Kehlvehan
Vairë
- Noathun, orgue à eau : Un instrument massif, lourd et magnifique, installé dans l'une des salles de sa demeure sur le domaine Baptistral. Il s'agit de son instrument principal, celui qu'il a maîtrisé en premier. Cette version lui a été offerte suite à son accession au titre de Gardien. Son son, très pur, est augmenté par le pouvoir de son affinité à l'eau, convoyant son pouvoir au travers de sa résonance.
- Issbrandr & Hvitr (dagues de cérémonies) : Dagues longues jumelles, elles sont issues de la refonte de Morte-Etoile, l’arme de son fils qui lui a été léguée. Ces deux armes possèdent des lames pâles d’acier damasquiné, avec un centre plus sombre, des gardes longues d’os gainé de cuir et un pommeau réduit incrusté pour l’une d’une perle sombre, pour l’autre d’une perle claire. Chacune porte son cimier personnel ainsi que l’insigne de sa maison depuis qu’il a été anobli. Les dagues jumelles possèdent deux tranchants chacune, et une forme légèrement arrondie sur la base. Elles sont nées de son dégoût pour la lame qui lui été échue, et qui représentait à ses yeux une trahison odieuse et la perte de la justice. Refusant de subir la présence de ce témoignage d’un passé peu glorieux, entachant son nom, Kehlvehan demanda à l’héritier d’Everelle de fondre l’épée afin d’en faire deux dagues, décidant de transformer cette souillure et de rendre au mythril elfique sa noblesse. Il les utilise pour ses danses rituelles.
- Silaria, anneau du maître architecte : Chevalière offerte par l’impératrice Galadrielle lors de sa nomination, symbole de sa fonction d'alors. Il est fait d’un alliage de rhodium et de nickel, et frappé du sceau de l’ordre du génie elfique. Sur la bande est incrustée une discrète citrine taillée en ovale. Le corps de l’ornement est subtilement gravé de décorations florales et schématiques mêlées, symbole de la volonté du peuple elfique d’intégrer son espace de vie à l’environnement naturel. Sur la face intérieure de la bande est gravé, en elfique, la devise de son ordre ainsi que le vœu que l’impératrice lui adressa lors de son entrée en fonction.
Glyphe 1 : Déconstruction - Draconique
A l’activation du glyphe, permet par magie de déconstruire un bâtiment ou un objet marqué par l’anneau. La déconstruction demande énormément d’énergie et de concentration (perte temporaire d’un rang en force mentale et perception) et prend du temps. Le temps est plus important si objet magique. Néanmoins, lorsqu’elle est complète, elle ramène la cible à ses composants d’origine. La déconstruction se poursuit, une fois lancée, peu importe si l’objet cible est visible ou non. Il doit cependant être visible lors de l’activation du glyphe pour que l’effet fonctionne (rayon de 30m). Il est possible de stopper la déconstruction par magie, mais pas par des moyens classiques (physiques). Plus l’objet visé est gros, plus il demande de temps et d’énergie. Le glyphe n’est pas utilisable sur des matières vivantes (personnes, animaux).
Souple et haute forme, tel le roseau ondoyant, les membres fins mais musclés par un exercice ajusté, fibres nerveuses autant que sensuelles dans l’exquis du geste calculé, dans la courbe et dans l’approche. Découpe ciselée, le port régalien, impérial, et pourtant empreint d’un intense sentiment de découragement, de froide résignation, figure marmoréenne soutenant à la perfection le typhon approchant, malgré l’angoisse, malgré la peur. Toujours haute et forte, jamais ployée. Malgré l’erreur. La tête haute domine l’affect, ne ployant que sous la musique. Le corps froid laisse à l’onde symphonique le loisir de l’échauffer, de lui dicter ses mouvements, son rythme, de le teindre de sa couleur, éphémère, vivante dans ce carcan d’airain argenté, la courbe en libretto, les mouvements une mélopée. Danseur et musicien, marqué par l’étoile, baigné par les larmes, artiste au corps réceptif, hymne à l’art salvateur, dont le pas suit les flots d’un cœur vibrant mais blessé, à l’humeur aussi changeante que les vagues de l’océan auquel il est lié. Tantôt paisible, majestueux, tantôt enjoué par les trilles d’une nature fébrile, tantôt encore porté par un languissant désespoir, dans une traîne de deuil drapé. La mesure toujours présente, souvent subtiles, une beauté banalisée pour le confort d’un auditoire qui ne saurait le remarquer, discordante dans sa perfection cadencée.
L’œil caresse la ligne réactive d’une silhouette équilibrée, avant la déroute d’une mire étrange, l’approche vert-de-gris aux rondeurs ardoises et aux angles bistres. L’hétérochromie comme une métaphore de son âme écartelée, les yeux dragons, pourtant bien loin de leur majesté, dotés de la leur propre, l’œillade tranchante et directe, s’ancrant dans l’esprit et la psyché, le spectre d’une pellicule aqueuse, jeu de conscience et de présence, là où la lueur éveillée ondoie au travers de la rêverie comme de l’étude, se peignant de grès aux arrêtes dures de la réprobation, se parant d’anthracite à l’aube de la tendresse. Orbes de vie, leur lumière intérieure gagne les traits racés au dessin prestigieux, ciselés avec détail, expressifs et pourtant froids, l’image d’une statue sur laquelle son créateur se serait acharné jusqu’à la déraison. La subtilité de l’expression flatte, même dans la douleur, en une image d’éternité, la symétrie saisissante, la gravure masculine pétrie d’une élégance naturelle, instinctive et viscérale plus que recherchée, la peinture de l’esprit sur le grain fin d’une peau d’albâtre. Ses lèvres fines, voile d’une voix enchanteresse aux accents entêtants et troublants, union d’une antique lumière et du râle d’une souffrance psychologique aussi intense que la fournaise du cœur d’un dragon, portent l’ombrage de l’argent brossé, scellés par les vœux de vérité.
Immaculé de corps, auréolé de la blancheur d’une neige fraichement tombée, chevelure lisse au blanc soyeux se lovant le long de sa silhouette aristocratique. Tranchant lunaire sur les souples et soyeuses étoffes aussi colorées que son jeu est nostalgique, prégnant d’une tristesse devenue art, déifiée. Parures chamarrées, complimentant son être, part intégrante d’un art d’être, eux réceptacles de la beauté et du savoir, égéries vivantes du bien que pouvaient faire naître leurs peuples. Colibri tragique dissimulant sa peine dans la parfaite liturgie de l’ordre, gardant par devers lui ses souffrances qui pourtant, transparaissent dans ses créations, acier d’un esprit imbrûlé émergeant de l’eau d’un deuil longuement mené.
Il observait les rives ondoyantes du sanctuaire de l'eau, perdu dans ses pensées, se laissant porter comme l'écume sur les flots. Ses pas l'avaient mené jusqu'en ce lieu à d'innombrables reprises, ces derniers mois, un fragment de son être irrésistiblement attiré par les mouvances chatoyantes de ses profondeurs. L'appel vibrait, frémissant dans chaque fibre de son être comme il l'avait fait, des années durant, pour son intronisation au statut de Cawr. Il fleurissait sur sa peau délicate, au travers de ses sens, unique et singulier, impérial de fascination élégiaque, et pourtant... il s'y soustrayait encore. Chaque fois, la prégnance l'emplissait, riche et vivre, en un chant mirifique, et chaque fois, il reculait, se dérobait, opposant le refus de son cœur à la mélopée de son âme. Et pourtant, il se tenait là, droit comme un roc, souple comme un saule, oscillant lentement au rythme mirifique de la musique éthérée qui, tout autours de lui, jouait son rondo. Son corps se tendait presque imperceptiblement vers les flots alors que son esprit s'immergeait dans les rivières vives que la clarté lui inspirait…
Qui était-il ?
Il était l'étoile... Prylla, symbole de l'amour perdu, était sa patronne, lorsqu'il savoura pour la première fois l'air du monde physique, baigné de la lumière stellaire de l'Observatoire Céleste, ce fut elle qui vint à lui. Son Aria. Sa guide. D'elle, il tirait son calme et sa patience, même dans les pires moments, son esprit éthéré trop élevé pour se laisser aisément submergé, tour d'ivoire fière, forte d'une détermination aussi dure que le diamant, dans un écrin de soie. D'elle, il recevait la clarté d'une imagination chatoyante de diversité, infinie dans sa capacité à s'évader, à créer et à évoquer les affects et la magnificence du monde aux cœurs et aux âmes de ses spectateurs. La grâce de son inspiration le portait, teintant le monde de ses jeunes années d'une myriade de palettes où chaque être, chaque objet devenait une histoire, un conte dans la grande tapisserie de la vie. Sensible, il ressentait la musique comme une impulsion physique, bien avant son intronisation. Porté par le chant de l'amour perdu, son être se dédiait à l'espoir, à embrasser le monde. Le regard qu'il posait sur le monde était sans jugement aucun, alors, et certainement sans préjugés, capable d'apprendre et d'accepter. Le verbe plaisant cherchait à unir, à élever. Les yeux grands ouverts cherchaient à explorer.
Il était la glace... Les épreuves l'avaient forgé, en bien comme en mal. Lui qui rayonnait d'optimisme et d'altruisme, il avait connu l'amertume, la trahison. Sa lumière s'était tarie, lentement saignée hors de lui jusqu'à ce qu'il n'en reste qu'une vague mémoire, un nostalgique souvenir d'antan. Le regard qu'il portait sur le monde n'était plus celui qu'il avait vingt ans plus tôt. Peut-être avait-on condamné cette innocence dès l'instant où il avait revêtu le mantelet qui était désormais le sien, inextricable de son être. Chantelarmes, destiné à la peine. Le sceau au fer rouge sur sa conscience ne disparaîtrait jamais, elle resterait, toujours, au fond de son être. A la détermination s'ajoutait la sévérité, l'exigence d'une discipline qu'il était le premier à s'infliger, la recherche de la perfection du verbe et de la pensée. Maniaque, il peinait alors à faire confiance aux autres, après avoir vu son propre sang se retourner contre lui. Lui qui s'exaltait du monde comme d'un sublime rêve connaissait désormais le goût de la haine, et de la rancœur qui couvait encore en lui. Bien qu'entouré, il reste solitaire, ne laissant son entourage l'approcher qu'en surface, jamais en profondeur, secret dans son désir de taire ses ressentis, pour son bien comme pour celui des autres. Il ne veut pas les souiller, uniquement les protéger de ceux qui, comme lui, ont vu la lumière s'éteindre.
Il était l'onde... Mais il n'avait pas découvert que la part d'ombre de son propre monde. Ou plutôt, celle-ci n'avait pas évoqué en lui que de la souillure. En fin de compte, l'étoile tombée dans les flots s'était diluée, s'unissant aux profondeurs sombres pour les mesurer. Sa froide méfiance, sa dureté diamantine ne l'empêchait nullement de s'inquiéter du sort des siens, de ces Cawr et Enwr dont le Domaine se constituait. Il voulait leur sécurité, il les voulait sauf. Protecteur, l'âme d'acier se découvrait également capable d'empathie, là où son être éthéré n'avait pu s'accrocher à tant de bas échos d'un monde trop physique pour son intellect. Avoir vécu dans la boue avait contribué à lui ouvrir les yeux, à étendre sa capacité de compréhension aux basses de l'esprit mortel. Attentif aux troubles du cœur, il les acceptait et les accompagnait sans pour autant ployer devant eux. Pour eux, il se fait distingué, cultivé, droit et solide, endossant le mantelet de Gardien afin de les couver, leur donner ce que lui n'aurait plus jamais, mais que jamais il ne leur aurait refusé. Compétent, il met sa droiture au service des autres sans pour autant se défaire de l'armure de sa méfiance, courageux, il défend ses positions au travers des subtiles enseignements de l'ordre mais également grâce à ses ressources personnelles. Déjà rompu aux secrets de la Rhapsodie, sa compétence s'applique à entretenir et faire croître leur Domaine, car après tout, ils ont beaucoup à rattraper, après les pertes dues au Néant. S'il en est satisfait ? Jamais, la critique toujours vive, ses propres efforts ne lui suffisent qu'à peine, l'ordre toujours sa vérité.
Un soupire fendit l'immobilité de son corps gracieux. Qui était-il en fin de compte aujourd'hui ? Il n'était plus Cherches-étoiles, de cela il était certain. Mais il s'éloignait lentement de son titre de Chantelarmes, ou tout du moins l'espérait-il…
Alignement : Il s'occupe avant tout du Domaine et des siens, mais ne manque pas aux principes de l'Ordre quand on le sollicite. Pacifiste et neutre, il ne se soucie pas moins du sort des elfes pour autant et s'intéresse d près à l'immaculation. La découverte mutuelle avec les Graarhs, il l'encourage sincèrement, le peuple étant non seulement intéressant mais… un peuple, tout simplement. L'attitude des autres nations le laisse perplexe, en particulier ceux acceptant l'esclavagisme, mais ces nations ne répondent pas auprès de lui et il ne peut les forcer à rien. Pour le moment, il cherche surtout à protéger les siens et à les reconstruire après l'exile. Les Chimères le préoccupe également énormément et il ne cesse d'essayer d'obtenir des nouvelles de l'ancien continent en s'unissant à l'océan pour bénéficier de ce qu'il transporte.
