La voix de Naal lui était rassurante et allégea quelque peu cet étrange sentiment de solitude qui l’avait étreint en les voyant disparaître derrière cette muraille fourmilière. Il aurait presque souri quand l’oracle le mit en garde contre le dragon. Car assurément, il ne lui demandait pas de faire attention à lui dans le sens de prendre soin de la créature ailée… Mille et un dangers les guettaient, dont potentiellement l’une des Couronnes les plus vicieuses, mais le dragon semblait bien plus traitre encore aux yeux de Naal. Et cette mise en garde, signe de l’inquiétude que son amant lui portait, lui mit du baume au coeur.
Tout le temps de leur avancée, il reçut des nouvelles régulières de celle de l’autre groupe, grâce à son anneau unique, et lui-même tentait de tenir Naal au courant. Toutefois, bien vite, quand ils arrivèrent dans le tunnel d’eau souillée, les communications semblèrent se brouiller… Était-ce simplement dû à cette eau stagnante et bourdonnante de magie qui semblait aliéner leurs glyphes ? Ou y avait-il encore d’autres protections contre la magie en ces lieux ? Il avait nettoyé ses anneaux, ses précieux, si précieux, alliés, en même temps que la pythie, mais pour autant, les communications ne semblaient toujours pas passer. Et son sentiment de solitude revint en flèche.
Plus encore quand Alkhytis décida de bifurquer dans les ombres, comme pris d’une soudaine lubie.
« Attendez un instant… je crois apercevoir quelque chose par là… »Mais bien sûr, attendre, ils n’avaient que cela à faire, attendre ! songea-t-il, une once d’agacement, titillée par son inquiétude d’être coupé des autres et de ne pas savoir ce qui leur arrivait, griffant sa patience légendaire. Après une profonde inspiration, il parvint toutefois à se forcer à… attendre. Il se résolut à cette infortune en songeant que cela permettait aux hommes encore fragiles suite à leur blessure de récupérer quelque peu. Jusque-là ils ne les avaient que peu ménagés. Cette petite halte ne leur serait pas forcément inutile…
Et déjà Alkhytis revenait, avec quelques trouvailles… intrigantes. Fort intéressantes. Aussitôt curiosité pointa le bout de son nez, comme souvent chez l’althaïen, et chassa quelque peu ses préoccupations. On lui présenta une sorte de cristal, assez détérioré. Cependant, bien qu'il soit brisé et irisé d'une façon différente de ce qu'il avait pu avoir entre les mains, Ilhan reconnut sans peine de quoi il s'agissait : un cristal de magie. Ni plus ni moins. De ces ingrédients dont on se servait pour concevoir les glyphes, de ceux que l'on retrouvait au sein des golems non loin du lac d'Émeraude. Y aurait-il de telles créatures ici aussi ? Vigilance constante était de mise !
Mais ce qui attira plus encore son attention fut l'étrange et frêle petite créature avec laquelle le garde semblait se battre : alors qu’il l'attrapait entre ses mains, la créature parvenait à se faufiler et tous deux dansaient un ballet qui aurait pu être des plus comiques en d’autres circonstances. Ilhan plissa les yeux pour mieux observer ce petit mystère animé : la créature ressemblait… à une sorte de petit bouchon noirâtre, capable de filer à vive allure à l'aide de ses petites pattes sur les mains et les bras du soldat. Ilhan demanda au dragon ce qu’était cet objet, et fut encore plus intrigué quand lui fut conté ce qui s’était passé. Ce que le bouchon avait… "
dit". En fanatique de communication rapide qu’il était, forcément cet objet l’attirait plus encore… Ainsi il permettait de communiquer... A qui ? Comment ? L’althaïen tenta alors de s’emparer du bouchon, avec délicatesse, et lança dans le même temps un sort d’identification sur l’objet. Le petit bouchon se débattit un peu, mais finit par se laisser faire quand il commença à user de magie. Comme si cela… l’apaisait ? Sans surprise, Ilhan perçut effectivement de la magie en cet objet. Plus encore : en cette chose, un cristal de magie était incrusté. Sans doute minuscule, mais bel et bien présent. Le bouchon possédait des glyphes qui lui rappelèrent sans peine ceux de son anneau unique, même si un peu différents, ou du moins l'esprit du glyphe était le même, mais en plus complexe. Oui, fascinant… Et pourtant cet objet semblait extrêmement vieux et l'âge ne lui avait pas fait de cadeau !
