Connexion
Le Deal du moment : -30%
LEGO Icons 10318 – Le Concorde à ...
Voir le deal
139.99 €

[INTRIGUE] Question de morale

description[INTRIGUE] Question de morale Empty[INTRIGUE] Question de morale

more_horiz

QUESTION DE MORALE



La rumeur rampe, court, galope. D’un bout à l’autre de Caladon et dans toute l’Alliance, les murmures se répandent, sinistres et angoissés. Des cadavres à peine reconnaissables, noircis, vidés de leur substance, comme desséchés, ont été découverts dans la grande ville marchande, depuis le port jusqu’aux grandes et riches maisons des notables. Même les bourses les mieux remplies ne semblent pas à l’abris et la garde ne donne aucune explication, ne possède aucun suspect. Et il ne s’agit pas d’un ou deux cadavres, ça non ! Ils sont déjà une dizaine à avoir été emportés vers les bûchers funéraires. Tandis que la Bourgmestre est mise au courant, d’autres membres de l’Alliance décident d’intervenir avant que le climat de la vie à Caladon ne vire définitivement à la terreur et à la paranoïa, car un tel développement impacterait de façon catastrophique les échanges commerciaux dont la ville est la plaque tournante.


Intrigue : Question de morale. Le 20 novembre an 1763 du troisième âge.

Les joueurs disposent d'un délai de 3 jours pour poster à compter de la réception des directives. Nous vous encouragerons même à poster plus vite encore si vous le pouvez (l’intrigue n’en sera que plus développée).  Les RP d’intrigue sont prioritaires sur tous les autres rp normaux.


  • Aldaron Elusis
  • Ezel Bonaventure
  • Shyven
  • Nahui
  • Ilhan Avente


L'ordre pourrait changer à tout moment.



Spoiler :

description[INTRIGUE] Question de morale EmptyRe: [INTRIGUE] Question de morale

more_horiz
    Ce fut choquant, ce calme inhabituel à son arrivée dans le port de Caladon. D'ordinaire, la ville était extrêmement vivante, même quand le froid mordant de novembre s'installait sournoisement. Cela n'empêchait pas les marchands de lever la voix et les quais de s'agiter au gré des allées et venues de navires aux cales bondées. La rumeur était venue à ses oreilles, alors qu'il aidait son époux et le peuple de la nuit, mais en vérité, il ne s'était pas imaginé combien un climat de terreur s'était installé lourdement en ville. Une dizaine de victimes étaient d'ores et déjà à déplorer et il n'y avait aucune explication à la soudaineté de ces morts. Personne ne se sentait à l'abri. On parlait peu, ici, de crainte qu'élever la voix n'attire l'attention de l'assassin sur soi et la garde avait été doublée de mercenaires pour tenter d'assurer un semblant de sécurité en ville. Pour autant, personne ne se sentait rassuré, pas même ceux qui étaient en poste pour protéger la population. Les mercenaires avaient du être payés une fortune pour lutter contre une menace fantôme, dont on ne voyaient que les conséquences de ses exactions.

    Les mires verdoyantes de l'ancien bourgmestre balayaient les quais alors qu'on installait la rampe qui lui permettrait de descendre. Son esprit partageait naturellement ses émotions avec Nahui, la dracène à ses côtés. Il n'aimait pas cela. Caladon était sa ville chérie, celle qu'il avait promis de protéger plus que toute peuplade. Elle était aussi la plaque tournante de tous les échanges commerciaux, un tel climat n'était pas propice à un essor économique fleurissant. Le Marché Noir s'en trouverait forcément impacté, comme tous les royaumes de l'archipel, bien que son organisation secrète soit justement adaptée aux périodes de crise. Elle avait tiré son épingle du jeu en temps de guerre, et dans le camp des ennemis. Il ne s'inquiétait pas tant pour lui-même et ceux qu'il protégeait car il se savait capable de rebondir dans l'adversité. Il s'inquiétait pour Caladon, en vérité. Il avait déjà éliminé la piste des pirates bien qu'il ne puisse pas l'affirmer de vive voix. Nathaniel n'aurait pas osé s'en prendre de la sorte à Caladon bien qu'il ne douta pas que cette ambiance emplie de peur lui irait comme un gant. Il lui semblait presque évident que les pirates seraient nommés premiers suspects. Bien qu'il ait décidé de ne pas tenir compte, personnellement, de cette possibilité, il n'était pas à l'abri de découvrir que l'Orque lui avait fait un petit dans le dos. Il fallait qu'il s'en assure.

    Nahui avait bien grandi, mesurant quatre-vingt centimètres au garrot et sa tête touchait aisément son coude. Il l'avait remarqué puisque sa liée en usait régulièrement de petits coups à cet endroit pour lui signaler qu'elle avait faim. Il se plaisait à surveiller sa croissance, bien que l'alimenter lui revienne de plus en plus cher. Il avait poussée la dracène son premier vol, puis à la chasse instinctive. Autant il pouvait encore assouvir l’appétit régulier d'un jeune dragon, autant lorsqu'elle deviendrait adulte cela commencerait à devenir compliqué de faire venir autant de viande pour elle, ce d'autant plus qu'elle avait tout les atouts nécessaires pour être une bien meilleure chasseresse que les bipèdes. Depuis peu, il lui était devenu difficile de la porter contre lui où sur ses épaule, non pas que son poids soit un soucis pour les forces du vampire, mais elle était assez encombrante et la faire passer pour une simple besace revenait presque à prendre les autres pour des êtres stupides. Limilocë allait pouvoir se montrer utile pour la garder à l'abri mais... Il semblait que le temps était venu pour lui et Nahui de révéler leur Lien au grand jour. Des rumeurs courraient d'ores et déjà, à leur sujet. Quelques personnes avaient aperçu la créature couleur neige en sa présence. D'autres en avaient entendu parler.

    Aujourd'hui, elle se tenait à ses côtés et bien qu'il la couvre de l'abondance de sa cape aux emblèmes Elusis, il n'était pas rare de voir un museau, des pattes ou une queue dépasser. La rampe fut installée et il put quitter le pont pour rejoindre la terre ferme. Sa garde personnelle venait immédiatement à lui, avec une fébrilité et une crainte qu'il ne leur connaissait pas d'ordinaire. On affirmait vouloir immédiatement le mettre à l'abri dans une cache et au son tremblant de leur voix, il ne douta pas qu'ils soient véritablement effrayés. Rien de tout cela n'était feint : le problème était des plus sérieux. Il commença à les suivre, veillant à ce que Nahui reste à l'abri à ses côtés. La cécité de la dracène leur demandait une bonne coordination mais leur Lien et leur confiance étaient bien assez forts pour qu'ils en aient l'habitude et qu'ils y parviennent. On l'informa qu'Ilhan Avente était arrivé à Caladon, quelques jours plus tôt, pour apporter son aide à la ville mais tout ce que le père vampirique entendit à ces mots, c'était que son infant était dans un endroit dangereux : « Conviez et escortez Ilhan Avente jusqu'à moi. Sans délais. Dites lui que cela ne peut pas attendre. »  Il ne tolérerait pas qu'on fasse du mal à son fils et Nahui pouvait sentit son affection viscérale le faire souffrir d'une peur croissante. Par ailleurs, l'althaïen avait un esprit très vif et intuitif qui lui serait grandement utile, ce d'autant plus qu'il semblait être venu à Caladon à cette fin. Certes, il n'était pas la Bourgmestre, mais de ce qu'il avait appris de la relation diplomatique entre Eleonnora et Ilhan, il valait mieux qu'il traite avec Aldaron.

    « Monsieur, nous ne pouvons... » Quoi ? Le déranger ou exiger de lui ? Il était son père, il avait bien au moins cette autorité. Mais le garde l'ignorait. Tout le monde, à l'exception d'une poignée de privilégiés, ignorait que c'était Aldaron qui avait transformé Ilhan en vampire pour l'arracher au trépas auquel l'humain était éminemment destiné. L'Ast le coupa sèchement, faisant ressortir le fond de violence innée à sa race : « J'ai dit : sans délais. » Il n'eut heureusement pas à répéter son ordre. Cinq des siens partirent ensemble chercher l'althaïen. A dire vrai, si sa garde n'avait pas été dans un tel état d'alerte, il aurait été lui même chercher son infant pour le mettre à l'abri sous son aile. L'empathie du dragonnier lui faisait absorber la terreur régnant en ville, comme une éponge mais il tâchait de prendre sur lui pour garder la tête froide. Il repéra du mouvement à l'entrée de la ville, cela s'agitait auprès de quelque chose. L'antique avait ralenti sa marche, intrigué, captant en surface les pensées de ces gens : un dragon ? Il fronça les sourcils et approcha malgré les conseils de sa garde de rester en arrière. Il y avait deux possibilités : soit il s'agissait d'un dragon pacifique et il n'avait rien à craindre. Soit ce n'était pas un dragon pacifique, peut-être même l'auteur de ces catastrophes qui frappaient Caladon, et il était le seul dragonnier en vie capable de donner un ordre à un dragon et d'être obéi, par la magie du Lien.

    On s'écarta à sa demande et bientôt, l'ancien elfe pu découvrir la silhouette d'une saurienne aux écailles rosées, d'une taille à peu près similaire à Nahui. Il avait eu vent que la naissance d'une telle dragonne, Ivanyr, et lui même à moindre ampleur, entretenant un lien privilégier et amical avec Kaalys. Bien qu'il n'ait jamais rencontré jusqu'alors la nouvelle-née, il pouvait l'identifier assez aisément. Ce qu'il savait que la douceur de Kaalys le rassura sur les intentions pacifiques de Shyven, bien qu'il ne douta pas qu'elle ait du faire le mur pour partir à la découverte du monde et se retrouver ici. Il retira son casque de dragonnier pour révéler pleinement son visage à la créature mythique : « Votre père va vous gronder, mais vous le savez sûrement, Shyven ? » Il eut un sourire en coin, presque amusé. Lui-même n'avait, ni dans son enfance elfique, ni dans ses premiers jours comme vampire, était un enfant bien sage. Il comprenait son envie de découvrir le monde et de faire ses propres expériences, pour se développer. S'il  la connaissait, il n'était pas certain qu'il en soit de même pour Shyven, aussi se présenta-t-il.

    « Je suis Aldaron Elusis, l'époux d'Achroma. » Nom qui devait évoquer quelque chose de sécuritaire pour l'écailleuse, puisque Kaalys et Achroma étaient proches. « Venez avec moi, les rues de Caladon ne sont pas sûres, en ce moment. Il y a eu une dizaine de morts inexpliquées, vous ne devriez pas rester seule, ce n'est pas prudent. Nous allons nous mettre à l'abri et tâcher comprendre ce qui met la population en danger. Nous avons rendez-vous avec un proche de l'une des victimes. » Ce disant, il écarta un bras pour ouvrir un pan de sa cape comme une invitation à venir sous son aile... Et, par le geste, il révéla la dragonne immaculée, ayant déjà pris refuge ici. Il était l'heure de la rencontre et lorsque Shyven accepta de les suivre, il se remit en marche, sans tarder, ne serait-ce par pitié pour sa garde qui était tendue et pour ne pas rester sous l'averse qui s'était mise à tomber. La cache était dans l'un des quartiers les plus riches de Caladon, bien que le poids d'une bourse ne sembla pas faire obstacle à la mort qui frappait les habitants. Il prit du temps pour de sécher de la pluie extérieure et de retirer sa lourde cape. Ses domestiques proposèrent le même traitement aux dracènes et à sa garde. Il n'était pas chez lui : on avait jugé que ce serait un endroit trop prévisible pour le trouver s'il était sur la liste de ce meurtrier. « Je vais contacter votre père, au moins pour le rassurer et l'aviser que vous êtes en sécurité, à mes côtés. Il doit avoir entendu les rumeurs qui courent à Caladon et au-delà et il doit se faire un sang d'encre. »

    Son regard s'était posé sur Shyven alors que dans le salon, il venait se mettre à genoux sur le tapis brodé, non loin de la cheminée. « Je vais tâcher de le convaincre de vous laisser demeurer, ici, pour aiguiser votre esprit aux affaires bipèdes, cela vous sied ? J'en ai pour quelques minutes. » Mains sur les tempes, il ferma les yeux. Puis ses dextres retombaient sur ses cuisses alors que son corps se relâchait légèrement. La magie était fluctuante, il dut s'y prendre à plusieurs reprises pour retrouver le Chemin de Transe, qui lui permettait d'accélérer la libération de son esprit des entraves de son corps. Une fois fait, ce fut de l’Alliance du Premier dont il se servit pour intervenir auprès de Kaalys, comme dans la forêt de Licorok, le rassurer et lui demander de laisser la petite Opale demeurer le temps des investigations. Il promettait de veiller sur elle et de tout mettre en œuvre pour qu'il ne lui arrive rien de grave. Une fois la conversation achevée, ce fut auprès du dragonnier Nathaniel qu'il porta son esprit. *Rassurez-moi, Nathaniel, ce n'est pas vous qui êtes à l'origine du climat de terreur qui règne à Caladon suite à une dizaine de meurtres ?* A n'en pas douter l'esprit tordu du pirate était ravi d'apprendre la nouvelle. Lorsqu'il eut sa réponse, il s'éveilla. Il avait laissé du temps aux deux sauriennes, par conséquent, pour faire connaissance et à ses gardes pour aller chercher Ilhan. L'althaïen était sûrement à deux rues d'ici, à présent.

    L'Ast se massa les tempes et se releva, plaçant à nouveau Limilocë sur sa tête. Il n'était pas bien rassuré, mais avec son armure déployée, son casque pour mettre Nahui en sûreté en cas d'urgence, Foudre-Eclat dans son dos, son épée et son Feutonnerre à sa ceinture, il pouvait avouer être en relative sécurité, du moins l'espérait-il. Cela permettait aussi à sa garde de moins le coller et craindre pour lui. « Bien, allons-y, ne tardons pas. » Il était attendu. Il descendit au sous-sol qu'on avait chauffé et commodément meublé pour l'occasion et ce fut avec les deux dragonnes à ses côtés qu'il se présenta à Ezel Bonaventure. Ce qu'il savait de lui ? Que sa famille avait un cirque très doué pour dissimuler de la contrebande. Il le savait parce qu'il était le Capitaine pirate des contrebandiers. Le plus drôle dans tout cela, c'était que l'homme blond face à lui travaillait donc pour lui sans le savoir. L'Ast était loin de vouloir dévoiler cet état de fait, pas plus qu'il ne voulait mettre en lumière les affaires louches du cirque. Seule sa Liée le sentait, tout comme elle sentait tout le secret qui pesait sur cette information. Les pirates avait pour habitude de se tirer dans les pattes, mais pas sans raison ou intérêt et le sort qui frappait la famille Bonaventure ne faisait que le convaincre d'avantage que les pirates n'étaient pas mêlés à cette affaire.

    Ce qu'il savait d'autre ? Son amitié avec Toryné : sans nul doute partageaient-ils en commun leur amour pour les robes. « Je vous présente mes condoléances, Monsieur Bonaventure. Ma mère, le parangon Dalis, vous adresse ses salutations. Elle n'a guère été avisée pour l'heure de la perte que subi votre famille, je ne doute néanmoins pas qu'elle se joindra à votre affliction, dès que je la préviendrai. » Il ne se présenta pas lui-même, pour les humains, son titre de Triade et son visage étaient aussi célèbres que les hauts faits qu'on lui attribuait, en dépit de sa vampirisation. Sa diction était propre, digne de la noblesse à laquelle il avait longuement appartenu. Son port était droit et ses vêtements, pourtant simples, étaient de bonne facture, d'un brun clair, comme à son habitude. Son teint pâle tirait vers les cendres alors que son regard verdoyant dégageaient une aura hypnotique et charismatique. Regard qui se tourna vers l'entrée en arrière lorsque les pas de l'althaïen et de son escorte se firent entendre. Un sourire tendre, paternel, s'étira sur ses lèvres à cette seule vue, tranchant subtilement dans le marbre de sa prestance régalienne. « Bonjour Ilhan. » le salua-t-il en inclinant la tête tandis que son bras ouvert l'invitait à entrer dans la pièce et à se joindre à eux. « Je pourrais vous dire que je suis navré d'avoir bousculé votre emploi du temps que j'imagine chargé, mais je n'en penserais pas un mot alors... J'espère que vous m'en pardonnerez autant que vous pardonnerez mon absence de remords. »

    Le sourire tendre se faisait taquin, bien qu'avec réserve : « Je suis heureux de vous voir. » Il aurait ajouté un 'mon fils', s'il l'avait pu, mais dans son regard, cela se lisait pour ceux qui savaient la vérité. « Peut-être connaissez-vous Ezel Bonaventure ? » Supposa-t-il sans en être bien certain. Il douta que leur cirque s'amuse à jouer et à voler à Délimar, sans quoi la moitié de leurs artistes auraient une main en moins. Mais le Tisseur savait beaucoup de choses, ça, il n'en doutait pas. « Sa famille possède un fabuleux cirque. Hélas, elle a été frappée par la perte de l'un des leurs dans ce qui fait frémir Caladon. Je pense pouvoir parier que c'est l'une des raisons de votre venue ici, Conseiller de Délimar. » Les dagues de verre du Marché Noir ne pouvaient pas se tromper sur les informations qu'elles remontaient à la Triade au sujet de ce qui se passait à Caladon. L'Ast tâcha de poursuivre les introductions : « Je vous présente Nahui, ma Liée. Ainsi que Shyven, fille de Kaalys et de Nynsith. » S'adressant à nouveau à Ezel, il tourna son visage racé dans sa pleine direction : « Je ne désire aucunement laisser tout ceci impuni, Monsieur Bonaventure. Je ne suis plus Bourgmestre mais je fais toujours partie du Conseil de cette cité. Ces crimes doivent cesser. Avez-vous été témoin, vous ou votre famille, de ce qui est arrivé à votre proche ? »

    Il entrait dans le vif du sujet puis s'adressa à sa dague de verre, sous couverture de milicien Caladonien : « De quelles informations disposons-nous, soldat ? » Enfin, il posa son regard sur Ilhan, à nouveau : « Si vous êtes ici depuis quelques jours, avez-vous fait quelques intéressantes découvertes ? » Ses mires retombèrent sur la dragonne d'opale « Ou peut-être vous. » Shyven n'était pas là depuis très longtemps, mais cela suffisait parfois pour avoir remarqué quelque chose.

description[INTRIGUE] Question de morale EmptyRe: [INTRIGUE] Question de morale

more_horiz
Distraitement, je portai mon verre à mes lèvres, et sentant un bloc de glace carmin à la place d'un liquide rouge bordeaux, je le reposai sur la table en soupirant. J'étais actuellement tellement préoccupé que j'avais réussi à geler cet excellent Château Yonnis, cuvée 1755. Gâcher un si grand millésime était sacrilège, mais la bénédiction du Léopard semblait être intimement liée à mes émotions. Mes vêtements pourtant si lumineux d'ordinaire, arboraient en ce jour une teinte bleue sombre et nocturne, miroir gelé de mes pensées troubles. Pire encore, un petit nuage chargé de flocons s'était formé au-dessus de ma tête et déversait à présent la vision maussade d'un jour d'hiver triste autour de moi, au grand dam des serviteurs qui regardaient chaque étoile givrée s'écraser sur le délicat cachemire des fauteuils et canapés comme s'il s'agissait d'acide pur. Seul mon invitation et les raisons de ma présence les empêchaient de dire quoi que ce soit. Après tout, si je me trouvais dans le plus somptueux sous-sol qui m'ait été donné de voir dans toute ma vie, ce n'était pas dans des circonstances très heureuses. J'avais apporté avec moi la peur et la colère du deuil.

Une main, ferme et chaleureuse, se posa sur mon épaule, me sortant de ma torpeur. En remontant le long du bras à qui il appartenait, je tombais sur le visage bienveillant de Sah. Son regard, brillant de détermination, me mit du baume au coeur. Derrière son impressionnant -et certain diront effrayant- maquillage de mime, se cachait un homme qui avait fait face à bien pire que cela. Pour peu que l'on y fasse attention, ce maquillage servait avant tout à camoufler les deux lacérations de part et d'autre de ses lèvres, figeant un sourire macabre et éternel. Bien qu'ayant perdu également sa langue, son regard en disait bien plus et j'hochais la tête, le remerciant d'être là. Le Pangolin, dont les actes criminels avaient jadis conduits à la mort de sa femme et de sa fille, avait juré de se racheter en rejoignant le Cirque du Renouveau. Depuis ce jour, il mit tout en oeuvre pour assurer la protection de sa nouvelle famille. C'était d'ailleurs sa décision, irrévocable et implacable, de m'accompagner en ce jour et mon père avait approuvait de surcroît, en réponse à ma détermination de trouver le responsable de la mort de Laïos. Malgré le danger, malgré la chance maigre et incertaine, il était de notre honneur de venger la famille. Nous avions dû fuir les conflits armés pour survivre, mais cette fois, nous n'allions pas laisser un meurtrier en série s'en tirer. Foi de Bonaventure, je n'allais pas le laisser ruiner les efforts de toute une vie de joies et d'émerveillements, même si pour cela je devais plonger les deux mains dans les ténèbres. La glace, derrière ses magnifiques atours, pouvait aussi être une arme froide et impitoyable.

Une certaine agitation, suivie de bruits de pas venants de l'entrée attira mon attention. Enfin mon hôte se présentait. Nul besoin de le présenter, sa légende le précédait. Je lui rendis son salut par un seul et courtois hochement de tête, bien que mon regard semblait ne vouloir se détacher de celui du vampire. J'étais peut être en deuil, je n'éprouvais toujours pas la nécessité de m'aplatir devant qui que soit, aussi fascinant qu'il fût. Cependant, je revoyais mon jugement pour les deux créatures qui l'accompagnaient. Comment pouvait-il en être autrement ? Origine de la magie, de ma magie -bien que les mois précédents m'aient maintes fois prouvés qu'ils n'y avait pas qu'eux- les dragons méritaient naturellement mon respect. Et puis, quelle chance d'en rencontrer en vrai ! Le seul dragon que je connaissais était la figure de proue du Dragon Ronflant… pas sûr que ça ne leur plaise si je venais à leur dire…

Détournant difficilement mon attention des dragons, j'assistais, amusé, à la parade des deux personnalités d'influence. Par bien des aspects, leurs faux-semblants, leurs sous-entendus, ressemblaient fortement au jeu de la scène dans lequel j'avais grandi. Indéniablement, la Triade et le Conseiller se connaissaient bien, bien plus qu'ils ne le faisaient croire. Je ne savais pas quoi exactement, mais je n'allais tout simplement pas chercher plus loin aujourd'hui, Laïos passait en priorité. Je saluai donc l'Althaïen selon les us et coutumes de feue la Romantique. Bien qu'ayant grandi en partie là-bas, je n'en avais, au contraire de lui, aucun accent. Ma naissance sur les routes m'avait prédisposé à une sonorité étrange, indéfinissable, typique des gens du voyage. Bien que salées, les taxes de la cité de l'honneur ne nous avaient pas dissuadés de nous y produire quelques fois. À ces occasions d'ailleurs, nous avions remanier le spectacle pour y inclure des prestations datants des origines du cirque, pendant la période sans magie. C'était là aussi, une démonstration évidente de notre fabuleuse capacité d'adaptation.

Par ailleurs, l'enfant de la nuit semblait lui aussi vouloir se concentrer sur l'affaire qui nous avait tous rassemblés en ces lieux. Prenant soin de noter dans ma tête les noms et écailles des deux magnifiques dragonnes -tout en levant un sourcil circonspect à l'évocation du Lien-, j'entrepris de me rassoir à ma place, en dépit des regards outrés des serviteurs,en enjoignant mes "compères" d'en faire de même. Cette situation me rappelais certaines histoires courtes et d'enquêtes paraissant dans quelques journaux mensuels, dans lequel des auteurs particulièrement inspirés inventaient toute sortes d'histoires de meurtres à élucider dans des manoirs ou en huis clos. Ironiquement, la fiction avait rejoint la réalité…

-Je suis heureux de voir que la Bras-mestre puisse compter sur quelqu'un de votre trempe pour s'occuper de ce genre de situation… même si je me doute que de votre position, c'est avant tout pour protéger les intérêts de Caladon, et de l'Alliance -fis-je en regardant Ilhan-. Je ne vous blâmerai pas pour cela, vous agissez pour le bien de votre ville, tout comme mon père agit pour le bien de son cirque et de sa famille.

Ce faisant, je leur faisais ainsi comprendre que je savais très bien les enjeux et qu'ils ne devaient pas chercher à me ménager d'aucune façon. J'étais peut-être jeune et peu expérimenté, j'étais le fils de Barbe à Rosa tout de même, destiné à reprendre l'affaire familiale. Ceci étant dit, j'entrepris de dévoiler ce que je savais.

-Laïos, mon cousin était à la Pomme d'Or avant qu'on ne l'envoie rejoindre le royaume de Mort. Je peux assumé qu'il a pu passer un bon moment avant son trépas, puisque d'après mes sources, il était fortement alcoolisé et les bras occupés par deux aldariennes. Ce soir là, nous avions tous quartier libre, après un mois exténuant à faire nos représentations, publiques ou privées. Rien ne laissait présager que nous serions visés…

La suite était assez difficile. J'avais beau jouer les durs, j'avais été quand même pas mal secoué. Mon verre ayant été remplacé, je bu une gorgée pour déshydrater ma gorge asséchée, avant de reprendre.

-Son… son corps était méconnaissable. Des pieds à la tête, sa peau avait séchée et noircie, comme… comme un pruneau vous voyez ? -je poussais un long soupir- Nous avons questionné les filles et le propriétaire, mais apparement personne n'a entendu quoi que ce soit. Le pire étant qu'il ne présentait aucune trace de lutte.

Une pointe d'inquiétude traversa mon regard, alors que de nouveau le contenu de mon verre se mit à geler.

-J'ai entendu certains gardes murmurer que son état ressemblait aux victimes des Chimères… mais c'est impossible n'est-ce pas ? Vous y étiez, vous les avez vu être vaincues… n'est-ce pas ?

Cette fois-ci, ma peur irraisonnée eut raison de moi et du verre qui éclata sous le froid intense de ma dextre.

directives :

description[INTRIGUE] Question de morale EmptyRe: [INTRIGUE] Question de morale

more_horiz
Le marché noir était aux ordres de la Triade, aussi n’était-ce nullement une surprise que la dague de verre sous couverture s’empresse de rechercher l’agrément de son patron avant d’émettre le moindre son. Lorsque l’Ast confirma donner son autorisation pour divulguer la suite devant témoins, l’espion hocha à son tour la tête avant de débuter son explicatif, non sans un long regard impénétrable envers l’amuseur dont la langue insolente insultait si librement les personnalités majeures de l’Alliance.

Il y a onze victimes en tout monsieur. Pour le moment, nous n’avons pas pu établir un profil spécifique commun aux victimes, qui pourrait être le fil conducteur. La seule certitude, justement, c’est qu’elles ne semblent avoir rien en commun

L’homme s'interrompit, afin d’organiser ses pensées, avant de reprendre après un bref instant. Au commencement de l’affaire, la garde avait fait son possible pour que les détails exacts des meurtres ne soient pas connus. Caladon était une grande ville, des crimes, il y en avait forcément, mais la nature de ces meurtres était sujette à controverse, l’aspect des cadavres alimentait les imaginations fertiles sans compter que l’identité de deux des morts alarmait énormément.

La toute première victime était un marchand d’esclaves. 35 ans, tué dans un entrepôt lui appartenant, attenant au port, quai 12. La seconde victime a davantage choqué l’opinion. Il s’agissait d’un notable de la ville, propriétaire d’un quart des parfumeurs de la ville. Il a été tué chez lui. C’est sa femme qui l’a découvert lorsqu’elle s’est couchée…

L’espion dressa ainsi une liste concise des victimes déplorées jusqu’alors et produisit également le rapport écrit pour chacune d’elle, rassemblés en une liasse reliée et protégée dans un étui en cuir.

-Un vendeur d’esclaves, 35 ans, tué dans un entrepôt du port lui appartenant
-Un riche marchand de parfums, 50 ans, tué chez lui
-Un élève mage de guerre sélénien en permission chez sa famille à Caladon, 20 ans, tué chez lui
-Un marin lyssien en escale à terre, 28 ans, tué dans une auberge
-Un Enwr en escale avant de rentrer au Domaine, 34 ans, tué dans une auberge
-Un esclave vampirique, 250 ans, tué chez son maître
-Un artisan joaillier, 40 ans, tué dans une maison de plaisir
-Un éleveur de chevaux, 25 ans, tué dans son écurie
-Un serviteur, 16 ans, tué chez son employeur
-Un guérisseur elfique, 45 ans, tué à son cabinet
-Laïos Bonaventure, amuseur, tué dans une maison de passe

Lorsque la dague de verre achève l’énumération de la liste à voix haute, elle laisse quelques instants aux présents afin qu’ils réfléchissent, puis l’homme prend à nouveau la parole.

Les corps ont tous la même apparence, identique à celui de Bonaventure. Il n’y avait ni trace de lutte, ni d’effractions. Nous enquêtons sur de possibles complices internes aux lieux des meurtres. Comment désirez-vous procéder ? Les lieux des précédents meurtres sont encore tous bouclés et surveillés. Il serait possible de s’y rendre pour vérifier que rien n’a été omis. Sinon, nous pouvons demander à ce que le croque-mort nous autorise à voir les corps, ils sont pour l’instant tous conservés

description[INTRIGUE] Question de morale EmptyRe: [INTRIGUE] Question de morale

more_horiz
Quelles vies étranges étaient celles que menaient les bipèdes !

Voilà seulement quelques temps que Shyven était arrivé à Calastin avec son Papa-tout-chaud qui était toujours non loin derrière elle, et déjà elle avait senti que le climat était nettement différent qu’à Nyn-Tiamat.

Déjà, d’un point de vue purement météorologique, le temps était beaucoup plus clément sur cette île ! Rien à voir avec le froid polaire des hautes montagnes -bien que celui-ci était tempéré par les grottes- dans lesquelles Shyven était habitué à vivre.

Et d’un point de vue social … Ohlala ! La dragonne en avait vu des vertes et des pas mûres depuis son arrivée : même si son Gardien-Poilu Purnendu l’avait mis au parfum de comment fonctionnait les sociétés bipèdes, c’était encore une autre chose de les voir en action réellement : ils parlaient beaucoup, construisaient, échangeait, criaient, se battaient pour un oui ou pour un non …  Parfois elle en revenait à regretter le calme de ses montagnes.

Mais après tout, elle n’avait pas fait le voyage pour rien, quitte à être là, autant que cela lui serve : aussi la petite opale avait décidé de voir un maximum de ce pays qui semblait si différent de ce qu’elle avait déjà vu. Elle ne savait pas trop pourquoi elle s’était mis cette objectif dans la tête, mais les voix dans sa tête qu’elle était désormais habituée à entendre, avaient l’air de dire que c’était une bonne idée, et elle sentait que personnellement elle pouvait s’en sortir grandie.

L’Équilibre était quelque chose qui se construisait, et en prenant connaissance des desideratas de tous les peuples après tout …

Elle avait donc été une petite dragonne espiègle, et avait profité d’un moment d’inattention de son père adoré pour s’éclipser en toute discrétion, et partir à l’aventure découvrir les quelques grandes villes de cette île.

Bien que cela lui brise le coeur de devoir jouer un mauvais tour à son Papa-tout-chaud, la petite opale s’était fait une raison : Kaalys, même s’il était un amour, était carrément protecteur, et de ce fait elle n’aurait jamais pu voyager si elle lui avait demander l’autorisation, et s’il avait accepté cela n’aurait certainement pas été toute seule.

Elle tâcherait de platement s’excuser et bien se comporter une fois qu’ils seraient tous deux réunis à nouveau.

Elle avait fait le maximum pour que sa petite tête rose n’attire pas trop l’attention au milieu des bipèdes, et elle s’était infiltrée sur un bateau de commerce, au milieu de fruits et autres marchandises en tout genre, tout ce qu’il y avait de plus classique.

Et à vrai dire, le voyage ne s’était pas très bien passé : ballotée par les flots, la petite opale avait découvert les joies, et surtout les maladies, liées au déplacement par bateau, qu’elle ne connaissait pas jusqu’à lors. Ce qui était sûr, c’est qu’elle avait amèrement regrettée de ne pas prendre la voie des airs pour se rendre là où bon lui semblait : et en même temps, elle n’était pas très sûre de là où elle allait (voir pas du tout, en fait), ni si elle pouvait la distance … Alors elle s’était sans doute dit que c’était une meilleure idée d’y aller par bâteau …

Mais de fait, plus le temps passait, plus elle se disait qu’elle aurait mieux fait de procéder autrement : la petite opale, sans être gravement malade s’était sentie nauséeuse pendant tout le voyage en bateau … À croire qu’elle avait mangé quelque chose d’avarié, ou peut être trop manger vu la quantité de provisions qu’il y avait dans ce bâteau …

L’arrivée en ville et les pattes sur la terre ferme eurent pour effet de calmer les troubles du corps de la dragonne, mais ce n’était pas encore ça : en vérité le climat un peu “anxiogène” d’une ville grouillante de monde, l’avait un peu déstabilisée, d’autant qu’elle sentait que les bipèdes la peuplant étaient un peu à cran. Partout on parlait de meurtres, de personnes qui avaient perdus leurs familles : et cela attristait un peu la dragonne : elle même qui ne grandissait qu’avec une partie de sa famille l’entourant, elle supportait très peu de voir d’autres personnes dans le même cas qu’elle.

“L’Assassin de Caladon”

Voilà le titre qu’on donnait à celui qui faisait trembler toute la ville, du même nom. Par pur esprit de solidarité avec ces gens troublés, et aussi par curiosité, Shyven s’était dit qu’elle allait faire son possible pour pouvoir aider ces pauvres bipèdes perdus et tristes.

Sans doute avait-il besoin d’un dragon vaillant pour les guider, rôle que la Détective Shyven se fit endosser seule. Elle serait la salvatrice de cette cité ! Alors elle commença son investigation : mais pour tout dire, en tant que grande débutante dans ce domaine, elle n’était pas très douée.

Elle avait vu beaucoup de monde, visité beaucoup d’endroits, mais n’avait pas vraiment de souvenirs de ce qui s’était passé pendant son enquête : sans doute que la maladie guérissante, et la fatigue du voyage n’aidait pas vraiment.

Néanmoins, elle se souvint d’une chose : une bipède-sans-poils-femme à la peau mate et aux cheveux argentés, s’était montrée très gentille avec elle, lui avait donné à manger et l’avait choyé pendant que la dragonne se remettait de ses émotions. Elles s’entendaient bien toutes les deux, tant est si bien qu’elle se souvenait l’avoir suivi dans une maison, avant de partir de sa propre volonté le lendemain matin. Après tout, elle avait une ville à sauver !

La journée battait son plein, et Shyven, déjà requinquée grâce à la madame-de-bronze se sentait mieux. Au fur et à mesure que la journée avançait, elle déambula dans les rues, et à un moment se retrouva nez-à-nez avec un petit groupe en formation. Il y avait un grand-bipède-toutpâlot, et Shyven sentait également une présence draconique avec lui. Sans doute était-ce son dragon lié ! Les deux semblaient dégager une impression amicale, et Shyven était sûre de les avoir vu, où tout du moins d’en avoir déjà entendu parler quelque part … N’était-ce pas Grodaron ? Où quelque chose comme ça …

La dragonne s’apaisa un peu, et s’approcha d’eux naturellement.

Puis elle fut accueillie par un sourire espiègle, et de petites remontrances. Elle eut la confirmation par la suite qu’il s’agissait d’Aldaron, et non pas Grodaron comme elle le pensait. C’était l’époux d’Achroma, un ami-très-fort de Papa-tout-chaud. Elle se disait aussi qu’elle en avait entendu parler quelque part …

Puisque les présentations n’étaient pas nécessaires avec le pâlot, et que déjà il l’intimait de rester avec eux et qu’il allait avertir son père (elle allait donc définitivement droit avoir à un savon en rentrant), elle fit ses présentations à son dragon blanc, qui était manifestement une femelle tout comme elle, proche de lui. Elles faisaient toutes les deux sensiblement la même taille, mais elle semblait beaucoup plus large qu’elle, comme si elle avait développer sa musculature beaucoup plus vite que sa taille.

“Bonjour dragonne-blanche-épaisse ! Je suis Shyven, dragonne libre, fille de Kaalys ! Et toi, comment tu t’appelles ?”

De frugales présentations, mais elle espérait pouvoir se lier d’amitié avec cette dragonne. Il était déjà si rare de voir quelques uns de ses semblables aujourd’hui !

Par la suite, Shyven emboîta le pas à Aldaron, et suivit le mouvement. Progressivement, il y eut beaucoup de monde qui apparaissait dans la pièce, et la petite opale dû produire un effort certain pour retenir les noms de tout le monde : Il y avait un grand-bipède-exubérant, que Shyven jugea pas très content ; il s’appelait Ezel Bonaventure, et semblait aussi concerné par cette affaire de tuerie de masse.

Enfin, il y eut un autre bipède-pâlot qui se présenta, celui-ci répondant au nom de Ilhan. Il semblait très proche d’Aldaron, bien que la dragonne ne connaissait pas vraiment les deux hommes, cela se voyait dans leurs regards, et leurs façons d’échanger entre eux …

Décidément, Shyven s’estima chanceuse ! Elle ne semblait pas tomber avec n’importe qui.

Cependant, une fois les présentations faites pour tout le monde, on attaqua directement le vif du sujet. Quand l’excentrique-Ezel prit la parole, on senti un petit malaise dans la salle à l’évocation de la “Bras-mestre”, et ses autres petites considérations. Shyven se contenta simplement d’observer la scène, les yeux grands ouverts : elle était intelligente, mais ne comprenait pas un traître mot dans tout ce qu’il se disait. Où tout du moins, elle comprenait les phrases, mais était incapable de dire pourquoi tout le monde réagissait comme … ça. Pourtant, le grand bonhomme semblait n’avoir rien dit de mal, si ?

Par la suite, quant au récit de la mort de son cousin, la dragonne eut un petit air triste, avant de venir poser sa patte timidement sur l’apparat du jeune homme, en guise de soutien, et transmettant des sentiments compatissants à Ezel.

Puis il y eut cet homme, qui ne donna pas son nom mais qui semblait extrêmement bien informé sur la situation. La dragonne l’écouta très attentivement, sentant qu’il était important de bien tout comprendre, et commença à réfléchir au fur et à mesure qu’il détallait la liste des morts.

Un premier détail frappa la dragonne : aucun Bipède-poilu comme Purnendu n’avait été visiblement touché par cette vague de meurtres … C’était étrange. Et puis effectivement, il y avait ce côté où ils étaient tous tombés de la même façon … Étrange, car de ce qu’elle avait vu, tous les bipèdes étaient plus ou moins différents, et même elle quand elle devait se sustenter, elle ne tuait pas ses proies de la même manière, et là … Tout semblait être fait selon une même méthode bien précise.

Une maladie peut être ?

Une fois qu’il eut fini, la petite dragonne, constatant le grand silence (chacun devant réfléchir à la situation) partagea ses premières bribes de réflexion :

“Mais c’est bizarre … On ne tue pas comme ça gratuitement les gens, si ? C’est comme ça que vous procédez chez vous ? Il doit fatalement il y avoir une raison derrière tout ça non ?”

Et de fait, les réflexions de la dragonne étaient assez légitimes : Kaalys lui avait dit que prendre la vie était une décision importante, que Shyven ne devait pas prendre à la légère … Alors pourquoi ce quelqu’un s’était réveillé sans rien dire et avait commencé à tuer tout le monde ? Elle ne le savait pas encore, mais sans doute devait-il y avoir des choses qui lui échappait.

Elle se tourna vers la petite assemblée, et prit un air de dragonne-circonspecte.

“ … Sans doute devriez-vous m’expliquer ce qui se passe en ce moment en ville, qui pourrait créer autant de tristesse que bipède-extravageant-mais-triste semble en porter. J’avoue ne pas bien comprendre vos affaires …”

Sans doute était-ce un problème de mentalité également, car un dragon ne pensait pas de la même façon qu’un bipède, mais Shyven savait depuis sa rencontre avec son Gardien-Poilu que les bipèdes avaient le don de se monter la tête pour peu de choses, alors elle préférait demander une explication, avant d’aller plus loin dans ses réflexions.

