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Libéré, retrouvé ! [Lylyanth, Derdrak]

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Valmys avait eu un sourire amer, lorsque son cousin lui avait avou être enfant unique, et avait fait le lien entre ce fait, et la protection dont il avait bénéficié. Il n'y avait pas que cela. Eut-il été un enfant différent, sa mère l'aurait sans doute considéré autrement. Peut-être avec une simpe distance qu'elle aurait prétendue bienveillante, en ayant conscience ou non. Valmys, lui, n'avait pas même eu le droit à la distance. Il avait été abandonné, relégué, sur sa seule apparence, avant même qu'il ait pu commettre quelque méfait dans son existence. Longtemps il en avait tenu rancoeur à ses parents. Désormais, il déplorait leur absence. Quelques années plus tôt, il espérait secrètement qu'ils furent encore en vie, avant de se rendre à l'évidence: quand bien même ils l'eut étés, le seul fait qu'ils ne se soient présentés au Domaine aurait suffi à définir ce qu'ils attendaient de lui. Il devait vivre sans, avec toujours ce vide et ces questionnements là où nombre de ses congénères trouvaient des figures inébranlables.

Si l'elfe aux oreilles rondes ne sut en sourire, il s'amusa et s'attendri de la sensibilité qu'évoquait Ilyanth. Par chance, l'enseignement qu'il avait reçu lui avait tôt appris à se montrer bienveillant envers celles et ceux qui portaient ce trait de caractère, là où beaucoup ne voyaient que faiblesse et, parfois, attribut issu de privilèges sociaux. Des mensonges, tout cela. En revanche, Valmys aimait à croire que de telles sensibilités s'accordaient plus aisément avec les arts, au moins dans leur appréciation.

L'apprenti laissa Ilyanth parler, songeant déjà à ce que lui pourrait raconter. Rien qui ne soit déjà dans son chant-nom... Mais le Cawr avait-il vraiment eu le temps de tout lire ? C'était peu probable. Alors peut-être pourrait-il lui épargner de tout écouter, pour lui donner l'aperçu de quelques parties. Toutes semblaient plus claires en comparaison avec celle qui avait eu raison de la sensibilité du chantefeu.

Ils partageaient de toute évidence d'autres points communs. Tous deux avaient perdu des êtres chers. Néanmoins ce fut en découvrant que la femme d'Ilyanth avait perdu la vie que Valmys partagea le plus sa peine. Parmi les blessures que lui avait infligé le monde, celle-ci lui avait été épargnée, il en ignorait la véritable étendue, mais se l'imaginait sans mal. Il regretta, encore, de n'être capable de prendre son cousin dans ses bras, pour le réconforter et lui apporter ce soutien qu'il ne savait apporter par les mots. Au lieu de cela, il put tout juste aligner quelques notes un peu tendres sur son psaltérion, pour lui signifier ce que son chant-nom lui disait sans doute déjà: il était avec lui dans sa douleur, et prêt à le soutenir s'il existait quelque moyen de faire cela. Ces instants étaient toujours si délicats... Il était si aisé de blesser, si difficile de soigner ! Les elfes avaient beau avoir perfectionné l'art de la guérison, les cawrs avaient beau pouvoir remettre un corps à neuf, nul ne savait encore guérir les esprits et les coeurs. Quand bien même ils l'eussent pu, il doutait que, par amour pour la défunte, Ilyanth eut accepté de se défaire de sa peine. La douleur n'était-elle pas une marque d'affection ?

Au moins avait-il une raison valable derrière sa peine, là où Valmys n'avait que la cruauté de ses pairs. L'apprenti détourna le regard lorsque le chantefeu commença à parler d'amour. Il savait très bien que, pour lui, tout allait être plus complexe, désormais. Les appels de son coeurs seraient freinés par les craintes de son corps... Si seulement ce dernier lui laissait à nouveau l'opportunité d'aimer. Les images revinrent à sa mémoire. Valmys n'était pas encore en état d'envisager qu'il puisse y avoir d'autres avenirs par-delà sa peine, que la perte qu'il venait de subir ne l'empêcherait jamais de créer des liens d'un sentiment tout aussi fort. L'amitié était ce bois rare qui faisait brûler des feux dans les nuits du désert. Il n'avait encore qu'effleuré sa chaleur au travers de ses maîtres, sans jamais l'embrasser véritablement. Il ne se doutait pas du présent que cela pouvait être.
Au lieu de cela, il ne voyait que le gâchis de tout ce temps qu'il avait passé à accepter ses propres attirances, et les rêves qu'il avait pu tisser qui se souillaient des souvenirs qui le hantaient. Quelle étreinte pourrait lui paraitre bienveillante, désormais ?

"- ..."Un" elfe ? Il faut croire que c'est de famille..."

Fit-il, badin, tant pour détendre l'atmosphère que pour signifier à son cousin que, sur ce sujet, il ne serait jugé. À vrai dire, Valmys était presque sûr que, s'il avait encore eu le coeur à ces choses-là, il aurait apprécié d'avoir une personne fiable avec qui discuter de... Tout ça. N'aurait-ce été parce que nulle littérature, et nul enseignement, ne couvrait un sujet aussi précieux.
Néanmoins, il songea que la souffrance que son cousin avait évoquée valait mieux de le laisser faire les premiers pas s'il souhaitait en parler davantage. Désirant épargner son cousin, Valmys continua de parler:

"- Je ne crois pas être véritablement tombé amoureux un jour. En voyageant, ç'aurait été bien triste... Et cesser de suivre celui qui m'a tant enseigné pour un coup de coeur m'aurait paru dommage. Il me reste encore tant à apprendre..." Pourtant, son apprentissage avait été grandement accéléré. Ingurgiter cent quarante ans de savoir et d'expérience avait eu ses aspects positifs. "Cet Enwr qui m'a pris sous son aile était ce qui se rapprochait le plus d'un père, pour moi. Mais... Je suis curieux de voir ce que je partagerai, avec mon prochain maître. Je sais que je dois partir vers Endëaerumë, mais après, j'ignore si je ne resterai pas un peu sur Néthéril... Avant d'aller voir les autres îles. Cela me semblerait fort triste d'avoir tant à découvrir, et ne pas au moins en voir la surface. J'espère juste que j'en aurai à nouveau la force."