Les Graarhs sont pour lui un peuple étrange, curieux et complètement nouveau. Au départ, il a interdit aux siens de s'en approcher, parlant par méfiance et par souffrance mais il est revenu sur cette décision par la suite. Pour autant, bien qu'il trouve cette race intéressante, il reste également foncièrement prudent, ayant déjà eut à subir la trahison d'êtres bien plus proches, alors pourquoi pas de ces natifs ? S'ils sont pacifistes et ne leur veulent pas de mal, cela lui va très bien, autrement, quelque chose devra être fait. Pour autant, les félins ne semblent pas vouloir mettre le siège au Domaine, aussi autorise-t-il ceux qui le désirent à entrer et à vivre avec eux. Il est ambivalent, allant de l'avant avant de reculer. Seule une confrontation plus poussée pourra réellement faire émerger quelque chose.
Vairë
Identité et caractéristiques
- Race : Elfe
- Sexe : Homme
- Surnom : Ame d’acier (Nordiques) – Cherche-étoile (elfes) – Chantelarmes (baptistrels)
- Date de naissance : 1062 du deuxième âge
- Age réel : 700 ans
- Age en apparence : La quarantaine
- Lieu de naissance : Domaine Baptistral (Observatoire Céleste)
- Lieu de vie : Domaine Baptistral
- Rang social :Noble
- Poste/Emploi : Gardien des préceptes | Chantepluie | Ancien grand architecte elfique
- Force : Faible
- Endurance : Moyen
- Coordination (agilité/réflexe) : Bon
- Furtivité : Faible
- Perception : Bon
Caractéristiques physiques
- Force mentale : Maître
- Education : Très bon
- Charisme : Très bon
- Intuition : Très bon
- Espérance/chance : Moyen
Caractéristiques mentales
- Résistance physique : Moyen
- Résistance magique : Bon
Résistances
- Magie : Maître
- Expertise :
- Arme 1 : Dague et poignard : Très faible
- Arme 2 : /
- Arme 3 : /
- Arme 4 : /
- Habileté : Bon
- Navigation : Moyen
- Equitation : Bon
- Dressage : Bon
Compétences
- Bonus : Intuition (Baptistrel)
Bonus
Équipements
- Noathun, orgue à eau : Un instrument massif, lourd et magnifique, installé dans l'une des salles de sa demeure sur le domaine Baptistral. Il s'agit de son instrument principal, celui qu'il a maîtrisé en premier. Cette version lui a été offerte suite à son accession au titre de Gardien. Son son, très pur, est augmenté par le pouvoir de son affinité à l'eau, convoyant son pouvoir au travers de sa résonance.
- Issbrandr & Hvitr (dagues de cérémonies) : Dagues longues jumelles, elles sont issues de la refonte de Morte-Etoile, l’arme de son fils qui lui a été léguée. Ces deux armes possèdent des lames pâles d’acier damasquiné, avec un centre plus sombre, des gardes longues d’os gainé de cuir et un pommeau réduit incrusté pour l’une d’une perle sombre, pour l’autre d’une perle claire. Chacune porte son cimier personnel ainsi que l’insigne de sa maison depuis qu’il a été anobli. Les dagues jumelles possèdent deux tranchants chacune, et une forme légèrement arrondie sur la base. Elles sont nées de son dégoût pour la lame qui lui été échue, et qui représentait à ses yeux une trahison odieuse et la perte de la justice. Refusant de subir la présence de ce témoignage d’un passé peu glorieux, entachant son nom, Kehlvehan demanda à l’héritier d’Everelle de fondre l’épée afin d’en faire deux dagues, décidant de transformer cette souillure et de rendre au mythril elfique sa noblesse. Il les utilise pour ses danses rituelles.
- Silaria, anneau du maître architecte : Chevalière offerte par l’impératrice Galadrielle lors de sa nomination, symbole de sa fonction d'alors. Il est fait d’un alliage de rhodium et de nickel, et frappé du sceau de l’ordre du génie elfique. Sur la bande est incrustée une discrète citrine taillée en ovale. Le corps de l’ornement est subtilement gravé de décorations florales et schématiques mêlées, symbole de la volonté du peuple elfique d’intégrer son espace de vie à l’environnement naturel. Sur la face intérieure de la bande est gravé, en elfique, la devise de son ordre ainsi que le vœu que l’impératrice lui adressa lors de son entrée en fonction.
Glyphe 1 : Déconstruction - Draconique
A l’activation du glyphe, permet par magie de déconstruire un bâtiment ou un objet marqué par l’anneau. La déconstruction demande énormément d’énergie et de concentration (perte temporaire d’un rang en force mentale et perception) et prend du temps. Le temps est plus important si objet magique. Néanmoins, lorsqu’elle est complète, elle ramène la cible à ses composants d’origine. La déconstruction se poursuit, une fois lancée, peu importe si l’objet cible est visible ou non. Il doit cependant être visible lors de l’activation du glyphe pour que l’effet fonctionne (rayon de 30m). Il est possible de stopper la déconstruction par magie, mais pas par des moyens classiques (physiques). Plus l’objet visé est gros, plus il demande de temps et d’énergie. Le glyphe n’est pas utilisable sur des matières vivantes (personnes, animaux).
Description physique
Souple et haute forme, tel le roseau ondoyant, les membres fins mais musclés par un exercice ajusté, fibres nerveuses autant que sensuelles dans l’exquis du geste calculé, dans la courbe et dans l’approche. Découpe ciselée, le port régalien, impérial, et pourtant empreint d’un intense sentiment de découragement, de froide résignation, figure marmoréenne soutenant à la perfection le typhon approchant, malgré l’angoisse, malgré la peur. Toujours haute et forte, jamais ployée. Malgré l’erreur. La tête haute domine l’affect, ne ployant que sous la musique. Le corps froid laisse à l’onde symphonique le loisir de l’échauffer, de lui dicter ses mouvements, son rythme, de le teindre de sa couleur, éphémère, vivante dans ce carcan d’airain argenté, la courbe en libretto, les mouvements une mélopée. Danseur et musicien, marqué par l’étoile, baigné par les larmes, artiste au corps réceptif, hymne à l’art salvateur, dont le pas suit les flots d’un cœur vibrant mais blessé, à l’humeur aussi changeante que les vagues de l’océan auquel il est lié. Tantôt paisible, majestueux, tantôt enjoué par les trilles d’une nature fébrile, tantôt encore porté par un languissant désespoir, dans une traîne de deuil drapé. La mesure toujours présente, souvent subtiles, une beauté banalisée pour le confort d’un auditoire qui ne saurait le remarquer, discordante dans sa perfection cadencée.
L’œil caresse la ligne réactive d’une silhouette équilibrée, avant la déroute d’une mire étrange, l’approche vert-de-gris aux rondeurs ardoises et aux angles bistres. L’hétérochromie comme une métaphore de son âme écartelée, les yeux dragons, pourtant bien loin de leur majesté, dotés de la leur propre, l’œillade tranchante et directe, s’ancrant dans l’esprit et la psyché, le spectre d’une pellicule aqueuse, jeu de conscience et de présence, là où la lueur éveillée ondoie au travers de la rêverie comme de l’étude, se peignant de grès aux arrêtes dures de la réprobation, se parant d’anthracite à l’aube de la tendresse. Orbes de vie, leur lumière intérieure gagne les traits racés au dessin prestigieux, ciselés avec détail, expressifs et pourtant froids, l’image d’une statue sur laquelle son créateur se serait acharné jusqu’à la déraison. La subtilité de l’expression flatte, même dans la douleur, en une image d’éternité, la symétrie saisissante, la gravure masculine pétrie d’une élégance naturelle, instinctive et viscérale plus que recherchée, la peinture de l’esprit sur le grain fin d’une peau d’albâtre. Ses lèvres fines, voile d’une voix enchanteresse aux accents entêtants et troublants, union d’une antique lumière et du râle d’une souffrance psychologique aussi intense que la fournaise du cœur d’un dragon, portent l’ombrage de l’argent brossé, scellés par les vœux de vérité.
Immaculé de corps, auréolé de la blancheur d’une neige fraichement tombée, chevelure lisse au blanc soyeux se lovant le long de sa silhouette aristocratique. Tranchant lunaire sur les souples et soyeuses étoffes aussi colorées que son jeu est nostalgique, prégnant d’une tristesse devenue art, déifiée. Parures chamarrées, complimentant son être, part intégrante d’un art d’être, eux réceptacles de la beauté et du savoir, égéries vivantes du bien que pouvaient faire naître leurs peuples. Colibri tragique dissimulant sa peine dans la parfaite liturgie de l’ordre, gardant par devers lui ses souffrances qui pourtant, transparaissent dans ses créations, acier d’un esprit imbrûlé émergeant de l’eau d’un deuil longuement mené.
Description psychologique
Il observait les rives ondoyantes du sanctuaire de l'eau, perdu dans ses pensées, se laissant porter comme l'écume sur les flots. Ses pas l'avaient mené jusqu'en ce lieu à d'innombrables reprises, ces derniers mois, un fragment de son être irrésistiblement attiré par les mouvances chatoyantes de ses profondeurs. L'appel vibrait, frémissant dans chaque fibre de son être comme il l'avait fait, des années durant, pour son intronisation au statut de Cawr. Il fleurissait sur sa peau délicate, au travers de ses sens, unique et singulier, impérial de fascination élégiaque, et pourtant... il s'y soustrayait encore. Chaque fois, la prégnance l'emplissait, riche et vivre, en un chant mirifique, et chaque fois, il reculait, se dérobait, opposant le refus de son cœur à la mélopée de son âme. Et pourtant, il se tenait là, droit comme un roc, souple comme un saule, oscillant lentement au rythme mirifique de la musique éthérée qui, tout autours de lui, jouait son rondo. Son corps se tendait presque imperceptiblement vers les flots alors que son esprit s'immergeait dans les rivières vives que la clarté lui inspirait…
Qui était-il ?
Il était l'étoile... Prylla, symbole de l'amour perdu, était sa patronne, lorsqu'il savoura pour la première fois l'air du monde physique, baigné de la lumière stellaire de l'Observatoire Céleste, ce fut elle qui vint à lui. Son Aria. Sa guide. D'elle, il tirait son calme et sa patience, même dans les pires moments, son esprit éthéré trop élevé pour se laisser aisément submergé, tour d'ivoire fière, forte d'une détermination aussi dure que le diamant, dans un écrin de soie. D'elle, il recevait la clarté d'une imagination chatoyante de diversité, infinie dans sa capacité à s'évader, à créer et à évoquer les affects et la magnificence du monde aux cœurs et aux âmes de ses spectateurs. La grâce de son inspiration le portait, teintant le monde de ses jeunes années d'une myriade de palettes où chaque être, chaque objet devenait une histoire, un conte dans la grande tapisserie de la vie. Sensible, il ressentait la musique comme une impulsion physique, bien avant son intronisation. Porté par le chant de l'amour perdu, son être se dédiait à l'espoir, à embrasser le monde. Le regard qu'il posait sur le monde était sans jugement aucun, alors, et certainement sans préjugés, capable d'apprendre et d'accepter. Le verbe plaisant cherchait à unir, à élever. Les yeux grands ouverts cherchaient à explorer.
Il était la glace... Les épreuves l'avaient forgé, en bien comme en mal. Lui qui rayonnait d'optimisme et d'altruisme, il avait connu l'amertume, la trahison. Sa lumière s'était tarie, lentement saignée hors de lui jusqu'à ce qu'il n'en reste qu'une vague mémoire, un nostalgique souvenir d'antan. Le regard qu'il portait sur le monde n'était plus celui qu'il avait vingt ans plus tôt. Peut-être avait-on condamné cette innocence dès l'instant où il avait revêtu le mantelet qui était désormais le sien, inextricable de son être. Chantelarmes, destiné à la peine. Le sceau au fer rouge sur sa conscience ne disparaîtrait jamais, elle resterait, toujours, au fond de son être. A la détermination s'ajoutait la sévérité, l'exigence d'une discipline qu'il était le premier à s'infliger, la recherche de la perfection du verbe et de la pensée. Maniaque, il peinait alors à faire confiance aux autres, après avoir vu son propre sang se retourner contre lui. Lui qui s'exaltait du monde comme d'un sublime rêve connaissait désormais le goût de la haine, et de la rancœur qui couvait encore en lui. Bien qu'entouré, il reste solitaire, ne laissant son entourage l'approcher qu'en surface, jamais en profondeur, secret dans son désir de taire ses ressentis, pour son bien comme pour celui des autres. Il ne veut pas les souiller, uniquement les protéger de ceux qui, comme lui, ont vu la lumière s'éteindre.