Quelque chose lui traversa l’esprit cependant, qu’elle s’empressa de demander au monsieur-qui-savait-tout, sans consulter les autres :

“Et une madame-de-bronze aux doux-cheveux-argentées, ça ne vous dit rien, monsieur-qui-sait-tout ? Vous ne la connaissez pas ? Elle m’a un peu accueillie ici avant que je rencontre Aldaron, cela m’attristerait de savoir qu’elle a perdu quelqu’un comme cela …”

Directives :

description[INTRIGUE] Question de morale EmptyRe: [INTRIGUE] Question de morale

more_horiz
Nahui regrettait de ne plus pouvoir se laisser porter contre le ventre de Lié, ou s'enrouler sur ses épaules. Désormais, elle se retrouvait obligée de marcher, à son grand dam. Limilocë soulageait parfois ses pattes fourbues, mais la privait de tous les centres de curiosité que pouvait lui proposer le monde. Elle n'était pas sortie de l'oeuf pour passer sa vie hors de toutes les perceptions.
Mais la fourbure de ses pattes lui passa sitôt que ses sens trouvèrent une semblable. Quelqu'un qui lui ressemblerait ! Face à qui elle n'aurait pas à adapter son esprit, avec qui elle allait pouvoir être pleinement elle-même, et jouer ! Sur tout le chemin qui les ramena à la maison, elle n'eut en tête que l'analyse de sa camarade. Qui était-elle, quel âge avait-elle, et comment avait-elle survécu aux Abominations ? Ce fut un esprit tout sucré qui vint contre le sien, sans que Nahui ait le temps de masquer son saisissement. Cet esprit... Il avait quelque chose. Une joie particulière, une témérité qu'elle ne pouvait comprendre, et qui la fascinait. Qu'était-ce ? Comment l'avait-elle forgé ? Et comment elle, la dragonne libre, avait si bien appris à communiquer comme son Lié le faisait ? L'immaculée enfant des cieux admit qu'elle avait fait cela pour lui simplifier la vie, peut-être, si elle connaissait mal le Lien, mais elle le faisait avec une facilité que même Nahui n'avait pas encore.

Alors, sur le chemin, elle l'avait interrogée, timidement, dans sa langue à elle, pour leur faciliter les échanges : en transmettant les concepts, les sensations, les souvenirs. Elle lui fit bien savoir son admiration et son intérêt pour elle, ainsi que l'étrange effet que lui faisait son contact. Lorsqu'ils arrivèrent dans la partie plus personnelle du territoire de Lié, et que ce dernier écarta son esprit d'elles, sa Liée se tourna encore vers Shyven. Sans la prévenir, elle approcha son museau d'elle, et commença à la mordiller. C'était sa façon à elle de découvrir la silhouette de sa congénère. Et son goût. Et par l'esprit-dragon, elle avait vraiment un goût de sucre !

Lié revint, et avec lui leurs actuels tracas. Ayant obtenu les informations qu'elle désirait de la sucrée, Nahui put à nouveau accorder toute son attention à son bipède préféré, et aux savoirs qu'il ramenait. L'affaire était des plus sérieuses, et des plus mystérieuse. Ç'aurait pu être un plaisir, pour Nahui, de mettre à l'épreuve l’acuité de son esprit et sa connaissance des bipèdes. Néanmoins, le sérieux de Lié, sa réelle inquiétude, et l'importance qu'il donnait à son territoire et sa nuée – ce qu'elle pouvait comprendre – l'empêchait de voir cela comme un jeu. Ce fut avec la même gravité qu'elle le suivit, descendant les escalier avec la facilité de celle qui avait pu en prendre l'habitude.

D'un contact mental bref, elle autorisa le bipède qui les avait attendu à lui parler s'il le souhaitait. Dans son esprit se lisait un fin mécontentement, parce que ni elle, ni son Lié, n'avaient reçu les salutations qui leur étaient due. Que croyait-il ? Que tout le monde pouvait se voir accorder le privilège d'oeuvrer avec eux ? Il fallait qu'il soit méfiant. Sur un écart, Nahui pouvait revoir sa magnanimité et le ramener où était la place de ceux qui ne la respectaient pas : en bas de la hiérarchie.
Métamorphosé-par-Lié, l'heureux bipède qui s'était vu accorder le salut par Aldaron, entra, et Nahui le salua d'un contact mental et d'un bref toucher de museau.

Préparée par Aldaron avant le rendez-vous, et aidée par le Lien qui lui confirmait lorsqu'un point demeurait obscur ou douteux, Nahui put suivre l'intégralité de ce qu'il se passait. Lorsque Shyven posa des questions toutes draconiques, elle intervint, prévenant les bipèdes qu'elle allait lui expliquer, et s'exécutant par le fait. Enroulée sur elle-même dans un coin, les paupières closes, elle pouvait donner l'impression de ne pas se mêler à ces histoires. Concrètement, elle n'utilisait pas son corps pour mieux utiliser son esprit. Essayer de faire des liens entre les informations... Quand elle en eut fait, elle partagea ses propositions, afin d'être certaine que sa fougueuse jeunesse et son haut-statut ne la privait pas de connaissances sur les manières bipèdes. Sa question ne s'adressa qu'à Lié, Sauvé-par-Lié, et Sucrée, se forçant à un langage qui leur serait à tous accessibles :

"- Tous des mâles. Peut-être une occupation en commun, en-dehors de leur rôle principal ?" Ajoutant Serviteur-de-Lié à la conversation, elle demanda : "Tous usaient de magie ?"

description[INTRIGUE] Question de morale EmptyRe: [INTRIGUE] Question de morale

more_horiz
Quelques semaines à peine. Quelques semaines tout juste qu’il était revenu en ce monde. Perdu, désemparé, sans souvenir aucun. Quelques semaines à peine où il peinait à retrouver qui il était, ce qu’il avait été ou fait. On lui avait relaté beaucoup de choses, sa position, ses titres, son rôle en Delimar, ses gens qui peuplaient sa maisonnée et le servaient… Tant de choses, qu’il avait eu beaucoup de mal à tout assimiler. Plus que la perte, ou les questionnements par millier, ce qui le troublait le plus était de se confronter à des gens qui visiblement le connaissaient, savaient des choses sur lui... mais que lui ne connaissait pas, ou ne reconnaissait plus, et dont il ne savait rien. Il n’en avait aucune idée, et c’était… déroutant. Troublant. Il avait donc été particulèrement collant avec les quelques personnes dont il sentait une certaine confiance se tisser : Tryghild, sa Reine comme on disait qu'il l'appelait, Sigvald, Naal, ou encore sa maisonnée, qui tous l'aidaient.

Dihya, une jeune femme fort charmante, et régente de la maison Avente, lui avait un jour donné une lettre. De lui. De son ancien lui à son nouveau lui plutôt. Une lettre qui avait fini par une énigme. Qu’il la décode, et il trouverait le chemin, disait-elle. Il l’avait décodée… et elle l’avait conduit alors à une autre énigme, et une autre, et une autre encore. Cela semblait sans fin et se transformait en une chasse aux souvenirs. Au cours de cette étrange quête, de ce jeu agaçant que son ancien moi avait pris un malin plaisir à lui concocter, comme pour se prouver qu’il serait digne encore de ce qu’il avait été, il avait tout de même trouvé quelques morceaux de son passé. Non pas des souvenirs, pas vraiment. De ce côté-là, seules de vagues réminiscences, plus des impressions fourbes, des sensations, ou des images floues bien vagues, le hantaient. Non, ce qu’il avait trouvé de son passé était des écrits. Des lettres, des carnets, fournis d’informations fort utiles, et un livre de vie. L’énigme qui lui avait permis de le trouver lui avait fait comprendre qu’il était près de toucher au but. De trouver la "clé" comme disaient les messages, qui le délivrerait, s’il oeuvrait à temps, de son amnésie tout entière. Il avait dévoré ce livre de vie, qui lui avait délivré maintes scènes de son passé. Dont certaines qu’il aurait peut-être bien préféré ne jamais voir. Ou revoir, il ne savait plus. Et plus il se rapprochait du but, plus il doutait vouloir l’atteindre…

Toujours était-il qu’en quelques semaines, s’il n’avait pas recouvré ses souvenirs, il avait su montrer assez d’acharnement pour s’en rapprocher et avait su réapprendre pas mal de connaissances de son ancien lui. Tant et si bien… Que lorsque les terribles nouvelles venant de Caladon avaient atteint Delimar, son Intendante et le Conseil l’avaient jugé suffisamment apte à s’y rendre comme émissaire. Il avait les capacités, lui avait-on assuré. Il avait un esprit aiguisé, et son œil de nouveau-né qui redécouvrait en grande partie le monde pourrait permettre de voir les choses sous un autre angle. Sa mission : aider à l’enquête. Apporter des réponses. En effet, les drames qui jonchaient Caladon de sang étendaient leur voile sombre sur toute l’Alliance. La cité de l’honneur était plus qu’inquiète, d’autant plus qu’un délimarien comptait parmi les victimes. Ce n’était pas seulement la Revenante qui était menacée, mais toute l’Alliance !

Toutefois, à son arrivée, Ilhan s’était retrouvé confronté à un mur. Une impasse. Des freins inextricables qui l’empêchaient de prendre pleinement part à l’enquête. Deux jours qu’il était arrivé, deux jours ! Et pourtant le Conseil de Caladon ne semblait pas enclin à le laisser s’"infiltrer" dans leurs affaires. Sans doute voyaient-ils son intervention comme une intrusion. Une surveillance imposée par Délimar, avec la crainte sans doute d’une intervention armée de la cité guerrière. Ilhan avait donc usé de patience, et les polissait chaque jour pour les rassurer, montrant son visage le plus avenant, tentant d’imiter autant que faire se peut les manières qu’il avait pu voir de son ancien lui, ou celles qu’on lui avait décrites. Il s’était découvert en tout cas un talent de comédien hors pair et de parfait imitateur. D’autant plus qu’il avait été jugé préférable, sous l’aval du Conseil de Delimar, de ne pas répandre la nouvelle de sa transformation. Peu étaient ceux pouvant prétendre être au courant de ce qu’il était devenu et de ce qui lui était arrivé.

Toujours est-il qu’il stagnait et se rongeait les sangs à l’idée d’échouer et de ne pas se montrer à la hauteur de la confiance que lui avait accordée le Conseil de Delimar. Il accueillit donc l’invitation d’Aldaron avec soulagement. Et une certaine joie. Son… père… vampirique. Celui qui, il l’avait compris ensuite, l’avait sauvé et non condamné. Celui qui avait voulu lui offrir une deuxième vie, une deuxième chance, pour qu’ils puissent, tous deux peut-être, marcher encore quelques années sur des sentiers voisins… Un temps, il avait longuement vacillé entre lui en vouloir et le remercier. Maintenant… plus aucun ressentiment ne teintait ses sentiments. Il ressentait dès lors surtout une sorte de reconnaissance teintée de tendresse avec une réelle envie de mieux le connaître, de se rapprocher de ce père improvisé. Oui, il avait donc accueilli cette invitation avec joie aussi, une petite lueur d’espoir de profiter un peu de sa présence, mine de rien rassurante dans ce monde chaotique pour lui. Même si, il le savait, ils devraient faire preuve de faux semblants, et ne pourraient profiter réellement de cette rencontre. Qu’importait, il prendrait ce qui lui serait offert.

C’est sur ses pensées qu’il arriva dans une cache, savamment escorté par la garde qui était venue le chercher. La première personne que son regard happa fut son… père… oui, il pouvait se l’avouer en son for intérieur. Et à la seule vue du vampire, une bouffée de douce affection mêlée à un profond soulagement, une sensation de retrouver une part de lui perdue, l’enserra dans sa chaude étreinte. Il eut envie un instant de s’y laisser aller, mais, réalisant qu’ils n’étaient pas seuls, il dut se forcer à garder bonne apparence. À se montrer digne, et de son père, et de sa cité. Il le salua alors noblement en s’inclinant légèrement, une main sur le coeur, un sourire courtois aux lèvres. Mais s’il parvint à garder un visage lisse de toute expression – ce qui lui avait valu des heures d’entrainement devant un miroir pour reproduire ce que son ancien lui semblait avoir acquis comme une seconde nature –, il ne put chasser cette lueur de joie et d’affection qui enflammait ses prunelles sombres, dès lors légèrement mouchetées d’ambre.

Messire Aldaron, fit-il de ses accents althaïens, ne sachant trop s'il pouvait se permettre quelques familiarités en de telles circonstances, et préférant faire un compromis entre son titre et l'usage de son prénom.

Et chassant le "père" qui le démangeait, mais qu’il pensait haut et fort et qu’il aurait tant voulu lui transmettre d’un simple envol de pensées.

Votre absence de remords sera même toute pardonnée par la joie de vous revoir. Même si je déplore les circonstances qui nous permettent d’à nouveau… échanger.

Puis il se tourna vers le jeune homme qui était avec eux, quand Aldaron le lui désigna. À la question de s’il le connaissait, Ilhan se contenta d’un simple hochement de tête. Oui… il était censé le connaître. Il ne s’en souvenait pas le moins du monde. Son réseau, car oui il avait appris appartenir à un réseau secret nommé la Toile, même si on avait refusé de lui divulguer encore la place réelle qu’il occupait – même s’il subodorait en occuper un haut échelon vu tous les égards que les agents rencontrés lui vouaient – lui avait fourni nombre d’informations sur Caladon et autres. Mais pas celle-ci. Peu importait, il devrait faire comme si.

Il préféra alors le silence et écouta avec attention ce qu’on lui expliquait. Remerciant intérieurement Aldaron de lui fournir les informations clés concernant ce personnage, lui permettant alors de sauver la face et d’éviter peut-être certains impairs. L’individu lui offrit un salut digne d’Althaïa, et Ilhan se sentit l’obligeance de lui rendre, tout en lui présentant ses sincères condoléances, comme le voulaient les codes de politesse. Même s’il resta fort circonspect face à ses étranges manières. Il saluait hautainement un éminent membre du Conseil de Caladon, célèbre pour nombre de ses exploits, même pour un amnésique tel que lui, et au charisme envoûtant, et lui offrait à lui quasi tous les égards. Quand l’attention de l’individu se détourna quelque peu, Ilhan coula un regard interrogateur à Aldaron, mais déjà ce dernier continuait les présentations.

Sa Liée ! À ce mot, et surtout à cette vue, Ilhan sentit son coeur palpiter d’un indicible sentiment. Un maelstrom d’émotions mélangées, de joie puissante, de peur farouche pour son père et le risque qu’il prenait là, et de circonspection sur tout ce que cela impliquait. Tout se mélangeait, faisant palpiter son coeur. Il eut l’impression qu’un tambour battant faisait rugir la pièce et vrombir les murs tant ses pulsations se firent effrénées. Il dut inspirer légèrement pour tenter de se calmer, quand soudain il sentit un doux contact mental et un petit museau lui effleurer la main. Une main qui se tendit, prête à continuer la caresse, mais déjà la dracène s’était reculée et son contact aussi. Étrangement toutefois, tous ses sens s’étaient apaisés et il tenta de se focaliser un instant sur une pensée de remerciement et de profond respect mêlé de joie, espérant que la jeune liée la reçoive. Il salua l’autre dracène, tout comme il l’avait fait pour Aldaron, lui accordant un regard empreint de mille questionnements. Que faisait donc une dracène sauvage ici ? N’était-ce pas risqué ? Surtout si jeune ?

Mais il n’était nul temps de se poser de telles questions. D’autres affaires plus urgentes les attendaient. Et heureusement Aldaron prit les rênes de l’entrevue. Son soulagement fut vite douché par les outrageux propos du jeune saltimbanque. Bras-mestre ? Vraiment ? Était-ce ainsi que l’on parlait de la bourgmestre de cette ville meurtrie et d’une héroïne de guerre ? Était-ce là tout le remerciement qu’on lui vouait ? Un titre dénigrant ce dur sacrifice pour une jeune femme si belle et si jeune ? Ilhan haussa un sourcil de plus en plus circonspect, sans toutefois dire un mot. Même s’il n’en pensait pas moins. L’individu, qu’il le connaisse par le passé ou non, était en passe d’être classé dans la catégorie des goujats mal famés, à l’éducation digne d’un babouin de la savane. Et encore, eux, savaient montrer du respect à leurs aînés, du peu qu’il avait lu.

Il nota d’ailleurs que si Aldaron et lui étaient là pour effectivement servir leur cité et leurs concitoyens, ce Bonaventure n’était peut-être là que par pur intérêt personnel. Un fait à garder en tête… D’ici à ce qu’il sabote l’enquête par esprit de vengeance… ou pire encore, qu’il sabote les relations intra-Alliance… Cet individu devrait être gardé à l’oeil. Surveillé de près.

À la question d’Aldaron, il se contenta d’un hochement de tête négative et d’un regard dépité. D’un rapide signe de tête en baissant les yeux, il tenta de lui faire comprendre qu’il lui dirait plus tard les difficultés rencontrées à son arrivée. Il n’avait aucune envie de s’épancher sur un possible climat de méfiance entre Caladon et Delimar devant Ezel.

Et enfin, enfin !, ils reçurent des informations utiles. Aussitôt, l’althaïen passa en mode notes mentales et analyses récursives. Dès qu’il put mettre la main sur les documents du garde, qu’Aldaron eut l’obligeance de lui tendre, il les compulsa frénétiquement. Il nota déjà plusieurs choses… Il écouta les échanges, ainsi que la question donnée par la Liée d’Aldaron, qu’il n’osait nommer par son nom de peur de l’outrager.

Tous usaient-ils de magie ? demanda-t-elle. Et aussitôt le milicien caladonien répondit :

Tous étaient mages, oui, comme bon nombre de la population.

Certes, pensa l’Immaculé. Mais sans doute n’aurait-il pas répondu cela s’il était venu de Delimar. D'aileurs la victime délimarienne était un lyssien, un mage, et non un délimarien impuissant. Pour lui, venant de Delimar, la question, sans doute d’apparence stupide, lui apparaissait d’importance, et il remercia encore intérieurement la liée d’avoir posé une des questions qui le démangeaient depuis un moment. Toutefois… il avait encore nombre d’autres questions. Il se racla alors légèrement la gorge, pour attirer l’attention, tout en tentant de rassembler ses pensées, quelque peu éparpillées. Il sentait son esprit bouillonner, en conjectures, suppositions, hypothèses… mais il lui fallait se calmer. Ils manquaient d’informations avant de pouvoir émettre quelques hypothèses que ce soit.

Il leur fallait donc commencer par le début. Des informations. Et en l’occurrence, récolter TOUTES les informations que le milicien détenait.

Si je puis me permettre de vous poser quelques questions à mon tour…

Le milicien hocha la tête, lui donnant autorisation de s’y risquer. Aussitôt le jeune immaculé s’élança :

L’arme du crime a-t-elle été découverte ou déterminée ? Un mode opératoire a-t-il été établi ?

Non, répondit le milicien. L’arme n’a pas été trouvée, même si certaines pistes sont privilégiées. Il pourrait s’agir de poisons magiques ou d’un sort, ou d’un glyphe de ponction vitale. L’aspect des cadavres n’encourage pas l’hypothèse d’une arme ‘physique’ comme une épée ou un couteau. Bien entendu, la garde n’écarte pas non plus l’hypothèse d’une Chimère. Certes, l’explosion magique du Baoli en a piégé énormément, mais si la créature hébergée chez les Baptistrels existe, alors d’autres existent peut-être encore…

Ilhan grimaça au mot chimère. Étrangement, c’était une des réminiscences qu’il ressentait parfois par vague. Cette sensation dans son esprit, d’être deux, d’être impuissant, ce froid insidieux… Il s’était réveillé une fois en pleine nuit, le front en sueur, en criant qu’il meurt. Il n’avait pas tout compris… jusqu’à ce qu’il lise son livre de vie où était relaté son combat, mental, contre une des chimères. Il se secoua la tête, pour chasser cette pensée malvenue. Même s’il n’y croyait qu’à moitié, l’idée n’était pas à rejeter d’office. Mais cette idée le perturbait. Les chimères étaient pour l’heure affaiblies, si elles persistaient. Du peu qu’il en avait ré-appris, elles n’agissaient pas seules, peu souvent en tout cas, et aimaient assez bien signer leur forfait, que l’on comprenne qu’elles étaient là, à agir, qu’elles les traqueraient… Alors que leur ou leurs malfaiteurs agissaient plutôt dans l’ombre, en jouant au chat et à la souris…

Quant au mode opératoire,  pas plus que les informations déjà fournies.

Je vois sur ce papier, reprit Ilhan en désignant ce qu’Aldaron lui avait tendu, qu’il y a eu des objets volés. Quels objets exactement ?

Il y en a de toutes sortes. La liste se trouve ici, dans l’ordre des morts.

Se disant, le milicien lui tendit un autre parchemin qu’Ilhan compulsa rapidement. Il lut la liste à haute voix :

- Le vendeur d’esclaves a perdu un collier de contrainte, une robe rêvée, une langue sanglante et une paire de prestes
- Le marchand de parfum a perdu un anneau de corail, une parure chatoyante, une cape roséenne et un poignard des affres
- L’élève mage de guerre a perdu une épée musicale, un ensemble du gecko, une cape du mont et un compas du coeur
- Le marin lyssien a perdu une voix des vents, une clef de passe, un cordon sans failles et une outre d’abondance
- L’Enwr a perdu un chant de diamant, une cape roséenne, un atour de la baleine, et une gourde éthylique
- L’esclave vampire a perdu un encensoir mystique
- Le joaillier a perdu un oiseau d’argent, un collier de perles, un collier de voix enchanteresse et un tentacule ombré
- L’éleveur de chevaux a perdu une armure du dompteur, une cape forestière, une gemme de vivacité et un sac sans fond
- Le serviteur a perdu une fontaine portable et un naï
- Le guérisseur elfique a perdu un voyage des anciens, une Triade d’unité, un salamuri et une communication zirconique
- Laïos Bonaventure a perdu un messager sagittaire, un secret gardé, un coffre sans fond et une parure de la fête des esprits


De prime abord, il ne vit aucun lien entre ces objets. Il semblait y en avoir de toute valeur, même d’aucune valeur, et de toute sorte. Vêtement, bijou, arme, pièces d’armures, objets divers… Non aucun lien. Aucun… sauf un, observa-t-il tout d’un coup. Tous étaient des objets magiques. C’était là, le seul lien qu’il voyait. Une fois la liste finie, il la tendit à son tour à Aldaron et reprit la parole.

Avez-vous d’autres informations importantes sur les victimes ? Des habitudes particulières ?

Quelques unes oui. Nous savons que le vendeur d’esclaves opère en achetant chez les pirates. L’élève mage de guerre, étant sélénien, était en but à une certaine méfiance de la part des locaux. L’esclave vampirique est un ancien capitaine sous Saeros qui a perpétré beaucoup de massacres pendant la guerre avec les vampires. Le serviteur a été renvoyé d’un de ses anciens emplois pour avoir volé. Quant à Monsieur Laïos Bonaventure, il fréquentait de très nombreuses maisons de passe et avait également culbuté la femme d’un notable de la ville.

Ilhan baissa les yeux au mot culbuter, n’osant regarder soudain Ezel dans les yeux, et sentant ses joues s’empourprer à l’image mentale qui lui était venue. Il tenta toutefois de se concentrer et reprit, d’une voix calme, posée, gommant presque ses accents althaïens :

Si je résume : onze victimes, au corps méconnaissable, à la peau séchée et noircie, dont l’arme ne semble par être physique, et dont le mode opératoire laisse fort à penser à une mort par magie. Aucune trace de lutte ni d’effraction, et ce sur aucun des onze lieux de meurtres, donc possiblement une infiltration hors pair, pouvant là encore évoquer l’usage de la magie, ou des complices, ou que les victimes connaissaient leur tueur. Ou leurs tueurs, ils peuvent être plusieurs.

Il soupira, mais continua :

Tous des hommes. Tous dotés de capacités magiques. Certains sujets à quelques vices ou méfaits. Peut-être pas tous, il serait judicieux de fouiller le passé des autres pour vérifier si eux aussi avaient des vices particuliers. Tous les meurtres sont accompagnés de vol, et le seul lien visible des objets volés serait qu’il s’agisse d’objets magiques. En somme, a priori, les victimes n’ont aucun point commun… sauf qu’elles sont des hommes, des mages et qu’on leur a volé des objets magiques, peut-être également qu'elles sont sujettes à des vices en particulier. Un ou des sortes de justiciers voulant corriger une forme de corruption à leurs yeux ?

Il se massa les tempes, sentant déjà une migraine pointer le bout de son nez.

Il nous faudrait un peu plus d’informations. L’idéal serait peut-être de composer deux groupes pour ne pas perdre de temps : qu’un aille voir les corps, pour voir si l’on parvient à trouver quel type de magie a été utilisée par exemple, et un autre les lieux du crime, en remontant par ordre chronologique, du plus récent (les traces seront plus fraiches) au plus ancien.

Éventuellement il pourrait contacter un agent du réseau qu’il servait pour l’aider à aller visiter les sites les plus anciens. Cela leur ferait peut-être gagner un temps précieux, d’autant plus que certains des agents avaient l’habitude de ce genre de missions.

Une dernière question encore, si je puis… Les victimes étaient-elles connues pour des incidents notables ? Des accidents particuliers ?

Après tout, ils étaient mages. Avaient-ils eu des accidents magiques leur valant des récriminations particulières ou des ennemis ? Il se souvenait encore quand lui-même avait usé de magie accidentellement à Delimar peu de jours après leur retour. La magie était encore instable...

Ou ont-ils des ennemis en particulier ?

Oui, d’accord, il posait beaucoup de questions. Mais ils étaient là pour enquêter et il avait une mission. Delimar comptait sur lui. Son père, ici présent, comptait sur lui. Il n’avait aucune envie de les décevoir. Il avait l’impression que cette mission était tel un test pour lui et il sentait une chape de plomb s’abattre sur ses épaules rien qu’à cette idée. Ne pas les décevoir. Être à la hauteur. Une idée qui le hantait depuis son arrivée, plus encore en ces lieux.


Directives :

description[INTRIGUE] Question de morale EmptyRe: [INTRIGUE] Question de morale

more_horiz
    Alors celui-là, il ne l'aimait pas du tout. Le blondinet. Cela avait commencé par les salutations. Aldaron lui avait présenté des condoléances, son soutien sincère dans le deuil, ainsi que celui de Toryné et il n'en avait obtenu qu'un hochement de tête, bon à saluer courtoisement un garçon d'écurie. Pas un merci, pas un retour de respect à l'égard de sa mère. S'il mit cela sur le compte de son deuil, les égards qu'Ezel prêta à Ilhan, en le saluant selon les us et coutumes althaïennes versa une bile amère dans sa bouche. Alors quoi ? C'était parce qu'il était un vampire ? Un mort revenu à la vie, un maudit ? Et à cet effet, il ne méritait qu'un salut des plus neutres et même froid quand on le plaçait à côté de la bienveillance qu'Aldaron avait eu à son égard ? Le nouveau-né rongea son frein et l'amuseur eut l'assurance de bénéficier du fait de ne pas être le premier. Les glacernois étaient pires encore, à l'égard du peuple de la nuit. Cela n'effaçait pas l'outrage bien qu'il accepta encore une fois de mettre cela sur le compte de la douleur qu'un deuil pouvait causer.

    La lueur, dans son regard fut néanmoins meurtrière lorsqu'il entendit sa fille de cœur être appelée 'Bras-Mestre'. Cette fois, il dépassait les bornes. Si Aldaron, elfe, avait été très protecteur à l'égard de ses enfants, le vampire lui, était plus sanguin, dans sa protection, et n'hésiterait pas à passer par de la torture et des meurtres pour que sa famille soit en paix. La colère grondait dans le regard de l'Antique, brûlait comme un brasier qui consumerait tout sur son passage. Une chance qu'il ne soit plus en vie, car sa respiration aurait été aussi erratique que les battements courroucés de son cœur. Il lui avait offert sécurité et compassion pour récolter désintérêt et insulte. Il paierait. Mais Aldaron était patient, sous son masque d'un calme imperturbable. Il serait patient, car la vengeance était un plat qui se mangeait froid et il prendrait le temps de déguster sa détresse, morceau après morceau, tout Ast qu'il était. Cela ne resterait pas impuni : il était la Triade, le Capitaine des Contrebandiers, l'époux et le fils de deux parangons vampiriques et il était un dragonnier. Eleonnora était sa princesse, protégée par le trône d'ombre sur lequel siégeait son père. L'audacieuse plaisanterie, sortie de la bouche d'une personne soit-disant en deuil, n'était que le premier jalon de sa colère et déjà, pourtant, il s'imaginait très bien lui arracher un bras. La force vampirique serait bien suffisante pour le démembrer en bonne et due forme. Il accrocherait ensuite son bras à une corde qu'il passerait au cou de cet impertinent, comme un collier au pendentif malsain, pour qu'il endure et comprenne combien il n'y avait absolument rien de drôle à l'idée de perdre un bras. Il absorberait sa joie de vivre, ses espoirs, ses ambitions par ses dons d'Ast, pour ne le laisser qu'avec le désespoir et la vision de son bras sectionné.

    Rassasié en l'instant par ses propres pensées morbides et destructrices, le nouveau-né tâcha de se recentrer sur le cœur de l'affaire. A fixer Ezel longuement, comme pour jauger de s'il devait le démembrer maintenant ou plus tard, il ne porta son regard sur sa dague de verre qu'à retardement. A en juger par ce qu'il sentait de Nahui, d'Ilhan et de son sbire, il n'était pas le seul à être estomaqué par la réplique de cet insolent. Une part de lui s’apaisa, trouvant un soutien indirect dans leur compréhension. Il acquiesça d'un signe de tête, confirmant son accord pour dévoiler les aspects plus confidentiels des informations dont il disposait. « Les gens ont souvent un mobile, en effet, Shyven. L'on ne tue guère pour le plaisir, à moins que le plaisir de tuer ou de faire souffrir soit justement un mobile. » Ces mots firent écho à sa propre colère et au désir profond qu'il ressentait à vouloir arracher un bras à Bonaventure. Il voulait le faire payer, c'était plus fort que lui. Bien vite, il vint néanmoins au secours de son sbire qui semblait perdu face à la question de Shyven sur madame-de-bronze aux doux-cheveux-argentés. « Beaucoup de femmes peuvent correspondre à cette description, en particuliers des Lyssiennes. Cette ethnie est assez facile à vivre, cela ne m'étonne guère qu'elle vous soit alors venue en soutien, si vous aviez faim. Si ce détail a une importance et qu'il nous faut retrouver cette dame, il serait adéquat que vous nous donniez plus de détails intelligibles sur ce à quoi elle ressemble. » l'encouragea-t-il. Il ne savait pas encore en quoi cela servirait l'enquête, mais si cela pouvait aider la petite opale de se sentir mieux, alors il tenait les connaissances de sa dague de verre à sa disposition.

    Il couva du regard sa Lié en la voyant se concentrer sur la question et l'analyser. Il s'agissait, en effet, tous d'hommes. Son regard s'orienta vers la dague de verre pour saisir les réponses en silence, puis sur Ilhan qui posait d'autres questions. Un fin sourire plein d'une fierté paternelle s'étirait sur ses lèvres à mesure que l'althaïen étayait les indices, les hypothèses et les propositions d'exploration. Ça, c'était son garçon : tellement doué, tellement parfait, tellement charismatique et ordonné, tellement prompt à trouver la solution. S'il avait pu ronronner en déposa sur lui une bonne couche de phéromones, il s'y serait donné à cœur joie. Il était si fier de lui, si fier de lui avoir offert la chance de vivre encore, d’échapper aux doigts glacés de Mort, dusse-t-il l'avoir fait passer par la malédiction honnie. Il aurait été cruellement dommage de perdre une telle perle, si belle, si pure, si admirable. Il était ému, au fond de son cœur mort, de le voir évoluer et faire ses marques dans ce monde effroyable et si plein de dangers. Il était merveilleux, un parangon à sa manière, remarquablement exceptionnel. Son bébé vampire devenait un grand garçon si vite, il évoluait avec finesse dans cette fosse aux serpents politique. Il se perfectionnait jour après jour, camouflant avec brio ses lacunes et brillant férocement de son adaptabilité et de son esprit affûté. Pour tout cela, il l'admirait et l'aimait démesurément.

    « Les victimes n'étaient connues pour aucun accident notable, monsieur, sauf évidement pendant les derniers mois, où la magie a été très instable. » répondit la dague de verre, ce qui rejoignait l'idée de la magie pourrait être au cœur de ceci. Des mages attaqués, des objets magiques volés, les seuls incidents qu'on pouvait reprocher à ces personnes étaient des incidents dus à la magie. Il pouvait comprendre que cela puisse mettre en colère : il avait lui-même été pris dans l'explosion d'une maison, à Caladon, quelques mois plus tôt. Fort heureusement, sa Liée et lui s'en étaient bien sortis, mais il aurait pu en être autrement. « Des victimes à déplorer pour ces incidents magiques ? » demanda le nouveau-né, ouvrant la bouche pour la première fois depuis un très long silence destiné à avaler sa bile amère. « Pas de morts, heureusement. Mais il y a eu des blessés et des pertes matérielles. » Il voulait bien le croire. Son ouïe avait douillé après l'explosion et si Nahui ne l'avait pas réveillé pour qu'il s'échappe, probablement aurait-il brûlé dans les flammes. La dague de verre se tourna à nouveau vers Ilhan pour lui répondre : « Pas d’ennemi non plus, à-priori bien qu’évidemment, il semble que quelqu’un leur en voulait assez pour les tuer. » L'Ast considéra la proposition d'Ilhan de se scinder en deux groupes. Voir les corps et les lieux serait opportun, pour avancer et s'ils se partageaient les tâches, il avanceraient plus efficacement. Il s'agenouilla près de sa Liée, sa main venant caresser les écailles immaculées : « Fort bien, nous allons sous séparer. Comme la magie est trop instable mais qu'il nous faut rester tout de même en contact, Nahui et moi iront chacun dans un groupe. La télépathie ne semble pas touchée par ces fluctuations... » Auquel cas, cela aurait cloué le bec à certains dragons et si dans un cas comme celui de Verith, cela aurait pu être une véritable bénédiction de ne plus l'entendre gronder, cela aurait été dommage pour d'autres.

    « Nahui, je te confie Shyven. Tu es responsable de la bonne tenue de ma promesse à Kaalys. » Il annonçait cela comme une véritable marque de confiance. Il avait juré à Kaalys qu'il n'arriverait rien à Shyven et il comptait sur sa merveilleuse Liée pour ne pas le faire mentir. « Soyez comme des sœurs, patte dans la patte. Vous irez voir les victimes. Tu vois la magie mieux que tout le monde, je compte sur toi pour découvrir la nature de ce qui a tué ces pauvres gens. Et tu... » Il lui adressa une caresse tendre : « Tu connais bien les chimères et leur essence, celle du néant. » Bien que cela soit hélas du à un traumatisme. « Je serais là pour te soutenir, toujours, et tu pourras compter sur le soutien de Shyven, je n'en doute pas. » fit-il en coulant ses mires verdoyantes sur la petite opale. Il transmit à cette dernière, par télépathie, ce que Nahui avait subi sur les vaisseaux chimères pour qu'elle sache quelle aide lui apporter si de mauvais souvenirs refaisaient surface. L'Ast se releva. « Vous irez avec elles, Monsieur Bonaventure. » Tout simplement parce qu'il ne voulait pas avoir cet insolent entre les pattes. C'était mieux pour lui, s'il voulait garder ses deux bras. Mais il pouvait toujours protester. Aldaron ajouta un net et froid : « Eleonnora Ostiz est Bourgmestre de Caladon, retenez-le bien. » Et non Bras-Mestre, c'était évident : « C'est une femme remarquablement courageuse qui a connu les affres de la guerre et qui, par sa perspicacité, a su être une excellente dirigeante des troupes éplorées, lors du combat contre les chimères. Beaucoup de personnes, au front, lui doivent la vie, à elle et à son sacrifice. Et cela va bien au delà du front, car elle s'est aussi battue pour toutes les faibles femmes, les enfants trop jeunes et les vieillards restés en arrière. » Et les couards, comme Bonaventure et son foutu cirque, qui n'avaient rien de mieux à faire que de se moquer des tourments qu'avaient traversé ceux qui s'étaient battus pour sauver les fesses de ces lâches-là. Même les pirates étaient plus honorables puisqu'ils s'étaient joints, à leur manière, à l'effort commun.

    « Elle s'est conduit de manière exemplaire et il s'agit de ma fille, de surcroît. Il m'est possible de pardonner beaucoup de vos maladresses au nom de votre deuil – quoiqu'il me parait difficile de vous en gracier quand dans la douleur de la perte, vous trouvez encore la force d'un humour déplacé – mais je vous conseille de ne pas en abuser. Vous n'êtes pas sûr la scène de votre cirque, ici, Monsieur Bonaventure. Il n'y a pas de public à amuser mais si vous tenez tant à vous donner en spectacle, je peux toujours vous alléger d'un bras également pour que vous compreniez à quel point cela n'a absolument rien de drôle. » La menace grondait dans ses yeux. « Vous êtes ici selon mon bon vouloir, Monsieur Bonaventure. Au cas où vous ne l'auriez pas compris, cette réunion et cette enquête informelle n'ont rien d'officiel. Aucun garde de Caladon n'aurait permis à un proche d'une victime de se mêler à l'enquête, moi oui, parce qu'humainement, au delà de mes fonctions, je peux le comprendre. Je vous gracie de mon influence dans cette ville pour apaiser la douleur de votre famille et trouver des réponses au drame que vous traversez. Je n'attends ni remerciements ni louanges de votre part, mais indéniablement, j'attends votre respect. Je trouve même cocasse d'avoir à le réclamer. » Si sa voix et son ton étaient posés dans un calme dangereusement paisible, Aldaron demeurait celui qu'il avait toujours été : un homme d'une franchise droite qui n'avait rien d'un castra prosterné. Il n'avait pas l'orgueil des rois, mais de toutes évidences, il avait la main de fer et ne se laissait pas marcher sur les pieds.

    Après cette parenthèse de recadrage, il porta son regard sur Ilhan : « Monsieur Avente et moi irons sur les scènes de crime. » C'était plus dangereux, puisqu'en extérieur. Les autres seraient sous bonne garde et cela le rassurait. Il posa son regard sur la dague de verre : « Préparez une escorte pour Monsieur Bonaventure et les dragonnes. Payez vos collègues miliciens s'il le faut pour qu'ils accèdent aux corps. Et... » Ce fut le moment choisi par une seconde dague de verre pour faire son entrée et lui adresser un message. L'Ast le lut et reprit comme s'il n'avait pas été interrompu, sauf qu'il s'adressa  à la seconde dague de verre : « Préparez-nous une escorte. » Il adressa un regard doux à Nahui, lui transmettant le contenu de la lettre et ses intentions, ainsi que son affection. Puis, à Ilhan : « Allons-y, ne tardons pas. » Sans plus attendre, il sortit de la pièce, comptant sur l'althaïen pour le suivre promptement. Le vampire remit son casque sur sa tête et on replaça son épaisse cape sur ses épaules. Il quitta la cache, solidement entouré de soldats de plomb et commença à faire route. Lorsqu'ils s'arrêtèrent un peu plus loin, le temps que sa garde vérifie les alentours, il donna la lettre à Ilhan. Celle-ci annonçait qu'un nouveau corps avait été découvert, celui d'un représentant de la Loge en visite diplomatique. Une servante de la résidence diplomatique avait trouvé le malheureux il y avait une vingtaine de minutes, tout au plus. La garde était qui le qui-vive à organiser une battue.

    « Les accès seront probablement bloqués, mais j'ose espérer qu'ils le seront moins pour un Conseiller et juge Caladonien, ancien bourgmestre de la ville, ainsi que son confrère délimarien. Si nous y avions été à cinq, en particulier avec.... » Il se frotta l'arrête du nez : « Notre saltimbanque maladroit, nos chances d'accéder à l'endroit auraient été sérieusement compromises. » Les dragonnes, elles, étaient encore dans le litige, avec les dernière révélations sur le lien, et il ne doutait pas qu'elles soient capables de belles découvertes à la morgue. « A Caladon tout s'achète, mais tout de même. Nous aurons probablement bien assez à payer pour nous rendre là-bas à deux. Par ailleurs, j'ai ouïe dire qu'un Serviteur du Néant avait refait surface. Ce qu'ont subi les corps ressemble étrangement à ce qu'ils étaient capables de faire. Les chimères ne sont pas les seules à manipuler l'énergie du Néant. » Il lui demandait implicitement de le renseigner sur le sujet. Lorsque la voix fut libre, ils purent à nouveau avancer se dirigeant vers un attroupement de gardes. D'un pas assuré, l'Ast avançait tâchant de capter les regards des gardes qu'il connaissait assez bien. Il repéra aisément le plus gradé mais également le plus susceptible de les faire passer en douce, en plan B. Il s'avança vers le capitaine : « Capitaine Osborn, que se passe-t-il ? » En tant que conseiller caladonien, on lui devait bien des réponses. Négocier une entrée serait la seconde étape et il ne comptait pas s'y prendre comme un bourrin allant droit au but. Le saumon en lui était plus subtile que cela.