Il ne parlait pas que de son âme, pour le coup. Son corps aussi avait besoin de se remettre. Le bout de ses doigts caressa les cordes de son instrument, pour quelques notes qui, même si mélancolique, prenaient désormais une teinte aprticulière: celle de la neige, premier élément de l'archipel qu'il avait vu. Elle l'avait couvert de peine, avant que vienne enfin le soulagement de retrouver les siens. Songeur, il se demanda si Ilyanth avait également l'intention de voyager. Avec un fils si jeune, ce pouvait être compliqué, mais... L'Ordre était là pour veiller sur lui, non ? S'il ne partait pas longtemps, juste pour découvrir un peu, ce ne devait pas être si dramatique. Parcourir les routes en compagnie de son cousin lui paraissait déjà moins difficile. Il n'osa néanmoins le lui demander. Pas après tout ce qu'il faisait pour lui, et après avoir déjà abordé le sujet hier, cela lui aurait paru insistant. Il se permit tout de même de demander:

"- As-tu quelques plans, pour les années à venir ?" Puis, après un temps: "Et... Y a-t-il des choses que je dois savoir sur Néthéril ?"

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Pendant qu’Ilyanth confiait à Valmys le récit de son enfance idyllique, il vit les prunelles du jeune apprenti se couvrir d’un voile de mélancolie et un sourire d’amertume apparut à la commissure de ses lèvres. C’est alors que le Baptistrel prit conscience à quel point leur vécu différait, comme si l’enfance du Enwr représentait un miroir inversé de la sienne. En effet, la prime jeunesse du chantefeu semblait bénie des dieux qui l’avaient comblé de tous leurs bienfaits. Né dans une famille aimante, ardemment désiré par ses géniteurs, ce dernier avait également hérité de la beauté irréelle qui caractérisait les elfes ; tandis que Valmys n’avait rien connu de tout cela, bien au contraire, rejeton mal-aimé, abandonné par sa propre mère en raison de son apparence humaine, jugée disgracieuse selon les critères du beau peuple, il errait à travers le monde en quête de sa véritable identité et de réponses que nul ne pouvait lui donner…

Le maitre-barde aurait tant désiré le consoler et trouver les bons mots, ceux capables de déposer un baume sur les maux de son cœur. Y parviendrait-il un jour ou serait-il condamné à demeurer le témoin impuissant des souffrances du jeune homme ?

Au fur et à mesure de leur conversation, Ilyanth, dissipant l'aura de mystère qui l’entourait se laissa aller à lui faire des confidences sur ses ressentis et les événements importants qui avaient jalonné son existence. Il se hasarda à évoquer sa grande sensibilité, qui incarnait à la fois une bénédiction et une malédiction, capable de le faire vibrer d’un amour inconditionnel pour tous les êtres de la création et de le faire chavirer dans des abimes d’affliction. Toutefois, le chanteur avait su apprivoiser cette partie de lui-même et en faire une force, une capacité à vibrer au diapason avec le chant du monde et cette sensibilité nourrissait sa passion pour toutes les formes d’Art.

L’elfe solaire aborda même le sujet des mystères de l’amour, ce sentiment à la fois si doux et douloureux qui avait embrasé son âme à deux reprises.
Au moment où le Cawr révéla la passion dévorante qu’il avait ressentie autrefois pour un elfe, un sourire énigmatique naquit sur les lippes de son cousin et ce dernier lui confia que cela devait être de famille, dévoilant indirectement ses propres attirances en la matière.
Le chanteur sourit avec douceur et répondit d’un ton espiègle :

- Notre peuple fait généralement preuve de tolérance et d’ouverture concernant cette forme d’amour, la considérant aussi harmonieuse et valable que toutes les autres. Pour ma part, j’ai toujours pensé que l’amour pouvait revêtir de multiples visages et que chacun d’entre eux possédait sa propre beauté et sa raison d'être.

Le lié du feu demeura silencieux un bref instant avant de reprendre :
- Je crois qu’il n’existe pas de mauvais amour, quand nous aimons c’est notre cœur qui parle, parfois en dépit de ce que lui dicte la raison. Pourquoi devrions-nous culpabiliser d’éprouver ce que nous ressentons ? Pourquoi certaines formes d’amour devraient-elles être acceptées et d’autres rejetées ?

Ces pensées laissaient le chantefeu songeur et méditatif, lui qui avait tellement culpabilisé de vouer une telle passion à Aegnor, qui n’était autre que son empereur et l’époux de sa sœur Baptistrelle Aramis. Durant maintes années, le cœur flamboyant avait refusé d’accepter les sentiments qu’il ressentait pour Aegnor, cherchant désespérément à éteindre le brasier qui l’enflammait, en vain. Cette lutte inutile et insensée n’avait fait que le réduire au supplice en l’emplissant de honte. Mais qu’avait-il fait de mal ? Rien. Son cœur s’était enflammé malgré lui et les sentiments qu’il portait à son empereur possédaient une profondeur et une intensité rares. Comment un ressenti aussi beau et empreint de pureté pouvait-il constituer un crime ou une raison d’éprouver de la honte ?

