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De Sang, de Crocs, de Cœur, d’Esprit [PV Liz]

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7 mai 1764 — Demeure Elusis, Cendre-Terre, Nyn-Tiamat



Le retour à la maison était… étrange. Tout était différent, désormais. De bien des façons. Après le voyage, fort chaotique, qui les avait ramenés, il fallait retrouver ses marques. En prendre de nouvelles. Compenser l’absence, terrible, douloureuse, déchirante. Accommoder la présence, nouvelle, rayonnante, douce, apaisante. Sentiments contradictoires, équilibre délicat et encore incertain.

Liv s’efforçait d’alléger la tâche de son Père avec ses nouvelles responsabilités, transmettant ses directives et gérant lui-même les menues affaires du quotidien pour le laisser se consacrer aux points les plus importants. CendreLune avait fort à faire en tant que nouveau Prince Noir, pour asseoir son autorité et se faire accepter sous ce titre qu’il avait repris de son époux. Peu, toutefois, s’aventuraient à le contester. Tous se souvenaient qui maniait l’épée qui avait fait tomber tant de têtes après la chute d’Irina Faust.

Mais il n’y avait, bien sûr, pas que la politique. Le jeune vampire soutenait également, ou du moins essayait, son Père dans leur deuil partagé, lui rappelant par sa présence qu’il n’était pas seul dans cette épreuve. Il n’était pas certain de vraiment parvenir à l’aider, mais il faisait, comme toujours, de son mieux. Et bien sûr, il veillait également sur sa sœur, nouvelle-née, à peine éveillée, qui avait encore tout à apprendre et à découvrir, et devait trouver sa place dans ces circonstances particulières.

C’était pour le moins déroutant pour lui de se retrouver, aussi brusquement, à la fois aux deux pôles des émotions. La douleur de sa perte, encore bien présente, ne le quittait jamais vraiment, et se mêlait au bonheur indicible de découvrir sa sœur, son Inséparable, celle qui, si vite, était presque devenue Tout pour lui, mais qui pour autant ne remplaçait pas celui qu’il avait perdu. Liv avait encore du mal à faire la part des choses entre ces extrêmes, et essayait d’éviter d’y penser autant que possible. Ce qui ne lui était pas si difficile, tant il n’avait plus guère de temps pour lui. Il ne s’en plaignait pas au demeurant, son seul regret étant qu’il avait également moins de temps à consacrer à Ombrenuit.

Il parvenait, malgré tout, à trouver le temps de s’occuper d’elle chaque jour. Les promenades, en revanche, n’était plus à l’ordre du jour, mais il avait de toute façon perdu ses privilèges de monte : la jument n’avait guère apprécié d’être ainsi délaissée, certes entre des mains fort capables, mais néanmoins abandonnée par son bipède de choix, et elle ne manquait pas de le lui faire bien sentir depuis son retour. Il allait devoir faire preuve de patience pour se faire pardonner. Désormais que le temps était plus clément, elle pouvait profiter des prés pour se dépenser en extérieur, aussi Liv l’y amenait-il consciencieusement chaque matin, et la ramenait-il à l’écurie chaque soir, avant de la brosser et de la panser.

Le premier jour, si elle avait daigné se laisser sortir, après avoir manifesté son mécontentement, la faire rentrer avait été tout une aventure, et lorsqu’il y fut enfin parvenu, et qu’il tenta d’entrer à son tour dans le box, elle lui avait très clairement fait comprendre qu’il ne valait mieux pas y compter s’il voulait repartir entier. Depuis, les choses s’étaient quelque peu arrangées : elle l’autorisait à entrer s’occuper d’elle, non sans prendre un malin plaisir à lui rendre la tâche aussi difficile que possible ; refusant de lever le sabot qu’il voulait curer, le repoussant contre la paroi du box, déchirant allègrement ses vêtements d’un coup de dents bien placé. Mais petit à petit, jour après jour, elle se faisait moins virulente dans les manifestations de son mécontentement, et il avait bon espoir qu’elle finirait par le pardonner — heureusement pour lui, il avait pensé à se réapprovisionner en friandises, et la générosité avec laquelle il les lui distribuait aidait sans aucun doute. Peut-être lui faudrait-il malgré tout demander conseil à Sorel…

Mais il aurait le temps de le considérer plus tard, si la situation ne s’arrangeait pas d’elle-même. Pour l’heure, il avait d’autres projets. Après avoir fini de subir l’ire équine, il rentra et prit le temps de se changer, pour des vêtement tout aussi simples et confortables, mais moins déchirés, avant de se diriger vers la chambre de sa sœur. Ce soir, il avait reçu l’autorisation de leur père de lui faire visiter la ville — sous bonne escorte, naturellement, même s’il avait réussi à s’arranger pour que les gardes restent à certaine distance pour leur laisser un peu d’intimité. Il avait, bien entendu, proposé à CendreLune de se joindre à eux, mais malheureusement ce dernier avait dû décliner, ayant des affaires urgentes à régler. Liv avait prévu sortie à la nuit tombée, pour épargner à la nouvelle-née les rayons du soleil, et était parvenu à l’organiser sans en éventer la surprise à la concernée. Il avait vu, en rentrant, les gardes finir de se préparer, tout n’attendait plus qu’eux. Mais il avait prévu encore une autre surprise tout d’abord, qu’il jugeait préférable de lui faire dans la sécurité de la demeure familiale plutôt qu’une fois qu’ils seraient dehors.

Une fois rhabillé, et après avoir rattaché Brise d’Argent à sa ceinture comme à son habitude, il attrapa dans un tiroir le petit écrin qu’il avait préparé pour l’occasion, puis se dirigea vers la chambre de sa sœur où il savait la trouver. Arrivé à la porte, il frappa, par habitude autant que pour annoncer son arrivée, mais n’attendit pas de réponse pour entrer, sachant déjà qu’il était toujours le bienvenu ici, tout comme elle pouvait aller et venir dans sa chambre à lui à sa guise. Comme à chaque fois qu’il posait le regard sur elle, un doux sourire se dessina sur ses lèvres.

« Bonsoir, petite sœur. Puis-je t’enlever à tes importantes occupations ? »

Tout en parlant, il était entré tout à fait dans la pièce, refermant la porte derrière lui, n’envisageant de toute évidence pas la possibilité d’une réponse négative.

Dernière édition par Ivanyr Elusis le Mer 10 Fév 2021 - 16:14, édité 2 fois

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La journée, réfugiée dans la demeure familiale, Liz l’avait passée entre diverses activités. Parmi lesquelles travailler sur un certain contrôle d’elle-même, notamment en ce qui concernait la Faim qui pouvait se réveiller lorsqu’elle se tenait à proximité d’une source particulièrement attirante. Elle s’était également attachée à rester aux côtés de son père, Aldaron, afin de le soutenir mais également d’en apprendre davantage sur ses activités à lui, sa façon de gérer les choses. Elle observait avec attention, absorbant ce qu’elle pouvait mais surtout portant attention à la manière dont les gens réagissaient à la présence du nouveau Prince Noir. Elle avait la ferme intention de protéger son père, Liz avait perdu Achroma avant même de l’avoir connu. Quiconque aurait l’intention d’attenter à la vie d’Aldaron perdrait la sienne avant même que l’idée ne lui effleure l’esprit. C’était une froide détermination, une décision comme gravée dans le marbre renforcée par les conséquences de cette perte qu’elle constatait tous les jours chez son frère et son père.

Elle avait également fait la connaissance, depuis la veille, avec Damyr, le maître d’arme responsable de l’entraînement de Liv et, désormais, du sien. Le vampire avait apparemment pris le temps de s’instruire dans à peu près toutes les disciplines, touche à tout invétéré qui, pour leur première leçon, s’intéressa davantage à ce qui motivait sa nouvelle élève mais également les compétences de cette dernière.
Après quelques tests assez concluants, le combat à mains nues et l’utilisation d’armes de trait semblaient être les points forts de la nouvelle née. Une découverte relativement surprenante considérant les compétences passées de Victoria Kohan en la matière mais pas sans être agréable. Depuis cette rencontre, elle avait donc désormais des leçons afin d’améliorer ses compétences en la matière. Damyr avait prit le temps de l’assurer que si d’aventure elle devait s’intéresser à un autre type d’armes, il serait ravi de l’accompagner dans son apprentissage en la matière.

Elle n’avait pas encore eut l’occasion de croiser son Inséparable, la lueur qui rendait au monde ses couleurs, mais elle savait qu’il n’était pas bien loin. Probablement tout aussi occupé qu’elle avec les diverses attentes, leçons et occupations qui occupaient ses journées. Liz prit néanmoins note de passer voir Liv à la première occasion, dès qu’il serait lui-même moins occupé à aller et venir d’un bout à l’autre de la demeure et de ses environs.
Pour l’heure, décida-t-elle, il était temps de se renseigner sur un de ces feutonnerres dont elle avait entendu parler. Père en avait en sa possession et elle avait hérité de lui ses nouvelles compétences en la matière, a priori. Elle s’était arrangée pour se procurer quelques livres sur le sujet, rien de bien spécifique et la plupart d’entre eux ne se concentrait pas uniquement sur ce qui l’intéressait mais peu d’informations valait toujours mieux que pas du tout.
Habillée de vêtements simples mais parfaitement ajustés, elle s’installa confortablement dans l’un des fauteuils qui occupait ses appartements, remontant ses pieds sous ses fesses, et s’instruisit sur la mécanique particulière qui permettait à un feutonnerre de faire son office.

Elle finit allongée au sol, les pieds en l’air, avec deux bouquins ouverts devant elle et un troisième au-dessus, l’un représentant la constitution de l’arme, un second sur les outils nécessaires et le dernier concernant l’entretien. Liz en était à décortiquer ce qu’elle allait devoir acquérir si jamais elle souhaitait réellement se procurer un feutonnerre lorsqu’une succession rapide de coups frappés à sa porte lui firent relever la tête.
Instinctivement, avant même que la porte ne s’ouvre sans attendre, elle savait pertinemment qui se trouvait de l’autre côté et un sourire éclaira instantanément son visage pour accueillir Liv. Une expression joyeuse qui perdit un rien de sa splendeur lorsque ses lèvres se tordirent de déplaisir quant à la tenue de son frère. Il était indubitablement propre sur lui, beau, bien évidemment, mais ses vêtements ne mettaient définitivement pas en valeur sa silhouette pourtant athlétique en plus d’être tout sauf à la hauteur de son rang.
Les mains de la nouvelle née la démangeaient presque d’attraper Liv par le coude pour l’emmener voir un tailleur pour arranger cet insupportable défaut. Pourtant, elle savait qu’elle ne le changerait probablement jamais, c’était une habitude qu’il avait prise et un confort - comme si de beaux vêtements, bien taillés, n’étaient pas confortables - dont il n’avait très certainement pas l’intention de se défaire de sitôt.

Cela n’empêcherait cependant pas Liz de s’y employer à la moindre occasion.

Les paroles de son frère lui tirèrent un souffle amusé et elle se redressa pour se mettre à genoux, les mains jointes dans son giron.

« Bonsoir grand-frère, » répondit-elle tout en toisant celui-ci, s’arrêtant consciencieusement sur sa tenue. Il était plus grand qu’elle et pas seulement en âge mais également en taille. Liz jeta un oeil aux volumes étalés devant elle avant de relever les yeux vers son Inséparable. « Ca dépend pour quelle raison, mes occupations sont de la première importance. »

Elle se redressa de sa position assise dans un geste souple et élégant, faisant mine d’épousseter le devant de ses vêtements avec attention, bien que ceux-ci n’aient quasiment pas soufferts de sa position.
Lorsque Liz leva à nouveau le regard vers son frère, son visage se fendit d’un sourire doux et elle approcha jusqu’à enrouler ses doigts autour de ceux de Liv.

« C’est toujours un plaisir de te voir. »

Les mots n’avaient aucune chance d’exprimer ce qu’elle ressentait réellement lorsqu’elle pouvait enfin se tenir en présence de Liv. C’était comme un nouveau souffle, le monde retrouvait ses couleurs et elle-même une forme de joie de vivre qui lui manquait lorsqu’il n’était pas là. Elle pouvait fonctionner sans difficulté mais vivre avait un goût plus pétillant et plus lumineux, plus coloré, lorsqu’elle pouvait se tenir à ses côtés.

Dernière édition par Elizabeth Elusis le Jeu 24 Sep 2020 - 10:44, édité 1 fois

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Le changement d’expression de la nouvelle-née n’échappa pas à son frère, qui réprima un petit sourire amusé. Même si elle venait tout juste de s’éveiller, des habitudes commençaient déjà à naître entre eux, et les récriminations sur sa tenue en faisaient partie. Liv avait brièvement envisagé de faire un effort à ce sujet, pour lui faire plaisir, mais les moues renfrognées que sa nonchalance vestimentaire tiraient à sa sœur étaient trop adorables, et l’amusaient trop pour s’en passer si facilement. Peut-être finirait-elle par parvenir à le convaincre, ou peut-être allait-ce devenir un jeu éternel entre eux. Tout dépendrait d’elle.

Comme à chaque fois qu’il se retrouvait près d’elle, il avait l’impression de revivre — pour autant que ce terme ait un sens pour un vampire — le monde semblait s’éclairer, les peines qui le tenaillaient se faisaient moins cuisantes, la vie lui paraissait plus douce. Elle ne pouvait certes pas guérir ses blessures, seul le temps y parviendrait, mais elle avait ce pouvoir de les rendre plus supportables, le monde plus beau, par sa simple présence.

Il prit le temps de la contempler, admirant sa beauté faussement fragile, son port altier, sa tenue simple, pour elle, mais parfaite, évidemment. Elle était magnifique, comme toujours. En vérité, il ne pouvait pas s’imaginer de situation où elle ne le serait pas. Lorsqu’elle lui répondit, le tirant de sa contemplation, il haussa un sourcil facétieux et porta les mains à son cœur, affichant un air faussement blessé.

« Plus importantes que moi ‽ »

Sa petite comédie s’effaça d’elle-même à l’instant où leurs doigts s’enroulèrent, le contact suffisant à ramener sur ses lèvres le sourire tendre qui n’appartenait qu’à elle. Il serra légèrement sa main, tout en répondant d’une voix qui portait tous les sentiments que les mots ne pourraient jamais retranscrire.

« Un plaisir partagé. »

Il prit à nouveau quelques secondes pour simplement savourer cette sensation, encore nouvelle, de la présence de son Inséparable auprès de lui, leurs mains liées. Pendant un instant, plus rien d’autre n’existait. Il arrivait encore à en être surpris, il oubliait parfois, lorsqu’il n’était pas près d’elle, son esprit occupé à une tâche ou une autre. Et puis il la retrouvait, et la puissance de leur lien, si unique, lui revenait. Ça lui rappelait, d’une certaine façon, ce qu’il s’était passé à Sélénié, lorsque ce mage humain l’avait brièvement privé de magie, qu’il s’était senti impuissant et incomplet, avant qu’enfin le monde retrouve son cours normal et que tout retrouve sa place. Mais en beaucoup, beaucoup plus intense.

Il finit par revenir dans l’instant présent, et glissa sa main libre dans sa poche en affichant un air malicieux.

« J’ai une surprise pour toi ! Deux en fait… »

Il lança un regard aux ouvrages étalés par terre, et son expression se fit faussement sérieuse.

« À moins bien sûr que tu ne préfères retourner à tes livres… Je suis sûr qu’ils sont passionnants, je m’en voudrais de te priver… »

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L’attitude théâtrale de Liv arracha un rire bref à la jeune femme et elle secoua la tête, amusée par l’attitude de son frère. Elle enroula ses doigts autour des siens et s’amusa de voir à quel point le contact l’affectait au moins autant qu’elle. Elle s’inclina jusqu’à reposer doucement sa joue contre l’épaule de Liv, prenant un plaisir simple et innocent dans le contact et la présence de son Inséparable.
Il était particulier de se sentir aussi douce et malléable en sa présence, elle qui se faisait l’effet d’une lame, tranchante et froide, au contact des autres. Même si ce n’était peut-être pas toujours le cas, il s’agissait malgré tout de son attitude par défaut, à laquelle ceux qui la côtoyait commençaient à se faire et à s’habituer sans en prendre ombrage. Bien qu’il était quelques exceptions qui l’observait avec une certaine forme d’inquiétude, voire de peur.

