La désolation de Rog [Erdrak, Demens et Jangali]

Jangali était sans voix. Dans sa tête, une bataille sans merci pour choisir la bonne attitude avait lieu. L’héritage de générations entières de graärh lui hurlait de châtier l’humain difforme. Sa récente et amère défaite face à Rog, quant à elle, le supplier de prendre son mal en patience pour le bien commun de son peuple. Tout à fait honnête avec lui même, il n’appréciait pas d’être face à de tels choix, et c’est heureusement à ce moment qu’Urjiida intervint, lui posant une main ferme sur l’épaule. Le chasseur tendit l’oreille, agitée de spasmes d’énervement.

-Janga, on a trouvé un tunnel dans le monticule. Et du sang. Mais pas de traces du Prune.

Sa voix transpirait d’inquiétude mais pas de peur. Harshiit les rejoint en même temps, sa face arborant les même inquiétudes. Néanmoins, Jangali savait ce qu’il lui restait à faire.

-Je m’y attendais. L’Ancêtre n’est pas une calamité de notre peuple pour rien… Pas le choix, on va devoir s’associer avec les Sans-Poils cette fois encore. Celui en armure n’a pas l’air de faire partie des Ashuddh. On a peut-être une chance de repartir de ces maudits marais sans chaînes au pattes finalement…

Un regard entendu et le Gourmet se retourna vers le dénommé Loup Solitaire, non sans avoir gravé le nom et le visage du soit disant Capitaine pirate dans sa mémoire. Son impudence sera remonté à son Aaleeshaan d’une manière ou d’une autre. Le mercenair, bien que non affilié aux pirates, travaillé néanmoins avec eux. Il ne leur faisait pas entièrement confiance pour autant.

-Qu’on soit bien clairs. Nous avons un ennemi commun, rien de plus. Ne prends pas cette coopération pour une généralité. Je ne peux pas parler à la place de mon Aaleeshaan, notre cheffe dans votre langue, alors prends ça comme une trêve temporaire.

Après un regard qui n’attendais pas vraiment de réponse, il fit signe à ses compères et tous ensemble entreprirent de trouver l’entrée du souterrain. La tâche n’était pas aisée, mais une bonne dizaines de minutes plus tard, une ouverture assez large pour un graärh -et donc pour un humain normal- avait été creusé entre roches et glaçons. Dix minutes pendant lesquelles il avait pu parler aux graärh de l’importance de garder secret toutes informations au sujet du Baôli.

Se massant pensivement le ventre, il profita de la descente avec les Sans-Poils pour avoir un rapport de leur première rencontre avec Rog. Il se trouvait que fameux chef de la “Meute” était beaucoup plus loquace que l’humain-cailloux…

Arrivés en bas des escaliers, Jangali remarqua ce qu’il n’avait pas du tout fait attention avant, trop occupé à soigner ses blessures à ce moment. Le charnier dans lequel il laissait à présent ses traces de coussinets lui inspira dégoût, forte impression et faim. S’acquittant de la fastidieuse tâche de chercher les crânes de ses valeureux ancêtres, il tendait également l’oreille en direction de ses nouveaux alliés temporaires, prêt à répondre à leur interrogations, et bien sûr dans le cas où ils découvriraient quelque pistes.

Dernière édition par Jangali Pasu le Ven 8 Mar 2019 - 21:15, édité 4 fois

Inigo regarda le cirque du nabot, Arakjorn était son nom s’il ne se trompait pas, mais le guerrier trouva cela très malsain et impoli de sa part. Le Graarh s’était adressé avec un certain respect au nabot, ce qui avait surpris grandement le Loup Solitaire car le félin aurait pu le snober complètement vu la difformité de l’employeur.

Et l’homme nouveau eut du mal à retenir un sourire malicieux lorsque le nain vint lui intimer l’ordre de finir l’exploration et de lui rapporter tout ce qu’il avait découvert. Pour Inigo, une chose était clair, il avait perdu assez d’homme dans cette expédition et elle était à ses yeux terminée depuis qu’ils étaient sortis, pour une raison assez simple : la majorité de la Meute était sur la route du retour. Quoi qu’en dise Arakjorn, s’il était le payeur, il n’était pas le commandant. Le Loup Solitaire demeurait le seul apte à estimer la fin d’une entreprise et elle prenait définitivement fin une fois que la majorité des Loups vivants quittaient l’expédition, ce qui était actuellement le cas.

Mais, Inigo ne voulait pas en discuter avec son employeur, car cela prendrait du temps, de l’énervement et l’homme était trop heureux de sa vie retrouvée et curieux de l’endroit pour perdre du temps en palabres inutiles. Il ne fit aucun geste, se contentant juste de se détourner vers les ruines quand le nain eut fini de parler.

Il se crispa cependant en entendant la réponse que le nabot accorda finalement au Graarh. Le guerrier ne voulait pas être mêlé au plan des autres, car il avait maintenant les siens à faire respecter et à mettre en place. Mais surtout, ce qu’annoncer le nabot n’était bon pour personne. Et surtout, le sens du mot diplomatie avait dû lui échapper.

Pour Inigo, la seule réaction possible du graarh devant tant de mépris était d’égorger sur place son interlocuteur et la seule personne qui aurait pu l’en empêcher était le Loup Solitaire, or ce dernier n’aurait pas esquissé le moindre geste pour sauver le nabot.

Mais le salut vint d’ailleurs. Un autre Graarh vint déranger la conversation. Après un échange dans leur langue, Jangali se tourna de nouveau vers le Loup Solitaire. Ses paroles ne plurent pas à l’humain, plus par leur contenu que par leurs intentions. L’homme ne voulait aucun mal aux Graarh et s’il pouvait devenir alliés plutôt que neutre, il allait devoir s’en contenter pour le moment, c’était toujours mieux que de les avoirs en ennemi comme cela sera le cas pour le nabot.

Le Loup Solitaire regarda les Graarhs commencer à déblayer les gravats. Vijay, déblaye un accès au mausolée. Ça ira plus vite.

Le Loup de métal s’avança et commença à creuser la neige, puis attaqua la roche aux côtés des félins. Avaient-ils seulement remarqué que l’animal magique était une de leur création ? Quelle importance. L’animal lui obéissait maintenant et rien de ce que les descendants de son créateur pourraient dire y changera quelque chose.