Il était l'onde... Mais il n'avait pas découvert que la part d'ombre de son propre monde. Ou plutôt, celle-ci n'avait pas évoqué en lui que de la souillure. En fin de compte, l'étoile tombée dans les flots s'était diluée, s'unissant aux profondeurs sombres pour les mesurer. Sa froide méfiance, sa dureté diamantine ne l'empêchait nullement de s'inquiéter du sort des siens, de ces Cawr et Enwr dont le Domaine se constituait. Il voulait leur sécurité, il les voulait sauf. Protecteur, l'âme d'acier se découvrait également capable d'empathie, là où son être éthéré n'avait pu s'accrocher à tant de bas échos d'un monde trop physique pour son intellect. Avoir vécu dans la boue avait contribué à lui ouvrir les yeux, à étendre sa capacité de compréhension aux basses de l'esprit mortel. Attentif aux troubles du cœur, il les acceptait et les accompagnait sans pour autant ployer devant eux. Pour eux, il se fait distingué, cultivé, droit et solide, endossant le mantelet de Gardien afin de les couver, leur donner ce que lui n'aurait plus jamais, mais que jamais il ne leur aurait refusé. Compétent, il met sa droiture au service des autres sans pour autant se défaire de l'armure de sa méfiance, courageux, il défend ses positions au travers des subtiles enseignements de l'ordre mais également grâce à ses ressources personnelles. Déjà rompu aux secrets de la Rhapsodie, sa compétence s'applique à entretenir et faire croître leur Domaine, car après tout, ils ont beaucoup à rattraper, après les pertes dues au Néant. S'il en est satisfait ? Jamais, la critique toujours vive, ses propres efforts ne lui suffisent qu'à peine, l'ordre toujours sa vérité.
Un soupire fendit l'immobilité de son corps gracieux. Qui était-il en fin de compte aujourd'hui ? Il n'était plus Cherches-étoiles, de cela il était certain. Mais il s'éloignait lentement de son titre de Chantelarmes, ou tout du moins l'espérait-il…
Alignement : Il s'occupe avant tout du Domaine et des siens, mais ne manque pas aux principes de l'Ordre quand on le sollicite. Pacifiste et neutre, il ne se soucie pas moins du sort des elfes pour autant et s'intéresse d près à l'immaculation. La découverte mutuelle avec les Graarhs, il l'encourage sincèrement, le peuple étant non seulement intéressant mais… un peuple, tout simplement. L'attitude des autres nations le laisse perplexe, en particulier ceux acceptant l'esclavagisme, mais ces nations ne répondent pas auprès de lui et il ne peut les forcer à rien. Pour le moment, il cherche surtout à protéger les siens et à les reconstruire après l'exile. Les Chimères le préoccupe également énormément et il ne cesse d'essayer d'obtenir des nouvelles de l'ancien continent en s'unissant à l'océan pour bénéficier de ce qu'il transporte.
Les Graarhs sont pour lui un peuple étrange, curieux et complètement nouveau. Au départ, il a interdit aux siens de s'en approcher, parlant par méfiance et par souffrance mais il est revenu sur cette décision par la suite. Pour autant, bien qu'il trouve cette race intéressante, il reste également foncièrement prudent, ayant déjà eut à subir la trahison d'êtres bien plus proches, alors pourquoi pas de ces natifs ? S'ils sont pacifistes et ne leur veulent pas de mal, cela lui va très bien, autrement, quelque chose devra être fait. Pour autant, les félins ne semblent pas vouloir mettre le siège au Domaine, aussi autorise-t-il ceux qui le désirent à entrer et à vivre avec eux. Il est ambivalent, allant de l'avant avant de reculer. Seule une confrontation plus poussée pourra réellement faire émerger quelque chose.
Histoire
Son regard, happé par la danse du paisible miroir aqueux, se faisait fixe, lointain et pourtant plus intense encore. Son esprit tourmenté ne cessait de se questionner, de chercher son chemin dans le labyrinthe d'une mémoire pleine et ancienne, usée par le temps et les épreuves. L'onde l'appelait presque chaque jour, exactement comme l'étoile l'avait fait pendant plusieurs centaines d'années, et il se refusait à elle de même, craignant pourtant chaque fois de la perdre. Pourquoi refusait-il de céder ? Il se posait la question chaque fois, à chaque instant, depuis leur arrivée en ce lieu, leur nouveau havre. Quelque chose le retenait, mais qu'était-ce ? Cette question, sans doute, qu'il se posait chaque fois qu'il contemplait son propre visage sur la surface lumineuse. Qui l'onde appelait-elle vraiment ? Qui était-il, pour se retrouver en son chant mélodieux, immortel ? L'onde l'appelait il le savait, il le sentait, dans chaque fibre de son être, chaque nerf, chaque parcelle de peau et chaque fibre de magie. Mais… qui était-il ?
* * *
Cherche-étoile
Ainsi avait-il été surnommé dans sa jeunesse. Héritier de la lignée fondatrice de l'Ordre, petit-fils du créateur lui-même, il avait ouvert les yeux au sein de l'Observatoire Céleste, baigné par la lumière pâle et immaculée du sanctuaire des étoiles, plongé au cœur d'un bain de magie subtile, pure et emplie de musique. Il était né silencieux, nourrisson paisible, bercé par les échos millénaires et immémoriaux du lieu qui chuchotait à son oreille et dans son esprit malléable les secrets du passé, l'histoire du monde ancien et de la beauté de la nature. Et pendant les vingts premières années de sa vie, il resta enfermé là, parmi les immenses rayonnages, sous le regard des étoiles, tout son être s'imprégnant lentement de la magie presque palpable de l'atmosphère. Pendant des heures entières, il restait à écouter la mélodie naturelle, portée par elle, guidée par elle vers des formes sans nom, des couleurs sans représentations, des notes sans instruments, en contrepoint d'un silence qui n'avait rien d'oppressant, étendant encore ses sens et son esprit vers un infini tout juste esquissé, d'un coup de pinceau impalpable, d'un souffle léger. Pendant vingt ans, il ne vécu que dans cette grâce séculaire, sans jamais chercher à s'évader. Il n'était jamais vraiment seul, et ne s'en souciait nullement.
Puis vint le monde extérieur, aveuglant, immense, à lui en faire tourner la tête. Il était resté là, bras ballant, à observer les portes s'ouvrir, sa silhouette marmoréenne s'illuminant lentement, nimbée des haubans poudrés, dorés, du soleil de printemps. Son regard avait été heurté par tant de radiance, et pourtant il n'avait pu détacher sa mire des couleurs qu'il n'avait, jusque là, fait qu'imaginer. Il n'avait alors aucun nom à leur donner, et pourtant, comme les étoiles auparavant, l'image se grava dans son esprit. Il y avait du vert, du brun, du jaune, du violet. Il avait les formes arrondies ou allongées des feuilles, les longues et souples tiges, les jambes endurantes et fortes des arbres. Il y avait un serpent de brun, affalé sur le sol, semblant dormir d'un profond sommeil, si fin qu'on ne le sentait pas lorsque l'on marchait sur lui, et lui si enfoncé dans sa torpeur qu'il ne sentait rien non plus. Ses premiers pas, hors de son berceau étaient alors tremblants et mal assurés. Le sol meuble de la forêt lui semblait étrange, après la dureté du marbre de l'Observatoire, mais la luminosité l'hypnotisait. Il voulait la suivre, il voulait se baigner en elle. Les minutes passant, la douce caresse réchauffait son derme froid, le piquetant puis l'emplissant, venant se glisser en lui et refermer ses mains sur son corps qui semblait respirer pour la première fois.
Il se souvenait du parfum de la nature en pleine renaissance, l'entêtant délice des fleurs, les notes plus rondes des arbres. Il se souvenait des milles nouveaux sons et de centaines d'aubades. Et il se souvenait de n'avoir pas su où donner de la tête, petit animal curieux et en confiance qui découvrait le monde extérieur pour la première fois. Sous l’œil protecteur de l'Ordre, il s'était épanoui, dévorant la vie comme une pomme, et sous la main bienveillante de sa mère, il avait débuté son apprentissage auprès des sages de la Rhapsodie. Mais il se distinguait profondément des autres jeunes gens qui étudiaient les arts et sciences au sein de ce sanctuaire de la connaissance. Eux venaient là en pleine compréhension de ce que cela signifiait et représentait. Lui ? Lui n'en avait aucune idée, car cet univers si prestigieux et mystérieux pour certains n'était que son quotidien. Un quotidien qu'il savourait, appréciait, mais qui ne lui demandait aucun effort, pour lequel il ne se forçait jamais. Ses maîtres n'avaient pas jugé bon de le détromper, aussi grandit-il avec une impression permanente de ne faire que ce qu'il désirait faire… ce qui était, d'ailleurs, presque vrai. Il venait quand il s'en sentait l'envie, ou se contentait de baigner dans l'atmosphère de l'un des sanctuaires, ou marcher simplement au travers des terres Baptistrales.
Son univers et son éducation singulière ne purent que faire de lui une créature éthérée, rêveuse et dénuée de préjugés mortels. Lorsque le crépuscule venait, il galopait à l'extérieur, souvent pieds nus, pour regarder les étoiles apparaître, courant jusque tard dans l'humidité nocturne et se nichant dans les bosquets pour contempler les lueurs célestes et leur parler. Auprès d'un Chanteciel, il avait apprit quelle était son Aria, la belle Prylla qui pourtant se dérobait souvent au regard des terrestres. Il la cherchait alors, au travers du drapé de l'éther, s'enquérant d'elle auprès de ses sœurs et tendant l'oreille pour espérer entendre leur réponse. Prylla emplissait ses rêves, silhouette nimbée, cœur pulsant onirisme. Son souvenir suivait ses jours, et le soir, il la cherchait pour admirer de nouveau ses feux glacés. Et ainsi, les années passaient, comme un souffle, sans même qu'il s'en rende compte, porté qu'il était par cette lueur en son cœur. De ses premiers amours et de sa vie sur le Domaine, il enchaîna avec la découverte du Royaume elfique, à la fois similaire et différent. Dire que le lieu lui plaisait alors aurait été un doux euphémisme, car il en était transcendé. L'architecture du Domaine était magnifique, mais familière et de par cette familiarité, elle avait depuis très longtemps perdu, si elle l'avait jamais eut, son aspect auguste et impressionnant. Ce n'était pas le cas de ces nouvelles terres qu'il découvrait. L'inclusion des bâtiments dans les arbres, l'harmonie de la vie sauvage avec celle des elfes, tout lui faisait ouvrir de grands yeux émerveillés.
Et ce fut également là qu'il rencontra deux des êtres les plus importants pour lui. L'une deviendrait plus tard sa femme, tandis que l'autre marquerait à jamais son esprit comme l'un des plus beaux exemples de sacrifice personnel que l'on puisse jamais faire. Sur l'instant, cependant, l'être innocent qu'il était ne se souciait que de la première. Elle se nommait Nalani, fille de la noblesse, la nuit dans les cheveux, et les écailles d'un dragon d'or dans les yeux. Sa peau de lait avait la douceur d'un souffle d'air, et son rire ressemblait aux trilles d'un oiseau. Et elle le fascinait, lui l'inconstant, l'évaporé fils de Prylla. Il l'observait du haut des branches ou sur les balustrades, repérait ses longues traînes chamarrées dans les rassemblements et sentait la lueur de ses sourires le réchauffer chaque fois qu'ils apparaissaient. Et bien qu'il ne fut pas noble de naissance, le prestige de ses ancêtres et de sa lignée fut suffisant pour qu'il parvint à se faire accepter de sa famille. Et néanmoins, son union à Nalani marqua pour lui un premier et profond tournant dans sa vie, l'attachant lentement mais sûrement à une existence plus rationnelle, plus physique, nouant lentement son âme élusive au sein de son corps mortel.
Chantelarmes
Poursuivant ses études au sein de ses pairs, il fut comblé de son union avec celle qui était son étoile sur terre. Il ne ressentait pas alors le besoin de quitter la forêt, tout ce dont il avait besoin se trouvait sur le Domaine, ou dans le Royaume elfique. Il y avait là la connaissance, le rêve et l'amour. Qu'aurait-il pu vouloir d'autre ? Pourtant quand l'appel retentit la tout première fois, lorsque les maîtres vinrent à lui pour le prier d'effectuer le rituel d'intronisation, il se contentât de sourire et de secouer la tête. Et lorsqu'on lui demandât pourquoi il s'y refusait, pourquoi il s'esquivait devant cet immense honneur, il se contenta de hausser des épaules. Son attitude avait provoqué une intense surprise et plus encore d'incompréhension, mais il avait toujours été une créature singulière, et les circonstances de sa naissance, le sceau des étoiles apposé sur lui empêchaient les maîtres de remettre sa décision en question. Il portait, encore à l'époque, dans le regard cette lueur lointaine, séculaire, souvenir de la lumière des étoiles le noyant dans sa blancheur absolue comme un flot rejoignant la mer. Et ce regard, cette lueur, murmurait son assurance et l'instinct qui dictait sa réponse bien qu'ils ne comprirent pas sa profondeur. Libres et ouverts d'esprit, ils ne cherchaient alors pas plus loin, lui donnant ce qu'il désirait : du temps. Encore jeune, le Kehlvehan d'alors désirait continuer de croître, non planter profondément ses racines.