La mention d’une surprise la fit ciller et elle s’écarta quelque peu pour considérer son frère avec étonnement et joie.

« Une surprise ? Deux ! »

Le plaisir simple qu’on puisse lui faire une surprise s’afficha sur son visage, clair et authentique, plus vraie et honnête qu’elle ne le serait probablement jamais avec qui que ce soit d’autre.
La remarque que fit Liv, cependant, tout en regardant les bouquins étalés au sol firent presque sursauter Liz et elle repoussa l’un d’eux du bout du pied, refermant la couverture.

« L’intérêt commence à s’essouffler, pour être tout à fait honnête, » lâcha-t-elle calmement, regardant les livres également. « J’ai hâte de mettre la main sur un feutonnerre pour le démonter et découvrir en apprendre davantage. En attendant… »

Elle s’accroupit pour récupérer les volumes, les empilant les uns sur les autres pour ensuite les poser sur une table basse à proximité. Liz se tourna vers Liv, les moins jointes derrière son dos, l’air plus innocente qu’elle ne le serait jamais, sa longue chevelure blanche tombant en boucles pâles autour de son visage. Elle souriait, ses yeux bleus brillants d’or et de curiosité, attendant avec une patience impatiente.

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Comme il s’y attendait, la mention des surprises suffirent à éveiller l’intérêt de sa petite sœur. L’étonnement et la joie simple qu’elle afficha lui réchauffèrent le cœur, et l’aurait fait fondre encore davantage, si c’avait été possible. Il décida pourtant de faire durer le plaisir, légèrement, revenant sur les occupations de première importance qu’elle avait mentionnées. La réponse qu’elle lui offrit lui fit hausser les sourcils, et il répliqua d’un ton amusé.

« Je pense qu’il va te falloir un peu de patience et beaucoup de persuasion avant que Père ne te laisse ne serait-ce qu’approcher d’un feutonnerre… »

Cependant, s’il savait mieux que quiconque à quel point CendreLune pouvait se montrer protecteur envers ses enfants, il n’ignorait pas non plus le pouvoir de persuasion dont sa sœur savait faire preuve, et il ne serait guère étonné qu’elle parvienne à obtenir ce qu’elle voulait bien plus vite qu’il ne l’imaginait…

La mine qu’elle afficha ensuite, attendant les surprises promises dans une pose de parfaite innocence, lui tira un petit rire attendri. Il avait beau la connaître assez pour savoir qu’il n’y avait pas une once de l’innocence — ni de la patience — qu’elle affichait, comment pouvait-il résister à ce regard et à ce sourire ? Il ne la fit donc pas languir plus longtemps et, la main toujours dans sa poche, il leva celle qu’elle avait désormais libérée, montrant un doigt.

« La première surprise… est un cadeau. »

Tout en parlant, il avait sorti de sa poche le petit écrin serti de velours, qui lui tendit. À l’intérieur se tenait une bague finement travaillée, en tout point similaire — à un détail près — à celle qu’il portait à l’index. Tandis qu’elle découvrait son présent, il expliqua :

« Notre frère Ilhan, avec il me semble que tu es déjà familière… à ces mots, il désigna du regard l’anneau doré qu’elle portait, m’a offert ces anneaux lors de notre première rencontre. Un pour moi, et l’autre pour “un être qui m’est cher”. Il s’interrompit, juste assez longtemps pour lancer un regard plus qu’éloquent à son Inséparable. Ils permettent de communiquer, et éventuellement de se téléporter auprès de l’une des personnes dont ils contiennent l’essence. »

Il baissa le regard sur son propre anneau, teinté de reflets gris et d’émeraude de l’essence de CendreLune. Et d’elle seule, désormais. Il avait également contenu celle d’Achroma, pendant un temps, avant… Son poing se referma machinalement. S’il avait porté l’anneau alors, à Sélénia, peut-être que… Mais l’heure n’était pas aux vains regrets. Il avait commis une erreur alors, plusieurs sans doute, et il en payait le prix, mais il ne pouvait plus rien y changer. Il pouvait, en revanche, éviter de les réitérer. S’assurer de ne jamais faire défaut à sa sœur, à leur père, comme il l’avait fait alors.

Il desserra le poing et releva les yeux sur Liv, retrouvant son sourire, peut-être un peu vacillant, mais toujours aussi tendre.

« Ils ont été façonnés en pensant à des Inséparables. Il me semblait approprié que celui-ci te revienne. »

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La remarque de Liv concernant l’accord de leur père pour qu’elle puisse manipuler, approcher ou même acquérir un feutonnerre lui tira une petite moue qui se changea rapidement en un petit sourire un peu plus à son image : déterminé.

« On verra bien, » dit-elle, l’air du chat qui a attrapé le canari, léché la crème et profité de caresses alors même qu’elle n’avait encore rien obtenu. « Tu veux parier ? » proposa-t-elle malicieusement.

Elle poursuivit avec une petite tape du dos de la main sur la hanche de son frère et un regard éloquent vers le baudrier et ce qu’il soutenait.

« Et puis tu peux parler. Ce serait bien injuste, par ailleurs. »

Elle ignorait juste, pour l’heure, ce qu’elle souhaitait faire, ce qu’elle souhaitait utiliser même si les bouquins qu’elle consultait commençaient doucement à lui ouvrir une voie. L’inactivité ne lui convenait pas et elle s’en rendait rapidement compte, incapable qu’elle était d’attendre que le temps passe sans s’occuper d’une manière ou d’une autre. Le fait qu’il y ait beaucoup à faire, compte tenu des derniers événements, lui convenait tout à fait. Même si les événements en question ne lui convenaient en aucune manière, en dehors de celui qui avait conduit à son changement. Les conséquences, en revanche, étaient un peu trop en dehors du contexte qu’elle aurait préféré avoir pour son éveil.

Pour l’heure, elle se tenait avec l’attitude de la jeune fille modèle et patiente, une apparence qu’elle avait rapidement apprise à adopter, une manipulation de l’opinion extérieure comme une autre. Un jeu qu’elle s’était découvert et qui lui plaisait, c’était un peu comme une traque qui n’avait pour l’instant aucune finalité mais qui, un jour, en aurait une. Apprendre à donner et à montrer ce que quelqu’un d’autre attend, se conformer aux attentes et expectations pour éteindre tout soupçon, toute méfiance et mieux pouvoir faire ce qu’elle souhaitait. Son physique se révélait particulièrement avantageux dans cet aspect particulier. Petite et menue, elle pouvait se donner l’air d’une petite enfant fragile mais avec les bons habits elle pouvait se transformer en jeune femme aux formes intéressantes, aguichantes presque… ou en guerrière redoutable. Les circonstances, une attitude et les vêtements adéquats pouvaient tout changer à une situation.
Liv, pas dupe pour deux sous, attira son attention en levant un doigt pour marquer le coup et Liz haussa les sourcils à la mention d’un cadeau, agitant ses orteils nus d’excitation, seules trahisons de son ressenti réel.

Lorsqu’il présenta l’écrin, l’expression de Liz se fit soudain un peu plus sérieuse, ouvertement curieuse et intéressée tandis qu’elle se penchait en avant pour observer le bijou niché dans le velours. L’anneau était magnifique, réalisa-t-elle en clignant des yeux, prise par surprise par la beauté unique du bijou. Le matériau en lui-même était absolument superbe, donnant un reflet léger aux entrelacs qui rappelaient la forme d’ailes d’oiseaux ciselées avec un art si délicat que l’artisan responsable de cette oeuvre devait certainement être de grand nom. Elle leva les yeux vers son frère, écoutant attentivement ses explications tout en ayant quelque difficulté à intégrer que l’anneau était pour elle.
Elle joua du pouce avec l’anneau doré qui se trouvait à son doigt, songeant avec un petit sourire à Ilhan et à leurs conversations, parfois inopinées. Le regard éloquent que lui jeta Liv lui fit remuer les sourcils d’un air entendu qui pouvait tout à fait sous-entendre plus même si son sourire joueur indiquait le contraire. L’explication quant aux capacités de l’anneau lui firent regarder l’objet à nouveau, considérant le potentiel plus que pratique voire stratégique qu’il pouvait offrir. Une porte de sortie, une échappatoire mais également l’assurance de pouvoir porter secours à son Inséparable si d’aventure il devait lui arriver quelque chose.

Le son reconnaissable entre mille d’un poing qui se serre attira l’attention de la nouvelle née et elle baissa les yeux pour voir la main contractée de son grand-frère. Levant vers Liv un regard inquiet, elle tendit la main, non pas pour s’emparer du bijou mais pour glisser ses doigts le long du dos de la main de Liv. Elle les enroula doucement autour de son poing serré, dénouant doucement les doigts jusqu’à glisser les siens et les entrelacer.
A sa conclusion, elle hocha la tête avec un petit sourire, un peu plus timide et tendit sa main libre offrant ses doigts nus à Liv :

« Me feras-tu l’honneur de me demander pour Inséparable ? » Demanda-t-elle d’un air pompeux. Sa remarque et un regard à l’anneau lui fit cependant penser à quelque chose d’autre et elle plissa les yeux. « Dis voir… est-ce que les pigeonniers n’ont pas l’habitude de baguer leurs oiseaux ? Serais-tu mon pigeonnier, Liv ? » s’enquit-elle l’air faussement offusqué.

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« Tu veux parier ? »

La question lui fit lever un sourcil, avant de répondre comme si c’était une évidence.

« Contre toi ? Jamais. »

Elle avait beau être toute jeune, à peine éveillée, il ne doutait pas une seconde à obtenir à peu près tout ce qu’elle voulait, a fortiori lorsqu’il s’agissait de leur père. Et il n’était pas vraiment du genre à jouer pour perdre. Mais c’était aussi, plus implicitement, une manière de sous-entendre qu’il était de son côté, le serait toujours.

Au geste qu’elle eut ensuite, il baissa les yeux sur Brise d’Argent, avant de les relever sur sa sœur. Il comprenait ce qu’elle voulait dire, et devinait ce qu’elle ressentait. Mais, tout d’abord, il avait lui aussi dû attendre quelques jours avant de se voir offrir son épée. Et ensuite, il y avait une nuance de taille, qu’il ne manqua pas de souligner avec un sourire amusé.

« La différence, vois-tu, est qu’une épée ne risque pas de t’exploser dans les main, ou de te faire sauter le crâne à la moindre maladresse… ou lors d’une perte de contrôle inopinée. »

Bien sûr, une épée n’était pas non plus sans risque, mais ce n’était selon lui pas comparable avec l’imprévisibilité d’un feutonerre. Le problème se trouvait donc, selon lui, moins dans son envie d’avoir une arme, que dans le choix qu’elle en avait fait.

Le sujet fut clos lorsqu’elle réclama implicitement ses surprises, adoptant une attitude de petite fille modèle qu’elle maîtrisait déjà à la perfection, mais à laquelle lui ne croyait pas une seconde. Il ne la fit pas languir davantage, et lui offrit son présent, observant sa réaction. Elle devait-être, devina-t-il, assez semblable à celle qui lui-même avait eu en découvrant l’orfèvrerie althaïenne finement ouvragée, véritable œuvre d’art. Elle admirait le bijou, appréciant de toute évidence elle aussi sa beauté à sa juste valeur. Il était heureux que son cadeau lui plaise.

Il lui expliqua brièvement les pouvoirs que recelaient l’anneau, avant de se perdre lui-même dans l’ombre des souvenirs et des regrets, dont elle l’aida à se tirer en dénouant délicatement son poing serré avant d’entrelacer ses doigts dans les siens. Une phrase d’elle, et il était tout à fait revenu, laissant échapper un petit rire à sa question grandiloquente.

« Est-ce qu’il n’est pas un peu tard pour te le demande ? »

Elle avait cette capacité de chasser les ténèbres par sa simple présence, sa main dans la sienne, le son de sa voix… La place qu’elle avait prise, dans sa vie et dans son cœur, en si peu de temps, avant même de s’éveiller en réalité, l’effet de sa présence — ou son absence —, d’un mot, d’un sourire, d’un regard, le pouvoir qu’elle avait sur lui, simplement en existant… Ça aurait pu avoir quelque chose d’effrayant, de se savoir dépendant d’un seul être, tout en ayant parfaitement conscience. Et pourtant, il s’en délectait au contraire, savourait chaque instant, chaque sensation. Parce qu’il savait qu’il en allait de même pour elle, et parce qu’il lui faisait aveuglément confiance.

Il réprima un petit rire à sa question suivante, pour le moins inattendue, et fit mine d’y réfléchir, avant de répondre d’un air pensif.

« Eh bien ça dépend… Penses-tu être un pigeon ? »

Son regard et son sourire s’attendrirent à nouveau et, sans la libérer de son étreinte, il leva la main pour venir lui caresser la joue avec douceur.

« Personnellement, je ne me permettrais pas la comparaison, et j’arracherais personnellement la langue à quiconque l’oserait. Ses doigts se perdirent un instant dans la chevelure argentée qui encadrait le visage de sa sœur. Même la blanche colombe ne saurait te faire honneur. En outre… Il baissa les yeux et agita légèrement son index pour attirer l’attention dessus, et sur l’anneau qui l’ornait. Il se trouve que je suis bagué aussi. Ça ne ferait donc que nous mettre sur un pied d’égalité. »

Mais puisqu’elle voulait une demande, qui donc était-il pour l’en priver ? Lâchant finalement sa main, il posa un genou au sol et présenta l’écrin, toujours ouvert, devant elle, l’air exagérément solennel.

« Elizabeth Elusis, me feras-tu l’honneur d’être mon Inséparable, par le lien indéfectible et sacré béni par les Esprits, pour les siècles des siècles ? »

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La réaction de Liv à sa proposition de parier avec elle lui arracha un sourire rusé et elle se redressa quelque peu avant d’esquisser une moue à la réponse de son frère concernant la différence entre une épée et un feutonnerre. Elle haussa les épaules et effleura du bout des doigts la couverture d’un des volumes qu’elle était en train de consulter avant qu’il n’arrive, l’expression pensive. Cependant, lorsqu’elle prit la parole, un air quelque peu condescendant prit place sur son visage tandis qu’elle haussait les sourcils d’un air d’évidence :

« Je suppose que c’est là toute la différence entre un feutonnerrier et un épéiste. » Son regard se posa sur le baudrier que portait son Inséparable et l’épée qui s’y trouvait. Son regard, une once plus froid, plus calculateur et définitivement plus en adéquation avec son attitude habituelle. « La seule chose que je saurais faire avec Brise d’Argent c’est par quel bout la tenir. » La lame lui semblait trop longue, c’était probablement si peu pratique à utiliser. Excepté, peut-être, lorsque l’adversaire en avait une également, songea-t-elle. Elle releva les yeux pour croiser ceux de Liv et esquissa un sourire arrogant. « Un feutonnerre ne m’explosera pas entre les mains, je ne peux pas en dire autant de quelqu’un d’autre. » Elle s’arrêta un instant avec un léger froncement de sourcil, son arrogance s’évanouissant presque aussitôt tandis qu’elle précisait : « Et je ne parlais pas de toi. »

Elle savait pouvoir faire confiance à Liv pour manipuler un feutonnerre correctement. Ou tout au moins savoir reposer l’arme si, réellement, il n’était pas en mesure de s’en servir sans se mettre lui-même en danger. Peut-être que si elle parvenait à mettre la main sur l’un d’eux, elle lui montrerait comment faire. Ou le forcerait à lire les livres qu’elle possédait afin que tout risque soit écarté. Père en détenait un, le risque zéro n’existait pas. Son regard, sur son grand-frère, se fit un poil acéré.
Elle songea cependant que si elle devait avoir un jour un feutonnerre, elle s’arrangerait pour que quiconque de non-autorisé qui s’emparerait de l’arme allait avoir une mauvaise surprise. C’était un bon moyen de s’assurer qu’un objet ne puisse pas se retourner contre elle, un juste retour à l’envoyeur. Quiconque tenterait de la voler n’y réchapperait pas sans quelques conséquences.