A présent, le chanteur éprouvait davantage d’indulgence envers l’amoureux transi qu’il était dans le passé et voyait avec plus de recul ce premier amour qui l’avait laissé à l’époque si fragile et si démuni.

A son tour Valmys se laissa aller à parler d’amour et lui confia qu’à ce jour il n’était jamais tombé amoureux, estimant préférable de ne pas s’attacher à quiconque, en raison de ses nombreux voyages. Par ailleurs, le jeune apprenti désirait continuer à explorer la kyrielle d’iles de ce nouvel archipel.
Ilyanth le regardait mi- amusé, mi- fasciné, ayant un peu l’impression de contempler celui qu’il était autrefois lorsqu’il tenait le même discours que l’apprenti. Les deux elfes partageaient certaines similarités dans leur personnalité et leur manière de penser, tout en ayant chacun leurs spécificités et leurs différences.

- Avant de tomber amoureux pour la toute première fois, j’étais persuadé qu’une relation sentimentale n’avait pas sa place dans ma vie. Mon cœur débordait d’amour pour tous les êtres de la création, pour mes livres que je dévorais et pour mes enws sur qui je veillais jalousement.

Il eut un petit rire cristallin avant de poursuivre :

- Et paradoxalement je me sentais incapable de tomber amoureux de qui que ce soit…Mon travail remplissait tant mon existence que j’estimais n’avoir guère le temps de me consacrer à une relation amoureuse ou à une vie de famille, bien que notre ordre n’interdise nullement de contracter de telles unions. Puis un jour, c’est arrivé sans que je m’y attende, sans que je cherche à le provoquer. C’était comme ça, c’est tout…

Une des grandes leçons de l’existence qu’il avait appris était que l’amour représentait une force si puissante qu’elle brisait toutes les résistances, faisant fi des barrières, et pouvait frapper n’importe qui, même ceux qui s’y croyaient insensibles. Désormais son discours de l’époque lui semblait empli d’innocence et d’inexpérience.

Puis Valmys le questionna sur ses projets d’avenir, les prunelles bleu-vert d’Ilyanth se perdirent dans le lointain :

- Oui il y a beaucoup de choses à découvrir sur ce nouvel archipel dont nous ne connaissons encore que si peu de choses…Je crois que j’aimerais aussi l’explorer. Mais ce n’est pas tout, je pense également qu’il existe d’innombrables souffrances à l’extérieur du domaine et bien des gens qui mériteraient de bénéficier de l’aide des Baptistrels…Jusqu’ici notre ordre demeurait au sein du domaine et ceux qui recherchait la sagesse avaient coutume d’y venir. Mais je me demande si ce n’est pas aussi le rôle de certains des nôtres d’aller à leur rencontre et de tenter de leur transmettre notre message d'harmonie et de paix ?

Ilyanth éprouvait l’ardent désir d’accomplir cette mission pacifique car cela donnerait un nouveau sens à son existence, tout en comblant sa soif d’absolu, mais quelque chose le retenait encore au domaine…Elros, son fils chéri.

Au moment où Valmys lui demanda s’il y avait des choses que celui-ci devait connaitre, l’elfe à la voix ardente, se figea et ses lèvres esquissèrent un sourire crispé :

- Néthéril compte bien des beautés, mais elle a aussi sa part de danger. Un sage avait coutume de dire que partout où se trouve la lumière il y a l’ombre. Néthéril possède aussi ses zones lumineuses et celles plus sombres…Pour ta sécurité, il est sans doute préférable que tu évites de te rendre dans certaines parties de l’ile.

Le Cawr préférait demeurer évasif, craignant d’inquiéter son cousin encore faible et convalescent en abordant de but en blanc la présence d’une ville dédiée à la piraterie à l’extrémité ouest de l’ile.

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Non, il n'y avait rien à faire, l'idée restait et persistait, malgré la voix pleine d'émotions de son cousin. Valmys n'osait pas vraiment lui répondre, et expliciter le fond de sa pensée. Cela n'aurait servi à rien: leurs expériences étaient bien trop différentes pour qu'ils puissent se comprendre réciproquement. Cela lui pinçait le coeur, autant qu'une partie de lui s'imaginait heureuse que son cousin puisse tenir un tel discours. Lui... Il avait abandonné l'idée d'être capable d'effleurer ce que le commun des bipèdes appelait l'amour, hanté par le spectre qui s'y terrait. Les mâles ne lui inspiraient que crainte, désormais, et si les femelles lui paraissaient légèrement moins dangereuses, ayant été moins nombreuses à le blesser, plus nombreuses à partager sa peine, elles n'étaient pas totalement inoffensives pour autant. Son coeur était fermé, et barricadé. Il ignorait seulement si l'amitié lui serait également possible. Derrière tout attachement il y avait ce fantôme, cette impression qu'il dévoilait ses points faibles, comme une invitation à y planter quelque arme au choix du tortionnaire.

Valmys avait vaguement opiné, un sourire forcé au coin de ses lèvres, ses doigts sur les cordes de son instrument arrachant quelques notes qui, esseulées, dévoilaient bien trop de ce qu'il pouvait penser. La distance, la peur, le regret. Aussi s'estima-t-il secrètement rassuré lorsqu'Ilyanth accepta de changer de sujet, quand bien même il était celui qui l'avait prolongé.

