La remarque de Liv concernant l’espèce d’hypocrisie dont elle avait fait preuve en lui reprochant de lui acheter toute l’île la fit sourire largement tandis que le faucon passait de poing. Elle joignit ses mains derrières son dos, se balançant de droite et de gauche comme une enfant, très satisfaite d’elle-même :

« Bien sûr que ça l’est, » lâcha-t-elle avec une satisfaction correspondant tout à fait à celle d’une sale gosse qui s’assume et n’y voit aucun inconvénient. « Je suppose que les règles qui s’appliquent à d’autres ne s’appliquent pas nécessairement à moi, » proposa-t-elle en levant le nez d’un air hautain, bien que sa voix n’en portait aucune trace.

D’autant qu’elle ne le pensait pas tout à fait. Il y avait Liv et puis il y avait les autres, sa demande relevait plus de la boutade qu’autre chose et il devait certainement s’en douter. Elle l’observa tandis qu’il admirait le rapace qui se tenait désormais sur son poing serré. Elle sourit, doucement, son propre regard s’élevant pour chercher Astre du regard. L’oiseau les survolait paisiblement, se servant paresseusement des courants d’air chaud qu’il était en mesure de capter, sans effort.
Ils suivirent tous deux du regard le volatil lorsqu’il gagna les cieux à son tour, rejoignant Astre dans une liberté que seuls les dragonniers et les dragons pouvaient connaître. Se postant au côté de son frère, Liz s’installa de sorte à ce que leurs épaules se touchent. Elle repensa aux paroles de Liv concernant leur peuple, méditant ses mots, les intégrant. Ils se relevaient encore mais une fois que tout serait bien établi, une fois que les nouveaux-nés auraient retrouvé le chemin qui serait le leur, ils se tiendraient droits et fiers, tels que cela aurait dû être le cas, déjà. Si tant d’épreuves ne s’étaient pas dressées sur leur chemin. Ils n’en seraient que plus facile pour eux de persévérer, ils avaient déjà tant bravé.

La confiance qu’il plaçait en elle lui donnait presque des ailes, l’élan dont elle avait besoin pour aller plus loin. Quittant Céleste et Astre du regard, elle observa Liv. Il était si beau et si fort, songea-t-elle, lui qui n’était pas tant plus âgé que lui. Il avait une assurance et une aisance, une assurance… Tant qu’il était là, elle n’avait rien à craindre, rien à redouter, il était une présence sûre et immuable. Elle sourit doucement et se dressa sur la pointe des pieds pour venir déposer un baiser sur sa joue, replaçant délicatement une mèche blonde derrière son oreille.
Tenant d’une main le collier qui ornait sa gorge, elle se gratta le bout du nez dans une mimique pensive. Elle ne savait trop que faire de ses remerciements, un rien embarrassée, un tantinet mal à l’aise bien qu’elle n’en montrât rien. Elle voulait seulement le voir sourire comme il le faisait, elle voulait seulement qu’il sache combien il était important et combien sa satisfaction comptait pour elle. Si elle était prête à tout pour le peuple vampirique, il n’y avait rien qu’elle ne ferait pour lui.

« J’hésite à te le révéler, » dit-elle, une mine indécise froissant son joli visage. Elle était tellement contente de son idée, tellement satisfaite de ce qui lui était venu à l’esprit alors qu’elle s’entretenait avec le trappeur. Elle se tortilla d’hésitation avant d’abandonner et de demander à Liv, en désespoir de cause : « Tu veux que je te dise ? » proposa-t-elle avec espoir.

Il ne l’aida cependant guère, lui indiquant qu’il était effectivement curieux mais que le choix lui revenait. Laissant échapper une plainte dramatique en inclinant la tête vers le ciel, Liz le laissa caresser sa nouvelle compagne avant de se redresser soudainement, carrant les épaules maintenant qu’elle avait pris sa décision avec un soupir décidé.
Elle enroula son bras à celui de son frère qui n’était pas occupé à tenir le rapace et l’entraîna doucement à sa suite, reprenant leur tour à travers la ville de Cendre-Terres.

« J’ai discuté un peu avec lui et… disons qu’il connaît quelqu’un à la guilde des enchanteurs. » Elle leva les yeux vers Liv. « L’idée est de te permettre de voir à travers les yeux de Céleste, ce qui t’offrirait un avantage certain dans une grande variété de situation. Elle sera tes yeux là où tu ne peux aller ou lorsque tu as besoin de couvrir une grande surface. »

Les rapaces étaient d’excellents chasseurs, capables d’abattre du gibier parfois plus gros qu’eux, ils avaient une excellente vision. Elle faisait confiance à son Inséparable pour faire un excellent usage de cet avantage, lorsqu’il serait en sa possession. Ce qui ne saurait tarder.