Pendant qu’un chemin était en train de se croiser, Demens, l’homme de main survivant du nabot s’approcha du Loup Solitaire. Il interrogea le guerrier sur l’endroit où était tombé le bras de l’ennemi. Le Loup Solitaire posa sur lui un regard à la fois froid, suspicieux et interloqué. Cela faisait beaucoup d’expression pour un regard qui naguère ne transmettait aucune information. Le guerrier indiqua le tas de neige vaguement. Il doit être là-dedans. Je ne sais pas si tu as remarqué, mais à ce moment-là, nous étions en train de nous battre, et le membre d’un ennemi perdu.

C’était un demi mensonge, car le Loup solitaire se souvenait avec un peu plus de précision que ce qu’il disait à l’homme, mais le guerrier n’avait aucune envie d’aider le nabot et ses hommes et ignorant ce que Demens voulait en faire, l’homme préféra rester discret.

Inigo suivit les félins vers les profondeurs. Les souvenirs d’Asmo et d’Erdrak lui servaient de guide mais son cœur se serra tout de même devant le reste du spectacle sanglant. Les bruits des bottes du Loup Solitaire sur le sol faisaient résonner un son de succion sinistre sur les murs de pierre. Le sol était visqueux, collant et une odeur métallique emplissait l’air.

Le regard du Loup Solitaire s’emplit d’une grande tristesse et il s’agenouilla près d’un corps. Il connaissait chacun des hommes et des femmes qui l’avaient accompagné ici, mais à l’instant, il lui était impossible de reconnaitre le corps de la malheureuse victime. Impossible de déterminer son âge ou son sexe. Il ne restait pas grand-chose si ce n’était un bouilli de chair sur un squelette humain. L’armure n’était plus une armure, juste des pièces d’acier et de cuir. Avait-elle seulement servi à protéger ou n’avait-elle fait que prolonger l’agonie terrible.

Inigo savait qu’il devait sa survie à trois choses : son armure, son cœur d’acier et la chance. Et que, avec tout le respect qu’on devait avoir pour les morts et ses camarades, le résultat de ce carnage n’était dû qu’à une seule chose : une incompétence. Le Loup Solitaire devait réfléchir aux retombés d’un pareil échec, mais ce n’était pas le moment.

Il se releva et se dirigea vers Jangali. Je sais bien que nous sommes alliés que pour un temps. J’ai déjà rencontré plusieurs de tes semblables et regrette amèrement qu’on ne puisse tisser des liens plus solides. Sache que je ne suis pas comme le nabot et ne lui obéit en rien. Il m’a payé pour une expédition, mais ne peut me donner d’ordre, ni à moi, ni à mes hommes. Je me méfie de ces hommes autant que toi, si ce n’est plus.

Juste une déclaration, pour que les choses soient claires entre eux. Inigo continua donc sans attendre d’autre réponse. Les ténèbres devenaient oppressantes et l’odeur de la mort les partageaient avec celle de la moisissure. Scrutant l’obscurité, le Loup Solitaire eut un sourire. Il porta sa main devant son visage et se concentra. Comme lorsqu’il prenait un coup ou qu’il se guérissait, la magie se déplaça dans son corps, et surtout au-dessus de chacun de ces doigts. Apparurent alors des flammèches, d’abord tremblotante, mais grossissant et se stabilisant à mesure que l’esprit du Loup Solitaire comprenait et maîtrisait cette magie depuis si longtemps latente.

Un souvenir lointain lui était revenu et avait guidé son geste. Celui d’un rire joyeux, d’une odeur de foin et de cheveux châtains. Et puis la magie, les petits tours et les jeux d’enfants. C’était encore flou dans son esprit, mais Inigo savait qu’i s’agissait de sa vie passée à être lui-même, et qu’elle lui reviendrait à mesure qu’il se remettrait à vivre.

Je ne sais pas ce que tu sais déjà, Jangali, mais si il y a des réponses, elles sont cachés probablement là où il a été enfermé.

Tandis que Demens observait la bordure du tas de neige pour s’assurer que le bras n’avait simplement été repoussé dans la violence de l’avalanche, Arakjörn l’interpella. Il tourna sa tête vers le mage, faisant ainsi tinter les cristaux de sa nuque, et écouta son ordre sans lui répondre quoi que ce soit. Ce genre de directive n’affectait en rien le comportement de l’alchimiste, aussi allait-il tout de même retrouver le bras d’abord, jugeant plus important d’avoir un bout du Graärh au pelage prune que de fouiller son ancienne prison. Cependant, il ignorait où était rendu le membre en question, mais il se souvenait l’avoir vu retomber là où se trouvait les combattants un peu plus tôt. C’est donc vers Erdrak qu’il se dirigea alors que son loup métallique commencer à creuser un chemin vers l’entrée du sépulcre.

- Le bras du Graärh, je l’ai vu retomber. Où est-il?

Le Loup l’observa avec un air étrange que le Cafard ne sut pas déchiffrer avant de lui répondre, indiquant de la main l’ensemble du tas de neige.

- Il doit être là-dedans. Je ne sais pas si tu as remarqué, mais à ce moment-là, nous étions en train de nous battre, et le membre d’un ennemi perdu.

L’homme de science resta silencieux et se détourna du guerrier, sa réponse lui étant absolument inutile. Tandis que lui, Jangali et un troisième félidé continuaient leur avancée vers les ruines, un quatrième félin au bras cassé vint rejoindre Demens, le saluant de son bras valide.

- Je suis Harshiit, druide de la Légion Vat'Aan'Ruda.

Le Graärh s’exprimait avec un peu moins de fluidité que son homologue, mais sa maîtrise du parler commun était indéniable. Malheureusement pour lui, il ignorait totalement qu’il s’adressait à l’un des individus qui était non seulement le moins loquace qui soit, mais aussi le plus inapte socialement. Le Cafard laissa de côté toute formalité et l’informa sans détour de son ton égal.

- Je cherche le bras perdu par le Graärh.

Son interlocuteur fut pris de court pendant quelques secondes par cette réplique qui n’avait rien avoir avec ses salutations, puis questionna l’homme aux cristaux.

- Pourquoi?

- Pour l’étudier.

L’alchimiste lui parlait sans le regarder, réfléchissant à une manière de fouiller efficacement le tas de neige. Le principal problème était sa taille, car une avalanche moindre aurait été plus simple à déblayer, mais ici on retrouvait aussi plusieurs blocs de glace qui rendait la tâche beaucoup plus ardue.

