein ? Plût aux Déesses que ce fut effectivement le cas. Pourtant, il commençait à se poser des questions. Il ne voulait pas d’une guerre maos force était de constater que les humains y mettaient beaucoup de cœur. Et si la guerre était simplement une forme de maladie, ou de régulation de ce monde envers leurs espèces ? De toute façon qui pouvait vraiment le savoir ? Ni lui, ni elle, ni qui que ce soit sur cet archipel. Leurs déesses auraient peut-être pu, mais elles n’étaient plus, ou plus consciente en tout cas. Est-ce que la petite chose avait aussi peur que cela, ou était-ce simplement ce qu’elle aimerait prêcher ? Est-ce que la paix pouvait être vaine ? Bonne question, était-ce vraiment l’essence de la question à poser ?

«  Pourquoi pas ? Il ne me semble pas que l’on se soit donné une ligne de conduite avant que tu n’aborde cela aujourd’hui si ? »

Ivanyr lui décocha un nouveau coup d’œil. Il parlait comme il se sentait de parler, ne se posant guère la question, mais si elle préférait le tutoiement, il y resterait. Haussant les épaules, pour montrer combien il tenait peu à la notion, le vampire poursuivit rapidement sur autre chose, d’un peu plus intéressant pour tous deux.

«  Tu sais, certains disent que l’on peut apprécier quelqu’un uniquement si on ne le comprendre pas. D’autres qu’il faut un juste milieu. Peut-être aussi ne veux-tu simplement pas les comprendre, instinctivement. De quoi s’agit-il donc ? Même en marchant vite il faut un moment pour aller jusqu’au port, tu as largement le temps de me parler de tout cela. Si tu le souhaites »

Après un clignement, il ajouta :

«  Pourquoi dis-tu que la paix n’est pas vaine ? »

descriptionVers Cordont [PV Autone] EmptyRe: Vers Cordont [PV Autone]

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Autone passa une main sur sa robe, au niveau de sa cuisse, pour vérifier que sa bourse était toujours là où elle l’avait dissimulée. Ça irait, elle aurait suffisamment pour le voyage et un montant pour les urgences en cours de route. « Je ne sais pas qui sont ces certains qui disent cela. Il y a nombre des dictions contradictoires sur l’amitié. »  Elle ne commençait qu’à y toucher, cette notion floue d’amour et d’amitié. Elle avait grandi dans un monde où les relations étaient des contacts, des collègues et des alliés. Tout le reste tanguait entre ennemis et trêves occasionnelles.

« Qui se ressemble s’assemble, les opposés s’attirent. »
Elle fronça les sourcils, réfléchissant à ces deux phrases. Réfléchissant à ses proches. Ils étaient tous si différents d’elle. Tous calmes et tellement moins impulsifs.  « Je n’ai jamais été amie avec quelqu’un qui me ressemble. Peut-être as-tu raison. »  

Elle n’avait jamais vraiment rencontré quelqu’un qui lui ressemblait. Ou peut-être que si, mais elle s’en était éloigné. « C’est Aldaron et Eleonora… ils… en parlent comme si ce n’était rien. Comme si ce n’était pas grave. »

Pourquoi était-ce le seul moyen selon elle? C’était facile, de voir les choses ainsi, quand elle n’avait jamais porté une épée. Quand elle n’avait jamais partagé un repas avec les soldats qu’elle envoyait.

« Quand est-ce, la dernière fois où ce monde a vu la paix? Pour au moins dix ans. »
Autone baissa les yeux, n’arrivant pas vraiment à y penser.  « Les humains et les vampires font la guerre et s’ils sont en paix, certainement ceux qui ont été les victimes des années précédentes seront en colère. Un territoire brisé par un ennemi commun doit être divisé à nouveau. Et les gens tiennent à leurs terres plus qu’à leurs propres enfants… »  Elle ne retint pas le dédain dans sa voix. Elle comprenait que l’on veuille protéger le territoire, mais pas qu’on ne veuille pas le partager. La terre ne pouvait pas être possédée.

« Il y aura toujours un conflit peut-être est-ce inévitable et naturel.

On m’a dit que… La paix trouble la guerre. Il y aura toujours des conflits, mais la paix est possible quand des gens se battent pour la faire durer. Et elle cesse quand ces gens meurent ou sont vaincus. Je pense que la paix n’est pas vaine parce qu’elle n’est pas insignifiante. Je pense que même si elle est destinée à être brève, c’est la vie tout entière qui est vaine sans elle. Et si nous pouvons l’avoir, ci et là interrompue de tensions, ce sera mieux que de ne jamais avoir essayé. »  


Autone respira un coup, le sujet l’avait animé et mise en colère. Sa voix s’adoucit, elle se calma un peu. « Il m’a fait des promesses. Et ensuite il parlait de cela comme une option. Une possibilité qui … ça ne lui dérange pas. »

descriptionVers Cordont [PV Autone] EmptyRe: Vers Cordont [PV Autone]

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« Il y a nombre de dictons contradictoires sur tout et n’importe quoi, dans les faits. On ne continue pas moins à les suivre, quand on trouve en eux un écho. Et puis, qu’ils soient contradictoires pourraient bien être source de véracité »

Il haussa les épaules, comme si de rien n’était, se préoccupant peu de savoir si cela avait le moindre sens pour elle. Ce n’était pourtant qu’une manière de nonchalance, rien qui fut dicté par le mépris ou par une quelconque malveillance. L’orgueil lui était plus étranger encore. Aux yeux du vampire, ce qu’il venait d’affirmer était très clair, et il lui était limpide qu’elle verrait l’évidence en tout cela également, étant une femme intelligente. Bien loin de lui l’idée que l’évidence était un piège apatride qui tendait les bras comme les nasses dès les premières paroles entonnées, et quelle que soit la circonstance. L’idée inepte mais amusante de lui offrir un nom à ces affirmations l’étrilla quelques instants avant qu’il ne décide de rejeter l’hypothèse et se contente d’écouter ses diatribes, toujours curieux, malgré sa mauvaise humeur persistante. Un nouveau coup d’œil décoché vers elle vint ponctuer sa réminiscence et il dû faire attention un instant pour ne pas percuter une charrette avant de pouvoir lui réponse.

« Peut-être ai-je aussi tort. Tu n’as vraiment jamais eu un ami qui te ressemble ? Sais-tu même qui tu es ? »

Sans doute était-ce encore une fois maladroit de sa part de l’exprimer ainsi. Mais au fond, n’était-ce pas vrai ? Se qualifier soi-même était excessivement difficile, une entreprise jonchée d’écueils de taille. Comment pouvait-elle être si certaine ? Ou bien cherchait-elle à l’être afin de se donner, justement, une consistance, un socle sur lequel s’appuyer. Peu importait alors s’il était véridique, juste, tant qu’il permettait l’existence, la reconnaissance et l’énonciation. Se confronter en permanence à la béance de l’être, à la difficulté de sa définition et de son impression sur le monde qui le portait, voilà bien un poids que le commun comme l’élite ne souhaitait pas endurer et qui pourrait leur jeter la pierre ? Jeter un œil sur ces questions ne signifiait nullement qu’on fut réellement prêt à en affronter l’énormité et le vide que cela provoquait. Accepter que l’on fût un tout petit rien dans un univers à la richesse exceptionnel, ça demandait une sacrée dose de force intérieure.

