¤ Ne me contraignez pas à vous faire plus de mal ¤
Tout, ou presque, s’était déroulé selon le plan élaboré par les pirates. Il s'agissait d’un plan complexe qui reposait pourtant sur un élément extrêmement simple : les sentiments des graärh. Tout le plan reposait dessus. Pourquoi des piloris avaient été dressés le long du marais pour indiquer le chemin à suivre jusqu’à Athgalan ? Pourquoi Nathaniel s’était-il présenté au premier plan ? La colère des graärh, leur désir de vengeance, ou de justice, leur soif de sang et de violence. L’elfe sombre avait tout fait pour qu’ils cèdent à leurs pulsions les plus primaires, pour qu’ils pénètrent en masse à l’intérieur de la ville. Si les graärh s’étaient contentés de rester en dehors de la ville, ou simplement d’y envoyer plusieurs petits groupes, mais surtout de garder la tête froide, le plan des pirates ne se serait pas aussi bien déroulé. Malheureusement pour eux, et heureusement pour les pirates, les graärh avaient investi la ville la rage au ventre. Alors la ville préparée pour cet accueil avait pu les étreindre de ses bras mortels. Athgalan la Perfide n’avait jamais aussi bien porté son nom. Eärendil jubilait intérieurement, les graärh avaient été menés par le bout du museau d’un bout à l’autre de cette journée. Le sang avait coulé à foison, promettant une aube rouge pour le jour prochain qui placerait la nouvelle année sous le signe du sang et de la violence. L’objectif des pirates ? Semer la mort dans les rangs ennemis. Pour autant, les pièges disséminés à travers la ville étaient-ils là pour cela ? Non, tout ceci n’était qu’une préparation et surtout diversion destinée à détourner l’attention de l’ennemi de la phase finale du plan : le grand massacre. Nathaniel maniait la peur et la violence afin d’exercer un contrôle sur l’esprit de ses victimes et de ses hommes. Et tout ceci n’était qu’un de ses stratagèmes, mais à l’échelle de tout un peuple.
Bienvenue à Athgalan ! Venez ! Pénétrez dans ma cité ! Perdez-vous dans ses ruelles ! Fouler ses innombrables pontons ! Toujours plus loin dans l’éteinte de la perfide cité. Votre ennemi est devant vous, dépêchez vous de l’atteindre avant qu’il ne fuit. Quel magnifique simulacre. La menace n’était pas devant les graärh, elle était derrière eux. Rampant en silence, mue par une faim bestiale. Le marais était l’ennemi des graärh ! Un marais aguiché par l’importante odeur du sang qui se dégagerait d’Athgalan. Cette fois-ci, la masse que Nathaniel utilisait pour éclater le crâne de ses victimes ne serait pas à prendre au sens propre, mais au sens figuré. Sa masse ce serait Athvamy ! Plus les graärh approcheraient du port, plus ils auraient de chemin à parcourir pour fuir le marais, plus ils auraient de créatures de combattre, plus leur attention se focaliserait sur le combat … alors la dague perfide des pirates frapperaient à nouveau au travers pièges qui n’auront pas été activés ou désamorcés. Voilà le grand massacre. Et tant qu’à faire, si l’elfe sombre pouvait canonner la ville durant ce combat contre la nature afin d’ajouter encore plus bazar à la situation et briser l’esprit des graärh, il ne s’en priverait pas. Oui, absolument tout depuis le début de cette journée était un piège, un piège dans lequel les félins s’étaient empêtrés en fracassant la porte des bêtes.
Quand bien même les graärh en prendraient conscience maintenant, il était déjà trop tard. Ils avaient pénétré trop profondément dans la ville. À partir de maintenant, ils ne pourraient, qu’éventuellement, réduire leurs pertes. La mort allait régner dans le marais, les cadavres et le sang des graärh ne serviraient qu’à rendre les créatures y habitant plus fortes, tel le fumier pour les cultures.