- Je pourrais tenter de le sentir. Il a laissé beaucoup de sang derrière, retrouver son bras ne devrait pas être trop compliqué.

Pour toute réponse, Demens le regarda, et le félin en compris qu’il attendait qu’il se mette à l’œuvre. Il n’appréciait pas l’impassibilité de l’Humain, mais il savait que le bras de Rog pouvait potentiellement servir à quelque chose, aussi commença-t-il à renifler l’éboulement.

Jangali garda le silence. Lui qui d’ordinaire ne gardait pas sa langue dans ses poils, était désagréablement calme. Il fallait dire que la situation n’était pas des plus joyeuses pour les graärh. Bien que le Mausolé soit dans les marais, et par conséquent sur leur propre île, il s’y sentaient étrangers. Captifs d’un passé qu’ils ne connaissaient que partiellement et de manière plus qu’imprécise. Et la présence des sans-poils n'arrangeait pas ce malaise non plus. Les temps allaient changer, et Jangali n’était pas sûr de vraiment aimer la direction vers laquelle l’avenir se dirigeait.
Néanmoins, la non affiliation de la Meute avec les pirates le rassura à moitié. Des mercenaires. Voilà un concept concept étrange que le félin avait eu du mal à intégrer. Comme bien d’autre sans-poils, les mercenaires vivaient dans le but d’amasser de l’or pour subsister. Mais à la différence des autres sans-poils, ils basaient également leur honneur sur la valeur de l’or également. Cette vision, assez réductrice d’un manque de compréhension entre deux peuples, ne permettait pas au Gourmet de baisser sa garde pour autant. Pour l’heure, le Loup ne lui inspirait aucune confiance…

En même temps qu’il récupérait les ossement de ses ancêtres pour plus tard leur octroyer les rites qu’ils méritaient, il s'intéressait également aux diverses pièces d’armures qui jonchaient également le sol. Visiblement de la même facture que celle qu’il portait, elles n’avaient visiblement pas passer les affres du temps. Endommagés ou vidées de leur réserves magiques, elles ne constituaient maintenant plus que de bonnes pièces d’équipements, que Jangali fourrait dans son sac en vue de les ramener à la Légion. Avisant un cimeterre pirate, il haussa les épaules et la récupéra également. L’arme était bien différente de celle facturée par les siens, mais elle ferait l’affaire et remplacerait celle qui s’était brisé au cours de la bataille.

Sentant le poids du regard d’Urjiida, visiblement lui intimant de se montrer plus coopératif, il finit par s’adresser au Loup.

-Tout ce que je sais, et me souviens, je le tiens du Graärh qui vous a aidé tout à l’heure. Purnendu a toujours été attiré par les mythes de notre peuple…

Le chasseur soupira. Décidément, s’il avait prit le temps d’être plus comme son ami, il ne serait peut-être pas dans un caveau putride à fouiller des morceaux de sa propre histoire…

-Et visiblement se sont pas que des mythes. Les Couronnes de Cendres sont pas que des contes pour effrayer les Graärh finalement… Puis le fixant directement dans les yeux. Celui qu’on a affronté s’appelle Rog. Et si lui a pu survivre jusqu’à maintenant, ça m’étonnerait pas que les trois autres aussi…

Rien qu’à cette pensée, il sentit un frisson glacial lui parcourir l’échine. Il se souvenait très bien des histoires des carnages que les Couronnes avaient fait pleuvoir jadis. Non décidément, l’avenir était bien sombre mais il était prêt à l’affronter. Dut-il en mourir, c’est avec honneur qu’il défendrait son peuple. Et pour cela il leur fallait des réponses. Finalement, il ravala un peu de sa fierté et se montra plus courtois. Il n’était pas en position de se braquer. Peut-être avait-il tort de baisser ainsi sa garde mais il n’avait pas le choix.

-Je pense pas que toute les réponses se trouvent ici, mais c’est un bon début au moins. Si vous trouvez quoi que ce soit, recopiez le. Je suis pas sûr que le temps soit vraiment notre ami pour la pêche aux indices.

Une copie de chaque éléments utiles serait également plus simple à étudier, le graärh ancien n’étant pas du tout son sujet d’étude.

Eclairé par les petites flammes de sa main, Inigo observait les lieux. Ses hommes n’avaient pas été les premiers à périr ici. Certains des corps traduisait une lutte, mais beaucoup semblait s’être simplement endormi, probablement affaibli par la faim, enfermé avec la créature qu’ils ont juré de combattre.

Après un silence, Jangali se mit à parler. Son commun était correct. Et le Loup Solitaire reçu quelques informations. L’autre Graarh qui avait aidé à sortir les autres de la neige s’appelait donc Purnendu. Il allait falloir le retrouver pour obtenir de plus grandes informations, plus de détail sur cette affaire. Ce devait être un savant, avec des connaissances diverses et mêmes s’il ne savait rien de plus sur l’ennemi, Inigo était curieux de découvrir la culture de ce peuple, que les exilés venaient chasser de leur tranquille retraite.

Le félin continuait à parler mais le Loup Solitaire dû retenir un grognement énervé. Est-ce que tous les Graarhs sont obligés de se répéter en parlant ? Si Purnendu parlait de ce Rog comme étant un mythe et que finalement, leur groupe l’affrontait en chair et en os, C’est que ce n’était pas une légende, encore moins un conte. Donc s’il pouvait transmettre les informations essentielles plutôt que de se complaire dans des constations évidentes.

Ils étaient donc quatre. Et la façon dont tu parles m’inquiète. Cela voudrait dire que Rog n’est pas le plus puissant ou que les trois autres sont au moins aussi puissant que lui. Or, il n’a pas eu l’air plus traumatiser que cela malgré avoir perdu deux bras. Je veux dire, qu’il souffrait, mais perdre un membre aurait dû l’affecter plus que cela. Ce n’est pas une épée ou une cape.

Le Loup Solitaire se pencha sur un autre corps et observa le crâne à bout de bras, comme s’il pouvait lui raconter des choses. Il reprit la parole. Est-ce que tu as d’autres informations sur eux ? Quel était l’étendue de leur pouvoir ? Pourquoi les avoir enfermés plutôt que les détruire ? Pourquoi ne pas avoir garder les tombeaux ? Qui sont c’est trois autres et où sont-ils ? Cela fait beaucoup de questions et même si tu n’as pas la réponse, au moins sont-elles énoncées. Je pense qu’avoir les réponses pourraient nous aider. Mais plus que tout, comment les trouver et les détruire.