Elle fut cependant rapidement tirée de ses considérations lorsque le premier cadeau fut révélé et que tout son intérêt et son attention se retrouve concentrés sur un anneau présenté dans un écrin élégant. La beauté de l’objet lui fit presque oublier de rester attentive aux paroles de son frère mais lorsqu’il décrivit les propriétés de l’anneau, elle écarquilla quelques peu les yeux. Cela lui donna une idée et, avec un sourire, elle invita son grand-frère à la demander pour Inséparable, réalisant par la même occasion de l’implication plutôt amusante de sa demande. Sa question - et sa remarque - arrachèrent un petit rire à Liv et elle sourit, à la fois satisfaite d’elle-même mais également rassurée d’avoir pu faire revenir son frère dans une direction qui lui faisait un peu moins serrer le poing.
A sa question, cependant, elle se redressant en prenant un air offensé, les lèvres pensées d’outrage :

« Tu oses me poser cette question ? »

Son ire artificiel s’évanouit presque aussitôt lorsque la main de Liv caressa doucement sa joue et elle soupira doucement, inclinant la tête pour reposer contre la paume de sa main. Elle embrassa doucement cette dernière, souriant doucement à ses mots, le regardant dans les yeux avec une forme d’émerveillement, touchée par ses mots et par l’importance qu’elle avait pour lui. Également par l’avis qu’il avait d’elle. Cette affection, cette relation qu’ils avaient avait quelque chose de presque terrifiant dans son absolu et sa profondeur.
Avec un son proche d’un gloussement, elle sentit sa main se défaire de la sienne et le vit s’agenouiller devant elle pour lui présenter l’écrin dans une posture grandiloquente. Liz se mit à rire, silencieusement, avant de s’interrompre presque aussitôt et de porter son index à ses lèvres, l’air de réfléchir à la question.
Elle considéra Liv et un sourire carnassier étira lentement ses lèvres :

« Tu ne penses pas qu’une telle demande devrait se faire dans de plus beaux vêtements ? »

Elle laissa une seconde s’écouler avant que le sourire de Liz ne se fit plus doux quoique toujours un peu moqueur, un peu amusé. La nouvelle née tendit sa main afin de permettre à son grand-frère d’y glisser l’anneau.

« J’accepte de te prendre pour Inséparable, Liv Elusis, avec ton style vestimentaire douteux et tout le reste. » Son expression se radoucit considérablement. « Je n’aurais pu avoir meilleur Inséparable que toi, » dit-elle tout bas.

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La remarque de Liz sur son incapacité à manier une épée tira un sourire taquin à son frère, qui répondit d’un ton malicieux.

« Tu connais donc la moitié de ce qu’il y a à savoir. La seconde étant : il faut planter le bout pointu dans ton adversaire. On ne peut plus simple, vraiment. »

Bien entendu, il y avait en réalité d’autres subtilités, telles que le fait que l’adversaire en question avait tendance à ne pas se laisser faire… Ce n’était pas pour rien que lui-même s’entraînait encore régulièrement. Mais la théorie demeurait en effet assez simple. En tout état de cause, il faisait bien davantage confiance au tranchant d’une épée qu’aux mécanismes obscurs d’un feutonnerre. En réalité, il n’était guère attiré par les armes de traits en général, préférant la maîtrise d’un combat au contact, mais les feutonnerres lui inspiraient particulièrement peu confiance. Mais peut-être n’était-ce que lui, après tout leur père en avait bien un.

Le petit air suffisant qu’elle afficha ensuite tira un sourire amusé à Liv. Elle était bien sûre d’elle, pour quelqu’un dont la mémoire remontait en tout et pour tout à trois jours, et qui n’avait jamais même approché un feutonnerre de sa vie. Mais en réalité, il lui faisait confiance pour ne pas se montrer imprudente, il savait qu’elle s’était renseignée — il pouvait d’ailleurs le constater ici même à cet instant — et ne traiterait pas le sujet avec insouciance. Cependant, il se pencha légèrement en avant et répondit un ton plus bas, d’un ton à la fois taquin et conspirateur.

« Mais tu sais, ce n’est pas moi que tu dois convaincre. »

À sa remarque suivante, il se contenta de hausser les épaules pour indiquer qu’il n’en aurait pas pris offense dans tous les cas. S’il se faisait certes assez confiance pour ne pas se faire exploser un feutonnerre au visage s’il devait s’en trouver un entre les mains, il avait également parfaitement conscience de n’avoir aucune connaissance quant à leur maîtrise, et n’avait aucune honte à l’admettre.

La conversation en vint finalement au fameux présent, qui fut apprécié à sa juste valeur par sa destinataire. Elle n’en réclama pas une demande, ce qui amusa Liv sans l’étonner, avant d’avoir manifestement une autre idée. Il ne manqua pas l’occasion de la taquiner, obtenant la réaction offensée qu’il attendait, mais ne répondit cependant pas à sa question, ni ne lui laissa le temps de s’offusquer davantage, remplaçant aisément la colère factice par une tendresse réelle, avant de se plier à son caprice et de lui faire aussi pompeusement que possible sa demande en bonne et due forme. Après tout, elle n’en méritait pas moins.

La remarque sur ses vêtements lui tira un haussement de sourcil. Il baissa les yeux sur sa tenue, qu’il trouvait pour sa part tout à fait bien, il ne voyait vraiment pas ce qu’elle avait à lui reprocher, avant de relever un regard mutin sur son incorrigible Inséparable.

« Il se trouve malheureusement que je n’en ai pas d’autres sous la main à l’instant. Je peux toujours les retirer, s’ils te gênent tant, mais c’est hélas la seule solution que j’aie à te proposer. »

La manière dont elle accepta sa demande lui tira un petit rire, qui se mua en sourire tendre sur sa dernière phrase. Il lui passa l’anneau au doigt, puis se releva, prenant sa main fraîchement ornée pour y apposer un baise-man parfaitement galant.

« Te voilà donc condamnée à me supporter, avec mon excellent style vestimentaire, jusqu’à la fin de tes jours. »

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Liz fit la moue, regardant son frère par dessous ses longs cils : « Non, mais si j’arrive à te convaincre toi, j’ai plus de chance de réussir à convaincre papa. »

D’autant plus qu’elle n’était pas sans avoir remarqué que son grand-frère était particulièrement investi dans sa sécurité et son bien-être. Liz elle-même avait une tendance particulièrement intense à vouloir savoir dans quel était Liv se trouvait, s’il allait bien et si rien ne le menaçait. Cet intérêt constant, cette interrogation qui n’avait de réponse que lorsqu’elle était à ses côtés, pouvait se révéler parfois envahissant. Elle qui n’avait que quelques jours à son actif ne connaissait pas encore grand chose, avait repéré quelques couloirs à suivre afin d’arriver d’un point A à un point B mais il lui arrivait encore de se perdre. Même si elle refusait obstinément de l’admettre. Même si Liz avait une conscience presque parfaite de la distance qui la séparait de Liv et de l’emplacement de son Inséparable, le plus souvent elle ignorait si cela signifiait qu’il était en sécurité ou non.
Même la ville qui entourait la demeure familiale lui restait complètement inconnue, de même que ses habitants même si la plupart d’entre eux étaient des vampires comme elle. Certains aussi jeunes qu’elle.

Leur petit manège se poursuivit avec une aisance et une complicité dont elle ne cessait pas de se ravir. A chaque fois, à chaque instant, cela ne cessait de lui chatouiller son coeur pourtant mort et immobile, lui donnant comme l’impression de minuscules ailes battant la mesure d’une danse dont elle commençait tout juste à connaître les pas.
La réplique de Liv lui tira un petit sourire tandis qu’elle le détaillait de la tête aux pieds, faisant mine de réfléchir à son offre. Elle ne dit rien - pour l’instant, gardant le silence mais n’en pensant pas moins. L’anneau glissé à son doigt lui allait parfaitement, ornant sa main d’un bel éclat qu’elle observa avec intérêt. La remarque de son frère, cependant, lui arracha un souffle amusé tandis qu’elle lui attrapait la main et le redressait tout contre elle.
Comme guidée par un souvenir inconnu, elle attrapa l’autre main de Liv et se laissa emporter au rythme de pas de danse dont aucune musique ne résonnait entre les murs de sa chambre. Dansant doucement avec son frère, elle leva un regard qu’on aurait presque pu qualifier d’innocent s’il ne s’agissait pas de Liz.

« Il est bien possible, très cher frère, que la nudité t’aille mieux que ton prétendu excellent style vestimentaire. Que je n’aurais pas le mauvais goût d’appeler de la sorte. »

Reposant doucement sa tête contre l’épaule de Liv, elle se laissa guider, appréciant la présence, l’odeur et la force qui émanait de lui. Il était inébranlable, pour elle, un repère parfait qui lui permettait de garder l’équilibre. Inspirant doucement, elle reprit la parole tout bas, dans un souffle :

« Je n’appellerais pas ça une condamnation, peu importe les sacs dont tu te pares. »

Dans la main de son frère, l’anneau brillait à l’identique de celui qu’il portait. A l’exception près que le sien ne portait aucune couleur.

« Tu sais comment ajouter... » Elle fronça le nez et les sourcils, l’air dubitatif : « l’essence de quelqu’un ? Je voudrais ajouter la tienne. »

Afin de pouvoir lui venir en aide à tout moment, de pouvoir communiquer avec son Inséparable même lorsqu’ils ne partageaient pas la même pièce, lorsqu’ils n’étaient pas côtes à côtes. Si quiconque avait la mauvaise idée de s’en prendre à Liv, elle les trouverait et elle les ferait disparaître. Un par un. D’une manière ou d’une autre. Elle n’excluait pas l’usage de méthodes peu recommandées et définitivement douloureuses.

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La remarque lui fit lever un sourcil. Selon lui, elle surestimait grandement l’impact que pouvait avoir son avis sur les décisions de leur père… Il ne releva cependant pas, se contentant de répliquer d’un ton joueur :

« Je reformule dans ce cas : tu n’as pas besoin de me convaincre, moi. »

Si elle voulait un feutonnerre, il ne serait certainement pas celui qui s’y opposerait. D’une part, parce qu’il doutait d’être capable de lui refuser quoi que ce soit. Mais aussi et surtout parce que, à choisir, il aimait autant la savoir armée et apte à se défendre, en cas de nécessité. S’il ne faisait, personnellement, guère confiance à ce type d’armes, ça n’engageait que lui, et il avait en revanche toute confiance en elle pour se montrer suffisamment prudente et ne pas prendre le sujet à la légère.

Il était décidé à la protéger, férocement, sans limite. C’était un trait de caractère chez lui envers tous les membres de sa famille, bien sûr, mais qui était d’autant plus développé envers elle, et qui continuait de grandir de jour en jour. Il était prêt à tuer quiconque oserait ne serait-ce que la menacer, à mourir pour elle, à mettre le monde à feu et à sang s’il le fallait pour la mettre en sécurité. Cependant, il avait bien conscience qu’il ne pourrait pas être constamment à ses côtés et, bien qu’il escomptait que l’anneau qu’il comptait lui offrir l’aiderait dans sa tâche, par conséquent il fallait qu’elle soit en mesure de se défendre elle-même lorsqu’il ne serait pas en mesure de le faire. Et une arme, voire plusieurs, qu’elle maîtrisait, pourrait lui être un avantage non-négligeable ; Liv ne pouvait donc qu’être favorable à l’idée.

Il ne se contenta pas de lui offrir son présent mais, puisqu’elle l’avait réclamé, lui fit une demande en bonne et due forme, mettant un genou à terre avant de lui passer la bague au doigt, non sans prolonger la taquinerie affectueuse qui s’était installée naturellement entre eux dès le début. Concrètement, ils ne se connaissaient que depuis trois jours, se découvraient encore, eux-mêmes et mutuellement, et pourtant c’était comme s’ils s’étaient toujours connus, comme s’il retrouvait une part de lui simplement égarée pour un temps. Était-ce de par ce qu’ils avaient partagé dans leur ancienne vie, l’effet de l’Esprit-Lié qui les avait choisis, ou quelque chose de plus propre à eux ? Il n’en savait rien, et peu lui importait en réalité. Quelle qu’en soit la raison, il était tout simplement heureux de ce qui les unissait, ce lien si particulier, unique, et, il en était sûr, indéfectible.

Il fut légèrement étonné lorsqu’elle prit sa main pour l’entraîner dans une danse improvisée, mais il se laissa faire avec un plaisir simple et attendri. Les pas lui vinrent d’eux-mêmes et il se mit à guider instinctivement, son corps retrouvant des souvenirs qui échappaient à sa mémoire. Il avait l’habitude du phénomène, désormais, et savait simplement se laisser porter. Il ne le découvrait qu’alors mais, s’il pouvait en juger lui-même, il était plutôt bon danseur. Liz, bien sûr, dansait à la perfection. Il se retint de pouffer à sa remarque, qui reprenait sans prévenir leur conversation d’un peu plus tôt, et se contenta de hausser un sourcil amusé tout en répliquant sans se démonter :

« Il paraît qu’un rien m’habille… je suppose qu’il faudra vérifier cette théorie. »

À sa phrase suivante, lâchée dans un murmure, il ne répondit en revanche pas ; il ancra son regard dans le sien avec un doux sourire, mais garda le silence. Parfois, les mots étaient superflus, et inaptes à exprimer toute l’étendue des sentiments et de l’affection ressentis. Son regard parlerait bien mieux pour lui.

Il ne répondit pas non plus immédiatement lorsqu’elle l’interrogea sur le fonctionnement de la bague. Tout d’abord, il la fit tournoyer, avant de la ramener contre lui d’une main sur sa hanche. Il avait hésité à interrompre la danse pour ses explications, mais gagea finalement que l’exercice était suffisamment simple pour qu’elle n’ait pas besoin de s’interrompre pour pouvoir se concentrer suffisamment dessus. Il continua donc de l’entraîner sur une musique qui n’appartenait qu’à eux, tout en répondant enfin.

« Bien sûr, c’est très simple. Je vais te montrer. Si tu me permets… »

Il ne doutait pas une seule seconde qu’elle lui accorderait bien volontiers l’autorisation d’en faire de même, mais pour autant il ne permettrait pas de le faire sans l’avoir reçue. Il tenait à ce qu’elle sache qu’il ne lui imposait rien et que la décision lui appartenait, même pour quelque chose qui lui semblait aussi évident et simple que celle-ci. Une fois qu’elle eût manifesté son accord, il reprit.

« Tout d’abord, il faut que tu touches la personne avec l’anneau. Un regard vers leurs doigts entrelacés suffit à souligner que cette condition était d’ores et déjà remplie. Ensuite, il te suffit de te concentrer sur le glyphe pour l’activer. La magie saura ce qu’elle a à faire. »

Tout en parlant, il avait lui-même mit ses paroles en application. Sa bague s’illumina brièvement avant de reprendre son aspect habituel, si ce n’était qu’elle s’ornait désormais d’un blanc irisé de bleu par endroits, en plus du gris et de l’émeraude de CendreLune. Il se rappela le moment, certes bien plus cérémonieux qu’à cet instant, où il avait procédé de même avec leurs pères, l’un puis l’autre, presque trois mois plus tôt. La pensée l’effleura que c’était la troisième fois qu’il activait ce glyphe, mais que seules deux essences y demeuraient désormais… mais il la chassa bien vite, ramenant son regard dans celui de sa sœur, son sourire désinvolte mais bienveillant ayant à peine vacillé l’espace d’un instant.

« Et voilà. »

Il l’invitait du regarde à s’y essayer à son tour, et avait subtilement ralenti le rythme de leur danse, se tenant prêt à s’arrêter tout à fait si jamais elle devait s’en trouver plus à l’aise, bien qu’il ne doutait pas qu’elle soit tout à fait capable de mener les deux de front.

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Si les premiers pas prirent Liv par surprise, les rendant légèrement plus lourds, son frère prit rapidement la direction et le sourire de Liz se fit infiniment plus tendre. Elle qui se découvrait un coeur d’acier et une attitude généralement glaciale se faisait l’effet d’une personne différente lorsqu’elle se trouvait en la présence de son Inséparable. C’était comme s’il faisait tout fondre sur son passage, lui offrant l’opportunité d’être quelqu’un d’autre. Sans la vigilance qu’elle avait prit l’habitude de garder en permanence, sans le jugement qu’elle portait sur les autres ni la manière qu’elle avait de décortiquer chaque passant avec l’impression d’y voir une potentielle menace. La mort d’Achroma et la façon dont elle avait impacté son entourage ne l’avait pas laissée sans marque. Son père avait été un ennemi puissant, avec des pouvoirs que peu possédaient mais cela ne l’avait pas empêché de périr. Il s’était cru à l’abri et il en avait payé le prix. Liz ne commettrai pas la même erreur et elle ferait tout ce qui était en son pouvoir pour qu’aucun membre de sa famille ne subisse le même sort. Elle frapperait depuis les ombres si besoin, elle tuerait à outrance si nécessaire, mais elle ne perdrait personne d’autre. Achroma serait le premier et le dernier.