S'inclinant à ses affinités naturelles, il se fit apprenti auprès de la précédente Gardienne, Llyiah, qui lui permit non seulement de poursuivre sa maîtrise des arts Baptistraux, mais également de devenir intime avec les fondations de la nature. La Dame était, après tout, une chanteterre et unie à son élément, et elle connaissait les murmures de la terre comme sa propre respiration. Ce fut d'elle qu'il reçu tout le savoir technique qui lui valurent sa première place d'importance, alors qu'il s'appuyait sur l'éducation stricte et efficace que sa patronne lui apportait et sur son imagination florissante. Sa conscience, attirée vers les réflexions de ce bas monde, s'inquiétait de faire honneur autant à son père et à sa mère qu'à la famille de son étoile. Ce fut pour eux, tout d'abord, qu'il intégra les rangs des architectes elfiques, sans pour autant cesser sa formation au sein du domaine. Même un maître Cawr avait toujours des choses à apprendre, alors lui aussi. L'ordre des architectes était un monde complètement différent, qui renforça encore les attaches attirant son esprit vers la terre. S'habituer à cet environnement lui coûta tout d'abord beaucoup, mais il était encore jeune et s'adaptait aisément, et sans doute son éducation singulière n'était-elle pas pour rien en cela. Là encore, il apprenait, fasciné par les travaux de l'ordre. Ils ressemblaient à ceux des Baptistrels, tout en différant quelque peu.
Puis vint la consécration. Le don des déesses. Son enfant. Une fille, pour laquelle tout le royaume fut en liesse, en fête. Lui-même en restât incrédule et même effrayé. Pour lui, il n'y avait eut ni fête ni chants ni danses, uniquement la complainte et la lueur des étoiles, et le silence comme une tenture de fond. Nalani l'avait rassuré, lorsqu'elle l'avait vu si glacé, protecteur envers sa fille, lui qui ne comprenait pas pourquoi tant d'individus cherchaient à la voir et à la bénir. Les festivités étaient grandioses, mais il les observa de loin, perdu et aussi curieux qu'inquiet. Il y avait là de belles couleurs, de belles voix, un tumulte de sentiments rayonnants, mais à ses yeux, rien ne rayonnait davantage que sa Claïra, sa fille. Elle était si fragile, si petite. Passer des heures à l'observer ne le lassait pas et pour elle, il reprit le luth, lui en jouant en psalmodiant de sa voix profonde aux soupires comme l'écume des vagues sur le rivage. Il ornait son berceau de lierre grimpant et de fleurs sauvages qu'il tressait dans les lanières sous le regard intrigué et attendrit de sa femme. Claïra lui ressemblait quelque peu, bien qu'elle fut une étrange enfant elle-même, comme lui l'avait été. Sa propre famille était particulièrement enthousiaste, car cela faisait des années qu'aucune femme n'était venue au monde de leur sang, alors que les héritiers masculins se faisaient légions. Claïra reçu une seconde bénédiction, après celle de la fête de naissance, cette fois au sein du Domaine.
Cependant, il ne s'attendait certainement pas à ce que cette bénédiction illustre le touche une seconde fois. Pourtant ce fut bel et bien le cas et sa compagne, son étoile, fut célébrée plus encore, portée au rang d’icône nourricière pour le cadeau qu'elle faisait au peuple elfique. Cette seconde naissance fut l'objet de réjouissances opulentes, l'enfant et la mère étaient célébrés pareillement aux esprits, ou peu s'en fallait et l'Impératrice elle-même vint la féliciter. Préparé à ce qui se passerait, cette fois, lui n'avait pas flanché, se tenant aux côtés de sa compagne pour la soutenir et s'occuper d'elle, bien que Nalani fut entourée des meilleurs guérisseurs du royaume. Il était rare pour un elfe d'avoir un enfant mais… deux ? C'était plus rare encore, une occasion spéciale, un miracle. Et il n'y avait eut que cent ans entre les deux naissances, ce qui ne représentait pas un laps de temps conséquent pour leur race à la grande longévité. Mais malgré son propre bonheur, il y avait en lui une question… pourquoi ? Pourquoi lui donnait-on cela à lui ? Quelle était la raison qui motivait Vie ? Ce second enfant, tant célébré, ce cadeau inattendu, il le dota d'un prénom prestigieux, le prénom du premier Baptistrel, leur ancêtre commun : Merithyn.
Une centaine d'année plus tard, la Rhapsodie le priait de nouveau de répondre à l'appel des éléments, et pour la seconde fois, il ne fit que sourire et secouer la tête. Là encore, il ne sentait pas que le moment était arrivé. Quelque chose en lui, un instinct premier, le poussait à refuser, sachant pertinemment qu'il n'était pas prêt pour cela. En revanche, il accepta l'offre de l'Impératrice et du conseil de devenir le Grand Architect Elfique après ses réalisations sur la réfection du palais impérial. Cette même année, Claïra entra au sein de l'armée elfique pour débuter sa formation. Et le temps passa, les années défilant comme un souffle, un battement de cœur rythmé. Rien ne s'était passé avant que Merithyn ne le prie d'accepter qu'il soit formé comme Enwr au sein du Domaine Baptistral. Il avait accepté, bien entendu mais cela avait éveillé de vieux souvenirs et de vieilles affections. Voir son fils suivre un sentier qu'il connaissait et avait aimé de toute la tendresse de son âme eut finalement raison de lui. Il accepta finalement, se souciant peu de savoir s'il pouvait paraître une girouette à certains. Il leur devait sa jeunesse mais pas sa conscience ou ses choix. Maintenant qu'il y repensait, il ne se souvenait plus combien de temps il était resté à méditer à l'intérieur de l'Observatoire avant de se décider à annoncer sa décision. Cela n'avait pas réellement d'importance en fin de compte.
La cérémonie… resterait sans doute à jamais en son cœur. Quand il fermait les yeux, et appelait ses souvenirs, elle rejaillissait, vivace et vivante comme au premier jour. Contrairement à de nombreux Enwr appelés au rituel d'intronisation, il avait su exactement comment il souhaitait le mener. Pendant plusieurs jours, il avait séjourné seul au sein de l'Observatoire, afin de vider son esprit et ses oreilles de tous bruits, s'emplissant de silence. Proche de la transe, l'immobilité séculaire des lieux avait petit à petit pénétré en lui, engourdissant son être, l'aidant à se discipliner. Il avait sentit les battements de son cœur ralentir, sa peau se rafraîchir et sa conscience se faire plus légère en dépit des attaches qu'elle possédait désormais. Il était ressortit du sanctuaire sans abaisser les hautes digues apposées par ses préparatifs, calme et concentré sur une unique vibration répétée, intérieure, un mantra à la fois simple et complexe pour garder son être vierge jusqu'au début du rituel. Selon ses vœux, celui-ci prit place dans la clairière de la grande-mère, où tous les éléments pouvaient être unis librement, se trouvant en une conjoncture unique et qui le placerait sous leur regard multiple. Il se souvenait avoir entonné le chant, et sentit soudainement tout ce qu'il retenait se déverser comme un fleuve, s'écoulant dans sa voix alors qu'il vacillait sous le rythme qui le prenait, réclamant sa possession. Il n'y avait alors plus rien d'autre que le chant, et tout ce qu'il détenait lorsque les éléments répondaient. Il n'y avait plus que le rythme, avalant l'univers tout entier puis la magie… Plus de formes, plus de sons, plus d'odeurs, bien qu'il continua physiquement à chanter, son esprit suivait un chemin tortueux fait de blancheur et d'absolue. Il s'était alors tenu dans la clarté des étoiles… et quelque chose s'était insinué en lui, une noirceur qui n'avait pas de nom, une pluie sur une peinture encore fraîche. La clarté s'était lentement amenuisée jusqu'à laisser place à un champ informe sous une pluie battante. Ce qu'il avait vu en ces lieux hors du temps, il ne voulait pas l'évoquer. Il ne le pouvait pas avec des mots. Quand il était revenu à lui, couronné du pouvoir de l'eau, il avait gardé cela profondément enfoui, n'ayant ni les mots ni la force de convoyer ce que le pouvoir qui l'avait choisit lui avait laissé entrevoir.
Il conserva tout cela en lui, comme le fardeau de son intronisation, l’essence de son pouvoir et de son être. Il se souvenait très exactement de ce que la puissance des éléments lui avait transmis, sans pour autant connaître le chemin qui l’y conduirait, menaçant son esprit du voile de la méfiance et de la peur. De tout cela, il ne s’ouvrit qu’à une unique personne, apte à le comprendre. Puis il décida de quitter la forêt afin de rejoindre le monde des hommes qu’il n’avait jusque là jamais vu, jamais imaginé si ce n’était au travers des rares récits des apprentis de cette race. Portant le manteau des intouchables, il s’était rendu à Lyssa, Althaïa puis Gloria, passant plusieurs années au sein de cette jeune race étrange, pleine de contradictions, à la fois forte et faible, triste… mais pas dénué d’espoir. Et lorsqu’il était revenu auprès de sa famille, son âme était définitivement attachée à cette terre qu’il foulait, pleinement. De sa lumière céleste, il ne restait que des bribes, des lambeaux confinés qui continuaient de luire et de chuchoter pour lui. Un voile était tombé sur sa vision, il l’avait comprit aisément, presque détaché devant cet état de fait. Ce qu’il avait vu la bas l’avait changé, instillant en lui une langueur, une morosité intérieure. Son retour n’avait pas été fêté, il n’avait pas fait de détour par le domaine, se rendant directement chez lui, auprès de sa femme. Il l’avait salué d’un sourire, puis s’était installé contre son flanc, nichant le visage dans les plis de sa robe et les boucles parfumées de ses cheveux. Il avait fermé les yeux, se laissant bercer par les sons familiers et tant aimés. Puis lorsque la chaleur de son foyer c’était enfin répandue en lui, il s’était relevé, sans rien dire, et était partit chercher de quoi lui confectionner une couronne de lierre. Installé sur le balcon de bois, il était resté baigné par les rayons du soleil et les chants elfiques, tressant lentement… Au crépuscule, il s’était relevé pour rentrer, avait déposé la couronne sur les boucles sombres de son épouse. Lorsque leurs regards c’était croisés, elle avait comprit, à demi-mot, ce qui le tourmentait.
Lorsqu’il avait quitté les bois, il avait eut la sottise de penser être suffisamment fort et serein pour affronter ce qu’il verrait dans le monde des hommes. Il ne l’avait pas été. Pendant plusieurs semaines, il était resté auprès de sa femme et de ses enfants. Claira avait été choisie pour devenir rôdeuse tandis que Merithyn poursuivait son apprentissage au sein du Domaine. Lui-même ne comptait pas repartir avant de très longues années. Son investissement se concentra énormément sur le royaume elfique, lui offrant, après quelques années supplémentaires, une distinction particulière de la part de l’Impératrice, lui offrant le titre de Grand architecte elfique. Ses devoirs avaient alors été une porte de sortie, une façon de s’immerger loin des souvenirs de ses voyages. Il avait eut besoin de prendre de la distance pour qu’ils perdent de leur vivacité avant de pouvoir de nouveau les étudier, et les intégrer en paix. Néanmoins, devant le fait accomplit de l’honneur qu’on lui avait fait, il s’était rendu compte, de force, que son but n’avait pas le moins du monde avancé. Oui l’honneur était grand et il en était confondu, mais il avait été plus confondu encore de se rendre compte que ses sentiments à cet égard étaient distants, qu’il goûtait tout cela de loin. De très loin. Une part de lui était restée prisonnière des terres à l’extérieur de la forêt et le remède qu’il s’était destiné n’avait pas été adéquat. Revenir sur tout cela avait alors été douloureux, mais il s’était accroché à l’idée d’être de nouveau honnête envers lui-même, comme il se le devait. Guérir prenait du temps, en particulier quand il n’existait aucun chant, aucune formule pour aider le cœur à cicatriser.
Pourtant, il n’était pas destiné à vivre sans peine, telle que son destin l’avait édicté. La paix n’était qu’un repos entre deux actes, un interlude plaisant mais non destiné à se poursuivre. Et il comprit que son repos était presque achevé lorsque son fils ramena un dragonnier vampirique au royaume elfique. L’annonce que le dragon esprit avait faite était un vent d’espoir pour le peuple de la forêt, mais en constatant que le premier de cette nouvelle génération de dragonniers était un vampire, il n’avait pu que se montrer perplexe et tempéré. Plus encore lorsque son fils démontra un attachement particulièrement fort envers cet être. Malgré tout, il s’agissait d’un dragonnier, leur futur à tous, la vie qui revenait en leurs terres. Il ne désirait pas le condamner trop rapidement. Un jugement rapide, voilà qui produisait souvent plus de mal que de bien. Voilà ce qu’il s’était dit alors, et ce qu’il avait continué à se dire aux informations, nouvelles qui parvenaient de l’extérieur. Voilà ce qu’il s’était dit lorsque le dragonnier avait rejoint les siens, avec son fils. Voilà ce qu’il s’était dit lorsque le dragonnier humain avait été tué. Qu’il ne pouvait juger trop rapidement, qu’il n’avait pas tous les éléments en main pour se faire une idée réelle de ce qui s’était passé. Pourtant l’inquiétude était là. Et il quitta de nouveau les bois, sous la garde de sa fille et de quatre autres soldats elfiques, afin de porter assistance aux hommes grâce à ses connaissances en guérison et en construction. Ce n’était qu’une humble participation, mais c’était déjà quelque chose et il espérait pouvoir retrouver une trace de son fils.