Le Loup Solitaire reposa le crâne avec un certain respect avant de reprendre sa route. Il arriva dans la grande salle où se tenait un tombeau ouvert. Il avait dû être enfermé là. Le guerrier s’avança et trouva les pieux qui avaient cloué le monstre dans sa tombe. Peut-être sont-ils magiques. Peut-être un mage pourrait lire leur histoire.

Une idée traversa l’esprit de l’homme. Il revint vers les Graarhs. Je ne m’y connais pas beaucoup en magie, mais peut-être que des mages pourraient lire les souvenirs des lieux. Voir ce qu’il s’est vraiment passé. Peut-être même retrouvé la mémoire d’un des malheureux ici présents. Peut-être que leurs âmes n’ont pas pu être libérées.

L’alchimiste suivait le druide à la trace pendant que celui-ci reniflait la neige, mais bien vite il s’arrêta et l’observa.

- J’ai l’impression d’avoir un Graärhron dans les pattes. Tu peux arrêter?

Demens resta coi, mais s’immobilisa tout de même. S’il n’arrivait déjà pas à discerner les expressions de ses semblables, il était encore moins capable de saisir la signification du regard que le Graärh lui jetait présentement, mais en se basant sur les récent événements, cela ne devait rien avoir de positif. Il ne formalisa pourtant pas et l’autre laissa échapper un miaulement qui tenait plus du soupir en rabattant à moitié ses oreilles avant de recommencer à humer l’air.

L’odeur du sang frais était on ne peut plus repérable grâce à son remarquable odorat, mais la présence de la neige en étouffait une partie. Harshiit embarqua donc sur le tas de neige jusqu’à repérer les traces laissées par le Cendré qui était passé par le portail tout juste avant sa fermeture. En les suivant, il tomba sur la large fissure qui avait magiquement été créée par son homologue. Là, l’odeur du sang se faisait plus forte et bientôt il repéra une trainée sanglante qui provenait indéniablement du grand Prune, mais comme ce dernier avait été repoussé par l’attaque du Nabot, la remonter ne l’aiderait pas à trouver le bras.

Alors qu’il rebroussait, il perdit malheureusement pied sur une plaque de glace cachée sous la neige, qui, sous le choc de sa chute, bascula de côté et catapulta une salve de neige directement sur le Cafard. À présent enfoncé jusqu’à la taille dans les flocons, son bras cassé endoloris par le mouvement brusque, le Graärh était coincé, mais l’homme aux cristaux restait simplement debout à l’observer.

- Tu pourrais venir m’aider, tu ne crois pas? Par les esprits, j’ai connu des limaces avec plus d’initiative que toi!

L’alchimiste se rendit donc jusqu’à lui et l’extirpa de sa prison. Il remarqua que la neige qui était restée accrochée au bas de ses pattes était d’une teinte rougeâtre.

- Le bras est ici.

Le félidé observa ses pattes à son tour, puis le fond du trou nouvellement formé. Bien que la neige meuble y était en partie retombée, il pouvait voir que d’autre sang se trouvait là, du sang qui ne lui appartenait pas.

- Je n’arriverai pas à creuser à cause de ma blessure.

Mais Demens se glissait déjà dans le trou et s’y accroupissait, enfonçant ses mains sous lui. Grâce à son armure, ses gants et ses grèves, il ne percevait pas trop le froid et ne souffrit donc d’aucun engourdissement des membres. Après quelques minutes à creuser à mains nues et en se basant sur la quantité de sang dans chaque poignée de neige, l’homme de science entrevit une touffe de poil prune. Lentement, il déblaya le membre jusqu’à finalement réussir à le hisser complètement hors du trou.

Le bras avait été quelque peu déformé dans l’avalanche, mais il était encore d’un seul morceau. Le cafard plongea sa main dans son sac pour en ressortir son grand manteau militaire. Il voulait éviter de salir inutilement les autres items présents dans sa besace et, à défaut d’un bout de tissu, il utiliserait le manteau pour l’envelopper. Tandis qu’il commençait à enrouler le membre, Harshiit posa une patte dessus.

- Que vas-tu en faire?

- Je l’ai dit, je vais l’étudier.

- Tu t’y connais en Graärh?

- Je suis alchimiste.

L’autre recula légèrement la tête, il ne s'attendait pas à cette réponse.

- Au nom de ma légion et mon Aaleeshaan, je réclame une partie de ce bras. Tu pourras étudier à ta guise le reste.

Bien que tous ces mots ne signifiaient rien pour lui, Demens laissa le druide sectionner un grand lambeau qui comprenait chair et poil sur la partie qui était anciennement une épaule. Lorsque ce fut fait, il enroula le bras habilement, puis le glissa dans son sac dans le sens de la longueur. Sans même remercier son collègue de recherche, il s’avança sur le tas de neige jusqu’à retrouver le chemin creusé par le loup métallique. Au bout de celui-ci, il trouva l’entrée démolie du mausolée et s’y engouffra, suivit peu après par le Graärh qui était tout de même satisfait de ne plus avoir affaire à l’Humain silencieux.

Après l'avalanche de questions, Jangali ne put réprimer un grognement. Un savant mélange de grognement de frustration de ne avoir les réponses à ces questions, couplé au fait d'accepter que des Sans-Poils seraient mieux capable de percer leurs secrets qu'eux-même. Nul doute que les Baptistrels sauraient percevoir les vibrations du lieu... ou faire leur truc de chantemages quoi. Avec la mort de Nayaak Kaaplanik Neend, les rares Corneilles restantes assez puissantes pour une telle entreprise ne se comptaient plus que les griffes d'une patte. Jamais Kamda Sa'Hila ne prendrait le risque de perdre de tels éléments, ici, au beau milieu des marais, tant que la menace pirate n'aura pas été réglée...
Toujours en faisant la moue, sûrement indéchiffrable pour le mercenaire, il répondit à contre-cœur:

-Je suis un chasseur et un guerrier. La magie, c'est pas mon truc non plus. Mais si tu connais des mages capables de telles prouesses, et bien, tu as ma bénédiction.