    Spoiler :

description[INTRIGUE] Question de morale EmptyRe: [INTRIGUE] Question de morale

more_horiz
directives :


Allons bon, visiblement j’avais jeté un froid dans la pièce, une vilaine habitude s’il en était. Mais au lieu de refroidir les ardeurs, j’avais réussi à enflammer l’inimité du vampire. Il ne fallait pas être un expert en comportement pour comprendre ce regard meurtrier. Alors quoi ? Il voulait m’arracher un bras pour avoir utiliser le surnom le plus plébiscité par les classes moyennes et pauvres de Caladon ? Et bien qu’il fasse donc, la réaction de sa “mère” découvrant comment son “fils” maltraitait ses investissements promettait d’être fort amusante. Cependant, ma froide indifférence qui protégeait mon esprit n’était pas aussi imperméable comme beaucoups le pensaient. L’instinct de conservation des Bonaventure était certes faiblement présent chez moi pour le moment, mais le peu qu’il me soufflait, était que je m’approchais dangereusement des limites. Par pur esprit de contradiction, j’étais ô combien tenté de semer plus de graines de la discorde, mais le résultat n’en valait pas la peine. Les vampires n’étaient pas des jouets très coopératifs et une carotide déchiquetée était si vite arrivée. Il fallait dire que ces créatures étaient bien souvent à fleur de peau, quand bien même celle-ci n’était plus de la première fraîcheur. Mon père me l’avait bien souvent reproché d’ailleurs, mais hé, pourquoi être si sérieux ? La vie était courte, il fallait en profiter. Contrairement aux races immortelles, je n’avais qu’un petit nombres d’années seulement pour expérimenter, explorer et apprendre (souvent de mes erreurs, même si cela me coûtait d’apprendre par cette voie là). Je n’étais certes pas sur la scène du chapiteau, mais le spectacle ne s’arrêtait pas pour autant au tomber de rideau. C’était la vie, la plus grande scène existante. Visiblement le vampire l’avait oublié en même temps que sa vie passé de politicien. Enfin, de réel politicien. Même s’il se revendiquait membre du Conseil, son statut de dragonnier altérait son jugement, d’une quelconque manière. Il était si dommage que le Lien n’enchaîne les merveilleuses créatures qu’était les dragons aux bipèdes ! Ces êtres de magie incarnée, d’écailles de liberté, condamnés à être liés à nous, terribles âmes perverties par nos désirs mesquins et nos faux-semblants ! À n'en pas douter, le vampire avait sûrement déteint sur la dragonne couleur glacier, empirant son orgueil déjà draconiquement haut. J'espérai toutefois qu'elle aurait plus de sagesse et qu'elle ne se laisserai pas influencer par les mauvaises ondes de l'Ast...

Sa semblable opaline, elle par contre, était réellement curieuse et empathique, faisant preuve d’une chaleureuse sollicitation, quand bien même elle ne comprenait visiblement pas tous les enjeux. Elle représentait bien les dragons "sauvages", les seuls vrais enfants de la liberté. Une telle candeur me fit sourire et réussit même à faire quelque peu fondre ma tristesse comme neige au soleil. Juste assez pour qu'un sourire facétieux illumine mon visage à l’évocation de Laïos et de la femme du notable. Oh que oui j’en avais entendu parlé. Mon cousin était bien connu pour être un homme à femmes en plus de son penchant pour les bons alcools. Si j’avais profité de notre temps à Althaïa pour apprendre les arts du raffinement, telles la broderie ou la parfumerie, lui avait choisi de se perfectionner dans l’art charnel. Il fallait dire qu’il avait un physique très avantageux, et il n’était pas rare que l’on nous confonde lui et moi sur un premier coup d’oeil… Cependant, c’était moi le plus investi dans la magie, lui ne faisait que transiter les marchandises vers les acheteurs… Il n’y avait aucune raisons pour qu’il soit prit pour cible par un mystérieux vengeur chasseur de magiciens ! A moins… à moins que comme l’avait souligné mon père et Astrid, ce n’était pas Laïos qui était visé, mais moi. A cela j’avais rigolé et balayait l’hypothèse d’un revers de manche mais à présent… je n’en était pas aussi sûr. Heureusement, je n’étais pas seul. Sah était avec moi et je comptais bien faire la lumière sur cette affaire… même si je devais faire quelques concessions. Prenant sur moi de rétorquer quelques piques bien senties, je suivis du regard le “chef” des opérations en ne disant mot, consentant à la stratégie du délimarien. Seuls importaient les résultats, et si je n’avais pas à subir la présence de l’ex-bourgmestre aux choix familiaux douteux, je ne m’en porterai que mieux. J’espérais juste qu’après cette histoire, je devrais moins avoir affaire avec des gens incapables d’auto-dérision...

En attendant l’escorte caladonienne, j'interpella respectueusement celle qui avait fait l'effort du premier pas.

-Ne vous en faîtes pas Dame Shyven, Sah -désignais-je l’imposant clown- et moi connaissons bien Caladon. Nous somme de grands voyageurs et nous connaissons les rues les plus sûres et les plus rapides. Cependant, je dois quand même vous avertir que malgré votre statut, vous demeurez une proie de choix pour tous les malandrins de la Revenante. Votre taille n’est malheureusement pas pour l’instant un élément assez dissuasif pour ceux qui ne voient en vous que des sources de magie et de richesse.Personne ne touchera ne serait-ce qu’une seule de vos magnifique plum’écailles, si vous acceptez de suivre mes conseils.

Je lui offrit un sourire éclatant et sincère. Contrairement à l’autre qui se fichait royalement de moi, je sentais de bonnes ondes de la dragonne couleur pitaya, ce délicieux fruit endémique de l’Archipel qui ressemblait à s’y méprendre aux écailles  de la saurienne. D’ailleurs, une fois notre groupe formé et parti, j’en profitai pour lui en acheter une. Quand je voyais son entrain à élucider ce mystère, je ne pouvais m’empêcher de penser à mon propre rayon de soleil et un sourire attendri ne semblait plus vouloir me quitter.

Après un moment à déambuler dans les rues, à prendre soin de ne pas renverser quoi que ce soit avec le duveteux appendice caudal qui me caractérisait à présent, à ne pas perdre de vue les deux dracènes et surtout, ne pas se faire détrousser ou tuer, nous arrivions enfin à la morgue. L’idée de revoir le corps mutilé de Laïos me tira une grimace, mais s’il nous permettait d’avoir des éléments de réponse sur son meurtrier, alors peut-être cela valait la peine de retenir les protestations de mon estomac. Cette fois-ci, j’étais accompagné de deux dragonnes (dont une Liée, mais bon), s’il y avait le moindre indice magique caché, il était plus que probable que nous le trouvions !

Encore fallait-il réussir à s’infiltrer dans la morgue. A cela, je faisais assez confiance en mes capacités d’acteur et de mes connaissances des caladoniens. Après tout un mois à jouer, jongler, fabriquer milles constructions de magie pour émerveiller petits et grands, il ne fut guère surprenant que les gardes en fonction ne me reconnaissent.

-Bien le bonjour chers garants de la quiétude de cette belle cité qu’est Caladon ! Non aujourd’hui je ne viens pas pour chercher vengeance ou causer du trouble, mais bien pour aider ces deux jeunes dragonnes -je désignais les principales intéressées-. Voyez-vous, je les ai rencontré par un heureux hasard et comme elles désirent aider à résoudre cette sordide histoire qui terrorise les braves habitants et humilie leurs braves garde municipaux, je me suis dit que je me devais de les aider. Et vous alors mes braves, qu’en dîtes-vous ? Est-ce que vous voulez les aider aussi ? Elle sont encores jeunes vous savez, je suis sûr… -baissant la voix- qu’elles se souviendront bien des deux gardes qui sont allés boire une bière, leur permettant d’entrer. Je suis sûr qu’elles sauront retenir le nom des gardes qui les ont aidé en ne leur mettant pas de bâtons dans les roues. Vous savez qu’on dit la mémoire des dragons, éternelle, n’est-ce pas ?

M’étant approché suffisamment du garde dans ce que l’on appelait dans le jargon “la zone de conspiration”, je soupesait nonchalamment une bourse dont le tintement singulier indiquait bien plus qu’une ou deux pinte de bières...

Caractéristiques :

description[INTRIGUE] Question de morale EmptyRe: [INTRIGUE] Question de morale

more_horiz
Cet éclat meurtrier… cette aura subtilement foudroyante… Pendant tout le discours d’Aldaron, Ilhan avait soudain les yeux rivés sur son père, à la fois fasciné et effrayé de ce qui pourrait arriver, si le jeune vampire ne se contrôlait pas. Heureusement, il ne s’agissait pas de n’importe quel vampire. Il s’agissait de son père et Ilhan fut fier de l’entendre gronder son mécontentement sans même élever la voix, sans qu’une once de soif de sang ne transparaisse sur son visage altier. Ilhan en était d’ailleurs à suivre chaque trait, chaque courbe, de ce visage si bien dessiné, s’imaginant toucher cette cascade blonde qui paraissait si soyeuse, ou souhaitant se plonger dans ces orbes d’un émeraude soudain si dur aux éclats d’or. Les mêmes éclats qui pétillaient dans ses obsidiennes, même si plus discrètes alors dans les ténèbres de son regard. C’était d’ailleurs là, nota-t-il avec une pointe de curiosité et de circonspection, leur seule réelle ressemblance physique. Il était aussi brun que son père était blond, son regard était aussi sombre que celui de son père était clair. Seules ses iridescences dorées les liaient physiquement… Allez, peut-être avait-il hérité aussi d’une crinière plus domptable, qui, si elle ondulait toujours légèrement, paraissait bien plus lisse que dans les quelques souvenirs qu’il avait pu consulter dans son livre. Pourquoi n’avait-il pas hérité de plus ? Et les marques sur son dos, telles d’anciennes brûlures, venaient-elles elles aussi de son père ?

Il mourut d’envie un court instant de lui poser la question quand il entendit la sourde menace d’arracher un bras au bougre de saltimbanque. Certes, ce rustre avait été loin dans son insolence. Mais de là à le menacer de la sorte ? N’était-ce là que colère qui parlait, ou son père avait-il vraiment envie de mettre cette menace à exécution ? Sous ces propos, Ilhan fronça les sourcils. Il n’avait que peu de souvenirs, et son expérience passée n’était que lambeau, il lui était donc difficile de réellement jauger la situation. Toutefois, son instinct lui soufflait qu’il n’était peut-être pas des plus judicieux de menacer une personne avec qui nous étions censés collaborer. Si menace il devait y avoir… mieux valait peut-être la faire après ? Du moins, si l’autre se montrait par ailleurs un tant soit peu coopératif ? Le jeune immaculé en était là de ses pensées confuses et agitées, quand Aldaron l’interpela. Il s’ébroua alors mentalement et se contenta de hocher la tête aux ordres donnés. Bien content et soulagé qu’Aldaron prenne ainsi en main les choses.

L’althaïen avait beau faire montre d’une assurance digne, il était bien loin de réellement la ressentir. Cette situation le mettait mal à l’aise. Cette ville le mettait mal à l’aise. Cette menace et ces crimes le mettaient mal à l’aise. Et plus que tout, il se sentait démuni, désemparé et impuissant. Toutefois, il devait donner le change… Il s’apprêtait à suivre le vampire, quand un garde apporta une missive, apparemment urgente, à ce dernier. Ilhan mourrait d’envie soudain d’en savoir plus, de savoir, comprendre, ce que cette missive délivrait. Mais il semblerait que son père ne voulait pas partager cette information avec eux. Ilhan peina à retenir le lourd soupire qui le comprimait soudain. Mais il ne se fit pas prier quand Aldaron lui ordonna de le suivre. Ilhan attrapa vivement son bâton qu’il avait posé près de la porte, le replaça rapidement dans sa sangle attachée à son dos, prenant garde à ne pas s’empêtrer dans sa cape, puis vérifia que son petit feutonerre et son sac de pyrolites étaient toujours bien en place, attachés sur son côté droit. Sur le chemin, Ilhan observa attentivement les gardes qui les escortaient, tout en jetant régulièrement quelques coups d’oeil à son père, et scruta avec attention les alentours. Et non ce n’était pas par crainte de voir la menace s’abattre sur eux. Il cherchait toute autre chose… une autre chose qui semblait bien se cacher.

Brusquement, ils s’arrêtèrent. Ilhan manqua de peu de heurter l’un des colosses de la garde, tant il était occupé à observer les alentours. Aldaron lui tendit soudain une lettre. La fameuse missive de tout à l’heure. Finalement, il pourrait la lire : son père lui faisait assez confiance, à lui !, pour la lui faire lire ! À cette pensée, un doux sourire flotta sur son visage. Il jeta un rapide regard en coin à Aldaron, brillant de reconnaissance, et s’empressa de prendre connaissance du contenu. Son sourire se fana bien vite cependant. Il n’eut guère besoin d’explications supplémentaires pour comprendre qu’Aldaron voulait s’y rendre finalement, même si ses paroles confortèrent rapidement cette idée. L’althaïen hocha la tête toujours en silence. Ce projet lui semblait sensé. Autant suivre la piste la plus "fraiche", même si cela lui révulsait le coeur, rien que d’imaginer la scène macabre qui allait sans doute les attendre.

« À Caladon tout s'achète. » Ces mots tiltèrent en lui, sans qu’il ne sache encore pourquoi ni comment. Mais ils résonnèrent en écho et il les garda précieusement dans un coin de son esprit.

Parlant de saltimbanque… J’ai beaucoup apprécié votre diatribe à son encontre. Dame Ostiz mérite effectivement respect, et sera honorée, je pense, de savoir que vous avez pris si honorablement sa défense, et ce avec coeur.

Il l’aurait bien fait lui-même, mais encore une fois il peinait déjà bien assez à se montrer digne de cette situation. Il avait craint de dépasser ses prérogatives diplomatiques, s’il avait lui-même vertement corrigé ce rustre. Il avait déjà sans cesse la sensation de marcher sur des braises ardentes, et se focalisait à ne commettre aucun impair. Il hésita un court instant à évoquer ses difficultés à son père, qui, lui, entre tous, devrait assurément comprendre sa situation. Mais un regard vers les gardes l’en dissuada. Il soupira légèrement et se contenta de souffler, légèrement hésitant, presque en un murmure timide et contrit, bien loin des airs assurés qu’il prenait avec un autre public.

Mais je me demande s’il était judicieux de menacer ouvertement une personne censée travailler avec nous… du moins le temps de l’enquête et de sa collaboration.

Ce n’était pas une remontrance quelconque envers le jeune vampire, il ne se le serait jamais permis. Il exprimait un réel doute, une préoccupation ancrée en lui, et son ton exprimait clairement ce doute, plus que toute autre chose.

J’avais cru comprendre… par le peu que je peux prétendre savoir…

Il jeta un énième regard aux gardes, espérant que son père comprenne le sous-entendu : je n’ai pas recouvré mes souvenirs, pas encore, mais j’ai retrouvé des documents, qui ont tenté de me réapprendre quelques petites choses.

que loyauté sincère apportait un respect plus ancré et plus fort que l’ombre de la crainte.

Et soudain, alors qu’il finissait à peine ces mots, il aperçut ce qu’il cherchait. Une ombre. Mais pas n’importe quelle ombre. L’agent qui s’était présenté à lui comme une des "araignées" lors de son arrivée en ville, et qui lui avait dit être là pour le servir, l’aider en toute chose, le temps de son séjour. Qui lui avait dit le suivre comme son ombre, même si à distance. Cette araignée n’avait pas menti. Quand il la vit, Ilhan décocha un petit sourire en coin, à la fois content et rassuré.

Un instant, je vous prie, fit-il à Aldaron.

Sans répondre encore à sa question déguisée sur un serviteur de Néant. Non pas qu’il ne veuille pas y répondre, mais il voulait profiter de leur arrêt pour une petite affaire qui pourrait les aider. Et aussitôt, il fit signe à l’ombre. Il la vit hésiter, puis finalement obtempérer et s’avancer quelque peu, même si à bonne distance. À distance suffisante pour que tous deux puissent voir leurs gestes respectifs. Et aussitôt Ilhan commença un échange avec l’ombre sous forme de signes et de gestes. Bénissant d’avoir résolu l’énigme le menant à ces codes archivés dans ses parchemins secrets. Comment converser en silence…

Leur échange ne dura que quelques secondes à peine. Ilhan s’empressa alors de se tourner vers Aldaron, lui offrant un petit sourire contrit. Il avait vu lors d’un de ses souvenirs consignés qu’Aldaron savait qu’il appartenait à un ordre secret, à un réseau d'informations de l'ombre, tout comme son ancien moi avait su apparemment que le jeune vampire avait appartenu lui aussi à une organisation appelée Marché Noir. Son père était loin d’être idiot, il avait certainement compris ce qui venait de se jouer. Toutefois, l’althaïen songea qu’il devait, au moins pour cette enquête, jouer cartes sur table avec lui, et lui révéler clairement ce qu’il venait de faire.

C’est fou comme il y a nombre d’araignées en cette ville, murmura-t-il en se penchant doucement vers Aldaron, prenant soin que les gardes n’entendent pas trop.

Ou que ses propos soient suffisamment flous pour qu’ils ne comprennent pas, mais qu’Aldaron entende le message sous-jacent.

Il serait fort possible que certaines tissent leurs fils sur les anciens lieux du crime. Certainement n’effaceront-elles aucune trace… les araignées sont propres et font toujours du bon travail, n’est-il pas ? Mais elles ont l’oeil… Peut-être trouveront-elles leur proie ? Ou une trace d’elle… Ou peut-être peuvent-elles entendre certaines… choses ? Ce serait tellement intéressant, si elles pouvaient parler n’est-ce pas ? Si elles pouvaient alors nous fournir davantage d’informations sur les victimes… ou toute autre chose de pertinence sur les circonstances, un indice oublié, écarté par mégarde dans l’enquête, ou sur un témoin non déclaré…

Oui, il venait d’ordonner à l’ombre d’envoyer des araignées sur les autres lieux plus anciens, pour leur faire gagner du temps. La plupart d’entre elles étaient d’ailleurs passées maitres en cet art de dénicher des choses même quand ces choses étaient difficiles à trouver.

Il fit mine de soupirer de dépit et ajouta toujours d’une voix sourde :

Ce peut être utile les araignées. Comme j’aimerais qu’elles puissent nous susurrer à l’oreille tout ce dont elles peuvent être témoins.

Se disant, Ilhan se risqua un petit sourire de connivence, même si son regard se teinta d’un léger doute, et que ses pépites d’or étincelèrent sous cet éclat d’émotions confuses, tant il redoutait la réprobation paternelle.

Oui, effectivement, un ancien serviteur de Néant a refait surface. Mais le mot ancien a toute son importance : il ne l’est plus. Il n’est qu’un simple mortel, comme…

Non, pas comme vous et moi, songea-t-il, se reprenant à temps.

Beaucoup en ce monde et en Delimar. Il n’est plus qu’un humain. Je crois, du peu que j’ai pu comprendre…

Impuissance de ne plus se souvenir ! rumina-t-il.

qu’il n’est plus doté des pouvoirs de Néant. Sa seule force, son seul pouvoir, est sa foi, restée fortement ancrée en lui, qui lui inculque la force de la transmettre à qui le souhaite. Sans l’imposer toutefois.

En témoignait d’ailleurs presque son propre bâton. Non pas à l’effigie des Sept… mais des Huit.

Et de nouveau, ils se remirent en marche. Plus ils approchaient, plus la garde se faisait dense, contenant la curiosité de la populace, empêchant ainsi les badauds d’approcher et de s’infiltrer. Cependant, les nobles et dignes conseillers qu’ils étaient furent tout de même autorisés à avancer jusqu’à l’emplacement de la demeure diplomatique.

Dès qu’ils arrivèrent devant les gardes, massés en grand nombre pour boucler les entrées du lieu du drame, le capitaine se tourna aussitôt vers Aldaron et le salua avec grande déférence, avant d’adopter une posture militaire de parade… et un air gêné.

Monsieur le B… Monsieur le conseiller.

Ilhan retint un sourire amusé au petit lapsus que le garde avait failli lâcher. Les habitudes avaient la vie dure hélas. L’Immaculé en profita alors pour détailler l’homme rapidement. Humain, selon toute vraisemblance, la quarantaine bien sonnée, boucles blondes, air avenant, bien que couturé. Il portait une armure dorée, celle d’un haut gradé de la garde caladonienne, nota Ilhan, mais son œil achoppa soudain l’épée flanquée sur le flanc de l’homme : blanche, simple et éraflée. L’épée d’un vétéran, en déduisit Ilhan du peu qu’il avait appris en Delimar.

« Capitaine Osborn, que se passe-t-il ? »

Ilhan se tourna vers Aldaron, les yeux pétillant d’admiration contenue. Une fois encore, il ne pouvait qu’apprécier cette voix aux accents d’assurance et de force si prononcés, portant tant de volonté déterminée et poussant à vous obéir rien qu’à sa ferme, mais douce mélopée. L’althaïen laissa l’ancien elfe oeuvrer et se contenta d’observer attentivement. Il nota avec une certaine curiosité que cette demeure ressemblait fort à celle où il logeait lui-même. Avec un peu de chance, si l’intérieur était à l’image de l’extérieur, les agencements des pièces seraient les mêmes. Peut-être un petit avantage pour eux, s’il pouvait alors les aider à mieux appréhender les lieux du crime.

Puis son regard revint sur l’homme. Le coup d’oeil que ce dernier décocha vers la façade principale de la demeure n’échappa aucunement au jeune immaculé.

La servante a débarqué en pleurs dans la capitainerie en disant que son invité était mort, reprit le garde. Nous avons immédiatement mis en place une équipe. Vous comprenez, avec la tension en ville et les meurtres, on ne peut pas prendre un signalement à la légère et elle aurait été bien trop bonne actrice si elle avait feint. On est venu ici et on a trouvé le bougre…

Tout en écoutant d’une oreille ces propos, Ilhan sentait son esprit titiller par autre chose. Ce nom… ce nom prononcé par Aldaron. Osborn. Osborn… Où avait-il entendu ce nom ? Ou plutôt lu… oui, il l’avait lu quelque part, il en était certain. Et aussitôt son esprit compulsa mentalement tous les carnets, parchemins, notes qu’il avait avalés récemment, notamment tous les parchemins d’information que ses araignées s’étaient empressées de lui transmettre pour sa venue en ces lieux, pour cette mission si délicate. Osborn… Mais oui, sur un parchemin ! Là, il s’en souvenait ! Osborn… Un guerrier qui avait fait la guerre aux côtés d’Aldaron durant la rébellion de Korentin Kohan et qui s’était trouvé à Morneflamme. Ilhan revoyait soudain les mots flotter devant lui comme s’il avait encore le parchemin entre les mains. Il dut toutefois se forcer à sortir de son étrange transe pour revenir au temps présent. Son regard sombre sonda alors l’homme sous un autre angle.

C’était un homme d’une trempe dure, sans doute extrêmement loyal envers Aldaron, ou du moins envers sa ville ? Assurément, il fera tout pour la protéger.

Ilhan le vit pourtant crisper un instant la mâchoire, tout en les regardant alternativement tous deux. Pour que quelque chose agite un tel homme, c’est que ce devait être assez… impressionnant. Et cela n’encourageait en rien l’althaïen. Pourtant, il lui fallait trouver la force de confronter ce qui les attendait.

C’était un elfe de la Loge. Un ambassadeur venu voir Madame la Bourgmestre pour négocier l’installation d’un bâtiment de la Loge en ville. C’était un noble, je crois, en plus, et un des ambassadeurs principaux… ça sent mauvais, vraiment. Il était desséché comme une feuille en plein désert. Pas de doute c’est le même tueur que pour les autres.

Diantre ! Ilhan sentit sa gorge se serrer, et un malaise palpable laissa ses fétides effluves flotter entre eux trois. Ilhan détourna légèrement le regard, comme cherchant où l’ancrer pour échapper à l’étau qui l’enserrait. Il n’était pas bien sûr d’être l’homme, ou plutôt le sainnûr, de la situation. Pourtant, il ne pouvait se défiler. Et soudain, alors que ses orbes sombres cherchaient une aide providentielle pour y forger sa résolution, il aperçut un des gardes, à quelques pas à peine sur la droite à l’arrière d’Osborn lui faire des signes. Des signes… Il lui parlait, réalisa-t-il. Il manqua laisser une exclamation surprise lui échapper, mais parvint à se reprendre à temps. Il aperçut rapidement un signe lui disant "je suis des vôtres".

Des vôtres... mais encore ? Ilhan laissa son regard revenir d’abord sur Osborn, l’air de rien, se montrant toujours attentif.

On a… on a peut-être un témoin cette fois, reprit Osborn, comme l’air d’avoir mangé quelque chose d’aigre. Mais… c’est compliqué…

Et comme appuyant ses mots, l’homme se massa la nuque, clairement mal à l’aise. Ilhan pour sa part, glissa un coup d’oeil en coin vers l’autre garde. Qui aussitôt lui refit des signes. Araignée disait-il. Oh, oui, des vôtres… des siens donc. Soit. Parfait. Voilà qui était intéressant. À utiliser judicieusement. Les signes reprirent. Capitaine loyal. Fidèle. Oui, cela confirmait ses premières impressions. Veut servir. Respect et admiration envers Aldaron. Oh… Voilà qui était intéressant à se servir, songea Ilhan, alors que les mots de son père résonnèrent à nouveau à son oreille. « À Caladon, tout s'achète. » Mais l’on pouvait acheter aussi avec autre chose que de l’or, n’est-il pas ?

Déjà, Osborn reprenait, visiblement très enclin à les aider et à leur fournir quelques détails.

Un Nywim, mais il n’est pas cohérent pour le moment… Ils le gardent à l’intérieur.

Oh, voilà qui était intéressant...

Ilhan s’humecta les lèvres, hésitant, puis, après un rapide regard en coin vers Aldaron, comme requérant son assentiment, et un autre vers l’araignée comme pour vérifier qu’elle n’avait rien d’autre à lui signaler, il ancra ses orbes sombres pétillant légèrement d’or sur Osborn.

Serait-il alors possible de rencontrer ce témoin ? osa-t-il, d’une voix calme et posée et d’un sourire bienveillant.

Bien loin de faire ressortir le malaise profond qu’il ressentait et l’appréhension latente qui montait en lui.

Non, Monsieur le conseiller, répondit aussitôt le garde. Cela n’est pas possible à l'heure actuelle, car il est en train d'être interrogé sur place.

Pas à l’heure actuelle… ce qui en langage Avente signifiait donc peut-être plus tard. Ilhan hocha la tête, puis, après un autre coup d’oeil vers Aldaron, toujours guettant le moindre signe lui indiquant de se taire, il reprit, de son sourire le plus charmeur, et de son air le plus enjôleur.

Je comprends tout à fait. J’avoue être plus que rassuré de voir combien la garde semble prendre vraiment à coeur la mission d’importance qui lui a été confiée. Mais cela ne m’étonne guère, quand on la sait menée par un homme tel que vous. Caladon doit se réjouir de vous compter parmi les siens et ne peut que se féliciter de vous avoir choisi pour de telles responsabilités.

Il se permit de lui prendre la main et de la serrer en une poigne ferme.

Je puis vous assurer que Delimar se ravit elle aussi de rencontrer des hommes de votre acabit.

Puis relâchant la main et toujours de son sourire avenant, il reprit, sa voix chantant de ses accents althaïens qui en avaient charmé bien plus d’un :

J’espère que vous trouverez nombre de réponses à vos questions. Que ce témoin saura vous donner des pistes pour éclaircir ces circonstances, ou saura vous éclairer sur le mode opératoire de ce… meurtrier… en série. Peut-être pourra-t-il vous révéler s’il agit seul, ou s’ils sont plusieurs, ou quelle est son arme, s’il a pu prononcer quelques paroles vous donnant des pistes…

Ces vœux pieux pouvaient paraître étranges pour une oreille attentive, mais il s’agissait plutôt de questions déguisées destinées à l’araignée infiltrée, ce garde si discret et silencieux qui se tenait derrière son capitaine, qui, il en était sûr, ne manquerait pas de tenter d’en trouver des réponses. Ou de lancer d’autres araignées les trouver, si tant est qu’Aldaron et lui ne les trouvent pas avant…

Votre noble conseiller et moi-même aurions aimé avoir l’honneur de vous aider également. Nous sommes venus vous proposer notre humble contribution. Nous sommes conscients que cette demande peut être délicate, et loin de nous l’idée de vous faire contrevenir à quelque ordre que ce soit. Mais…

Il jeta un lourd regard à Aldaron, comme incitant Osborn à en faire de même. Il comptait bien sur le respect, voire l’admiration, d’Osborn envers son ancien bourgmestre pour le faire céder.

Je suis sûr que vous avez également toute confiance envers votre ancien bourgmestre et son jugement éclairé. Je suis également certain que, si par une providence inespérée, nous parvenions à trouver une quelconque piste ou information, qui nous mènerait vers ce malfrat qui outrage votre si belle Caladon, cet éclat ne pourrait que rejaillir sur toutes les personnes ayant aidé.

Dont vous, sous-entendu.

Toute personne ayant eu la clairvoyance de soutenir votre conseiller dans cette laborieuse entreprise pour assainir Caladon de son bourreau sera assurément récompensée. Si ce n’est par la gloire de jouir d’un statut plus élevé encore…

Une petite promotion ? Ilhan jeta un rapide regard en coin vers son père. Après tout, il ne promettait rien. Il ne faisait que suggérer au garde une possibilité. "À Caladon, tout s'achète," pensa-t-il avec force.

du moins par la joie de voir sa ville en paix, et ce, grâce à sa contribution, et par l’honneur alors d’un réel respect de la part de son ancien bourgmestre et de ses alliés.

Il appuya alors ses mots d’une main sur le coeur et d’un sourire affable et courtois.

Et finalement, il vit dans le regard de l’autre les dernières digues de sa résistance céder. L’homme les regarda tous deux longuement, puis soupira. D’un pas, il s’écarta sur le côté et les invita à passer.

Vous pouvez entrer, Messires.

D’un geste, il ordonna à ses gardes de les laisser passer. Ilhan retint alors un soupire soulagé, et suivit Aldaron, préférant laisser l’ancien bourgmestre marcher devant et rester dans son ombre. À l'abri. Au moins pour un court instant. Se préparant mentalement à ce qui les attendait, et l’effrayait au plus haut point.

Étrange qu’un Nywin s’en soit sorti indemne, souffla-t-il vers le vampire, quand ils empruntèrent le chemin menant vers le lieu du crime.

Assez bas pour que seul le vampire entende.

Un Nywin, un être gorgé de magie. Notre meurtrier ne l’a-t-il pas vu ? Ou l’a-t-il épargné ? Mais pourquoi l’épargner en ce cas, si notre hypothèse sur des cibles magiques est la bonne ? Il aurait dû être, lui aussi, une cible privilégiée, non ? Ou alors cet être a quelque chose de particulier pour le meurtrier ? Quelle serait sa différence entre les cibles et lui pour qu’il ne soit pas mort aujourd’hui ?

Et sur ce, tous deux entrèrent sur le lieu du crime.

Mes directives :

description[INTRIGUE] Question de morale EmptyRe: [INTRIGUE] Question de morale

more_horiz
A la suite de l’intervention de Shyven, elle sentit le bipède a qui elle avait parlé prendre un air plus qu’interrogé … Sans doute était-il désarçonné par la manière de la dragonne de nommer les choses.

Certes, “Tu ne t’exprimes pas assez intelligemment !”, cela ses deux zigotos d’oncle lui avaient suffisamment répétés. Ça et le fait qu’elle était “couleur-bipède” -bien qu’elle ne comprenait toujours pas en quoi les bipèdes avaient si mauvaises allures, sans doute devrait-elle en toucher deux mots à Nahui pour savoir ce qu’elle en pensait, elle-.

Alors bon, la dragonne d’opale, pas d’humeur à devoir s’expliquer de nouveau auprès du monsieur-qui-savait-tout, se contenta d’un petit soupir.

Décidément, tout ceci devenait un vrai casse-tête pour elle. Shyven sentait que son handicap de ne “pas être assez draconique” pour ses congénères, et de ne pas se faire comprendre par les humains allait devenir de plus en plus compliqué … En vérité, elle avait l’impression qu’elle était tout de même un peu seul à se comprendre.

Elle nota cependant l’intervention d’Aldaron après sa question avec un intérêt : les “Lyssiens” … A en juger par sa description, cela devait être encore un énième mot que les bipèdes avaient pour se différencier entre eux … Mais pourquoi faire ça ? Un bipède, peu importe son comportement, sa couleur de peau, ses poils, et tout le reste, restait un bipède, non ?

Mettant cette petite pensée de côté pour plus tard, elle eut un hochement de tête affirmatif et une petite pensée de remerciement envers Aldaron, qui prenait de son temps qui avait déjà l’air bien occupé par toutes ces affaires de meurtres pour lui expliquer un peu les choses. Elle se garda cependant de préciser sa question : après tout, Shyven estima que ce n’était pas si important que ça.

Elle était simplement triste de ne pas avoir plus de nouvelles que ça, mais la dragonne sentait qu’il n’y avait pas de craintes à avoir de cette personne … A moins que ? Sans qu’elle ne sache vraiment le nommer ni pourquoi, quelque chose lui trottait dans la tête. Comme un mauvais pressentiment, qu’elle sentait avec son intuition draconique.

Elle aurait aimé prévenir tout le monde mais … Dans l’immédiat, elle choisit de se reporter sur Nahui.


Après tout, couchée non loin du petit groupe, et silencieuse pour l’instant, la dragonne aveugle qui l’avait salué à sa façon était peut être la seule capable de mieux comprendre tout cela … Alors elle la rejoint, et lui transmis ses pensées, et son mauvais pressentiment. Est-ce qu’elle ne sentait pas ça aussi ? La dragonne d’opale était curieuse.

Et puis vint les échanges dans le petit groupe. Dans ceux-ci, Shyven nota les nombreuses questions d’Ilhan, ce bipède-pâlot qui semblait très proche d’Aldaron. Shyven semblait contente de le trouver là : enfin quelqu’un qui semblait poser les bonnes questions.

Même si elle ne comprenait pas encore toutes les subtilités de l’enquête-bipède, hormis le fait qu’il fallait arrêter un tueur, quand Ilhan posait des questions, c’était des noeuds dans son esprit qui disparaissait. Elle écouta sagement l’Althaïen, et les réponses qui furent apporter : en effet, les vols paraissaient étranges, tout autant que ses meurtres …

Le cerveau de la petite dragonne chauffa, après la série de question d’Ilhan. Ce n’était pas facile d’avoir une pensée si “terre à terre” … Nombre de ces problèmes qui semblaient torturer l’esprit des bipèdes passaient complètement au dessus de la tête de Shyven. Et pourtant, toujours ce mauvais pressentiment, qui lui semblait bien réel …

La dragonne fit quelques petits pas de son côté, non loin de la liée d’Aldaron. Est-ce qu’elle, comprenait toutes ces choses ? Le pourquoi du comment ? Le fait qu’il y avait certes un tueur dans les rues, mais qu’avant de retrouver ce tueur, il fallait s’intéresser à tout un tas de choses relevés par Ilhan ?

Rien n’en était moins sûr. La petite opale fit la sourde oreille quant aux altercations entre Ezel de Bonaventure et Aldaron, ne cherchant pas à s’interposer dans un sens comme dans l’autre.

C’était peut-être un brin supérieur de considérer la chose de cette façon, mais les petits conflits pour des paroles vaines ne l’intéressaient guère, encore plus quand il y avait un tueur qui massacrait des choses a priori gratuitement dans les rues … Tout au plus, Shyven comprit la réaction d’Aldaron, quoiqu’à son sens disproportionnée. Après tout, Papa-tout-chaud aurait pu peut être réagir comme ça si quelqu’un avait parler de sa fille comme cela … Et encore. La petite opale n’en était même pas sûr, de toute façon la mentalité draconique était tellement différente. Probablement parce que chez eux “s’énerver et avoir des envies meurtrières” voulait dire “potentiellement réduire toute une partie de Tiamaranta en cendres”, et non pas simplement arracher un bras d’un bipède.

Elle fut cependant très attentive au reste des instructions d’Aldaron, qui semblait mené les troupes d’une main d’expert et divisa les forces en un tour de main. Puis il partit à ses propres occupations, enquêtant avec son confrère-pâlot.

Quelque part Shyven espérait qu’entre deux occupations, ils pourraient se dire les choses qu’ils avaient à se dire. Parce que ces deux là avaient besoin de temps entre eux, cela se sentait.

Par la suite, la dragonne rose écouta sagement le bipède-extravagant et ses recommandations, bien qu’elle trouva que son grand camarade faisait plus peur qu’autre chose : mais qu’est-ce que c’était que ce grand monsieur … Bizarre ? Shyven tacha d’en détourner le regard.

Elle fut cependant reconnaissante du geste du bipède qui lui offra un fruit, encore inconnu aux yeux de la dragonne, qui, il est vrai, avait a bien des aspects, la même couleur qu’elle. Pendant que le petit groupe marchait, Shyven découpa amoureusement le fruit, et pris soin d’en proposer à tout le monde : Nahui -lui intimant que le goût de ce fruit la surprendrait certainement-, Ezel, son camarade-étrange, et elle proposa même à l’escorte qui les guidaient à travers les rues de Caladon.

C’était peu de choses, mais Shyven s’assurait ainsi que le moral allait un peu mieux, malgré toutes ces contrariétés qui semblait ronger tout le groupe, qui ne mettaient pas vraiment Shyven dans son assiette, elle étant déjà tiraillé par ce sentiment étrange.

Puis le petit groupe arriva à la morgue : un grand bâtiment dans le quartier intérieur de la ville, fait de pierres que la dragonne sentit aussi froides que la nuit, même de l’extérieur : une impressionnante série de glyphes était apposée dessus, et les insignes de la ville trônaient impérialement tout en haut du bâtiment. D’une certaine façon, la pierre et la hauteur du bâtiment rappela à la petite opale son nid avec Papa-tout-chaud … Sans Papa-tout-chaud. Shyven tourna la tête, ayant une pensée pour son père : il avait du mérite de s’impliquer comme il le faisait avec les bipèdes. Parce qu’ils étaient loin d’être faciles.

Et l’aventure qui suivit lui confirma cette pensée. La dragonne sentit que leur arrivée provoqua un petit moment de tension sur les yeux des deux humains gardiens de la morgue, que Shyven eut encore une fois … Du mal à saisir. Ils étaient là pour la mission, après tout. Néanmoins, cette tension s’effaça bien vite pour laisser place à un salut respectueux des deux dragons.

La petite opale observa le monde avec attention, et constata que les gardes les escortant et les gardiens de la morgue s’échangèrent un petit regard entre eux. Il semblait qu’ils savaient ce qu’ils avaient à faire … Décidément, la dragonne se disait que l’information remontait vite, chez les bipèdes.

Cependant, ce regard intimant action fut assez tempéré par Bipède-extravagant qui se prit l’envie de faire un petit numéro devant les gardes. La dragonne sentit rapidement que ce n’était pas du tout la bonne approche. Shyven plissa ses yeux, voulant prévenir Ezel, mais hélas le garde se fit trop rapide.

Le visage du soldat se fit de plus en plus autoritaire, marquant la distance avec Ezel, puis enfin vinrent les réprimandes :

“Les dracènes sont les bienvenues. Monsieur le conseiller Elusis a demandé votre venue. Néanmoins, vous monsieur, venez de vous rendre coupable d’outrage à soldat. Vous allez rester là avec mon camarade et une fois la visite des dracènes terminée, ou même avant si je trouve quelqu’un pour cette besogne, je vous envoie au poste de garde le plus proche afin que vous soyez sanctionné”

Puis le gardien ouvrit la voie aux deux dragonnes, mettant Ezel à l’écart. La dragonne soupira, plissant les yeux une nouvelle fois. Les vaines paroles, puis les querelles … Quelque part, Shyven comprenait pourquoi Grand-Père-Verith avait tant de défiance envers eux, même s’il était évidemment très extrême dans ses prises de positions.

Néanmoins, Shyven n’était pas son grand père. Parce que même si les bipèdes étaient emplis de défauts, la dragonne savait qu’ils n’étaient pas non plus entièrement mauvais.

Or, ainsi le dictait l’équilibre, on ne pouvait espérer semer des graines de la discorde un peu partout, et ne récolter que du blé bon à manger.

La dragonne tâcha d’envoyer un message à Ezel, s’assurant que lui seul pouvait l’entendre :

“Bipède-extravageant. Suis l’Équilibre. Personne ne te veut du mal si ce n’est le tueur qui a laissé ta famille meurtrie. Et personne n’a besoin que tu mentes. Ses gardes ici sont avec nous, ne le vois-tu pas ? Ressaisis-toi. Ta famille vaut plus que de vaines paroles.”

Et si elle ne le valait pas, c’est que ce bipède ne méritait pas d’être là. Mais cela, Shyven estimait qu’Ezel pouvait y réfléchir lui même.