La remarque avait le mérite d'être assez surprenante pour l'éloigner radicalement de leurs précédents propos. Son coeur y resta quelque peu, mais son esprit avait une autre matière à ronger. Un sourcil haussé, l'Enwr aux oreilles arrondies se demanda un bref instant si nul ne lui avait menti. Alors, non seulement il ne pouvait que redire ce qu'il avait entendu depuis son jeune âge, mais de surcroît il y croyait avec la fermeté des convictions bien ancrées. C'était là le risque à murmurer ses idées à de trop jeunes esprits. Mal à l'aise, Valmys murmura, gêné, et sans regarder Ilyanth:

"- Il m'a toujours été dit que le prosélytisme n'était pas dans notre devoir, que nous n'étions pas voués à définir quelles sont les voies que le destin doit prendre, et... Je m'imagine mal diriger un être sur une voie qu'il n'a pas empruntée de lui-même, si immaculé soit son chant-nom. Pourquoi aurais-je raison ? En quoi serait-ce plus harmonieux ?" Ilyanth avait parlé de répendre le message, mais... Récupérer des âmes vouées à leur cause n'était-elle pas la conséquence logique, le but recherché, lors d'un tel acte ? Dans le doute, Valmys haussa les épaules, et reprit: "Mais répandre notre message... Je n'ai encore rencontré de bipède qui ignorât les mots "harmonie" et "paix". Cependant, tous n'ont pas la même vision de ce à quoi leurs âmes aspirent, et quels sont les mots qui leurs sont les plus chers. Je ne me sentirais pas légitime à les juger sur ce point. Peut-être est-ce différent lorsque l'on est Cawr...?"

L'idée de ne pas interférer avec le fragile équilibre du monde en voulant s'interposer lui avait été enseignée tôt, par un Enwr en fin de formation, qui voyageait plus qu'il ne séjournait au Domaine. Avait-il pu lui présenter une idée qui lui était personnelle, et non pas héritée des siens ? Valmys ne savait plus. Il espérait qu'Ilyanth l'éclaira, lui indiquant ce qu'il en était. Dans tous les cas... Il doutait que son avis en soit changé. A ses yeux, il était disharmonieux de porter un être sur une voie qui n'était sienne, et cette idée était devenue un véritable sentiment. Etait-ce grave ? Est-ce que cela faisait de lui un mauvais Enwr ? Il ne l'espérait pas. Trop de temps avait passé sans qu'il eut un maître pour l'aiguiller. Pourvu que cela ne lui ait pas trop porté préjudice... Valmys tenait bien trop à son Ordre, aux siens, et ne s'envisageait pas autrement qu'en Enwr.
Par chance, il y avait certains sujets sur lesquels il était sûr d'avoir une bonne note, des sujets qui, normalement, réunissaient tous les membres de l'Ordre sous un même avis... Sauf si on lui avait, encore, menti. Mais si cela venait à être le cas, il allait sérieusement songer à s'exiler sur une montagne, pour ne plus entendre le moindre outrage à la vérité. Sa voix se fit un peu plus sereine, dans un soupire presque amusé il avoua ce qui allait être l'introduction à une future proposition, dans la lignée des idées qu'Ilyanth avait semées comme des graines dans le vent:

"- En revanche... Il est sans doute bien des êtres avides des soins que nous saurions apporter."

C'était là, une mission qu'ils avaient toujours eue. La souffrance apportait de façon certaine quelques troubles dans les notes qui formaient ce monde. Sans distinction, ils se devaient de soigner, quiconque en avait besoin. Les Cawrs pouvaient user de chants-noms, certains Enwrs de la magie, et tous étaient censés recevoir une éduction en soins non-magiques.
Il y avait un autre point, qu'ils avaient abordé, sur lequel ils étaient relativement d'accords... Et Valmys avait, à ce moment-là, besoin d'être d'accord avec son cousin. Besoin de se rassurer, d'une conversation où leurs esprits convergeaient. Il reprit donc, les notes de son psaltérion se faisant finement plus légères:

"- Nous avons toujours eu vocation à protéger la connaissance. Notre arrivée sur cet archipel me laisse imaginer moult savoirs que nous n'avons encore dans nos bibliothèques. J'aimerais beaucoup participer à leur découverte, leur rapatriement, et leur pérennité."

Ecrire ce qui ne l'avait été, le recopier, le terrer dans les bibliothèques de l'Ordre... Il y avait pris goût, en explorant le continent maudit, en posant le regard sur ce qui n'avait jamais été écrit. La découverte apportait une exaltation unique... Son cousin, l'avait-il déjà ressentie ?

"- Pourquoi ne ferions-nous pas ce chemin ensemble ?"

Il les imaginait très bien, côte à côte, comme il avait pu l'être avec son ancien maître. Il les voyait autour d'un feu de camp, instruments en main, au milieu d'une taverne, avec son cousin pour l'aider à affronter la foule, et dans un recoin de l'archipel, entre trois arbre et une montagne, à lire des glyphes encore inconnus. Oui, ce pouvait être un avenir correct. Cela pouvait l'aider à aller de l'avant. S'aventurer dans le monde serait bien plus simple avec lui. Le cadet aurait moins peur, et la seule présence de l'elfe solaire lui redonnerait du courage, le porterait au-delà des barrières que les pirates lui avaient imposées. Il en était persuadé.

"- Et si votre coeur vous murmure de glisser des songes plus paisibles dans l'esprit des peuples... Qui serais-je pour vous en empêcher ?"

Un petit sourire passa sur ses lèvres. Son psaltérion et son silence accompagnèrent les mots d'Ilyanth concernant les dangers de Néthéril. Il était vague, trop pour que Valmys s'imaginât un danger spécifique à cette île. Il eut l'impression que son cousin voulait le protéger, en lui conseillant de ne pas explorer. C'était bien essayé... Mais également profondément vain. Valmys se connaissait assez pour être incapable de s'imaginer un avenir lointain où il n'aurait pas parcouru les moindres recoins géographiques de l'île.