« Ils parlent… de Cordont ? »

Oui, sans aucun doute, de quoi d’autre pouvait-il s’agir ? Il s’adoucit sensiblement, l’observant avec moins de sècheresse et d’amertume. Il resta coi, la laissant déverser ce qu’elle pensait, puis soupira. Aldaron ne devait pas se sentir bien du tout, en l’instant, et cela ne lui donnait que plus envie de le rejoindre. Lui qui ne s’embarquait dans tout cela que par amour pour lui, il le prendrait dans ses bras, et lui changerait les idées pour un moment, et l’accueillerait quand il reviendrait, veillerait sur lui… il aurait dû être là-bas, il aurait tellement dû être là-bas. Une pointe de douleur lui traversa le corps et il inspira difficilement, devant lutter pour emplir ses poumons. Instinctivement, il aurait voulu tout balayer pour ne lui laisser aucun moyen de s’en prendre à son compagnon et amant, mais Ivanyr se raisonna et lorsqu’il parla, sa voix était tranquille, défaite de jugement ou d’agressivité. En vérité ? Elle était pensive.

« Est-ce que c’était vraiment la paix ? Il y a dix ans, avant la réapparition des vampires ? Le continent se mourrait sans magie. Est-ce qu’on peut vraiment dire que c’était la paix ? Dans l’esprit de la population ‘la paix’ a une définition simple, simpliste en vérité. Ils diront ouvertement que c’est un temps sans guerres. Mais la paix n’est pas sans souffrance. La seule différence que j’y vois, c’est qu’en temps de guerre, ou est plus honnête quand on cherche à crever quelqu’un. Ou piller, ou voler, ou humilier, ou… beaucoup de choses »

Ivanyr secoua la tête, un geste instinctif, comme pour chasser un insecte irritant, puis poursuivit alors qu’il marchait, contraint d’élever un peu la voix pour se faire entendre par-dessus la cacophonie de la grande rue. Par instant, il plongeait une botte dans une petite flaque d’eau qui protestait en éclaboussant les pans de sa longue tunique. De l’extérieur, il n’était guère perceptible, aussi devait-il faire d’autant plus attention à son environnement, pour ne pas percuter quelqu’un involontairement. Pourtant, il percutait en comparaison quelqu’un tout à fait volontairement par son discours. Il se doutait qu’elle pourrait peut-être en être amère, mais il n’en continuait pas moins. Ce serait aussi une insulte à son intelligence de ne pas dire ce qu’il pensait.

« Une paix… c’est obligatoire, non ? On refait les stocks, on fourbi ses armes, on trouve de nouvelles façons de se tuer, on laisse la population se reproduire, donner de nouveaux soldats, on fait des alliances, on apprend des secrets. La paix est le soulagement de l’esprit et du cœur, une bouffée d’air frais pour se remettre d’un conflit, pour redonner aux princes et aux seigneurs le goût du sang après une overdose, renouveler la crédulité du peuple, laisser les blessures physiques et mentales pourrir. La paix est le perron de la guerre, sa mère aimante, sa nourrice attentive. Elle est aussi inévitable que le conflit, ils vont tous deux de pair »

Là, c’était le moment où elle le considérait avec colère également non ? Pourtant elle connaissait, au fond d’elle même, ce dont il parlait. Elle le devait bien. Il suffisait de voir les actions de l’alliance. Elle l’affirmait, d’une autre manière. Il existait toujours une blessure qui s’infectait, une blessure pleine de rancœur qui explosait en une nouvelle guerre. Il y avait tant d’excuses qui devenaient conflits, tant de voies vers la guerre. Elle était donc inévitable, Autone avait raison, elle l’était car la paix donnait aux hommes le temps de ruminer leur bile. Paix était un mot creux, car il recouvrait autant d’aloès que de miel. Paix n’était pas ce qu’elle cherchait, mais l’idée qu’elle cherchait n’avait pas de mot propre pour la désigner.

« Tu as raison Autone, le problème vient de l’esprit. Si tu veux atteindre ce que tu places dans ce mot plutôt que ce qu’il promet, peut-être alors devrais-tu inventer un nouveau terme, et un nouvel empire pour lui ? La paix ne trouble pas la guerre, mais ce qui la trouble ce sont des individus prêts à briser la roue, si tant est qu’il en existe. Tu n’en es pas un mauvais exemple je pense. Mais tu choisi mal ton combat. Aldaron… il comprend ça »

Un regard inquiet, différent de ses propos crus et coupants, mais non moins sincère. Il n’aimait pas savoir qu’elle en voulait à son amant. Il les appréciait tous les deux. En fin de compte, devoir la réfuter ne lui aurait pas fait plaisir s’il y avait cédé. Son silence ne dura que quelque instants avant qu’il ne poursuive, la voix lourde de gravité qui pourtant ne pouvait cacher la sincère vibration de sa confiance absolue en l’elfe, de cet amour pur et sincère qui lui faisait fermer les yeux et avancer sur le chemin d’Aldaron sans un regard en arrière.

« Il sait. Mais parfois, un membre que tu ne peux sauver doit être amputé. Il ne serait pas impensable qu’une guerre soit l’instrument nécessaire pour trouver la ‘paix’. Je n’en sais rien, je ne suis pas omnipotent. Tout ce que je sais, c’est qu’Aldaron n’est pas un imbécile et qu’il connaît ce qu’il a entre les mains. Ce serait hypocrite de ne pas envisager la guerre comme une option possible, ça ne veut pas dire qu’il la provoquera pour autant, c’est juste… objectif. Tu vas le voir face à face, je suis certain qu’il pourra davantage t’expliquer alors. Te rendre malade ne vous servira pas, ni toi, ni lui »

Cette voix, son ton reprit les accents innocents d’une tristesse qui cherchait le réconfort.

« Tu ne vas pas restée fâchée contre lui hein ? »

C’était plus fort que lui.

descriptionVers Cordont [PV Autone] EmptyRe: Vers Cordont [PV Autone]

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« Bien sûr que je sais qui je suis » pensa-t-elle silencieusement, quand son regard, lui la trahissait. Elle n’avait plus seize ans, elle n’était plus cette enfant qui se cherchait et ne trouvait pas d’issue à une cage qu’elle avait forgée elle-même. Achroma mettait de l’huile sur le feu et l’éteignait ensuite, puis il ravivait la blessure qu’elle avait cru contrôler jusqu’à maintenant. Morneflame était encore là dans un fond barricadé d’elle-même et aujourd’hui deux personnes avaient fait érupter son volcan. Elle leur en voulait, Aldaron parce qu’il savait, parce qu’il avait prononcé les mots pour ouvrir cette plaie, sans aucune retenue. Achroma, c’était difficile. Elle ne lui avait jamais dit, pourtant elle se sentait sur le point d’exploser. Elle voulait tout faire éclater et s’enfuir, mais l’endroit où elle voulait aller était Cordont. Alors il faudrait passer la première étape.

C’est quand Achroma posa la question d’un air inquiet qu’elle sortit de ses gonds.  « Qu’est ce que ça peut te faire? De quoi veux tu le protéger? Que Aldaron soit fortement indélicat ne changeras pas ta relation avec lui et si tu es insulté que je sois en colère quand je sors TOUT JUSTE d’une entrevue avec lui peut-être que tu devrais reconsidérer… »

La veuve s’interrompit brusquement, détacha son regard dur qu’elle avait posé sur l’ancien et laissa ses pupilles rejoindre le néant, comme si elle ne savait comment terminer sa phrase. Reconsidérer son amitié? Ils se connaissaient depuis peu de temps. Dans une voix plus timide, elle reprit, ses bras toujours croisés, elle était refermée sur elle-même. Depuis des mois, qu’elle ne baissait jamais la tête. Et là, elle n’y pensait plus.