N'ayant plus rien d'autre à lui dire, il se détourna et se rapprocha des murs fissurés du caveau. Comme il pouvait s'y attendre d'un tombeau d'un être comme Rog, les parois étaient lisses, vierges de toute inscriptions relatif au prisonnier, comme pour effacer toute trace de son passage sur cette terre. Seuls quelques inscriptions d'agonie gravées à la griffe par des malheureux succombant à la faim, témoignaient d'une époque révolue... mais pas seulement. Inespéré au milieu d'un tas d'ossement, la texture familière du cuir attira l'attention de Jangali. Du bout des doigts, il s'en saisit en n'osant plus respirer. L'ouvrage, bien qu'à l'abri de l'humidité, était dans un état lamentable. La couverture malmenée présentait même des traces de ... dents ?

-Qu'est-ce que tu as trouvé ?
-Pour l'amour des Esprits ! Harshiit, tu m'as fait peur !

Trop concentré sur le reliquat de carnet, il n'avait pas entendu les pas feutrés de son comparse. Le cœur battant la chamade, il le regardait se moquer de lui avec un sourire goguenard.

-Tu as déjà fini ? Il est où le Caillou ?
-Ah lui... Par là-bas je crois. Il a un gout bizarre pour le macabre si tu veux mon avis. Laissons le faire joujou avec le sarcophage...

Il discutèrent un moment avant qu'Urjiida ne vienne finalement à son tour s'enquérir des nouvelles trouvailles.

-Bon les mâles, vous avez fini vos messes basses ? Qu'est-ce que tu as trouvé Janga ?
-Un carnet. Pas de la première fraîcheur mais je pense pouvoir recopier ce qui peut être sauvé. ça va juste prendre un peu de temps...

Farfouillant sa sacoche, il en sortit un carnet, à moitié entamé pour ses recettes. Cela ferait tâche, mais les informations qu'il allait inscrire étaient plus importante que son émincé de zèbre au miel et blé. Fort heureusement, il était assez rompu à la prise de note, aussi, recopier les cunéiformes de son ancêtre était beaucoup moins difficiles que prévu. Complètement concentré à sa tâche, il laissa le soin à ses compagnons de tenir informé le Loup Solitaire de leur trouvaille. Il lui fournirait l'original une fois fini...

Le Graarh ne répondit pas à toute sles question du Loup Solitaire et Inigo en tira une grimace. Ce ne sera pas facile de coopérer avec ces gens. Trop de différences, trop d’animosité. Pour les Graarh, les humains étaient des envahisseurs, alors que les humains avaient juste perdu leur terre et essayaient de s’installer où ils pouvaient. Mais il est vrai que la pire engeance des espèces s’était installée sur cette île et qu’elle n’était pas tendre avec les félidés. Pourtant, qui mieux que les Graarhs pour comprendre le problème que poser ce Rog. Vu l’état et l’équipement des squelettes présent, quand Rog fut enfermé, les Graarhs étaient bien plus puissants, autant en magie qu’en équipement. Il était difficile de voir en ces squelettes, des ancêtres à ces bêtes poilus que le Loup Solitaire avait rencontré jusqu’à présent.

Et malgré ce rapport de force en leur défaveur, les Graarhs semblaient réticents à l’idée de partager leurs informations avec leurs seuls alliés potentiels. Cela agacé Inigo au plus haut point. Ce n’était pas de la fierté mais de la stupidité à l’état pur. Mais au moins, Janga ne mettez pas de bâton dans les roues du Loup Solitaire.

En l’entendant parler de mage puissant, le regard du Loup se posa sur un crâne, clairement humain. Il eut une pensée pour ses hommes morts dans cette expédition, une pensée plus forte pour Célia, qui ne faisait pas vraiment partie des leurs, mais qui avait travaillé dur à leur côté.

Autour de lui, une petite neige commença à tomber. Pourtant on était à l’abri. De petits flocons blancs qui tombaient plus vite que la neige. L’odeur de l’océan envahit un peu le lieu alors que le Loup Solitaire revoyait la marée de crâne qui lui avait arraché ses Loups.

Il reprit sa route dans les profondeurs du mausolée. Toujours aucune décoration, aucune explication, aucune fioriture. Rien que le cercueil et les pieux de bois qui ont dû servir à retenir Rog. Le Loup Solitaire en saisit un et revint sur ses pas en croisant Demens. L’alchimiste ignora le guerrier et ce dernier n’avait pas envie de lui parler pour l’instant. Il pourrait lui demander ce qu’il avait trouvé plus tard, une fois la fouille terminée.

2quipé de deux des piques, il revint donc vers Jangali et vit que le Graarh avait trouvé quelque chose. Quelque chose d’intéressant ? Regardez ça. Il semble que c’était ces trucs qui le retenait. Une idée de la magie utilisée ? Je te propose d’en ramener un auprès de tes sages. Je compte en apporter au Domaine et en fournir aux Renards. Ils auront peut-être une piste.

Le Loup Solitaire se tourna vers les autres Graarhs. Navré, je ne me suis pas présenté au reste de ta compagnie. La situation me semble assez préoccupante et j’en perds mes manières. Mais ce n’est pas une bonne excuse. Je suis le Loup Solitaire, chef de la Meute. Je souhaite vous aider car la menace que représente ce Rog et ces semblables si je ne m’abuse, est suffisamment grave pour qu’on oublie l’épaisseur de nos fourrure respective.

Le sang encore récent des pirates et des mercenaires qui avaient été liquidés par le Graärh prune collait sous ses semelles. Près de l’entrée, la poussière qui avait été générée lors de la destruction de la partie externe par l’invocation d’Arakjörn recouvrait le miasme, mais la neige qui fondait depuis maintenant plusieurs minutes traçait des sillons et entrainait lentement la saleté visqueuse vers les marches que Demens et Harshiit utilisèrent pour rejoindre les autres.

Les deux autres félidés étaient dans le couloir, à la hauteur des squelettes en armure. Le druide alla les rejoindre, mais l’alchimiste continua son chemin sans un mot. Il avait pu glisser quelques os dans sa sacoche juste avant l’attaque du Prune et se doutait qu’on ne lui permettrait plus de se servir aussi facilement à présent. De toutes manières, il voulait vérifier ce qui se trouvait plus haut fond du sépulcre et tandis qu’il se dirigeait vers la salle qui avait servie de prison, il croisa Erdrak auquel il n’accorda pas plus d’attention.