Oui, tout, ou presque, s’était déroulé selon le plan élaboré. Presque, car il y avait eu quelques accrochages. Rien ne se passait jamais à la perfection. Il faut savoir s’adapter, rebondir sur la situation pour contrer les aléas. La flèche dans le genou en était un, l’irruption devant lui d’un graärh massif en était un autre, les esclaves libres sur la place centrale en étaient encore un. Pour autant, l’elfe sombre avait su rebondir de manière adéquate pour que les choses continuent à tourner à son avantage et que le plan ne soit pas défait. À présent qu’il arrivait sur le port, l’elfe sombre pouvait considérer que le plan était, ou quasiment, boucler. Le reste ne serait donc que du bénéfice. Et le premier bénéfice serait le portail. Il avait fait un merveilleux appât, le gredin était prêt à l’abandonner pour la réalisation du plan, mais à présent il pouvait espérer l’embarquer avec lui. Cela aiderait grandement à la suite des opérations.
Malheureusement, les aléas du destin n’avaient pas fini de mettre des bâtons dans les roues du gredin. Un grand graärh bondit sur lui, dressant une queue de scorpion. Comment était-il arrivé jusqu’ici celui-là ? Quoi qu’il en soit, le gredin s’apprêtait à faire usage de l’orque pour le renvoyer d’où il venait quand le félin rugit un mot : Potiron. L’elfe sombre eut du mal à retenir un sourire. Parfait, finalement il ne s’agissait pas d’un aléa, mais qu’un de pouce du destin. Son fils avait donc eu besoin de la potion. Il avait eu raison de les faire préparer. Excellent. Lui n’en avait pas eu besoin, pour cette fois. Quoi qu’il en soit, ce dernier fonçait sur lui en posture d’attaque. Le gredin se prépara à se défendre, tout en veillant à laisser une ouverture que Teotl saurait utilisée. L’elfe sombre n’avait guère besoin d’explication. S’il venait à lui de cette manière, c’était pour leurrer l’ennemi. Alors il jouerait le jeu. Très rapidement un puissant feulement se fit entendre, suivit du grincement du bois. Le géant, il était là ! Merveilleux. Avec l’aide de son fils, ils le captureraient. L’elfe sombra allait repartir avec son portail et un combattant pour son arène. Voilà qui serait merveilleux. Le félin distrairait ses hommes pendant qu’ils festoieraient à cette victoire sur le peuple graärh.
Sans communiquer, les deux Eärendil s’entendirent sur la procédure à adopter. Teotl neutraliserait le géant à l’aide de son venin, celui-ci étant tout indiqué, pendant que lui s’occuperait des gêneurs. Ainsi, lorsqu’Asolraahn arriva au niveau des deux pirates, les masques tombèrent. Deux félins, des animaux cette fois pas graärh quand bien même la frontière est mince pour ne pas dire inexistante, se jetèrent sur l’elfe sombre. Nathaniel n’eut aucun mal à les neutraliser. Il esquiva de justesse le coup de patte et de croc, l’un des coups de patte venant simplement lui érafler la jambe d’une petite trace de griffure qui aurait pu être autrement plus grave. Puis, le roi utilisa l’eau environnante et en abondance pour piéger dans la glace les membres des deux animaux. Ils ne bougeraient pas de sitôt. Pendant ce temps-là, Teotl s’occupait du géant. Malheureusement, ou peut-être est-ce heureusement, l’opalin était un très bon combattant et la ruse des deux gredins ne fonctionna pas. S’apprêtant à planter de son dard le trand, ce dernier le saisit au dernier moment pour venir le planter dans la jambe de Nathaniel, qui n’eut pas le temps d’esquiver puisqu’il s’occupait à ce moment même de geler les deux animaux qui l’attaquaient.
« Et maintenant, tu meurs. »
Nathaniel étouffa un juron dans un grondement de douleur. Il allait encaisser le coup, aussi violent soit-il il devait pouvoir y arriver, même s’il avait des doutes dans la mesure où il provenait de ce géant. Mais le plus grave n’était pas le coup de bâton, mais le venin de son fils. Aussi dirigea-t-il le pouvoir de son bourdon au travers du vol du bourdon sur sa jambe et plus précisément sa blessure. Puisque les deux avaient l’optique de capturer le graärh, il devait s’agir d’un poison paralysant. Il ne fallait surtout pas qu’il se répande sinon son issue de secours ne fonctionnerait pas ! Plongeant un regard de défi dans celui du Graärh, l’elfe se prépara à subir l’attaque, quant au dernier moment son fils s’interposa entre eux d’eux, subissant le coup à sa place. Brave petit ! Sans doute tenait-il ça de sa mère … ou du côté de sa mère … à moins que ça ne soit du côté de son père, mais des véritables ascendants de Nathaniel, pas de Nathaniel lui-même. Au final ça n’avait pas d’importance ! Ils étaient tous deux blessés à présent. Quand bien même il louait l’intervention salutaire de son enfant. Cela lui éviterait une cicatrice supplémentaire. Et il préférait autant éviter de prendre de nouveau un coup sur la tête. Celui reçu par la faute d’Achroma lui suffisait pour au moins mille ans. Quoi qu’il en soit, il fallait à présent se sortir de cette situation, rebondir pour la tourner à nouveau à son avantage. Nathaniel jeta un rapide coup d’œil autour de lui. Derrière eux se tenait le portail que l’elfe sombre vit s’éteindre. Et au niveau de celui-ci il y avait des pirates, ses hommes, mais ils étaient aux prises avec des crocodiles locaux. Bon, il ne pourrait pas compter sur eux tout de suite. Mais il parvint à remarquer autre chose.