« Je ne peut pas faire autrement. Tout est toujours noir ou blanc dans ma tête et tout est toujours incroyablement vif… »


Autant la douleur, la joie ou l’amour.  « Aldaron est mon patron et…mon ami, je pense. Je vais finir par me calmer. Je suis en colère mais je n’ai pas cessé de l’apprécier. »  

Autone baissa les yeux, elle s’en voulait d’avoir monté le ton avec Ivanyr. « Je suis désolé…Je n’aurais pas dû perdre mon calme. Peut-être as-tu raison, même si ce n’est pas ce que je veux entendre. Même si tu ne te souviens pas, tu as vu des années que je n’ai pas vu. Je ne sais pas si la sagesse est quelque chose qui est immuable…Quoi qu’il en soit, c’est honnête de me dire ce que je ne veux pas entendre. »  

La petite veuve soupira, alors qu’elle décroisait les bras et que son visage tombait dans ses mains, se cachant de sa culpabilité. « Je suis désolé… » répéta-t-elle en dégageant ses mains pour pouvoir regarder où elle allait.

descriptionVers Cordont [PV Autone] EmptyRe: Vers Cordont [PV Autone]

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L’explosion soudaine fut accueillie avec un stoïcisme plein d’innocence, alors qu’il cillait puis l’observait s’énerver sans rien dire, attendant patiemment qu’elle se calme comme un fait sortir le pus d’une plaie pour débuter son nettoyage. Lorsqu’elle se calma enfin, il eut un léger sourire. Son éclat avait fait cesser leur avancée au sein des rues, il en avait conscience, il avait pourtant aussi conscience qu’il avait sciemment ou presque fait sauter sa retenue. S’avançant, sans rien dire, il vint la prendre dans ses bras et la serra d’abord doucement, puis plus fort, sans toutefois chercher à la broyer. Elle était si frêle comparée à lui ! Il se plia en deux pour lui faire un sourire et lui embrassa le front avant de soupirer. Elle était frustrée de la situation ? Sans doute un peu, lui aussi, d’une autre manière, et maintenant qu’elle avait vidé son sac, il s’en voulait un peu de s’être montré aussi amer et infâme avec elle. Même s’il ne revenait pas sur ses mots, s’il était convaincu du bien fondé de ce qu’il avait affirmé, il regrettait de ne pas y avoir mit plus de formes. Il aurait pu, mais là où elle criait pour exprimer sa colère, lui se faisait venimeux.

«  Moi non plus je n’ai pas envie de les voir s’affronter, Autone  »

Un genou au sol, il pouvait l’observer à bonne hauteur et eut un sourire hésitant.

«  J’ai juré de tuer si Aldaron me le demandait, mais je n’ai pas envie de le faire »

Il le ferait, la mort dans l’âme, l’horreur sur la langue, et la tristesse au cœur. S’il le devait, il le ferait. Il espérait qu’il n’aurait pas à en arriver là. Ivanyr se redressa, et lui fit signe de reprendre la marche. Il fallait avancer, ils risquaient de ne pas partir et s’entretuer. Un moment, il resta silencieux, puis se décida à rompre le coi pour s’adresser de nouveau à elle. Ils n’étaient pas si différents, au fond, même s’ils ne voyaient pas le cheminement à faire de la même manière. En un sens, il l’enviait de s’énerver et de pouvoir ensuite s’excuser si aisément, lui ne trouvait pas cela si simple. Il avait toujours l’impression que ses affects étaient plus sombres et sourds, et qu’il ne saurait pas s’exprimer avec cette candeur qu’elle avait. Il l’enviait, pour cela. Portant sur elle un regard en biais, il la surveilla, cherchant à savoir l’impact que ce qu’il disait avait sur elle. Même si elle avait réussi à s’exprimer, il n’était pas certain que toute la tension ait réellement été évacuée. C’était trop viscéral pour ça, trop compliqué.

«  Que tu sois fâchée contre lui me fait grandement, à vrai dire. Je l’aime, toi, je t’apprécie beaucoup. N’est-ce pas normal de souhaiter que deux personnes auxquelles on tient soient également en bons termes ? Quant à le protéger… je veux le préserver de tout, en soi, de toi peut-être ? Tu as ta propre forme de violence et de cruauté, comme tout le monde, et je sais que sous son armure il est vulnérable  »

Il était heureux, soulagé, cependant, qu’elle ne reste pas irritée contre son elfe. Elle pouvait lui hurler dessus autant qu’elle voulait si cela permettait qu’elle accepte de s’adoucir pour Aldaron. Telle était son affection pour le bourgmestre. Il aurait donné son sang, sa vie pour lui. Un soupire lui échappa alors qu’il contemplait à quel point il était lié par l’amour qu’il lui portait. Aldaron pouvait tout lui demander, il ne savait pas s’il serait capable de se soustraire à sa volonté.

«  Ce que tu cherches, au fond, sous la mauvaise appellation, j’aimerais le voir aussi. Je souhaite que tu y arrives, même si c’est utopique  »

Ivanyr s’arrêta de nouveau, baissant les yeux un moment avant d’inspirer, puis d’expirer profondément. Lorsqu’il parla, ce fut avec une profonde lassitude, d’un ton sensiblement traînant, comme si les mots lui coûtaient.

«  Il y a deux ans, Cybele et Elric m’ont remis une faux. C’était une arme magnifique, débordante d’énergie magique. J’ai été incapable de la garder en main… j’avais… des visions. Je voyais d’immenses massacres, ceux qui avaient marqué l’histoire de cette arme. Ils me rendaient malades. J’ai su, à ce moment-là, que je ne voulais pas prendre la vie d’autrui. Pourtant, je sais que je le ferais pour protéger ce que j’aime. Et… tout le monde n’est pas Délimar. La majorité des soldats ne se battent pas pour la gloire de leur patrie. Ils crachent sur le fait que Caladon emplois des mercenaires, mais finalement, les soldats Séléniens ne sont-ils pas mercenaires également ? Ils se battent pour leurs familles, pour un solde, pour… la patrie, c’est un prétexte. Si on enlevait tout cela, si on remettait cartes sur table, table rase… que se passerait-il ?  »

Il n’en savait rien. Sa marche reprit, lente, alourdie du poids qu’il évoquait.

«  Tu ne t’ai jamais demandé d’où cela venait exactement ? Peut-être est-ce simplement un moyen pour ce monde de se débarrasser de nous, si nous sommes des parasites…  »

descriptionVers Cordont [PV Autone] EmptyRe: Vers Cordont [PV Autone]

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Elle s’arrêta en comprenant ce qui était en train de se passer. Il y avait toujours cette résistance de se laisser approcher, à la fois elle savait très bien que c’était absurde de vouloir s’éloigner de ce dont elle avait besoin. Que ce soit Achroma, Aldaron ou sa famille, elle avait envie de les avoir près d’elle, alors que c’est la peur qui se blottissait dans ses bras quand elle les repoussait. La petite veuve inspira en fermant les yeux, quelques tensions disparurent dans les bras de son ami.