Elle reposa doucement sa tête sur l’épaule de Liv, prenant réconfort dans la présence de son frère, de son Inséparable et ferma les yeux en se laissant porter par des pas de danse dont elle n’avait pas eu connaissance jusqu’à l’instant présent.
Un sourire doux ourla ses lèvres à la réponse de son frère quant à ce qu’il portait et, éventuellement, l’absence de vêtements.

« Rien ne vaut un test pour mettre une hypothèse à l’épreuve. »

La seule idée de voir son frère apparaître, nu comme un ver, au beau milieu d’une salle lui arracha un souffle amusé. Elle rirait probablement moins s’il avait la merveilleuse idée de le faire au moment le plus inopportun et surtout en présence d’invités importants mais il avait suffisamment de jugeote pour ne pas commettre une telle erreur. Il avait certes un goût vestimentaire douteux mais il ne manquait pas de matière grise pour autant. A choisir, Liz préférait que les choses soient de cette façon plutôt qu’une autre. Elle aurait eut bien du mal à s’occuper d’un idiot, hors Liv était bien des choses mais définitivement pas un idiot. Enfin, pas dans le sens littéral du moins.

« Cependant j’ai entendu dire que le choix du moment détermine la réussite d’une expérience. »

Au regard qu’il lui adressa, Liz sourit à son tour avant d’enfouir son visage dans le cou de son frère, contente de rester là.
Incapable, cependant, de ne rien faire et surtout de restreindre sa curiosité, elle ne pu s’empêcher de poser une question quant au fonctionnement de la bague qui ornait désormais son doigt. Identique à celle qui se trouvait à celui de Liv. Sans interrompre leur danse improvisée, il entreprit de lui expliquer comment ajouter une essence à la bague. Elle ne répondit à sa demande de permission qu’avec un bref hochement de tête, touchée par l’attention de son frère.
Elle observa leurs doigts noués, leurs mains liées, avec attention et concentration, écoutant religieusement les explications de Liv. Comme pour appuyer ses mots, elle resserra brièvement ses doigts sur ceux de son frère. A l’activation du glyphe, l’anneau de Liv se para d’une nouvelle teinte d’un blanc irisé de bleu qui lui arracha un sourire satisfait. C’était une couleur qui lui convenait, à l’image du reste de sa personne. Probablement en ferait-elle ses couleurs puisque manifestement Liv avait déjà choisi les siennes.

C’était désormais son tour, réalisa-t-elle avec un bref clignement des yeux, ceux-ci toujours fixés sur leurs mains jointes. La magie était innée chez elle, un leg bien particulier qu’elle associait aussi bien à Aldaron qu’à Achroma mais auquel elle ne s’était pour l’instant pas intéressé. Il y avait comme une forme de réticence à s’en approcher, à s’y fier. Bien que la magie n’était qu’un outil et qu’elle était, par conséquent, dénuée d’intention, Liz ne pouvait s’empêcher de la considérer avec méfiance. Comme si la magie pouvait la trahir à tout moment.
La jeune vampire garda le regard fixé sur l’anneau qui se trouvait à son doigt, ses yeux glissant momentanément sur celui qui ornait la main de Liv. Les couleurs miroitaient, attirantes et belles, donnant une apparence d’autant plus éthérée à l’objet. Définitivement, les avantages d’un tel objet n’étaient pas négligeables. Elle pourrait appeler à l’aide si d’aventure le besoin devait s’en faire ressentir, elle pourrait communiquer avec lui s’ils devaient être séparés. Et s’il devait un jour avoir besoin d’elle, elle pourrait répondre et se retrouver à ses côtés. La fatigue la rendrait probablement moins efficace qu’elle le voudrait mais sa présence ne pourrait qu’arranger les choses, ne serait-ce que parce qu’elle avait remarqué être elle-même plus efficace lorsque Liv se trouvait à proximité. Il ne se contentait pas de rendre le monde plus beau et plus vibrant, il la rendait aussi plus forte à bien des égards.

Inspirant doucement et raffermissant sa volonté, se refusant de se laisser aller à la réticence naturelle qu’elle ressentait à l’idée de se servir de la magie, Liz se concentra. La magie était étrange, mais pour autant elle sentit exactement ce qu’il se passait, comme un verrou qui aurait été activé par la clé parfaite, une ouverture qui activa le glyphe et lui offrit l’énergie dont il avait besoin pour s’emparer de l’essence de Liv et la capturer dans l’anneau. La bague se para des couleurs de son frère, violet et argent mêlé de noir, miroitant à son tour. Liz autorisa un sourire à ourler ses lèvres et elle leva les yeux vers Liv :

« Tu fais un excellent professeur. »

Abandonnant toute prétention à la danse, bien que continuant à piétiner sur le rythme de la musique inexistante sur laquelle ils dansaient depuis le début, elle enroula ses bras autour de son frère et se pelotonna tout contre sa poitrine.

« Il faudra que je remercie Ilhan pour son cadeau très précieux, » dit-elle, songeuse, son pouce caressant pensivement l’or de son anneau. Elle avait un moyen bien particulier de le contacter si elle le souhaitait. Il n’était pas là mais son présent valait tout l’or du monde et lui offrait un moyen de protéger et d’être protégée. Il lui faudrait désormais songer aux autres personnes qu’elle souhaitait ajouter. « Y a-t-il une limite au nombre de personne que l’on peut ajouter ? »

Sentant un sourire gagner ses lèvres, Liz resta la tête appuyée contre l’épaule de son frère mais leva les yeux vers lui, l’air chafouin.

« Tu as mentionné deux surprises ? »

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Comme il l’avait présumé, elle avait été parfaitement capable de suivre ses explications, avec une attention manifeste, sans pour autant manquer le moindre pas de leur danse improvisée. Il fut content de constater qu’elle semblait satisfaite des couleurs dont la bague s’était ornée pour la représenter. Elle n’interrompit toujours pas leur danse lorsque ce fut son tour, se contentant de river son regard sur leurs doigts enlacés. Elle prit un peu de temps, et Liv le lui laissa bien volontiers, l’observant silencieusement tout en continuant de mener la danse. Au bout de quelques instants, la bague de Liz s’illumina à son tour pour se parer de couleurs, qu’il observa avec curiosité. L’argenté de la lune, le noir de la nuit, et le violet de… il préférait ne pas y penser.

De surprise, il avait failli manquer un pas, ne s’attendant pas à voir cette dernière couleur dans celles qui le définissaient. C’était pourtant logique, sans doute, même s’il ne s’en souvenait pas, ce violet continuait de le hanter, au point qu’il l’avait plus ou moins adoptée lui-même. Il se fit la réflexion qu’il ne lui avait pas encore raconté cette part de lui. Elle connaissait les grandes lignes de l’histoire, bien sûr, mais sans doute pas ce détail. Il faudrait qu’il lui en parle, à l’occasion. Mais pas tout de suite. Pour l’heure, il se contenta de lui répondre avec un sourire doux.

« C’est que j’ai une excellente élève. »

Quand elle se pelotonna contre lui, il posa sa tête contre la sienne, inspirant l’odeur de ses cheveux avec plaisir. Alors qu’elle reprit la parole et mentionna le “précieux cadeau” d’Ilhan, il se félicita intérieurement qu’elle ne puisse pas voir son visage, doutant d’avoir réussi à conserver une expression neutre alors que la formulation lui évoquait un tout autre “cadeau”, ô combien plus précieux, que leur frère lui avait fait, mais dont elle ignorait encore tout… *Tu n’as pas idée, petite sœur…*. Il n’aimait pas l’idée de lui cacher des choses. C’était vrai à n’importe quel sujet, mais plus encore sur celui-ci, qui la concernait directement. Il ne doutait pas une seconde qu’elle serait absolument furieuse lorsqu’elle l’apprendrait… Mais il comprenait également la nécessité du secret, pour l’instant, et s’en remettait à leur père pour décider du bon moment pour lui révéler la vérité. Ce qui ne l’empêcherait pas de ramener le sujet dans la conversation lorsqu’il en aurait l’occasion…

Il chassa ses pensées alors qu’elle reprenait la parole, ne réalisant qu’au moment où elle posait la question qu’il avait effectivement oublié de lui mentionner ce détail. Sa voix ne laissait rien transparaître des pensées qui l’avaient traversé lorsqu’il répondit.

« Ah, oui, la bague ne peut contenir l’essence que de trois personnes. Il te reste donc deux heureux élus à choisir. »

Il présumait que, comme lui, elle ajouterait également celle de leur père, ce qui lui en laissait donc une, tout comme à lui. Peut-être devrait-il subtilement veiller à ce qu’elle ne choisisse pas trop hâtivement la dernière, il avait en tête une personne qu’elle voudrait sans doute ajouter… lorsqu’elle connaîtrait son existence. Il allait vraiment falloir qu’il reparle à leur père à ce sujet.

Il laissa échapper un petit rire lorsqu’elle lui rappela qu’il avait annoncé deux surprises. Il baissa la tête pour croiser son regard, un sourire taquin sur les lèvres.

« J’ai dit ça ? Effectivement tu dois avoir raison… Eh bien je me demandais si tu serais d’humeur à… sortir… »

Il laissa quelques secondes passer, le temps de laisser à l’annonce le temps de faire son petit effet, avant de préciser :

« J’ai obtenu l’autorisation de Père de te faire visiter la ville. Si tu en as envie, bien sûr… »

Il avait ajouté la dernière phrase d’un ton nonchalant, comme s’il y avait le moindre doute sur sa réponse…

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Le compliment de Liv arracha un petit sourire timide à la nouvelle née tandis qu’une petite pierre se mettait en place dans l’édifice encore en construction qu’elle était. Elle étudiait, elle faisait de son mieux et Liz savait que si elle avait des capacités, l’entendre confirmé par Liv la rassurait quelque peu. Confirmait peut-être un peu ce qu’elle pensait sans en être pleinement certaine pour le moment. Elle n’avait que quelques jours, les avait essentiellement passés à tenter de se réfréner de goûter à tout le monde, peut-être à enfoncer ses petits crocs dans quelques gorges. Si le sang ne représentait pas un attrait aussi alléchants que les rêves qui peuplaient la demeure durant la nuit, elle ne voyait aucun inconvénient à s’en nourrir. Elle se découvrait tout juste des centres d’intérêts, parmi lesquels les armes de traits et plus particulièrement les feutonnerres, bien évidemment, même si elle comptait bien se renseigner sur les arbalètes à l’occasion.

La réponse à sa question, cependant, la laissa pensive pour quelques secondes. Il y avait de fortes chances pour qu’elle lie leur père à son anneau, c’était une des meilleures solutions et surtout quelque chose qui lui permettra de le défendre en cas de nécessité. La troisième personne en revanche… peut-être Ilhan, mais elle n’en était pas tellement certaine. L’autre anneau qu’elle portait lui permettait déjà de le contacter directement et de l’embêter à l’occasion, parfois au milieu de la nuit, parfois à l’aube pour voir s’il répondrait. Espérant parfois l’attraper à un moment qui lui permettrait d’entendre cette légère intonation qui lui laissait comprendre que, peut-être, elle l’avait pris par surprise.

Lorsqu’elle l’interrogea sur cette deuxième surprise qui n’avait pas encore été dévoilée, elle croisa le regard taquin de son frère et se retint de plisser les yeux en réponse. Elle était peut-être elle-même trop encline à aller embêter et asticoter les autres, d’une manière ou d’une autre, pour être parfaitement à l’aise lorsque Liv la regardait de cette façon-là.
Ma sa proposition, loin de la rendre plus suspicieuse, fit s’éclairer son visage et écarquiller les yeux. L’excitation y brilla tandis qu’elle s’éloignait de lui :

« Sortir !? »

Elle se retint de justesse de crier de victoire mais alors qu’elle s’apprêtait à demander s’il était sûr qu’elle en avait le droit, il confirma avoir eut l’autorisation de leur père. Sautillant sur place d’excitation, Liz émit de minuscules exclamations de joie et d’excitation avant de s’immobiliser soudainement.

« Je peux pas sortir comme ça, » laissa-t-elle tomber tout en baissant les yeux sur sa tenue.

Elle portait une petite jupe simple d’un bleu marine, des collants noirs et une adorable chemise blanche qui lui allait comme un gant. C’était particulièrement confortable pour rester dans ses quartiers en lisant des livres, installée dans son fauteuil confortable ou dans une pile de coussins quelconques voire à même le sol comme c’était le cas quelques instants auparavant. Pour sortir, en revanche, c’était inacceptable. Elle allait rencontrer les habitants de Névrast, ce peuple qui était désormais le sien et auquel elle appartenait corps et âme. Liz jeta un regard presque désespéré à son frère avant de se précipiter vers son armoire qu’elle ouvrit à la volée. Le miroir qui occupait l’intérieur d’une des portes lui arracha une exclamation d’horreur lorsqu’elle constata sa chevelure en désordre.

Sans se soucier une seconde de la présence de Liv dans la pièce, elle se défit de sa chemise pour en enfiler une autre, mieux taillée et surtout plus adaptée à sa silhouette. Elle tombait jusqu’en haut de la cuisse, en plis parfaitement organisés, sans une seule fripe inadaptée. Liz s’empara d’un corset simple et confortable mais qui complimentait indéniablement ses formes, mettant en valeur la courbe de ses hanches et rehaussant celle de sa poitrine. Le laçage, sur le devant, était complexe mais d’une rare élégance et elle acheva de le nouer avec un froncement de nez qui se lissa lorsqu’elle s’estima satisfaite du résultat. Se défaisant de ses collants, elle enfila une paire de pantalon noir près du corps puisqu’elle n’avait définitivement pas à se soucier du foid qu’il faisait dehors.
Arrangeant avec un rien de maniaquerie la façon dont le pantalon se comportait sur ses jambes afin qu’il soit parfaitement en position, elle se déplaça jusqu’à un autre meuble qui, une fois ouvert, dévoila une collection débutante de chaussures, bottes et autres chaussons. Elle s’accroupit pour fouiller dans la partie basse du meuble et en extirpa une paire de hautes bottes noires, lacées, dont les talons étaient suffisamment effilés pour faire quelques dégâts en cas de coup bien ajusté. Ou de lui tendre un piège vicieux dans le cadre d’une balade si des rues pavées devaient se trouver sur son chemin.

S’asseyant sur le fauteuil qu’elle avait occupé à un moment de sa lecture, elle les enfila, les nouant avec le genre d'expertise qui indiquait l’habitude - et qui était en fait le résultat de quelques heures d’irritation et de frustration à parfaire ses gestes.
Pas une seule seconde ne lui vint-il à l’esprit que, peut-être, Liv l’attendait et que toutes ces préparations - bien que d’une extrême importance - pouvaient éventuellement le mettre en retard. Si elle y avait pensé, cependant, elle lui aurait probablement reproché de ne pas lui en avoir parlé plus tôt, après tout il devrait s’y attendre. S’il n’avait pas mieux préparé les choses, ce n’était définitivement pas de sa faute.Vraiment pas. Quelle idée.

Se redressant sans la moindre difficulté, elle se dirigea vers le miroir qui se trouvait toujours offert à sa vue et, après quelques minimes ajustements à sa tenue, se dirigea vers la coiffeuse qui ornait la pièce. Liz s’y installa mais lorsqu’elle tendit la main vers la brosse à cheveux, celle-ci avait disparu. Levant les yeux vers son frère, elle esquissa un sourire et se positionna dos à lui.

« Merci, » souffla-t-elle tout bas, les mains calmement posées sur ses cuisses et le dos droit.