Sur ces mots, la dragonne lui accorda un dernier regard, avant de partir rejoindre sa consoeur liée. Elle n’avait pas besoin de s’impliquer plus que cela dans les affaires bipèdes, elle avait déjà donné trop de son temps, alors que des gens mourraient pour l’instant de manière purement gratuites.

Et cela, elle ne pouvait définitivement pas le tolérer.

Les directives :

description[INTRIGUE] Question de morale EmptyRe: [INTRIGUE] Question de morale

more_horiz
Nahui n'eut pas un geste quand il fut question de créer deux groupes, et elle incita Shyven à attendre un peu. Oui, souvent les bipèdes parlaient de bouger, mais communiquaient encore avant d'agir. C'était normal. Il était compliqué pour eux de maintenir une conversation en remuant. Les aléas d'une discussion pour les sons...

Les bipèdes s'encombraient de bien des choses superflues. Ils n'aidaient sans doute pas la pauvre fille-de-liberté, encore immaculée d'innocence, à joindre sa réflexion à la leur. Nahui faisait de son mieux pour lui expliquer chaque concept qui pouvait lui être étranger, tout en s'efforçant de réfléchir également à l'histoire, de son point de trame. Sa congénère était touchante dans sa curiosité, et celle-qui-ne-pouvait-voir regrettait de n'avoir que ces sombres aspects du monde à lui présenter pour la satisfaire. Alors l'altercation entre Lié et homme-de-glace... Elle ne la lui précisa pas, ne transmettant que l'explication par l'instinct paternel grondant d'offense de Lié, et sa propre lassitude. De quelques vagues interrogations tournées vers Lié, elle avait su que les objets évoqués par celui-qui-avait-les-indices n'avaient rien de commun si ce n'était la magie. Difficile de tracer le cour d'eau et la source de leur histoire avec si peu de points communs. En tout cas, c'était bien compliqué pour celle-dont-l'esprit-n'était-pas-bipède. Elle savait qu'ils pouvaient se haïr pour des raisons stupides... Mais cela échappait tant à sa logique qu'elle peinait à aventurer son esprit plus avant dans ces hypothèses. Son instinct avait, de plus, une fâcheuse tendance à accuser les défuntes chimères de tous les maux. De bipèdes qui en voulaient à d'autres bipèdes... Il aurait fallu interroger chacun, pour trouver de communes connaissances qui auraient pu les haïr. Cela était néanmoins peu envisageable. Ces étranges créatures tendaient à cacher parfois les liens qui les unissaient.

Un nouvel incident poussa le petit groupe à enfin se mouvoir. Nahui transmit de façon concise ce qu'Aldaron lui avait annoncé : un autre incident. Encore un mâle, encore un mage. L'affection de Lié vint renforcer l'esprit de celle-qui-avait-de-la-peine-pour-lui. Elle s'inquiétait, espérait qu'ils auraient tous tôt fait de venir à bout de ces affaires. Elle lui murmura ceci, son âme blottie contre la sienne, tandis que leurs corps s'écartaient, qu'elle demeurait seule avec sa douce semblable et... Et... Il faisait quoi, là, le bipède ? Nahui tiqua, son esprit tout tourné vers les mots, leurs sens, et ce qu'elle ressentait de l'agitation du bipède. Essayait-il de... plaire ? Qu'il cesse ! Elle n'était pas de son espèce, et ce qu'il disait n'était pas intéressant ! Que Shyven accordât trop d'attention à celui-qui-faisait-gronder-Lié, et Nahui montrerait les crocs ! L'heure n'était pas aux parades. L'heure était à sauver ceux-que-Lié-aimait. Quand bien même l'heure eût été aux parades, celle vouée à Shyven n'était pas pour un bipède. Elle, Nahui, celle-qui-résistait-aux-chimères, celle-qui-n'avait-besoin-d'yeux, celle-qui-comprenait-les-dragons-et-les-bipèdes, était bien plus intéressante.
Un froncement de nez se glissa subrepticement sur le visage de la fille-des-neiges, menace tacite, alors que son esprit venait délicatement "bousculer" celui du bipède. Il fallait qu'ils partent, et qu'ils se recentrent sur leur objectif.

Le chemin à parcourir ne fut pas si long. Le peu de monde qui osait déambuler rassurait quelque peu Nahui, qui regrettait que Limilocë ne soit là en cas de besoin. Ses sens parcouraient les alentours, aux aguets, à la recherche de n'importe quelle subtilité qui aurait pu lui échapper, qui pouvait les guider. De bon cœur, elle accepta néanmoins le fruit qui lui fut proposé. Elle assura le reste de la troupe de son appréciation de cet aliment, passa le reste du voyage à se lécher les babines et les crocs pour n'en laisser aucune trace.
La "morgue" se présenta enfin devant eux. Par les seuls glyphes qui le couvraient, Nahui pouvait définir le bâtiment. La taille, sa forme, son épaisseur, son utilité. Ce n'était pas désagréable. Les bipèdes auraient dû davantage user de ce genre d'idées. Cet endroit était le silence et le froid. Deux attributs appréciés par celle-qui-avait-tant-attendu-Aldaron. Dommage que ce ne fut qu'un lieu-aux-morts, et non un nid. Il allait falloir soumettre l'idée d'un tel nid à Lié. Sans doute apprécierait-il aussi. Après tout, existait-il seulement plus belle musique que le silence ?

Tout le monde n'était pas de cet avis, et ce fut avec lassitude que l'esprit de Nahui accueillit la voix de celui-qui-ne-savait-apprécier-son-espèce. Et pourquoi se permettait-il d'attenter aux plus beaux sons du monde ? Pour... Non. Lié avait déjà prévu leur entrée. Du moins, c'était ce qu'il semblait à celle-qui-voyait-par-la-magie. Elle interrogea Lié. Obtenant sa réponse, elle eut une brève conversation avec lui, inquiète, pour lui demander s'il était certain que cet homme était bien de leur espèce, puisque lui-même n'en était sûr. Peut-être était-ce là un indice ? En retour, Nahui n'obtint que moquerie de la part de Lié. Soit... Elle peinait à profiter également de l'hilarité de la situation, tant tout cela lui paraissait confus. De quoi devait-elle douter, de quoi devait-elle être sûre ? Et comment allaient-elles savoir gérer ces situations ?
Les gardes parurent du même avis que Lié, bien que part une autre émotion. Cela donnait un point de repère à Nahui, mais rien qui puisse la rassurer. Sur ses gardes, muscles bandés, elle était prête à réagir au quart de tour si quoi que ce soit dégénérait. Ses sens se tournaient vers les vivants alentours, même les éventuels potentiels sans-magie qui auraient pu vouloir s'en prendre aux faibles créatures qu'elles étaient pendant cet instant d'inattention.

Finalement, la situation trouva sa résolution d'elle-même. Elles se séparèrent du bipède-maladroit. Nahui lui intima tout juste qu'un peu de calme pouvait lui être salvateur, en attendant leur retour. Ce n'était ni agressif, ni un reproche, plutôt un conseil pour atteindre leur commun but. Elle se moquait du spectacle qu'il venait d'offrir, tant que cela ne les empêchait pas de parvenir à leurs fins. Les deux dracènes pénétrèrent dans le froid douillet de la morgue, et la fille-des-neiges partagea à sa congénère son appréciation d'une telle température, d'un tel calme. Il était bien déstabilisant, en revanche, d'être ainsi à découvert, entourée de bipèdes dont elle savait la loyauté. Elle n'avait pas vraiment l'habitude de ne pas se méfier, et son petit cœur battait plus fort qu'il n'aurait dû.
D'étranges sensations, des bribes d'odeurs, la composition des échos, permirent à Nahui de se figurer son environnement, tandis qu'elle suivait méthodiquement le rythme de Shyven -jamais elle n'aurait avoué en être dépendante. Autour d'elles, des surfaces glyphées soutenaient les morts, réparties à égales distances, dans ce soin esthétique qui caractérisait les bipèdes. La relation des bipèdes à la mort était, par ailleurs, assez unique, et Nahui devinait qu'elle aurait énormément à découvrir à ce sujet. Si les gardes qui les accompagnaient n'étaient prêts à ouvrir leur cœur sur leur ressenti, elle trouverait une autre occasion. Des voix, murmurées, comme par respect pour le véritable maître des lieux – le chant des morts -, passèrent des gardes à celui-qui-veillait-aux-morts. Oyant une bribe de perplexité dans la voix de cet Homme, Nahui approcha très délicatement son esprit du sien. Elle allait lui faire un cadeau comme nul autre ne lui en avait fait. Elle lui offrait de rencontrer l'esprit d'un dragon, son immensité, et découvrir en lui ce qui la rendait si spéciale, et légitime en sa tâche. Elle lui montra la volonté de son cœur pour Caladon, elle lui montra la vive douleur en ses yeux, jadis, et quelques ersatz de ce qu'était le monde pour celle-qui-sentait-la-magie.

Le chemin leur fut ouvert vers les corps concernés par leur recherche. Nahui n'avait nul besoin de se hisser aux côtés des morts. Ses sens et son esprit s'étendirent vers chacun d'eux. Elle en revint intriguée, et déstabilisée. Nul dommage physique, en effet, mais quelque chose de magique avait dû se produire. Quelque chose d'unique. Elle partagea sa découverte avec Lié et curiosité-sucrée : ces morts-là n'étaient pas, comme les autres, imprégnés par la magie alentour. Comme si quelque chose en eux, ou sur eux, repoussait la magie. Seuls quelques résidus magiques, sans doute ce qui avait mis fin à leurs jours, demeuraient sur eux. Rien de plus. Quelle abomination pouvait priver ainsi le monde de ce qui le baignait ? Dans quel but ? Cela ne pouvait rien apporter de bon. Nahui fit de son mieux pour masquer les grognements désapprobateurs de son esprit à ceux qu'elle appréciait.

Elle n'eut guère le temps pour davantage. Du bruit, venu de dehors, vint troubler sa mélodie favorite. Allons bon, encore. Il n'y avait plus de respect, en ce monde. Des exclamations de bipèdes, de l'agitation... Leurs gardes s'éclipsèrent. Nahui fronça à nouveau le nez. Oh, mais par l'esprit-dragon, n'était-ce pas là une occasion parfaite pour qui l'aurait souhaité de s'en prendre à deux dragonnes esseulées ? Cela ne fonctionnerait pas. Elle devait protéger Shyven, n'eut-ce été que pour prouver à bipède-maladroit que c'était bien là l'ouvrage du peuple des cieux et du feu. Sa queue vint s'enrouler autour de celle de Shyven, tandis qu'elle lui intimait de la suivre, dehors, sur les traces des Gardes. Mieux valait ne pas rester seules. D'autant plus que, là-haut, si un nouvel incident se produisait, peut-être seraient-elles les seuls à pouvoir en saisir certaines subtilités jusqu'alors invisibles aux bipèdes.

Arrivant à l'extérieur, Nahui découvrit une sensation qu'elle aurait préféré ignorer : l'éblouissement. La magie lui parvint et satura totalement ses sens, si bien qu'elle ne put discerner la scène du premier coup. Lorsqu'elle le put, ce furent leurs gardes qu'elle perçut. La magie pulsait en eux, comme si un usage venait d'en être fait, ou était en cours. Sans doute avaient-ils leur part dans cette surdose de magie... Mais il n'y avait pas que cela. Il y avait quelque chose d'autre. Derrière l'un des gardes.
Quelque chose en Nahui s'affola, comme si déjà elle vivait la scène à venir. Sans délicatesse, son esprit vint ordonner au garde en question de se retourner. Mais tandis que l'idée de bondir tenter de le soigner l'effleurait, une autre réalisation la heurta de plein fouet, serrant son cœur. Oui, en venant ici, elle s'était éloignée de la solitude et de la vulnérabilité que cela pouvait représenter face à un ennemi qui aurait été capable de les rejoindre. Mais elle s'était également potentiellement rapprochée d'un adversaire plus redoutable encore, et qui en avait après la magie. Pas qu'elle manquât de courage. Mais des personnes chères à son cœur était en jeu.
Son esprit se divisa un instant : l'un pour avertir Lié : danger. Magie, source non-identifiée, gardes en combat. L'autre intimait à Shyven de rester à l'abri, derrière elle. Cela valait mieux : si elle avait tenu face à l'Abomination une première fois, elle pouvait les protéger à nouveau.
Elle était néanmoins prête à se jeter sur le garde menacé. Son instinct lui disait qu'elle savait soigner. Elle ignorait pourquoi, elle ignorait comment, mais si elle devait essayer, ce serait le moment.

Spoiler :

description[INTRIGUE] Question de morale EmptyRe: [INTRIGUE] Question de morale

more_horiz
    Parlant de saltimbanque ? Rah ! Aldaron s'en était débarrassé et Ilhan se plaisait à revenir plus amplement sur le sujet. S'il existait encore un dieu en ce monde, qu'il ait pitié de ses pauvres nerfs de nouveau-né vampirique et que la peste emporte ce Bonaventure, il avait d'autre chat à fouetter enfin ! Mais le spectre de glace ne semblait pas vouloir le libérer, délivrer. « Vous désapprouvez ? » fit-il d'une voix grave, emprunte d'un charisme certain, en arquant un sourcil, joueur, le mettant presque au défi de lui confirmer sa réprimande. N'était-ce pas Ilhan lui-même qui lui avait parlé du lien entre loyauté sincère et respect plus ancré ? Hélas, il n'eut pas le temps de poursuivre que son fils s'esquivait pour il ne savait quelle discussion. Comment une autre conversation pouvait s'avérer soudain plus importante que celle qu'ils avaient tout deux ? Il espérait que cela concernait au moins leur affaire ou il finirait, bon enfant, par se vexer. Qu'avaient-il tous aujourd'hui à le piquer au vif de la sorte ? Et voilà que Nahui lui transmettait la façon dont le fameux saltimbanque venait de se faire recaler à la porte, avec promesse de se faire embarquer au poste de garde. Aldaron poussa un soupir, se massant l'arrête du nez, finissant par pouffer intérieurement de rire aux questions que lui posait sa Lié interloquée. Si Ezel était bien un bipède ? Oui, il semblerait. Avec patience, il tâcha d'expliquer à Nahui qu'Ivanyr et lui-même avaient pour habitude de sélectionner leur entourage mais que tous les bipèdes ne pouvaient pas être d'aussi bon cru, hélas. Il lui précisa qu'Ezel n'avait soit pas très bien compris ce que 'je vous gracie de mon influence' signifiait (le vocabulaire devait être trop riche pour lui), soit avait décidé qu'il était meilleur pour son ego de parvenir à ses fins sans l'aide de la Triade.

    Soit. Il murmura à l'un des gardes de son escorte quelques ordres, l'intimant à se rendre à la morgue. Le garde de la porte avait signalé que si un autre garde passait par là, il lui confierait Ezel pour qu'il soit conduit au poste. L'homme qu'il envoyait et qui prenait le chemin de la morgue, embarquerait le désespérant protégé de sa mère mais lui épargnerait le poste de garde. Et après 'une loyauté sincère apportait un respect plus ancré et plus fort que l’ombre de la crainte' que lui disait son fils. N'était-ce pas sa propre loyauté envers ses compagnons d'enquête qui s'exprimait là ? La bonne blague ! Bonaventure ne lui adresserait pas plus de reconnaissance et de respect qu'il n'en avait fait jusque-là, en dépit des largesses qu'il lui offrait en le couvrant de l'ombre protectrice du Marché Noir. L'Ast roula des yeux en regardant son garde filer, juste à temps pour voir Ilhan revenir. Ah ! Enfin ! Fort heureusement, l'althaïen lui confia de bon gré le contenu de cet entretien qui les avait coupé ainsi qu'une réponse concernant le Serviteur de Néant revenu auprès des siens. « A la bonne heure, il aurait été fort désagréable que nous ayons, vous et moi, à parlementer sur une guerre ouverte que Délimar nous aurait déclarée insidieusement. » railla-t-il, soulagé et amusé par cette information. Il se présenta au Capitaine Osborn et s'amusa mentalement de cette langue qui avait failli fourcher mais il se recentra bien vite sur l'affaire, écoutant avec attention et préoccupation les informations qu'on leur donnait.

    L'intervention d'Ilhan, Aldaron ne chercha pas le moins du monde à l'interrompre. Son petit jeu lui sauta aux yeux tant l'althaïen semblait y mettre du cœur. Cela leur permit néanmoins de passer et lorsque l'Ast passa la porte pour suivre son fils, il s'arrêta néanmoins pour poser une main ferme et fraternelle sur l'épaule d'Osborn. Son regard, pour lui, était plein de soutien. Il ne lui demanda rien de plus, en l'instant, mais il reviendrait. La chambre tenait lieu de pièce principale du crime. Il s’agit d’un lieu vaste, avec en son centre un grand lit double des plus luxueux, aux colonnades filigranées d’or et d’électrum. La décoration, allant des tapis aux rideaux en passant par des plantes d'intérieur et des tableaux, était magnifiques. Dans un luxe tout à fait caladonien, pour accueillir les diplomates d'autres nations. Et les impressionner, probablement. Il écouta les propos d'Ilhan, d'une oreille distraite, saisi par l'air prégnant qui embaumait la chambrée. « Je sens énormément de détermination dans cette pièce. C'est gargantuesque, fanatique. Un rêve, un objectif. La personne qui est venue tuer cet elfe avait un but et un seul. Le Nywin n'en faisait probablement pas partie. Nous sommes nombreux à être des êtres de magie. Notre nature ne fait donc pas de nous des cibles. C'est autre chose. Je sens aussi de la peur et du désespoir... Mais quelque soit la profondeur de cette terreur, ce n'ait qu'un maigre écho à côté de ce premier grand rêve. » Il s'arrêta un instant, portant son regard sur Ilhan, avant d'ajouter : « Je ne sens que deux rêves. Deux fils de pensées. Soit notre témoin n'avait aucun rêve apte à marquer cette pièce, soit il avait aussi peur que la victime et je n'arrive pas à démêler les deux dans mes perception. Soit il n'y avait que deux personnes ici et notre témoin n'est pas un témoin. » Mais un coupable.

    « Cherchons encore. » Il ne voulait pas de conclusion hâtive. Pas de sang, pas de lutte. Rien n'était renversé. « J'ai une question pour vous, Ilhan... Croyez-vous qu'on puisse obtenir la loyauté d'un pirate de bas étages, et par conséquent, son respect ? » Cela faisait écho à leur précédente conversation au sujet d'Ezel. Si le Cirque Bonaventure avait un jour donné des spectacles à Délimar, à l'avenir, cela serait amplement compromis avec une telle information. Mais puisque sa réaction avait suscité des questions dans le cœur de son fils, autant qu'il comprenne complètement tout ce qu'Aldaron avait en tête. « On dit qu'il n'y a que la peur et le profit qui les fasse agir. Vous me connaissez un peu... J'ai horreur des préjugés. D'après eux, les vampires sont tous des monstres, après tout. Alors je lui ai offert mes largesses. » Une opportunité, toute neuve de faire la peau à ces préjugés. Hélas, ses efforts n'avaient guère été récompensés. « Et si cela ne fonctionne pas, que reste-t-il d'autre ? » Il eut un sourire en coin : « La persévérance, sans doute. Je lui ai envoyé une aide pour le sortir du pétrin dans lequel il s'est fourré. Son insolence n'est pas au goût du garde qu'il a outragé. Mais il faut croire que vos bonnes paroles savent me convaincre. »

    Le vampire fermait les yeux pour percevoir la magie alentours : « Je sens une magie puissante et vive... Mais je n'arrive pas à savoir de quoi il s'agit. Cela m'est étranger. C'est la première fois que je sens quelque chose de semblable... Avec l'éveil du Baôli, on découvre et redécouvre la magie... C'est un elfe de la Loge, ici. Peut-être simplement des essais qui ont mal tourné. » Cela expliquerait qu'il n'y ait que deux rêves. Jamais d'effraction. Jamais de trace de lutte. S'il s'agissait de morts auto-données par erreur ? Sur une découverte magique qui avait mal tournée... Mais dans ce cas, pourquoi seulement à Caladon ? Son regard d'émeraude se posa sur un parchemin frappé du sceau de la Loge. Il en lut les lignes et en fit de vive voix un prompt résumé à son fils : « La Loge a envoyé cet ambassadeur pour qu'il enquête sur les meurtres qui sévissent à Caladon. Ils espéraient pourvoir endetter Caladon d'un service... Quelle aide généreuse et dévouée. » Ses mots suintaient d'une ironie douce amère. La Loge ne valait-elle donc pas mieux que ces nobliaux séléniens qui n'agissaient que par intérêt et profit ? Même dans l'adversité, ils n'étaient pas capables d'apporter un soutien sincère, dénué d'un désir d'en récupérer une médaille. Et après, ils étaient neutres et voulaient aider tous les peuples. La belle hypocrisie. Il coula un regard dédaigneux sur le cadavre noirci. La voilà, sa médaille. Que le Néant l'emporte et ne réincarne pas une pareille vermine.  Le vampire posa un genou à terre pour se pencher sous le lit et trouver la source de la magie qu'il sentait pulser, plus forte que les autres. « C'est un crâne de trooïka... Je croyais que les victimes étaient dépossédées de leurs objets magiques, celui-ci est pourtant bien plus puissant que d'autres... » Il fit signe à un garde de venir le récupérer tandis qu'il se relevait. « Vous devriez tâcher de vérifier s'il a été utilisé. » Il remit également la lettre trouvée au garde.

    La situation le faisait tiquer et l'Elusis quitta la pièce pour rejoindre Osborn, à l'extérieur. « Laisse-moi parler au Nywin, Jaime. » Il s'était rapproché de lui, parlant bas, sans détour dans sa demande, sur le ton de la confidence sincère, pleine de gravité et de solennité. « Si le coupable est dans les parages, nous n'avons pas de temps à perdre. Je peux le calmer, mieux qu'aucun de tes subordonnés. Tu le sais. Laisse-moi t'aider, ces massacres doivent cesser. » Le Nywin était gardé à l'écart, dans une autre chambre inoccupée mais tout aussi luxueuse. D’apparence très jeune, il devait avoir tout juste 100 ans lorsqu'il fut touché par l'immaculation. Maigre, les yeux cernés, des traces de maltraitance. Ses émotions de papa-poule prenaient le dessus, dans ce genre de vision mais il n'eut guère le temps de s'appesantir que le Sainur leur sautait dessus, pour les agresser... Il était faible, et il sembla que la vertu immaculée, qu'Aldaron portait, calma assez ses ardeurs pour que, en se mettant devant Ilhan pour le protéger comme il protégerait chacun de ses enfants, il n'ait qu'à saisir ses deux poignets fermement. Il le darda de son regard hypnotique. Il le connaissait, ce comportement, ce qu'il lisait dans ses yeux. Ce qui le dévorait, le consumait à grand feu, lui faisant perdre tout contrôle. « Tu as Faim ? » demanda-t-il, gravement et la lueur dans le regard du Nywin, suivi l'un hochement de tête plein de larmes lui confirma sans tarder. Mais qu'un Nywin, ça n'était pas un vampire. Il n'avait pas besoin de boire du sang. Pourtant, à en juger par le thé, le vin, le pain, le fromage et le jambon qu'on avait apporté sur un plateau, l'enfant avait bien assez pour se rassasier. Alors quoi ? Lui aussi était une anomalie pour son peuple ?

    « Qu'est ce que tu veux manger ? » Il ne comprit pas grand chose, excepté le mot 'magie' et cela fit lien dans son esprit avec les déviances qu'il avait rigoureusement calmées chez Valmys. Il lâcha doucement ses poignets pour saisir son visage en coupe. Il le prenait littéralement entre quatre yeux : « D'accord. Je vais te nourrir. Mais tu obéis au doigt et à l’œil. Si je te dis d'arrêter, tu arrêtes, compris ? » Il savait que ce n'était jamais aussi simple que cela, avec la Faim. Elle gagnait toujours. Et un mauvais pressentiment le titillait. Il relâcha le jeune Nywin et s'appuya sur le bureau, posant ses mains sur le bois pour faire apparaître un bassin immatériel d'énergie. Il y plaça une part de sa propre magie dedans, avant d'inviter les quelques gardes mages présents et Ilhan, s'il le souhaitait, à faire don d'une part de leur magie. Puis il laissa l'Immaculé se nourrir, ou plutôt dévorer comme s'il n'avait pas mangé depuis plusieurs jours et en vérité, sa maigreur et son état général l'inquiétait, par empathie. Les pensées du jeune Sainur étaient très embrouillées et perturbées. Il le sentait vide et tremblant. Plusieurs fois, pendant son repas, il l'intima d'y aller doucement, se prendre le contrôle, comme on lui avait appris, lui-même, à contrôler sa Faim. Sa voix s'en trouvait ferme mais infiniment paternelle. Il le couvait d'un regard compatissant, rongeant mentalement son frein. Lorsque leur témoin fut rassasié, Aldaron l'intima à s'asseoir face à lui. Il prit ses maigres mains entre les siennes pour les caresser. Il les sentait trembler, encore et toujours, comme s'il était impossible à consoler.

    « Qu'est-ce qui s'est passé ? » C'était embrouillé, mêlé de 'je suis désolé' à tout va, de langue commune et de langue elfique. Il avait sûrement posé une question trop large pour lui. Il devait être un peu plus directif. « Calme-toi, Voronwë. » Quel étrange prénom que celui-ci. En elfique, cela signifiait 'l’inébranlable' et le petit tremblait comme une feuille. En même temps, Aldaron signifiait Seigneur des arbres et il ne s'était jamais senti une intense affection pour les plantes, bien qu'il en appréciait le calme. Il fallait croire que les elfes étaient doués pour donner à leur enfant le nom de ce qu'ils attendaient d'eux. Mais Aldaron n'avait jamais été aussi paisible qu'une forêt et ce pauvre Nywin n'avait visiblement pas été aidé pour devenir inébranlable. « Je jure que personne ne te fera de mal. Quoi qu'il se soit passé tout à l'heure, c'est fini. Tu entends ? » Mais le petit lui faisait 'non' de la tête, pleurant de plus bel et serrant le cœur d'Aldaron qui lui ouvrit ses bras pour l'accueillir et tâcher de le calmer. Il fallut quelques petites minutes pour que les sanglots diminuent : « Est-ce que tu te souviens de qui est entré ? » Les sanglots reprirent mais le Nywin lui avait répondu un 'moi' désespéré. « D'accord, tu es entré, et ensuite ? Qui d'autre ? » Dans le charabia et les pleurs, il crut comprendre que c'était la femme de chambre qui était revenue. « C'est elle qui a fait du mal à l'elfe de la Loge ? » L'immaculé répondit par la négative, pleurant de plus bel, en appelant aux Déesses et implorant leur aide.

    « Dans ce cas, qui était avec l'elfe quand tu es entré ? » Le Nywin eut un tremblement sauvage, puis releva la tête, allant se perdre dans le regard de la Triade, ou y chercher la force. « Personne... Il n'y avait personne d'autre, juste l'elfe. Il n'y avait plus personne, c'est pour ça que je suis entré. J'ai attendu que... Seul... Femme de chambre partie et... Et faim... Tellement faim... Tellement, tellement... Pitié, Déesses... » Il repartit dans une longue litanie de prières implorantes, des propos tantôt en langue elfique, tantôt en langue commune. Et des larmes, beaucoup de larmes. Néanmoins, le peu qu'il avait entendu le laissait déjà deviner ce qui n'avait pas été dit clairement. Le Nywin implorant, si maigre, si traumatisé, lui rappelait ce qu'il avait retrouvé de Morneflamme mais aussi, plus récemment, des vampires brimés pour leur Faim meurtrière, celle qui faisait d'eux des monstres, alors qu'il souffrait d'une Faim terrible, contre laquelle ils essayaient de lutter, par éthique, parce que tuer ou être dépendant, c'était mal. Son regard coula vers Osborn, qui, tendu, avait l'air de revoir Morneflamme lui aussi. Puis il posa un regard flou sur son fils avant de revenir sur le Nywin : « Est-ce que c'est toi qui l'a tué ? » lui demanda-t-il mais il ne récolta qu'atroces tremblement de la part de l'immaculé. « J'ai juré de te protéger, Voronwë. Tu te souviens ? Je t'ai dit que c'était fini. Quoiqu'il se soit passé. Alors, réponds-moi. » Le Nywin acquiesça de la tête avant de reprendre : « J'avais faim... Faim... J'ai mangé... Magie, je ne voulais pas.... Je ne voulais pas le tuer, juste... Juste manger, pardon, je vous en prie... Pardon. »

    Les gardes s'étaient raidis à l'aveu, main sur leur arme, bien qu'Aldaron crut bien comprendre qu'il s'agissait plus d'éloigner un meurtrier de la Triade. Oh s'ils savaient comme il était lui-même un meurtrier pire encore. Osborn, lui, savait : « Non. » gronda-t-il, le visage tiré de colère, crocs saillants, à l'intention des gardes. Son regard coula vers le Capitaine pour que celui-ci donne l'ordre de ne rien faire. « Toi-même tu sais ce qu'on devient quand on a faim. » A Morneflamme, oui, il savait très bien quel genre de monstre on devenait, contre son gré, par la faim. Il serra le Nywin contre lui, veillant à le réconforter, extrêmement paternel, le temps que les gardes se détendent. Il vint reprendre le visage du Sainur en coupe, dans ses mains, l'intimant à le regarder droit dans les yeux : « Est-ce que tu en as tué d'autres ? » La réponse fut négative et sous le regard de braise du dragonnier, il était impossible de mentir. Il poussa un soupir, soulagé pour moitié et posa son front froid contre celui encore tremblant du Nywin. « Prenez-note. » fit-il au scribe de la garde qui ne rechigna pas à prendre plume et parchemin. « Par les pouvoirs judiciaires dont le peuple de Caladon m'a investi, moi, Aldaron Elusis, entend les confessions de Voronwë Ardamírë, de nationalité Rosëenne, pour des faits d'homicide involontaire ayant eu lieu sur le territoire de Caladon. Notez la date et l'heure. » Il lâcha le visage de Voronwë pour venir prendre ses mains. Il cherchait et pesait ses mots, laissant, de fait, aussi du temps pour que le scribe prenne note correctement. Nahui, elle, était à son observation des corps et faisait le lien avec ses propres découvertes, car, à vrai dire, il ne restait que deux grosses possibilités.

    Soit le problème était les immaculés qui, abandonnés à leur dépendance et à leur Faim de magie, commençaient à être un danger pour la population. Néanmoins, l'état dans lequel se trouvait le Nywin et l'absence de victime en dehors de Caladon, le laissait penser qu'il s'agissait plus d'un trafic de drogués qu'on avait libérés dans la nature comme des armes. La façon de procéder était la même, les victimes se ressemblaient toutes parce qu'elles étaient mangées de la même manière. Et pour être tout à fait honnête, concernant l'absence d'effraction et de lutte, il devait avouer que si un jeune aussi maigre avait frappé à sa porte en demandant à manger, Aldaron l'aurait lui-même fait entrer, tout papa-poule qu'il était. Soit il s'agissait d'un incident extérieur : il y avait bien un tueur en série et le Nywin avait reproduit fortuitement son mode opératoire. Les victimes n'étaient pas vidées de leur vie : elles étaient vidées de leur magie jusqu'à en mourir. Dans tous les cas, Voronwë avait bel et bien commis un meurtre, qu'il soit une arme ou non, il était tout aussi responsable qu'un vampire succombant à sa Faim avec trop d'ardeur. De la même façon qu'Aldaron réclamait qu'on aide les vampires à se nourrir sans qu'ils n'aient à tuer, il allait falloir sérieusement se pencher sur les Sainurs et leur apporter une solution de sevrage et de maîtrise, pour leur bien et pour celui du reste de la population. Dans tous les cas, également, la confession sincère et prompte du Nywin les aiderait à résoudre cette affaire, car ils avaient fait un pas en avant et qu'ils avaient d'autres meurtres à résoudre. « Je le condamne à une servitude temporaire envers l’État de Caladon, qu'il exercera auprès de moi-même, jusqu'à ce que dette soit légitiment soldée. La durée de sa dette pourra être réduite en fonction des retombées de l'enquête portant sur les homicides multiples qui sévissent actuellement à Caladon. »

    Il leva le regard vers Osborn pour obtenir son approbation silencieuse, avant de poursuivre : « En outre, la coopération de Voronwë Ardamírë est saluée, car la promptitude des aveux est la marque d'une volonté sincère de se racheter. » Il passait évidement sous silence que la prestance d'Aldaron y était probablement pour quelque chose, dans la rapidité de ces aveux, mais il n'était pas homme à se couvrir de lauriers. Il en utilisait plutôt les branches pour couvrir les têtes de ceux qu'il estimait le mériter. « Il s'engage à suivre les règles que je lui imposerai et qui l'aideront à maîtriser, progressivement sa Faim, afin que jamais plus une pareille tragédie ne se reproduise. C'est entendu ? » Il plongea son regard dans celui du condamné afin d'obtenir son approbation, face à ces dispositions. Il lui adressa un fin sourire, confiant, car s'il côtoyait le cercle des aînés et des parents vampiriques responsables : le remettre sur le droit chemin pouvait s'envisager. Un éloignement d'Ipsë Rosea, ville de magie, serait sûrement salutaire pour ne pas le soumettre à la tentation et Aldaron tiendrait ses engagements. « Bien... Il va falloir que tu m'expliques pourquoi tu es dans cet état. On ne te donne pas à manger à Ipsë Rosea ? Est-ce que tu veux que j'écrive à tes parents, pour les prévenir ? » Néanmoins son visage se figea et il se leva, tendu : « Osborn, à la morgue. Il y a... » Mais il n'alla pas au bout, focalisé qu'il était sur ce qu'il semblait voir à distance, à travers les perceptions de Nahui. Il se leva et appela Foudre-Eclat dans sa main droite, prenant une flèche de l'autre. Il concentra tous les glyphes de son arc à l'exception de celui, funeste, qui faisait verser les larmes de Morneflamme. S'il tirait sur un autre pauvre Nywin, il n'avait pas envie de le traumatiser. La flèche partit, droit dans le mur, mais au lieu de s'y figer... Elle le traversa.


Spoiler :

description[INTRIGUE] Question de morale EmptyRe: [INTRIGUE] Question de morale

more_horiz
Outrage à soldat ? OUTRAGE À SOLDAT ? Abasourdi, je n’en croyais pas mes oreilles. J’étais tombé sur les seuls gardes caladoniens incorruptibles… C’était un comble tout de même que dans la ville où l’argent était roi, c’était l’honneur militaire à laquelle je me confrontais ! À moins que... à moins que le garde n’est été formé à Délimar ? Assistais-je finalement aux progrès de l’Alliance ? Ou bien était-ce encore une fois une ultime preuve qu’Aldaron n’était ni plus ni moins que le gourou d’une ville entière ? L’absurdité de la situation m’ôta les mots de la bouche, moi qui d’habitude n’avait pas ma langue dans ma poche. J’avais décidément tout vu et tout entendu aujourd’hui… Et je ne parlais même pas des conseils draconiques. Qu’est-ce qu’elles y connaissaient aux affaires bipèdes hein ? Elles avaient encore un bout de coquille sur la truffe et elles se permettaient de me juger ? CERTES, c’était des conseils sensés, mais tout de même. Je ne supportais pas de recevoir des conseils de morveuses qui m'arrivaient à peine au bassin. Entre l'autre écaille givrée qui me pressait de me calmer et l'autre pitaya cryptique et son histoire d'équilibre… J'étais un jongleur, illusionniste, transformiste et contrebandier à mes heures perdu, j'étais déjà en équilibre entre mensonges et vérité !
Et puis… et puis … et puis zut à la fin ! Cette journée allait de travers, tout allait de mal en pis…
Soudain fatigué, je construisis un petit tabouret glacé avant de m'y asseoir et fourrer ma tête dans mes mains. Ironiquement, la neige que produisait le petit nuage qui se formait au dessus de moi, ne me faisait aucun effet pour calmer la migraine qui me martelait le crâne. Je me savais prompt à des changements d'humeur, tels autant de reflets prismatiques à travers des cristaux de glace. C'était plus fort que moi et pourtant, en cet instant, je me sentais tout simplement las. La fatigue, la peur, la colère, le désir de vengeance et de justice avaient eu raison de moi et mon masque de froide indifférence teinté d'orgueil démesuré venait juste de se fissurer pour finalement éclater en sanglots. Entre mes doigts se mirent à dégringoler des petits grêlons de larmes alors que mes pensées se tournaient vers Laïos et son corps gisant dans ces 4 murs de pierre froide. Je me sentais si impuissant, si … inexpérimenté. Ironiquement, le clown n'était pas Sah, mais bel et bien moi. Laïos lui n'était jamais exubérant. Bien qu'agissant dans mon ombre, il était pourtant bien meilleur sur bien des points… et pourtant. Et pourtant c'était lui qui avait subit le baiser de Mort et non moi. C'était injuste. Il avait payé pour mes propres mensonges.

Les yeux rougis, je finis par redresser la tête. Sa mort ne devait pas être veine. Je ne pouvais plus prendre sa place face à cette mort tragique et stupide, mais je pouvais encore le venger, trainer la raclure qui s'en était pris aux Bonaventure.

-Sah lèves-toi, on va entrer qu'ils le veuillent ou non. Je laisserai pas Laïos impun… quoi ?

Les sourcils froncés, je regardai le mime signer sa stupeur. Mon langage des signes étant un peu rouillé, peu habitué à ce qu'il s'exprime, j'en compris néanmoins la teneur.

-Comment ça "regardes-toi ?"

Et diantre que se passait-il avec ma voix ? Fouillant dans mes poches, je ne trouva pas mon miroir. Bien sûr… N'ayant pas eu de raisons de ramener Elza dans cette affaire, j'avais laissé mon matériel de maquillage dans ma tente… Excédé par ma propre bêtise, je formais un petit miroir de glace. Il était loin de mon chef-d'œuvre, Spiegelseel, mais au moins était-il fonctionnel. Et ce que j'y vis me perturba. Laïos. Que faisait Laïos à la place de mon reflet ? Et cette main qui tenait le miroir, c'était la sienne et non plus la mienne ! Puis enfin je compris. Je lâchai un petit "Ho." avant de sourire. J'avais entendu parlé du lien privilégié que l'Archipel entretenait avec les Esprits. J'avais moi-même ressenti le Léopard comme jamais auparavant. Et à présent… le Serpent me faisait l'honneur de m'avoir choisi comme représentant. L'image de Laïos, si vivace dans mon esprit et mon cœur, avait finalement interpellé l'esprit reptilien. Et ce n'était pas pour me déplaire.

Cependant… Je ne puis profiter de cette découverte bien longtemps. Pour la première fois depuis très longtemps, un froid glacial me coula le long de l'échine. Magie ? Instinct ? Jalousie du Léopard ? Je ne sus dire ce qui me fit me retourner à la recherche de cette sensation désagréable. Mais peu importait ce que cela pouvait être, cela me sauva peut-être la vie. Tombant nez-à-nez avec un oreilles-pointues, rien ne me prépara cette violence aussi soudaine qu'improbable.

Instinctivement, alors que le premier coup d'une longue série m'atteignait, je levai les bras pour protéger mon visage. Bon sang de bon cygne ! C'était mon outil de travail tout de même ! Et alors que luttais de toute mes forces pour invoquer un semblant d'armure de glace, dont les bruit de cassures se mêlaient avec ceux de mes os, je sentis la plus effroyable, incroyable, inconcevable, tout plein d'adverbes en -able, des douleurs dans mon cou. La sensation était terrible. La lave d'un volcan liquéfiant les entrailles d'un glacier n'aurait suffit à décrire la douleur qui m'assaillit en cet instant. Puis, d'un coup d'un seul, c'était terminé.
La vision obstruée de petits flocons de noirceur, je rassemblais peu à peu l'assemblage de ma mémoire. La mine inquiète, non, carrément paniquée de Sah m'observant en plongée m'indiquait que je me trouvais au sol. Tournant légèrement la tête, un mage-lame d'Aldaron me rendit mon regard, une barre soucieuse sur le front. La bouche aussi asséchée qu'une méduse échouee sur une plage de Keet-Tiamat,je glissai, à travers les méandres brumeux de mon esprit secoué :

-Hey… elles seraient pas un peu… violentes vos amendes à Caladon, hein ?