N’y résistant guère plus, Ilhan approcha alors le bouchon à son oreille, comme Alkhytis le lui avait décrit. Et il se passa… exactement la même chose que ce qu'il lui avait dit : un choc électrique, tel un coup de foudre, lui vrilla l’oreille, puis il entendit dans sa tête les mêmes paroles qu’on lui avait rapportées… avec les mêmes grésillements désagréables à vous en faire frémir les tympans.
Tout à son observation, il demanda à Alkhytis de tout lui raconter, et mieux même, de l’amener à cette salle. Temps perdu pour temps perdu, autant essayer d’en comprendre plus. Il ne savait pourquoi, mais il avait l’intuition qu’au final il fallait peut-être suivre l’instinct draconique qui l’avait mené à aller voir cette salle.
Une salle elle aussi des plus étranges, comme tout ce qu’ils avaient pu rencontrer jusque-là. Grande pièce circulaire, en son centre trônait un large piédestal incurvé et bordé de barrières. Face à celui-ci se tenait une créature à l'allure bipédique, mais constituée apparemment du même métal que les fourmis vues précédemment... et probablement du même métal que tout cet édifice, songea l’althaïen. La pièce était dans un sale état, poussières volaient autour d’eux au moindre pas. Mais pire encore, une tempête semblait avoir rugi en son sein et avait tout dévasté sur son passage, au vu des multiples débris qui jonchaient le sol. Des débris métalliques ainsi que des fragments de cristaux… Le plafond de la salle planait haut au-dessus d’eux, laissant deviner au moins un étage en raison des rambardes, voire peut-être plus. Il aperçut le long des murs de plus petits piédestaux, tous vides sauf un, qui, de loin, semblait présenter une sorte de maquette. Rapidement également, son œil avisé nota la présence, dans l'un des coins de la pièce, d’une porte. Fermée. Seule autre issue apparente de cette pièce immense, outre la porte qu’ils venaient d’emprunter.
Ilhan reporta son regard sur le bipède de métal situé face au piédestal central et observa le crâne fendu et le bras en moins, tout en écoutant le récit d’Alhyltis. Le crâne était vide, et le cristal en leur possession provenait de là, lui disait-il. Le dragon avait demandé au soldat l’accompagnant de l’enlever… Le bipède de métal aurait-il donc été capable de s’animer grâce au cristal ? À cette pensée, Ilhan tenta de replacer ledit cristal dans le crâne… En vain. Rien de ne se passa. Déception et dépit l’envahirent un court instant. Alkhytis avait sans doute endommagé définitivement cette créature en enlevant le cristal…
Mais peu importait, se rabroua-t-il mentalement. Ce qui était fait était fait. Peut-être aurait-il commis la même erreur, après tout, tout leur était une totale inconnue en ces lieux.
Son regard se porta alors sur le bras encore en place sur le bipède, dont le poing était légèrement serré. En forçant un peu, remerciant sa nature de sainnûr qui l’aida, il parvint à ouvrir le poing et vit alors d’autres petits bouchons au creux de la paume. Paume dans laquelle il y avait comme une petite encoche… comme si le bipède métallique servait à distribuer ces petits bouchons. Sans attendre, Ilhan s’empara des petits bouchons, resta songeur quelques secondes à peine, à les observer, puis les tendit à un homme tout en s’adressant à Alkhytis :
–
Peut-être l’un d’eux fonctionnera mieux que celui que vous avez trouvé. Accepteriez-vous de les tester ?Après tout, en tant que dragon, il serait assez apte à tester ce genre d’objets magiques ? Et sait-on jamais, ces bouchons pourraient bien leur servir…
Alors que l’homme le déchargeait des petits objets et s’empressait de les tendre un à un au dragon, l’althaïen reporta son attention sombre sur la salle, de plus en plus déterminé à l’examiner avec minutie. Même si le temps s’égrenait, il escomptait que c’était là du temps investi pour comprendre dans quoi ils mettaient les pieds et comprendre le possible danger à venir. Il n’était pas réputé pour foncer tête baissée sans informations… et puisqu’il était coupé de toute source d’informations, son anneau refusant de répondre, il allait devoir les récolter lui-même.