Autone regarda le vampire dans les yeux avant de baisser la tête, un peu renfermée sur elle-même. Elle ne pensait plus aux apparences qu’elle avait maintenues, dans les derniers mois. Cela restait dans un coin de sa tête, qui lui criait comme une alarme de se reprendre, mais elle était trop lassée pour l’écouter.

La veuve reprit sa marche avec l’amnésique, laissant couler le silence, réfléchissant avant de lui répondre. « C’est une pensée qui m’effleurait souvent, après le jour où les déesses sont parties…Ma mère m’avait appris à les prier et à les remercier. Je le faisais, même quand je suis partie. C’est peut-être cette foi qui m’a poussé à continuer. À tenter de survivre et à croire qu’un lendemain, peut-être pas le prochain…peut-être après un mois ou un an…je serais libérée. » Ses lèvres tremblèrent un peu, sans que ses yeux ne se remplissent d’eau. Elle n’avait pas envie de pleurer, mais cela l’effrayait de penser à ces quatre murs.

« Et à Morneflame, j’avais foi en un lendemain lointain où je verrais la lumière surgir derrière ces grandes portes. Je savais que jamais, je n’avais prié en vain. Toutes les fois où j’ai eu la foi, j’ai eu raison. Maintenant, il ne reste plus que nous. Tout ce que je sais, c’est que le monde doit trouver son équilibre, même si c’est au prix de catastrophes. Les déesses… ne sont plus là pour nous guider quand la mort reprend son dû. »

Elle n’y avait pas beaucoup pensé, au début. Trop occupée et heureuse, il y avait eu sa grossesse inattendue puis le mariage qui s’était fait rapidement et une carrière qui florissait. L’avenir lui avait semblé plein d’espoir avant que tout ne s’assombrisse.

« Je n’y pensait pas trop avant, depuis la guerre, cette pensée envahit complètement ma tête. Je n’ai pas peur de faire la guerre. Je n’ai pas peur de me battre. J’ai peur de notre sort, j’ai peur que ce que nous sommes en train de faire soit exactement la raison pour laquelle nous avons perdu notre maison. »


La petite veuve soupira, parfois elle se sentait coupable d’être aussi déprimante. Elle s’arrêta de marcher quand elle vit devant elle les embarcadères. Autone renifla l’odeur fraiche de la mer. Elle repéra son garde du corps qui l’attendait sur le quai. La jeune mère releva un peu sa robe pour détacher la bourse qu’elle avait prévue et la lui remettre. Autone tourna la tête pour s’adresser au vampire. « De quel navire s’agit-il? »

Lorsqu’elle eut sa réponse, elle observa un moment le bâtiment avant de marcher vers la coupée. La veuve eut un moment d’hésitation, presque de nervosité. Elle n’avait pas peur de l’eau, mais elle n’embarquait presque jamais sur un bateau. « Trouve le capitaine, je ne veux pas que l’or passe par d’autres mains. » Le garde du corps la devança. Lorsqu’elle fût à bord, son premier instinct fût de monter sur le pont et d’aller observer les mouvements des vagues, du haut du bâtiment. Elle apprivoisait doucement l’instabilité du sol.

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Alors il n’était pas tout seul à réfléchir à des questions difficiles, en soi c’était sans doute rassurant, cela démontrait qu’au pire il n’était pas le seul à tomber parfois dans l’oisiveté, et au mieux qu’il y avait sans doute une forme d’intérêt à cela. Et si par malheur ils obtenaient un jour une réponse que se passerait-il exactement ? Qu’est-ce que ça changerait, en fin de compte ? Est-ce qu’il y aurait une lumière céleste pour eux, est-ce qu’ils ouvriraient subitement les yeux sur toute la noirceur du monde et la guiderait vers un meilleur futur ? Il pêchait par sarcasme mais c’était légitime non ? Pourquoi s’entêter à réfléchir à des questions qui ne changeraient pas la face du monde ? Bon sang, il n’en savait rien, ni dans un sens ni dans l’autre. Lui décochant un regard en coin, le vampire s’entendit parler avant qu’il ne puisse réfléchir à ce qu’il disait, un peu comme un objet lui échappant demains mouillées. La constatation le frustra intérieurement mais il alla jusqu’au bout sans s’arrêter, assumant sa propre bêtise comme il convenait.

«  Même lorsque les Déesses étaient présentes elles ne nous ont pas vraiment aidées Autone. Elles se sont manifestées après que Néant soit devenu fou et après que le Tyran soit apparu. Mais où étaient-elles avant ça ? Il y a eut de nombreuses occasions où elles auraient pu nous guider mais elles ne l'ont pas fait. Sans doute avaient-elles leurs raisons, mais ça ne change pas les faits pour nous. On se servait de la foi comme d'une béquille, on en trouvera sans doute une autre »

Il ne rejetait pas la foi, c'était une création grandement positive et un encouragement pour de nombreuses âmes. Pour autant, il n'allait pas couvrir les Déesses de louanges alors qu'elles n'avaient en fin de compte pas fait grand-chose pour eux. Qu'est-ce que pouvait être leur nouvelle béquille, ça c'était une autre question… La suite le fit légèrement renâclé et il la regarda de travers, avec un amusement ironique. Elle n'avait pas peur de faire la guerre ? Peut-être aurait-elle du justement, ça aurait été de meilleur ton et de plus grande sagesse. Cependant, il resta coi, n'étant pas prêt pour se faire crier dessus une seconde fois ou lui mettre un nouveau coup de barre sur la tête. A la place, il haussa légèrement les épaules en un geste d'impuissance. Elle avait l'art de poser des questions difficiles, de façon générale. Peut-être était-ce cela qu'il appréciait chez elle. Après tout, il était quelqu'un de profondément contrariant.

«  Peut-être… on aura cette réponse là à la fin je crois »

Ils poursuivirent ainsi en silence pendant un moment jusqu'à arriver près du navire. Il l'indiqua de la tête à la conseillère, donnant son nom d'une voix lointaine, observant les gréements d'un air pensif. Ivanyr l'accompagna sans rien dire, absorbé par la vision de l'océan, amadoué par les vagues. Les derniers arrivant embarquaient, et bientôt, l'ancre levée, ils entamèrent le voyage vers Cordont la Tombée. Le silence lui convenait, il n'était pas de ceux parlant pour ne rien dire, aussi écouta-t-il le chant de la mer au large, confortablement installé contre le bastingage. Il lui fallut au moins dix bonnes minutes avant de réellement se remettre de retrouver le large, mais quand il le fit, ce fut pour l'informer qu'il allait voir Purnendu un moment et qu'il la retrouverait après. S'en tenant à sa parole, il réapparut un peu plus tard encore, la mine soucieuse, sans rien en dire. Il prit néanmoins la parole, rompant le silence après tout cela.

«  Tu sais ce que tu vas lui dire, quand tu seras arrivée ? »

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Où étaient-elles, avant cela? Elle ne savait pas, tout ce qu’elle avait était qu’on lui avait répété sans cesse qu’elles étaient importantes. Qu’il fallait les prier, qu’il fallait y penser. Tout ce qu’elle savait c’était qu’on en lui avait parlé, c’est qu’elle les avait célébrées. Des brefs moments d’harmonie. L’image de sa mère qui remettait des offrandes à Océan lui revenait, pourtant cette femme n’avait pas de visage, comme chaque fois où elle visitait sa mémoire.