Visiblement satisfait que mon humour douteux et donc ma santé mentale était intact, le garde put relâcher ses efforts pour me remettre à peu près sur pieds. Visiblement, j'avais repris mon apparence, comme le témoignait ma longue queue touffue aussi inanimé sur le sol, telle une ficelle usagée jetée sur la chaussée.
Reprenant finalement contenance, je finis par me relever et Sah me supportant -et qui n'allait plus me lâcher d'une semelle, toute armure de Pangolin déployée-, je titubai vers les gardes qui avaient maîtrisé mon agresseur. Au parfait moment, les dracènes sortaient du bâtiment. Cette fois, j'avais assez donné de ma personne pour exiger d'assister à l'interrogatoire de ce fou furieux...

directives :

description[INTRIGUE] Question de morale EmptyRe: [INTRIGUE] Question de morale

more_horiz
« Vous désapprouvez ? »

Ouch, son père ne semblait pas avoir aimé ses quelques remarques sur les menaces évoquées. Ilhan manqua se tasser sur place sous ce regard inquisiteur et ce ton faussement soyeux. S’il parvint à garder un maintien droit et digne et à ne pas ciller sous cette réprimande à peine voilée, il préféra toutefois garder silence et lèvres closes. Et s’esquiver à une tâche urgente. Non, ce n’était pas une fuite, mais un repli stratégique, dans tous les sens du terme. Et il espérait secrètement que cette action stratégique les aiderait quelque peu… peut-être cela adoucirait-il un peu les remontrances paternelles ? Étrange et déroutant de se sentir si touché, presque blessé, d’avoir attirer la réprobation de son père vampirique. Il était censé être un adulte mature et expérimenté, mais en son coeur et son esprit, il se sentait comme un enfant ayant tout à apprendre. Un enfant qui cherchait à comprendre, et à faire plaisir à son paternel, à lui plaire, à être digne de lui… comme il cherchait à être digne de sa Reine. Oui, étrange et déstabilisant sentiment.

C’est sur ces pensées qu’il revint sur ses pas et expliqua pourquoi il avait fait faux bond à la discussion qui s’engageait. Que son paternel ne croit pas qu’il se défilait… Même si…

À la mention d’une guerre ouverte que Delimar aurait pu déclarer insidieusement, Ilhan sentit une sueur froide lui parcourir l’échine, et aurait bien aimé s’enterrer mille lieux sous terre pour échapper à ce regard inquisiteur. Ces orbes de jais ne ployèrent pas sous cette pression, et parvinrent à rester ancrés aux perles claires d’Aldaron. Toutefois, les éclats d’or qui y pulsèrent soudain indiquaient clairement l’agitation qui le touchait, les émotions qui se chamaillaient en lui, le malaise que lui inspirait la sensation d’encore avoir déclenché une réprobation quelconque. Il savait, en venant ici, que la situation diplomatique était devenue complexe entre les deux cités de l’alliance. De même qu’il savait devoir gérer un possible incident diplomatique, sous quelque prétexte que ce soit. Sauf que… il n’était pas bien sûr d’en être réellement capable, et doutait encore d’être l’homme, ou plutôt le sainnûr, de la situation. Non, vraiment, qu’est-ce que Tryghild avait bien pu penser pour l’envoyer ici ? Elle avait eu beau lui soutenir que ce don était ancré en lui, chaque instant de cette enquête lui faisait douter.

Là encore silence fut le seul écho qu’il offrit à son père, incapable de lui répondre, la gorge nouée, les mots étouffés incapables de sortir. Il suivit en silence, jusqu’à ce qu’il reprenne un peu le dessus sur ses émotions chamboulées pour intervenir à son tour. Il laissa Aldaron reprendre les rênes de la suite, se sentant lui-même un peu désemparé face à la scène de crime qui se dévoilait soudain sous leurs yeux. Ilhan sentit un profond malaise monter en lui, et peina à se concentrer sur ce qu’il voyait et observait. Son imagination grimpait à folle allure et lui faisait voir tous les fils des possibles de ce qui avait pu se passer. Il imaginait la violence, la peur... Tant et si bien qu’il préféra se concentrer sur la voix de son père qui lui donnait ses impressions. Bien mal lui en prit… car Aldaron ne fit que confirmer ce que son imagination avait conçu. Enfin en partie…

Un mot entre tous résonna en Ilhan d’une bien étrange façon. Fanatique. Ils auraient donc affaire à des fanatiques. Des fanatiques semblant agir contre des mages. Aussitôt ce simple mot, cette simple association, évoquèrent bien des choses en lui. Du fanatisme, il en avait vu beaucoup, même depuis le petit mois où il avait vécu sa renaissance. Delimar tout entière en était imprégnée d’une certaine façon. Le fanatisme en l’honneur, le fanatisme en l’art guerrier… mais aussi le fanatisme anti-magie. Il y avait le fanatisme de certains anciens almaréens encore adeptes du Néant, même si dépourvus des pouvoirs de leurs dieux alors, et même si le Serviteur revenu en était tout autant dénué, devenu mortel parmi les mortels… Il y avait aussi le fanatisme des Brise-Sorts, adeptes du contrôle de la magie, dans tous ses usages et tous ses aspects. Au point d’en avoir maitrisé totalement la magie de contrôle…

Un but, un seul… les mots faisaient toujours écho en Ilhan, d’une façon tout à fait désagréable. Il entendit son coeur s’accélérer légèrement et dut ancrer sa volonté pour ne pas chavirer de peur et se laisser tomber sur le lit, sous la pression et l’étau qui l’enserraient toujours de plus en plus fort à mesure qu’ils découvraient des choses. Tuer l’elfe, mais pas le Nywin, tel aurait été le but ? De la peur, du désespoir, cela il pouvait aisément le concevoir. Lui-même en ressentait personnellement en cet instant, même s’il tentait de faire bonne figure. Son reflet dans une vitre lui indiqua toutefois qu’il était un peu trop pâle pour être honnête. Il préféra donc détourner son regard de ce traitre miroir et reposer toute son attention sur son père. Et ce qu’il lui disait.

Que deux rêves… donc seulement deux personnes ? L’elfe et le Nywin ? Hum… Le Nywin serait donc le tueur de l’elfe ? Il était décrit comme désemparé… un tueur en série ne serait en rien désemparé. Ou il jouait une comédie... ou autre chose se cachait sous cet imbroglio. Ilhan sentait soudain une migraine pointer le bout de son nez. Quelque chose clochait.

Soudain, son nom résonna dans la pièce et le sortit de ses pensées. Il tourna son regard sombre, de plus en plus teinté d’or, vers son père. La question qu’il lui posa l’interloqua, le heurtant de plein fouet. La loyauté d’un pirate de bas étage ? Mais de quoi parlait-il ? Oh… Loyauté… la conversation précédente. Son père parlait sans doute d’Ezel. Venait-il bien de lui révéler soudain qu’Ezel n’était en fait qu’un pirate plus ou moins sous couverture de son cirque ? Diantre ! Maudit soit-il ! Aussitôt Ilhan nota dans un coin de son esprit de lancer des araignées sur cette information. Si elle se révélait juste, hors de question de laisser des malfrats s’infiltrer de nouveau dans la cité de l’honneur. Toutefois une telle interdiction d’entrer nécessiterait des preuves étayées…

À cette information, Ilhan ne répondit toujours pas, toutefois, concevant cette question plus comme rhétorique qu’autre chose. Pour toute réponse, il plissa les yeux et crispa les lèvres en un signe de claire compréhension et d’expectative soudain empreinte de bien des suspicions. Et les propos qui suivirent ne firent que les attiser. Devait-il penser qu’Aldaron aussi était en lien avec les pirates ? Il avait déjà lu de pareils doutes de son ancien lui dans ses carnets secrets. Mais sans aucune preuve formelle. Était-ce là encore une insinuation de ce genre, à demi-mot ?

S’il le connaissait un peu ? Pour tout avouer, très peu. Mais il connaissait bien peu de monde au final, à commencer par lui-même. Ilhan Avente était tout autant un parfait inconnu que tous ceux qu’il croisait. Et cela, plus que tout, était la pire des afflictions. Et pour la première fois depuis leur enquête, l’althaïen baissa les yeux pour toute réponse, incapable de prononcer le moindre mot, incapable de sortir son esprit du marasme qui le préoccupait. Maudite soit son ignorance rance qui l’empuait à des lieux à la ronde ! Toutefois, quand Aldaron lui confia avoir envoyé une aide à ce Bonaventure de malheur, qui semblait s’être de nouveau mis dans le pétrin, Ilhan releva timidement les yeux et un pâle sourire étira ses lèvres, teinté d’une réelle sincérité et d’un soulagement non feint. S’il l’avait, un peu, écouté, et avait envoyé cette aide sous "ses conseils", c’est que son père ne lui en voulait peut-être pas tant que cela ? Oui, un soulagement sans nom l’envahit à cette petite pensée et apaisa un peu son agitation intérieure.

Et il put se focaliser sur la suite. Une puissante magie. Qu’Aldaron n’avait encore jamais rencontrée. Voilà encore un élément intéressant. Même si pour le moment tout semblait s’emmêler en un noeud inextricable de complexité jamais inégalée.

Un ambassadeur de la loge. Voulant s’attirer les bonnes grâces de Caladon. Cette information lui donnait envie de cracher sur la lettre. Mais Ilhan retint cet instinct primaire et puéril et préféra faire fi du sarcasme paternel, qu’il partageait pour tout avouer au fond de lui. On lui avait déjà reproché à quelques occasions un cynisme acéré. Cela ne seyait guère à un diplomate. Il avait pris la résolution de museler son esprit sarcastique. Avait-il hérité ce trait de caractère de son parent vampirique, songea-t-il abruptement ? Ou était-il déjà doté de telles prédispositions auparavant ? De ce qu’il en avait lu, après la mort de sa famille humaine, il avait réellement sombré dans un cynisme amer et sombre. Mais non, mieux valait ne pas surenchérir, quand bien même l’envie l’en démangeait. Il se contenta de déglutir, comme pour avaler les mots acérés qui lui venaient à lui aussi, et suivit son père du regard alors qu’il se penchait sous le lit. Il ne put toutefois retenir une grimace au nom de l’objet trouvé. Crâne de trooïka… Même lui, quasi nouveau-né, en avait entendu parler. Vaguement, mais assez pour savoir qu’il s’agissait d’un objet bien sombre. Comment donc un digne ambassadeur de la loge pouvait-il être en possession d’un tel objet ? Et surtout… comme le soulignait Aldaron…

Pourquoi diantre retrouvait-on un objet magique si puissant sur les lieux du crime de ce meurtrier en série, alors que toutes les victimes avaient semblé dépossédées de tels objets ? Quelque chose ne collait décidément pas. Deux sensations, alors qu’on présumait de trois personnes… Un objet magique retrouvé sur les lieux, alors qu’il aurait dû être absent… Quelque chose leur échappait.

Beaucoup de choses, en vérité, pensa Ilhan avec force cynisme à son tour. Et il ne put retenir un reniflement agacé, dépité, face à l’impuissance qu’il ressentait. Toutefois il ne lâcha pas le crâne du regard. Et quand Aldaron quitta la pièce… Ilhan traina légèrement le pas, d’abord discrètement, puis alors que son père filait à l’extérieur, il s’attarda un court instant.

Il se retourna alors dans la pièce et activa, avec force prudence, le glyphe de Murmures épiés de sa chevalière, qui permettait de révéler les sons et le passé d’une scène. Il se concentra sur le lieu et le moment présumé du meurtre, et focalisa toutes ses pensées, toute sa magie, dans sa demande, priant les Dieux pour que magie lui soit accordée et ne lui fasse pas défaut. Il sentit alors avec un soulagement certain le glyphe s’activer… pour se désactiver immédiatement. Il hésita un court instant à retenter l’expérience. Était-ce encore un incident magique ? Ou… Non, cela était tout autre chose, réalisa-t-il. Il avait déjà ressenti cela, cette magie, à Delimar. Notamment quand il avait failli déclencher un incident majeur peu de temps après son retour en tant que jeune immaculé. Cette magie-là entre toutes… pourquoi ne l’avait-il pas sentie, comprise, reconnue, plus tôt ? Son glyphe ne s’était pas désactivé par caprice de la trame… mais par une magie bien précise qui en contrôlait le flux ! La magie de contrôle ! Fichtre. La pire chose à laquelle il avait pensé se réaliserait-elle ? La magie maitrisée par les Brise-Sorts… elle en imprégnait le lieu, empêchant son glyphe de marcher… Mais elle était bien plus puissante que ce qu'il a vu précédemment en Delimar. Comment donc une telle magie avait-elle été apposée ici ? Et quand ? Lors du meurtre ? Avant ? Après ? En tout cas, à son grand damne, il y avait très certainement un lien.

Et rien que cette pensée lui donna un frisson, qu’il ne prit même pas la peine de réprimer. Étant seul, personne ne le verrait se laisser un peu aller, n’est-ce pas ? Maintenir tout contrôle lui était déjà délicat. Il lui fallait relâcher un peu de pression tant qu’il en avait un peu l’occasion. Mais il lui fallait maintenant retrouver Aldaron et vite, avant qu’il ne se perde. Il prit donc une profonde inspiration et sortit rapidement. Il aperçut Aldaron en conversation avec Osborn. Et happa rapidement du regard le garde portant le crâne. Il se hâta alors de le rattraper et le retint d’une main douce.

Vous permettez ? Nous aimerions finalement l’examiner nous-même, fit-il d’un ton posé, mais ferme.

Le garde le regarda un court instant sceptique, visiblement peu enclin à le lui laisser alors qu’il avait reçu des ordres précis du conseiller de Caladon, et de son ancien bourgmestre. Ilhan coula alors un regard entendu au garde, puis vers Aldaron, et reporta de nouveau son attention sur le garde.

Je suis avec votre conseiller. Vous m’avez vu l’assister quand il examinait la pièce, insista-t-il, toujours de son ton le plus courtois, mais le plus déterminé.

Et il ne mentait en aucune façon. Tout dépendait de qui était le "nous" qu’il évoquait… Cela dut toutefois suffire au garde qui, en un soupir, lui tendit l’objet. Ilhan lui offrit son sourire le plus charmant tout en attrapant la sombre relique. Et remercia intérieurement le garde de l’avoir enveloppée d’un tissu pour ne pas avoir à le toucher à mains nues. Rien que de le tenir ainsi, il en avait la nausée.

Puis, glissant rapidement la relique sous sa cape, il s’empressa de rejoindre Aldaron en courant légèrement, aussi discrètement que possible. Il se posta juste derrière lui, offrant son sourire le plus avenant à Osborn, l’air de rien. Cachant son très léger essoufflement.

« Tu le sais. Laisse-moi t'aider, ces massacres doivent cesser. »

Sur le coup, Ilhan ne comprit pas trop où ils allaient. Mais dès qu’ils entrèrent dans la chambre, il aperçut le Nywin. Il hocha la tête, en guise de salutation, quand bien même le pauvre être semblait incapable de comprendre quelque signe que ce soit dans l’état dans lequel il était. Bien, très bien même. Si Aldaron n’en avait pas eu l’idée, il aurait lui aussi suggéré d’interroger ce soi-disant témoin. Présumé innocent. Mais possible coupable. Pensée caustique qui s’envola toutefois aussitôt, quand il aperçut l’allure décharnée, et le regard vide, terne, du jeune, très jeune, immaculé.

« Tu as Faim ? »

Ilhan eut soudain envie de répondre oui. Il avait faim lui aussi. Il avait toujours faim. Mais se mordit la lèvre pour garder silence. La question ne s’adressait pas à lui, mais au Nywin. Et oui, il semblait bien affamé. Plus qu’affamé même. Et quand, à la question de ce qu’il voulait manger, seul le mot magie sortit, Ilhan ferma les yeux et frissonna de plus belle, sans même chercher à se contenir cette fois. Manger la magie… C’était bon, il devait bien l’avouer. Il l’avait fait une fois lui-même… avant qu’on l’enjoigne, qu’on lui ordonne même, de ne plus jamais le faire, sous peine de dure conséquence. Il avait obéi, jeune nouveau-né qu’il était, comme un enfant écoutant encore les conseils de ses parents. L’althaïen chassa toutefois ces souvenirs de son esprit et revint au temps présent. Il dut se forcer à rouvrir les yeux, peu sûr de vouloir assister à la suite de ce spectacle. Affreux spectacle qui se joua alors sous ses yeux.

Gargouillis et bafouillements incompréhensibles, totale perte de contrôle, affliction du corps et de l’esprit, perte de tout sens commun… l’être en face de lui semblait ne songer plus qu’à une chose : manger de la magie. La faim, la faim vorace du manque cruel qui le rongeait. Ainsi telles étaient les âpres conséquences de se laisser aller à ce genre de gourmandise ? Ilhan déglutit à cette pensée et détourna légèrement les yeux, dans un soudain souci de pudeur. Ne jamais devenir ainsi, pria-t-il en son for intérieur. Ne jamais, que les Dieux l’en préservent, devenir ainsi, ne jamais céder à la tentation et se détourner de ce mal.

Il observa Aldaron du coin de l’oeil, et hésita un court instant quand il les invita à mettre leur magie dans le bassin. S’il mettait la sienne, aurait-il faim ensuite ? Céderait-il lui aussi ? Deviendrait-il… Mais il chassa aussitôt ses pensées égoïstes et cette peur viscérale qui le happait. C’était futile et puéril de penser ainsi. Jamais il n’aurait aussi faim que le jeune Nywin. Jamais il ne serait dans un tel état, car toujours son père ou les siens veilleraient sur lui, comme ils avaient toujours veillé sur lui jusque-là. Il pouvait bien… donner un peu de lui ? Un peu de sa magie ? Et d’une main tremblante, il la posa dans le bassin pour donner une part de la magie qui l’imprégnait. Il donna d’ailleurs bien plus qu’il ne l’avait songé au début. Mais le regard désemparé, apeuré, de son frère de race, si ce n’est de sang, eut raison de ses dernières réticences égocentriques.

Il détourna toutefois le regard quand le Nywin festoya de ce repas. Trop apeuré de se sentir lui aussi tenté, alors qu’il songeait au doux mets que cela devait être… Heureusement, quelque chose attira son attention. Un chuchotis. Là, venant de son anneau. Heureusement, magie voulait bien fonctionner ici et l’anneau lui parlait. Une araignée revenait avec un renseignement… Et quel renseignement ! Il se racla la gorge simplement pour toute réponse, trois raclements suivis de deux, faisant comprendre à l’araignée qu’il avait entendu, mais qu’il ne pouvait répondre. Il entendait en parallèle la voix d’Aldaron encourageant le Nywin à y aller plus doucement, mais écoutait d’une oreille distraite. Son esprit entièrement focalisé sur ce qu’il venait d’apprendre. Puis soudain un deuxième chuchotis se fit entendre à l’anneau. Une deuxième information, d’intérêt elle aussi, même si plus sommaire. Il se racla la gorge de nouveau, même rythme, même code, et offrit un sourire d’excuse à son père quand il se retourna vers lui. Le Nywin semblait presque rassasié et commençait un peu à ralentir le rythme quand un garde entra.

Enfin… Plutôt devait-il dire une araignée déguisée en garde. Elle chuchota une demande à son confrère posté près de la porte puis se dirigea discrètement vers lui. Et lui chuchota à nouveau une information cruciale. Au sujet de leur Immaculé désemparé.

Le petit Immaculé que vous avez trouvé a été porté disparu voilà exactement trois mois par la caravane dont il faisait partie et qui revenait de Sélénia vers Ipse Roseä, chuchota l’araignée déguisée. Il s'agit d'un enfant de noble lignée. Il est le vingtième Immaculé porté disparu au sein de Calastin. Mais il est le seul qui ait pu être retrouvé jusque-là. Aucun autre des immaculés disparus n'a été retrouvé.

Ilhan hocha la tête et le remercia d’un sourire et d’une poignée de main, tout en faisant pression avec son pouce en deux endroits clés en message codé. Merci. Bon travail.

Et aussitôt le garde disparu. Ilhan nota pour lui de signaler à ses araignées de faire montre de plus de prudence en présence de vampire. Nul doute qu’Aldaron ait entendu cette information rapportée. Quand bien même il était déjà clairement établi que l’althaïen allait partager avec lui tout ce qu’il pourrait trouver.

Pendant ce petit intermède, le Nywin avait enfin fini de manger et Aldaron commença un interrogatoire, à la fois tout en douceur et d’une fermeté exemplaire. Ilhan écouta avec avidité tout l’échange… et peina à réprimer l’appréhension qui montait peu à peu en lui. De plus en plus, des prémices d’hypothèse se dessinaient en lui et ce qu’il entrevoyait ne lui plaisait pas du tout du tout. Et il se joignit intérieurement aux prières du Nywin envers les Déesses, envers les Dieux tout compris.

Personne avec l’elfe. Le Nywin seul. Il avait faim. Avait mangé. Avait mangé la magie de l’elfe. Et l’avait tué. Toutefois, un Nywim désemparé n’avait rien à voir avec un tueur en série. Ce Nywim n’avait pas été le seul porté disparu. D’autres avec lui. Étaient-ils chacun un des tueurs au final ? Mais en ce cas, était-ce simplement des "accidents" ? Non, cela ne collait pas. Pourquoi des affamés déroberaient ensuite des objets ? Ils les auraient vidés de leur magie aussi plutôt non ? Et cette magie du contrôle de tout à l’heure… Et le Nywim confirma n’avoir pas tué d’autres victimes. Était-ce un cas isolé ? Ou tenaient-ils là un semblant de mode opératoire ? Affamer des Nywin pour les relâcher sur des cibles à tuer ?

Oui, cette hypothèse se dessinait, de plus en plus forte, de plus en plus âpre. Ilhan avait la soudaine envie de se détourner, de fuir, de partir loin, très loin, de retourner à l’abri à Delimar, de… À l’abri en Delimar ? Mais si son hypothèse était vraie, le serait-il vraiment ? Rha, il voulait juste être loin de tout cela. Loin de ce spectacle qui lui montrait, en une cruelle vérité, ce que lui, Immaculé qui ne voulait se l’avouer, risquait s’il cédait aux mêmes vices. C’en était déstabilisant, affolant. Désespérant. Il avait peur soudain, et peina à contenir les larmes qui lui montaient, en écho de ce qu’il ressentait pour le Nywin. Oui, le Nywim avait tué. Mais à son humble avis, le Nywim avait été manipulé. Et si l’hypothèse qu’il entrevoyait s’avérait… il se sentait presque trahi. Manipuler ainsi cette race nouvellement née… et pourquoi ? Pour détourner l’attention ? Pour les faire accuser peut-être… leur faire porter le chapeau, la faute, et qu’on pointe du doigt les êtres comme lui ? Oui, il avait envie de pleurer. Et plus encore en songeant que si son hypothèse était exacte, il devrait ensuite gérer un sacré imbroglio… sans savoir même s’il avait vraiment été trahi par ceux mêmes qui l’avaient envoyé ici.

Il peina à reprendre contenance et dut inspirer et expirer profondément plusieurs fois pour ne pas céder aux vives émotions qui l’agitaient. Et alors qu’il reprenait peu à peu pied, et que la scène elle aussi semblait se calmer, autant en émotions qu’en tension, il vit soudain son père se figer, se tendre… et sortir son arc. Ilhan sursauta aussitôt et se tourna vers ce que ciblait Aldaron, les mains en avant en une position purement défensive, prêt à lancer le premier sort qui lui viendrait en tête. Mais son regard ne rencontra qu’un mur… et la circonspection s’empara plus encore de lui quand il vit la flèche tirée traverser ledit mur. Il se détendit pouce à pouce, très légèrement, et reprit une position plus posée, sans pour autant lâcher le mur des yeux. Il lui fallut un moment pour s’en détacher et tourner son regard pétillant d’or sur son père. Son arc. Son carquois et ses flèches. Le mur. Puis à nouveau son père. Des flèches sans doute glyphées elles aussi, elles sentaient la magie à plein nez maintenant qu’il s’y intéressait. Son sourcil circonspect s’abaissa. Mais l’inquiétude ne le quitta pas. On ne tirait pas une flèche ainsi sans raison.

Que s’est-il passé ?

Il avait à peine prononcé ces mots, qu’Aldaron leur expliqua rapidement la situation à la morgue. Il le rassura de suite également, la situation à la morgue semblait sous contrôle. Plus ou moins en tout cas. Un autre Nywin qui avait attaqué Bonaventure, ce maudit saltimbanque potentiellement pirate. Mais victime d’une attaque tout de même, se radoucit-il quelque peu en pensée. Un autre Nywin agresseur. Un Nywin neutralisé, qu’ils pourraient donc potentiellement interroger aussi et vérifier si le mode opératoire qui se dessinait dans son esprit se confirmait. Mais avant toute chose…

Avant toute chose, il avait bien des choses à dire à son père.

Puis-je… vous parler un moment ? chuchota-t-il d’une voix qu’il voulait assurée, bien loin de ce qu’il ressentait réellement. Seul à seul. En privé.

Se disant, il se dirigea vers la sortie et demanda une pièce isolée. On leur indiqua aussitôt une pièce, toujours identique, non occupée. Ilhan prit grand soin de fermer la porte derrière eux. Il resta un court instant tourné vers la porte, la main sur la poignée, à tenter de juguler de nouveau le flot d’émotions qui l’accablait. Après une profonde inspiration, il se tourna vers son père, laissant dans son regard transparaitre tout ce qu’il pouvait ressentir, pour un court instant. Peine, peur, accablement, incertitude. Cela ne dura que quelques secondes à peine avant qu’il ne chasse ces pétillements malvenus de ses orbes sombres et qu’il les affermisse de sa détermination. Se montrer digne. Digne de Delimar. Digne de son père.

Fort de cette résolution, il avança d’un pas, le port noble, presque altier, mais non hautain, et prit la parole, forçant sa voix à prendre des accents calmes et posés.

J’ai reçu nombre d’informations qui peuvent nous être intéressantes. Mais commençons par les informations les moins litigieuses.

Il se racla légèrement la gorge.

Je subodore que vous avez entendu ce qu’un des gardes m’a soufflé à l’oreille. Ce Nywin avait disparu il y a trois mois et n’est pas le seul porté disparu. Vingt autres le sont aussi. Mais il est le seul que l’on a retrouvé jusqu’alors.

Ving Nywin disparus. Pour l’instant douze morts. Et une treizième attaque. Devaient-ils redouter au moins sept autres crimes ? Ou plus encore ?

Mais j’ai également reçu deux autres informations. Par… d’autres moyens.

Il tapota légèrement son anneau des murmures. L’anneau maitre. L’anneau unique.

La première est qu’il y a une personne que l'on retrouve souvent près des scènes de crime ou liée aux scènes de crime en question. Une lyssienne qui habite près du canal et travaille comme assistante à la morgue. Elle se nomme Paoele Oo'kka. Mes... informateurs…

Il avait failli lâcher le mot araignées sous le feu de l’émotion.

Pensent qu'il serait bon de l'interroger, car il y a une vingtaine d’assistants à la morgue et c'est pourtant elle qui s'est occupée de tous les corps. Tous les corps…

Il laissa à Aldaron le temps de digérer l’information.

Peut-on penser qu’il s’agisse de la lyssienne qui a accueilli la jeune dragonne ? Si j’ai bien tout suivi… Ou la lyssienne l’ayant accueilli était-elle apparentée aux victimes ? Nous devrions aussi nous renseigner sur la question. Je vous avoue que…

Il s’humecta les lèvres, peu confiant, et baissa légèrement les yeux.

J’ai une possible hypothèse concernant cette lyssienne liée à la morgue. Mais je vous en ferai part, une fois que je vous aurais donné tous les éléments en ma possession si vous le voulez bien. La deuxième information ainsi obtenue est que notre charmant…

Il ne put empêcher le sarcasme de filtrer et se mordit la langue pour retenir d’autres propos acerbes et malvenus.

que notre diplomate elfique de la loge était de vieille noblesse elfique et était réputé pour penser que sa puissance magique et son rang étaient au-dessus de tout. De plus, il avait tendance à aimer collectionner des objets "sombres". Comme le crâne de Trooïka que nous avons retrouvé, ou les médaillons de beauté…

Il renifla légèrement, alors qu’il s’approchait de révéler la dernière information qu’il avait trouvée lui-même.

Enfin… j’ai tenté de voir la scène passée par un des glyphes que je possède.

Il montra sa chevalière à sa main droite.

J’espère que vous me pardonnerez ce petit… intermède. Le glyphe s’est activé… pour se désactiver aussitôt. J’ai songé à un incident magique, même si la magie s’est grandement stabilisée depuis peu. Mais…

Il hocha la tête négativement.

Mais je suis quasi sûr qu’il ne s’agit pas d’un incident. Le glyphe aurait parfaitement marché. Mais il a été neutralisé par une forme de magie particulière. Que je connais assez bien pour en avoir déjà été témoin, quand bien même c’est une magie que je ne peux maitriser. La magie…

Il inspira, un étau enserrant sa poitrine et comprimant les mots qui peinèrent à sortir.

La magie de contrôle. C’était toutefois bien plus puissant que tout ce que j’ai pu voir la concernant jusqu’alors. La magie de contrôle. La magie utilisée par les Brise-Sorts.

Se disant, il peina à ne pas se mordre les lèvres.

Ne sautons toutefois pas aux conclusions hâtives, je vous en prie. Vous…

Il déglutit. Se racla la gorge. Et raffermit son maintien.

Vous parliez tout à l’heure d’être heureux de ne pas avoir à gérer d’incident diplomatique. Je puis vous assurer…

Pieu mensonge, lui qui n’était en cet instant assuré de rien du tout !

que si mon hypothèse est juste, Delimar n’est en rien complice de toute cette sombre affaire et décline tout lien avec ces meurtres. Je ne serais pas ici, avec vous, si tel était le cas.

Vraiment ? lui susurra une petite voix mesquine en son esprit, qu’il s’empressa de faire taire. Le doute n’avait pas de place en cet instant. Il ne pouvait vaciller, il devait se montrer ferme et résolu. Il devait garder foi en Tryghild. Si ce n’était en Delimar.

Il n’en menait toutefois pas large. Il prit une profonde inspiration pour exprimer alors pleinement l’hypothèse qui se dessinait en son esprit et le tourmentait depuis le début.

Delimar fera tout pour aider à résoudre cette situation des plus sombres, qui semble menacer, au-delà de la vie de nos concitoyens, la paix que l’Alliance a su forger. Je suis déterminé à mener cette mission jusqu’au bout, si vous m’acceptez toujours à vos côtés, bien entendu.

Alors qu’il prononçait ses mots, des larmes traitresses manquèrent lui monter aux yeux. Il parvint à les retenir, mais ses yeux pétillèrent d’or. Et de discrets filaments de couleur cuivre commencèrent à s’infiltrer hors de son col pour former deux grandes ailes filamenteuses dans son dos, valsant en un rythme spastique. Des filaments dont il ne prit pas même conscience, tant il était focalisé à garder contenance et à faire front.

Et au sujet de ma détermination à vous aider, j’aimerais vous suggérer une… âpre… douloureuse… hypothèse qui prend forme en mon esprit. Selon moi, je songe que, malheureusement, les Brise-Sorts de Caladon, un d’entre eux du moins, est fortement impliqué. La magie du contrôle que j’ai sentie, votre ressenti de fanatisme, des mages s’attaquant à des mages comme dans un but punitif… des objets magiques qui disparaissent… Ce Nywim affamé… porté disparu… puis réapparu pour commettre un meurtre sous l’emprise de la faim. Là encore, je ne connais qu’une magie capable de priver un lieu, et un être, de toute sa magie, au point d’affamer un être magique tel que…

moi

Lui. Je pense… j’aimerais me tromper…

Ses filaments valsèrent violemment dans l’air, et manquèrent presque de crépiter d’énergie. Mais toujours inconscient du phénomène, l’althaïen poursuivit, sans perdre de sa fausse superbe :

Je pense donc qu’il s’agit d’un ou de Brise-Sorts. Qu’ils capturent des Sainnûr, qu’ils les enferment en un lieu privé de magie, grâce à leur magie de contrôle…

Les larmes manquèrent de nouveau le trahir et sa gorge se noua sous l’horreur qu’il décrivait et qui le glaçait. Les mots, ainsi prononcés, donnaient une vérité tellement tangible à ses doutes qu’il n’avait jusque-là que pensés…

Puis une fois affamé, le Nywin est relâché sur une cible, que le ou les Brise-Sorts impliqués veulent condamner, dans leur fanatisme aveuglé.

Il ne put empêcher sa voix de prendre quelques tonalités acerbes toutefois. Sa colère commençant à vibrer en lui, en même temps que sa peur et sa peine.

Les objets magiques sont ensuite dérobés, par un possible complice. Notre lyssienne chargée des corps ? Puis le Nywin est de nouveau recapturé ? Préparé à un autre meurtre ? Ou est-il destiné à être tué ? Je ne sais pourquoi…

sa gorge se noua définitivement et il dut inspirer pour reprendre la parole.

Pourquoi juste des Nywin comme arme. Sans doute… pour nous… les accuser. Voilà en tout cas mes hypothèses. Peut-être vous semblent-elles… affligeantes, déconcertantes, tirées par les cheveux, sorties tout droit des tribulations néantiques, mais…

Il était sûr de toucher du doigt quelque chose.

J’aimerais explorer cette piste. Je pense d’ailleurs qu’il y a encore quelque chose qui nous échappe. Vous avez parlé de deux sensations, du fanatisme, ce qui correspond parfaitement à l’esprit d’un Brise-Sort, et de la peur. Mais je doute que le Nywin soit un Brise-Sort. Vous auriez dû sentir trois sentiments… et pourquoi le crâne est-il resté ? Peut-être celui qui manipule les Nywin dans l’ombre a-t-il été interrompu ? Et n’a pas pu finir son œuvre ? Quelque chose nous échappe. J’aimerais… interroger cette lyssienne travaillant à la morgue. Vérifier s’il ne s’agit pas d’une Brise-Sort infiltrée. J’aimerais vérifier s’il s’agit de la lyssienne ayant accueilli la dragonne. J’aimerais qu’on interroge aussi le Nywin capturé, que l’on vérifie s’il est aussi…

Non pas coupable… pour lui, ces Nywin ne l’étaient pas.

Victime, chuchota-t-il presque, de ce qu’on l’a possiblement forcé à faire. Je me dois de rapidement contacter Tryghild Svenn, notre Intendante, si vous l’acceptez.

Il sortit alors son carnet resonare de sa poche. S’empressa d’attraper une plume et l’encrier posé sur la table qui était mis à disposition dans chaque pièce pour les invités. Et aussitôt il écrivit ces quelques mots, laissant Aldaron lire ces mots s’il le désirait, pour lui montrer sa volonté de ne rien lui cacher.

" Possible piste en vue concernant les crimes à Caladon. Suspicion de Brise-Sorts impliqués. Aucune preuve tangible, tout n’est qu’hypothèse. Mais la piste pourrait devenir sérieuse. Seul le conseiller Aldaron est pour l’instant dans la confidence. Aucune autre instance officielle n’en est informée pour le moment. En attente de preuve tangible avant de déclencher de possibles incidents diplomatiques. Attends vos instructions et de possibles mesures d’aide. "

Sur la fin, sa main trembla et il lutta pour la raffermir quand il ferma le livre.

Son jumeau est en possession de Tryghild et seule elle pourra lire. Je doute qu’elle nous réponde immédiatement. Et maintenant, je souhaiterais…

Il déglutit et baissa la tête, peu enclin à subir la foudre paternelle, surtout après tout ce qu’il avait osé révéler et tout ce que cela impliquait, dont des incidents diplomatiques de taille à gérer ensuite.

Il sortit alors avec lenteur le crâne emmitouflé qu’il avait pris au garde. Ses filaments fouettèrent l’air, toujours sans qu’il ne s’en rende compte, alors qu’il sentait la crainte de totalement décevoir son paternel monter en lui.

L’examiner. Avec ce glyphe de mémoire, je peux essayer de retracer l’histoire de cet objet, si vous me le permettez.

Avec une infinie lenteur, toujours la tête baissée, il dénoua le tissu qui cachait le crâne et en révéla un morceau. Avec une grimace de dégoût, il porta une main tremblante, sa main droite qui portait la chevalière dotée du glyphe Mémoire, sur le crâne et avec d’infinies précautions activa le pouvoir du glyphe.


Directives :

description[INTRIGUE] Question de morale EmptyRe: [INTRIGUE] Question de morale

more_horiz
L’inspection à la morgue fut aussi brève qu’intéressante : Nahui avait confié à la rose qu’on avait privé des corps de magie … La petite opale se gratta la tête, curieuse du pourquoi de cette privation.

La magie était partout, avait existé en tout temps dans la société, avait accompagné les premiers dragons comme les bipèdes tout au long de leur Histoire … Les bipèdes savaient se tuer autrement que comme cela. Shyven le savait, parce que son Papa-tout-chaud lui avait confié son savoir sur cette espèce si étrange, et particulièrement toutes les inventions qu’ils avaient faites pour se tuer encore plus efficacement.

Non, définitivement, cette façon là d’ôter la vie était peu commune, à tel point que Shyven ne la comprenait pas vraiment : elle qui était imprégnée de magie, si bien qu’elle la transmettait elle même à son entourage, à la nature, en tout temps et en tout lieux … Elle ne comprenait pas qu’on veuille retirer cela de son monde …

Néanmoins, une idée resta dans la tête de la dragonne, comme une obsession : il y avait toujours une raison profonde derrière des meurtres, et particulièrement derrière ce genre de coup monté avec précision. Shyven n’y connaissait pas grand chose des bipèdes, et des guéguerres internes à eux qui ne l’intéressait que très peu … Mais les messages, les raisons profondes dépassant la pensée primaire bipèdique, voilà quelque chose dans laquelle la dragonne trouvait son compte.

La dragonne rose eut un éclair de lucidité, à la suite de ces débuts de réflexion.

Le message derrière ces meurtres étaient … Politique, Shyven en était convaincue à présent. Ce mot qu’utilisait les bipèdes pour désigner toutes choses relatives à l’organisation et l’exercice du pouvoir dans leurs sociétés ne devait pas être pris à la légère ici.

Shyven le réalisa quand elle vit les corps, et entendit les ressentis de cette pauvre Nahui qui semblait tout autant dans une grande incompréhension.

On ne s’en était pas pris à des biens matériels en particuliers,

On ne s’en était pas pris à des bipèdes,

On ne s’en était pas pris à des gens de “haute de position” pour pouvoir les récupérer,

On s’en était pris à la Magie, à la Trame. Au Pilier de ce monde qui était un vecteur profond de l’Équilibre de ces terres, celui qui reliait toutes choses par des mailles invisibles aux bipèdes.

Ces meurtres étaient là pour envoyer un message bien précis, celui de questionner l’Ordre Profond des choses. Bien utilisés ils avaient le potentiel d’être le feu pouvant embraser des populations perdues, laissées sur cette Terre sans personne pour les guider. De lancer des combats aux causes dépassants l’esprit de bien des personnes …

Le Chaos.

C’est ce que Shyven vit, c’est ce qui embrasa pendant un instant ses petits yeux rouges.

Et ce qui lui fit dire que ce monde n’avait nul besoin d’une petite opale mignonne et un peu fragile, mais d’une Dragonne fière, qui saurait montrer le chemin de la Balance avec une grande clairvoyance.

Définitivement, en tant que garante personnifiée de l’Équilibre, elle ne pouvait pas laisser une minute de plus Caladon s’embraser, car dans quelques heures ce serait tout Calastin qui serait touché, puis dans quelques jours le Monde Entier.

Alors quand des bruits retentirent au dehors, le sang chaud de la petite opale ne fit qu’un tour, elle croisa le regard vide de Nahui, puis ni une ni deux, les deux dragonnes courrèrent dehors.

Constatant la bronca ambiante, Shyven eut du mal à se concentrer les premiers instants : elle vit un bipède-oreilles-pointues tout pâle et au regard criant tout un tas de sentiments qu’elle ne comprit pas tout de suite, ainsi que le bipède-extravagant de tout à l’heure qui n’était manifestement pas au mieux de sa forme. Mais décidemment, n’avait-il pas fini de geindre celui-là ?!

Comment pouvait-il être dans ces états, et ne rien faire alors que ce n’était pas que sa simple petite personne qui était concerné ici, mais potentiellement les Fondations même de ce Monde ?

Au nom de l’Esprit-Dragon, était-elle la seule à voir tout cela ?

L’instant d’après d’ailleurs, le bipède aux oreilles pointues se libéra et attaqua le garde, et Shyven assista en direct à ce qui avait provoqué tous ces morts ces derniers jours … C’était un véritable siphonnage d’énergie magique.

Le coeur de la dragonne se serra de plus en plus, mais alors que les oreilles-pointues se dirigeaient vers le bipède-extravagant, Shyven vit quelque chose qui à ses yeux parut beaucoup plus intéressant et pertinent que cette querelle …

Un homme, qu’elle n’arriva pas vraiment à identifier, qui regardait la scène avec insistance, presque comme s’il était transporté par tout cela … Puis il fit marche arrière … Eh, pas si vite le bipède-louche !

La Gardienne de la Balance avait quelques questions à te poser !

Se rapprochant de sa Dragonne-Liée-blanche-préférée, Shyven lui indiqua dans leur langage la présence de ce type vraiment louche, et de toutes les inquiétudes qu’avait la petite opale à son égard. Elle lui fit une rapide description, pour qu’elle puisse figurer à quoi il ressemblait malgré sa cécité partielle, puis Shyven intima sa comparse à prévenir son lié.