La première chose qu’il finit d’examiner fut la créature de métal, créature qui semblait en fait soudée au sol, liée au piédestal central, comme destinée à servir ici à jamais sans pouvoir se déplacer. Le piédestal quant à lui prenait presque toute la pièce, incurvé un peu comme une coupole, et contenait en son centre un socle. La base d'un morceau de très gros cristal, bien plus gros que ceux vus jusqu’ici, était enfoncée dedans, mais malheureusement tout autour du socle d'innombrables éclats étaient épars, certains plus gros que d'autres. Certainement provenaient-ils tous du même cristal. Ilhan n’aperçut sur le piédestal aucune inscription particulière permettant de le guider. Il devinait toutefois que le gros cristal endommagé avait sans doute un intérêt, une utilité… si on parvenait à le reconstituer.
D’un regard sombre, il jaugea les différents débris au sol. Certains provenaient assurément du bipède métallique, mais d'autres provenaient d'autres objets. Certains semblaient pouvoir s'emboiter, et d'autres non, mais il y avait tant et tant de morceaux d'objets différents alors… Reconstituer le tout serait une véritable partie d’énigmes, et il était fort probable qu'il manquait certains morceaux des différents objets. En observant les rambardes, Ilhan songea d’ailleurs que certains desdits objets avaient dû être jetés depuis les étages supérieurs… Non, tout reconstituer serait fastidieux et inutile. Par contre, ils pouvaient tenter de reconstituer au moins le gros cristal du piédestal, sait-on jamais. Aussitôt l’althaïen ordonna alors à la poignée d’hommes aux bras ballants de s’en charger.
Pendant qu’ils s’activèrent, il alla examiner lui-même la porte. Fermée, mais non verrouillée. L’ouvrir serait sans doute difficile, mais pas impossible. Elle tenterait sans doute de leur résister, mais ils étaient plusieurs, ils devraient y arriver. Il lança rapidement un sort de perception pour voir ce qu’il pouvait y avoir au-delà, et vit alors un escalier permettant de rejoindre le premier étage de la salle. Ce qui correspondait en effet aux petits pictogrammes au-dessus de la porte, présentant une flèche avec un bipède de type Graärh et la forme d'un escalier… Bien, au moins savaient-ils comment rejoindre l’étage supérieur. Il tendit l’oreille, aux aguets, mais aucun bruit ne se fit entendre. Les hommes étaient toujours au labeur avec le gros cristal, et le dragon et son comparse bipède testaient les bouchons.
Ilhan reporta alors son attention sur les derniers éléments de la pièce : les piédestaux contre les murs. Quand il s’en approcha, il put constater que devant chaque piédestal se trouvait une large encoche et que dans certaines d'entre elles restaient des morceaux de cristaux. Encore et toujours ! Il sentait encore des résidus de magie palpiter en eux d’ailleurs, une magie qui était bien plus vive dans le piédestal de la maquette. Il s'agissait donc probablement d'un mécanisme magique lié aux expositions. Un piédestal pour chacune. Intéressant. À croire que tout ici ne fonctionnait que grâce aux cristaux… Une bonne chose à savoir en tout cas.