Autone Acquiesça lorsque Achroma partit, elle resta là, hypnotisée par les vagues. Elle pouvait rester là longtemps et ne rien faire du tout. Juste divaguer et observer, sans trop penser à ce qu’il y avait autour d’elle. Elle aimait se concentrer sur l’air qu’elle respirait, c’était quelque chose qu’elle avait cessé de faire quand Matis était parti. Elle avait occupé son esprit parce qu’il divaguait naturellement dans des souvenirs avec lui. Quitter Selenia, c’était aussi éviter tout ce quotidien qui restait le même, mais en le voyant disparaître d’un décor qui leur avait appartenu. Au fond c’était poétique, que l’endroit où ils s’étaient mariés était à jamais condamné par des chimères. De leur mariage, il restait des témoins et des poussières.

Elle soupira en entendant la question d’Ivanyr et leva un sourcil en tournant seulement la tête pour le regarder, puis elle se retourna pour s’accoter le dos sur le bastingage.
« Non je ne sais pas. C’est difficile d’y penser aussi rapidement. Je l’ai conseillé… mon travail est fait. » Oui, alors pourquoi se déplaçait-elle? Pour venir en aide aux blessés? Elle se mentait à elle-même. Il n’avait pas besoin d’elle à Cordont, mais elle avait besoin d’être présente. Elle s’inquiétait, pour lui, même s’il n’était pas seul.
« Je ne sais pas pourquoi je veux y aller. J’ai l’impression que je dois y être. » La veuve savait que ce n’était que de l’impulsivité, mais s’il y avait un caprice qu’elle se permettait, c’était celui de suivre son instinct, elle ne s’en excuserait pas.

« Pourquoi … » Elle soupira, interrompant sa question avec un brin d’exaspération dans la voix, puis reprit de manière plus calme.
« Je ne vais pas lui faire mal, Ivanyr. Nous avons plusieurs jours devant nous, j’ai le temps de réfléchir et… de ne plus être en colère d’ici là. »

Autone ouvrit la sacoche qui était accrochée à sa ceinture, elle commença à défaire la boucle de la ficelle qui tenait le rabat en place.
« Je n’ai pas eu d’occasion de t’en parler avant. Un collègue m’a dit que tu l’avait regardé avec beaucoup d’intérêt mais qu’il n’était pas parvenu à le vendre. »
Elle rit un peu en sortant le diadème de son sac « Le pauvre était désespéré, il avait eu une terrible semaine. » Elle sourit et remit le diadème entre les mains d’Ivanyr. « Mais dis-moi, qu’est-ce qui te préoccupe? »



Spoiler :



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Le regard qu'il porta sur elle fut curieux, interrogatif, sans qu'il ne rompe le silence pour la presser inutilement. Elle ne savait pas quoi lui dire ? Elle aurait le temps, durant le voyage, d'y penser, si cela ne venait pas instinctivement. Personne n'était construit de la même façon, tout le monde ne pouvait pas rétorquer sur l'instant sans préparations. Peut-être avait-elle simplement besoin de temps et de digérer. Quand on y pensait, cependant, elle avait conseillé le Bourgmestre, mais peut-être que si elle voulait tant y aller, c'était pour parler avec son ami ? Est-ce qu'elle était son ami ? Vraiment ? Oui, ne l'avait-elle pas dit, affirmé, elle-même un peu plus tôt ? Mais était-ce bien le cas ? Il ne s'était pas intéressé plus que cela à leur relation à tous les deux en fin de compte, peut-être qu'il le devrait à l'avenir.

« Tu y seras, bientôt »

Lui aussi d'ailleurs, mais il savait ce qu'il avait l'intention de dire à Aldaron. Son elfe, peu importe l'affection profonde qu'il avait pour lui, allait devenir temporairement un prunier. Pas par volonté personnelle, mais parce lui, Ivanyr, allait le lui imposer. Sa colère n'avait pas diminuée, il l'a couvait simplement avec beaucoup d'attention, la nourrissait dans la certitude qu'elle était légitime et comptait bien lui faire savoir qu'il n'appréciait pas du tout la situation. Il n'aurait jamais, réellement jamais, du accepter de le laisser aller à ce congrès sans lui. La voix de la jeune femme lui fit relever les yeux vers elle et le vampire l'observa quelques instants avec attention avant qu'il ne se fende d'un sourire léger. Elle s'était accrochée au fait qu'il pense qu'elle lui ferait du mal, cela prouvait déjà assez qu'elle ne le voulait pas.

« Je me doute que tu ne veux pas lui faire du mal. Nous savons aussi tous deux que parfois, ce n'est pas du ressort de notre volonté... »

Parfois, certaines choses n'étaient pas en leur pouvoir. Le dire à voix haute fit tomber un froid profond sur lui. Cela trouvait un écho particulier chez lui, un écho qu'il n'était pas certain d'apprécier. L'idée même que certaines choses échappaient totalement à leur poigne remuait les profondeurs de sa psyché et faisait tirailler son cœur et ses poumons. Bien décidé à ne pas prendre ce chemin-là seul, sans Aldaron et Purnendu, le vampire fit fermement demi-tour, intérieurement, et claqua la porte de son esprit qui ouvrait sur cet espace profond et obscure qu'il n'avait absolument aucune envie d'explorer pour l'heure… ou jamais d'ailleurs, si c'était possible. De nouveau, Autone le tira de ses pensées, le faisant ciller et le secouant hors de sa sinistre contemplation. Il mit quelques instants à comprendre ce qui venait de lui tomber dessus.

Cette fois, elle le prit complètement par surprise, s'attirant une expression incrédule de sa part. Elle était sérieuse ? Son regard tomba sur l'objet entre ses mains, et il l'accepta avec précautions l'observant attentivement. S'il n'avait pas été aussi estomaqué de recevoir un présent, il se serait sans doute demandé pourquoi on le surveillait et si cela arrivait souvent qu'on rapporte ses faits et gestes. Néanmoins, l'attention était extrêmement délicate, en plus d'être inattendue. On lui faisait un présent ? A lui ? Vraiment ? Mais, est-ce qu'il n'avait pas été odieux avec elle jusqu'ici ? Il lui avait attiré un tas de problèmes, l'avait fait hurlé, est-ce que cela valait vraiment un présent ? Surtout un présent aussi important ? Effectivement, il se souvenait avoir longuement miré le diadème dans la boutique près des canaux. Il avait failli se laisser tenter mais n'avait pas cédé.

« Je... » Il hésita, puis releva les yeux vers elle de nouveau « Merci »

C'était sincère. Il avait un peu regretté, après coup, de ne pas avoir acquis l'objet mais avait fait la paix avec l'idée en se convainquant qu'il avait de toute façon été vendu entre temps. Voilà qu'il avait eut de la chance. Pour autant, il ne revenait toujours pas du geste de l'humaine. Cela lui restait sur les bras, et à part la remercier avec franchise, il ne savait pas quoi dire ou faire, tout en ayant l'impression persistante de le devoir. C'était perturbant ! Autone, cependant, vint à son secoure sans l'avoir voulu, sans doute, et il tiqua sur la question. Ce qui le préoccupait ? Baissant de nouveau les yeux, il fit tourner le diadème entre ses mains, pensif. Bonne question, qu'est-ce qui le préoccupait ? C'était dur à dire. Peut-être aurait-il déjà fallut qu'on circonvienne le sujet exact, pour essayer de donner une réponse acceptable.