Et lorsque Merithyn était revenu, il s’était sentit soulagé. Il avait pensé… Il avait pensé que tout allait rentrer dans l’ordre. Son fils était ne deuil, mais le dragon était encore là, et l’exile qu’il avait férocement réprouvé avait été levé lorsque son enfant s’était vu attribué le statut de Gardien des Préceptes. Pour la seconde fois de son existence, il avait fait une erreur de jugement majeur, et qui lui coûtait beaucoup. Tout ne rentrait pas dans l’ordre. Quelques mois seulement et les Almaréens apparaissaient. Quelques semaines de plus et le sommet de l’alliance était en place, prêt aux négociations pour unir les peuples de la magie contre l’envahisseur. Un sommet au résultat aussi désastreux que grandiose. Pour la toute première fois dans l’histoire de leur continent, toutes les races faisaient causes communes, y comprit les vampires. Mais le Domaine… les dégâts étaient immenses, et pour certains, irréversibles. La souillure était là, le sceau néfaste également. Chacun d’eux avait fait appel à la plus pure forme de leurs éléments mais ce n’était pas encore suffisant. La terre avait la mémoire longue, elle se souviendrait encore longtemps. Il faudrait peut-être des centaines d’années avant qu’une réelle amélioration puisse être constatée. Et là encore, si cela ne suffisait pas, il s’était montré bien trop naïf. Le Domaine n’aurait jamais l’occasion de se purifier…
Âme d'Acier
Il avait défendu son fils. Quand on avait accusé Merithyn d’être corrompu par les vampires, il l’avait défendu. Quand Merithyn avait été banni, il avait plaidé sa cause. Quand le Chantefeu avait commit l’hérésie de s’en prendre à un dieu, il avait tenté d’apaiser les choses, allant jusqu’à endosser le fardeau des reproches et des jugements à la place de son enfant. Le gardien ne subirait nul jugement officiel mais la rancune était là, dans le regard de tous les elfes qu’il croisait, dans leur façon de s’adresser à lui. Il était son père, ce que Merithyn avait fait, il en portait également la responsabilité, puisqu’il l’avait élevé. Il savait que c’était ce que son entourage pensait. Il savait le venin qui s’était répandu, et il l’avait assumé, l’avait porté, en espérant ce que cela aiderait sa chair et son sang. Même lorsqu’il avait perdu Nalani dans les brumes de la perle de Néant, même au travers de tout son chagrin, sa peine immense d’avoir perdu la femme qu’il aimait, sa Prylla, son étoile gardienne, il avait continué à le protéger… Mais lorsqu’il l’avait vu sur cette monture cauchemardesque, aux côtés du prince des vampires, quand il l’avait vu vampire lui-même, reniant sa famille pour ce boucher, reniant tous les principes qui avaient constitué son existence, la sienne et celle de leurs ancêtres, tout ce que le domaine tenait pour sacré… lorsqu’il avait vu cela, il avait été incapable de continuer à lui chercher des excuses et à le protéger. Il n’avait pas pu continuer de croire qu’il y avait de bonnes explications et qu’il ne devait pas aller trop vite en jugement.
La trahison de son fils, on avait tenté de la lui imputer également, et bien qu’il ait comprit ce besoin, il ne l’avait pas accepté. Avoir vu la destruction apportée par les perles, après avoir vu la libération du Tyran et les horreurs qu’il avait commise, après avoir vu la défaite dues déesses et la création du Protectorat, il n’avait plus été le même. Les épreuves l’avait endurcit, mais plus que tout, les choix de son fils et son mépris de leurs préceptes lui avait fait comprendre combien il avait été sot. Bien trop tendre, bien trop naïf. Tout ce qu’il avait fait pour le bien de son enfant, tout ça n’avait eut pour conséquence que la destruction de ce qu’il aimait, et cette vision qui lui restait encore en cette heure, merithyn et Saeros sur leurs montures, commandant les armées de la Théocratie pendant que tout ce qui était bon et terrestre mourrait sous l’étreinte d’acier du tyran. De toutes les escarmouches et batailles des Protégés, il avait été présent, en première ligne pour aider de son mieux et guérir ceux qui en avait besoin. Il n’y avait plus de rêve en lui alors, il n’y avait plus qu’une détermination farouche à survivre et à garder ceux qui se battaient pour la liberté en vie aussi longtemps qu’il le pourrait. Il avait combattu avec des elfes, des hommes, des vampires, se mettant en danger malgré la préciosité de son statut et de ses connaissances. Il l’avait fait pour ceux qui n’avaient pas ployés face au joug. Du petit bandit de chemin au noble elfique, en passant par le mage vampirique, tant qu’ils défendaient la création des déesses, le reste n’importait pas.
Il ne s’était rien épargné, comme tous les autres, car le peu qu’il leur restait était cette liberté qu’ils défendaient, et leurs vies. Et lorsque tout s’était terminé, lorsqu’ils avaient laissé derrière eux le tyran, néant, les déesses, morneflamme et les tragédies de la guerre, il avait conclut sa propre histoire. Il l’avait conclu de la seule manière dont elle pouvait se conclure alors. Et parce que le bûcher ne pouvait rien pour son âme, il confia sa fin à l’Océan, espérant que les vagues et la chanson de l’eau, les milles histoires qu’elle recelait, la purifierait et la bercerait. Il avait gardé la lame légendaire, l’entreposant sur les terres du nouveau domaine. Elle resterait là jusqu’à trouver un nouvel élu, ou indéfiniment si elle ne se décidait pas. La paix semblait réelle, mais cette fois, il ne se laissa nullement charmer. Ce n’était qu’un repos entre deux conflits, entre deux souffrances. Ses pairs l’avait nommé Gardien, comme son fils l’avait été, et son professeur avant cela, comme son grand-père lui-même. Il avait été appelé à son tour, par son sang, ses capacités, son esprit et ses compétences… mais aussi ses souffrances, l’apprentissage qu’il avait fait tout au long de ces années rouges. Il devint Gardien, mais il ne pouvait pas accepter de boire la coupe hypocrite de la paix. Il n’avait plus assez d’innocence en lui pour qu’elle puisse l’apaiser, et il craignait alors son goût amer. Non, il avait poursuivit ses voyages, espérant accompagner la reconstruction là où elle était bien plus difficile, moins privilégiée.
Il aurait alors aimé pouvoir avouer qu’il s’était trompé, mais les chimères l’en avait empêché. Il ne s’était pas trompé. Mais il n’avait pas imaginé que ce nouveau péril leur prendrait les terres de leur naissance. La terre elle-même n’était pas la perte qu’il regrettait le plus cependant, il regrettait les vies perdues, bien que ce fut inévitable, et plus encore, les connaissances. Combien d’ouvrages et d’études avaient été perdues ? Combien d’œuvres d’art ? On pouvait dire ce que l’on voulait mais l’identité d’un peuple passait également par son héritage et il était en grand danger désormais, pour tous. C’était cela qu’il regrettait. Du voyage, il ne se souvenait pas de moments forts. Il s’était renfermé sur lui, se plongeant dans l’aide qu’il pouvait offrir, rassurant ceux autours de lui sans pour autant leur mentir. Et n’étaient-ils pas arrivés jusqu’à de nouvelles terres ? Pour beaucoup, c’était une nouvelle paix, mais il était soulagé de constater que certains ne se laissaient plus prendre à ce mensonge. La terreur qu’ils avaient laissé derrière eux finirait par les retrouver, tôt ou tard et c’était à eux de profiter du sacrifice qu’ils avaient fait pour trouver un moyen de se défendre. Et il comptait bien protéger les siens efficacement cette fois. La perte que les chimères leur avait infligé n’était que la dernière d’une longue série qu’il détestait de tout son être. Cette fois, il fallait qu’ils cessent de fermer les yeux pour se reposer.
Sur l’île de Néthéril, l’Ordre avait trouvé un lieu convenant aux exigences de leur magie pour bâtir le nouveau Domaine, et c’était là ce à quoi il s’employait depuis plus d’un an. Il avait observé de loin les guerres des hommes de Calastin avec dégoût, l’esclavagisme des pirates et des vampires avec mépris. A ses yeux, ils n’avaient pas retenus les leçons de leurs blessures, ils n’avaient pas grandit et répétaient les mêmes cercles destructeurs plutôt que de regarder plus avant. Mais il refusait de s’en mêler, ce n’était pas son devoir, ce n’était pas sa place et surtout ? Il voulait avant tout protéger les siens, vulnérables et délicats. La lumière qu’il y avait chez les résidents du domaine, voilà ce qui lui importait en premier lieu. Il était hors de question qu’ils soient les proies d’un nouveau prédateur. Et si le reste du monde voulait bien les laisser dans leur coin, ça aurait été parfait, mais c’était irréalisable. Ils étaient encore le centre de la sagesse de l’ancien monde… et il ne pouvait pas non plus fermer les yeux sur la présence des natifs. Plus récemment encore, l’apparition de changement chez les elfes et les vampires lui avait fait tourner son attention hors des murs du Domaine, les questions bien présentes…mais toujours, la sécurité de l’ordre primait pour lui.
La seule occasion où il avait accepté de quitter les travaux du domaine était une demande de l’Empereur Aegnor, le priant de reprendre temporairement ses fonctions d’architecte qu’il avait été contraint d’abandonner en étant nommé Gardien, ceci afin d’imaginer la nouvelle capitale elfique, avec lui. Et si il fut reconnaissant à Aegnor de cette proposition et de ce qu’elle recelait en son sein, il avait également été dévasté de ce qui l’avait attendu, à son retour sur les terres de l’ordre. Sa fille, dernière de ses parentes, était morte après avoir donné la vie, chose qu’elle avait toujours voulu et sans succès pendant des centaines d’années. Il avait fallut la magie de l’Archipel pour rendre cela possible, et pour la lui enlever dans le même mouvement, comme une roue juste mais cruelle. Il ne restait que l’enfant, qu’il choyait et soignait. Et à qui il épargnerait le nom qui accompagnait toutes ces souffrances. Avec l’aide de ses pairs, il effectua le rituel du nom, abandonnant son héritage et celui de la lignée des Chante-Ombres et adoptant un nouveau patronyme, voulant forger une nouvelle histoire, vierge de la souillure du passé.
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Soupirant, il se massa l’arrête du nez et se redressa de son assise, détournant enfin son regard de l’eau pure du sanctuaire. Il revenait de loin, mais le chemin qu’il devait parcourir était très loin de sa fin. Non, la fusion ne serait pas pour tout de suite. En vérité… il n’était tout simplement pas prêt. Il y avait trop de questions, trop de chaînes du passé. Il était le Chantelarmes, la voix de la détresse et de la peine. Il était l’ me d’acier qui avait défié sa propre faiblesse et qui s’était imposé même auprès des plus farouches de ses opposants, défiant son destin. La guerre et la trahison avaient forgé son être en une posture diamantine… mais qui vivait par son esprit et plus assez par son cœur. Le cœur, voilà ce qu’il devait réussir à faire revivre, revenir, à faire palpiter, lui donner de la liberté. Le jour où il parviendrait à parler de nouveau avec le cœur, alors il accepterait cet appel. Il n’était pas prêt.
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Cherche-étoile
Ainsi avait-il été surnommé dans sa jeunesse. Héritier de la lignée fondatrice de l'Ordre, petit-fils du créateur lui-même, il avait ouvert les yeux au sein de l'Observatoire Céleste, baigné par la lumière pâle et immaculée du sanctuaire des étoiles, plongé au cœur d'un bain de magie subtile, pure et emplie de musique. Il était né silencieux, nourrisson paisible, bercé par les échos millénaires et immémoriaux du lieu qui chuchotait à son oreille et dans son esprit malléable les secrets du passé, l'histoire du monde ancien et de la beauté de la nature. Et pendant les vingts premières années de sa vie, il resta enfermé là, parmi les immenses rayonnages, sous le regard des étoiles, tout son être s'imprégnant lentement de la magie presque palpable de l'atmosphère. Pendant des heures entières, il restait à écouter la mélodie naturelle, portée par elle, guidée par elle vers des formes sans nom, des couleurs sans représentations, des notes sans instruments, en contrepoint d'un silence qui n'avait rien d'oppressant, étendant encore ses sens et son esprit vers un infini tout juste esquissé, d'un coup de pinceau impalpable, d'un souffle léger. Pendant vingt ans, il ne vécu que dans cette grâce séculaire, sans jamais chercher à s'évader. Il n'était jamais vraiment seul, et ne s'en souciait nullement.