La Dragonne d’Opale sentait que le Chaos, ou tout du moins une partie de celui-ci, venait de cette personne.

Par la suite, Shyven encouragea Nahui à la suivre et de détourner son regard de l’altercation entre le bipède-extravagant et les gardes : elle voulait arrêter cet homme avant qu’il ne s’en aille, l’occasion était trop belle ! La petite opale expliqua bien son plan à Nahui : elle allait tenter de désorienter le type-louche, et au moment où celui-ci allait être désorienté, dans l’idéal il faudrait que Nahui trouve un moyen de le bloquer. N’importe quoi, tant qu’elle restait en vie, ajouta Shyven. Elle ne voulait pas que la dragonne parte ainsi.

Une fois qu’elle eut fini ses explications, la dragonne passa la petite scénette qui se jouait en parallèle avec toute la discrétion qu’elle trouva, et se rapprocha du type-louche, qui continuait sa marche.

Une fois qu’elle se sentit assez proche du bipède, la dragonne se déploya dans son entièreté, et fit vibrer à toute vitesse toutes ses écailles. Elle connaissait le bruit parfaitement insupportable que cela provoquait, pour l’avoir expérimenter plusieurs fois avec son père quand elle s’était senti acculée, ou en détresse.

Bon, certes, son père aurait quoiqu’il arrive accouru à l’instant même où Shyven n’émettait ne serait-ce que la potentielle idée qu’elle était en danger … Mais tout de même. C’était un bruit fort et détestable, Shyven le savait.

Elle espérait seulement que cela suffirait pour déstabiliser le type-louche, et laisser le temps à sa comparse où à d’autres personnes alentours de l’intercepter …

Sort utilisé :


Directives ! :

description[INTRIGUE] Question de morale EmptyRe: [INTRIGUE] Question de morale

more_horiz
Elle s'en était doutée, mais ce n'était pas pour la rassurer. Intérieurement, Nahui gronda d'agacement en voyant le garde qu'elle avait voulu prévenir sursauter, et relâcher son prisonnier. Soit, la prochaine fois, dans une situation similaire, elle prendrait soin de se montrer bien plus autoritaire, afin que nulle surprise ne vienne entraver l'impératif de sa volonté. D'un commun mouvement, Shyven et elle s'étaient rapprochées l'une de l'autre. Venant de celle-qui-qui-voyait—par-la-magie, c'était une vague tentative de se mettre en travers du chemin de quiconque voudrait s'approcher de la sauvage sucrée. Sans raison, elle avait admis que sa congénère était plus jeune qu'elle, et qu'elle avait besoin de protection. De "sa" protection, surtout. Une protection de bipède n'aurait eu aucun sens.
Néanmoins, ce ne fut pas Shyven qui fut visée. Nahui sentit ses écailles se hérisser en voyant l'un des gardes tomber, suivi de bipède-maladroit. Par chance, Lié réagissait prestement. Avant que davantage de drames n'atteignent le Nid-d'Aldaron, la Cité, il immobilisa le Sainnûr fauteur de troubles. C'était bien sa magie qui venait de fendre les airs pour se planter dans le genou du vil bipède. L'esprit de Nahui vint contre celui d'Aldaron lui signaler sa réussite, et sa reconnaissance. Déjà les gardes s'occupaient à le maitriser à nouveau.

À cet instant précis, la dragonne de givre aurait pu respirer un coup, et se remettre de ses émotions pour mieux reconsidérer la scène sous l'aspect de leurs recherches. Elle n'en eut pas le temps. Plus vive qu'elle, l'esprit-sucré s'était élancé en une direction, et l'incitait à la suivre et, surtout, à suivre un bipède-louche qu'elle lui avait un peu décrit. C'était fort bien, et fort intéressant, mais il y avait un hic, un couac.

"- ...Quel bipède ? Je ne le distingue pas."

Voilà qui était un problème, notamment pour une course-poursuite. En même temps, que pouvait-elle faire de mieux ? Rester ici et soigner ? Elle ne savait pas faire. Paniquée, tant par ses hésitations que par son actuelle vulnérabilité, exposée en plein soleil et sans gardes, la dragonne Liée étendit ses sens tout autour d'elle, à la recherche de quelque chose, du moindre indice qui pourrait l'aider – qui pourrait les aider-- à se sortir de cette situation. C'est ainsi qu'elle perçut l'arrivée d'Osborn. Elle s'adressa à lui, ainsi qu'à Aldaron, pour prévenir qu'il y avait là deux blessés, qui demandaient des soins impérieux. Elle prévint Aldaron seul de la quête dans laquelle s'était élancée Shyven, partageant avec lui sa grande inquiétude, ainsi que son désarroi et sa frustration de ne pouvoir percevoir le bipède-louche. À Lié et Shyven, elle proposa un plan simple : si Shyven lui transmettait ce qu'elle voyait, alors elle pouvait également transmettre cela à Lié, qui saurait que faire de ces informations, et agir en conséquence, lui qui était dans chaque pierre du Nid.

Et en attendant... Elle se pencha vers le plus amoché des deux bipèdes, celui dont elle avait l'odeur mais guère la magie. Du bout du museau, elle le bouscula un peu. Elle voulut lui souffler au visage, lui mordiller les oreilles. De toute évidence, les soins draconiques ne marchaient pas ainsi. Mais si elle lui transmettait un peu de magie, irait-il mieux ? S'armant de volonté, elle essaya de lui insuffler cette essence qui était sa propre vie.

"- Ne meurs pas. Je te l'interdis. Lié sera triste si tu meurs. Et moi, je serai triste aussi."

Rectives :

description[INTRIGUE] Question de morale EmptyRe: [INTRIGUE] Question de morale

more_horiz
    Touché. Un Nywin. Un second Nywin. Le vampire pinça ses lèvres, contrit. Osborn était immédiatement allé, avec une partie de ses hommes, à la morgue, ayant très bien compris l'alerte qui sonnait dans la voix d'Aldaron. L'Ast abaissa son arc, les yeux en direction du mur, circonspect : « Un Nywin a attaqué à la morgue... Je finis par croire qu'on essaie de faire diversion avec les Nywins pour autre chose... Ou de les faire passer pour les coupables qu'ils ne sont pas... » Car cela faisait beaucoup d'un seul coup, les autres meurtres n'avaient pas été aussi rapprochés. Cela prenait un rythme effréné et obligeait les gardes à courir après les événements sans jamais parvenir à prendre qui que ce soit sur le fait. « Avec des attaques de cet acabit en une même journée, Caladon risque de cloisonner le peuple à domicile pour éviter d'autres meurtres mais ce n'est ni bon pour l'économie... Ni pour nos relations diplomatiques si nous passons en état de siège. Eleonnora devrait convoquer un Conseil exceptionnel de guerre sous peu. Du moins, je l'espère. » Car au nom de l'or, sa fille pouvait tout aussi bien décider de ne rien faire du tout, de laisser les pauvres hères travailler, rendement oblige. Il n'en savait rien, et il n'avait guère envie de l'aviser de ses découvertes pour l'heure, de crainte qu'elle se mettre en guerre contre Ipsë Rosea dont était originaire le Nywin. Elle pouvait se montrer bien folle par moment...

    Très rapidement, il eut d'autres informations en provenance de sa Liée qui lui transmit la vision de Shyven concernant un homme louche. Un homme blond à peau de bronze, assez grand, de ce qu'il voyait. Un lyssien. A nouveau, il banda son arc pour tirer une flèche fantôme, dans le but d'arrêter le fuyard. Nahui l'informa néanmoins que celle-ci toucha le sol, grondant comme la foudre à l'impact. Ni Nahui, ni Osborn, qui arrivait, ne semblaient avoir vu le lyssien. Pourtant, les yeux de Shyven l'avaient bien vu, comme Aldaron l'avait vu. Un être qui n'apparaissait pas aux yeux de Nahui, cela était assez étrange. Même d'impuissantes personnes pouvaient être vues par les yeux singuliers de sa Liée. Faiblement certes... Mais tout de même. Cela ne pouvait guère être une illusion, ni un glyphe car sa dragonne des montagnes l'aurait aussi perçu. Alors quoi ? Shyven avait la berlue ? Il n'en avait aucune idée, mais quelque chose ne faisait pas sens dans cette histoire. Il intimait Nahui de retourner près de la garde, avec Shyven. Les blessés auraient besoin de leur soutien. Il se tourna vers le Nywin, assuré que le calme reviendrait, à présent, à la morgue.

    Lorsque Voronwë lui affirma la mort de ses parents sur Keet-Tiamat, Aldaron sentit son cœur de papa poule fondre un peu plus. Mais pourquoi fallait-il que le ciel lui envoie tous les orphelins du monde ? C'était de notoriété commune qu'Aldaron haïssait l'abandon, il ne pouvait pas supporter qu'on se trouva sans parent sur lequel s'appuyer. Il devenait, pour ces personnes, progressivement ce pilier paternel. Valmys, Eleonnora, Cirth... Ils étaient tout trois passés par là. Même Ilhan, amnésique, c'était accroché à lui... Bien que le cas d'Ilhan soit particulier, car il était bel et bien son fils vampirique. Dans tout les cas, il se connaissait assez bien pour savoir que dans une poignée de semaines à côtoyer Voronwë, ce dernier porterait le nom d'Elusis. La catastrophe de Keet-Tiamat avait fait de nombreux orphelins et, à en juger par le deuxième Nywin qui avait pris sa flèche, certains avaient profité qu'ils soient seuls pour les capturer et s'en servir comme arme. S'il mettait la main sur ces personnes... Il risquait de mordre bien plus que ce qu'il avait fait avec Ezel.

    Lorsque son fils le réclama, Aldaron délaissa son futur fils un instant. Porter fermée, dans l'intimité, le visage d'Ilhan changea du tout au tout avant de se raffermir à nouveau. L'Ast croisa les bras, patientant. Et bien qu'il parle enfin ! Bien, les informations moins litigieuses en premier, s'il le voulait, bien qu'il s'inquiéta du contenu des informations litigieuses qui viendraient ensuite... Mais chaque chose en son temps. La lyssienne qui travaillait à la morgue et qui s'occupait de tout les corps par exemple. « Il n'est pas étonnant que l'enquête fasse du surplace si les corps ne sont confiés qu'à l'examen d'une seule personne... Tout aussi expert qu'on puisse être, un œil neuf est toujours bienvenu, à plus forte raison quand la morgue arrive à se déplacer sur le lieu d'un crime avant que celui-ci n'arrive. Je connais Paoele Oo'kka. C'était une bourgeoise lyssienne, lettrée, qui a perdu sa famille quand Lyssa a été touchée par la perle de Néant. Je l'ai rencontrée à Fort-Espérance quand je suis rentré de Morneflamme. » C'était d'avantage le médaillon qu'il portait autour du coup qui lui donnait ces informations, plus que sa propre mémoire. Bien qu'il l'ait grandement restaurée, certains de ces détails avaient besoin de plus de temps pour être appréhendés. « Très douce et tournée vers les moins fortunés. Elle s'est installée à Caladon dès sa fondation. Nous devrions la trouver à la morgue, si nous souhaitons l'interroger. »

    La suite l'accabla pas à pas, comme si Ilhan prenait un marteau et enfonçait le clou à chaque nouvelle. « Les Brise-Sorts de Caladon ? Quels Bri... » Sans compter ces filaments qui apparaissaient dans le dos de son fils à mesure que l'émotion se faisait forte : « Ilhan. » finit-il par le couper lorsque ce dernier se prépara à utiliser un glyphe sur le crâne. « Calmez-vous. » Sa voix était raide et ferme, ne sachant trop ce qui composait ces ailes éthérées, et ne voulant guère voir Ilhan exploser. Il ne connaissait qu'une personne qui ait des ailes : sa propre mère. Ilhan aurait-il pu hérité d'une similarité dans ses attributs ? L'Ast tendit une main gantée pour la passer dans les filaments... Mais rien ne se passa. « Hm. Ça n'a pas l'air dangereux. » Sa main vint se poser sur l'épaule de l'althaïen qu'il massa furtivement pour appuyer sa présence : « Tenez-moi informé dès que vous avez un retour de Tryghild et... Quoiqu'il en soit, Ilhan... » Il planta ses mires dans les siennes, visiblement en colère. Il pondéra ses mots avant de les affirmer avec une fermeté qui n'avait rien d'une plaisanterie car il n'était absolument pas heureux de ce qu'il entendait.

    « Que les Brise-Sorts soient ou non coupables, ils devront partir de Caladon. Je vais passer sous silence que fait que Tryghild et vous-même étiez au courant que des soldats d'élite de Délimar, soient sur le territoire de Caladon sans que le Conseil et la Bourgmestre de cette cité n'aient été consultés à ce sujet. Je n'ai placé aucun des soldats de Caladon au sein des murs de Délimar, exceptés en escorte diplomatique et avec validation d'entrée par vos pairs alors j'aimerais qu'à l'avenir, la pareille nous soit légitimement rendue et que je n'aies pas de nouvelle mauvaise surprise de ce genre à l'avenir. S'il y a des Brise-Sorts à Caladon, Tryghild doit leur donner l'ordre de rentrer à Délimar sur le champ. Car sans parler de meurtre, leur simple présence est de la trahison dans le meilleur des cas, une infiltration de guerre dans le pire. » Il serra les mâchoires, la voix grondante : « Vous avez de la chance que ce soit moi et pas Eleonnora qui l'ait appris, est-ce que je me suis bien fait comprendre ? Il n'y aura pas de second appel au retrait de vos troupes. Vous parlez de ne pas vouloir d'incident diplomatique tout en sachant que vos soldats d'élite sont dans ma ville ? » Cette fois, la voix monta d'un cran, claquant comme un fouet au sol : « Ilhan Avente ! Est-ce que vous vous payez le luxe de vous foutre de moi ?! »

    Il avait relâché l'épaule d'Ilhan, pour ne pas la lui broyer, bien que maintenant il ne soit plus humain, il n'était plus aussi fragile. Il préférait prévenir que guérir. Il secouait la tête de gauche à droite, dépité par ce qu'il venait d'apprendre. « Ils ne manqueraient plus que ces meurtres et enlèvements aient effectivement été commis par les soldats de Délimar... » Il avait heureusement, à nouveau baissé d'un ton, la voix sourde et grave. « Bien, dans ce cas, puisque 'Délimar fera tout pour aider à résoudre cette situation' et qu'elle s'est déjà offert le droit de placer ces soldats sur le territoire de Caladon, je veux ces soldats, sous votre commandement. Au fond, n'est-il pas légitime que ce qui menace 'la paix que l'Alliance a su forger' soit traité avec l'élite des cités qui la compose ? Qu'ils se joignent à nous pour cette enquête. S'ils sont coupables, nous le saurons. S'ils ne le sont pas, ils seront d'une efficacité qui viendrait justifier leur présence illégale sur ce territoire, ne pensez-vous pas ? » Il fulminait et ne cherchait pas le moins du monde à le cacher. « Tâchez de convaincre votre Intendante et je tâcherai de me montrer convaincu que la présence de ses hommes à Caladon ne soit qu'une regrettable erreur qui ne mérite pas de remonter aux oreilles de la Bourgmestre. »

    Il quitta la pièce, visiblement de mauvais poil. Un homme lui avait dit une fois qu'en cas de colère comme en était souvent pris l'Ast, il se devait de penser à des choses douces et agréables, comme Achroma ou sa Liée. Ce qui était drôle c'était que ce même homme venait justement de la déclencher sa colère. Revenant près des soldats restés ici, il se massa l'arrête du nez pour retrouver un semblant de calme. Il avait presque envie de laisser éclater cette vérité, cela n'aurait été que justice. Il avait œuvré avec Tryghild pour que l'Alliance se porte mieux et même s'il n'était plus Bourgmestre, il n'était pour autant pas question que leur relation se dégrade. Il avait fait enchanter par Kehlvehan les sceaux de la ville de Caladon du serment de l'épée pour ne pas qu'Eleonnora prenne de décision folle... Mais voilà que les décisions folles venaient de l'autre côté ! Alors voilà ce qui restait de son travail, du temps qu'il avait dépensé à réunir les deux cités ? De la confiance qu'il avait accordée à Délimar ? Des soldats d'élite postés dans sa ville ? Et après, ça prétendait ne pas vouloir d'incident diplomatique ?! Foutaise ! C'était aussi hypocrite que le sang vendu aux vampires mais destiné à les endetter jusqu'à la perte !

    Il mit de longues secondes à se calmer, donnant des ordres un peu sec aux soldats : « Préparez le corps. Nous l'emmenons à la morgue. » Pour qu'il soit examiné et comparé avec les autres. Qu'on voit si quelque chose différait entre un corps frais et un corps passé entre les mains de Paoele Oo'kka. Lorsqu'il fut certain d'être assez calmé, il revint près de Voronwë et lui tendit une main qui fut aussitôt agrippée. Il n'eut pas même besoin de lui dire de venir, le petit avait l'air bien assez perdu sans phare pour le guider. Sa présence l'apaisa quelque peu. Il aimait ce rôle de père, il lui allait comme un gant. Tant vers les autres que sur son propre équilibre. Son regard coula sur Ilhan, regrettant de s'être emporté sur lui. Tout Conseiller délimarien qu'il était, il était aussi son fils et il veillerait à le sortir de ces implications. L'avantage, si les Brise-Sorts les rejoignaient, c'était qu'Ilhan aurait une garde toute prête pour organiser son exfiltration en bonne et du forme. Et si cela n'était pas suffisant, le Marché Noir fermerait un peu les yeux.

    Plus doux dans le regard, il lui fit signe de se mettre en route vers la morgue. Dehors, Voronwë n'avait franchement pas l'air tranquille et le vampire caressait doucement sa main pour le rassurer. Ezel, un soldat et le Nywin étaient encore au sol quand ils arrivèrent. « Emmenez tout le monde à l'intérieur, Osborn, ne restez pas à découvert. » Jaime, comme Aldaron, avaient fait maintes fois la guerre. Des réflexes restaient : on ne soignaiet pas les blessés au milieu de la mêlée. Il fallait les retirer, à l'abri. Il présenta à Voronwë sa Liée mais le nywin se figea lorsqu'il fut question d'entrer à l'intérieur de la morgue. A ses questions, tout ce qu'il obtint, c'était que le jeune craignait qu'on lui fasse du mal dans un tel endroit. Aldaron défit la broche qui tenait sa cape et la retira de ses épaules pour la dresser devant Voronwë. « Tu vois ce qui est brodé ? » demanda-t-il, patient et pédagogue. « C'est un arbre de vie. Le blason de mon clan et de ma famille. Tout le monde ici, à Caladon, le connaît. Et personne ne fera jamais de mal à quelqu'un qui porte un tel insigne sur lui. » Ce disant, il passa la cape sur les épaules plus fines du Nywin. « Et si seulement quelqu'un ose, alors toutes les personnes autour viendront aider celui qui porte la protection du clan Elusis, d'accord ? » Il veilla à ce que le jeune nywin soit bien couvert, y compris de la capuche et le fit entrer à l'intérieur.

    « Soignez les blessés. » fit-il pour les gardes. « Où est Paoele Oo'kka ? » Osborn l'informa qu'elle avait pris sa journée. Comme par hasard, tiens. Il désigna un assistant de la morgue : « Vous. Examinez à nouveau tout les corps. Nahui... » Il lui adressa un regard tendre et soulagé que rien ne lui soit arrivé. « Va avec lui, s'il te plaît. Il y a un nouveau corps, j'aimerais que tu vois s'il est différent des autres ou non. » Il désigna le brancard qu'on portait vers la salle d'examen. « Shyven ? » Il chercha la plume rose. Il lui parla par pensée, à elle : *L'homme que vous avez vu est lyssien également. Comme la femme qui vous a accueillie à Caladon. Est-ce elle ?* Il lui adressa le souvenir qu'il avait de Paoele. Son visage quarantenaire, d'ambre et des cheveux blancs. « Il faudrait s'occuper des blessés. » fit-il de vive voix pour donner le change. « Dans quel état sont-ils ? Comment va Bonaventure ? Et le second Nywin ? » Il prépara un second bassin d'énergie pour l'autre Nywin, il en aurait bien besoin.

    Voronwë attira son attention en tirant sur sa main et l’entraîna à l'écart. Aldaron fit signe à Ilhan de le suivre. Confus, Voronwë lui confia qu'il avait déjà vu le visage de l'autre Nywin, sans pouvoir dire comment et quand, mais qu'il faisait frais et sombre et qu'ils étaient face à face. Malgré les questions du Conseiller caladonnien, Voronwë se semblait pas pouvoir lui en dire d'avantage, semblant même un peu confus et déstabilisé. Aldaron porta son regard vers Ilhan, lèvres pincées, sans pour autant insister : « Avez-vous pu interroger le crâne, Ilhan ? » Son ton s'était radoucit. « Est-ce que... Est-ce que dans les hommes dont nous avons parlé... » Les Brise-sorts Caladonien bien entendu, mais il aurait été fâcheux de l'évoquer de vive voix ici. Sur la scène de crime, il n'y avait eu que de ses hommes. Ici... Ici les oreilles d'Eleonnora traînaient : « Il y en a un qui soit spirite de l'hippocampe ? » Il ne voyait que cela pour embrouiller l'esprit et la mémoire, en plus des traumatismes. Mais les spirites hippocampes étaient une denrée rare et quel joie : ils avaient, en la personne d'Ilhan, un détecteur d'esprit-lié ?


Directives :

description[INTRIGUE] Question de morale EmptyRe: [INTRIGUE] Question de morale

more_horiz
Si à la première flèche Ilhan avait fortement réagi, à la seconde il parvint à ne pas sursauter. Il ne s’en raidit pas moins, regardant, une fois encore, le mur où la flèche avait disparu. Un frisson lui échappa et courut tout le long de son échine pour figer son coeur un court instant dans une gangue de glace. Les révélations d’Aldaron quant aux événements de la morgue le rassérénèrent quelque peu… et l’inquiétèrent tout autant. Une dragonne semblait avoir vu quelqu’un, un quelqu’un que l’autre dragonne n’avait pas ressenti par ailleurs et qui disparaissait sans laisser de trace ? Un quelqu’un que même le garde et sa troupe envoyés à la morgue n’avaient pas vu ? Voilà qui était curieux. Déroutant et dérangeant. Était-ce l’un de ceux qu’ils recherchaient ? Si tel était le cas, et qu’il avait la faculté de leur filer entre les doigts sans que même les dragonnes le retrouvent, ils étaient mal partis.

Et mal partis, ils l’étaient vraiment. Voilà la première pensée qui lui vint quand il eut fini d’exposer ses suppositions et hypothèses. Il sentait la tension dans l’air, entre le vampire et lui, il la sentait presque crépiter de colère contenue et d’appréhension éperdue. Une onde de soulagement l’envahit toutefois un court instant au geste, presque tendre, de son père quand il posa la main sur son épaule. À ce geste, Ilhan lui offrit un pâle et discret sourire puis suivit sa main du regard. Et aperçut, enfin, les filaments qui sortaient de lui. Il contint avec peine de sursauter et ses orbes sombres se teintèrent d’une légère lueur effrayée. Et un brin curieuse aussi. Il se tendit quand Aldaron osa les toucher, mais ne broncha pas, figé, statue de marbre soudain, et ne se permit d’expirer le souffle retenu qu’une fois qu’il vit la main de son père intacte. Au moins ces filaments ne semblaient pas dangereux. Même s’il lui faudrait arriver à les faire disparaître…

Il s’apprêtait d’ailleurs à obtempérer à l'ordre du vampire de se calmer, sa respiration reprenant lentement mais sûrement un rythme plus régulier, et plus serein. Quand soudain l’éclat de colère d’Aldaron rugit à ses côtés. Les filaments avaient tout juste commencé à se rétracter quand aussitôt ils se redéployèrent de plus belle. Si Ilhan parvint à garder un visage lisse, bien que tendu, ses filaments criaient pour lui qu’il était bien plus atteint par ses mots, ses paroles et accusations, par cet éclat de voix furieuse, qu’il ne voulait bien le montrer.

Il avait voulu exprimer son hypothèse pour faire montre de bonne foi et essayer ainsi d’anticiper tout incident diplomatique, et il semblerait qu’il en ait presque provoqué un… Bien, bravo, Ilhan, se fustigea-t-il mentalement. Vraiment parfait. Pourquoi as-tu prononce Brise-Sorts et Caladon dans la même association ? Ce petit lapsus lui avait échappé, il n’avait fait que combiner ce qu’il savait officiellement de Delimar et ce qu’il avait appris ensuite en arrivant à Caladon par ses informateurs. Il ne lui avait pas fallu longtemps pour nommer ces Brise-Sorts ainsi… Bien mal lui en avait pris, surtout de laisser filtrer une telle nomination. Il avait pourtant cru que Caladon avait été au courant et avait accepté leur installation ici… mais apparemment pas. Quoi qu’il en soit… C’était là un manque flagrant de sa part de compétence, soit par manque d’informations, soit par maladresse. Dans tous les cas, inacceptable pour un soi-disant diplomate, songea-t-il à part lui.

Il entendait encore Tryghild l’assurer qu’il était l’homme de la situation, même sans ses souvenirs, qu’il saurait gérer de mains de maitre. Et patati, et patata… Foutaises, oui ! eut-il envie de hurler. Au lieu de cela, il encaissa les remontrances sans broncher, les lèvres closes, sans l’ombre d’un sourire toutefois. Nul besoin de faux semblant. Surtout pas quand ses filaments derrière lui, qu’il apercevait maintenant dans un reflet de vitre, se déployaient largement tel un saule pleureur…

Pa-thé-ti-que, songea-t-il, amer et dépité. Il était pathétique. D’autant plus pathétique, quand un doute insidieux se rajouta à ses récriminations sur lui-même. Et si Aldaron avait touché du doigt quelque chose de vrai ? Si… contrairement à ce qu’il disait et aimerait croire… Delimar avait réellement fomenté tout cela ? Et était au courant de tout depuis le début ? Et si Delimar, il ne savait pourquoi, tentait alors de le manipuler lui pour arrondir les angles ? Ou peut-être Delimar l’avait-il envoyé ici pour servir ensuite de bouc émissaire ? De tout côté : à la fois du côté de Caladon qui pourrait le déclarer coupable et du côté de Delimar qui pourrait le renier et rejeter toute l’histoire sur lui ? Ou pire… Soudain mille suppositions, toutes plus horrifiques les unes que les autres, se projetèrent dans son esprit bien agité, alors qu’Aldaron quittait la pièce. Il n’avait toujours pas répondu, et en fut bien incapable, sur l’instant, trop pris par ses propres doutes. Il sentait que si ses lèvres se descellaient, il ne saurait donner le change et se montrer assez assuré vis-à-vis de Delimar.

Il laissa donc le vampire quitter les lieux, le suivant simplement des yeux, toujours aussi figé. Seulement à cet instant, la demande d’Aldaron lui parvint quant à mettre les Brise-Sorts sous ses ordres. La bonne blague ! Sous son commandement à lui ? Petit mage immaculé ayant eu quelques passifs d’incidents magiques en tout genre ? Voilà qui allait être drôle. En tout cas, cette demande allait être des plus compliquées à faire passer, et ce pour toutes les parties prenantes. Dans un soupir, Ilhan ferma les yeux, une fois seul, et laisser tomber les masques. Son visage se crispa en un cri muet tandis que ses filaments flagellèrent l’air violemment en faisant jaillir une fulgurante étincelle. Cette fois, il sursauta sans retenue.

Peut-être n’étaient-ils pas si inoffensifs que cela, songea-t-il. Il devait se reprendre, se calmer, se forcer à plus de maitrise. Ce n’était pas le moment qu’il perde le contrôle. Il se concentra alors, ferma les yeux, et se força à inspirer profondément, puis à expirer de même. Il avait vu cette technique décrite par son ancien lui et s’y était essayé tous les jours depuis cette redécouverte. Et avait été surpris de se sentir si à l’aise dans sa pratique. Déjà à la troisième expiration il sentait un calme revenir doucement. Inspirer, expirer, penser au ressac de la mer, inspirer, expirer, penser aux vagues et au jeu des dauphins dans l’écume… Ne rien ressentir, juste se laisser porter par la mer. Ne rien ressentir… Oui, voilà, déjà paix revenait le couver de son manteau plus chaud. Doucement, sans brusquer le moindre geste, Ilhan rouvrit les yeux et fut soulagé, heureux, de constater que ses filaments s’étaient rétractés.

Bon, il devait toutefois s’activer. Déjà, écrire à Tryghild. Lui faire part de cette demande… Il renifla, dépité et peu convaincu lui-même, tout en posant le maudit crane sur la table. Il attrapa son carnet et s’empressa de griffonner son message.

"Nous avons songé qu’il serait peut-être judicieux de..."


Mais aussi il s’arrêta. Et raya les mots écrits. Il devait la convaincre. Or on ne convaincrait pas Tryghild par des phrases ronflantes comme il s’apprêtait à lui offrir. Pas en lui mentant presque éhontément et en inventant un prétexte fallacieux. Qu’est-ce qui convaincrait Tryghild ? En tout cas, pas la duperie, ni toute tentative de manipulation. Il devait être franc. Honnête. Ne rien cacher. Et exprimer tout simplement les exigences de Caladon.

Fort de cette détermination, il reprit sa plume, cette fois d’une main plus ferme et assurée :

"La nouvelle de la présence de Brise-Sorts à Caladon sans aval de cette dernière a été bien mal prise, comme on pouvait s’y attendre. Le conseiller Aldaron Elusis exige que ces soldats d’élite soient placés sous mon commandement et se joignent à nous pour l’enquête. S’ils sont coupables, nous le saurons, et s’ils ne le sont pas ils nous seront d’une aide non négligeable pour élucider cette affaire et les disculper de tout soupçon. La première exigence avait été un retrait pur et simple des Brise-Sorts avec ordre de rentrer à Delimar, mais cette deuxième demande me semble bien plus adéquate et utile. En attente de votre accord. Votre dévoué, Ilhan Avente"


Et aussitôt il referma son carnet en lâchant un lourd soupir. Enfin son regard se reposa sur le crâne, et une moue dégoûtée se dessina sur ses traits. Il se força toutefois à le reprendre. Il inspira et expira longuement avant de réitérer son geste précédent et de faire appel à son glyphe, avec moult précautions, pour apprendre l’histoire de l’objet. Et ce qu’il vit manqua la faire hoqueter de dégoût et lui faire lâcher l’objet. Il parvint à ne pas rompre le sort, mais c’est avec écoeurement qu’il referma le tissu et cacha rapidement le crane sous sa cape, s’efforçant de ne pas penser à cet objet maudit qu’il tenait alors contre sa hanche.

Bon maintenant… il lui fallait retrouver Aldaron. Là encore il prit une profonde inspiration, carra les épaules, prit un port droit et digne, lissa son visage en rejetant toute expression malvenue, et sortit enfin de la pièce. C’est un Ilhan Avente totalement inexpressif, un visage de marbre et un faux sourire poli, qui revint, telle une huître complètement refermée dans sa coquille. Il n’eut pas un mot quand il revint, se contentant d’observer ce qui se passait.

« Préparez le corps. Nous l'emmenons à la morgue. »

Ilhan garda silence et aperçut alors Aldaron se diriger vers Voronwë. Le regarder avec gentillesse et tendresse. Lui accorder des gestes doux et posés. Le jeune immaculé sentit soudain une vague de jalousie faire chavirer son coeur qui battit chamade. Il dut se forcer à inspirer plus profondément pour lui faire reprendre un rythme plus normal. Mais jalousie le rongea d’autant plus, quand, tout le long du trajet, il vit Aldaron, son père !, rassurer Voronwë et lui tenir, paternellement, la main.

Et lui ? Qui le rassurait ? Il se retrouvait en plein feu de toute cette possible mascarade, sous les assauts de possibles jeux politiques, avec des meurtres en série sur les bras, sans même avoir véritablement les armes pour faire front, et pourtant il devait faire front ! Mais, lui, on l’invectivait vertement, et personne ne lui caressait la main pour l’encourager à tenir bon ! Alors quoi ? Devait-il pleurnicher comme Voronwë pour avoir un peu d’attention lui aussi et un peu de soutien ? De son père de croc et d’esprit si ce n’est de sang ? Mais alors même que ces pensées se formaient dans son esprit, Ilhan sentit une honte sans nom le submerger. N’était-ce pas mesquin de penser ainsi ? Après tout, Voronwë venait de vivre de terribles épreuves. De tuer… contre sa volonté… Non, il ne pouvait penser ainsi. Cela était indigne de lui, songea-t-il, dans un relent doux amer. Il s’efforça alors de chasser cette vile émotion et reprit son mantra intérieur. Inspirer, expirer, penser à la mer, au vent, inspirer, expirer. Et ce mantra ne le quitta plus le temps du chemin, pour éviter à ses filaments, qui de nouveau le chatouillaient, de ressurgir inopinément. Non ne rien ressentir, ne rien ressentir...

Enfin, ils arrivèrent à la morgue. Mais loin d’être un soulagement, Ilhan eut la sensation d’un véritable capharnaüm. Trois blessés, deux Nywims instables, un père vampirique de bien méchante humeur et des oreilles qui traînaient pouvant mener à un nouveau braquage feutonerrien à main armée. Que demander de plus ? Ah oui, des Brise-Sorts qui s’amusaient à semer la terreur et couraient dans la nature ! N’était-ce pas là un défi à la taille démesurée de ses ambitions ? songea-t-il, caustique. À croire que ses compatriotes avaient eu peur qu’il s’ennuie et lui avait concocté un beau petit plan pour faire sauter toute l’Alliance. Voilà qui était bien généreux de la part de Delimar.

Mais dès qu’ils entrèrent enfin dans le bâtiment, moins à découvert, Ilhan chassa ses pensées acerbes et se reconcentra sur la situation présente. Aussitôt, par pur instinct, son ornithorynque tâta le terrain. Outre ceux de Bonaventure et d’Aldaron qu’il connaissait déjà, il sentit un escargot, un cafard, un vautour, une gerridae, un lampyre, une vanesse, et une corneille du côté des assistants. Le maître de la morgue se révéla léopard des neiges et escargot, tandis qu’Osborn brillait du serval et du pangolin, qu’il avait déjà senti peu avant. Les autres gardes étaient chiens, cerfs, ratons-laveurs, étoiles de mer, bernique, pangolin, ou fennec. Rien qui ne lui parut suspect sur l’instant. Un peu rassuré, il écouta d’une oreille distraite les ordres donnés par Aldaron et consulta rapidement son carnet. Pas de réponse de Tryghild, constata-t-il, dépité.

Il le rangea aussitôt et se refocalisa sur ce qu’il se passait. Aldaron appela Shyven. Ilhan tendit aussitôt l’oreille, intéressé… mais n’entendit rien. Sur l’instant du moins. Il entendit aussitôt Aldaron lui souffler ce qu’il avait demandé à Shyven qui leur confirmait que la femme qui l’avait aidée était Paoele. Hum… voilà un fait intéressant. Rapidement, Ilhan demanda à Shyven de lui transmettre l’image de l’homme qu’elle avait vu, dans le secret espoir de le reconnaître lui-même, vu qu’Aldaron lui avait fait part d’un lyssien. Certes, il ne connaissait pas tout le monde de Delimar, mais il en connaissait quelques-uns. Malheureusement, quand elle lui partagea les images, manquant le suffoquer à ce contact mental, il dut concéder ne pas reconnaître l’homme. Les images n’étaient pas assez précises et elle l’avait vu bien trop rapidement.

« Comment va Bonaventure ? Et le second Nywin ? »

Aldaron reprenait, une fois encore, les choses d’une main de maitre, et Ilhan se contenta d’observer avec attention, mais de le laisser faire. Aussitôt un des soldats, qui les auscultait, répondit :

Le garde attaqué par le second Nywim est en très mauvais état, il a besoin d’un guérisseur professionnel. Monsieur Bonaventure est aussi en mauvais état, mais il devrait survivre sans soins immédiats.

Ilhan hocha la tête. Et songea que Bonaventure pouvait peut-être se montrer utile. Il avait tendance à penser, mais il pouvait se tromper, que si les Huit les avaient réunis, c’est qu’ils devaient se souder pour résoudre cette affaire ensemble. Chacun avait sans doute un rôle à jouer. Mieux valait garder Bonaventure avec eux. Mais le laisser sans soin lui semblait peut-être trop cruel tout de même… D’un pas souple et discret, Ilhan s’avança alors vers le spirite de l’étoile de mer et son acolyte ratons-laveurs et leur souffla, dans un chuchotis, de voir s’ils pouvaient aider leur compagnon d’infortune. Il ne répondit que par un sourire à leur regard circonspect et étonné qu’il sache leur capacité. Il aurait tout aussi bien pu les copier, mais il songeait qu’en cet instant économiser ses forces serait plus utile. Le raton-laveur pourrait prendre quelques blessures ou fatigues d’Ezel et soulager sa douleur et l’étoile de mer pourrait l’aider à régénérer peut-être ?

Il entendit un des gardes parler de transférer leur confrère bien trop mal en point vers un mage guérisseur expérimenté. Ilhan acquiesça en silence. Cela lui semblait plus judicieux que de le garder confiné dans un lieu où il y avait soudain beaucoup de monde. Même si ce n’était pas à lui de décider alors. Il n’avait nulle intention d’outrepasser ses droits, bien conscient de marcher déjà sur le fil du rasoir.

Il aperçut soudain Aldaron préparer un second bassin d'énergie pour l'autre Nywin. Une fois encore, l’althaïen consentit à donner un peu de  magie. Il ne put toutefois s’empêcher de regarder le bassin avec envie et de songer qu’il avait grandement faim lui aussi ! Mais à lui, on lui interdisait de manger la magie ! Bon certes, il n’avait pas envie de se retrouver dans le même état que les deux Nywins, ses frères de race à défaut d’être frères de sang. Mais tout de même ! Il avait faim !

Une faim qui devrait toutefois attendre, songea-t-il dépité, suivant Aldaron qui l’entrainait à l’écart avec Voronwë. Les balbutiements et confusions du Nywin laissèrent Ilhan perplexe et songeur. Il s’apprêtait à faire une proposition, mais déjà Aldaron le prit à parti et lui posa des questions. Si Ilhan nota avec soulagement que le ton s’était radouci, il n’en montra rien, son visage toujours lisse, totalement fermé à toute émotion. Ne rien ressentir, ne rien ressentir, se répéta-t-il.

« Avez-vous pu interroger le crâne, Ilhan ? »

L’althaïen hocha la tête d’un geste lent. Puis d’une voix calme, monocorde, détachée, bien trop maitrisée, il répondit ce qu’il avait vu :

Il a été créé par un résident d’Athgalan jouant avec de sombres forces et victime de sa propre création. Il est passé entre plusieurs mains, puis a été récupéré par les contrebandiers. L’elfe est venu à Athgalan, sous couvert d’un voyage diplomatique, pour l’acheter. Il a en réalité tué ceux qui voulaient le lui vendre. Après son forfait, il a clairement exprimé son ressenti envers ces humains, des êtres inférieurs comprenez-vous, pas une grande perte, fit-il avec force ironie. Pourquoi se faire extorquer par de la vermine ? Pour reprendre ses propres mots d’alors. Il l’a ensuite utilisé une première fois, pour tuer un vampire ayant obtenu une distinction qu’il convoitait du temps de la rébellion de Korentin Kohan. Il a trouvé le moyen d’en user de nouveau, plus rapidement que normalement possible, et en a usé une seconde fois, afin de feindre avoir la maîtrise de plus de flux qu’il n’en possédait réellement. Il escomptait s’aider du crâne une nouvelle fois, pour s’ancrer à Caladon et s’octroyer les largesses de la Bourgmestre. Le crâne lui a échappé et est tombé sous le lit la nuit de sa mort.

Se disant, Ilhan haussa une main en signe d’impuissance. Il n’était pas bien convaincu que cela les avance, du moins pour le moment. Mais aucune piste ne devait être écartée. Et sans plus attendre, il posa le crane, toujours emmitoufflé dans son tissu, dans les mains de son papa. Là, voilà, ne plus toucher cet objet de malheur ! Rien que songer à ce qu'il avait vu lui donnait la nausée.

« Est-ce que... Est-ce que dans les hommes dont nous avons parlé... »

Ilhan baissa les yeux. Et nota aussitôt l’allusion évasive. Bien, sans doute devait-il comprendre que les murs avaient des oreilles. Il laissa rapidement son regard sombre voguer autour de lui puis rebaissa la tête.

« Il y en a un qui soit spirite de l'hippocampe ? »

Cette fois il hocha la tête négativement. Puis répondit à voix haute, même si prenant garder aux mots qu’il employait :

Non aucun des hommes que je connais parmi eux n’est un spirite de l'hippocampe, fit-il toujours d’une voix atone. Mais je dois préciser que je n’ai pas rencontré la totalité des…

manipulateurs du flux de contrôle...

adeptes de ce que nous savons.