"- Y a-t-il seulement un endroit où nous soyons pleinement en sécurité ?"

Il avait voulu aller sur les flots et, au milieu d'un océan calme, il avait tout de même trouvé le danger. Il avait alors repensé à ces femmes qui trouvaient le danger dans les recoins les plus sûrs de leurs maisons. Les bipèdes étaient trop dangereux envers leur propre espèce: là où les éléments les protégeaient, ils étaient leurs propres prédateurs.
Néanmoins, cela ne suffisait pas à effacer cette image qu'avait Valmys de l'avenir.

"- J'admets qu'il me faudra à nouveau affronter le danger un jour."

Peut-être serait-il prêt, peut-être ne le serait-il pas. Qu'il tremblât de peur à chaque pas, ou retrouvât son innocence, cela n'était qu'un détail: il allait finir par voyager. C'était inscrit dans les cellules qui le constituaient, il ne pouvait faire autrement. A nouveau, il relança sa proposition auprès du chantefeu, comme pour lui confirmer qu'il avait échoué à sa tentative de le maintenir blotti dans les bras protecteurs du Domaine:

"- Avec vous, ce serait plus simple, peut-être. Dans tous les cas... Je doute vouloir l'éviter éternellement. Ou mes découvertes seront bien maigres."

Les notes du psaltérion reprirent. Pour l'heure, il n'était pas prêt, c'était certain. Il ne le réalisait pas encore, mais s'imaginer l'avenir l'avait déjà aidé, et l'aiderait encore. Il ne le réalisait pas encore, mais il aurait dû, déjà, être reconnaissant envers Ilyanth. Au lieu de cela, son coeur restait avec l'impression d'une décision en suspens, et son espoir venait se blottir contre le Cawr.

Dernière édition par Valmys Neolenn le Ven 30 Mar 2018 - 15:02, édité 1 fois

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En livrant son vécu à son cousin, Ilyanth exprimait ses ressentis avec la spontanéité qui était la sienne, celle qui lui faisant dire les choses de la manière que lui dictait son cœur, sans les recouvrir d’un quelconque voile de mystère. Pourtant ses paroles parurent troubler le jeune apprenti et firent sourdre le doute en lui ? Aurait-il dû édulcorer ses propos ou dissimuler une partie de son passé ? Peut-être que sa sincérité, bien qu’innocente, confinait à la maladresse et blessait l’Enwr dont les vibrations reflétaient le malaise.

L’elfe solaire comprit que loin de les rapprocher, ses confessions intimes semblaient créer un fossé d’incompréhension entre eux, comme lorsqu’il son étreinte, uniquement fraternelle, avait effrayé le pauvre Valmys.

Aussi changea-t-il rapidement de sujet, désireux de ne pas embarrasser davantage le jeune homme. Cependant la réflexion du Chantefeu fit hausser un sourcil embarrassé à son vis-à-vis et celui exprima son opinion au sujet du prosélytisme d’un ton circonspect. Le Cawr remarqua que Valmys s’employait à répondre avec la prudence qui caractérisait certains Enwrs, désireux de rapporter fidèlement les enseignements de leurs maitres, sans oser les contester ou en questionner le bien-fondé. Généralement, seuls les élèves les plus téméraires ou les plus indisciplinés osaient ouvertement mentionner leur désaccord avec l’opinion de leur professeur. Néanmoins, le lié du feu estimait que pouvoir penser par soi-même et être capable de se questionner représentait une bonne chose, et lui-même avait dû s’affranchir de l’image de toute-puissance de ses mentors pour trouver sa propre voie en tant que maitre-barde.

Les paroles de Valmys firent naitre un léger sourire sur les lèvres d’Ilyanth qui songea que son cousin semblait tirer des conclusions bien hâtives à propos d’une simple réflexion. Après tout, le chantefeu n’avait fait que s’interroger à haute-voix à propos du rôle que pouvait jouer certains Baptistrels et était demeuré très vague quant à la manière de répandre le message de paix et d’harmonie de l’Ordre. Peut-être valait-il mieux qu’il développe sa pensée et ses sentiments pour dissiper tout malentendu.

- En réalité, je n’envisageais pas d’emblée le prosélytisme mais plutôt je m’interrogeais sur la manière dont il possible d’œuvrer de manière conforme aux idéaux des Baptistrels, sans se limiter aux tâches qui nous incombent au domaine. En effet, j’aime réfléchir, m’interroger sans cesse car je crois que rien n’est jamais figé et qu’il faut parfois savoir faire preuve d’ouverture et d’innovation, sans pour autant rompre avec les traditions. Je pense que les Baptistrels peuvent jouer de multiples rôles et aussi voyager à travers le monde, rencontrer d’autres personnes, tout en agissant en accord avec valeurs profondes de l’Ordre. Pour ma part, bien qu’étant un fervent défenseur de la paix, de la vérité et de l’altruisme il ne viendrait nullement à l’esprit de tenter d’imposer mon mode de vie et mes principes à qui ne l’a pas choisi, tout au plus me montrerais je me montre disponible à la demande d'aide et aux questions d’autrui.