Puis vint le monde extérieur, aveuglant, immense, à lui en faire tourner la tête. Il était resté là, bras ballant, à observer les portes s'ouvrir, sa silhouette marmoréenne s'illuminant lentement, nimbée des haubans poudrés, dorés, du soleil de printemps. Son regard avait été heurté par tant de radiance, et pourtant il n'avait pu détacher sa mire des couleurs qu'il n'avait, jusque là, fait qu'imaginer. Il n'avait alors aucun nom à leur donner, et pourtant, comme les étoiles auparavant, l'image se grava dans son esprit. Il y avait du vert, du brun, du jaune, du violet. Il avait les formes arrondies ou allongées des feuilles, les longues et souples tiges, les jambes endurantes et fortes des arbres. Il y avait un serpent de brun, affalé sur le sol, semblant dormir d'un profond sommeil, si fin qu'on ne le sentait pas lorsque l'on marchait sur lui, et lui si enfoncé dans sa torpeur qu'il ne sentait rien non plus. Ses premiers pas, hors de son berceau étaient alors tremblants et mal assurés. Le sol meuble de la forêt lui semblait étrange, après la dureté du marbre de l'Observatoire, mais la luminosité l'hypnotisait. Il voulait la suivre, il voulait se baigner en elle. Les minutes passant, la douce caresse réchauffait son derme froid, le piquetant puis l'emplissant, venant se glisser en lui et refermer ses mains sur son corps qui semblait respirer pour la première fois.
Il se souvenait du parfum de la nature en pleine renaissance, l'entêtant délice des fleurs, les notes plus rondes des arbres. Il se souvenait des milles nouveaux sons et de centaines d'aubades. Et il se souvenait de n'avoir pas su où donner de la tête, petit animal curieux et en confiance qui découvrait le monde extérieur pour la première fois. Sous l’œil protecteur de l'Ordre, il s'était épanoui, dévorant la vie comme une pomme, et sous la main bienveillante de sa mère, il avait débuté son apprentissage auprès des sages de la Rhapsodie. Mais il se distinguait profondément des autres jeunes gens qui étudiaient les arts et sciences au sein de ce sanctuaire de la connaissance. Eux venaient là en pleine compréhension de ce que cela signifiait et représentait. Lui ? Lui n'en avait aucune idée, car cet univers si prestigieux et mystérieux pour certains n'était que son quotidien. Un quotidien qu'il savourait, appréciait, mais qui ne lui demandait aucun effort, pour lequel il ne se forçait jamais. Ses maîtres n'avaient pas jugé bon de le détromper, aussi grandit-il avec une impression permanente de ne faire que ce qu'il désirait faire… ce qui était, d'ailleurs, presque vrai. Il venait quand il s'en sentait l'envie, ou se contentait de baigner dans l'atmosphère de l'un des sanctuaires, ou marcher simplement au travers des terres Baptistrales.
Son univers et son éducation singulière ne purent que faire de lui une créature éthérée, rêveuse et dénuée de préjugés mortels. Lorsque le crépuscule venait, il galopait à l'extérieur, souvent pieds nus, pour regarder les étoiles apparaître, courant jusque tard dans l'humidité nocturne et se nichant dans les bosquets pour contempler les lueurs célestes et leur parler. Auprès d'un Chanteciel, il avait apprit quelle était son Aria, la belle Prylla qui pourtant se dérobait souvent au regard des terrestres. Il la cherchait alors, au travers du drapé de l'éther, s'enquérant d'elle auprès de ses sœurs et tendant l'oreille pour espérer entendre leur réponse. Prylla emplissait ses rêves, silhouette nimbée, cœur pulsant onirisme. Son souvenir suivait ses jours, et le soir, il la cherchait pour admirer de nouveau ses feux glacés. Et ainsi, les années passaient, comme un souffle, sans même qu'il s'en rende compte, porté qu'il était par cette lueur en son cœur. De ses premiers amours et de sa vie sur le Domaine, il enchaîna avec la découverte du Royaume elfique, à la fois similaire et différent. Dire que le lieu lui plaisait alors aurait été un doux euphémisme, car il en était transcendé. L'architecture du Domaine était magnifique, mais familière et de par cette familiarité, elle avait depuis très longtemps perdu, si elle l'avait jamais eut, son aspect auguste et impressionnant. Ce n'était pas le cas de ces nouvelles terres qu'il découvrait. L'inclusion des bâtiments dans les arbres, l'harmonie de la vie sauvage avec celle des elfes, tout lui faisait ouvrir de grands yeux émerveillés.
Et ce fut également là qu'il rencontra deux des êtres les plus importants pour lui. L'une deviendrait plus tard sa femme, tandis que l'autre marquerait à jamais son esprit comme l'un des plus beaux exemples de sacrifice personnel que l'on puisse jamais faire. Sur l'instant, cependant, l'être innocent qu'il était ne se souciait que de la première. Elle se nommait Nalani, fille de la noblesse, la nuit dans les cheveux, et les écailles d'un dragon d'or dans les yeux. Sa peau de lait avait la douceur d'un souffle d'air, et son rire ressemblait aux trilles d'un oiseau. Et elle le fascinait, lui l'inconstant, l'évaporé fils de Prylla. Il l'observait du haut des branches ou sur les balustrades, repérait ses longues traînes chamarrées dans les rassemblements et sentait la lueur de ses sourires le réchauffer chaque fois qu'ils apparaissaient. Et bien qu'il ne fut pas noble de naissance, le prestige de ses ancêtres et de sa lignée fut suffisant pour qu'il parvint à se faire accepter de sa famille. Et néanmoins, son union à Nalani marqua pour lui un premier et profond tournant dans sa vie, l'attachant lentement mais sûrement à une existence plus rationnelle, plus physique, nouant lentement son âme élusive au sein de son corps mortel.
Chantelarmes
Poursuivant ses études au sein de ses pairs, il fut comblé de son union avec celle qui était son étoile sur terre. Il ne ressentait pas alors le besoin de quitter la forêt, tout ce dont il avait besoin se trouvait sur le Domaine, ou dans le Royaume elfique. Il y avait là la connaissance, le rêve et l'amour. Qu'aurait-il pu vouloir d'autre ? Pourtant quand l'appel retentit la tout première fois, lorsque les maîtres vinrent à lui pour le prier d'effectuer le rituel d'intronisation, il se contentât de sourire et de secouer la tête. Et lorsqu'on lui demandât pourquoi il s'y refusait, pourquoi il s'esquivait devant cet immense honneur, il se contenta de hausser des épaules. Son attitude avait provoqué une intense surprise et plus encore d'incompréhension, mais il avait toujours été une créature singulière, et les circonstances de sa naissance, le sceau des étoiles apposé sur lui empêchaient les maîtres de remettre sa décision en question. Il portait, encore à l'époque, dans le regard cette lueur lointaine, séculaire, souvenir de la lumière des étoiles le noyant dans sa blancheur absolue comme un flot rejoignant la mer. Et ce regard, cette lueur, murmurait son assurance et l'instinct qui dictait sa réponse bien qu'ils ne comprirent pas sa profondeur. Libres et ouverts d'esprit, ils ne cherchaient alors pas plus loin, lui donnant ce qu'il désirait : du temps. Encore jeune, le Kehlvehan d'alors désirait continuer de croître, non planter profondément ses racines.
S'inclinant à ses affinités naturelles, il se fit apprenti auprès de la précédente Gardienne, Llyiah, qui lui permit non seulement de poursuivre sa maîtrise des arts Baptistraux, mais également de devenir intime avec les fondations de la nature. La Dame était, après tout, une chanteterre et unie à son élément, et elle connaissait les murmures de la terre comme sa propre respiration. Ce fut d'elle qu'il reçu tout le savoir technique qui lui valurent sa première place d'importance, alors qu'il s'appuyait sur l'éducation stricte et efficace que sa patronne lui apportait et sur son imagination florissante. Sa conscience, attirée vers les réflexions de ce bas monde, s'inquiétait de faire honneur autant à son père et à sa mère qu'à la famille de son étoile. Ce fut pour eux, tout d'abord, qu'il intégra les rangs des architectes elfiques, sans pour autant cesser sa formation au sein du domaine. Même un maître Cawr avait toujours des choses à apprendre, alors lui aussi. L'ordre des architectes était un monde complètement différent, qui renforça encore les attaches attirant son esprit vers la terre. S'habituer à cet environnement lui coûta tout d'abord beaucoup, mais il était encore jeune et s'adaptait aisément, et sans doute son éducation singulière n'était-elle pas pour rien en cela. Là encore, il apprenait, fasciné par les travaux de l'ordre. Ils ressemblaient à ceux des Baptistrels, tout en différant quelque peu.
Puis vint la consécration. Le don des déesses. Son enfant. Une fille, pour laquelle tout le royaume fut en liesse, en fête. Lui-même en restât incrédule et même effrayé. Pour lui, il n'y avait eut ni fête ni chants ni danses, uniquement la complainte et la lueur des étoiles, et le silence comme une tenture de fond. Nalani l'avait rassuré, lorsqu'elle l'avait vu si glacé, protecteur envers sa fille, lui qui ne comprenait pas pourquoi tant d'individus cherchaient à la voir et à la bénir. Les festivités étaient grandioses, mais il les observa de loin, perdu et aussi curieux qu'inquiet. Il y avait là de belles couleurs, de belles voix, un tumulte de sentiments rayonnants, mais à ses yeux, rien ne rayonnait davantage que sa Claïra, sa fille. Elle était si fragile, si petite. Passer des heures à l'observer ne le lassait pas et pour elle, il reprit le luth, lui en jouant en psalmodiant de sa voix profonde aux soupires comme l'écume des vagues sur le rivage. Il ornait son berceau de lierre grimpant et de fleurs sauvages qu'il tressait dans les lanières sous le regard intrigué et attendrit de sa femme. Claïra lui ressemblait quelque peu, bien qu'elle fut une étrange enfant elle-même, comme lui l'avait été. Sa propre famille était particulièrement enthousiaste, car cela faisait des années qu'aucune femme n'était venue au monde de leur sang, alors que les héritiers masculins se faisaient légions. Claïra reçu une seconde bénédiction, après celle de la fête de naissance, cette fois au sein du Domaine.
Cependant, il ne s'attendait certainement pas à ce que cette bénédiction illustre le touche une seconde fois. Pourtant ce fut bel et bien le cas et sa compagne, son étoile, fut célébrée plus encore, portée au rang d’icône nourricière pour le cadeau qu'elle faisait au peuple elfique. Cette seconde naissance fut l'objet de réjouissances opulentes, l'enfant et la mère étaient célébrés pareillement aux esprits, ou peu s'en fallait et l'Impératrice elle-même vint la féliciter. Préparé à ce qui se passerait, cette fois, lui n'avait pas flanché, se tenant aux côtés de sa compagne pour la soutenir et s'occuper d'elle, bien que Nalani fut entourée des meilleurs guérisseurs du royaume. Il était rare pour un elfe d'avoir un enfant mais… deux ? C'était plus rare encore, une occasion spéciale, un miracle. Et il n'y avait eut que cent ans entre les deux naissances, ce qui ne représentait pas un laps de temps conséquent pour leur race à la grande longévité. Mais malgré son propre bonheur, il y avait en lui une question… pourquoi ? Pourquoi lui donnait-on cela à lui ? Quelle était la raison qui motivait Vie ? Ce second enfant, tant célébré, ce cadeau inattendu, il le dota d'un prénom prestigieux, le prénom du premier Baptistrel, leur ancêtre commun : Merithyn.
Une centaine d'année plus tard, la Rhapsodie le priait de nouveau de répondre à l'appel des éléments, et pour la seconde fois, il ne fit que sourire et secouer la tête. Là encore, il ne sentait pas que le moment était arrivé. Quelque chose en lui, un instinct premier, le poussait à refuser, sachant pertinemment qu'il n'était pas prêt pour cela. En revanche, il accepta l'offre de l'Impératrice et du conseil de devenir le Grand Architect Elfique après ses réalisations sur la réfection du palais impérial. Cette même année, Claïra entra au sein de l'armée elfique pour débuter sa formation. Et le temps passa, les années défilant comme un souffle, un battement de cœur rythmé. Rien ne s'était passé avant que Merithyn ne le prie d'accepter qu'il soit formé comme Enwr au sein du Domaine Baptistral. Il avait accepté, bien entendu mais cela avait éveillé de vieux souvenirs et de vieilles affections. Voir son fils suivre un sentier qu'il connaissait et avait aimé de toute la tendresse de son âme eut finalement raison de lui. Il accepta finalement, se souciant peu de savoir s'il pouvait paraître une girouette à certains. Il leur devait sa jeunesse mais pas sa conscience ou ses choix. Maintenant qu'il y repensait, il ne se souvenait plus combien de temps il était resté à méditer à l'intérieur de l'Observatoire avant de se décider à annoncer sa décision. Cela n'avait pas réellement d'importance en fin de compte.