Involontairement, au premier coup de brosse, elle se raidit avec l’immédiate envie d’arracher la brosse des mains de Liv pour le taper avec mais se détendit presque aussi vite. C’était Liv. Il ne lui ferait aucun mal et la douceur avec laquelle il démêlait ses cheveux, la délicatesse avec laquelle il prenait soin de chaque mèche, acheva de la mettre en confiance. Elle se laissa faire, se retenant de se laisser aller jusqu’à reposer son dos contre son frère, ce qui rendrait caduque toute la procédure. Une fois qu’il eut terminé, il lui embrassa le haut du crâne et s’écarta pour lui laisser toute latitude pour faire ce qu’elle souhaitait faire.
Le remerciant à nouveau, elle se prépara à une bataille sans merci. Levant les mains, elle entreprit de séparer ses cheveux en plusieurs mèches égales et commença à les tresser de façon élaborée, nouant certaines tresses entre elles, les rejoignant à l’arrière de sa tête en une coiffure compliquée mais qui, elle le savait, mettait en valeur son visage et ses yeux d’un bleu saisissant. En plus de lui éviter d’avoir les cheveux dans les yeux ce qui, bien que du plus bel effet, pouvait s’avérer agaçant.
Elle n’avait peut-être pas eu la possibilité de s’aventurer en ville mais elle avait au moins eu la possibilité de se tenir à une fenêtre ouverte et il n’y avait rien de plus désagréable qu’une mèche de cheveux dans les yeux. Excepté peut-être une mèche de cheveux dans la bouche. Voire une combinaison des deux.

Après s’être examinée sous toutes les coutures, Liz s’empara d’un dernier vêtement qui n’était autre qu’une magnifique cape-armure et, satisfaite de son apparence irréprochable, se tourna vers son frère.

« Je suis prête ! »

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La réaction initiale de sa sœur à son annonce, enfantine et adorable, ne se fit pas attendre et, bien qu’il s’y attendait tout à fait, tira à Liv un sourire amusé. La seconde réaction le fit ouvertement glousser. Évidemment qu’elle ne pouvait pas sortir comme ça… Quand bien même elle était d’ores et déjà bien mieux habillée que lui, qui n’avait aucune intention de se changer. Il roula ostensiblement des yeux, mais son regard amusé et attendri démentait toute trace d’agacement ou d’impatience. Il eut cependant une petite pensée pour les gardes, qui devaient patienter depuis un petit moment déjà, et se sentit quelque peu désolé pour eux… Enfin, attendre devait faire grandement partie du métier, il espérait qu’ils ne leur en tiendraient pas rigueur.

Adossé nonchalamment contre un mur, il l’observait se changer sans la moindre gêne, admirant ses gestes précis et travaillés et le soin qu’elle mettait au moindre détail. Lui-même n’avait jamais ressenti le besoin ni l’envie de prêter particulièrement attention à sa tenue ni à son apparence, et ses pères semblaient fort bien s’en accommoder, ce qui ne lui avait guère donné de raison de faire davantage d’efforts en la matière. Mais cela ne l’empêchait pas d’être admiratif envers les efforts de sa sœur, et leurs résultats — bien qu’il trouvait sa première tenue absolument parfaite. Mais ce serait sa première rencontre avec le peuple de Nevrast — ou plutôt, de Cendre-Terre, désormais — il comprenait qu’elle tienne à réussir sa première impression. Et il ne doutait pas une seconde qu’elle y parviendrait.

Lorsqu’elle en fut à lacer ses bottes, devinant aisément quelle serait la prochaine étape, il prit les devants et abandonna son poste d’observation pour se diriger vers la coiffeuse et y attraper la brosse à cheveux qui y trônait. Trop occupée par ses préparatifs, Liz sembla ne pas remarquer son manège avant de s’installer et de tendre la main pour prendre un objet qui n’était plus là. Lorsqu’elle leva les yeux vers lui, il agita légèrement la brosse avec un sourire.

« Laisse-moi t’aider. »

Il prit place derrière elle et commença à brosser ses cheveux, mais s’interrompit presque immédiatement, la sentant se raidir sous son geste. Il lui jeta un regard interrogateur à travers le miroir, prêt à lui rendre sa brosse si elle préférait le faire elle-même, mais elle se détendit presque aussitôt, ce qu’il interpréta comme un signe qu’il pouvait reprendre sa tâche. Il prenait son temps, procédant bien plus précautionneusement que lorsqu’il se brossait lui-même les cheveux — car cela lui arrivait, quoi qu’en pense Liz —, avec délicatesse et gestes doux, soucieux de s’assurer de ne pas lui faire mal. Il appréciait ce contact, l’espèce d’intimité que cela créait, la répétitivité du geste qui, loin d’être lassante, avait quelque chose d’apaisant.

Une fois certain d’avoir entièrement démêlé la soyeuse chevelure argentée, il déposa un baiser sur le sommet du crâne de sa sœur, reposa la brosse, et s’écarta pour la laisser s’atteler à la suite, reprenant son poste d’observation appuyé contre le mur. Pour lui qui se contentait de garder ses cheveux lâchement attachés ou éventuellement, dans les moments d’extrême motivation, de les tresser sommairement, les coiffures élaborées que sa sœur parvenait à produire tenaient de la magie, et la voir à l’œuvre en train d’en créer une avait quelque chose de fascinant.

Lorsqu’elle lui annonça avoir terminé, il prit le temps de la contempler de la tête aux pieds, le regard doux et un petit sourire tendre flottant sur ses lèvres.

« Tu vas tous les éblouir. »

Il lui tendit le bras dans un geste parfaitement galant, et ils se mirent en route. Avant qu’ils ne sortent de la demeure, un domestique lui apporta sa propre cape-armure. Son raffinement détonnait très nettement avec le reste de ses vêtements, ternes et quelconques, mais elle le protégerait en cas de besoin, et c’était tout ce qui l’intéressait. S’il ne lui avait pas semblé nécessaire de s’équiper de pied en cap pour une simple excursion en ville, surtout sous bonne escorte comme ils le seraient, cela n’empêchait pas une certaine mesure de prudence. La nouvelle de la prise de pouvoir de CendreLune était encore toute fraîche, et il ne faisait guère de doute que certains allaient en profiter pour contester son nouveau titre. Cela ne voulait pas dire pour autant que l’on s’en prendrait à eux, mais il préférait éviter les risques inutiles.

Dans la cour, quatre gardes aux armures rutilantes les attendaient et leur emboîtèrent le pas. Ils se tenaient assez près du coup pour que leur protection soit manifeste, mais suffisamment à distance pour ne pas se rappeler à eux à chaque seconde et leur laisser un tant soi peu d’intimité. Liv les avait salués de la tête sans s’arrêter, menant sa sœur à l’extérieur.

La nuit était pleinement tombée, mais ici l’activité était tout aussi nocturne que diurne, aussi les rues étaient-elles toujours pleines de vie et de monde. Plus encore, en vérité, que Liv n’en avait eu l’habitude durant ses premiers mois de vie ici. Le petit millier de nouveaux habitants qu’ils avaient ramenés avec eux, et qui commençaient eux aussi à prendre leur marque dans la ville, faisaient en effet une grande différence.

Il glissa un regard à sa sœur, jaugeant sa réaction, avant de lui demander avec enthousiasme :

« Alors, par quoi veux-tu commencer ? »

Dernière édition par Ivanyr Elusis le Lun 18 Jan 2021 - 13:21, édité 1 fois

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Au compliment de son frère, le visage de Liz s’éclaira et elle sautilla jusqu’à lui avant de nouer son bras à celui qu’il lui tendit tout naturellement. Elle posa sa main sur l’avant-bras nerveux de Liv et se laissa guider. Une brève interruption afin de permettre à Liv d’enfiler sa propre cape-armure, de sorte qu’ils soient équipés en cas de nécessité, et ils se mirent en route pour l’extérieur de la demeure. La nouvelle née avait eut l’occasion de s’aventurer hors des murs de la maison familiale mais elle se devait de rester à proximité et de ne surtout pas aller au-delà de l’enceinte de la propriété. Pour sa sécurité mais également pour celle des autres. Cela ne faisait que quelques jours qu’elle était éveillée et si elle y mettait toute sa motivation, se contrôler relevait toujours d’une forme de défi. Le contrôle était une chose, avoir envie de s’empêcher de goûter à tout, de s’essayer à tout, en était une chose. Liz aimait la chasse, c’était un instinct prédateur qu’elle n’essayait pas tout à fait de réprimer ni n’en ressentait le besoin. Mais elle avait conscience que c’était une condition sine qua non pour pouvoir se déplacer librement et pouvoir agir à sa guise et sa liberté était plus importante. Même si cela signifiait se priver d’un petit bout, d’un type quelque peu négligeable, de liberté.

Lorsqu’ils débouchèrent dans la cour, quatre gardes en armure les attendaient. Liz cilla tout en les détaillant attentivement, observant la rigueur et l’attention toute particulière qu’ils dirigeaient à se tenir à une distance idéale. Suffisamment proche pour pouvoir s’interposer en cas de nécessité ou pour intervenir si un danger devait se présenter sur leur route. Ni trop loin pour être hors de portée, ni trop proches pour être étouffants et coincés en cas d’attaque. Ils étaient alertes et attentif, des vampires qui avaient redirigé leur instinct de prédation en quelque chose de plus défensif, traquant tout signe de danger ou d’anomalie. Leur corps des armes qu’ils avaient placé au service d’Aldaron et, en l’occurrence, dédié à leur protection.

Attentive, Liz les observa tout en regardant autour d’elle. Les rues étaient vivantes, de nombreux habitants encore debout et vaquant à leurs occupations. Certains travaillaient ou apprenaient, d’autres flânaient le long des rues et les observaient passer. Certains avec curiosité, d’autre d’un air impassible, dissimulant certainement d’autres émotions. Alors qu’ils passaient devant un groupe de vampires aux visages fermés, Liz songea combien la garde rapprochée avait été une excellente idée et probablement particulièrement nécessaire, la présence des gardes autant une dissuasion qu’une menace.
La question de Liv lui tira un sourire de connivence et elle leva les yeux vers lui, l’air espiègle :

« Les boutiques, bien évidemment ! »

Elle n’avait apporté aucune bourse contenant de l’or ou quoique ce soit pouvant lui permettre de s’acheter la moindre babiole. Cependant elle voulait savoir ce que la ville avait à offrir, quelles étaient les compétences et les artisans sur lesquels la ville pouvait se reposer. A couvert de coquetterie, elle pourrait peut-être se rendre compte de la diversité que pouvait offrir Névrast, ses forces et éventuellement ses faiblesses. Elle avait conscience que la ville était toute récente, en témoignaient les bâtiments qu’elle avait sous les yeux et qui étaient indubitablement neufs.
Il y avait comme une impression d’appartenance, elle qui avait ouvert les yeux quelques jours auparavant seulement et cette ville qui se présentait au monde avec une toute nouvelle apparence. Une renaissance, à l’image de la sienne. On lui avait déjà parlé de la ville de Névrast avant que des architectes ne relèvent le défi de la renouveler et d’offrir à ses habitants un lieu de vie convenable. Et même plus, songea-t-elle en observant avec émerveillement les rues et ses bâtiments, ses maisons et autres.

« Tu as des histoires à me raconter ? Des choses que je devrais savoir ou des anecdotes ? »

Tout en se laissant guidée par Liv, lui qui connaissait certainement la ville mieux qu’elle, elle observa attentivement son environnement. Elle dévisagea un vampire, lui rendant son regard avant qu’il n’incline la tête à leur attention. Le respect était clair et Liz répondit par la pareille, inclinant brièvement la tête dans sa direction.

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Marchant dans les rues, Liv réalisa qu’il jetait régulièrement des regards de droite et de gauche, les sens aux aguets, l’esprit plus vigilant qu’il ne l’était d’ordinaire pour une simple promenade en ville. La différence, bien sûr, était que pour la première fois, sa sœur se trouvait à ses côtés, éveillant son instinct qui le poussait à la protéger. Il avait, plus que d’habitude, conscience des gardes qui veillaient sur eux, mais aussi des regards des passants. Il en reconnaissait certains, pour les avoir déjà croisés ici, ou pour les avoir entrevus lors de la fuite de Sélénia. Il était assez facile de distinguer les nouveaux arrivants à leur façon de se déplacer, de regarder autour d’eux, de montrer davantage d’hésitation, comme s’ils n’étaient pas tout à fait chez eux. Cela viendrait bien assez vite, il ne s’inquiétait guère pour eux, et eux ne l’inquiétaient pas.

D’autres en revanche, aux visages fermés et aux regards qu’il soutenait avec fermeté, rappelaient que le nouveau Prince Noir ne faisait pas l’unanimité. Des défis avaient déjà été lancés, d’autres le seraient sans doute, et certains rongeaient manifestement leur frein, sans forcément oser contester le titre eux-mêmes. Pour autant, il doutait que même les plus farouches opposants de leur père ne s’en prenne à eux, ce n’était pas la façon de faire des Vampires et cela ne leur apporterait rien sinon la colère du Prince Noir. Pour autant, il ressentait diffusément les tensions inhabituelles qui parcouraient la ville, et l’empêchaient de se sentir aussi serein qu’à l’accoutumée. Il fit cependant de son mieux pour repousser ces considérations, se concentrant sur la sœur.

La réponse qu’elle offrit à sa question, sans le surprendre un instant, lui tira un petit rire amusé. Évidemment, elle voulait voir les boutiques… Pour l’avoir vu se préparer, il savait cependant qu’elle n’avait sur elle pas la moindre pièce de monnaie sur elle pour acheter quoi que ce soit. La connaissant, elle voulait sûrement surtout regarder de toute manière, mais il avait tout de même paré à cette éventualité en prévoyant un petit pécule, au cas où elle verrait quelque chose qui lui plaisait. Son ton se fit taquin lorsqu’il lui répondit.

« Bien évidemment, comment n’y ai-je pas pensé moi-même ! Je dois te prévenir cependant que tu ne les verras pas encore dans toute leur gloire… Il n’y en a pas encore énormément, mais ça ne devrait pas tarder à changer. Ça te donnera l’occasion de comparer ! »

En effet, une grande partie des nouveaux-nés arrivés de Sélénia avaient été artisans ou commerçants dans leur précédente vie. Il n’était pas dit que tous reprendraient leur vocation, mais il était à parier — et à espérer — que ce serait le cas d’une bonne part. Une poignée, déjà, s’étaient posés la question, et il avait participé à en aider certains à décider ce qu’ils allaient faire de leur nouvelle vie. Nul doute qu’ils seraient bien plus nombreux à s’interroger sous peu, le temps pour eux de s’installer dans leur nouvelle ville, et il les aiderait dans la mesure de ses moyens.

« Des histoires ? Hmm… Tu dois déjà connaître celle de la rénovation de la ville, et elle mérite d’être racontée par Valmys en personne, qui est bien plus doué pour ces choses-là que moi… Mais je dois pouvoir t’en raconter quelques-unes, oui. »

Il ne leur fallut que quelques minutes pour atteindre le quartier convoité. En chemin, il raconta les quelques anecdotes qu’il connaissait sur les personnes qu’il croisait, les endroits où Ombrenuit s’était montrée particulièrement capricieuse voire l’avait jeté à terre, et ce qui lui venait à l’esprit. Si de nombreuses bâtisses étaient effectivement inoccupées, un certain nombre de boutique étaient néanmoins éclairées autour d’une place dégagée où se tenait un petit marché, qui aurait amplement la place de grandir le temps venu. Il la laissa observer et choisir ce qu’elle voulait voir de plus près, tout en lui désignant certains commerces : la pâtisserie dont les produits avaient tant plu à Ilhan, qui parvenait à maintenir son commerce malgré le public majoritairement vampirique de la ville, l’étal de bijoux où il avait acheté la boucle d’oreille qu’il portait, l’ébénisterie en cours d’installation qui allait ouvrir sous peu — et à qui il comptait rendre visite dès que ce serait fait. Apercevant un chat qui se frayait un passage entre les jambes des passants, il le désigna à sa sœur avec un sourire amusé.