« A quel sujet exactement ? Si c'est Cordont, je n'ai tout simplement pas envie de voir tout le monde se taper dessus. Si c'est Aldaron, c'est que j'aimerais comprendre sa façon de penser. Pourquoi tout cela. De façon plus générale ? Je suis préoccupé par beaucoup de sujets, dont mon état de santé... »

Finalement, il jucha le diadème sur ses cheveux pâles et écarta légèrement les bras, avec l'air de lui demander si c'était bon. Il sentait la magie du glyphe incrusté qui commençait lentement à prendre effet sur lui et ses sens s'aiguiser de même. Clignant des yeux et penchant la tête il laissa l'énergie ajuster son corps puis reprit la parole.

« Qu'est-ce qui t'intéresse ? Je n'ai pas grand-chose à cacher, surtout à toi... »

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Elle avait fréquenté tant de gens qui avaient tout et pour qui offrir un cadeau devenait une tâche laborieuse et compliquée qu’elle avait oublié que pour certaines personnes, la somme qu’elle avait dépensée représentait une petite fortune. Son sourire calme, comme si ce présent ne représentait rien d’extravagant pour elle, se changea en mine interrogée lorsqu’elle vit la réaction d’Achroma, elle cilla.

« Ne…ne craint rien, je n’ai pas envoyé quelqu’un pour surveiller tes habitudes dépensières. J’étais une marchande, pendant quelques années, avant de devenir conseillère. »
Lui dit-elle pour tenter de le rassurer. Mais peut-être que l’inquiétude d’Ivanyr reposait, comme elle le soupçonnait seulement à présent, dans le montant que ce petit objet contenait. Elle n’y avait pas vraiment pensé à vrai dire, c’était dans son habitude d’offrir des présents à ceux qu’elle avait rencontré récemment. Comme si elle attendait de voir si une amitié naissait réellement avant de créer un symbole. Autone avait une place dans son cœur pour les belles choses. Elle se souvenait de cette bague de protection, qu’elle avait acheté à Matis en toute innocence et qu’elle ne lui avait offert qu’après leur première nuit ensemble. Pas qu’elle avait prévu quoi que ce soit. Son histoire avec Matis semblait écrite par une union du hasard et de la surprise. Tout leur avait tombé dessus sans qu’ils n’aient rien prévu. Même ces enfants, qu’elle lui avait demandé, ils étaient arrivés plus tôt et nombreux que prévus.

Satisfaite, la veuve sourit en penchant la tête sur le côté lorsque le diadème se posa sur la tête de son ami. « Tu as un joli visage, ça te va bien. » Elle ricana un peu. « C’est drôle que tu me dises ça, considérant le petit glyphe que j’ai ajouté. »  

Pour le lui avait-elle acheté? Ça ne lui semblait pas être un grand effort et ça avait été spontané. Non, c’est certain qu’elle n’aurait pas fait ce genre de cadeau à n’importe qui. Elle n’aurait certainement pas offert un glyphe de mensonge à quelqu’un en qui elle n’avait pas confiance, non plus. « Je suis peut-être naïve, mais je ne crois pas que tu me mentirais, à moins d’y avoir intérêt…Peut-être un jour. Je ne vois pas de raisons, aujourd’hui. » Elle ne lui dirait pas et ne le saurait peut-être même jamais, mais c’était une manière de le remercier parce qu’il lui avait insufflé quelque chose qu’elle ne savait pas vraiment nommer. Un mélange d’espoir et de courage, une nouvelle perception. Autone faisait bien des choses sans savoir pourquoi et sans en prendre conscience, parfois.

« C’est juste que tu es débarqué sur le pont comme si tu avais vu un esprit. Et je veux savoir si tu vas bien, c’est tout. Je comprendrais que tu ne veuilles pas parler de ta santé avec moi, c’est difficile de ne pas s’inquiéter… Tu es comme un enfant … »
Elle l’avait dit doucement et naïvement. Peut-être lui en voudrait-il, le prendrait-il comme une insulte. Elle ne comprendrait pas.

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Son visage dur s'adoucit aux paroles de la jeune femme et il eut un petit mouvement d'assentiment lorsqu'elle affirma qu'il n'avait pas de raison de lui mentir. Il n'en avait pas, en effet. Peut-être que cela changerait un jour, mais il n'aimait pas vraiment l'idée, ce n'était pas sa façon d'être, tout simplement. Encore moins avec une alliée. En fin de compte, tant qu'elle restait du côté d'Aldaron, il n'aurait jamais de raison de lui vouloir le moindre mal. Tout partait de là, car il n'avait réellement de loyauté qu'envers lui et Purnendu. La suite l'amusa autant qu'elle le désola. Oui, il avait sans doute parfois le comportement d'un enfant… Mais cela remua quelque chose d'autre en lui, quelque chose de profond, un nœud qu'il ne pensait pas avoir jusqu'à ce qu'elle mette le doigt dessus, appuyant sans le vouloir pour provoquer une douleur qui le désarçonnait. Fronçant les sourcils, il se détourna de moitié et contempla le pont de bois et la voilure, la terre qui s'éloignait plus rapidement qu'on aurait pu le croire. Depuis quand sa gorge était serrée ? Pourquoi fallait-il qu'il tombe sur un os maintenant, quand Aldaron n'était pas là pour l'aider ? Cela ne faisait que renforcer l'idée qu'ils n'auraient pas dû se séparer, tous les deux.

« Purnendu n'aime pas les voyages en mer. Il ne se sent pas bien et ça m'inquiète  »

Mais il n'y avait pas que ça au fond, il y avait tout le reste. Élevant une main gantée, Ivanyr la passa sur son visage dans l'espoir de s'ôter une part de son fardeau. Un geste futile, mais instinctif, et qui l'irrita de nouveau. Il y trouva aussi une forme de soulagement, car cela l'éloignait un peu de la boule qu'il avait dans le cœur. Il était difficile d'en vouloir à son amant, et en même temps, il ne pouvait pas s'en empêcher quant bien même il avait accepté l'idée de la séparation sans y être forcé. Ouvrant la bouche, il força les mots à le quitter, força le sang à couler, dans l'espoir que le poids disparaisse. Le ton était lourd et las, la diction ralentie par la gravité de ce qui lui pesait.

« Je souffre de son absence, à Aldaron. Depuis qu'il est parti, tout est terni, fade, tout m’indiffère, comme avant… Et maintenant j'apprends qu'il a manqué mourir. Je ne...  »

Son regard était tout aussi pesant, la couleur des mires assombrie par ce qui le rongeait, cette peine sans nom qui, soudainement, élevait sa tête vipérine pour l'agresser. C'était la meilleure définition qu'il pouvait alors en donner, les anneaux froids et insensibles se déroulant d'un nid encore caché pour venir enserrer son être, le long de la colonne et jusque dans son esprit. Le venin qui s'y distillait marquait au hasard semblait-il. Pourquoi réagissait-il ainsi maintenant ? Il était si près du but, Aldaron n'était qu'à quelques jours. Il fallait absolument qu'il se reprenne. Bientôt, il serait en sa compagnie. Bientôt il le reverrait. Il le prendrait dans ses bras et ne le lâcherait plus. Il ne le quitterait plus c'était certaine, il voulait entendre son coeur… Déesses, pourquoi était-ce aussi dur…

« Je ne peux pas vivre sans lui. Quand il n'est pas là je… je perd toute substance. J'agis, mais je porte un masque coloré, ce n'est pas vraiment moi. Je me sens seul, terriblement seul. Et.. ils reviennent. Les visions reviennent. Ceux qui habitent dans les visions. Ils m'attendent  »

Elle allait certainement le prendre pour un fou. Elle ne voyait pas ce qu'il voyait, ce qu'Aldaron voyait. Et pourtant il avait conscience qu'elle s'inquiétait réellement pour lui. Il n'y avait pas de fourberie dans son regard. Dans son coeur.. Soudainement, il avait l'impression que la cangue le ployait en deux et l'écrasait complètement. Il détestait cela, mais il en avait surtout peur. Un poids le courbait vers le plancher de bois et il luttait de toute son âme pour ne pas se laisser aller, pour ne pas céder à l'apathie, à la langueur, à cette perte de tout goût et toute volonté qui menaçait de l'engloutir avec d'autant plus de force qu'elle était restée longtemps éloignée de lui. Il n'avait pas le droit d'abandonner tout maintenant !