La cérémonie… resterait sans doute à jamais en son cœur. Quand il fermait les yeux, et appelait ses souvenirs, elle rejaillissait, vivace et vivante comme au premier jour. Contrairement à de nombreux Enwr appelés au rituel d'intronisation, il avait su exactement comment il souhaitait le mener. Pendant plusieurs jours, il avait séjourné seul au sein de l'Observatoire, afin de vider son esprit et ses oreilles de tous bruits, s'emplissant de silence. Proche de la transe, l'immobilité séculaire des lieux avait petit à petit pénétré en lui, engourdissant son être, l'aidant à se discipliner. Il avait sentit les battements de son cœur ralentir, sa peau se rafraîchir et sa conscience se faire plus légère en dépit des attaches qu'elle possédait désormais. Il était ressortit du sanctuaire sans abaisser les hautes digues apposées par ses préparatifs, calme et concentré sur une unique vibration répétée, intérieure, un mantra à la fois simple et complexe pour garder son être vierge jusqu'au début du rituel. Selon ses vœux, celui-ci prit place dans la clairière de la grande-mère, où tous les éléments pouvaient être unis librement, se trouvant en une conjoncture unique et qui le placerait sous leur regard multiple. Il se souvenait avoir entonné le chant, et sentit soudainement tout ce qu'il retenait se déverser comme un fleuve, s'écoulant dans sa voix alors qu'il vacillait sous le rythme qui le prenait, réclamant sa possession. Il n'y avait alors plus rien d'autre que le chant, et tout ce qu'il détenait lorsque les éléments répondaient. Il n'y avait plus que le rythme, avalant l'univers tout entier puis la magie… Plus de formes, plus de sons, plus d'odeurs, bien qu'il continua physiquement à chanter, son esprit suivait un chemin tortueux fait de blancheur et d'absolue. Il s'était alors tenu dans la clarté des étoiles… et quelque chose s'était insinué en lui, une noirceur qui n'avait pas de nom, une pluie sur une peinture encore fraîche. La clarté s'était lentement amenuisée jusqu'à laisser place à un champ informe sous une pluie battante. Ce qu'il avait vu en ces lieux hors du temps, il ne voulait pas l'évoquer. Il ne le pouvait pas avec des mots. Quand il était revenu à lui, couronné du pouvoir de l'eau, il avait gardé cela profondément enfoui, n'ayant ni les mots ni la force de convoyer ce que le pouvoir qui l'avait choisit lui avait laissé entrevoir.
Il conserva tout cela en lui, comme le fardeau de son intronisation, l’essence de son pouvoir et de son être. Il se souvenait très exactement de ce que la puissance des éléments lui avait transmis, sans pour autant connaître le chemin qui l’y conduirait, menaçant son esprit du voile de la méfiance et de la peur. De tout cela, il ne s’ouvrit qu’à une unique personne, apte à le comprendre. Puis il décida de quitter la forêt afin de rejoindre le monde des hommes qu’il n’avait jusque là jamais vu, jamais imaginé si ce n’était au travers des rares récits des apprentis de cette race. Portant le manteau des intouchables, il s’était rendu à Lyssa, Althaïa puis Gloria, passant plusieurs années au sein de cette jeune race étrange, pleine de contradictions, à la fois forte et faible, triste… mais pas dénué d’espoir. Et lorsqu’il était revenu auprès de sa famille, son âme était définitivement attachée à cette terre qu’il foulait, pleinement. De sa lumière céleste, il ne restait que des bribes, des lambeaux confinés qui continuaient de luire et de chuchoter pour lui. Un voile était tombé sur sa vision, il l’avait comprit aisément, presque détaché devant cet état de fait. Ce qu’il avait vu la bas l’avait changé, instillant en lui une langueur, une morosité intérieure. Son retour n’avait pas été fêté, il n’avait pas fait de détour par le domaine, se rendant directement chez lui, auprès de sa femme. Il l’avait salué d’un sourire, puis s’était installé contre son flanc, nichant le visage dans les plis de sa robe et les boucles parfumées de ses cheveux. Il avait fermé les yeux, se laissant bercer par les sons familiers et tant aimés. Puis lorsque la chaleur de son foyer c’était enfin répandue en lui, il s’était relevé, sans rien dire, et était partit chercher de quoi lui confectionner une couronne de lierre. Installé sur le balcon de bois, il était resté baigné par les rayons du soleil et les chants elfiques, tressant lentement… Au crépuscule, il s’était relevé pour rentrer, avait déposé la couronne sur les boucles sombres de son épouse. Lorsque leurs regards c’était croisés, elle avait comprit, à demi-mot, ce qui le tourmentait.
Lorsqu’il avait quitté les bois, il avait eut la sottise de penser être suffisamment fort et serein pour affronter ce qu’il verrait dans le monde des hommes. Il ne l’avait pas été. Pendant plusieurs semaines, il était resté auprès de sa femme et de ses enfants. Claira avait été choisie pour devenir rôdeuse tandis que Merithyn poursuivait son apprentissage au sein du Domaine. Lui-même ne comptait pas repartir avant de très longues années. Son investissement se concentra énormément sur le royaume elfique, lui offrant, après quelques années supplémentaires, une distinction particulière de la part de l’Impératrice, lui offrant le titre de Grand architecte elfique. Ses devoirs avaient alors été une porte de sortie, une façon de s’immerger loin des souvenirs de ses voyages. Il avait eut besoin de prendre de la distance pour qu’ils perdent de leur vivacité avant de pouvoir de nouveau les étudier, et les intégrer en paix. Néanmoins, devant le fait accomplit de l’honneur qu’on lui avait fait, il s’était rendu compte, de force, que son but n’avait pas le moins du monde avancé. Oui l’honneur était grand et il en était confondu, mais il avait été plus confondu encore de se rendre compte que ses sentiments à cet égard étaient distants, qu’il goûtait tout cela de loin. De très loin. Une part de lui était restée prisonnière des terres à l’extérieur de la forêt et le remède qu’il s’était destiné n’avait pas été adéquat. Revenir sur tout cela avait alors été douloureux, mais il s’était accroché à l’idée d’être de nouveau honnête envers lui-même, comme il se le devait. Guérir prenait du temps, en particulier quand il n’existait aucun chant, aucune formule pour aider le cœur à cicatriser.
Pourtant, il n’était pas destiné à vivre sans peine, telle que son destin l’avait édicté. La paix n’était qu’un repos entre deux actes, un interlude plaisant mais non destiné à se poursuivre. Et il comprit que son repos était presque achevé lorsque son fils ramena un dragonnier vampirique au royaume elfique. L’annonce que le dragon esprit avait faite était un vent d’espoir pour le peuple de la forêt, mais en constatant que le premier de cette nouvelle génération de dragonniers était un vampire, il n’avait pu que se montrer perplexe et tempéré. Plus encore lorsque son fils démontra un attachement particulièrement fort envers cet être. Malgré tout, il s’agissait d’un dragonnier, leur futur à tous, la vie qui revenait en leurs terres. Il ne désirait pas le condamner trop rapidement. Un jugement rapide, voilà qui produisait souvent plus de mal que de bien. Voilà ce qu’il s’était dit alors, et ce qu’il avait continué à se dire aux informations, nouvelles qui parvenaient de l’extérieur. Voilà ce qu’il s’était dit lorsque le dragonnier avait rejoint les siens, avec son fils. Voilà ce qu’il s’était dit lorsque le dragonnier humain avait été tué. Qu’il ne pouvait juger trop rapidement, qu’il n’avait pas tous les éléments en main pour se faire une idée réelle de ce qui s’était passé. Pourtant l’inquiétude était là. Et il quitta de nouveau les bois, sous la garde de sa fille et de quatre autres soldats elfiques, afin de porter assistance aux hommes grâce à ses connaissances en guérison et en construction. Ce n’était qu’une humble participation, mais c’était déjà quelque chose et il espérait pouvoir retrouver une trace de son fils.
Et lorsque Merithyn était revenu, il s’était sentit soulagé. Il avait pensé… Il avait pensé que tout allait rentrer dans l’ordre. Son fils était ne deuil, mais le dragon était encore là, et l’exile qu’il avait férocement réprouvé avait été levé lorsque son enfant s’était vu attribué le statut de Gardien des Préceptes. Pour la seconde fois de son existence, il avait fait une erreur de jugement majeur, et qui lui coûtait beaucoup. Tout ne rentrait pas dans l’ordre. Quelques mois seulement et les Almaréens apparaissaient. Quelques semaines de plus et le sommet de l’alliance était en place, prêt aux négociations pour unir les peuples de la magie contre l’envahisseur. Un sommet au résultat aussi désastreux que grandiose. Pour la toute première fois dans l’histoire de leur continent, toutes les races faisaient causes communes, y comprit les vampires. Mais le Domaine… les dégâts étaient immenses, et pour certains, irréversibles. La souillure était là, le sceau néfaste également. Chacun d’eux avait fait appel à la plus pure forme de leurs éléments mais ce n’était pas encore suffisant. La terre avait la mémoire longue, elle se souviendrait encore longtemps. Il faudrait peut-être des centaines d’années avant qu’une réelle amélioration puisse être constatée. Et là encore, si cela ne suffisait pas, il s’était montré bien trop naïf. Le Domaine n’aurait jamais l’occasion de se purifier…
Âme d'Acier
Il avait défendu son fils. Quand on avait accusé Merithyn d’être corrompu par les vampires, il l’avait défendu. Quand Merithyn avait été banni, il avait plaidé sa cause. Quand le Chantefeu avait commit l’hérésie de s’en prendre à un dieu, il avait tenté d’apaiser les choses, allant jusqu’à endosser le fardeau des reproches et des jugements à la place de son enfant. Le gardien ne subirait nul jugement officiel mais la rancune était là, dans le regard de tous les elfes qu’il croisait, dans leur façon de s’adresser à lui. Il était son père, ce que Merithyn avait fait, il en portait également la responsabilité, puisqu’il l’avait élevé. Il savait que c’était ce que son entourage pensait. Il savait le venin qui s’était répandu, et il l’avait assumé, l’avait porté, en espérant ce que cela aiderait sa chair et son sang. Même lorsqu’il avait perdu Nalani dans les brumes de la perle de Néant, même au travers de tout son chagrin, sa peine immense d’avoir perdu la femme qu’il aimait, sa Prylla, son étoile gardienne, il avait continué à le protéger… Mais lorsqu’il l’avait vu sur cette monture cauchemardesque, aux côtés du prince des vampires, quand il l’avait vu vampire lui-même, reniant sa famille pour ce boucher, reniant tous les principes qui avaient constitué son existence, la sienne et celle de leurs ancêtres, tout ce que le domaine tenait pour sacré… lorsqu’il avait vu cela, il avait été incapable de continuer à lui chercher des excuses et à le protéger. Il n’avait pas pu continuer de croire qu’il y avait de bonnes explications et qu’il ne devait pas aller trop vite en jugement.
La trahison de son fils, on avait tenté de la lui imputer également, et bien qu’il ait comprit ce besoin, il ne l’avait pas accepté. Avoir vu la destruction apportée par les perles, après avoir vu la libération du Tyran et les horreurs qu’il avait commise, après avoir vu la défaite dues déesses et la création du Protectorat, il n’avait plus été le même. Les épreuves l’avait endurcit, mais plus que tout, les choix de son fils et son mépris de leurs préceptes lui avait fait comprendre combien il avait été sot. Bien trop tendre, bien trop naïf. Tout ce qu’il avait fait pour le bien de son enfant, tout ça n’avait eut pour conséquence que la destruction de ce qu’il aimait, et cette vision qui lui restait encore en cette heure, merithyn et Saeros sur leurs montures, commandant les armées de la Théocratie pendant que tout ce qui était bon et terrestre mourrait sous l’étreinte d’acier du tyran. De toutes les escarmouches et batailles des Protégés, il avait été présent, en première ligne pour aider de son mieux et guérir ceux qui en avait besoin. Il n’y avait plus de rêve en lui alors, il n’y avait plus qu’une détermination farouche à survivre et à garder ceux qui se battaient pour la liberté en vie aussi longtemps qu’il le pourrait. Il avait combattu avec des elfes, des hommes, des vampires, se mettant en danger malgré la préciosité de son statut et de ses connaissances. Il l’avait fait pour ceux qui n’avaient pas ployés face au joug. Du petit bandit de chemin au noble elfique, en passant par le mage vampirique, tant qu’ils défendaient la création des déesses, le reste n’importait pas.
Il ne s’était rien épargné, comme tous les autres, car le peu qu’il leur restait était cette liberté qu’ils défendaient, et leurs vies. Et lorsque tout s’était terminé, lorsqu’ils avaient laissé derrière eux le tyran, néant, les déesses, morneflamme et les tragédies de la guerre, il avait conclut sa propre histoire. Il l’avait conclu de la seule manière dont elle pouvait se conclure alors. Et parce que le bûcher ne pouvait rien pour son âme, il confia sa fin à l’Océan, espérant que les vagues et la chanson de l’eau, les milles histoires qu’elle recelait, la purifierait et la bercerait. Il avait gardé la lame légendaire, l’entreposant sur les terres du nouveau domaine. Elle resterait là jusqu’à trouver un nouvel élu, ou indéfiniment si elle ne se décidait pas. La paix semblait réelle, mais cette fois, il ne se laissa nullement charmer. Ce n’était qu’un repos entre deux conflits, entre deux souffrances. Ses pairs l’avait nommé Gardien, comme son fils l’avait été, et son professeur avant cela, comme son grand-père lui-même. Il avait été appelé à son tour, par son sang, ses capacités, son esprit et ses compétences… mais aussi ses souffrances, l’apprentissage qu’il avait fait tout au long de ces années rouges. Il devint Gardien, mais il ne pouvait pas accepter de boire la coupe hypocrite de la paix. Il n’avait plus assez d’innocence en lui pour qu’elle puisse l’apaiser, et il craignait alors son goût amer. Non, il avait poursuivit ses voyages, espérant accompagner la reconstruction là où elle était bien plus difficile, moins privilégiée.