Et soudain une voix derrière Aldaron se joignit à la conversation. Osborn, ce bon vieux Osborn. Heureusement le fait qu’il soit serval rassura un tant soit peu Ilhan. Vu son attachement à Aldaron, il y avait de fortes chances que l’homme lui soit véritablement fidèle jusqu’au bout des lames.

–  Moi, je connais un spirite de l'hippocampe, fit-il.

Et aux regards intrigués qu’il reçut, l’homme s’empressa d’ajouter :

Paoele, elle, est une spirite de l’hippocampe. Elle m’a d’ailleurs aidé à atténuer certains de mes souvenirs de… de Morneflamme, que j’avais eu du mal à surmonter.

Ilhan hocha la tête et le remercia d’un sourire. Mais aussitôt il demanda à Aldaron de le suivre un peu plus à l’écart encore. Voronwë en profita pour les quitter, et d’un rapide regard, Ilhan le vit aller rejoindre Nahui et lui demander de jouer avec elle, semblant complètement fasciné par elle. Il ne put empêcher une petite étincelle jalouse d’illuminer son regard sombre, le faisant pétiller d’éclats d’or pulsant. Pourquoi, lui, il ne pouvait pas jouer et devait jouer à d'autres jeux fourbes et tordus qui, en cet instant, menaçaient de le submerger et de complètement le dépasser ? Lui aussi aurait aimé jouer avec les dragons ! Mais aussitôt, il eut honte de cette jalousie mesquine et puérile et baissa les yeux pour mieux chasser tout ressenti. Ne rien ressentir. Ne rien ressentir, se répéta-t-il, tout en tentant de se reconcentrer.

J’aurais aimé… vous faire part de certaines choses encore.

Toujours de cette voix atone.

Les spirites hippocampes sont normalement des hommes… Donc notre Paoele que nous recherchons ne serait pas une lyssienne, mais… en fait un lyssien.

Certes, cela était peut-être évident.

Mais pourquoi avez-vous posé cette question, entre toutes ?

Et soudain il l’arrêta d’un geste, alors que son esprit repartait à vive allure, tel un cheval en plein galop.

Non attendez… Cela signifie que vous pensez que les souvenirs des Nywin auraient été modifiés, n’est-ce pas ?

Question purement rhétorique en fait.

Effectivement, cela expliquerait leur air confus. Mais… Et si ce n’était pas les seuls à avoir été touchés ? Qui d’autre a été en contact avec Paoele et a vu des choses étranges, inexplicables ?

Ilhan réfléchisssait clairement tout haut, même si prenant garde aux mots choisis, si jamais on les écoutait. Il se tourna alors vers l’endroit où était passée la dragonne rose, et reprit, en un murmure tout juste audible, à Aldaron :

Est-ce qu’un spirite de l’hippocampe peut aussi altérer l’esprit d’un dragon ?

Il reporta son attention sur Aldaron.

Je suis sûr qu’en fait vous y avez déjà pensé, n’est-ce pas ? Admettons. Si l’esprit de Shyven avait été modifié effectivement par l’hippocampe, est-ce que, en fait, il n’y aurait vraiment eu personne dans la rue ? Shyven aurait été la seule à le voir, non parce qu’elle est folle ou sujette à une illusion, mais... parce qu’elle aurait été la seule à le voir, mais… pas là ? Elle l’aurait vu... comme un souvenir ressurgissant ? Quelque chose qu’elle aurait vraiment vu, mais à un autre moment ?

Ilhan se secoua soudain la tête, comme pour chasser un mal de crane lancinant.

Cela signifierait que Paoele aurait donc modifié la mémoire de Shyven lors de leur rencontre, à l’arrivée de la dragonne ? Mais dans ce cas, pourquoi ? En quoi Shyven aurait-elle été gênante ? Parce qu’elle aurait vu des choses importantes, des choses à son arrivée qu'elle n'aurait pas dû voir, comme cet homme qui pourrait donc bien exister et serait important pour notre affaire ?

Il soupira lourdement puis se massa l’arête du nez.

Soit. En tous les cas, cela signifie qu’il serait intéressant de retrouver dans l’esprit de la dragonne ce souvenir si c’est cela est possible. Pensez-vous que…

Son regard se tourna vers la direction que Nahui avait prise.

Votre liée… pourrait ? De dragon à dragon ? Qu’elle pourrait aider Shyven à retrouver ses souvenirs ? J’avoue ne pas voir d’autres magies assez puissantes que celle d’un dragon pour "réparer" l’esprit d’un dragon ainsi touché… Mais, rajouta-t-il aussitôt en reportant son attention sur Aldaron, cela indique aussi que Paoele pourrait être complice, même si elle n'appartient peut-être pas au groupe elle-même… Je sais que les lyssiens forment une communauté très soudée, même au travers des frontières. Surtout en raison des circonstances de l’anéantissement de leur ville aimée. Beaucoup des… vous-savez-qui… que je connais sont des lyssiens également. Il y a donc des chances qu’ils soient tous en liens.

Il offrit cette fois un léger sourire contrit. Puis reprit, essayant de calmer le flux de ses idées :

Il serait bien de la retrouver au plus vite, pour l’interroger. Sans penser qu’elle fasse partie de qui-vous-savez, peut-être au moins… complice ou impliquée, ou du moins elle les connaît. J’en mettrais ma main au feu, laissa-t-il échapper, sous l’excitation de tenir un éclaircissement plausible et un peu plus tangible.

Une piste chaude à suivre. Il se mordit la lèvre pour s'être laissé un peu emporter et se recomposa rapidement un visage calme.

Pour en revenir au sujet des hommes dont nous parlions, reprit-il cette fois sa voix se faisant plus basse et chuchotante et un peu hésitante. Et pour répondre plus encore à votre question, j’en connais quelques-uns, oui, quatre réellement pour être plus précis, et j’en ai croisé un autre brièvement. Je sais également qu’un marin au sein de mon équipage lors de ma visite diplomatique à Sélénia était un… en était un. Mais je ne saurais dire lequel, car on a refusé de me le dévoiler, pour des questions de sécurité.

Il fut fier en cet instant d’avoir su masquer les relents cyniques que cette histoire de sécurité lui inspirait.

Pour la suite... j’aimerais… Pensez-vous pouvoir lire en moi ?

Oui, bien sûr qu’il le pouvait. Il était dragonnier, Ast, maitre de l’esprit, songea Ilhan. Aussitôt qu’il en eut toutefois la confirmation, il baissa ses défenses mentales et tenta de n’opposer aucune résistance. Ce qui était particulièrement ardu pour lui. Mais dès qu’il se sentit suffisamment calme, pour ne pas rejeter toute intrusion dans son esprit, il reprit, tentant de parler en pensée pour que ce qu’il voulait transmettre soit suffisamment clair. Ce qui était plus que compliqué dans le bouillonnement de ses pensées. Et en espérant que l’Ast ne perçoive pas ses pensées à son sujet ou au sujet de Voronwë… Arf, non, ne pas y penser ! Ne pas ressentir, ne pas ressentir. Concentre-toi Ilhan, se morigéna-t-il. Les pensées à transmettre et uniquement elles. Juste elles.

Et alors, se concentrant, il parvint à se canaliser et à donner les informations à Aldaron mentalement :

"Les Brise-Sorts que je connais sont Moehau Ari, lyssienne, dans la quarantaine, maître mage, elle use aussi de dagues. Un mètre quatre-vingt-cinq, mère de deux enfants et grand-mère, mais ils sont tous décédés. Elle a été pro-Fabius..."

Aucune hésitation ne heurta ce mot en particulier.

"de façon modérée et a fait partie du Protectorat. Elle a rejoint Délimar dès sa fondation. Elle est spirite de la chauve-souris.

Teiva Vane, lyssien, 35 ans, bon mage, qui manie également les armes d’hast. Deux mètres, père d’un enfant mort pendant le désastre de Lyssa. Il a suivi le seigneur Syrène auprès de Korentin Kohan, mais a été bloqué dans la théocratie pendant presque toute la guerre. Il est venu à Délimar au moment de la scission avec Sélénia et est spirite du serval.

Ensuite Iason Aetius, almaréen, 37 ans, très bon mage, et il manie l’épée. Un mètre soixante-dix, il est plus petit que moi, père d’une fille. Il faisait partie des hommes d’Aldakin du Néant. Il a rejoint le Prince Thelem au Protectorat et a été également là lors de sa mort. Spirite du scarabée.

Je connais aussi Tehea Lloa’a, lyssien, 25 ans, bon mage, qui manie également le fouet et le filet de combat. Un mètre quatre-vingt-cinq, sans enfant, noble, et pupille du roi Grégorist à Gloria. Il a suivi Korentin dans sa rébellion et fait partie du Marché Noir..."


Il se permit une petite note amusée de teinter sa pensée, mais se reconcentra bien vite.

"Il est revenu auprès des siens après la traversée et est spirite du serpent et du perroquet. Enfin j’ai rapidement croisé une lyssienne, du nom de Kiir’ii Hula, spirite du loup. Mais je n’en sais pas plus la concernant."

Fichtre, que c’était éreintant de parler en pensée, songea-t-il. Mais il se força à reprendre.

"J’ai regardé ce qu’avait vu Shyven, mais les images qu’elle m’a transmises sont trop… floues, peu précises. Ce visage ne me dit rien. Mais encore une fois je ne les connais pas tous."

Cette fois, il se relâcha un peu et reprit à voix haute :

Je ne suis pas au courant des affaires qui concernent les hommes-que-vous-savez. Tout ce que je sais, c’est que six d’entre eux et leurs apprentis ont reçu autorisation de quitter leur cité et de prendre résidence ailleurs pour plus d’efficacité. Je n’ai su que récemment, quand je suis arrivé à Caladon il y a quelques jours, que certains avaient apparemment choisi Caladon. Je pense que vous devinez comment j’ai pu avoir de telles informations.

La Toile. Mais il se garda bien d’en dire le nom à voix haute. Ne sachant pas toutefois si Aldaron ne l’avait pas entendu en pensée.... Mais bon, après tout, au point où il en était… Son ancien lui avait noté qu’Aldaron avait de toute façon des suspicions le concernant lui et son organisation. Tout comme il savait qu’il était la Triade après tout.

Mais cette installation précise en votre ville n’est pas en soi un ordre des instances supérieures que vous connaissez bien.

Il inspira profondément et rajouta en pensée, pour bien appuyer ce qu’il voulait dire :

"Leur mission était juste d'établir une base d'opérations ailleurs, et ce de façon officielle, en un lieu que ce groupe devait proposer et non imposer..." 

Puis, inspirant pour chasser le mal de crane qui lui venait, il reprit en pensée :

"Je puis également ajouter que lorsque j’ai… mangé de la magie..."

Aussitôt il implora le vampire de ne pas s’énerver.

"ou essayer, les Brise-Sorts mis au courant de cette tentative ont eu une vive réaction négative et m’ont fortement encouragé à ne pas recommencer."

Il n’expliqua pas la teneur des encouragements.

"Parmi ces Brise-Sorts, deux étaient de ceux installés à Caladon à l’heure présente. Enfin une bonne moitié des effectifs des Brise-Sorts stationnés normalement à Délimar sont partis, il y a plusieurs mois, vers octobre, et tous ne sont pas revenus à l’heure actuelle. Certains sont décédés, d'autres ont décidé de partir en retraite méditative pour un temps et d'autres sont en missions pour surveiller Ipse Rosea, de ce que mes informateurs ont pu trouver."

La correspondance de certains événements peut être troublante, je l’admets, ajouta-t-il en murmurant. Peut-être est-ce une coïncidence, ou peut-être pas.

Si les Brise-Sorts installés à Caladon sont derrière tout… cela… ont-ils également reçu la complicité de leurs paires de Delimar ? songea-t-il, se rappelant trop tard qu’Aldaron était en pleine écoute de son esprit. Il se fustigea mentalement, mais le mal était fait. De toute façon, dans cet état de "communion", il ne pourrait rien lui cacher… Autant aller jusqu’au bout de sa pensée ?

"Notons que les Brise-Sorts ont un peu tendance à agir librement, de ce que j’ai pu observer, ils se croient parfois au-dessus du commun des mortels. S’il s’agit bien d’eux, peut-être que les Brise-Sorts dissidents ont échappé à Tryghild ? Est-ce qu’elle aurait eu vent des enlèvements de Nywin ? Et qu’elle aurait envoyé des Brise-Sorts de Delimar pour combattre les dissidents ? Si nous pouvions… accorder à Delimar le bénéfice du doute ?"

Sous cette demande, il baissa les yeux, et sortit son carnet. Toujours aucune réponse.

Concernant votre demande de placer certains hommes en particulier sous mon commandement… je ne peux appliquer cette demande moi-même. Je ne connais pas le nom de leur capitaine. Et je ne sais comment les contacter. Cette information est connue de deux personnes seules.

"Tryghild et Sigvald"

–  Mais j’ai fait part de cette demande à qui-vous-savez dans le carnet. Je n’ai toutefois encore… aucune réponse. Ni au premier message ni à cette deuxième demande. Puis-je... suggérer autre chose ? Sans que vous ne vous mettiez en colère ?

Il savait que l’idée qu’il lui venait n’allait pas plaire à Aldaron. Mais il se devait de ne lâcher aucune piste. C’était l’honneur de Delimar en jeu.

J’aimerais… je me dis qu’il serait bien de comprendre ce que Voronwë a vu, mais ne parvient pas à nous révéler. Je pense pouvoir… peut-être… Avec mon sort d’animi revelare, que, je crois, vous connaissez déjà… Je pourrais peut-être l’aider à retrouver ce qu’il a vu ? Ou l’autre Nywin ?

Aussitôt, il se détourna, songeant que si Aldaron voulait l’arrêter, il le ferait, qu’il en avait tous les pouvoirs, physiques, et politiques. Il se dirigea alors vers Voronwë d’un pas doux, mais déterminé, et l’appela d’une voix calme. Il lui attrapa doucement la main, lui offrit un sourire chaleureux, sincère, toute jalousie envolée quand il revit l’état déplorable dans lequel était le jeune Nywin. Il le fit alors s’asseoir et s’installa en face de lui, tout en lui prenant les deux mains.

Voronwë. Je sais que vous avez vécu des moments difficiles, éprouvants. Mais vous avez eu le courage de nous en révéler beaucoup. Tout à l’heure, vous avez dit avoir déjà vu cet autre Nywin, mais vous n’arriviez pas à nous en dire plus.

Le Nywin hocha la tête en déglutissant.

Apaisez-vous, n’ayez aucune crainte. Je ne vous veux aucun mal. Je peux, peut-être, vous aider, à retrouver ce qui s’est passé. Si vous le voulez, bien sûr. Cela pourrait peut-être nous aider. Mais je comprendrais que vous ne puissiez pas…

Je… Je veux bien, balbutia Voronwë, tout tremblant, en regardant par dessus l'épaule d'Ilhan.

Avait-il consulté Aldaron pour avoir son approbation ? ou ses encouragements ? ou l'assurance de ne rien risquer ?

Ilhan serra doucement ses deux mains puis l’enjoignit à se détendre. Il lui intima doucement, d’une voix aux accents chantants d’Althaïa, de fermer les yeux, d’inspirer, d’expirer, de penser à ce qu’il préférait le plus, puis de suivre les battements de son coeur, le souffle de sa respiration, et de caler son rythme au sien. Après quelques minutes de ce petit manège, il sentit le Nywin se détendre légèrement.

Bien, continuez à respirer ainsi. Vous pouvez rouvrir les yeux.

Ilhan fut tenté un court instant de lui manger quelques émotions pour l’apaiser plus encore… Mais se ravisa. Peu sûr de se contrôler lui-même dans sa faim. Il ne voulait pas risquer de rendre Voronwë complètement apathique au point de ne même plus pouvoir penser.

Votre liée ou vous-même pouvez suivre ce que je vais tenter de faire, si vous le désirez, fit-il à voix haute, en tournant légèrement la tête vers Aldaron.

En faisant attention toutefois à ne pas le déconcentrer. Il n'avait aucune envie de tout faire exploser.

Autant pour lui donner un gage de confiance, de cette confiance qui semblait si fragile en ces instants tendus, et pour que la dragonne puisse partager en direct, avec qui de droit, ce qu’il allait, peut-être, ou peut-être pas, voir dans l’esprit du Nywin.

Maintenant Voronwë, vous allez vous concentrer. Surtout, n’oubliez pas que vous êtes avec nous, ici, et que vous ne craignez rien. Sentez mes mains et serrez-les aussi fort que vous le voulez. Maintenant, essayez de penser à ce qui vous est arrivé depuis que vous avez été enlevé, jusqu’à aujourd’hui. Essayez de vous rappeler tout ce qui vous vient à l’esprit. En particulier, pensez au moment où vous avez vu ce Nywin avec vous. À mon signal, vous y penserez fort, d’accord ? Vous pensez que ce sera possible ?

Le Nywin hocha simplement la tête. Ilhan lui caressa doucement la joue puis rattrapa rapidement sa main.

Doucement, tendrement, il posa son front contre lui et plongea son regard sombre, pétillant d’or, dans les yeux de Voronwë. Et aussitôt se laissa happer par l’esprit du Nywin.

Directives :

description[INTRIGUE] Question de morale EmptyRe: [INTRIGUE] Question de morale

more_horiz
L'immaculée dragonne fit glisser son intérêt une dernière fois sur chaque élément de la chaotique scène qui commençait doucement à s'organiser. Bipède-maladroit, bipède-immobile, et bipède-affamé, étaient doucement pris en charge, chacun à leur manière. Bipède-immobile respirait encore. Shyven, au loin, était sauve, et Lié allait prendre soin d'elle. Soit. Si ce monde n'avait plus besoin d'elle, elle voulait bien s'éloigner. Son esprit contre celui d'Aldaron lui fit part de son inquiétude vis-à-vis de sa fragile et vulnérable congénère, de la confiance qu'elle avait envers lui, comme une demande aussi tacite que venue du fond du cœur. Elle lui signala, enfin, son léger dépit à devoir retourner regarder les cadavres. Ce n'était pas une activité très divertissante, et elle n'était vraiment pas convaincue de trouver quoi que ce soit qui vaille la peine de s'éloigner de lui. Oh, elle allait le faire tout de même. Elle ne l'oublierait juste pas à l'heure du repas.

La Liée d'Aldaron s'élança vers sa destinée. Elle ne risquait pas d'aller loin. Ce n'était pas tant une question de vision, car la magie ambiante et l'écho de ses pas aurait pu suffire. Non c'était plutôt qu'elle ne savait absolument pas vers où se diriger. Elle espérait juste que son guide allait comprendre qu'elle n'avait pas envie de s'attarder, et qu'il presserait le pas aussi. Cela sembla porter ses fruits, et la dragonnette tira beaucoup de satisfaction de la course inquiète de l'humain.Il les mena jusqu'au corps dont il était question, et proposa maladroitement son aide à la petite. Elle l'ignora. Il avait suffit de quelques instants pour qu'elle obtienne les informations qui lui étaient nécessaires, et les transmette à Lié : ce corps était vide de magie, et la magie ambiante se refusait à l'imprégner. Une fine pellicule de magie traînait néanmoins sur lui. Cette part de magie qui était vitale à chacun, comme un reste. Un sentiment étrange, indéfinissable, murmurait à la dracène que la magie avait été extraite bien plus violemment de celui-ci. Comme si la blessure que nul ne pouvait percevoir se dotait tout de même d'une aura.

Voilà, elle avait fait ce qu'on attendait d'elle. Au petit trot, cette fois, elle se fia à son instinct pour revenir auprès de Lié, se frotter à ses jambes avec une sorte de grondement sourd de satisfaction. Elle lui transmit le souvenir du petit bipède courant pour la rattraper. Etait-il fier d'elle, et de sa capacité à faire faire aux gens ce qu'elle voulait ? Elle, elle était fière.
Il lui fut demandé d'aider Shyven à retrouver des souvenirs. Oh. Elle pouvait faire ça ? Comment ? Elle n'était pas sûre. Mais pouvait-elle seulement avouer cela devant la Sucrée ? Gonflant son esprit d'orgueil et d'assurance, elle vint très délicatement le rapprocher de celui si frais de la dragonne libre, lui demandant avec grand soin si elle acceptait qu'elle tente de l'aider.

La confirmation obtenue, Nahui procéda avec lenteur et précaution, veillant à n'abîmer ni ne brusque sa congénère, prête à tout cesser sitôt qu'elle montrerait un signe d'inconfort. N'était-elle pas la première à connaître le sentiment d'une coquille brisée ? Elle dut par ailleurs user de ressources supplémentaires pour éloigner ces ténèbres-là de ses efforts. Son esprit vint d'abord caresser la surface du sien, alors qu'elle lui demandait de se remémorer les scènes-clefs que chacun remettait en question. Elle glissa, comme un murmure, l'idée qu'elle était autant triste que colère que l'on ait ainsi osé attenter à sa mémoire. Elle n'eut pas besoin de beaucoup de temps. Les souvenirs exsudaient d'une magie bien trop grossière pour s'attaquer plus profondément aux créatures supérieures qu'elles étaient. Les faux souvenirs étaient comme le sable sous lequel se cachaient certains serpents : un camouflage fragile, que le vent pouvait souffler. D'ailleurs, la seule présence de leurs deux regards sur le souvenir commençait déjà à le rendre plus précis.

Nahui demanda à Shyven l'autorisation de montrer la scène à Lié. Ce qu'ils cherchaient était exactement l'objet le plus précis de ce bout de mémoire : le bipède-bizarre que Shyven avait vu était un bipède, plus grand encore que les autres. C'est un bipède solide, apte aux travaux physiques. Il est vêtu comme ceux-qui-se-battent, mais sa tenue est noire, de ce noir de ceux-qui-veulent-se-cacher. Sa peau est sombre, et ses yeux clairs. Ses cheveux sont noués. Une moitié de son visage est abîmée, la peau semblable à une membrane défaite ça et là, rose, fripée. Brûlée, peut-être.
Aux bipèdes, à Lié, d'en tirer les conclusions qu'ils voulaient. Nahui faisait sa part, et cette dernière était éprouvante. Les images, pour elle, étaient des informations très difficile à concevoir, recevoir, et analyser. Pour Shyven, ce n'était pas plus simple. Lutter pour se défaire des faux-souvenirs n'était pas de tout repos. Pourtant... Il en restait encore un peu. Un petit peu de mémoire à découvrir, qui demandait un peu d'énergie en plus. Nahui se détacha de Lié, pour se rapprocher de sa congénère au goût de sucre, et appuyer sa tête contre elle. Un peu d'encouragement émana de la Liée de Lune. Elles y étaient presque. Elles allaient la laver de cet outrage. Et pour l'accompagner dans son effort, lui permettre de faire les derniers gestes qui la libéreraient, Nahui transmit une part de son énergie à la précieuse fille des cieux. Une part égale aux besoins qu'elle pouvait avoir. Cela fonctionna. Elle sacrifia peu à peu l'énergie de ses pattes, de son cou. Inconsciente de ses limites, elle laissa bientôt sa mémoire sur le côté. Sa conscience ne tenait plus qu'à un fin fil.

Spoiler :

description[INTRIGUE] Question de morale EmptyRe: [INTRIGUE] Question de morale

more_horiz
Shyven maugréa, constatant qu’elle avait fait du raffut pour rien, que Nahui ne l’avait pas suivi, et que le bipède-louche était en fait parti, ou tout simplement jamais arrivé de ce qu’elle apprit sur le plus tard.

Quoi qu’il en soit, tout cela retentissait dans son esprit comme un échec, un cuisant échec au goût amer et à la pensée qui la rendait profondément triste et colérique. Plus les éléments apparassaient au fur et à mesure de l’enquête, plus elle était désormais persuadée que tout ce qui se passait dans cette ville de fou depuis tout à l’heure n’était que de la poudre aux yeux et que les criminels construisaient quelque chose aux ambitions bien plus grandes …

D’abord les meurtres visant spécifiquement la magie plutôt que les personnes (bien qu’ils en profitaient généralement pour rendre une justice arbitraire à leur façon), et désormais cette affaire de trouble de mémoire.

Allons, Shyven n’était pas dûpe, pas plus que tout le reste de l’assemblée ici présente, à part peut-être ce pauvre bipède-extravagant qui semblait au mieux ballotté par les flots de toute cette affaire. Elle donna toutes les réponses nécessaires aux deux bipèdes-pâlots qui avaient peut être enfin compris que ses paroles étaient dignes d’intérêt. Elle eut un profond soupir, qui envoya volé quelques graviers au loin. Le message était politique. Très clairement. Peut être un peu trop clairement à son goût, même.

Et si cette affaire de modifications de mémoire avait marché sur elle, hein, jusqu’à où ces gens-louches auraient pu aller, et surtout depuis combien de temps ? Depuis combien de temps amassaient-ils des immaculés innocents, depuis combien de temps baffouaient-ils toutes les règles de l’Équilibre durement construite avec le temps, en toute impunité ?

La dragonne fit ressortir ses instincts primaires de bête Sauvage. Elle voulut rugir à plein poumons, tout détruire sur son passage, retrouvez ces gens-louches et tous les maudire jusqu’au dernier, les punissant pour l'éternité et au-delà encore pour l’affront extrêmement grave qu’ils avaient commis …

Puis elle vit Nahui s’approcher d’elle, et soudainement toutes pensées négatives partirent. Parfois, alors qu’on était acculé, il était bon d’avoir des paroles de réconfort, et du soutien de ses semblables. La petite opale vint poser son museau sur la blanche, fatigué par toutes ces affaires, et désireuse d’y mettre un terme au plus vite.

Tout le temps qu’ils économisaient ici, serait autant de temps de gagner pour débusquer ce qui se cachait réellement derrière ces meurtres à Caladon, c’est à dire le projet de ceux qui voulaient détruire l’Équilibre.

Pour le reste, elle décida d’agir en coopération avec sa consoeur-liée, qui semblait bien avoir en patte la situation. Shyven eut le temps de revoir les hallucinations dont elle était victime, avec précisément la tête assez hideuse de ce bipède-louche. La petite opale n’était cependant pas très objective quant à ces dernières considérations : tout ce qu’elle voulait à présent, c’était les voir acculé devant elle pour pouvoir les juger.

Mais ces basses hallucinations qui avaient été implantées dans son cerveau n’était pas tout ce qui se cachait dans sa tête, loin de là. Elle sentait très clairement comme un mur de verre en face d’elle, probablement encore un bas stratagème implanté par ces nigauds ayant intenté à sa mémoire. Néanmoins, à force d’assaut répétés et de … Glace à la vanille ? Transmise par sa fidèle comparse Nahui, elle sentit le mur dans sa tête cédé petit à petit.

La glace à la vanille était décidément une arme de siège de premier choix. Elle fallait absolument qu’elle en touche deux mots à la blanche liée une fois qu’elles auraient toutes les deux l’esprit tranquille.

Néanmoins, ce n’était pas pour aujourd’hui. Et pour cause, Shyven sentait enfin que son véritable esprit revenait à elle, mais elle sentait également Nahui partir de plus en plus vite … Elle voulut se jeter sur elle pour la remercier de son aide et la protéger de tous gros coups de fatigue, mais elle n’en eut pas le temps : au moment où elle s’élança, des fragments de mémoire se recollant très rapidement lui vinrent en vision, lui coupant l’énergie dans ses pattes.

Elle vit le soleil se coucher sur Caladon, elle sentait comme un parfum salé dans l’air, alors qu’elle découvrait la ville avec surprise et émerveillement. Sans nul doute que c’était sa première soirée en ville, elle regardait tout : les bâtiments, les glyphes gravés ça et là, les bipèdes affairés à leur tâche … Quand soudain, un élément perturbateur qui venait troubler cette image d’épinal d’un dragon découvrant la vie des bipèdes en société : Shyven fut attirée par une petite ruelle, alors encombrée de charrettes.

Une bipède en armure noire se glissa avec précaution dans une porte entrebâillée, et la petite opale décida de la suivre. Elle rentra à son tour dans ce petit bâtiment, mais à première vue … Il s’agissait simplement d’un entrepôt de poissons. S’étonnant que la Shyven-de-l’époque ne s’arrête pas pour manger un ou deux poissons, la fille de Kaalys observa la suite de la scène avec beaucoup d’intérêt : elle avait en fait trébuché sur un espèce de mécanisme d’activation dissimulé, et elle s’était retrouvé un étage plus bas.

L’endroit était sombre, remplis de râteliers d’armes et d’étagères où étaient rangés vraisemblablement des poisons aux couleurs inquiétantes, un peu comme ces champignons-vénéneux que Papa-tout-chaud avait interdit à Shyven de manger sous peine de subir des maladies gênantes.

Il y avait une grande table de bois, et … une espèce d’éléments de décorations disposés de manière concentrique, qui rappelait à Shyven ce qu’on lui avait expliqué concernant la façon des bipèdes d’entretenir des cultes. Six coupes d’argent étaient disposés là, puis douze coupes de bois. Au centre de ce grand cercle, était disposé une statuette de … Verith, et une écaille rouge qui semblait lui appartenir ... ?

Son grand-père ? Mais qui pouvait être assez fêlé pour vouer un culte à son grand-père ? Il était certes grand et imposant mais quand même, sur certains sujets il n’avait vraiment plus toute sa tête …

Shyven se vit renifler des tissus couverts de glyphes, avant de s’en éloigner. Puis elle entra dans une autre pièce … Emplie de … Cages ? Une partie de son esprit sembla entrer en résonance avec la scène, puis tout se passa très vite : elle aperçut que c’était ici que tous les nywins se cachaient … Elle avait raison, les deux n’étaient clairement pas des cas isolés. Ils étaient une vingtaine, de tous âges, à crier, hurler et pleurer … Un spectacle atroce, qui ne fut couper que par les bruits des drogués brisant leurs cages, désireux de manger et boire la petite opale, qui représentait un véritable soleil magique pour eux …

Shyven se défendit contre eux, écailles hérissés et toutes griffes dehors, puis quatre silhouettes l’écartèrent du conflit : l’homme à la moitié du visage brûlé était là, il y avait aussi un lyssien à la peau mate et aux cheveux blancs, et un homme au visage tatoué et à la peau sombre. La quatrième silhouette était la lysienne aux cheveux courts qui l’avait guidé en ces lieux sombres. Tous quatres avaient des armures sombres, des armes et des têtes embarrassées.

Shyven prit un peu plus de distance quant à la suite de la scène : si tout paraissait tendu à l’instant T,  elle profita d’être ici en tant que “spectatrice” pour analyser ce qui se disait : c’était évident qu’elle n’aurait pas dû être ici, elle était une témoin gênante, mais une dragonne. Alors ils ne voulaient pas lui faire de mal. La femme et l’homme se disputaient, échangeant leurs points de vue sur la situation : l’homme semblait ne vraiment pas vouloir ne serait-ce que lui érafler une petite écaille, car elle était une dragonne, une joyau du monde. En revanche, la femme elle semblait moins protectrice, et avait bien émis la volonté de vouloir faire taire définitivement la jeune dragonne …

Les deux autres étaient partis prévenir des alliés, tiens-dont. Il s’avérait que Shyven avait encore raison sur ce point. Une fois ceci fait, ils étaient partis de nouveau enfermer les pauvres nywins qui avaient tenté de s’échapper …

Pour le reste, Shyven vu la prise de décision de l’homme au visage brûlé d’effacer les souvenirs de la dragonne. Elle reconnu par la suite Paoele, dont l’androgynie troublait un peu Shyven, de plus prêt, même si on disait vraiment une femme au premier abord. Elle était vraisemblablement venu  prêter renfort aux autres hommes, bien que très ennuyée et triste …

Puis elle sentit la force de trois spirites hippocampes s’abattre sur elle, bien qu’elle avait essayé encore une fois de se défendre : Paoele, un des hommes précédents et un nouveau venu …

Ils murmuraient des plates excuses, et semblaient avoir la mort dans l’âme, et pourtant c’est là que commençait le faux souvenir, et en guise de dernier fragment clair le visage de l’homme brûlé qui regardait intensément la dragonne avant de se détourner.


Shyven se redressa brusquement, une fois sa vision terminée. Elle hérissa ses écailles un instant, et sortit toutes griffes dehors, avant de se rendre compte qu’elle était en compagnie de deux de ses camarades d’enquête, qui s’était resserré en petit groupe. Nahui était prêt d’elle, avec son lié qui semblait veiller sur elle sagement. Bien, au moins la blanche-dragonne avait survécu : enfin une bonne nouvelle. Elle semblait simplement faire un petit somme, ce qui n’était pas délirant au vu de son état aux dernières nouvelles.

L’autre bipède-pâlot lui, était entrain de traiter avec les deux Nywins. Voronwë était de ceux que les lyssiens en armure avaient enfermé de nouveau, un autre faisait partie du petit groupe qui l’avait attaqué …

Toutes ces personnes manipulés, tout ça par des fêlés qui vénéraient Verith … Shyven se rapprocha d’Aldaron, et s’empressa de tout lui raconter, jusqu’au moindre détail des cris et suppliques des Nywins. Elle ajouta dans son histoire que tout s’était passé dans le quartier du port, dans les entrepôts des marchandises.

A la fin de son petit récit, elle se découvrit un air très sérieux mais qui vint très naturellement. Elle ajouta alors à Aldaron :

“Aldaron. Je vous fais toute confiance pour mettre tout -et elle insista bien sur ce tout- ce qui est en votre pouvoir pour attraper ces traîtres à Caladon, Calastin, à l’Équilibre et au monde en général. Ces personnes sont une menace grave que l’on ne doit pas prendre à la légère, car quelque chose me dit que nous venons de mettre la patte dans quelque chose de grand … Très grand. Une menace sous jacente probablement depuis très longtemps. Ils sont nombreux, ont des alliés et des pouvoirs très puissants. Ne croyez que ce que vos hommes dont vous avez la plus grande confiance vous diront.”

… Elle fit une pause, émettant un petit grondement sourd pour ponctuer sa fin de phrase, témoignage de tout son soutien au bipède-pâlot qui venait de se retrouver avec cette affaire sur les bras. Elle aussi, elle désirait les débusquer. Puis elle apporta une dernière précision

“Et une fois que nous les aurons tous attraper, je désire, si cela est possible, tous les voir. Et les juger...”

Demande rhétorique, Shyven comptait bien tous les voir.

“Même si la décision finale vous reviendra, car justice doit être rendue devant vous autres les bipèdes, ils doivent comprendre qu’ils ne doivent pas s’esquiver face au…”

A cet instant précis de sa phrase, elle s’arrêta un instant, les voix qui lui avaient déjà parlé d'Équilibre lui intimant quelque chose d’autre …

“Tribunal Vivant.”

Oui, ces voix avaient raison. Cela sonnait bien aux oreilles de la dragonne. Et cela lui donnait enfin un peu de crédibilité. Ils avaient commis un outrage, il était temps de leur faire comprendre que “indulgente” ne voulait pas signifier “inoffensive”.

Sur ce, elle eut quand même un petit sourire de soutien à Aldaron et un autre grondement compréhensif, bien consciente que ce n’était pas de sa faute si la petite opale était dans cet état.

Une fois qu’elle s’était  assurée que le message était passée, le temps que les bipèdes réfléchissent à tout cela, elle vint s’allonger aux côtés de Nahui, profitant de l’instant pour intimer de longs remerciements à la blanche-liée d’avoir été là pour elle, au bon moment.

Directives :

description[INTRIGUE] Question de morale EmptyRe: [INTRIGUE] Question de morale

more_horiz
Cette journée était officiellement la pire de toute mon existence. Jamais de ma vie je n'avais autant ressenti cette sensation désagréable d'être le personnage secondaire. Loin de ma scène, je prenais de pleine face -sous la forme peu discrète d'un Nywin affamé de magie- ce fait. Douloureusement, je devais admettre que ma confiance en moi en avait sacrément pâtit… Pour autant, je ne me laissais pas démonter. La vie de cirque, après tout, apprenait que malgré les chutes, les coupures, les brûlures, l'important était de se relever et de continuer. Les leçons s'apprenaient par les échecs et la douleur. Toujours aller de l'avant, ne jamais reculer, telle était la philosophie de vie des forains. Alors soit, dans cette histoire, je n'étais qu'un second rôle, mais ce n'était qu'au final qu'une étape à passer avant de reprendre le premier rôle ! Oui voilà. Il me fallait ravaler ma fierté et accepter cet état de fait. J'étais un artiste professionnel et je me devais d'agir comme tel. Dans cette histoire, je me trouvais dans à la fois dans la position de la victime et de la famille de la victime. Je n'étais pas destiné à mener l'enquête mais plutôt à fournir aux héros toute les informations utiles pour leur permettre de retrouver le coupable. Fort de cette conviction, j'avais abandonné ma fanfaronnade et avait suivi les évènements avec beaucoup de retenue et d'attention. Faire le "bipède-extravagant" comme m'appelait la dragonne-fruit ne m'avait, de toute façon, apporté que des ennuis pour le moment. Aussi, avec un silence qu'on ne me connaissait guère, j'acceptai les soins que l'on me prodigua. Pendant un instant, je comprenais mieux la sagesse de Sah. En ne parlant pas, on prenait plus le temps d'écouter et d'analyser les situations. La fameuse "parole d'argent, silence d'or"... Apprendre cela à Caladon faisait un certain sens.
C'est donc silencieusement que je regardais les différents protagonistes de cette enquête s'évertuer à résoudre ce crime. L'ex-Bourgmestre, qui agissait toujours comme s'il l'était toujours, prenait en charge le Nywin qui m'avait prit pour une succulente glace magique, alors que le Conseiller de Délimar, faisait des trucs magiques pas très délimariens. Les deux dracènes, elles… bah faisaient leur trucs de dragons. Et bien vite, quoique leur secret draconique soit, il s'avéra que cela fonctionna. De toutes les révélations qui résultèrent de ces diverses méthodes peu conventionnelles, plusieurs me firent hausser les sourcils et d'autres sourire moqueusement.
Paoele était un homme et pourtant vu comme une femme. Et bien ? Ils n'avaient jamais vu un de mes spectacles ? Ils ne connaissaient pas Dame Dalis ? Ne savaient-ils pas que genre et identité de genre tendaient à être de plus en plus flous de nos jours ? Leur perplexité me faisait doucement rire jusqu'à l'évocation du crâne de Trooïka. Ah. Voilà un sujet épineux que je ne m'étais attendu à devoir répondre. Enfin si, avec la mort de Laïos, il n'était surprenant que ce fait ne ressurgisse. Mais je pensais alors pouvoir faire diversion et orienter sur une fausse piste, comme à l'accoutumée, ou décrédibiliser l'accusation...Enfin, je supposais que je ne devais pas m'en soucier pour le moment, une affaire plus importante qu'un circuit de contrebande occupait les esprits…

-Hum, si je puis me permettre… l'individu que vous avez vu dans les souvenirs de ce… pauvre… nywin…ne serait-ce pas lui par hasard ?

Visiblement, le fait de ne pas parler et me rendre intéressant ne fit que renforcer l'impact de mon intervention. Quasiment instantanément, j'attirai toute l'attention sur moi. Et à la place de mon visage parfaitement et totalement incroyablement séduisant, se trouvait le visage parfaitement et incroyablement repoussant de O'pea. Par la magie du Serpent, ma peau d'albâtre avait été remplacée par d'horribles boursouflures. Mes cheveux déjà bien platines, avaient encore plus blanchis. De manière générale, l'individu auquel j'avais prit l'apparence aurait tout à fait pu être mon moi du futur… mais ayant participé à un feu de joie géant..
Devant les regards interrogatifs -et apeurés dans le cas des nywins- que cette intervention suscita, je m'expliquai prestement.

-Cet individu se nomme O'pea. Je l'ai connu à Lyssa avant l'Exode… puis de nouveau rencontré ici, à Caladon, au cours de ces dernières semaines. Voyez-vous… je connais bien les lyssiens et leur communauté. Le Cirque du Renouveau a joué dans quasiment toutes les villes et Lyssa a vraiment été une terre d'accueil pour moi. -je repris mon vrai moi, la laideur étant trop difficile à incarner- Je n'arrive pas à croire qu'O'pea soit impliqué dans cette affaire... mais si c'est vraiment le cerveau de cette odieuse opération, vous pouvez compter sur moi pour aller chercher des preuves !

Je n'arrivais pas à croire que lui, à qui j'avais accordé ma confiance, ouvert ma porte et invité à ma table, ait pu faire assassiner Laïos ! Je ne pouvais tout simplement pas rester les bras ballants !

-Messire Aldaron, je sais que je n'ai pas vraiment assuré jusqu'à maintenant… mais laissez-moi faire sur ce coups. Les scélérats derrière cette infamie ne me font pas peur. Ils doivent répondre de leur actes. Je connais bien leur communauté, mon nom est bien connu, ils ne se douteront de rien.