« Ce chat vient de Sélénia. Il a suivi son maître jusqu’à nos navires, et on ne s’est rendu compte de sa présence à bord que bien après avoir quitté la côte. À ce moment-là, son maître n’avait pas encore terminé sa transformation, il a expliqué que c’était son chat, qu’il ne l’avait pas vu le suivre pendant qu’on quittait la ville, mais qu’il voulait le garder si possible. Bien sûr, il a oublié tout ça depuis, mais le chat non. Il habite toujours avec lui. Il se pencha un peu plus vers Liz et se mit à lui chuchoter sur le ton de la confidence : Je crois qu’il va régulièrement du côté du port pour faucher du poisson, mais soit il n’y a que moi qui l’ai remarqué, soit ça ne les dérange pas, alors je ne l’ai pas dénoncé. Je pense qu’avec le voyage qu’il a fait, il mérite bien ça. »

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L’avertissement de Liv concernant l’état général des boutiques ou du quartier marchand, plus exactement, lui fit simplement hausser les épaules. Un geste peu élégant auquel elle n’était pas tout à fait coutumière mais qui avait au moins le mérite de retransmettre exactement ce qu’elle ressentait.
Elle avait conscience qu’elle n’était pas la seule vampire à être née récemment, elle avait bien entendu parler de ces nombreux nouveaux-nés qui découvraient une nouvelle vie qui leur était offerte, dans une ville neuve au moins aussi nouvelle-née qu’eux. Certains se découvriraient des vocations qui les mènerait jusqu’à ce quartier. Probablement. D’autres mettraient certainement plus de temps à se trouver une orientation, elle-même ignorait tout à fait ce qu’elle avait l’intention de faire d’elle-même. Outre sa mission tout à fait personnelle d’asticoter Liv jusqu’à ce qu’il accepte de s’habiller convenablement de façon spontanée. Un rêve éveillé, probablement, mais c’était probablement une bonne chose d’avoir un but, même s’il avait autant de chance d’être atteint que de croiser un fenrisulfr végétarien un jour de grande faim.

D’une manière ou d’une autre, cette visite était au moins autant dans le but de faire du lèche-vitrine que d’avoir une idée globale de la ville qui entourait sa demeure et la façon dont elle se développait. Liz avait pertinemment conscience que Névrast en était à ses débuts, ne serait-ce que par l’état absolument neuf de ses bâtiments mais également sa population croissante dont les rangs venaient d’être gonflés par ceux qui avaient été Séléniens.
Tandis qu’ils déambulaient à travers les rues de la cité, Liz observait ce qui se trouvait autour d’elle. Les visages, les badauds, les commerces ouverts ou fermés, les bâtiments qui n’avaient pour l’instant aucun occupant et qui n’attendait qu’une excuse pour prendre vie. Névrast avait beau avoir trouvé un peuple pour l’occuper, il fallait encore que la ville prenne vie et la conserve, qu’elle soit habitée… et cela, dans un sens comme dans l’autre.

Un sourire léger ornait ses lèvres tandis que l’impression de pouvoir grandir avec sa ville prenait place en elle, lui donnait un sentiment d’appartenance qui n’avait rien à voir avec la famille. Leur Père et Liv, leurs frères et leur soeur, lui offraient un entourage chaleureux auprès duquel elle savait pouvoir se réfugier si besoin. Des présences qui, souvent, n’étaient pas si tangibles physiquement mais qui étaient bien réelles pour autant. Elle n’avait pas besoin d’être avec son père pour lui offrir un soutien inébranlable, si d’aventure il devait en avoir besoin. Il en allait de même pour Liv, même si cette dévotion devenait alors féroce et déterminée à son encontre. Cette ville cependant… Névrast. Névrast était un cocon au sein duquel elle s’était éveillée et avait étiré ses jambes de vampire pour la première fois, elle se découvrait en même temps que la ville s’installait, neuve et offerte à son peuple. Ses habitants s’y habituaient encore, elle le savait… tout comme elle.
Sa main toujours calmement posée sur l’avant-bras de son Inséparable, Liz tendit l’oreille pour écouter les histoires dont elle était friande et ce qui, elle n’en doutait pas, pouvait lui donner une idée plus profonde de la vie à Névrast. Une simple visite, un simple regard ne saurait lui en dévoiler toute l’étendue, toute la profondeur. Liv devait en savoir bien plus qu’elle et devrait ainsi lui permettre d’avoir une idée plus concrète. Pièce par pièce.

Elle hocha la tête, acceptant et approuvant son choix de laisser à Valmys le plaisir de lui raconter la construction de la ville. Il lui tardait de pouvoir questionner son frère à son sujet, lui devait en savoir tant et tellement sur la ville et sur la manière dont elle avait vu jour, ce qui leur avait traversé l’esprit à lui et à Belethar Espérancieux alors qu’ils travaillaient de concert.
Son visage se tordit néanmoins d’une expression légèrement dédaigneuse tandis qu’il lui racontait ses mésaventures à dos de cheval et pointait du doigt là où il s’était retrouvé les fesses dans la boue ou jeté à même la pierre. Elle émit un son peu élégant, soufflé par le nez.

« J’ignore ce qui a traversé l’esprit de notre frère de t’offrir un cheval aussi peu coopératif, » commenta-t-elle platement.

Il lui vint à l’esprit qu’il lui faudrait peut-être rendre une petite visite à la jument, un jour, pour se donner une idée. Et peut-être, si elle devait en juger par l’intelligence prêtée à l’animal, la menacer de la transformer en steak et en gigot si jamais l’animal avait la mauvaise idée de blesser son frère. Ou de participer à la raison pour laquelle il finirait blessé.
Elle mémorisa précisément la boulangerie mentionnée qui aurait tant plu à Ilhan, se faisant la promesse d’y emmener l’althaïen si l’occasion se présentait. Ou d’aller lui chercher quelque chose pour lui faire plaisir et lui en faire la surprise à son arrivée. Le surprendre et le prendre au dépourvu semblait être un jeu qu’elle affectionnait, elle ignorait encore pourquoi. Elle prit également note de s’arranger pour que le commerce ne manque de rien et puisse poursuivre son activité. Liz n’ignorait pas que Névrast était essentiellement occupée par des vampires et elle doutait fortement que ces derniers soient de réguliers clients de la boulangerie. Il serait dommage de perdre un tel élément par manque d’humains ou d’elfes. Elle doutait que le moindre graärh souhaite mettre l’ombre d’un orteil en ville mais l’option devrait pouvoir se jouer, surtout si les vampires se mettaient à libérer ou à posséder plus d’esclaves, dans un sens comme dans l’autre : plus de mangeurs d’autre chose que du sang.

Surprise par la soudaine désignation de Liv, Liz suivi son geste pour découvrir un chat qui évoluait librement au milieu des passants. Pinçant les lèvres pour retenir une exclamation de joie et de tendresse, la vampire écouta son frère… tout en tirant ce dernier dans la direction du félin. La confidence quant aux larcins du petit chat tira un sourire amusé à la nouvelle-née tandis que le petit félin s’était réfugié sur le dessus de quelques caisses amoncelées contre le côté d’une maison. Elle s’en approcha, relâchant momentanément le bras de Liv pour le tenir d’une main tout en tendant la libre vers le minuscule prédateur.
Il était roux, tigré d’une teinte plus foncée qui le rendait d’autant plus évident contre le mur sombre et les caisses de bois traité. L’animal l’observa, les yeux grands ouverts et tendit le nez jusqu’à pouvoir renifler les doigts tendus. Apparemment habitué à l’odeur des vampires et à leur nature de prédateur, le félin frotta le coin de ses lèvres contre sa main et autorisa Liz à le caresser.
Perdant - ou abandonnant - toute contenance, la vampire relâcha Liv pour plonger ses deux mains dans la fourrure épaisse et rousse de l’animal. Murmurant des compliments et des petits mots affectueux d’une voix plus aigüe que d’ordinaire, Liz oublia son entourage pour se concentrer uniquement sur son compagnon à fourrure. Le gratouillant derrière les oreilles, encadrant sa tête ronde de ses minuscules menottes pour mieux caresser le petit prédateur d’un bout à l’autre de son corps. Apparemment satisfait des attentions, il se leva et entreprit de tourner sur lui-même, quêtant au moins autant d’attention qu’il pouvait se le permettre.

« Tu connais son nom ? » s’enquit-elle doucement. « Son ancien nouveau propriétaire s’occupe bien de lui ? »

Le chat se pencha, posa la tête sur la caisse et laissa retomber tout son corps, se roulant sur le dos pour présenter son ventre. Victime qui s’ignorait, Liz entreprit de caresser le bidon ainsi offert pour mieux se faire attraper la main des antérieures et frappées par les postérieures. Une exclamation de joie et d'attendrissement lui échappa.

« Regarde ça, un adorable petit prédateur, ouuuuh, ça fait bobo, » gloussa-t-elle, totalement imperméable à l’éventuelle douleur qui s’effacerait bien assez vite.

Le félin la relâcha, se roulant de nouveau sur le ventre et offrant un coup de tête à la main qui, une seconde auparavant, était agressée par ses propres pattes.

« Par les esprits, »  chuchota-t-elle, émerveillée, « il est adorable, Liv, il y en a d’autres ? » demanda-t-elle en levant un regard plein d’espoir vers son grand frère et Inséparable.

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Un sourire penseur se dessina sur les lèvres de Liv au commentaire de sa sœur à propos d’Ombrenuit. La qualifier de “peu coopérative” était un généreux euphémisme ; elle lui en avait fait voir de toutes les couleurs, et elle continuait d’ailleurs, comme en témoignait son comportement depuis son retour. Sans doute pas la jument idéale pour une première monture. Et pourtant… Il ne l’échangerait contre un cheval plus docile pour rien au monde. Elle était difficile, oui, et elle ne lui laissait rien passer, mais elle n’était jamais injuste. Chaque fois qu’elle se rebiffait, se montrait de mauvaise humeur ou même l’avait jeté à terre, c’était parce que lui avait commis une erreur, n’avait pas respecté ses limites, avait réagi trop brusquement. Il lui avait parfois fallu un certain temps pour comprendre où il péchait, mais en fin de compte il y avait toujours une raison. Il lui avait fallu des efforts pour gagner sa confiance, qu’il avait d’ailleurs mise à mal par son départ, mais il se rattraperait, mais il savait, il sentait, qu’en échange la loyauté qu’elle avait fini par lui accorder était sans égale. Il se contenta donc de hausser une épaule, en répondant d’un ton mystérieux.

« La confiance, je crois. »

C’était ainsi qu’il l’avait interprété sur le moment, et qu’il continuait de le faire. Il avait senti combien Sorel était protecteur envers la jument, lorsqu’il l’avait amenée, et pourtant il la lui avait confiée sans hésiter. Il ne lui avait pas posé la question, mais il était sûr qu’il ne l’aurait pas laissée à n’importe qui. Il lui avait fait confiance pour bien s’occuper, et pour parvenir à l’apprivoiser. Il avait assez cru en lui pour se dire qu’il serait capable de franchir les obstacles qu’elle mettrait sur sa route. D’une certaine façon, ça la rendait plus précieuse qu’un cheval docile qui se laisserait faire par le premier idiot venu. Il devait la mériter, et se montre digne de la confiance que son frère lui avait accordée. À ses yeux, ça valait toutes les chutes et les morsures.

La visite guidée fut interrompue par l’irruption d’un chat roux, que Liv ne manqua pas de présenter à sa sœur. Il ne fit pas mine de résister, ni même de s’étonner, alors qu’elle le tirait dans sa direction tandis qu’il racontait son histoire, avant de tout à fait l’abandonner pour aller papouiller le félin. Il observait d’un regard amusé la princesse vampire, au regard habituellement de glace, raconter des minauderies au chat d’une petite voix. C’était une nouvelle facette de sa sœur qu’il découvrait mais, étrangement, qui ne le surprenait pas le moins du monde.

« Gredin. Un nom ô combien approprié pour le petit filou, ce qui ne cessait d’amuser Liv, comme en témoignait le ton de sa voix. Il reprit reprit un ton légèrement plus sérieux pour répondre à la seconde question de sa sœur. Et oui, pour autant que je le sache. Sinon il ne resterait pas avec lui. »

De ce qu’il en savait, les chats n’avaient pas la fidélité aveugle des chiens ; s’ils n’étaient pas traités à leur convenance, ou plus simplement s’ils trouvaient mieux ailleurs, ils n’hésitaient pas à quitter leur compagnon bipède pour s’installer ailleurs. Une saine attitude, sans doute, mais pour autant Liv avait tendance à se sentir plus proche des chiens, quand même bien il n’en avait pas encore rencontré tant que ça au cours de sa courte vie de vampire.

Il allait prévenir Liz du piège dans lequel elle s’engouffrait, mais trop tard, les griffes se refermaient déjà sur sa main, sans qu’elle ne semble s’en émouvoir le moins du monde. Liv secoua doucement la tête de gauche à droite, amusé et attendri par le comportement de sa sœur, et sa soudaine absence totale d’instinct de préservation. Quand elle se tourna vers lui pour l’interroger à nouveau, il pencha légèrement la tête sur le côté.

« Quelques-uns. Mais je ne crois pas qu’ils soient tous à quelqu’un. Là où il y a des bipèdes, il y a des chats. »

Eh bien, peut-être pas chez les Gräarhs, à la réflexion. Quoi qu’il n’en savait rien. Et les villes des vampires les attiraient certainement moins que celles d’autres bipèdes, par la force des choses. Mais même eux stockaient au moins un peu de nourriture, et là où il y avait de la nourriture, il y avait des rats. Et là où il y avait des rats… les chats n’étaient jamais loin. Son regard tendre se fit gentiment taquin alors qu’il reprit la parole :

« Pourquoi, tu comptes lancer un élevage ? Je suis sûr que Sorel pourrait te conseiller dans ce projet. »

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Liz ne dit pas un mot à la réponse de Liv, concernant Ombrenuit et la raison saugrenue qui avait poussé Sorel à lui confier une telle monture, mais n’en pensa pas moins. C’était une chose de faire confiance à quelqu’un sur le simple fait de parvenir, d’une manière ou d’une autre, à conquérir une créature, c’en était une autre que la créature en question puisse représenter un danger. Elle devait admettre qu’à l’exception de quelques chutes et vêtements déchirés - lesquels ne représentaient jamais une grande perte - Liv n’avait pas subi de blessures significatives mais cela ne l’empêchait pas de trouver toute la situation désagréable.
Elle en oublia cependant toute velléité lorsqu’ils croisèrent la route du félin prénommé Gredin. Absolument entichée du petit félin, elle se laissa absorber par la possibilité de câliner sa fourrure tout en interrogea son frère sur le coquin, s’extasiant au sujet de la minuscule créature tout au long.

La réponse, quant au bon traitement de l’animal, la fit hocher la tête d’un air approbateur.

« Oh ben oui, » reprit-elle, la bouche en coeur, tandis qu’elle continuait de gracier l’animal de caresses à n’en plus finir, « faut partir si on te traite mal. Avec une petite option vengeance, » ajouta-t-elle joyeusement, agitant son doigt sous le nez du prédateur et s’amusant des coups de pattes inoffensifs qu’il lui donnait.

Le charmant manège du prédateur finit par attraper sa main et lui faire subir le sort terrible de ses postérieures griffues. Les quelques griffures, superficielles, que Liz en récolta se refermèrent néanmoins bien rapidement. Elle remercia son appartenance à la race vampirique. Le picotement désagréable des griffes ne lui plaisait effectivement pas, même si elle n’en montrait rien et bien que le fourmillement de la guérison ne soit pas bien mieux mais au moins la sensation se fit rapidement discrète avant de disparaître complètement.
La nouvelle qu’il y avait plusieurs chats à Cendre-Terre tira un sourire réjoui à la jeune fille. Cependant la mention d’un possible élevage, la proposition en l’air de Liv, lui arracha une brève exclamation. Elle se redressa et, alors qu’elle s’apprêtait à répondre à la proposition de son Inséparable, Gredin sauta de son piédestal et s’éloigna, la queue en point d’interrogation.
La nouvelle née émit un son de déception, les sourcils haussés en une expression quelque peu attristée. Reniflant piteusement, elle observa la petite forme rousse disparaître au coin d’une ruelle et, à l’instant où le félin disparu, se redressa, retrouvant prestance et port altier.

« L’élevage représenterait beaucoup de temps et d’investissement et je ne suis pas sûre que je sois qualifiée pour une telle activité, » répondit-elle avec aplomb.

Elle avait également parfaitement conscience qu’elle perdait toute contenance, preuve supplémentaire à l’appui, dès qu’un félin se trouvait à proximité et elle tenait à sa dignité et sa réputation.
Liz jeta par ailleurs un regard en direction des gardes qui les entouraient mais chacun d’entre eux avait pris soin de ne pas porter leur attention sur elle pendant qu’elle se ridiculisait. Elle hocha la tête, appréciant et approuvant silencieusement leur bonne initiative. Non pas qu’ils risquaient fondamentalement quelque chose en agissant différemment mais sa bonne disposition à leur égard aurait été proche du nul absolu, auquel cas leur vie aurait pu être considérablement plus compliquée à l’avenir. Elle détailla du regard les différents gardes, remarquant ceux qui avaient certainement au moins jeté un regard et ceux qui ne s’y étaient pas laissé prendre et gardant en mémoire leurs visages pour demander leur nom, plus tard, et se renseigner. Quoiqu’elle décide de faire à l’avenir, elle devait s’assurer d’avoir des alliés de confiance… mais peut-être que le faire avec des gens déjà transformer n’était pas la bonne idée ? Nuit lui offrait une opportunité parfaite de transformer à volonté et de s’assurer la loyauté des nouveaux sujets vampiriques. Ils seraient cependant moins compétents et moins efficaces que des vieux vampires, ce qui rendait nécessaire de prendre quelques risques peut-être.