En dépit de la douleur que le gredin pouvait lire sur son fils, Teotl parvint à se redresser un peu et à parler à leur adversaire. Quel enfant intelligent. Nathaniel regrettait presque de l’avoir abandonné à la naissance. Oui presque, car s’il ne l’avait pas fait, cette situation ne se serait peut-être pas déroulée comme elle le venait, les choses auraient pu être pires. Le roi avait confiance en les capacités de Teotl. Il saurait leur donner une opportunité.
« Et si tu me lâchais et que tu arrêtais le combat pour te tenir tranquille ? »
Aussi beau parleur que son père ! Et avec un coup de pouce des esprits qui plus est. Nathaniel put sentir au travers de son ornithorynque copié les pouvoirs de l’antilope traverser Teotl. Excellent, montres-toi digne de ton père. Sans attendre, le gredin serra les dents avec force tout en lançant un regard de haine en direction de son adversaire. Oui, il devait continuer à jouer le jeu. Le mécanisme de la dent de l’orque forban fit son office et libéra dans la bouche de l’elfe sombre le contenu du Don d’Océan. Sans attendre, il l’avala. La potion allait rapidement faire son effet et il valait mieux. Nathaniel sentait sa jambe s’engourdir rapidement. Va petite potion, chasse le poison et cette vilaine blessure.
Les paroles et le pouvoir de Teotl semblèrent faire son office, car le graärh géant se ravisa, lâchant son fils pour peu de temps après venir le tenir en joue avec son bâton.
« Arrêter le combat ? C’est ce que vous souhaitez, n’est-ce pas ? C’est pourtant un discours que je n’ai jamais attendu de la bouche des pirates ! Encore moins lorsque leur roi git à terre comme un petit ver. Seul et faible dans sa lâcheté. Bah ! Il est facile d’être roi lorsqu’on est le seul habitant de son pays. »
Quoi ? Lui faible et lâche ? Il était un bon roi ! Un roi sage, ou presque ou du moins avisé, et puissant ! Sachant que sa ville allait être assiégée il a ordonné que celle-ci soit évacuée, il a gardé le minimum de soldats ici et c’est préparé à accueillir ses ennemis. Combien de ses hommes étaient morts ? Combien de graärh étaient morts ? Les chiffres joueraient nettement en faveur du pirate. Lui n’avait pas envoyé ses hommes à la mort.
« De quoi parlions-nous déjà, gredins ? De reddition, il me semble. J’en ai une à vous proposer. Elle commence par l’arrêt des canons qui tirent sur notre légion. Je me doute que vous pouvez contacter vos navires de là où nous nous trouvons. Dites-leur de faire taire leurs armes crachant le feu et de libérer les esclaves qui demeurent. Dites-leur de partir loin, pour ne plus jamais revenir. À moins que vous ne vouliez mourir sur-le-champ ? »
Sous le foulard de l’elfe qui masquait le bas de son visage, et au travers du masque cachant la partie supérieure de son visage, on put deviser ses traits se tirer. Un ricanement s’éleva du roi puis un franc rire.
« Une reddition ? »
Une voix assurée, mais secouée par une respiration saccadée s’éleva. Mais elle ne s’éleva pas de Nathaniel. Elle provenait de la droite, en se plaçant par rapport à l’elfe sombre, donc de gauche pour le trand. Un homme se tenait debout, essoufflé. Il avait plusieurs blessures, toutes mineures à l’exception d’une seule. Le nouvel arrivant se tenait le bras gauche, sérieusement blessé. Le nouvel arrivant ressemblait en tout point à Nathaniel puisqu’il portait le même accoutrement et que ni l’un ni l’autre ne dévoilaient leur visage. Le deuxième Nathaniel reprit sa respiration et vint prendre une voix pleine d’assurance et d’arrogance.