La maquette l’attira, et aviva sa curiosité. Il reconnut sans peine une maquette de bâtiment, très probablement celui dans lequel ils se trouvaient. Certaines parties pouvaient coulisser, bouger, mais quand il s’y essaya, elles lui résistèrent. Avec un soupir, il observa le socle au niveau du piédestal portant la maquette, et le cristal à l’intérieur. De tous ceux qu’il avait pu voir jusqu'ici, celui-ci semblait le moins endommagé. Il y avait certains éclats au sol, mais il avait bien plus de chance de parvenir à le reformer en entier… Après quelques minutes, il parvint à reconstituer partiellement le cristal de la maquette. Il manquait encore quelques morceaux, essentiellement des petits, mais il sentait la magie vibrer bien plus encore du socle. Toutefois… rien ne se passa. Déception le happa, avant qu’il ne réalise une chose, grâce à ses sens de sainnûr qui percevait la trame : contrairement aux autres pièces visitées jusqu'ici, ce lieu n'était pratiquement pas alimenté en magie. Peut-être fallait-il fournir une source quelconque pour alimenter un peu les éléments de cette pièce ?
Ilhan lança alors, le coeur battant, un sort d’innervation afin d’insuffler un peu d’énergie et d'aider à sa régénération… Et ce fut avec un soulagement évident et une certaine joie qu’il sentit la vibration devenir un peu plus forte, puis se calmer, avant que, enfin, le cristal ne se mette à illuminer. Et soudain, au-dessus du cristal, une sphère magique apparut.
Quelques secondes s’écoulèrent sous la surprise, avant qu’il ne se force à reprendre son observation et sa partie d’énigmes. Il aperçut alors des sortes de striures sur la sphère, et sur chaque flanc des sortes d’empreintes de paume Graärh, comme si des mains venaient enserrer l'orbe. Il n’avait ni les griffes ni l’envergure de ces paumes, mais… il lui fallait bien essayer… Il posa alors ses mains tremblantes sur les emplacements, le coeur palpitant, et… attendit. Rapidement, il sentit un petit fourmillement au niveau de ses mains et dut faire appel à sa volonté de fer pour ne pas les retirer sous l’appréhension. Grand bien lui en prit. Il sentit que l'orbe lui permettait de prendre le contrôle sur la maquette face à lui ! Il pouvait enfin faire bouger les parties coulissantes, et ce sans plus aucune résistance. Avec un certain émerveillement, son esprit d’enfant jouant prit un court instant le dessus, puis il se força à se reconcentrer. Il les fit alors bouger, tout en observant attentivement si des parties de la maquette correspondait à l'endroit où il était, ou si des pièces à bouger lui évoquaient quelque chose.
La sphère bougea entre ses doigts… et des parties du toit de la maquette commencèrent à coulisser, avant que celui-ci ne finisse par s'ouvrir en deux comme une maison de poupée. Un grand sourire aux lèvres, Ilhan continua, et ce qui se trouvait à l'intérieur de la maquette s'éleva pour finalement en sortir. Un véritable plan se dessinait alors devant lui… Il s’enivrait de cette magie et de cet instant unique, de ce jeu palpitant qui s’offrait à lui. Il dut se forcer à se sortir de cette transe fascinée, pour se focaliser sur le plan. Sur le plan, et surtout les informations cruciales qu’il pouvait lui donner. Revenant alors, avec peine, à un semblant de sérieux et de concentration, il aperçut sur le plan cinq étages. Il se trouvait, comme il pouvait s’y attendre, au rez-de-chaussée. Mieux même, quand il choisissait un étage, celui-ci s'avançait vers lui pour lui permettre de mieux voir...
Un petit point lumineux palpitait sur le plan en maquette, et correspondait vraisemblablement à l'endroit où ils se trouvaient. La pièce dans laquelle ils étaient avait bel et bien plusieurs étages : deux étages précisément.
Il parvint à distinguer le chemin qu’ils venaient de prendre pour atteindre ce lieu et remarqua que de là où ils venaient se trouvait une succession de salles de grande taille. Il aperçut clairement dans ces salles des sortes de petits bras de métal qui s'activaient, avec une sorte de petit circuit sur lequel glissaient des objets, tout en répétant les mêmes mouvements en boucle… exactement ce qu’ils avaient pu apercevoir de leurs propres yeux dans la salle par laquelle ils étaient arrivés. Sur le plan, il y avait énormément de pièces du même genre, et toutes les pièces ne semblaient pas reliées entre elles. Il y avait même comme des sortes de vides… Était-ce effectivement des pièces vides ? Ou s’agissait-il d’autre chose encore ? Tels… des passages ou des pièces secrètes gardées non visibles aux possibles visiteurs ? Cela titillait sa curiosité, mais le plan refusa de lui en montrer plus à ce sujet.