Il aurait alors aimé pouvoir avouer qu’il s’était trompé, mais les chimères l’en avait empêché. Il ne s’était pas trompé. Mais il n’avait pas imaginé que ce nouveau péril leur prendrait les terres de leur naissance. La terre elle-même n’était pas la perte qu’il regrettait le plus cependant, il regrettait les vies perdues, bien que ce fut inévitable, et plus encore, les connaissances. Combien d’ouvrages et d’études avaient été perdues ? Combien d’œuvres d’art ? On pouvait dire ce que l’on voulait mais l’identité d’un peuple passait également par son héritage et il était en grand danger désormais, pour tous. C’était cela qu’il regrettait. Du voyage, il ne se souvenait pas de moments forts. Il s’était renfermé sur lui, se plongeant dans l’aide qu’il pouvait offrir, rassurant ceux autours de lui sans pour autant leur mentir. Et n’étaient-ils pas arrivés jusqu’à de nouvelles terres ? Pour beaucoup, c’était une nouvelle paix, mais il était soulagé de constater que certains ne se laissaient plus prendre à ce mensonge. La terreur qu’ils avaient laissé derrière eux finirait par les retrouver, tôt ou tard et c’était à eux de profiter du sacrifice qu’ils avaient fait pour trouver un moyen de se défendre. Et il comptait bien protéger les siens efficacement cette fois. La perte que les chimères leur avait infligé n’était que la dernière d’une longue série qu’il détestait de tout son être. Cette fois, il fallait qu’ils cessent de fermer les yeux pour se reposer.
Sur l’île de Néthéril, l’Ordre avait trouvé un lieu convenant aux exigences de leur magie pour bâtir le nouveau Domaine, et c’était là ce à quoi il s’employait depuis plus d’un an. Il avait observé de loin les guerres des hommes de Calastin avec dégoût, l’esclavagisme des pirates et des vampires avec mépris. A ses yeux, ils n’avaient pas retenus les leçons de leurs blessures, ils n’avaient pas grandit et répétaient les mêmes cercles destructeurs plutôt que de regarder plus avant. Mais il refusait de s’en mêler, ce n’était pas son devoir, ce n’était pas sa place et surtout ? Il voulait avant tout protéger les siens, vulnérables et délicats. La lumière qu’il y avait chez les résidents du domaine, voilà ce qui lui importait en premier lieu. Il était hors de question qu’ils soient les proies d’un nouveau prédateur. Et si le reste du monde voulait bien les laisser dans leur coin, ça aurait été parfait, mais c’était irréalisable. Ils étaient encore le centre de la sagesse de l’ancien monde… et il ne pouvait pas non plus fermer les yeux sur la présence des natifs. Plus récemment encore, l’apparition de changement chez les elfes et les vampires lui avait fait tourner son attention hors des murs du Domaine, les questions bien présentes…mais toujours, la sécurité de l’ordre primait pour lui.
La seule occasion où il avait accepté de quitter les travaux du domaine était une demande de l’Empereur Aegnor, le priant de reprendre temporairement ses fonctions d’architecte qu’il avait été contraint d’abandonner en étant nommé Gardien, ceci afin d’imaginer la nouvelle capitale elfique, avec lui. Et si il fut reconnaissant à Aegnor de cette proposition et de ce qu’elle recelait en son sein, il avait également été dévasté de ce qui l’avait attendu, à son retour sur les terres de l’ordre. Sa fille, dernière de ses parentes, était morte après avoir donné la vie, chose qu’elle avait toujours voulu et sans succès pendant des centaines d’années. Il avait fallut la magie de l’Archipel pour rendre cela possible, et pour la lui enlever dans le même mouvement, comme une roue juste mais cruelle. Il ne restait que l’enfant, qu’il choyait et soignait. Et à qui il épargnerait le nom qui accompagnait toutes ces souffrances. Avec l’aide de ses pairs, il effectua le rituel du nom, abandonnant son héritage et celui de la lignée des Chante-Ombres et adoptant un nouveau patronyme, voulant forger une nouvelle histoire, vierge de la souillure du passé.
* * *
Soupirant, il se massa l’arrête du nez et se redressa de son assise, détournant enfin son regard de l’eau pure du sanctuaire. Il revenait de loin, mais le chemin qu’il devait parcourir était très loin de sa fin. Non, la fusion ne serait pas pour tout de suite. En vérité… il n’était tout simplement pas prêt. Il y avait trop de questions, trop de chaînes du passé. Il était le Chantelarmes, la voix de la détresse et de la peine. Il était l’ me d’acier qui avait défié sa propre faiblesse et qui s’était imposé même auprès des plus farouches de ses opposants, défiant son destin. La guerre et la trahison avaient forgé son être en une posture diamantine… mais qui vivait par son esprit et plus assez par son cœur. Le cœur, voilà ce qu’il devait réussir à faire revivre, revenir, à faire palpiter, lui donner de la liberté. Le jour où il parviendrait à parler de nouveau avec le cœur, alors il accepterait cet appel. Il n’était pas prêt.
Liens
- Elothil Vairë :
Son petit-fils, enfant de sa fille défunte Claira. Sa venue au monde fut à la fois une joie et un chagrin. Responsable de cette petite étincelle de vie délicate, Kehlvehan a, pour lui, effectué le très ancien rituel du changement de nom, détachant magiquement son être du lourd héritage légué par la famille des Chante-Ombre, et le rejoignant dans cette nouvelle lignée encore immaculée, afin de lui donner toutes ses chances loin des ombres sordides du passé et des erreurs des autres. Protégé dans l'enceinte du Domaine Baptistral, Elothil est prit en charge tant par son grand-père que par de nombreux résidents formés à l'art de s'occuper des nourrissons. Le Gardien est extrêmement protecteur de son héritier, et celui qui voudrait lui faire du mal devra d'abord lui passer sur le corps. - Calion Vairë :
Jeune elfe d'une centaine d'année ayant perdu sa famille dans les attaques des Chimères. Le Baptistrel l'a rencontré pendant son deuil, à bord des navires de l'exile, et lui a servit de confidence, de compagnon d'infortune, et de main tendue, d'épaule sur laquelle se reposer. Leur lien s'est encore raffermit lors de la découverte de Keet-Tiamat et de Néthéril et voilà quelques semaines, le Gardien l'a officiellement adopté, avec un autre Baptistrel en témoin de la transmission du nom. Calion a beau être résidant du Royaume elfique, il dispose néanmoins d'un toit au sein du Domaine et de ses entrées auprès de sa nouvelle famille. Il s'agit d'un jeune adulte capable et franc, qui a décidé de suivre une carrière de constructeur. - Aramis Evanaelle :
Qui restera toujours Thrëdë pour lui. La haine qu'il éprouve à son égard est virulente, car à ses yeux de père en deuil, c'est elle la responsable de la déchéance de son fils. Aramis était son professeur, elle lui avait apprit leurs règles, leurs valeurs. Elle l'a forgé et lui a donné les éléments pour se construire. S'il a dévié à ce point c'est de son fait. Et quand elle a constaté le résultat ? Elle n'a même pas essayé d'aider. Cette femme a perdu tout son respect pour sa trahison. Il ne pardonnera probablement jamais ni son manquement ni son attitude depuis, et seule la discipline de l'Ordre le garde de lui vouloir du mal. Malgré l'immense respect qu'il a pour Aegnor Evanaelle, il a toujours considéré que la choisir pour impératrice des elfes était d'une absurdité sans nom. Une Cawr n'est pas faite pour régner convenablement. - Aegnor Evanaelle :
Jeune empereur des elfes qui a très bien su tenir sa place et secourir son peuple dans son pire moment de faiblesse. Il possède de nombreuses qualité et son règne semble prospère, et c'est tout ce qu'il pouvait lui souhaiter. Il est dommage que le conseil vienne contrebalancer son pouvoir, mais le souverain semble tout à fait capable de s'en tirer. Tous deux n'ont eut des interactions que de façon très récente et ils ont, ensemble, imaginé la nouvelle capitale elfique. L'investissement d'Aegnor dans le projet et sa disponibilités l'ont agréablement surpris, et cela leur a donné l'occasion de se connaître un peu mieux. Malgré son impossibilité de prendre parti et sa volonté de se focaliser sur ses pairs chanteurs, le Gardien n'a pu s'empêcher de renouveler son vœux d'assistance à l'Empereur. - Orfraie Ataliel :
Jeune, et encore innocent, il laissait tomber des pluies de pétales de fleur sur elle depuis les hauteurs des arbres et l'éclaboussait près des ruisseaux. La jeune princesse, avec ses cheveux de vin et ses grands yeux de gemmes était une source de fascination rêveuse. Il se montrait alors farouche, se dissimulant et l'esquivant après ses tours, pour la couver d'un doux regard depuis l'ombre de la futaie. En grandissant, elle devint une Cawr, comme lui, et il découvrit une femme pleine de valeurs, forte et digne, comme nulle princesse humaine ne le serait jamais. Le sacrifice de ses pouvoirs fut pour lui une grande source de tristesse, mais également de respect et même d'admiration. Une admiration qui perdura même quand elle devint vampire, alors qu'il avait pourtant haït cette race de toute son âme de lui avoir prit son fils. La volonté d'Orfraie de revenir malgré tout vers les siens, son inquiétude pour son peuple et ses vœux de paix, tout faisait d'elle, à ses yeux à lui, sa Reine choisie. Cela n'avait d'ailleurs rien à voir avec les capacités, réelles, d'Aegnor, mais il y avait des blessures et des choix qu'il comprenait viscéralement. Dans ses chants, ses odes et ses aubades, il y aurait toujours une place pour ce que la princesse en fleur avait perdue, et dans ses trilles, une place pour ce qu'elle avait trouvé. - Aldaron Leweïnra :
Là où il s'est accroché jusqu'à l'extrême à son fils, l'Indigne lui l'a rejeté. Cette différence fondamentale entre eux ne rend pas l'interaction simple, pas du tout même. Et pourtant, ironiquement, les deux elfes possèdent de nombreux avis et visions communes. Leur facette foncièrement pragmatique et rationnelle et leur affection commune pour une petite boîte à musique du nom de Valmys sont sans doute les failles qui leur permettent d'échanger civilement, mais la discipline de Kehlvehan à rester parfaitement juste et courtois est mis à rude épreuve. Trop de traumatismes entourent le passé de chacun d'eux. Ce que le Gardien reconnaît néanmoins à l'Indigne, c'est qu'il a réussi à faire cesser la guerre en Calastin, ce qui relève du miracle au sein des communautés humaines. - Valmys Neolenn :
Son principal Enwr, un jeune immaculé bien disposé bien que très traumatisé, à raison d'ailleurs. Il a bon espoir de le voir devenir maître un jour, lorsque l'appel s'élèvera. De fait, ils partagent également une passion commune, celle des sciences architecturales. Cependant, et s'il encourage Valmys à voyager pour faire ses propres expériences, il y a une chose qui dérange énormément le Chantelarme : la propension du monde extérieur à vouloir briser son apprenti, qui n'aide absolument pas ses tendances paranoïaques et protectrices. Le voir disparaître du jour au lendemain, puis réapparaître sur une plage complètement traumatisé ne lui avait déjà pas plus, mais il semble que le sort s'acharne à vouloir lui ôter son Enwr. Et il n'a pas du tout l'intention de voir advenir un second Merithyn. - Merithyn Chante-Ombre :
Son fils. Il était son fils. Chantefeu, Gardien, Destructeur du monde, Frère… du prince noir. Sa plus grande fierté et sa plus grande déception, sa plus profonde blessure, sa trahison, son traumatisme. Jusqu'au bout il avait essayé de croire en lui, seulement pour être poignardé dans le dos de la plus ignoble des façons. Merithyn n'est plus. Pour beaucoup, l' me de Feu a simplement disparue, peut-être se dissimule-t-elle ou bien s'est-elle fait ermite. Peu savent la vérité. Un groupe de chasseur Glacernois, et les maîtres chanteurs du Domaine. L' me d'acier n'aborde jamais le sujet, il est encore trop douloureux, sous la volonté diamantine. Le dernier leg de Saeros a disparu, semble-t-il, mais ceux qui visitent le sanctuaire de l'eau et contemplent la lame légendaire qui s'y trouve en viennent à se poser la question une seconde fois, ne trouvant aucune réponse dans le silence du Chantelarme. Il était sa plus profonde souffrance. Il était son destin. - Aschériit Svenn :
Enwr au sein du domaine et membre à part entière de l'ordre, sa perte est l'une des raisons qui pousse le Gardien à se montrer désormais bien plus intransigeant. Cela n'aurait jamais dû arriver et son sort est de ceux qu'il regrette énormément. Est-il encore en vie, peut-on le tirer de l'emprise des Chimères ? Peut-être. Kehlvehan recherche la question sans en parler à personne.
Derrière le clavier
- Petite présentation : Poulpe-powa
- Particularité RP ? Toujours pareil ! J'ai tenté de faire une fiche courte ^^
- Rythme RP ? Rien de plus
- Comment as-tu découvert le forum ? Déjà sur le fofo
- As-tu signé le reglement ? Oui M’dame !