Elle se détourna du sujet, sans pour autant l’oublier, et pointa du doigt vers une boutique à proximité qui exposait des instruments de musique à côté duquel se trouvait une bijouterie.

« Je veux aller voir là-bas, » indiqua-t-elle, presque une exigeance mais pas tout à fait.

Elle entraina gentiment son frère vers les boutiques. Il s’agissait des premières qu’ils croisaient réellement et dont ils s’approchaient spécifiquement.
Liz ignora relativement les instruments de musique, ne ressentant pour le moment pas un grand intérêt pour eux et se concentra plutôt sur les bijoux. A son doigt trônait déjà deux anneaux mais elle pouvait certainement en ajouter d’autres un jour. Des colliers, des bracelets. Les pierres bleues attirèrent tout naturellement son regard, appréciant également le reflet pur de l’argent et de l’or.

« Tu crois qu’il y a des marchands de feutonnerre, ici ? » demanda-t-elle d’un ton neutre, son regard toujours nonchalamment posé sur les produits exposés sous ses yeux.

Elle savait pertinemment qu’elle ne tromperait pas Liv mais avait également envie de conserver un minimum de contenance après sa perte de contrôle inattendue à la vue du chat. L’idée d’avoir une compagnie féline chez elle, d’être entourée de chats à la fourrure douce et fournie, lui traversa l’esprit mais elle la repoussa aussi vite qu’elle était venue. Elle n’avait pas de temps à perdre avec ce genre de chose. Elle n’était pas la fille du Prince Noir pour passer son temps à la résidence familiale, caressant des chats au coin du feu. Elle avait bien l’intention d’œuvrer pour son peuple. Elle n’était pas l’élue de Nuit pour rester les bras croisés.

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Le changement immédiat d’attitude de sa sœur à la disparition du chat ne manqua pas d’amuser Liv. Il avait été si brusque qu’il aurait presque pu soupçonner l’effet d’un sort, si ce n’est qu’il l’aurait senti si tel avait été le cas. Non, nulle magie n’était à l’œuvre, c’était simplement la démonstration du tempérament de la jeune vampire, qu’il apprenait encore à connaître, la couvant d’un regard tendre. La réponse, ô combien sérieuse, qu’elle apporta à sa question purement taquine, lui tira un petit rire.

« Bien sûr. Tu as mieux à faire de ton temps, sans aucun doute. »

Et c’était évidemment la seule et unique raison, ça n’avait absolument rien à voir avec les minauderies que le chat avait irrésistiblement déclenchées, il en était tout à fait convaincu… Il se demanda si d’autres animaux auraient le même effet sur elle, et lesquels. Une question qui mériterait une étude approfondie lorsqu’il en aurait l’occasion, pour sûr.

Il nota le regard perçant qu’elle lançait aux gardes, et son interrogation amusée fut remplacée par une autre : quelle sort terrible réservait-elle aux témoins de sa perte temporaire de dignité ? Il était prêt à tempérer ses ardeurs au besoin, mais fort heureusement tous les gardes avaient eu le bon goût de regarder ailleurs, le drame semblait donc évité pour le moment.

Le sujet sembla tout à fait oublié lorsqu’une nouvelle requête, qui n’en était pas tout à fait une, jaillit des lèvres de la nouvelle-née, faisant hausser un sourcil à son aîné. Liz ne demandait pas, à part peut-être lorsqu’elle s’adressait à leur père, et encore ; elle manifestait son désir, et s’attendait à le voir exécuté. Ou plutôt, elle semblait ne même pas envisager que ce ne soit pas le cas. Venant de n’importe qui d’autre, Liv y répondrait, au mieux, d’une remise en place sèche et efficace. Mais bien sûr, tout le monde ne pouvait pas se targuer d’être la fille du Prince Noir, et sa chère petite sœur. Venant d’elle, il ne pouvait s’empêcher de lui trouver un charme attendrissant. Il suivi donc docilement alors qu’elle l’entraînait vers les boutiques, ne pouvant toutefois retenir un commentaire gentiment moqueur.

« Vos désirs sont des ordres, ma Dame. »

Il n’avait guère de doute sur laquelle des deux boutiques avait éveillé l’intérêt de sa sœur, aussi ne fut-il aucunement surpris de la voir se diriger vers les bijoux. Guère intéressé lui-même par la marchandise à ce moment, il suivait plutôt le regard de sa sœur avec attention, notant sur quels bijoux elle s’arrêtait et lesquels n’avaient pas l’honneur de mériter son attention. Il n’abandonna son observation que pour rouler brièvement des yeux à sa question, quoi que d’un air plus amusé que réellement agacé.

« Non, et non. »

La première négation répondait à la question qu’elle avait posée, et la seconde, plus marquée, à celle qu’elle n’avait pas posée. Il jugea cependant opportun de préciser sa réponse.

« C’est un objet rare, pas quelque chose qui s’achète dans une boutique au coin de la rue. Très peu de personnes ont l’expertise nécessaire pour les manier, et encore moins pour les fabriquer. Ça viendra sûrement à se développer, mais à l’heure actuelle il n’en existe qu’une petite poignée. Et nous en avons discuté, tu auras un feutonerre quand, et seulement quand Père l’autorisera. Son ton se radoucit et il retrouva son sourire pour ajouter : Et à ce moment-là, car je ne doute absolument pas que tu arriveras à tes fins, je suis certain qu’il veillera à t’en fournir un lui-même, de la plus grande qualité. »

Comme si la conversation était close, il reporta son attention sur les bijoux présentés, et se saisit d’un collier qu’il avait pris le temps de remarquer avant que sa sœur ne lui pose sa question fatidique. De fins et élégants entrelacs d’argent soutenaient une pierre d’un bleu profond. L’approchant de Liz à hauteur du cou, comme pour se faire une idée, il y jeta un regard critique avant de décréter :

« Celui-ci t’irait bien je pense. Il souligne ton teint et met en valeur tes yeux. Il te plaît ? »

Tout en parlant, il avait recueilli le bijou dans sa paume, qu’il tendait désormais vers sa sœur pour lui laisser tout loisir de l’examiner.

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L’approbation de Liv concernant ses activités lui fit hocher la tête d’un air très sérieux avant qu’elle ne marque une pause et ne lui adresse un regard soupçonneux. Avait-elle perçu une once d’amusement dans la voix de son frère et Inséparable ? Elle le détailla du regard mais, alors qu’elle s’apprêtait à faire une remarque, Liz cilla, réalisant que l’amusement de Liv ne la dérangeait pas. Pas même le fait qu’il puisse avoir une vague idée de toutes les raisons qui justifiaient sa décision. Qu’il s’agisse de celle, très terre-à-terre, qu’elle avait avancée ou celles, plus superficielles, qui consolidaient sa décision. Elle inclina la tête, l’expression neutre, considérant Liv avec l’ombre d’un sourire graciant ses lèvres.
Il y avait Liv et puis il y avait le reste du monde. Lequel pouvait bien brûler, pour ce qu’elle en avait à faire, tant que sa main se trouvait toujours dans celle de son frère.

Se détournant de la réalisation - qui ne devrait vraiment plus être une surprise, à ce niveau-là - elle les dirigea sans attendre vers une boutique voisine, son regard parcourant les pièces exposées avec attention. Une fois encore, le commentaire de Liv lui attira un regard de la part de Liz. La nouvelle-née laissa son visage se fendre d’un sourire hautain tandis qu’un sourcil s’arquait d’un air d’évidence :

« Bien entendu, » susurra-t-elle.

Alors qu’elle examinait les bijoux, elle laissa échapper la question qui continuait de tourner en boucle dans sa tête et la réponse de Liv la fit froncer les sourcils et faire une moue agacée.
Elle retroussa le nez et se redressa, croisant les bras sous sa poitrine tout en toisant les pièces exposées sous ses yeux. Liz n’appréciait guère de se faire sermonner, même par son frère, et ne chercha pas à le cacher. Pour autant, elle n’était pas en colère, pas tout à fait. L’impatience lui donnait presque envie de taper du pied de façon répétée mais c’était une attitude qu’elle ne souhaitait pas manifester, cela trahissait bien trop son état d’esprit. Au moins autant que le fait de croiser les bras, mais son expression, légèrement rembrunie, restait assez neutre pour ne pas la déranger. Ils n’étaient pas seuls après tout.

« Je ne voulais pas en acheter un, » grinça-t-elle avec irritation. Elle n’avait aucun doute sur le fait qu’elle s’en fournirait un prochainement. Elle ignorait encore comment, elle ignorait encore quand, mais cela viendrait. Elle s’était cependant attendue, à tort manifestement, à ce que l’un des vampires de leur île soit un spécialiste en la matière. Ou en tout cas qu’un membre de leur peuple soit en mesure d’en connaître sur le sujet, de pouvoir les vendre ou de pouvoir en parler. Il lui avait semblé naturel que l’un des leurs dispose des connaissances ou du stock.

… Peut-être était-ce une première idée d’action à prendre. S’assurer que leur peuple bénéficie de leurs propres maîtres en chaque sujet. Epée, bâton, arc, feutonnerre, magie, fouet, combat à mains nues et Liz savait quoi encore. Ils devaient avoir des spécialistes en mesure de former ou de fournir leur peuple, ils ne devaient pas avoir à se reposer sur d’autres peuples. Ils devaient être autonomes en tout, autant que faire se pouvait.

Un objet approcha de son champ de vision et Liz se retint de justesse de sursauter. Un regard un peu vif vers Liv fut la seule manifestation de sa surprise tandis qu’elle observait l’objet. Il faisait partie de ceux qu’elle avait remarqué un peu plus tôt, se demandant quelle serait la sensation d’un tel bijou autour de son cou.
Levant les yeux vers Liv, elle hocha doucement la tête :

« Il me plaît, » elle glissa doucement ses doigts le long des entrelacs délicats qui ornaient le bijou, découvrant les creux et les monts du métal si finement ouvragé. « Je pourrais l’enchanter, au besoin, » ajouta-t-elle pensivement. Elle n’était pas très douée en magie, non pas que l’art l’intéresse plus que cela étant donné la nature trompeuse de celui-ci. Les enchantements, bien qu’ils puissent être contrecarrés, ne nécessitaient que peu voire aucune maîtrise de la magie. Liz ne comptait pas trop se reposer entièrement sur eux mais au moins pouvait-elle s’en servir.

Elle considérait d’ailleurs effectuer de multiples achats dans les jours à venir. Plus particulièrement si elle avait l’intention de fournir le peuple vampirique en personnes compétences. La recherche d’artistes et de spécialistes pouvait bien prendre des jours, de semaines ou des mois, il lui faudrait d’une manière ou d’une autre s’arranger pour leur rapatriement sur Nyn-Tiamat. L’intégralité de la procédure pouvait bien requérir de la furtivité et une organisation irréprochable en plus de moyens qu’elle ne possédait pas encore. Ou d’outils.
Elle se tourna vers Liv, le regard posé sur le bijou niché entre les mains de son frère :

« Avons-nous des tanneurs ? Des artisans pour le cuir ? »

Elle allait devoir en apprendre davantage sur son peuple, savoir exactement ce qu’il était en mesure de fournir ou ce qui lui manquait. Liz était déterminée à trouver un moyen de s’assurer que les vampires ne manquent de rien. Et peut-être aussi parce qu'elle avait une petite idée derrière la tête qu'elle souhaitait voir accomplie. Une ombre fugitive passa brièvement devant la fenêtre du magasin et elle ajouta, l'air de rien, son regard revenant vers le bijou :

« Avons-nous des trappeurs ou des gens susceptibles de détenir animaux et ustensiles utiles à leur entretien ? »

Si la réponse était négative, elle avait une petite idée de qui elle contacterait mais cela pourrait prendre du temps et rendre les choses délicates pour leur frère si elle devait lui demander un service. Elle ne tenait pas à le mettre en mauvaise position compte tenu de sa présence en territoire ennemi.

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La récrimination agacée de Liz, clamant qu’elle n’avait pas l’intention d’acheter un feutonnerre, fit simplement hausser un sourcil peu convaincu à son frère. Oh il ne doutait pas qu’elle n’avait pas l’intention d’en acheter un maintenant — pour autant qu’il ait pu en juger pendant qu’il l’observait se préparer, elle n’avait de toute manière pas d’argent sur elle — mais il ne doutait guère qu’elle aurait su trouver l’occasion plus tard, si elle en avait eu la possibilité.

Ce qui n’était de toute manière pas le cas, et réglait donc le problème à ses yeux. Il changea donc de sujet sans plus de manière, espérant sortir, au moins temporairement, de la tête de sa sœur ces idées de feutonnerre en ramenant son attention sur un des bijoux qu’il avait cru voir éveiller son intérêt. Ayant reçu l’approbation de la concernée, il se fendit d’un grand sourire et fit signe à la bijoutière tout en sortant sa bourse. Une fois l’achat réglé, il reprit délicatement le collier des mains de sa sœur, non sans prendre soin de requérir son autorisation.

« Si tu me permets… »

Après quoi il passa derrière elle pour lui mettre le collier, toujours avec une grande délicatesse, tandis que la boutiquière serviable amenait un petit miroir à main devant Liz pour qu’elle puisse admirer l’effet de son nouvel ornement.

La nouvelle-née, perdue dans ses pensées, surprit son frère avec une nouvelle question qu’il n’avait pas vue venir. Cette fois, cependant, il sentit qu’il y avait derrière la question une motivation certaine et précise, qui ne venait pas de l’envie de la vampire de posséder un objet ou un autre. S’il ne savait pas exactement ce qu’il se passait dans la tête de sa petite sœur et pourquoi elle l’interrogeait à ce sujet, il sentait qu’elle y prêtait une certaine importance, et prit donc le temps d’y réfléchir, avant de répondre avec sérieux :

« Un ou deux, pour le moment, mais il devrait y en avoir davantage très bientôt. Ainsi que toutes sortes de commerces, au demeurant. Je t’ai déjà parlé de l’ébénisterie sur le point d’ouvrir, mais il va y en avoir bien d’autres, dès que tout le monde sera installé. »

L’artisanat vampirique n’était pas des plus reluisants, pour dire les choses gentiments, mais les nouveaux-nés venus de Sélénia, qui avaient entre autres été choisis pour leurs talents, étaient désormais arrivés, et allaient sans nul doute arranger la situation. Ils ne seraient pas forcés à reprendre l’activité qu’ils avaient lorsqu’ils étaient humains, s’ils trouvaient d’autres moyens d’être utiles au clan qui leur convenait davantage, mais un bon nombre allaient certainement retrouver leurs outils avec plaisir. Il était bien placé pour le savoir, ayant commencé à prendre en charge leur installation, il avait pu constater de lui-même que c’était le choix que beaucoup avaient déjà fait.

La seconde question lui fit une impression différente, et il pencha légèrement la tête sur le côté, intrigué par ce que sa sœur pouvait bien avoir en tête, à l’interroger sur tous les corps de métier de la ville. Il y répondit néanmoins, cette fois sans vraiment avoir besoin d’y réfléchir.

« Tout dépend du genre d’animaux qui t’intéressent, je suppose. Il y a un chasseur, aux abords de la ville, qui élève et vend aussi à l’occasion ses animaux. Chiens, faucons, ce genre de choses. Les vampires n’ont pas tellement besoin de chasser, mais il fait surtout ça pour lui je crois, il aime s’occuper de ses animaux. Et il le fait bien apparemment, il a même reçu l’approbation de Sorel ! »

Sa voix avait pris un ton amusé sur les derniers mots, tandis qu’il se rappelait l’excitation de l’elfe lorsqu’il avait découvert l’élevage, lors de sa dernière visite.

Il ramena son attention sur sa sœur, et l’interrogea à son tour, d’un ton taquin mais bienveillant, affichant son habituel sourire en coin.