Il s’apprêtait à mémoriser le tout, quand deux autres salles, toujours sur le plan du rez-de-chaussée, achoppèrent son regard. D’abord une salle assez grande, non loin de celle dans laquelle ils étaient, qu’ils pouvaient rejoindre sans peine par le couloir qu'ils venaient de prendre, avant d'arriver dans ce hall du savoir. Il vit dans cette salle une sorte de large bureau devant une grande statue, dans un coin des tables et chaises, de la décoration florale, et surtout, derrière la statue, un escalier menant au premier étage.
L’autre salle du rez-de-chaussée que lui indiquait le plan était d’immense taille comparée à toutes les autres. Mais l'intérieur était intégralement vide. Là où, dans toutes les autres représentations, il était indiqué ce qu'il y avait à l'intérieur, celle-ci était totalement vide. Vide… comme si l’on ne voulait pas qu’ils voient ce qu’il y avait dedans. Rien que cela indiquait une possible destination… Cette salle était immense aussi bien en dimensions horizontales que verticales : elle s’étendait sur pas moins de quatre étages visiblement. Son seul accès semblait venir du premier étage. Apparemment, de ce qu’il comprenait du plan, il leur faudrait aller dans la salle du bureau, emprunter l’escalier derrière la statue pour gagner le premier étage, et seulement là ils pourraient atteindre cette salle immense. Elle ne semblait présenter aucun accès direct depuis le rez-de-chaussée.
Autre détail important d’ailleurs, la pièce dans laquelle ils se trouvaient actuellement, le musée visiblement, ne semblait elle-même ne donner d’accès au reste qu’en passant par le rez-de-chaussée… en reprenant le couloir qu’ils avaient quitté précédemment. Il ne semblait pas y avoir de liaison directe au premier étage entre cette salle du musée et l'autre salle avec le bureau, sorte de salle d'accueil. Il fallait apparemment obligatoirement passer par le rez-de-chaussée. À moins qu’il n’y ait quelques passages cachés ?
Enfin un dernier détail l’intrigua. Il remarqua que le cinquième étage était le plus petit de tous. En fait l'édifice se finissait en hauteur par d'immenses "flèches", et le cinquième étage était composé de ces différentes flèches…
Bien, voilà des informations intéressantes. Peut-être cruciales, pour s’orienter dans ce qui semblait être un véritable labyrinthe Graärh antique. Il tenta alors de tout mémoriser, même s’il lui serait peut-être difficile de se rappeler de chaque détail. Il aperçut alors que ses hommes avaient eux aussi réussi à reconstituer, en partie, le gros cristal du piédestal central. Ledit cristal commençait d’ailleurs à s’illuminer un peu. La sphère toujours entre les mains, et le plan encore levé devant lui, Ilhan sentit qu’il y avait moyen de faire glisser ce qu’il était en train de faire vers le piédestal central, sans qu’il ne sache comment lui venait cette intuition, conviction. Sans attendre, il opéra. Les morceaux de cristaux réassemblés s'illuminèrent, et la maquette réapparut au-dessus du piédestal central, en une représentation magique d'image de grande taille, en une projection à échelle bien plus grande. Cependant elle était devenue quasi illisible, comme si plein de trous la constellaient et la rognaient. Certainement dû au fait que le cristal central n'était pas complet, songea-t-il, presque déçu. Au moins tous purent apercevoir l’ébauche de plan…
Un lourd soupir lui échappa, quand, soudain, il entendit des bruits venant de l’étage. Une porte qui s’ouvrait… D’un geste de tête, il indiqua à ses hommes de se rabattre sous les rambardes, tout en rejetant lui-même la projection géante de la maquette vers son emplacement d’origine, hors de vue des nouveaux arrivés, sans encore lâcher totalement la sphère. Ordre bien futile toutefois, constata-t-il rapidement, quand son ornithorynque lui souffla les Esprits-Liés nouvellement entrés. La baleine, le pangolin et la corneille si rassurante de son amant… Le pingouin de son presque-frère… L’araignée et le raton-laveur de Reynagane… Ils étaient de retour et les avaient retrouvés ! Et alors que le soulagement le percuta de plein fouet et lui ôta ce poids qui comprimait sa poitrine, il nota, avec une certaine surprise, qu’ils étaient apparus… par aucun passage indiqué sur le plan. Ils venaient d’entrer (il avait parfaitement entendu le bruit d’une porte) au premier étage du musée… Or aucune issue n’était indiquée sur le plan aux étages supérieurs de cette pièce. Cela voulait donc dire… qu’il existait bel et bien des passages cachés, non indiqués sur le plan ! Y en avait-il un autre du même genre encore dans cette pièce ? Pouvaient-ils ainsi trouver un passage plus rapide vers la pièce immense qu’il avait aperçue et qui l’intriguait tant ?