Enfin, il put voir le sarcophage qui avait contenu le grand félin, prenant en main l’un des pieux qui était jusqu’à tout récemment planté dans sa chair. Il le glissa dans son sac, puis observa le cercueil, passant doucement ses doigts dessus pour mieux en percevoir la texture. Celui avait été suspendu au plafond, comme en témoignait les solides chaînes qui s’y trouvaient encore. Au sol, un puit de sang étonnamment frais occupait le centre de la pièce et Demens sorti une autre fiole qu’il remplit. Bien qu’il possédait à présent un membre entier du Graärh, d’avoir du sang déjà extrait lui serait fort probablement utile aussi, à tout le moins pour en faciliter l’étude.

Après avoir récolté tout ce qu’il jugeait utile, l’homme de science revint vers les autres qui étaient encore en discussion, observant ce qui semblait être un carnet en très mauvais état. Maintenant qu’il y regardait de plus près, il n’y avait plus que des ossements humanoïdes, ou alors les ossements Graärh restant se confondaient trop dans la masse pour être remarqués. Cependant, il manquait autre dont le Cafard avait besoin.

- Où sont les autres armures?

La question ne visait personne en particulier, mais était assez audible pour interrompre toute conversation qui avait lieu.

Par chance, l’écriture en graärh ancien était suffisamment proche visuellement de leurs cunéiformes récents pour que Jangali soit suffisamment à l’aise pour le recopier. Même si ses capacitées littéraires n’étaient exploités que dans le but de sauvegarder son expérience de cuisinier, il fallait dire que dans le cas présent, cela s’avérait sacrément utile. Il avançait rapidement, son fusain glissant sur son papier parcheminé. Et quand il eut presque fini, le mercenaire l'interpella, lui montrant des pieux. L’odeur de sang frais titilla les narines du chasseur et ses pupilles se dilatèrent, affûtant sa vision sur les objets. Mais malgré cela, il ne remarqua rien de bien concret dessus. Si magie il y avait, alors ce n’était pas visible à l’oeil nu. Il secoua négativement la tête et haussa les épaules. Il lui avait déjà dit que la magie ce n’était pas son truc non ? Et quand l’autre proposa de les emmener au Domaine et aux Renards, Jangali haussa les oreilles de surprise. Les Baptistrels seraient surement capable d’en tirer quelque chose, mais que pouvaient bien faire les liées menteurs et voleurs dans cette histoire ? à moins… à moins qu’il ne s’agisse d’un groupuscule dont il n’avait jamais entendu parlé ? Mais alors pourquoi avoir choisi le nom de l’Esprit dont on devait le plus se méfier ? Son arcade sourcilière se fronça en une mimique de perplexité extrême. Les sans-poils pouvaient être si compliqués à comprendre parfois !

- Où sont les autres armures?

Jangali allait faire part de ses interrogations quand la question lui crispa la mâchoire. Comment osait-il ?! Ce sale pirate ne pensait donc qu’à piller les richesses de son peuple. Cette fois-ci, s’en était trop. Il se remit d’un bond sur ses pattes, fourragea le carnet dans son sac et la copie dans les mains d’Urjiida. Furibond il s’adressa qu Caillou.

-Ne crois pas mettre une seule main sur l’héritage de nos ancêtre le Caillou ! Vous êtes aucunement digne de toucher ces reliques !

Sa voix résonna dans le caveau comme un coup de tonnerre. Tout son poil ébouriffé, il semblait avoir doublé de volume. Se tournant de nouveau vers le Loup Solitaire, il baissa d’un ton mais sa colère était toutefois perceptible.

-J’ai changé d’avis. Tu dis ne rien à voir avec les pirates et vouloir nouer des liens avec les miens ? Et bien soit. Nous laisserons notre Aalesshaan en juger. Si tu veux les informations de ce carnet, tu devras accompagner mes compagnons à la Légion alors.

à peine eut-il finit qu’Urjiida lui saisit le bras et le tira en arrière, visiblement aussi furieuse que lui, mais pour un autre motif.

-Mais qu’est-ce que tu fais ?! Tu es fou ? On a besoin de toute l’aide disponible là.
-écoutes-moi. J’ai connu des sans-poils bienveillants, je sais que ça existe. Mais là, l’enjeu est trop grand et nous ne sommes pas en mesure de juger de ça. C’est à Sa’Hila que revient de prendre cette décision. Et pour ça, j’ai besoin que toi et Harsh’ vous rentriez sains et libres à la Légion et que vous délivriez ce carnet.
-Mais… Tu… tu ne viens pas ?, demanda-t-elle, les oreilles plaquées en arrière.
-Non. Fais-moi confiance, j’ai une intuition. Ecoutes. Le temps joue contre nous. Je dois aller prévenir les chefs des autres peuples de la menace à venir. Regardes avec quelle facilité Rog s’est débarrassé de nous. Regardes cette armure. Les graärh ne sont clairement plus que l’ombre de la glorieuse civilisation qu’elle était. Il faut gagner du temps et pour ça, je dois partir seul de mon côté.
-Jangali… Tu sais que si tu fais ça, tu ne pourras pas revenir à la Légion… Nos lois sont claires…

Il garda un instant le silence, les lèvres pincées. Oui, les lois des graärh étaient claires. Prendre l’initiative de partir seul sans le consentement de son Aaleeshaan lui vaudrait d’être banni. Mais, à circonstances exceptionnelles, mesures exceptionnelles.

-Si je dois devenir Ashuddh pour le bien de mon peuple, alors ainsi soit-il. Je préfère perdre mon honneur que voir les Couronnes nous réduire tous en cendres.

Face à l’aplomb et à la décision du chasseur, Urjiida ne put rien répondre et rangea à son tour le carnet dans sa besace. Jangali reporta son attention sur le Loup Solitaire.

-Avons-nous un marché ? Les informations sur la menace contre la sécurité de mes compagnons.

Il observait le mercenaire droit dans les yeux, ne se souciant de l’autre le moins du monde. Il espérait que son appel à la fierté du Loup trouverait un écho.

Inigo n’était pas un spécialiste des expressions humaines, pas encore pour le moins, mais il savait déjà mieux comprendre les autres qu’Erdrak ou Asmo, les anciennes consciences de son être. Pour ce qui était des Graarhs, c’était une toute autre histoire. La tentation était grande de faire le rapprochement entre les chats et ces félidés, mais le Loup Solitaire craignait de les sous-estimer, ou pire de les insulter.