Et si jamais cela ne fonctionnait pas, je pouvais toujours m'infiltrer en prenant une autre apparence. Jusqu'à maintenant, mon accent si particulier m'empêchait de me fondre totalement dans mes personnages, mais à présent, mes imitations étaient parfaites. C'était risqué bien entendu, mais je ne supportais pas de ne pouvoir rien faire. Et puis… le danger était un peu excitant tout de même. À la différence du nywin qui m'était tombé dessus par surprise, je savais dans quoi je mettais les pieds. Je ne pouvais pas tomber dans un piège si je savais que je pouvais être piégé. C'était la base des histoires de détectives non ?
J'étais un acteur, un artiste performeur, le mensonge faisait partie de mon travail. Faire croire à une réalité, incarner des personnages qui n'existent pas. Le monde du spectacle était un univers de fantaisie dont les frontières entre imaginaire et réalité se confondaient en parfaite harmonie.

Et puis…. de toute façon, je demandais l'autorisation au chef autoproclamé de l'équipe d'investigation… mais avec ou sans, je comptais quand même y aller. Même si je ne savais pas encore quelles informations je cherchais encore, juste le fait de chambouler les plans de ces raclures suffisaient à me motiver. La vengeance était peut-être un plat qui se mangeait froid, mais le froid ici, c'était moi !

directives :

description[INTRIGUE] Question de morale EmptyRe: [INTRIGUE] Question de morale

more_horiz
    Le garde blessé fut promptement envoyé aux guérisseurs par Ilhan. Aldaron avait approuvé d'un signe de tête l'ordre avisé et était resté à l'écart des autres pour interroger le conseiller délimarien sur ce qu'il avait découvert du crâne. L'histoire ne fit que renforcer l'aigreur qu'Aldaron ressentait au sujet de cet elfe de la Loge. Il faudrait vraiment qu'il parle à Orfraie de la qualité de ses fréquentations. Il poussa un soupir, par habitude plus que par besoin, tant il n'était pas surpris du caractère néfaste qui pouvait se loger en chacun. Morneflamme lui avait appris qu'il y avait des monstres dans le cœur de chacun individus et que les déesses n'avaient fait que créer des bêtes un peu plus intelligentes que les animaux... Mais pas moins nocives. « Bien. » Osborn ne tarda pas à montrer le bout de son museau pour préciser que Paoele, elle était un spirite de l'hippocampe. Mais outre cette révélation, ce fut ce qu'il capta, dans les pensées apaisées d'Ilhan, qui le laissa coi. Serval ? Osborn était un spirite du serval ? Il resta figé, un instant, même lorsqu'Avente lui réclama de discuter un peu lus à l'écart. « Avente, rendez au capitaine Oborn ce crâne qui a été trouvé dans la chambre de l'elfe. » Ils avaient fini d'investiguer à son sujet ; le conserver serait se garder l'opportunité d'une tentation vicieuse.  Il jugea plus adéquat de confier un tel objet à des personnes en qui l'Ast avait parfaitement confiance, plutôt qu'à des gardes qui pouvaient aller colporter ces informations à la Bourgmestre. Bien qu'il réprouve les actes de la Loge et de cet elfe à l'égard d'Eleonnora, il n'avait pas envie d'une guerre contre Ipsë Rosea. La lettre qu'il avait remis à un garde sur la scène du crime, serait bien assez suffisante si jamais ils avaient besoin d'en aviser la Bourgmestre.

    « Veillez à ce que  cette création abjecte soit détruite. » ordonna-t-il, posant son regard sur l'humain qui lui avait juré d'être son épée, en silence. Il aurait aimé l'apprendre de la bouche d'Osborn, lui-même, mais il était heureux de l'apprendre tout de même. Il le gratifia d'un sourire alors que son esprit venait doucement se poser contre le sien, sentant là, la confirmation de ce qu'Ilhan avait songé. * Je suis honoré par votre marque d'allégeance, spirite du serval. * Il était touché, sincèrement, comme à chaque fois que l'on s'attacha à lui au point d'affirmer, d'une façon ou d'une autre, s'en remettre à lui et à ses ordres. Être son bouclier ou son épée. Il serra son bras, comme pour transmettre sa reconnaissance puis le quitta pour prendre un peu de recul, avec Ilhan, qui avait d'autres choses à lui confier. Ou plutôt à lui demander. Mais il n'eut que silence de la part de l'ancien Bourgmestre, suivant le fil de pensées de l'althaien, qui s'en trouvait être le bon. Un doux sourire paternel chaperonnait l’enchaînement de requêtes et de retours qu'Ilhan se faisait à lui-même comme un grand, amusé de le voir chercher auprès de lui l'approbation de ses hypothèses. Alors, Aldaron se contentait d'acquiescer, par moment, de la tête, à ses justes suppositions.

    Lorsqu'Ilhan lui réclama à lire en lui, le dragonnier, frôlant déjà son esprit, se laissa happer par le consentement de son fils. Dans le nexus de ses pensées, Aldaron fermait les yeux sur toutes ces voix qu'il entendait, afin de taire la cacophonie et se focaliser sur ce qu'Ilhan souhaitait lui transmettre. Il sentait son affection, autant que la frustration qu'il ressentait, à s'être ainsi fait gronder. Aldaron consentit de penser qu'il avait probablement été brusque avec lui. Vampire, à défaut de la Faim, il lui arrivait d'avoir des coups de sang et s'il savait se montrer patient et garder la tête froide, il lui arrivait de voir rouge. Fort heureusement pour lui, les grondements de son âme n'allaient que rarement au delà des mots, qui, bien que crus, ne restaient que des mots. Il lui transmit son affection en retour, partageant avec lui l'émotion sincère qu'il éprouvait à son égard. Il arrivait qu'un parent puisse être en colère contre son enfant, lorsque celui-ci faisait une bêtise. Mais rien au monde, jamais, quelques soient les choix tortueux ou malheureux qui puissent être faits, ne pouvait changer l'amour loyal et infaillible qu'Aldaron avait à l'égard de chacun de ses enfants. Ilhan était son premier enfant vampirique, et le seul, à l'heure actuelle. Leur lien avait quelque chose de singulier et s'il n'avait guère pu l’éduquer comme il l'aurait voulu, il était heureux qu'il puisse servir, encore aujourd'hui, sa Reine, comme il l'avait voulu.

    Il se focalisa ensuite sur les informations concernant les Brise-Sorts, comprenant, de tout cela, que ces combattants d'élite aient pu échapper au contrôle de l'Intendante et que celle-ci, ainsi que Delimar, devait mériter un peu de sa clémence. La suggestion fut accueillie, elle, sans grande réaction. Il n'était pas spécifiquement contre parce qu'ils devaient avancer et obtenir des informations... Mais il n'aimait guère qu'on pratique de la magie alors que ceux qui étaient vraisemblablement responsables des problèmes à Caladon n'aimaient pas qu'on en use et pouvaient la retourner contre leurs utilisateurs. Il le suivit néanmoins, alors que sa lié, de son côté, lui rapportait que le corps était identique aux autres victimes et qu'elle allait tenter de remettre les souvenirs de Shyven en place. Il acquiesça de la tête, lorsque Voronwë leva les yeux vers lui. Il savait qu'Ilhan ne lui ferait pas de mal. Il poussa un soupir et ferma les yeux, réceptacle de ce qui provenait de la mémoire de Shyven, via son lien avec Nahui, et ce qui venait de Voronwë, via son lien télépathique avec Ilhan.

    Au terme de toutes ces informations, la confirmation de l'implication des Brises-Sorts n'était plus à prouver. Elle était limpide comme de l'eau de roche et assurément, il ne fallait pas que cela remonte aux oreilles d'Eleonnora... Et donc que la suite de leur discussion se ferait ailleurs. Nahui s'allongea à ses pieds, rejointe par Shyven allant lui réclamer d'incarner un Tribunal Vivant. Le vampire s'agenouilla et posa ses deux mains sur les dragonnes. Il transmit de son énergie à sa liée pour la remettre à peu près sur pattes. « Nous discuterons de tout cela ensuite, dragonne d'Opale. Mon casque est un artefact de dragonnier, par volonté, vous pouvez vous y réfugier. Nous avons tous besoins de soins ou de repos : il est l'heure pour nous de nous replier en sécurité. » Ce disant, il avait levé les yeux vers le garde qui appartenait au Marché Noir. Celui-ci comprendrait sa demande implicite.

    Tous furent conduits et escortés en lieu sur, à l'intérieur de son domaine. Il savait, à présent qu'il ne serait pas personnellement visé et à cet effet, il n'avait plus besoin de cacher sa position. Il était lié à une dragonne et ces fanatiques vénéraient les dragons. Ils avaient pris grand soin de Shyven. Il savait qu'aucun d'entre ces Brise-Sorts ne viendrait attenter à sa vie. Chez lui, il avait ses habitudes et sa sécurité. Se cacher n'avaient d'utilité que si cela les dissimulait vraiment, mais si ces possesseurs du flux de contrôle pouvaient flairer la magie avec leur chien-Nywin, alors il valait mieux se retrancher dans l'endroit où il serait le plus capable de se défendre. Tous avaient été mis dans une grande chambre improvisée en infirmerie. Les dragonnes étaient l'une contre l'autre et on leur apporta de quoi de rassasier en bavettes et eau. Tout ce qu'elles voudraient serait à portée de patte. Nahui avait l'habitude : elles n'avaient qu'à demander.

    De copieux et délicats mets furent apportés à Ilhan, Ezel et Sah. Les Nywins s'étaient vus attribuer chacun une chambre bien gardée et furent nourris en magie et en vivres. Il irait les voir, plus tard dans la soirée. Pour l'heure, il restait avec ses autres, n'ayant guère besoin de manger pour sa part. Il était un antique capable de résister assidûment à sa Faim. Il aurait besoin de quelques heures de transe vampirique  pour se remettre d’aplomb... Comme tous auraient besoin de sommeil. Il toucha quelques mots à ses domestiques pour la sécurité, notamment pour que personne ne quitte le domaine cette nuit. Ilhan et Shyven purent communiquer sur le contenu de leur découvertes. Il ne savait pas si c'était une bonne idée que d'informer Ezel de tout cela. Il suffisait qu'il vienne à en parler, un jour, pour que tout ceci finisse mal. Il achèterait son silence, s'il le fallait. Ou il le tuerait. Par égard pour sa mère, il aurait pu le mordre, mais il ne savait que trop bien que l'amnésie vampirique pouvait être contournée... Et que les Esprits-Liés l'en préserve, il ne voulait pas de ça pour fils. Il avait déjà bien assez de fils à retordre comme cela.

    Installé dans un confortable fauteuil d'un rouge comme la pourpre des rois, bras sur les accoudoirs, il n'avait prononcé aucun mot pendant l'échange. Parfois, il avait même le regard vague et vide, comme s'il était ailleurs et il l'était. Il était à Morneflamme. Il était au cœur du volcan. Ce souvenir honni l’écœurait et lui donnait des frissons, bien qu'il le vivait autrement que jadis. C'était plus lointain, à présent et son esprit était plus solide, il y résistait avec une force plus féroce, plus indomptable. Car il était aussi un vampire. Son regard d'un vert surnaturel se posa sur Ezel, le jaugeant, un instant, sans mot dire. Ilhan l'avait poussé à être indulgent à son égard, ils venaient même de partager avec lui des informations extrêmement importantes. Le mettre sur le banc de touche maintenant serait bien stupide : « Je vous ai accueilli au sein de ce cercle d'investigation afin que vous puissiez jouer un rôle dans cette affaire, Monsieur Bonaventure, et apaiser le trouble qui a été causé au sein de votre famille. Je n'ai pas changé d'avis. » Peut-être aurait-il était plus sage de le mettre à la porte... Mais une part de lui avait envie de voir ce qui brillait en lui pour que sa mère ait été prise d'attachement. « Il nous faudra approcher ce groupe et tenter de parlementer avec eux, avant toute chose, afin de connaître leur but. Votre familiarité avec les lyssiens ainsi que votre art de la comédie nous seront d'une grande aide et je vous remercie d'accepter de nous l'offrir. »

    Il le darda de son regard franc et direct : « Toutefois, vous devez avoir conscience de la gravité de la situation dans laquelle nous nous trouvons. Vous avez été mis dans la confidence d'informations qui pourraient mettre en péril l'Alliance, et peut-être plus encore. Nous n'en savons rien. Je tâcherai de satisfaire vos diverses demandes. » Il posa son regard sur Shyven qui avait réclamé d'être le tribunal vivant, avant de revenir sur Ezel : « Parfois il est des vérités et des règlements de compte qui gagnent à se jouer dans l'ombre. » Dixit le dirigeant du Marché Noir, ce qui était fort à propos. « Tous autant que vous êtes... Si vous souhaitez comprendre ce qui se passe ici, il vous faudra aussi accepter le silence que je vous imposerai. C'est mon prix, pour continuer. J'espère que seul votre bon sens saura vous guider vers cette nécessité. » Et qu'il n'ait pas à passer par des menaces ou des mesures drastiques pour me faire entendre. « Si nous mettons un terme à ce bain de sang, nous devons veiller à ne pas en engendrer un autre bien plus cruel : la guerre. » L'ast coula son regard sur la liée lovée contre la petite rose. 

    « Cette journée a éprouvé notre énergie. Nous en resterons là, pour aujourd'hui. Le repos nous réclame et nos réflexions doivent être longuement pesées avec prudence. Je crains que nous ne soyons trop affaiblis pour que nos désirs d'action ne soient autre chose que médiocrité. Vous êtes ici en mon domaine, en qualité d'invités. Les domestiques vont vous dresser des chambres et vous porter tout ce que vous désirez en terme de nourriture, de soins ou de vêtements. Ma garde personnelle veille, vous pouvez dormir sur vos deux oreilles. Pour des raisons évidentes de confidentialité, vous n'êtes pas autorisés à quitter mon domaine. J'espère que vous pardonnerez cette indélicatesse de ma part et que vous comprendrez sa nécessité. » Rien ne devait remonter aux oreilles des autorités, pour l'heure. Tant pour garantir la paix avec Délimar, que pour pouvoir encore agir dans l'ombre et aller au bout de cette affaire. Alors oui, il les séquestrait, s'il fallait appeler un chat, un chat.

    « Il me faut néanmoins vous communiquer une dernière donnée de cet épineux problème : je connais le lyssien qui les dirige, je l'ai rencontré à Morneflamme. » Il marqua une pause, avant de se lever de son fauteuil. Son regard coula sur les deux dragonnes. Nahui avait l'air bien installée avec Shyven, il ne lui demanderait donc pas de le suivre. « C'est moi qui suis responsable de la brûlure qu'il a au visage. Par la faim terrible que nous éprouvions dans la prison, cet homme en est venu à attaquer Korentin Kohan. Je suis intervenu. » Il secoua la tête de gauche à droite, amère en évoquant le nom du roi des humains. « Fort heureusement pour lui, j'ai également fomenté l'évasion de la prison. Sa plaie n'a pas eu le temps de pourrir et de causer sa mort. J'ignore s'il me tient rigueur de ce que je lui ai infligé, ou s'il m'est reconnaissant de l'avoir libéré des chaînes qui l'auraient conduit à un régicide. » Il haussa finalement les épaules : « Nous ne devrions pas tarder à le savoir. » Parfois, il fallait savoir jouer, en acceptant l'éventualité de perdre. « Je vous souhaite à tous une bonne nuit. » Le vampire se retira dans son salon personnel, gérant quelques affaires sur le feu avant de s'installer dans un fauteuil encore plus confortable et de récupérer son énergie par la transe vampirique. Demain serait un autre jour.

description[INTRIGUE] Question de morale EmptyRe: [INTRIGUE] Question de morale

more_horiz
Aldaron lui ordonnait de rendre le crâne au capitaine Osborn, quand Ilhan le déposait tout juste dans les mains de son père. Il lui offrit alors un sourire et son sourire pétilla d’une légère lueur taquine, amusée à l’idée qu’ils avaient eu, en quelque sorte, la même idée. Rendre le crâne à un autre. Les grands esprits se rencontraient, apparemment. Il aurait bien suggéré de conserver toutefois l’objet en lieu sûr, au cas où… mais se ravisa. Il y avait de toute façon assez de témoins pour attester qu’ils avaient trouvé pareil objet sur les lieux du crime, en possession de l’elfe de la loge. Détruire l’objet pourrait permettre d’en effacer l’histoire, dont ils seraient alors les seuls dépositaires, pour pouvoir la modeler, au besoin, comme ils l’entendraient.

Ils avaient en tout cas d’autres Graärh à fouetter et en l’occurrence beaucoup les attendait encore. Un court instant, Ilhan se fit happer par une onde affectueuse paternelle, et fut bien tenté de s’en gaver sans honte… mais il se retint, et savoura l’instant. Bien trop court, et bien trop sobre, à son goût. Une pointe de jalousie persistait toujours en lui. Lui devait se contenter d’une onde de pensée. Lui devait se contenter de mots durs, de conditions presque impossibles, même si ensuite approbation paternelle et affection lui étaient accordées... en secret. Lui n’avait droit ni à une main qui le tienne pour le soutenir, ni à une belle cape au blason de sa vampirique famille…, ni même à un nom vampirique, quand il y pensait. Sans doute parce qu’on le considérait fort et déjà bien mature pour pouvoir supporter tout cela, la situation, et les remontrances, sans qu’il ait besoin de quelque autre soutien… Ou peut-être parce que son père n'avait rien eu le temps de tout cela, eux qui n’avaient guère eu beaucoup d’occasions de se voir depuis sa… transformation.

Ilhan chassa ses pensées parasites, se contentant de cette douce caresse mentale, qu’il préféra chérir et nicher au fond de son coeur, et se focalisa sur les tâches à venir. Le sort sur le Nywin fut épuisant, et il fut soulagé quand il leur fut proposé d’aller en un autre lieu où se reposer. Même si alors Ilhan dut encore faire l’effort d’expliquer ce qu’il avait pu voir, et d'écouter certaines conclusions ou certaines mises en garde pour ne pas faire d’amalgame hâtif. Ilhan avait beaucoup hésité à tout transmettre à Ezel, mais voyant que ce dernier avait été gardé avec eux… Et puis il y avait bien des moyens de s’assurer du silence de quelqu’un. D’ailleurs Aldaron ne manqua pas de soulever la confiance qui était ainsi accordée au saltimbanque et que cette confiance avait tout intérêt à ne pas être trahie. Ilhan espérait que le jeune homme ait bien compris le message. Il trouverait regrettable qu’ils en viennent à des méthodes… par trop expéditives. Mais heureusement ce dernier sembla vouloir s’engager réellement dans leur bataille présente, avec une certaine conviction.

Quand Aldaron évoqua avoir connu le lyssien, Ilhan hocha la tête, notant précieusement ses informations. Ce pourrait être à double tranchant. Il s’empressa toutefois d’ajouter un élément à sa connaissance concernant ce personnage.

Moi aussi je connais ce lyssien que j’ai vu dans la...vision. Je le connais sous le nom de Koa'A. Il était à bord de mon navire à Sélénia comme simple marin. Mais je le connais également d’avant… Il était à Gloria, accompagnant Syren, et était plutôt pro-Fabius. Quant aux autres… Je n’en ai reconnu aucun de ces souvenirs.

Il n’en rajouta pas plus et prit congé lui aussi quand tout fut dit et qu’un serviteur vint lui montrer sa chambre.

Tout cet échange donna beaucoup à moudre à Ilhan, toute la nuit durant. Il peina à réellement trouver le sommeil, qui fut plutôt des somnolences entrecoupées plus qu’autre chose. Sa faim s’était quelque peu apaisée, avec le festin servi par son père, mais il devait avouer avoir faim de toute autre chose. Avoir vu les Nywins se gaver de magie… lui avait donné envie. Il fut d’ailleurs plus que tenter de pallier cette envie en se gavant de pensées ou d’émotions grâce à Tela, mais une petite voix lui souffla que ce ne serait peut-être pas le plus judicieux. Pour le moment, du moins. Toujours fut-il, qu’il n’en trouva pas le sommeil. Et une ballade au clair de lune lui était interdite. Il passa alors le reste de la nuit, assis, en position méditative, tout en observant les étoiles qui apparaissaient à la fenêtre devant lui. S’il ne dormit pas vraiment, au moins trouva-t-il un peu d’apaisement. Et bientôt le matin arriva.

Ilhan fut étonné que personne ne vint le chercher. Toutefois la première chose qu’il fit fut de vérifier son carnet resonare… et c’est avec grand soulagement qu’il vit enfin une réponse de Tryghild. Elle semblait avoir plutôt compris qu’il lui parlait des Brise-Sorts délimariens stationnés en ville. Elle lui indiquait n'avoir guère envie de les mettre sous les ordres d'un vampire. En lisant ces quelques lignes, Ilhan sourit. Cela aurait été étonnant. Mais la proposition était de les mettre sous ses ordres à lui, Ilhan, pas à Aldaron. Sans doute ses missives brèves n’avaient pas été claires. Elle lui indiquait également ne pas avoir du tout connaissance du fait que des Brise-Sorts détenteurs du Flux de contrôle se trouvaient sur place. Et cette simple petite phrase fut un soulagement sans nom pour Ilhan. Tryghild n’était bel et bien en rien impliquée. Il avait eu raison de croire en sa Reine et de plaider sa cause. Elle disait tenter de les contacter. Ilhan s’empressa alors de lui répondre, cette fois en un compte-rendu complet de leurs découvertes, et de leurs avancées, sans toutefois parler de quelconque plan d’action. Rien n’était défini. Il expliqua en outre que la proposition était de les mettre sous son commandement à lui, représentant de Delimar, et non sous le commandement d’Aldaron ou de quiconque de Caladon. Certes, pensa-t-il, l’ironie restait de mise, mais peut-être cela amoindrirait-il un peu les hésitations ?

Une fois cette longue tâche effectuée, il contacta, avec mille précautions, quelques araignées, via l’anneau des murmures. Des araignées dont il connaissait l’ancienne affiliation lyssienne. Il savait leur fidélité ancrée à la Toile plus qu’à leur ancienne ethnie, telle fonctionnait la Toile, il n’y avait donc aucun risque à se renseigner auprès d’elles. Elles lui fournirent alors quelques indications intéressantes. Selon ses informateurs, une personne servait de sorte de chef, de capitaine, et dirigeait plus ou moins la communauté. Mais à moins d'être lyssien, il serait compliqué d’y entrer. Les lyssiens étaient d’apparence tranquille, vus de l'extérieur, et plutôt ouverts aux gens de façon générale, mais pour tout ce qui concernait leur affaire lyssienne, ils resteraient bouches cousues, et fidèles à leur communauté, à moins d'être lyssien et impliqué. Voilà qui confortait l’idée d’infiltration. Même s’ils n’avaient guère de temps pour s’"impliquer" totalement. Ils allaient vraiment devoir ruser.

Fort de toutes ces informations, Ilhan s’assura de sa mise digne et élégante, puis se décida à sortir pour tenter de retrouver les autres. Le serviteur qui lui était attitré lui désigna où trouver ces compagnons, déjà éveillés, mais lui expliqua que le maître des lieux était lui-même absent pour le moment. Sur le chemin, en rencontrant Osborn, il lui demanda où se trouvait Aldaron et l’homme, assez courtois, lui répondit que le Conseiller était auprès de ses collègues afin de se plier à ses obligations d’élu.

Arrivé auprès des autres, installés pour l’instant dans un petit salon, il les salua chacun, leur accordant à tous un regard, un sourire, une marque d’attention, puis s’empressa de demander à la belle dragonne blanche où était son lié. Elle lui répondit de même, et précisa que, plus tard dans la journée, ils pourraient sans doute retrouver Aldaron dans le jardin des cinq saisons, qui se trouvait de l’autre côté de la ville près de la porte de la terre. Du moins était-ce là ce qu’il comprit aux diverses images et sensations qu’elle lui transmit. Le contact avec les pensées draconiques était toujours étrange… mais il était ravi d’avoir l’honneur de pouvoir échanger avec eux, il ne pouvait pas le nier. Il fut aussi rassuré de voir qu’elle n’avait l’air en rien inquiète, ce qui apaisa aussitôt la tension qu’il avait ressentie à l’annonce de cette absence. Il avait craint, un instant, qu’en sortant seul son père se mette en grand danger. Mais sa liée l’aurait su aussitôt. Et au vu de son comportement… il n’y avait apparemment rien à craindre de ce côté-là. Il put alors aussitôt se focaliser sur ce qu’ils pourraient faire, pour faire avancer un peu les choses en attendant le retour d’Aldaron. Hors de question de tenter une action puérile et risquée en son absence. Toutefois, ils pouvaient déjà élaborer un plan ensemble… et préparer le saltimbanque s’il se confortait dans son idée de s’infiltrer.

Ilhan leur confia alors les éléments que ses informateurs lui avaient appris sur les Lyssiens. À aucun d’eux il ne confia la réponse de Tryghild toutefois. Ce serait là une information qu’il glisserait à Aldaron, seul, une fois qu’il reviendrait.

Nous ne devrions pas sortir pour le moment, suggéra-t-il, et attendre le retour de Messire Elusis, ou le moment indiqué pour le rejoindre. En attendant, nous pouvons réfléchir à un plan d’action et nous y préparer.

Son regard noir pesa longuement sur le saltimbanque. Puis il attrapa une petite friandise en forme de boule qui lui faisait de l'oeil, au milieu de bien d'autres, dans une grande coupe sur la petite table et la croqua avec délectation. une fois sa gourmandise un peu calmée, il reprit, d’une voix calme, mais ferme, montrant toute sa détermination :

Nous avons plusieurs possibilités. Nous avons plusieurs pistes : Paoele que nous savons impliquée, et l’endroit que Shyven et les Nywins nous ont montré. Nous pourrions organiser une descente dans cet endroit, mais je pense que cela est bien trop joueur et risqué. Nous ne serons pas sûrs en outre d’y trouver nos cibles. Je pense que le plus indiqué, mais à décider tous ensemble, serait de trouver cette, ou ce, Paoele, et de l’interroger. Bien entendu, je doute que nous obtiendrons quoi que ce soit de sa part en y allant tous ensemble, surtout nous, étrangers à leur communauté.

Il se tourna alors vers Ezel.

C’est là, je pense, que votre idée serait intéressante. Vous pourriez imiter l’apparence d’un Brise-Sort des souvenirs de Shyven ou Voronwe, éventuellement de notre fameuse connaissance commune, O'pea ou Koa'A, qu’importe son véritable nom. Sans doute en jouant bien votre jeu, vous pourriez soutirer à Paoele quelques informations utiles, histoire d'en savoir plus sur leur repère, s’il contient des pièges ou autres, sur leur nombre, ainsi que sur leur possible motivation, ou leur plan à venir. Nous pourrions aussi envisager de vous envoyer vous infiltrer auprès de nos cibles, mais ce serait risqué, car en vous infiltrant directement dans leur repère, vous pourriez tomber sur votre double, sans qu’on puisse vérifier avant, et vous seriez bien trop exposé. Alors qu’en ciblant Paoele, nous pourrions sans doute mieux couvrir vos arrières en cas de problème.

Il se mordit légèrement les lèvres, en proie à une intense réflexion, alors que plusieurs embranchements de plans se dessinaient.

Donc je dirais plutôt Paoele d’abord et jouer de votre serpent et de vos dons de spectacle. Ensuite, nous aurons plusieurs possibilités une fois encore, qui dépendront de comment votre entrevue avec Paoele se passe. Soit nous attaquons leur repère si nous avons suffisamment de ressources et d’informations et si nous sommes sûrs de pouvoir y contrôler toutes nos cibles. Voire si nous avons quelque renfort… Mais cela, une fois encore, me paraît risqué et compliqué. Soit… nous leur tendons un piège. Deux pièges possibles : les attirer en un endroit choisi, et leur offrir une cible sur un plateau d’or, avec un bel incident magique… Nous aurions l’avantage du terrain et de pouvoir préparer comment les prendre à revers. Mais nous ne serions pas forcément sûrs de tous les avoir. Ou nous pourrions les attirer vers un Sainnûr à capturer, qui pourrait alors garder contact avec l'une de vous…

Il désigna les dragonnes.

Pour que vous en gardiez la trace. Avec un peu de chance, une telle capture est pour eux un événement qui réunit leur communauté. Et une fois que le Sainnûr est entré dans leur cache, il pourrait vous faire "voir" tout ce qu’il observe, entend, et vous donner toutes les indications pour organiser une attaque sans risque. Il pourrait aussi vous indiquer quand toutes les cibles seront réunies dans la cache, leurs armes, leurs compositions… Ce plan a l’avantage de pouvoir réunir toutes les informations, mais il nécessite un Sainnûr, un Nywin, suffisamment fort d’esprit pour parvenir à résister à ce qui l'attend pour arriver à vous donner tout ce dont il est témoin. Il n’est pas dit que les spirites de l’hippocampe ne se jouent pas de lui aussi. Quelle que soit l’option choisie, Ezel pourrait user encore de ses dons d’acteurs pour s’infiltrer de nouveau parmi eux, en fonction de comment cela se sera passé avec Paoele, s’il a pu être suffisamment convainquant pour la duper, et s’il peut se glisser parmi eux sans trop de risques… Il pourrait ainsi donner les plans d’action des cibles selon nos propres plans d’action choisis…

Il se frotta un instant le menton, clairement dans ses réflexions, avant de revenir sur l’instant présent.

Je vous propose d’y réfléchir toutes deux, fit-il aux dragonnes. Votre sagesse draconique saura sans doute choisir les meilleures options ou trouver d'autres idées.

"Et peut-être pourriez-vous partager ces suggestions, dès que possible, à votre lié, pour qu’il nous fasse part de son avis et expertise", souffla-t-il en pensée à Nahui, tout en s’excusant de ce possible affront de s’adresser à elle ainsi, sans autorisation réelle.

Mais à circonstances exceptionnelles, mesures exceptionnelles. Il préférait en tout cas avoir d’autres avis sur ces pistes d’actions. Car, elles ne se basaient sur aucune expérience, elles n’étaient que le fruit de ses réflexions, lui, tout jeune né d’à peine quelques semaines, sans souvenirs réels…

Et si vous pouviez, Shyven, remontrer à Ezel l’image de notre lyssien préféré pour qu’il s’en imprègne bien…

Il laissa le temps à la dragonne de retransmettre l’image pour qu’Ezel la garde en tête. Quand elle sembla en avoir fini, il se redressa et reprit :

Pendant que vous réfléchissez à tout cela…

Il coula un regard confiant vers les dragonnes, avant de reporter son attention sur Ezel et de lui offrir un sourire presque prédateur.

- Je vous propose de vous aider à vous… préparer. Vous vous disiez bon acteur ?

Il l’attrapa alors par un bras, et l’entraina doucement à l’écart. Enfin doucement… pour un Sainnûr.

Une fois à l’écart, il sortit un bijou de sa poche, qu’il avait demandé à un domestique avant d’arriver. Avec force prudence, il posa sa main portant Tela sur le bijou, d’apparence anodine, et activa sa Toile des murmures. Aussitôt le bijou se transforma en anneau des murmures. Ilhan le tendit alors à Ezel. Mais quand le saltimbanque fut sur le point de s’en emparer, Ilhan retira vivement sa main, et le regarda droit dans les yeux.

Ce sera en gage de ma confiance. Ne la trahissez jamais. Je pense que vous n’aimeriez pas la trahir.

La menace était à demi-mot, mais bien présente. Une fois sûr que le message était passé, Ilhan tendit de nouveau l’anneau qu’il déposa dans la main du jeune homme.

Cet anneau vous permettra de communiquer avec moi. Maintenant, montrez moi donc ce que vous savez faire, fit-il…

Tout en s’amusant lui-même à copier le serpent… pour prendre l’apparence d’Ezel lui-même. C’était plus un jeu pour lui qu’autre chose. C’était trop tentant de s’amuser avec cet Esprit-Lié pour qu’il y résiste. Rapidement il reprit sa propre apparence, avec un sourire taquin, puis reprit son sérieux.

Nous avons du travail. Allez-y.

Et il passa plusieurs heures à faire travailler son jeu à Ezel. Il se montra exigeant, intransigeant même, rectifiant chaque détail qui ne lui convenait pas. Félicitant toutefois sa victime quand elle parvenait à un résultat un tant soit peu convaincant…

Directives :

description[INTRIGUE] Question de morale EmptyRe: [INTRIGUE] Question de morale

more_horiz
L'endroit est sombre, je peux difficilement voir le bout de mes mains. C'est étrange, j'ai beau tendre les bras, je ne sens rien, ni murs, ni vide. Une simple sensation d'être là , mais pas vraiment. J'essaie de parler mais aucun son ne semble sortir de ma bouche. Où suis-je ? Je ne sais pas. Qu'est-ce que je cherche déjà ? Je ne me souviens pas.

-Ezel ! Tu es enfin arrivé ! Viens, nous avons déjà commencé à manger !

Laïos ? Quand est-il apparu ? Et qu'est-ce qu'il fait avec Paoele ? Non...Non, non, non, non il ne doit pas rester près d'elle ! Mais pourquoi chimères aucuns son ne veut sortir de ma bouche !

-Ne luttes pas Ezel. Acceptes la réalité de ce monde et retourne jouer dans ton Cirque de mensonges ! Très bientôt, tous finiront comme ton cousin, que tu le veuilles ou non !

Maudit soit-il ! O'pea, je te retrouverai ! Qu'est-ce que … ? Laïos … Bordel Laïos retourne toi ! Non ! Le temps s'étire et se rallonge à mesure que je me rapproche de lui. Devant mes yeux horrifiés, le Nywin tire doucement les cheveux de mon cousin, bientôt suivit de sa peau, sa chair, ses muscles… Puis il caresse délicatement les symboles funestes pulsant de magie qui parcourent le crâne avec délectation, avant de planter une paille et d'aspirer goulument toute magie. Je veux crier. Crier de le laisser mais rien n'y fait et je finis par trébucher, m'étalant de tout mon long dans … de l'or ? Je me relève péniblement et saisit le crâne gisant au milieu de tout cet argent.

-Kakakaka, tu m'as tué Ezel ! C'est à cause de toi que je suis mort ! Venge moi ! Venge moi !

Un bruit sourd retentit derrière mois et je me sens tomber… Un seul cri finit par s'échapper…


-AAAAAH

Je me redressais d'un seul coup, le cœur battant comme s'il allait exploser. La sueur me recouvrait comme une plaque de givre particulièrement tenace alors que j'enfouissais mon visage dans mes mains. Ce n'était qu'un mauvais rêve… Un très mauvais rêve. Inspirant et expirant difficilement, j'essayai de chasser l'image de Laïos et mon angoisse…
Une main rassurante vint se poser sur mon épaule. C'était étonnant comme la simple chaleur d'une main me rappelait que s'il y avait de la vie, il y avait de l'espoir. Je devais sûrement remercier mon père pour ces pensées très philosophiques, sans doute.

-Ça va Sah… Juste un cauchemar.

Sentant que je ne pourrais clairement pas me rendormir, je décidai de me lever. Je n'avais pas l'habitude de me lever aux aurores mais le destin en avait voulu autrement. Au moins cela me permis, après mes ablutions matinales, de finir mes derniers raccommodages.

J'avais la veille, demandé des vêtements aux serviteurs, gracieusement fourni par le maître des lieux. Loin de profiter pour remplir ma garde-robe aux frais du gourou, c'était avant tout pour la mission qui m'attendait. Sitôt seul avec Sah, j'avais commencé à explorer les capacités que le Serpent me fournissait, et il s'avéra que la copie d'apparence n'affectait pas les vêtements. Il m'était vite apparu que des ajustements s'avéraient indispensables si jamais je devais prendre une apparence dont la taille était trop différente de la mienne, les glacernois m'ayant directement traversé l'esprit. Bon, en l'occurence j'allais infiltrer les Lyssiens, les différences ne seraient jamais aussi extrêmes, mais on n'était jamais trop prudent. Dans le doute, j'avais aussi demandé des habits de facture lyssienne. L'art du déguisement se jugeait au peaufinage des détails après tout.

Sah m'avait alors moqueusement -bien qu'avec un brin de fierté- fait remarquer que je prenais tout cela bien à coeur et avec sérieux. Je lui avais répondu avec une boule de neige bien sentie.
Ceci dit, il n'avait pas tord. Et pendant que je faisais mes essayages devant l'immense miroir, je m'étais surpris à ressasser tout ce qui s'était dit ce soir là. Tout ce dont j'en avais conclu, c'était que j'avais -et métaphoriquement tout le Cirque- mit le doigts dans un engrenage de jeux de pouvoirs très dangereux et qui me dépassait complètement. J'avais alors eu plusieurs solutions qui s'offraient à moi.

M'enfuir, quitter l'enquête, Calastin et rester loin du danger, comme nous avions toujours fait pour préserver notre famille. Mais en faisant cela, j'étais sûr que le nom de Laïos et des Bonaventure serait traîné dans la boue. Je me refusais catégoriquement à cela.

Révéler les informations que je disposais au grand public et profiter du chaos et de la discorde pour m'enfuir serait ô combien satisfaisante mais écourterait assurément ma vie dans la foulée. La perspective de vraiment énerver Aldaron et de ruiner tous les efforts de l'Alliance, était tellement alléchante que seule la certitude qu'un destin pire que la mort m'empêchait de prendre…

Ne me restait alors qu'à tout faire pour avoir le fin mot de cette sordide histoire. Alors seulement je pourrais venger Laïos et protéger le Cirque, et éventuellement éviter accessoirement les geôles caladoniennes…

-Bon ! Tu as faim ? Moi oui. Allez, c'est pas tout les jours qu'on peut manger du caviar au ptit-dej', déclarai-je une fois frais et bien réveillé.

Mes muscles me faisaient toujours souffrir malgré les soins, me donnant la sensation qu'un cheval m'était passé dessus, mais il en fallait plus pour démonter mon moral. Utilisant mon medaillon, je finissais d'ajouter toutes mes préparations vestimentaires avant de vérifier une dernière mon matériel de maquillage. Le Serpent m'avait certes ouvert une quasi-infinité de possibilités d'usurp… d'incarnations, mais ce don était limité dans le temps. Je ne devais alors compter que sur mon talent naturel et sur les enseignements de Dame Dalis.

~~

-Nous ne devrions pas sortir pour le moment et attendre le retour de Messire Elusis, ou le moment indiqué pour le rejoindre. En attendant, nous pouvons réfléchir à un plan d’action et nous y préparer.

-Assurément. Et puis, réfléchir le ventre vide n'est pas très productif, ajoutai-je innocemment.

Ma bonne humeur était revenue, la victuaille aidant. Mon esprit était tout à fait alerte et j'écoutai avec attention les réflexions du diplomate. J'avais essayé d'établir moi-même un plan, mais mon désir de justice et de vengeance m'avait toujours amené à des plans qui se finissaient dans des bains de sangs. J'avais vite arrêté d'y penser. Je n'étais ni guerrier, ni meurtrier de toutes façons. Pour une fois ce n'était pas moi qui écrirait le script de cet histoire.

- Je vous propose de vous aider à vous… préparer. Vous vous disiez bon acteur ?

-D'après les dernières critiques, sans l'ombre d'un doute, lui répondis-je avec un air de défi, piqué au vif.

Me laissant néanmoins plus ou moins traîné de force, je regardai l'Althaïen sortir un anneau avant de me jouer le coup du "blablabla confiance blablabla je suis puissant blablabla ne m'oblige pas à te descendre." Allons bon, n'avait-il pas encore compris que ce genre de menaces ne fonctionnaient pas sur moi ? J'agissais au mieux pour mon cirque, ma famille. Seuls les faits concrets étaient importants, et concrètement, en cet instant, je n'avais aucun avantage à "trahir leur confiance". Ayant appris récemment à plus fermer ma bouche -bien que j'en mourrais d'envie-, je finis par saisir l'anneau et l'enfiler.

J'arquai mes sourcil de surprise en me voyant. Tiens donc, le conseiller recelait bien des surprises. Lui aussi véritable Serpent ou non, il m'était toujours agréable de m'admirer, et étrangement, cela me motiva encore plus. J'estimai ne pas avoir à démontrer mes talents d'acteur, mais au final je saisissais chaque instants pour être sous le feu des projecteurs. Je répondis alors avec le même sourire narquois.

-C'est vous le patron. Profitez bien de ce spectacle gratuit.

Ah qu'il était bon de pouvoir s'exprimer avec un réel accent althaïen ! J'avais beau avoir mit un petit bout de la Romantique dans mon âme de voyageur, jamais ma langue n'avait pu effacer l'accent de mon origine forraine. Le Serpent m'offrait enfin l'opportunité d'user des idiomes dans leur langue d'origine, épurés des imperfections de ma voix ! C'était grisant et nul doute que ces changements de voix me seraient aussi naturels que l'incarnation d'Elza. Fier de ce talent, je montrais donc mes capacités d'acteurs à Ilhan, des changements de postures, d'habits, de mimiques et même une petite démonstration de mes connaissances en lyssien.

description[INTRIGUE] Question de morale EmptyRe: [INTRIGUE] Question de morale

more_horiz
Permission de ce forum:
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
<<