–
Naal, Belethar, Reynagane, appela-t-il aussitôt.
Quel soulagement de vous revoir. Tout le monde va bien ? Nous sommes en bas.Il s’empressa de copier la baleine et de mémoriser autant que possible tout le plan qu’il avait ainsi visité, puis lâcha enfin la sphère. Certes, la mémoire de la baleine ne jouerait pas grandement sur lui, mais il pourrait implanter le plan dans l’esprit de Naal, qui, lui, avait une mémoire eidétique… Ils seraient sûrs d’être plusieurs à avoir le plan en tête… et surtout de n’en perdre aucun fragment !
–
Rejoignez-nous, il y a un escalier qui vous permet de descendre, fit-il, tout en se montrant enfin en vue des rambardes et en pointant la porte du doigt.
Il indiqua alors à trois hommes d’ouvrir la porte. Puis soudain, Ilhan se ravisa.
–
Non, attendez, ajouta-t-il rapidement en direction de ses compagnons au premier.
Nous allons vous rejoindre… J’ai trouvé… J’arrive.Il n’avait aucune envie de forcer la voix à leur expliquer d’en bas. Et il n’était guère sûr qu’il soit le plus judicieux de descendre, ils semblaient avoir exploré tout ce qu’il y avait à observer dans cette partie de la pièce. Peut-être serait-il intéressant de regarder au premier et deuxième étage ? Se concerter sur la question leur serait utile.
Bien rapidement, ses hommes parvinrent à forcer la porte, même si elle tenta de leur résister, et Ilhan passa le premier, montant presque les marches quatre à quatre, arrivant presque essoufflé à la hauteur de ses compagnons. Il s’apprêtait à enlacer Naal, mais se retint, quand il avisa l’état dans lequel il se trouvait lui-même, après avoir pataugé dans cette eau souillée. Cette eau qui détériorait les glyphes… ce serait idiot que tous soient contaminés par cette… infection. À cette pensée, il retroussa le nez, ses sens althaïens répugnant à se trouver dans cet état pitoyable.
–
Mieux vaudrait ne pas nous toucher. Nous avons dû passer par une canalisation dont l’eau avait de redoutables propriétés magiques. Nos vêtements sont contaminés et leurs glyphes semblent… inopérants. Ou en tout cas, des plus capricieux.Il leur raconta alors rapidement leurs découvertes : la canalisation, l’eau et ses propriétés, les lames étranges qu’il avait dû neutraliser pour passer, la salle aux bras mobiles, puis toutes leurs trouvailles dans cette salle, les bouchons étranges, les cristaux et le fait que tout semblait fonctionner par ces cristaux, le bipède de métal, et… le plan.
Un plan dont aussitôt il imprégna l’esprit de Naal, en lui touchant le front avec affection, alors qu’il usait de sa baleine pour lui transmettre ce fragment de mémoire au complet.
–
Tu te souviendras bien plus que moi de tous les détails. Et mieux vaut être plusieurs à connaître ce plan, si jamais…Il ne finit pas sa phrase, mais elle devait résonner dans l’air.
Si jamais ils se retrouvaient à nouveau séparés...