« Mais pourquoi toutes ces questions ? As-tu été mandatée pour faire une évaluation exhaustive des commerces de la ville sans me le dire ? »

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Le miroir si gentiment tenu par la bijoutière permit à la nouvelle-née de voir de ses propres yeux l’effet que lui offrait le bijou. Délicatement passé autour de son cou par son Inséparable, il habillait sa gorge de ses accents argentés et bleus à souhait, mettant en évidence le bleu de ses yeux. Elle manipula quelque peu le bijou jusqu’à ce qu’il soit positionné très exactement comme elle le voulait, puis s’adressa un sourire dans le miroir avant de regarder son frère dirigeant cette fois l’expression vers lui. Ravie et touchée par l’attention. Ne cherchant pas à cacher son plaisir, elle s’observa à nouveau, regardant cette fois comme l’anneau qu’il lui avait offert un peu plus tôt resplendissait à côté du collier qui ornait désormais sa gorge.

« Merci, » chuchota-t-elle tout bas, le regard toujours rivé sur les deux bijoux.

C’était beaucoup, bien entendu, et à bien des égards mais qu’ils portent la marque de Liv les rendait inestimables.
Consciente de ce poids infime qui pesait désormais autour de son cou, nouvelle preuve de l’attention que lui portait Liv, elle l’interrogea sur d’autres questions qui s’imposaient sur les diverses compétences que pouvaient offrir les vampires à l’heure actuelle. Il ne lui échappait pas que de nombreux vampires, nouveaux nés comme elle, cherchaient encore leur voie, étaient encore à s’adapter à leur nouvelle vie et à ce que cela signifiait. Pour autant, il y avait une impatience chez Liz, de les voir installés et productifs, capables d’offrir ce qu’ils étaient en mesure de réaliser et permettre à leur peuple de trouver une aisance dont ils manquent cruellement. Égoïstement, elle voulait également avoir accès à tout ce qu’elle voulait le plus vite possible.

Elle hocha la tête, songeant aux idées qu’elle avait déjà derrière la tête et ce qu’elle voulait. Il y avait beaucoup à faire et même si elle avait l’impatience, elle saurait attendre le bon artisan afin d’avoir le travail le plus qualitatif possible. Selon ses attentes, surtout.
L’approbation de Sorel lui tira un bref sourire amusé. Si l’homme avait réussi l’exploit de s’attirer les bonnes grâces du jeune elfe, surtout en matière d’animaux, il valait certainement le détour. Elle n’en savait pas assez sur son frère elfique pour s’être fait une excellente idée de sa personne mais il semblait assez positif pour apprécier quiconque ne cherchait pas consciemment à s’attirer ses foudres. Ceux-là et les gens qui s’en prenaient aux animaux semblaient être les seuls à réellement faire partie de ceux que l’elfe n’appréciait pas. Si le vampire avait obtenu l’aval de Sorel dans son activité, peut-être valait-il le coup qu’elle y jette un coup d'œil.

Elle hocha à nouveau la tête et, alors qu’ils quittaient la boutique et qu’il l’interrogeait sur l’origine de son intérêt, elle se redressa en prenant un air hautain, toisant Liv de haut, malgré son désavantage physique. Bien entendu, l’expression manquait de franchise et de réalisme, elle ne pouvait décemment pas regarder son frère de la sorte, pas pour de vrai :

« Personne ne me mandate, » lâcha-t-elle avec rigueur. « Je suis seule décisionnaire de mes questions. »

Son expression froide et hautaine s’effaça au profit d’un petit sourire tandis qu’elle enroulait un bras autour de celui de Liv, se plaçant à son côté avec une main délicatement posée sur son avant-bras, sa posture parfaite.

« Guide-nous vers le chasseur, veux-tu ? Et si les quelques rares tanneurs sont sur le chemin, cela n’en sera que profitable. »

Les gardes les suivirent le long de leur progression, attentifs et alertes mais Liz n’avait d’yeux que pour Cendre-Terre. Il y avait tant à voir et à découvrir.
Alors qu’elle se tenait toujours au bras de son frère, elle prit la parole dans un souffle à peine audible, s’arrangeant pour que seul Liv puisse entendre ce qu’elle avait à dire. Etant une vampire, elle avait une plutôt bonne idée de l’acuité de ses semblables et ne tenait pas forcément à ce que toute la ville ne soit au courant de tout.

« Notre peuple est vieux, » commença-t-elle, le regard rivé droit devant elle, s’orientant par moment vers les différentes boutiques, certaines inoccupées et attendant le prochain artisan qui fera vivre ses murs, « mais notre clan est jeune et nous manquons de beaucoup. » Elle glissa une main au pendentif qui reposait sur sa poitrine, caressant du bout des doigts l’ouvrage délicat. « Je tiens à savoir ce que nous avons et ce qui nous manque. Je ferais en sorte que ce manque ne soit que temporaire, » acheva-t-elle avec détermination.

Elle manquait de moyen, si elle devait demander un bateau pour se rendre où que ce soit, il y avait de fortes chances pour que sa demande essuie un refus. Et pour cause, elle était encore jeune et inexpérimentée. Cendre-Terre accueillait essentiellement des vampires et l’attrait de leur sang ou de leurs aspirations n’était pas bien grand. Il en serait différent si elle devait fouler une terre occupée par les sangs chaud.
Elle inclina légèrement la tête, l’appuyant brièvement sur l’épaule de Liv, appréciant la différence de taille qui le lui permettait. Elle n’avait pas l’intention de rester à se tourner les pouces et à croiser les bras en attendant que les choses se fassent d’elle-même. Elle trouverait les talents dont son peuple manquait et s’arrangerait, d’une manière ou d’une autre, pour qu’ils rejoignent les rangs des vampires.

« Il y a tant à faire. Je dois juste trouver par où commencer. »

La détermination était d’une simplicité tranchante, à l’image d’un flocon de neige qui aurait trouvé le moyen de se solidifier et d’affiner ses bords, les rendant tranchants et acérés. Beau, simple et efficace.
Le trajet jusqu’à la bâtisse qu’occupait le vampire chasseur se trouvait à l’extrémité de Cendre-Terre, à une proximité flagrante avec la porte la plus proche, offrant au trappeur tout l’espace dont il avait besoin si les murs de la ville finissaient par l’étouffer. Il y avait une cour, sur le devant, permettant à quelques chiens de chasse de se prélasser au soleil d’hiver qui perçait parfois sur Nyn-Tiamat, lorsque l’heure le permettait. Actuellement, les membres de la gente canine se trouvaient à l’intérieur, bien au chaud, tandis qu’un homme seul se tenait sur le pas de la porte, taillant dans le bois ce qui finirait certainement par être une flèche. Crue et mal dégrossie, mais une flèche néanmoins. Décochée par un vampire, elle ferait assurément mouche s’il avait les compétences adaptées. Elle le jaugea du regard et, après avoir récupéré un gant de cuir à sa ceinture et l’avoir enfilé, leva lentement un poing en sifflant tout bas.

Astre émit un son perçant et glissa sur les courants aériens jusqu’à venir se poser en douceur sur le poing tendu de la nouvelle-née. Le vampire, posté à l’entrée de sa bicoque, n’avait pas manqué une seconde du spectacle et si son regard s’était brièvement attardé sur Liz, il fixait désormais Astre avec une attention acérée. Si d’ordinaire la princesse en aurait ressenti quelque offense, elle avait néanmoins conscience que son faucon était d’une beauté singulière.
Se hissant sur la pointe des pieds, elle déposa un baiser chaste sur la joue de son frère :

« Attends-moi là, s’il te plaît, tu vas finir par m’acheter toute la ville à ce rythme-là, » plaisanta-t-elle tout doucement avant de s’éloigner.

Elle avait fait à peine quelques pas, Astre toujours tenu sur son poing en équilibre sans aucune difficulté, qu’un garde se plaça en travers de son chemin, secouant la tête.

« Pas seule, princesse. » Il regarda par dessus son épaule la figure solitaire qui ne les avait pas quitté du regard. « Permettez que je choisisse ceux qui vous accompagneront ? »

Le dos de la nouvelle-née s’était instantanément raidi, une tension brève qui s’estompa presque aussitôt tandis qu’elle hochait la tête avec dignité. Il n’y avait aucune raison de protester et toute tentative serait soldée par un échec. Elle ne perdrait pas la face à travers un caprice perdu d’avance. D’autant qu’elle devait admettre apprécier l’efficacité et la diligence des gardes.
Ils se divisèrent, un groupe plus important suivant la nouvelle-née tandis que les autres restaient au côté de Liv. Il avait déjà fait ses preuves et savait parfaitement se contrôler, il n’y avait donc aucun risque pour lui, il saurait se défendre en cas de besoin. Rien n’était sûr là où Liz était concernée. Perte de contrôle ou incapacité à se défendre, les deux étaient possibles après tout.

Le dos droit, elle se dirigea vers le vampire et entreprit, comme elle l’avait fait un peu plus tôt, de parler à voix suffisamment basse pour ne pas être entendue.
Avec un regard pour la garde qui l’accompagnait, le chasseur finit par hocher la tête et l’invita à l’intérieur. Avec un coup d'œil pour son frère, Liz s’engouffra dans la bâtisse et referma la porte derrière elle.

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Lorsqu’elle revint, un peu plus tard, elle tenait un perchoir en bois et avait retiré son gant de cuir, Astre s’était envolé et survolait les lieux avec attention, gardant un œil attentif sur sa protégée. Sur le perchoir de bois, se tenait un autre rapace, diamétralement opposé à Astre mais tout aussi magnifique. Elle remercia une dernière fois le chasseur, déterminée à revenir lui payer une petite visite à l’occasion et s’approcha, en compagnie de sa garde rapprochée, de son frère.

« Je te présente Céleste, » dit-elle sans cacher sa fierté, sa tête droite et haute tandis qu’elle couvait brièvement l’oiseau du regard avant de lever les yeux vers Liv. « Ce n’est que la moitié de ce que j’ai en tête, j’ai beaucoup discuté avec Robin et il se trouve être une personne très intéressante. »

Le rapace avait la tête couverte d’un capuchon, ses serres entourant fermement le poids de la nouvelle-née. Il était d’un blanc de neige, moucheté de noir, parfaitement adapté à l’environnement de Nyn-Tiamat. La mort blanche qui frappe dans le blizzard.
Elle tendit le gant qu’elle avait porté un peu plus tôt. Il n’était pas tout à fait adapté à la jeune vampire, elle avait bien l’intention de s’en fournir un parfaitement adapté à sa menotte et probablement équipé pour servir d’autres intentions que de permettre à Astre de la rejoindre. Il n’irait probablement pas tout à fait à Liv, mais là où il était trop grand pour elle, il serait légèrement trop petit pour lui, indéniablement. Cela suffirait pour l’heure, et puis il n’avait pas besoin de s’en servir s’il ne le souhaitait pas.

Bénissant la force des vampires, elle tendit ensuite le perchoir où se tenait Céleste, souriant doucement, l’air ravie d’elle-même, tel le chat qui a dévoré le canari, lappé la crème et profite d’une sieste au soleil.

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La réponse de sa sœur à sa question lui tira un sourire amusé, et il y rétorqua en se fendant d’une semi-révérence en manière d’excuse face à sa mine faussement outrée.

« Mais bien sûr, où avais-je donc la tête ? Pardonnez-moi, belle dame, d’avoir osé sous-entendre que quiconque pourrait avoir l’audace de vous dicter votre conduite. »

Son crime de lèse-Liz manifestement bien vite pardonné, il inclina galamment la tête à sa requête suivante.

« Comme il plaira à Ma Dame. »

Il était curieux et intéressé de ce qu’elle pouvait bien avoir à faire avec le chasseur, mais il devinait que l’interroger n’apporterait aucun résultat, aussi se contentait-il d’attendre l’occasion de le découvrir par lui-même. Il n’ignorait pas que leur frère lui avait offert un rapace, ce qui pouvait être lié, mais il pressentait qu’il y avait autre chose, sans pouvoir mettre le doigt dessus. En tout état de cause, il ne s’en inquiétait d’aucune manière, sa curiosité simplement piquée.

Elle le tira de ses pensées, alors qu’il l’observait observer la ville, en reprenant la parole à mi-voix, de façon à ce que seul lui puisse l’entendre, ce qui était assez singulier pour attirer son attention. Il hocha doucement la tête, admirant la sagesse et la perspicacité dont elle faisait déjà preuve à son si jeune âge, et répondit sur le même ton.

« Il est vrai que nous manquons de beaucoup, mais nous avons également davantage de ressources que d’aucuns ne veulent bien le soupçonner. Nous sommes une race en pleine reconstruction, bien que certains nous voyaient déjà nous éteindre. Notre peuple est vieux, et il a subi beaucoup, pourtant nous sommes toujours là. Nous sommes à l’heure où il nous faut évoluer pour survivre, et c’est ce que nous sommes en train de faire, sous l’impulsion de Père. »

À sa remarque suivante, il posa sur elle un regard plein de tendresse. Il était fier d’elle et de sa détermination, et il ne doutait absolument pas qu’elle trouverait sa voix et serait un atout indéniable pour le clan, sans doute plus vite encore que lui. Il avait quelques mois d’avance, et il en était tout juste à trouver sur quel chemin s’engager. Il avait des projets et des idées, mais il commençait tout juste à les mettre en œuvre, notamment auprès des nouveaux-nés. Il ne doutait pas une seconde qu’elle serait plus rapide que lui à se mettre à l’œuvre. Il lui répondit d’une d’une voix où perçait la tendresse et une confiance absolue, tant en ses paroles qu’en elle.

« Tu trouveras, je ne m’inquiète pas pour ça. »

Lorsqu’ils arrivèrent à destination, la requête de sa sœur de ne pas l’accompagner lui fit hausser un sourcil, à la fois curieux et amusé. Il ne faisait absolument aucun doute que son argument n’était qu’une excuse, bien piètre au demeurant, mais que manigançait-elle donc ? Il ne doutait guère qu’il ne tarderait pas à le découvrir, aussi s’abstînt-il encore de la questionner, se contentant de rétorquer d’un ton taquin :

« Je doute que tu t’en plaindrais si je le faisais, mais puisque tes désirs sont des ordres je t’attendrai sagement ici. »

Bien sûr, il se serait montré infiniment moins docile s’il avait eu la moindre ombre de début de doute quant à la sécurité de sa sœur. Mais en l’occurrence, il faisait suffisamment confiance à Robin, le chasseur, pour ne pas avoir de crainte particulière, et surtout, il la savait sous bonne garde de toute manière. De fait, à peine avait-il eu le temps de tourner son regard vers les gardes que l’un d’entre eux s’était déjà placé en travers du chemin de la jeune vampire, exactement comme Liv s’y était attendu. Elle pouvait bien manigancer derrière son dos si elle le voulait, il avait toute confiance en les gardes de leur père pour veiller sur elle et assurer sa sécurité. Même si, bien sûr, il demeurait toujours plus à l’aise de le faire lui-même.

Liv s’occupa sans difficulté en devisant avec les gardes restant de choses et d’autres, et notamment de quelques projets qu’il avait en tête, jusqu’à ce que sa sœur ressorte, encombrée d’un rapace qui n’était de toute évidence pas son cher Astre. Liv jeta un regard au gant qu’elle lui tendait et, tout en le prenant pour le passer, nota avec amusement :

« Je vois que tu ne me reproches de te faire des cadeaux que pour m’en faire un encore plus important. Ne serait-ce pas légèrement hypocrite de ta part, petite sœur ? »

Le gant passé, il récupéra le faucon, admirant son plumage lumineux, ses serres imposantes et sa ligne élancée. C’était vraiment un oiseau magnifique, et il ne cachait rien de son appréciation. Après avoir passé délicatement sa main sur les plumes lisses, il lui retira son capuchon avec prudence, puis leva le poing pour l’inviter à s’envoler. L’oiseau décolla sans se faire prier, et Liv la laissa prendre quelque distance, admirant son vol fluide et majestueux. Après quelques instants, il releva le poing tout en lançant un sifflement, et constata avec satisfaction que le rapace revenait s’y poser sans se faire prier. Il la gratifia d’une nouvelle caresse délicate le long de son plumage, avant de ramener son attention sur sa sœur.

« Elle est magnifique, merci beaucoup. Et si ce n’est que la moitié d’un cadeau, je dois dire que je suis très intrigué de ce que peut être l’autre moitié… »


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