« Autone ?  »

Il tourna un regard légèrement vitreux vers elle, mais sous le flou, sa détermination à s'accrocher était bien présente, farouche. Se fendant d'une grimace légèrement amère, les traits tendus et tirés, Ivanyr prit le temps de rassembler assez de lui-même pour ne pas simplement tout abandonner. Il n'alla pas plus loin, pas immédiatement. Ses yeux s'emplirent de larmes carmines qu'il combattit, embarrassé, baissant la tête pour se cacher sous ses mèches au blond pâle.

« Est-ce que… je peux t'appeler Mère… ?  »

Son corps tremblait sourdement, presque imperceptiblement. Sa voix, vaillante, était pourtant hachurée et percluse de fragilité.

« Je crois… que je n'ai jamais pu appeler qui que ce soit Mère auparavant...  »

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Elle fut rassurée avant de voir Achroma commencer à déraper dans la panique. La veuve prit son bras gauche avec sa main droite, observant les réactions de l’ancien, effrayée de l’avoir mis en colère. Puis elle relâcha son bras, quand elle l’entendit révéler ce qui le taraudait, plus profondément. Autone fit un pas vers Ivanyr et posa instinctivement une main sur le bras du vampire, comme si elle avait vu d’avance ce mouvement léger de chute qui le ployait vers l’avant. Les larmes carmines lui brisèrent le cœur, c’était à présent la deuxième fois qu’elle les voyait. Quand elle le sentit plier, elle posa sa deuxième main sur son autre bras comme pour le supporter. Non, il n’allait pas tomber, pas physiquement. Mais elle voulait le retenir, s’il devait s’écrouler de toute son âme.  

« Est-ce que… je peux t'appeler Mère… ? »  


La veuve écarquilla les yeux et rougit tant elle ne s’attendait pas à cette question. Touchée et déstabilisée, elle resta silencieuse un moment et balbutia quelque chose qui ne ressemblait pas vraiment à des mots. Puis elle souffla comme pour expulser un souffle qu’elle avait retenu de surprise. « Ivanyr… »  

La petite veuve ouvrit, d’une main, la besace à sa ceinture et en sortit un mouchoir. Elle dégagea doucement les cheveux qui cachaient le visage d’Ivanyr et en passant une dernière mèche derrière son oreille, vint souiller le mouchoir blanc en le passant sur les joues de l’ancien. « N’aies jamais honte de montrer ta douleur. Tu sais, c’est ton cœur complètement naïf et sans carcan qui m’inspire. »  

Elle le relâcha en pliant le bout de tissus à présent rouge et blanc. « Je dois t’avouer qu’on ne m’a jamais posé telle question. Si tu as besoin d’une mère, ou juste d’appeler quelqu’un mère, ça me fera plaisir de prendre soin de toi. »  

Le toisant d’un regard soucieux, elle prit sa main pour lui remettre le mouchoir. Elle repensa à ce qu’il lui avait dit, sur des visions. Son regard figea dans l’image de Matis qui la rassurait chaque nuit, de cauchemars qui revenaient sans cesse, d’esprits qui revenaient la hanter. Achroma devenait il veuf chaque fois qu’Aldaron partait? Seul à nouveau pour affronter ces esprits malfaisants. Ces bouts de mémoires brisés qui faisaient si mal, comme du verre éclaté à même la peau. Elle le sentait, aussi, le voyait encore. Elle lui enviait, de pouvoir retourner dans les bras de son aimé, après les absences.

« Il est là, Aldaron. Il est loin mais…il est toujours là… »  
Elle aussi, avait peur de le perdre. Mais il y avait tant de douleur qu’elle n’arrivait plus à donner ses cris, nulle part. « Mais tu vas devoir cesser de l’aimer comme une échappatoire. Ta mémoire, elle va faire mal. Et même s’il sera là, il ne pourra pas tout prendre. Je ne sais presque rien d’Achroma, mais de ce que j’ai entendu, il était plus grand que nature. Ça risque d’être incroyablement vif mais tu guériras, lentement peut-être et probablement pas assez vite à ton goût. Tu enrageras de revoir ces visages, ces bouts de temps, pendant des années et tu craindras de ne pas voir le bout de ce casse-tête de fracas. Peut-être… qu’il y aura encore des morceaux à recoller jusqu’à la fin. Peut-être même n’auras tu pas assez de ta vie. Mais entre-temps, tu auras du bonheur, de la joie. Les rires créés par ton esprit joueur, les sourires de ceux que tu aimes et de petites victoires. Et tu nous auras, nous. Ceux qui t’aiment ne te laisseront pas tomber et tu sauras, un jour, nous demander d’affronter ces esprits avec toi. Et tu t’en souviendras comme les moments où nous étions à tes côtés. »  

Elle lui sourit, cherchant ses yeux, inquiète de ne pas avoir trouvé les mots justes. Elle ne savait jamais si ce qu’elle allait créer serait noir ou blanc.

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Le contact du tissu contre ses joues le fit papillonner des yeux, ses longs cils pâles alourdies de perles carmines et il l'observa au travers du voile de sa peine, prunelles illuminées d'une peine millénaire. Tout cela était allé très vite, presque trop vite, la peine submergeant son être, noyant sa conscience alors même qu'il cherchait à lutter contre le courant de ce flot venu de loin, tellement loin qu'il comprenait à peine, instrument de son propre affect, poupée aveugle aux fils rongés. Son cœur lourd se serra d'un mélange de joie et de détresse à son acceptation et il déglutit, jugulant ses nerfs pour ne pas s'effondrer en pleurs. Sa peau, au contact de sa main, était chaude, et il prit de nouveau conscience de la froideur de son être, alors qu'il refermait gauchement les doigts sur le morceau de tissu tâché de sang. Un léger hochement de tête fut tout ce dont il fut capable alors que la voix de la jeune femme l'ancrait, seule, dans la réalité de l'instant présent, au-delà du mont de souffrance qu'il voyait se profiler devant lui. Et il aurait tellement voulu y croire, il aurait tellement voulu arriver à se persuader qu'Aldaron n'était pas si loin et que tout irait bien, mais la vérité c'était que si les mots atteignaient son esprit, son cœur lui restait hermétiquement clôt. Quelque chose en lui refusait tout simplement d'admettre la distance, la refusait en bloc et s'en révoltait, appelant son compagnon de toute son âme, de toutes les fibres de son être. Gorge serrée, il déglutit de nouveau et hocha faiblement la tête avant de la serrer dans ses bras, genoux au sol, le visage enfouit contre son ventre, ses bras la gardant tout contre lui. Dans la pénombre qu'il se créait, Ivanyr se laissa aller, tremblant sourdement, hoquetant par instant. Le flot durant un long moment, puis progressivement, le vampire se calma, bercé par le coeur de l'humaine et le vent marin, par le mouvement du navire sous eux et il détourna le visage de côté sans cesser de la serrer dans ses bras.