–
Alkhytis, avez-vous trouvé des bouchons d’oreille fonctionnels ? s’enquit-il alors.
Puis se retournant vers les nouveaux arrivés.
–
La salle immense aperçue sur ce plan m’intrigue. Elle semble vide sur le plan, mais je doute qu’elle ne le soit vraiment. Son seul accès apparent est par le premier étage. Mais pour parvenir à ce premier étage, le plan semble indiquer que nous devons redescendre…Il indiqua les escaliers qu’il venait d’emprunter, puis le rez-de-chaussée du musée, qu’il venait de quitter.
–
Emprunter le couloir dans l’autre sens, rejoindre cette salle au bureau, emprunter alors l’escalier qui s’y trouve derrière la statue. Là nous arriverons au premier étage, et nous pourrons accéder à de nombreuses salles alors, dont cette salle immense. À moins…Il regarda la porte par laquelle ses compagnons venaient d'arriver.
–
À moins qu’il existe d’autres passages cachés comme celui-là. Cette porte, cet accès, n’était pas indiqué sur le plan. Allez savoir s’il y en a un autre ici…Il désigna le premier étage où ils se trouvaient dès lors.
–
Ou au-dessus.Il désigna cette fois le deuxième étage du musée, qu’ils pouvaient apercevoir.
–
Et à voir aussi si accéder à ce cinquième étage si étroit serait utile. Cet étage aux salles étranges et si petites.Directives :
La progression dans ce couloir métallique ralentit soudainement lorsque le groupe arrive à une intersection. Tout droit, la lumière ainsi qu'une lointaine résonance, à gauche l'obscurité, le silence et la poussière. Curieusement, c'est ce dernier choix que fait le dragon de cuivre en s'y aventurant quitte à ralentir le groupe. Mais après plusieurs minutes, Alhythis ne revient pas les mains ou plutôt les pattes vides ... quand bien même ce n'est pas lui qui porte les trouvailles.
L'un des soldats de Cordont qui l'a suivi a entre les mains une sorte de cristal, très sérieusement détérioré. Bien qu'il soit brisé et irisé d'une façon différente de ce qu'il a pu avoir entre les mains, Ilhan peut reconnaitre de quoi il s'agit : c'est un cristal de magie. Un ingrédient de glyphe que l'on retrouve au sein des golems non loin du lac d'émeraude. Mais ce qui peut peut-être le plus attiré le regard de l'Althaïen c'est l'étrange créature avec laquelle le garde semble se battre, l'attrapant entre ses mains avant que celle-ci ne parvienne à se faufiler et ainsi de suite. Il s'agit d'une sorte de petit bouchon noirâtre à l'exception près qu'il file à vive allure à l'aide de ses petites pattes sur les mains et bras du soldat.
La salle d'où vient Alhythis est une grande pièce circulaire. Au centre de celle-ci se tient un large piédestal incurvé et bordé de barrière. Face à celui-ci se tient une créature à l'allure bipédique mais fait du même métal que les fourmis vues précédemment ... et probablement de tout cet édifice. La pièce est dans un sale état, à croire qu'une tempête serait passée par là il y a de très très nombreuses années au vu de la poussière que vous déplacez au moindre mouvement.
Le bipède de métal a le crâne fendu et un bras en moins. Le crâne est vide, le cristal en votre possession provenait de là. Le deuxième bras, lui, a le poing légèrement serré. Au sol, il y a une multitude de débris métalliques auxquels s'ajoutent des fragments de cristaux. Le plafond de la salle, lui, est haut, laissant deviner au moins un étage en raison des rambardes. Au niveau des murs, il y a de plus petits piédstaux, tous sont vides, mais seul l'un d'eux possède ce qui semble être une sorte de maquette. Devant chaque piédestal se trouve une large encoche dans certains desquels il reste des morceaux de cristaux. Enfin, dans l'un des coins de la pièce se dresse une porte, fermée.
Que faire? Investiguer un peu plus les lieux ou poursuivre dans le couloir lumineux?
Comment réagit ton personnage ? Dans quel état d'esprit est-il ? Que fait-il?