Pourtant, il ne put s’empêcher de se dire que Jangali avait été perplexe en entendant parler des Renards ou des Baptistrels. C’était certainement les premiers qui le surprenaient car aux évocations précédentes des baptistrels, le Graarh n’avait pas paru choquer et même plutôt amicale envers les chanteurs. Inigo s’apprêtait à s’expliquer lorsque Demans vint interrompre la conversation entre les deux guerriers.

Jangali se mit en colère et le Loup Solitaire recula légèrement, tranquillement, afin d’éviter tout effusion excessive et de se trouver dans les dommages collatéraux. Il craignait maintenant que la colère envers Demens se tourna aussi vers lui et jette à terre tous ses efforts pour former des liens avec ce peuple. Inigo n’était pas un politicien, ni un marchand, encore moins un seigneur, mais il savait que pour le bien de sa guilde, il devait se lier d’amitié avec les autochtones, ne serait-ce que pour avoir la liberté d’arpenter leur terre et d’avoir des informations sur les dangers locaux.

Mais le graarh revint vers lui avec les résidus de sa colère. Cependant, sa colère ne semblait pas tourner vers le guerrier. La proposition de graarh surprit Inigo et le Loup Solitaire ne put cacher sa surprise devant ce revirement de situation. Les paroles de Jangali provoquèrent un petit tollé chez ses compagnons mais Inigo ne put comprendre leur langage. Manifestement, le présenter à leur chef n’était pas au goût de tout le monde.

Toutefois, Jangali paru convaincre ses compagnons et quand il revint vers lui, le Loup Solitaire arborait un sourire confiant et sincère. Cette expression aurait surpris tous ceux qui connaissait le Loup Solitaire, car ses yeux brillaient d’une certaine joie et trace de victoire. Son sourire était franc et non froid ou mauvais. Tout en lui semblait exulter de cette petite victoire.

Si pour pouvoir parler à votre Aleeshan, il me suffit de protéger tes compagnons, je pense que nous avons plus qu’un marché. S’ils sont ne serait-ce que la moitié des guerriers de ton peuples que j’ai vu, je ne pense pas que la difficulté sera grande. D’autant plus si ma compagnie peut nous accompagner. Cependant, je me plierai aux règles de ton peuple et j’espère que cette nouvelle rencontre se fera sous de meilleur hospice que la première. Ashaal ne nous avait pas beaucoup aidé à avoir une discussion avec votre chef. Inigo réfléchit un moment. Si tu nous accompagnes jusqu’au port, je pourrais passer un message pour te venir en aide. Ma guild n’est pas très puissante, mais possède un vaste réseau. Ils pourront te venir en aide, ou t’accueillir si besoin, peut-être même de fournir une escorte. J’ai vu ce qui a été libéré et je préfère le voir disparaitre à nouveau que le laisser courir le monde. Si tu peux trouver une solution de ton côté, alors je suis prêt à t’aider

La réponse se voulait peut-être insultante, mais Demens n’y réagit pas. En fait, il ne comprenait pas vraiment en quoi le fait d’étudier les armures nécessitait qu’il soit digne de quoi que ce soit. Néanmoins, Jangali semblait manifester de la colère, à en juger par sa fourrure qui rappelait encore une fois celle d’un chat ordinaire. Il mentionna le carnet, déclarant à Erdrak que pour le consulter il devrait les suivre jusque dans sa Légion et rencontrer son Aalesshaan. Loin d’être un fin connaisseur de la civilisation native de l’archipel, l’alchimiste savait tout de même qu’il s’agissait donc d’une information d’importance potentiellement majeure, mais ne comprenait toujours pas en quoi sa question pouvait avoir mené à cette décision.

Pendant quelques instants, les Graärh discutèrent entre eux tandis qu’Erdrak demeurait en silence. Après un court échange, Jangali revint voir le mercenaire et leur échange sur la sécurité des grands félins contre des informations ne fit que plonger l’homme de science encore plus loin dans son incompréhension.

~ Le Graärh a mentionné ces items comme étant l’héritage de leurs ancêtres. Des reliques. ~

Tandis que les prémisses d’une potentielle alliance se construisait dans le reste du groupe, Demens s’efforçait de tirer des conclusions logiques par rapport à ce qu’il venait de voir comme comportement. De ce qu’il en avait entendu et vu, le Graärh donnaient une très grande importance à leur passé. Oui, c’était probablement pour cela que sa demande avait produit cette réaction.

Pourtant, Arakjörn avait bien souligné qu’il était alchimiste en le présentant un peu plus tôt et le félidé avait ainsi toutes les informations pour comprendre la nature de sa demande sans qu’il n’ait à s’expliquer. Apparemment, il devrait le faire quand même.

- Je veux seulement étudier la composition des armures. Elles ont permis d’enfermer le Graärh prune ici. Savoir comment en construire de nouvelles pourrait aider à le combattre.

À nouveau, l’inaptitude sociale du Cafard se manifestait tandis qu’il interrompait une fois de plus la conversation de sa voix sombre. Aucune excuse, aucune remarque futile, seulement de l'information brute et une logique froide.

Jangali regardait le Loup avec suspicion. D'ailleurs, pour le moment, il n'était que suspicion. Les récents événements avaient évaporé toute légèreté du gourmet. Son expression restait figée dans un masque sérieux que ceux qui le connaissaient bien ne lui reconnaîtrait pas. Et pourtant il lui proposait de l’aide. C’était assez inattendu et pourtant bienvenue. Il pencha également la tête sur le côté. Qui pouvait bien être cet Ashaal ? Pour avoir vécu toute sa vie à la Légion, il n’avait jamais entendu parlé d’un quelconque graärh répondant à ce prénom… M’enfin, il devait surement être tombé sur autre tribu. Méconnaissance commune des sans-poils finalement.
Il allait accepter quand le caillou intervint de nouveau avec sa voix monocorde. Sans la patte d’Urjiida posée sur son épaule, le chasseur lui aurait sauté à la gorge. Qu’est-ce qu’il ne comprenait pas dans “vous n’êtes pas digne d’y toucher” ?!

-Cela ne change en rien au fait que ces armures sont un savoir-faire graärh. Il est hors de question que leur secret vous reviennent, vous pillez déjà assez nos villages comme ça. J’ai dit que nous partagerons les informations, et seulement les informations sur Rog et les Couronnes de Cendres. Rien de plus.