« Très bien, je suis disposé à accepter votre reddition sans condition, chat. »
Deux Nathaniel. Lequel était le vrai ? Lequel était le faux ? Qui était Nathaniel Eärendil ? Qui était Andrew Rollee ? Qui était le roi ? Qui était le sujet ? Comment les différencier ? Par le sang ? Était-ce seulement possible ? La pluie battait furieusement sur Athgalan grâce au graärh, il était au port et l’embrun marin parcourait l’air et enfin … la fragrance du sang régnait sur toute la ville et en abondance. Le premier Nathaniel qui riait cessa de rire et reprit la parole.
« Seul ? Faible ? Lâche ? Votre mépris à notre égard a causé votre défaite. Vous vous battez pour l’honneur. Nous nous battons pour l’or. Chacun se bat pour ce qui lui manque. »
Le deuxième Nathaniel reprit la parole.
« Mes sujets sont déjà loin et en sécurité. Dis-moi, chat. Qu’est-ce qu’une ville ? Qu’est-ce qu’un pays ? Sinon un endroit où l’on vit, chie et meurt ? Ca, je peux le faire n’importe où ailleurs. À quoi bon vouloir défendre une chose qui a si peu de valeur. »
Le premier Nathaniel continua.
« Chaque dirigeant sur cette terre n’est qu’un misérable ver. Ils ne se différencient que par les cadavres dont ils se nourrissent pour survivre. Ceux de ses ennemis … ou ceux de son peuple. »
Le deuxième Nathaniel enchaina.
« La mort arrive tôt ou tard pour chacun d’entre nous. Ce sont nos choix qui déterminent quand et où elle arrive. Vous, chats, avez fait le choix de mourir en ce jour en venant ici. Tu sembles penser que la mort de ta légion viendra de mes canons. La mort viendra du marais. Attirez par l’odeur du sang, les bêtes se regroupent en masse aux portes d’Athgalan pour festoyer. »
Le premier Nathaniel poursuivit.
« Les tirs des canons sont la seule chose qui sépare encore les bêtes de leur festin. Leur silence sonnera l’heure du repas. Vous avez déjà perdu, sans même vous en rendre compte, en pénétrant dans la cité. »
Le deuxième Nathaniel conclut.
« J’ai vu nombre d’esclaves de ton espèce. Tu n’es pas un chat de Néthéril. Tu es un trand. Tu es bien loin de chez toi. En as-tu seulement encore un ? Je sais comment les choses se passent chez vous. Les chats loin de chez eux sont des parias. Et j’en veux pour preuve celui ici présent. Tu n’es qu’un paria, chat. Ta place n’est pas ici. Je suis le roi de ceux qui composent la lie de ce monde. Tu es l’un des nôtres, comme lui. Il y a eu beaucoup de gâchis aujourd’hui. Ne me contrains pas à en faire encore plus. »
Pendant tout ce temps, Nathaniel, le vrai, n’était pas resté sans rien faire à simplement palabrer. Via l’orque, il avait ordonné à l’eau de venir enserrer des pieds de ponton non loin. Il s’apprêtait à les briser à tout instant suivant la réaction des graärh.
Directive :
Teotl semble privilégier une voie pacifique. Ou rusée. Les pouvoir de l'antilope arrivent vraisemblablement à toucher le graärh qui relâche son dard de scorpion. Nath a glacé les félins et sent sa jambe s'engourdire assez rapidement malgré les ralentissements imposés par le Bourdon.
Nath et Teotl sont cernés par quatre graärh, deux félins glacés et Asolraahn qui demande au roi de la Confrérie de cesser le feu. Nathaniel obtempère-t-il ? Continue-t-il à jouer de beaux mots comme son fils (un fils émérite d'ailleurs qui a vaillamment encaissé le coup qui était destiné au Gredin) ou passe-t-il à l'attaque au risque de perdre aux jeux ? Tes pirates ne sont pas bien loin, ils ne tarderont pas à arriver à ton secours (au prochain tour si pas d'évolution)