Ilyanth s’interrompit un bref instant avant de poursuivre avec une grande douceur:

- Concernant le fait d’aller à la rencontre d’autrui et de tenter de transmettre un message de paix et d’harmonie, je pense qu’il existe des voies à envisager qui permettrait de le faire sans nuire au libre arbitre d’autrui, ne rien imposer ou juger. A mes yeux, l’Art peut être un excellent moyen de transmettre un message, de faire passer des sentiments, et de s’adresser à l’émotionnel des individus et non juste à leur intellectuel. Lorsque j’entends le chant de l’univers et les vibrations du monde, je suis subjugué par tant de beauté, de paix et d’harmonie. Au fond de moi, je crois que j’aimerais pouvoir partager ce ressenti avec d’autres, y compris des non-Baptistrels, de pouvoir leur dévoiler un part de cette connexion avec l’absolu, la paix et l’harmonie. C’est plutôt par le biais de la musique et du chant que j'aimerais tenter de faire passer ce message de paix et d’harmonie, plutôt que par du prêche ou du prosélytisme, ce qui ne me correspondrait pas vraiment. Je pense que chaque Baptistrel possède sa propre sensibilité et certains seront plus attirés par des voies différentes, intellectuelles, artistiques ou altruistes, tandis que d’autres tenteront de combiner ces multiples facettes.

Le Chantefeu possédait une voix magnifique, aux sonorités envoûtantes, qui lui avait valu le surnom de la « voix d’or » et le titre célèbre de « voix ardente ». Toutefois imaginer que celui-ci puisse quitter le domaine pour pousser la chansonnette ou jouer de son instrument afin de transmette un message de bonheur, paix et harmonie au monde pouvait peut-être sembler naïf ou idéaliste aux yeux de son cousin. Bien qu’un vieux sage lui ait dis un jour que la musique possédait la propriété d’adoucir les mœurs.

Valmys dit également n’avoir jamais rencontré de bipède ignorant les mots « paix » et « harmonie »et aborda la question de la légitimité d’un jugement vis-à-vis d’autrui. Le Rhapsodien se permit d’apporter son point de vue à ce sujet :

- A mes yeux, tout ce qui existe est harmonieux et participe à la symphonie et à l’équilibre de l’univers. Toutes les créatures mêmes non-bipèdes comme les végétaux et les animaux contribuent à cette harmonie et possède leur raison d’être, je crois que nous sommes tous les maillons d’une grande chaine d’interdépendance. Je pense également que toutes les existences ont la même valeur et qu’il existe une forme de beauté en chacun, même dans les êtres jugés les plus sombres. Ce qu’il m’arrive de considérer comme non-harmonieux ce sont certains comportements, comme le mensonge, la violence et le meurtre car ils me font terriblement mal, comme une déchirure de l’âme, une dissonance dans la merveilleuse symphonie de l’univers. Lorsque le monde souffre, j’ai l’impression de souffrir avec lui, quand ses larmes coulent, les miennes se répandent aussi. Si je cherche à m'éloigner d’individus qui prononcent sans cesse des mensonges, tuent ou font souffrir autrui, ce n’est point en raison d’un jugement de valeur ou de mépris à leur égard mais juste pour faire cesser la douleur qu’ils font naître en moi.

Le jeune apprenti acquiesça quant au fait qu'il existait de nombreuses personnes avides des soins des Baptistrels et mentionna également son désir de découvrir des savoirs enfouis au sein de ce nouvel archipel et de contribuer à leur pérennité. Ilyanth comprenait ce ressenti, étant lui-même désireux de soigner et en quête de nouvelles connaissances, parcourant sans cesse les rayonnages des bibliothèques à la recherche d’ouvrages précieux.

Partirait-il à l’aventure en compagnie de ce jeune Enwr qui n’était autre qu’un cousin caché qu’il venait de découvrir ? L'elfe hésitait encore en raison de ses grandes responsabilités de maître Baptistrel; cependant en son for intérieur il éprouvait le brûlant désir de voyager aux côtés de Valmys, de découvrir des nouveaux horizons et aussi de s'éloigner provisoirement de ce lieu où le souvenir de sa défunte épouse l'assaillait en permanence, empêchant son cœur endeuillé de cicatriser :

- J'aimerais faire un tel voyage avec toi si c'est possible bien entendu, dit-il en esquissant un sourire amusé.

Quand le chanteur évoqua de manière évasive les périls qui se trouvaient sur Néthéril, Valmys questionna l'existence d'un lieu  pleinement sûr et ajouta qu'il ne pourrait guère toujours éviter le danger, surtout si ce dernier désirait explorer l'archipel.

Ces propos firent apparaître une grimace sur le visage délicat du Cawr, en lui rappelant des souvenirs fort désagréables. Tentant de retrouver une contenance, il répondit d’un ton espiègle et taquin :

- Je pense que tu n’as pas tort en effet ! Ta question sur la sûreté d'un endroit me rappelle que le domaine dans les cimes Elfiques a été attaqué par les chimères, c’est un mauvais souvenir que j’essayais d’oublier !

Puis reprenant son sérieux, le maitre-barde poursuivit :

- Pendant longtemps j’ai vécu dans une forme d’insouciance et de naïveté et je voyais le domaine comme un lieu sacré, protégé par de puissantes barrières magiques, où nulle menace ne pouvait nous frapper. En vérité, la sécurité absolue n’existe sans doute pas, même si selon les circonstances il existe des endroits plus sûrs que d’autres.

En effet, l’apprenti était probablement plus en sûreté au domaine Baptistral plutôt qu’emprisonné dans la calle d’un navire pirate, bien que cela soit relatif.

- Je crois également que tu ne pourras pas éviter éternellement le danger, même si tu ne quittes jamais le domaine, car c’est là que les chimères nous ont attaqué sur Ambarhùna et j’étais présent ce jour-là…

Une douleur sourde naquit dans son cœur à cette pensée et la violence des images s’imposa à nouveau à son esprit. Les prunelles couleur aigue-marine de l’elfe solaire s’obscurcirent d’un nuage de mélancolie et d’inquiétude et il dit dans un murmure :

- Les chimères…Je pense qu’un jour ou l’autre elles nous retrouveront, l’ignore quand et comment, mais j’en suis persuadé.