Il arrivait au bout de sa patience, et même les humains pouvaient l’entendre. Il était temps de couper court à cette alliance temporaire. Il reporta son attention sur le mercenaire, sa décision n’attendant aucun argumentaire.

-Je te remercie pour ton aide, mais je me débrouillerai seul. Tiens t’en seulement à ramener Urjiida et Harshiit à la Légion. C’est à Kamda Sa’Hila que tu devras prouver ta sincérité après tout.

Il lui jeta un dernier regard céruléen avant de se tourner une dernière fois vers Urjiida.

-Bonne chance Urji’. Précises bien à Sa’Hila que j’agis dans l’intérêt de la Légion et des Graärh hein ?
-Ne t’inquiètes pas, je lui dirais. Mais tu sais comment elle est. Elle appliquera les lois même si ça ne lui plait pas, Janga…
-Je sais, je sais… Prends soin de toi.
-Toi aussi Jangali, sois prudent.

Il fit également un petit signe de tête entendu à Harshiit et finit par tourner les talons et se diriger vers la sortie. Un mélange écoeurant de sang et de boue ruisselait à présent des escalier, résultat de la fonte de la glace à l’extérieur. Avec dégoût, il pensa que la pièce serait peut-être inondée dans moins de deux heures. Après tout, la neige n’était pas un élément présent naturellement sur Néthéril et elle tendrait à disparaître aussi rapidement que possible. Cependant, cela ne dérangeait en rien jangali qui marchait dessus comme si de rien n’était, ses pas de Gerridae lui permettant de marcher sur le ruissellement et d’atteindre la sortie en presque moins de temps qu’il ne lui avait fallu la première fois qu’il y était tombé.Il ne manqua bien sur pas de graver dans sa mémoire l’image du nabot sur les pierres volantes. Oh non il ne manquerait pas d’oublier le visage du pirate qui avait volé un si dangereux artefact.

Réajustant sa sacoche, le Gourmet se dirigea vers les profondeur du marécages. Quelque chose lui disait d’y aller. Une intuition. Et s’il y avait bien une chose en laquelle il croyait, c’était les intuitions et les Esprits.

Voilà pourquoi l’alchimiste travaillait seul depuis si longtemps. Les gens s’attachaient à des objets et à des détails superflus à un tel point qu’ils prenaient des décision parfaitement illogiques et inutiles. Dans le cas présent, Jangali s’évertuait à lui refuser ne serait-ce qu’une parcelle du métal des armures, sous-entendant que Demens pillait des villages. Pourtant, il n’avait jamais posé ce geste et ne voyait aucun intérêt à le faire, alors pourquoi l’accusait-on ainsi? Bien entendu, il ne ressentit aucune déception ni la moindre frustration devant l’attitude du Graärh.

Ce dernier ne semblait pas manifester les mêmes émotions vis-à-vis Erdrak, car son ton de voix était différent, de même que les mots qu’il utilisait en lui adressant la parole. Après avoir refusé son appui, il échangea une dernière fois avec ses comparses félidés avant de finalement quitter les lieux et en l’observant, le Cafard constata quelque chose de curieux : il marchait sur la surface du mélange d’eau, de sang et de boue qui s’écoulait dans les escaliers plutôt que de s’y enfoncer. Bien entendu, Demens savait qu’il s’agissait là de magie, mais il ignorait si tous les Graärh partageaient cette capacité ou si elle correspondait plutôt à une capacité unique. Dans tous les cas, il garda cette information en tête afin de la ressortir plus tard lorsqu’il étudierait le sang et le bras de Rog, de même que les quelques ossements qu’il avait recueillis.

À la suite du départ du chasseur, l’alchimiste s’approcha des murs lisses du couloir, ignorant complètement les autres individus présents puisqu’ils n’avaient rien à lui dire. Du bout des doigts, il caressa les quelques inscriptions que les anciens guerriers enfermés ici avaient laissées derrière. C’était une écriture cunéiforme, une forme qui correspondait bien à une espèce possédant des griffes comme outil naturel. N’en comprenant pas le sens faute de savoir lire la langue, il s’en désintéressa rapidement. Les lieux n’ayant rien de plus à lui fournir, il remonta lentement les marches souillées pour ressortir parmi les ruines du sépulcre. Autour, la neige fondait rapidement et l’eau claire se mélangeait à l’eau salée du marais. De sa sacoche, l’homme de science sortit une autre fiole vide qu’il plongea dans une flaque qui s’était formée sur la glace et n’avait donc pas encore eu de contact avec d’autre eau, se procurant ainsi un potentiel ingrédient supplémentaire.

Cela fait, il leva les yeux vers le cercle de pierres magiques qui surplombait toujours les environs. Il repéra la petite silhouette d’Arakjörn qui gigottait sur l’une d’elle tandis que le mage étudiait l’énorme artéfact. Demens s’assit donc sur les ruines pour attendre le pirate. Lorsque les autres ressortiraient, il ne leur adresserait pas la parole à-moins qu’ils n’interagissent de nouveau avec lui.

Inigo hocha la tête pour consentir aux paroles du Graarh,. Il semblait que convaincre les félins de sa sincérité n’était que secondaire et que le plus important semblait être leur chef. Ce dernier avait-il assez d’influence pour forcer ses semblables à obéir et faire confiance ? Ce serait un tour de force extraordinaire et surtout un gros avantage pour le Loup Solitaire. Mais ce dernier passait surtout qu’avoir la confiance du chef ne lui offrirait qu’un accès à la confiance du reste des Graarshs.

Il regarda Demens se faire chasser par Jangali et ce dernier partir. Il s tourna alors vers les deux autres Graarhs. Messieurs, je pense que nous devrions y aller. Je vous propose de rejoindre le reste des hommes qui m’avaient accompagné ici et si vous le désirez, demander aux restes de la compagnie de nous accompagner jusqu’à votre chef. Il sera plus simple pour nous de nous protéger sur la route. S’il le faut, ils resteront assez loin de votre camps en attendant mon retour.

Il suivit donc les pas du chasseur, sortit et marcha dans les marais afin de rejoindre ses hommes blessés et fatigués. Il repartir vers la ville et son loup de fer portait le blessé, devenu de plus en plus pâle.

Une fois à proximité de la ville, Erdrak alla chercher sa compagnie après avoir fait sonner son cor pour les prévenir de son arrivée. Il envoya au domaine, après avoir loué une charrette, cinq guerriers avec les blessés. Puis présenta les graarhs et se mit en route vers leur clan.