« Autone ?   »

Il renifla légèrement et se recroquevilla davantage contre elle, aveugle au reste du monde.

« Tu peux me chanter quelque chose ? Une chanson humaine...   »

Fermant les yeux, il consacra de nouveau son attention aux sensations qui lui restait. Le monde était un peu plus tolérable en cet instant sans tout le reste. Il n'y avait qu'eux et la mer, rien de plus… Son angoisse restait, mais elle n'était pas son principal problème pour le moment. Il y avait cette langueur en lui, profondément incrustée, qui le faisait s'accrocher à elle avec une passive férocité. Le vide l'attendait, s'ouvrant près de ses bottes alors qu'il contemplait l'abîme de sa propre détresse comme une tempête en mer. Il ne contrôlait pas cet océan, comme il ne contrôlait pas son angoisse envers Aldaron.

« Je n'ai jamais appelé quelqu'un Mère… Je crois que je n'ai jamais vraiment eu de Mère. Il y avait une femme… mais je l'ai déçu, et elle est partie. Puis.. il y a eut une autre femme… mais elle voulait que je sois fort alors je me suis tut… Personne… n'a jamais accepté   »

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Cela lui fendait déjà le cœur de voir tant de détresses dans ses yeux, elle ne s’attendait pas à le voir s’écrouler. Elle avait encore en tête l’image forte et inébranlable d’un Achroma qu’elle n’avait jamais connu. Autone hésita une seconde avant de poser doucement ses mains sur la tête de l’ancien qui se blottissait contre son ventre. Elle caressa d’un pouce et du bout de doigts ses cheveux clairs en le laissant déverser la tempête qui l’habitait. Elle avait envie de l’apaiser, pourtant la dernière chose qu’elle désirait lui dire était de cesser de pleurer. Autone savait combien cela faisait mal de devoir garder autant de douleur enfermée. Puis elle sentit la tempête commencer à s’apaiser et son fils tourner la tête et se blottir contre elle d’avantage. Regardant devant elle d’un air soucieux, elle laissa l’une de ses mains descendre jusqu’au dos d’Ivanyr, juste sous sa nuque. Au son de son prénom, elle lui répondit presque dans un murmure « Je suis là. » rien que pour lui faire sentir sa présence.

Elle sourit tristement en baissant la tête. Des chansons humaines, les seules qu’elle connaissait avaient été apprises par sa mère. Elle la revoyait chanter, se permettre de sourire juste à cause d’une chanson. Elle aurait aimé ne pas lui en vouloir autant. Quelle femme laissait son mari vendre sa fille? Quelle femme promettait encore et encore de s’enfuir pour finalement rester? La veuve sentit la colère qui voulait lui monter cœur et reprit fermement le contrôle. Elle ne voulait pas retourner le sujet vers elle-même. « Je ne t’abandonnerai pas, c’est promis. »  

Elle cherchait dans sa mémoire, la chanson qu’il lui avait demandée. Il y en avait tellement mais aucun détaché du visage de sa mère. Aramis était la seule autre personne à lui avoir appris la musique. En se laissant envahir par l’image horrifiante et lointaine de la maison de sa naissance, elle chanta, à la même vitesse que son souvenir, cette histoire qui l’apaisait. Puis elle vit le visage de sa mère disparaître de sa mémoire et se résigna à tenter de le revoir. Une larme tomba sur sa joue et elle était partie, comme abandonnée à l’eau.

« Ma…ma mère était une personne horrible. » pensa-t-elle tout haut, la voix brisée. « Pardon, je…ne voulais pas le dire à voix haute… » Elle ferma les yeux et resta immobile, le tenant contre lui. Ignorant les regards autour. C’est le besoin de réconfort d’Ivanyr qui lui avait donné le soudain courage de se ficher du regard de l’autre. Alors qu’habituellement, c’était sa première préoccupation. C’est pour cela qu’elle avait besoin de lui.

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Il s'accrochait à elle de toutes ses forces, au fond, la peur le tiraillait, par vagues, se transformant en écume de souffrance et de peine sur le rivage de sa conscience douloureuse éveillée. Le son de son cœur était tout proche, comme une mélopée, un petit tambourin qui battait régulièrement, plus fort sans doute que ce qu'elle croyait. Mais il n'arrivait pas à s'accrocher uniquement à cela, bien qu'il essaya avec toute la sincérité de son âme. Sa promesse l'élança. Il voulait y croire, et pourtant cela éveillait des peurs profondes, et des insécurités. Une petite voix qui chuchotait, d'un ton d'enfant, que d'autres avant elle avaient fait cette promesse sans la tenir. Pouvait-il seulement se confier à elle de tout cela, lui dire à quel point il essayait de s'accrocher à l'idée que ça puisse être vrai, à l'idée qu'une telle promesse puisse être tenue tout en sachant, quelque part dans le domaine de son être qui s'était vidé de tout espoir que cela ne serait jamais vraiment ? Une part de lui, sauvage, aurait voulu la repousser, lui dire qu'elle était humaine, qu'elle finirait par l'abandonner qu'elle le veuille ou non… mais la part de lui qui avait terriblement besoin de sa chaleur et de sa présence était bien plus forte, bien plus présente et toute puissante. Ivanyr gagnait face à Achroma, dans toute son insécurité, son ignorance et ses questions. Et soudainement, il y eut la musique, et il se laissa bercer de nouveau, il se laissa aller jusqu'à la transe, pendant quelques instants, lui confiant son être tout entier.

La magie se brisa dans une perle d'eau saline, il l'a sentit rouler sur sa joue et souleva son regard voilé du carmin de ses propres pleurs retenus pour l'observer, prostré contre elle, sur le sol. Il éleva une main, lui caressant la joue, effaçant du pouce la traînée humide à peine visible.

«  Horrible ?  » fit-il d'une toute petite voix «  Pourquoi ?  »

Tout. Tout pour s'éloigner de sa propre peine. Mais bien vite, comme le couperet d'un bourreau, la conscience le rattrapa. Il cherchait à se gorger de la souffrance d'Autone pour ne pas penser à la sienne. Ce n'était pas bien. Ce n'était pas un bon remerciement pour ce qu'elle faisait pour lui non plus.

«  Non… ne répond pas. Je te demande pardon  »

Il ne voulait pas la plonger davantage dans de douloureux souvenirs. Il n'avait même pas pensé que chanter ferait naître de tels souvenirs. Coupable, il se recroquevilla davantage contre elle, détournant un peu le visage de sorte à ce qu'il soit caché dans le tissu de sa robe.

«  Tu as une jolie voix… mais si cela te fait de la peine, je ne te demanderais plus de chanter  »

Un instant s'égrena, puis il soupira profondément.

«  Veux-tu… simplement rester avec moi ? Juste rester avec moi… Juste un peu. Une heure ou deux...  »

Il était épuisé. Fermant les yeux, il se laissa glisser dans une transe réparatrice, où le seul bruit qui subsistait était le chant du cœur contre lui.

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