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Le nez rivé sur les cordes de son instrument, à la recherche de rouille qu'il aurait pu ne pas voir lorsqu'il s'était occupé de remettre son instrument d'aplomb après ses mésaventures en eau salée, Valmys ne vit pas la grimace du Cawr, tandis qu'ils parlaient de danger. Les notes se glissaient dans les airs, lentes, détachées, timides, et l'Enwr vérifiait que son psaltérion était bien accordé, tout comme les notes vérifiaient qu'elles avaient le droit d'exister, que le monde n'allait pas chercher à les étouffer. Elles trahissaient bien trop leur musicien, et les minuscules pas que celui-ci faisait vers l'extérieur, guidé par le Cawr de feu.

Bien que distrait, l'apprenti crut percevoir quelques harmoniques tristes dans le ton joueur de son cousin. Rien de moins naturel, au vu des souvenirs qu'il évoquait. Cependant, Ilyanth avait un sourire communicatif, et Valmys sentit ses zygomatiqus s'étirer, malgré lui. Il regretta que le chantefeu dise la vérité, un instant. Il avait des questions sur les chimères, hésitait à les poser. Savoir que son guérisseur cherchait à oublier ces souvenirs le freinait nettement dans ces désirs.
Les notes du psaltérion se turent, leur joueur affichant un air qui dénonçait autant les questionnements et pensées qui s'agitaient en lui, comme autant d'engrenages, que la concentration dont il usait pour partager ces pensées avec une écouter de ce qui lui était dit. Totalement immobile, il ne parut revenir à la vie qu'aux derniers mots de l'elfe solaire, pour afficher une légère grimace, douloureuse également.

"- De ce qui m'a été dit, c'est également l'idée que j'ai."

Des images défilèrent devant ses yeux. Brièvement, il vit la silhouette du chanteciel qui l'avait instruit de cela, avant de se perdre dans le chant qui s'imposait à ses souvenirs, mieux ancrés que certaines de ses mémoires personnelles. Le chant présentait Néant, expliquant à des mortels le contrat originel, et la menace qui guettait les créations divines, si leur sagesse n'était pas au goût d'Origine.

"- Je doute qu'une telle punition puisse se fuir en courant. Les nôtres gagnent peut-être du temps... Mais s'ils ne l'utilisent pas à bon escient, je crains que nous ayons à nouveau à fuir."

Oh, cela permettrait peut-être de nouvelles découvertes, de nouveaux savoirs, peut-être même la clef de leur survie, si les miracles existaient encore. Mais parmis les autres hypothèses possibles demeuraient également celles que les chimères prennent possession du monde avant eux, ne leur laissant nulle part où se refugier, ou que les habitants de la terre sur laquelle ils se rendaient se montrent plus agressifs qu'eux.
Ilyanth avait, de lui-même, abordé à nouveau le sujet des chimères. Peut-être était-ce là un élément sur lequel lui avait besoin d'être rassuré. En tout cas, il avait ouvert une porte que Valmys avait cru close jusqu'alors. Ne pouvant toujours pas oser poser sa main sur l'épaule de son cousin, malgré toute l'envie qu'il avait de lui apporter un soutien émotionnel, l'Enwr s'orienta vers quelque autre idée. Un instant, il chercha en lui la manière par laquelle il aurait souhaité être abordé, sur un sujet qui lui donnait des envies d'oubli. Timidement, il essaya:

"- Ne te sens pas obligé de me répondre: je serais peiné que tu te forces pour moi. Je n'ai jamais eu à faire aux chimères, je ne les ai jamais vues et à part leur nom, j'en sais très peu sur elles... Pourrais-tu me dire ce que toi tu sais ? Ou... M'orienter vers quelqu'un qui le pourrait ?"

Ses regards fuyants et sa voix, plus basse, plus hésitante, auraient suffi même à un bipède extérieur à l'Ordre pour savoir qu'il ne mentait pas, quand il disait ne pas vouloir forcer son cousin. C'est que la seule idée de forcer quoi que ce soit lui rappelait de bien douloureux souvenirs.
Il s'accrochait à l'idée qu'il savait comment le consoler ensuite, ou au moins lui changer les idées.

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Tandis que l’elfe solaire révélait ses craintes concernant les chimères à son cousin, il constata avec amertume que ce dernier partageait son appréhension. Peu de doutes étaient permis et ces créatures éthérées finiraient par retrouver la trace des exilés…Le Chantefeu aurait désiré qu’il en soit autrement mais la cruelle réalité s’imposait à lui.

- J’ignore quand l’affrontement final surviendra, mais je pressens qu’il sera terrible et que cette fois-ci, je le crains, nous n’aurons pas d’autre alternative que de triompher ou de périr en essayant.

Ses mires de céladon et de jade embrassèrent le firmament un bref instant avant de se reposer sur le paysage environnant.

- Je pense que nous devons aussi apprendre de nos erreurs, si le contrat originel a été rompu, c’est que les peuples ont commis une faute…Mais laquelle ?

Ce dernier point demeurait un mystère inpénétrable et pourtant il les avait précipité au cœur de la tourmente. Le Baptistrel se remémora ce jour maudit où les chimères avaient déferlé sur le domaine Baptistral, y semant chaos et désolation, mort et destruction. La voix de son cousin qui, à présent, semblait lui parvenir de très loin le fit sursauter quand elle prononça ces mots « Ne te sens pas obligé de me répondre ».

Un sourire triste naquit sur les lippes du Rhapsodien à l’idée qu’il ne pouvait en être autrement. Celui-ci en avait déjà trop dis pour reculer et ne pas satisfaire la légitime curiosité du jeune apprenti. Cependant, l’elfe solaire ne pouvait ignorer que cette replongée mnésique ne se ferait pas sans heurts car dévoiler ces souvenirs honnis, qu'il tentait désespérément de chasser de son esprit, lui ferait affronter les fantômes du passé. Ces événements douloureux resteraient à jamais gravé au sein de sa mémoire et c’est avec mélancolie que celui-ci s’égara dans les chemins tortueux de son vécu traumatique.

- Je vais te répondre car je crois qu’il est de mon devoir de le faire. J’ai affronté ces créatures venues du plan astral et que l’on nomme Chimères. La première fois que je les ai rencontrées je me trouvais au domaine situé au sommet des cimes Elfique sur Ambarhùna. Je revenais d’une réunion du conseil de la Rhapsodie destinée à décider de la nomination d’un nouveau maître Baptistrel. L’apprenti en question se nommait Ascheriit et il s’agissait d’un ami très cher à mon cœur. Or, ce dernier était victime d’une malédiction du dragon qui l’empêchait de recourir à la magie et comme tu le sais la magie est d’une importance primordiale pour un maître barde…Dès lors nous cherchions un moyen de briser cette malédiction.

Évoquer Ascheriit ravivait toujours d’anciennes souffrances et la morsure de la culpabilité dans l’âme du chanteur à la voix ardente. La suite des événements allait se révéler tragique mais, pour l’heure, Valmys l’ignorait.

Dans un souffle, Ilyanth poursuivit son récit :

- Je traversais le parc du domaine afin de regagner ma chambre lorsque des étranges trous noirs, accompagnés d’un sifflement suraigu, se sont formés autour de moi et des loups vampiriques en ont jailli. Par ailleurs, l’énergie du Néant s’était répandue sur le domaine, nous privant de toute capacité à user de notre magie et du pouvoir des esprits-liés. Ces monstruosités se sont jetées sur les personnes présentes pour les enlever et je n’ai pu m’échapper qu’à grande peine pour me réfugier à l’intérieur de l’observatoire céleste avec d’autres rescapés de cette offensive Chimérique…


Le simple fait d’en parler faisait renaître de terrifiantes visions devant les yeux du lié du feu, et son plus cher désir à cet instant aurait été de les effacer à jamais, mais s’exhortant au courage ce dernier décida de continuer.

- Les chimères sont parvenues à pénétrer dans notre lieu de retraite et moi ainsi que mes compagnons d’infortune nous sommes barricadés au sein de la bibliothèque. Après une lutte acharnée pour leur résister, l’une d’entre elles m’a agrippé et cherchait à m’entrainer à l’intérieur d’un trou noir pour m’enlever…C’est alors qu’Ascheriit s’est interposé.

Le Cawr se mordit les lèvres et sa voix, à présent, se réduisait à un murmure :

- Il s’est sacrifié pour me sauver et a été enlevé à ma place par les chimères…

Les prunelles menthe à l’eau du Chantefeu s’embuèrent de larmes qu’il essuya d’un geste de la main.

- Pourtant, je refusais de croire à sa mort et en dépit de sa disparition j’étais persuadé qu’un jour le reverrais. J’attendais juste un signe, quelque chose qui me guiderait sur sa piste et un jour le miracle s’est produit.

Ilyanth se tourna en direction du jeune apprenti et le regarda avec intensité :

- Une nouvelle note est apparue, inconnue des maitre Baptistrels et dont la vibration résonnait étrangement. Suivant mon intuition et convaincu qu’elle me conduirait à Ascheriit je l’ai suivi jusqu’aux confins des terres désolées et au cœur de la cachette des chimères. Et c’est là que je l’ai vu, Ascheriit ou plutôt non…une chimère qui avait pris possession de son corps et de son esprit, et ayant utilisé son pouvoir pour faire de notre frère un Baptistrel en dépit de la malédiction qui le rendait impuissant magiquement. Un Baptistrel d’un genre nouveau venait de naître, utilisant la puissance de Néant et notre magie à des fins maléfiques: un Chantevide.

Aujourd’hui encore le maitre Baptistrel en frémissait et surtout ce dernier ignorait ce qu’il était advenu de son ami disparu et comment le délivrer de l’emprise chimérique.

- Les chimères peuvent prendre le contrôle du corps des créatures vivantes et éteindre leur conscience. L’une d'entre elle s’est emparée de moi lorsque je suis allé dans le plan astral en compagnie d’autres aventuriers désireux de les combattre…J’ai pu m’en défaire mais cette possession m’a laissé certaines séquelles mentales…

Le jeune Elfe se rappelait l’horrible sentiment qui l’avait envahi lors de l’agonie de cette créature au moment du franchissement de la barrière magique érigée par les déesses. Cet événement avait brisé son esprit et effacé des pans entiers de sa mémoire. A ce souvenir, une violente douleur lui broya le cœur.

- Excuse-moi, je ne me sens pas très bien. J’aimerais me reposer dans ma chambre et resté un moment seul, dit-il d’un ton chancelant. Si tu as d’autres questions, reviens me voir, j’y répondrais mais plus tard.

Le Chantefeu détourna le regard et commença à s’éloigner, songeant à la grande difficulté qu’ils avaient à se rapprocher sans se blesser l’un l’autre, en raison de leur fragilité mutuelle et de leurs blessures intérieures, tels deux hérissons recherchant de la chaleur et s'enfonçant leurs épines acérées. Ce constat l’attristait et le Cawr espérait que le temps les aiderait à se connaitre et à s’apprivoiser et que si tous deux étaient dépositaires d’un passé empli de noirceur le futur abritait une lueur d’espoir.
Spoiler :

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